?Aller plus loin :
Onfray M., (2001). Antiman-
uel de philosophie : leçons
socratiques et alternatives.
Bréal.
Kant E., (1783). Prolé-
gomènes à toute métaphy-
sique future qui pourra se
présenter comme science.
Bibliothèque des textes
philosophiques. Librairie
philosophique J. Vrin.
Kant E., (1785). Fondements
de la métaphysique des
mœurs. Bibliothèque des
textes philosophiques. Librai-
rie philosophique J. Vrin.
Kant E., (1798). Anthro-
pologie du point de vue
pragmatique. Bibliothèque
des textes philosophiques.
Librairie philosophique J.
Vrin.
Kant E., (1803). Traité de
pédagogie. Œuvres et
opuscules philosophiques.
Hachette.
p. 5 ... le cerveau !
Alban
concerne la vulgarisation, Onfray aurait comme un
manque de rigueur dans sa façon de transmettre la
philosophie. Mais il n’est pas le seul ! Pour éviter de
faire trop de références inutiles, je dirai simplement
que la philosophie est difcilement accessible dans
son ensemble. Cela est dû au fait qu’elle reste une
discipline particulière où, comme dans toute disci-
pline, il ne pourrait y avoir que des discours savants
pour des savants. Cependant, pour ceux qui veu-
lent la vulgariser, comme Michel Onfray, il y a mani-
festement un manquement au rôle, difcile parfois,
de vulgarisation philosophique.
d’Abord penser ensUite
Agir !
Parlons dès lors de ce que peut et doit enseigner le
vulgarisateur avec l’aide d’Emmanuel Kant et de sa
philosophie critique. Nous nous situons avec Kant
à la n du XVIIIe siècle, dans ce que nous appelons
la période des Lumières. L’Europe est en crise
démocratique, l’heure de la République a sonné et le
problème des limites du pouvoir politique est posé.
Kant est celui que l’on surnomme « le penseur de
la Révolution française », grâce à des œuvres telles
que Qu’est-ce que les Lumières ou Critique de la
raison pure. En bref, Kant montre que notre pouvoir
de connaître est limité. Par les sciences nous pou-
vons parler d’un vrai savoir, dans la mesure où nous
pouvons tirer de l’expérience des lois universelles.
En philosophie il s’agit quasiment de l’inverse : il
faut d’abord penser et ensuite agir ! Comme pour le
concept de liberté : pensons la logiquement, selon
qu’elle puisse être universelle et ensuite mettons la
en pratique !
La difculté en philosophie pour Kant est de com-
prendre que la raison a une part consacrée aux
sciences, donc à l’élaboration des lois de toute ex-
périence possible. Une autre partie de la raison va
naturellement penser plus loin, en dehors du monde
sensible : la cause de l’univers, le Monde, l’amour,
la politique, l’Homme… Ces concepts doivent être
pensés en connaissant leurs sources, leurs origines
et leurs logiques internes.
Kant a sûrement fait bailler d’effroi la plupart d’entre
nous lorsqu’en classe de terminale nous pouvions
lire : Prolégomènes à toute métaphysique future,
Critique de la raison pure pratique ou encore Sur
l’usage des principes théologiques en philosophie.
Un peu comme si nous participions à un jeu sans en
connaître les règles. Pourtant, ce côté énigmatique
a probablement fait de Kant l’un des plus grands
philosophes de l’humanité puisqu’il s’est toujours
efforcé d’utiliser un langage très pointilleux et sci-
entique.
rendre son sAvoir
Accessible A toUs
S’il avait une seconde vie, il l’aurait certainement
vouée à la vulgarisation philosophique car malgré
la difculté que l’on peut avoir à le comprendre,
son désir était de rendre son savoir accessible
à tous. Pour Kant, le vulgarisateur est d’abord
un chercheur : il s’élève au plus haut dans la
connaissance de la raison an d’avoir le pouvoir
ensuite la simplier. Kant dénonce la philosophie
populaire des Lumières (dans laquelle je place
l’Antimanuel d’Onfray en avouant l’anachronisme)
et parle d’un droit à la vulgarisation que seul le
travail fondateur et rigoureux évoqué plus haut peut
conférer. La réexion pure est le travail du philosophe,
la vulgarisation une continuité de ce travail. Il n’y a
pas de vulgarisateur qui ne soit philosophe. Rien
n’est plus sérieux que la vulgarisation car elle est
proprement l’art du savant, l’œuvre de l’artiste qui
sait satisfaire l’esprit (au sens du plaisir !). Elle nous
offre une double satisfaction : elle répond au besoin
de la raison pure par une perfection logique et au
désir des sens par une perfection esthétique. Plus
vulgairement, le vulgarisateur doit chercher à unir
la perfection logique avec la perfection esthétique.
Autrement dit combler l’écart de nature qu’il y a entre
l’entendement (faculté de connaître) et la sensibilité
(faculté de sentir). Il s’agit en vérité d’enrichir la
nature humaine, désireuse de bonheur (la raison
pratique) à travers un besoin inlassable et naturel
d’avoir du plaisir (la sensation).
“C’e s t Ka n t q u i v O u s p a r l e !”
Il faut encourager les gens à penser rigoureusement
les choses, les inciter à rééchir avec comme base
de réexion la philosophie de nos aïeux. Même si
la philosophie ne connaît en ce jour que peu de
vulgarisateurs au sens où nous l’avons décrit, il ex-
iste des textes très abordables. Kant demeure un
penseur indispensable. Pour les plus téméraires,
allez jeter un œil au Court traité de pédagogie et
pour ceux qui y voient un contremaître, feuilletez
les romans philosophique et continuez la causette
intelligente !
“ Ou i m a i s s a g e m e n t v u l g a i r e ”