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L.P.L
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...
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dire je-t-aime, c'est faire comme s'il n'y avait aucune théâtre de
la
parole et
ce
mot est toujours vrai
(il
n'a d'autre référent que
sa
pro-
fération : c'est un performatif) (p. 176).
Ce
n'est pas un symptôme, mais une action (p. 180).
Je
t'aime,
première
personne
du
singulier,
présent
de
l'indicatif:
Roland Barthes précise qu'il
ne
s'agit pas
de
n'importe
quel
Je
t'aime,
mais
du
premier
Je
t'aime,
du
Je
t'aime
inaugural:
Passé
le
premier aveu, « je t'aime» ne veut plus rien dire;
il
ne
fait que reprendre d'une façon énigmatique, tant elle paraît vide,
l'ancien message (qui peut-être n'est pas passé par
ces
mots)3
(p. 175).
La
performativité
de
Je
t'aime résiderait
dans
la
coïncidence
entre
le
dire
et
le
dit
:
Le
mot (la phrase-mot)
n'a
de sens qu'au moment où
je
la
pro-
nonce;
il
n'y a en lui aucune information que son dire immédiat
(p. 177).
Enfin,
l'acte
spécifique constitué
par
ce cri
d'amour
initial:
On
pourrait l'appeler une
profération
(p. 177).
bien
qu'il
soit
décrit
ultérieurement
comme
correspondant
à
une
«
requête"
(p. 180)
4.
Au
premier
abord,
l'idée
d'une
valeur
performative
associée à
Je
t'aime
paraît
bien
séduisante,
d'autant
plus que,
comme
le
note
également
Roland
Barthes:
Ce
bloc, la moindre altération syntaxique l'effondre:
il
est
pour
ainsi dire hors syntaxe et ne s'offre à aucune transfonnation
structurale (p. 175)
Comme
les verbes
performatifs,je
t'aime est employé à la
première
personne
du
singulier,
au
présent
de l'indicatif.
De
même,je
t'aime
doit
être
syntaxiquement
autonome:
Il ya
longtemps
que
je t'aime
ou
(Je
te
dis
+
Je
prétends)
que
je t'aime
ne
sauraient
correspondre
à la pro-
3.
-SelonJ.-P. Maurel (communication
personnelle),
ces
récurrences
deJe
t'aime
pourraient
être mises
en
relation avec la fonction
phatique
du
langage telle
qu'elle
est définie
par
Jakobson
(1962).
Et
il
ajoute
qu'il
en
est
de
même
pour
d'autres
performatifs
(au sens large), le
président
de
l'Assemblée Nationale
pouvant
procéder
à des rappels (La
séance
est
(toujours +
encore)
ouverte)
ce qui
implique,
entre
autres,
que
tout
ce qui est
dit
peut
être
consigné.
4.
-Cf.
également
l'emploi
des
termes
«
demandeur»
et
«
demande
..
(p. 178).
LI.&.-
.......
L~~VNV.l1"\..1.1V.1.1~
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1
LUIYill
111
fération
initiale
d'un
cri
d'amour.
Bien plus, ce
Je
t'aime,
qualifié
par
Barthes
de
performatif,
n'admet
aucune
forme
de
complé-
mentation
adverbiale:
pas
de
quantification, y compris
une
forme
de
quantification
qui
réfère
aux
grandes
quantités
(Je
t'aime
beau-
couP),
pas
de
complément
temporel
(Je
t'aime depuis
((trois
(minutes
+ jours + ans)) + (toujours)))
ou
encore:
En général, je t'aime;
Aujourd'hui, je
t'aime,
etc.)5, ce
qui
justifie la
graphie
utilisée
par
Roland
Barthes:
Je-t-aime.
Le
comportement
de
Je
t'aime
par
rapport
à la
négation
s'ap-
parente
à celui des
énoncés
performatifs:
il
est
possible
de
nier
le
fait
énoncé:
.
- Carmen,
je
t'aime.
-Non, tu ne m'aimes
pas.
Non, tu ne m'aimes
pas.
" (
Carmen,
Acte
II,
Livret de Meilhac et
Halévy,
Musique
de
G.
Bizet)
Une
fois
de
plus,
seul
le
contenu
de
l'acte,
et
non
pas l'acte lui
même,
peut
être
nié,
ce
que
Barthes
exprime
de
la façon sui-
vante:
c'est mon langage, dernier repli
de
mon existence, qui est nié, non
ma demande (p. 178).
Comme
dans le cas
des
performatifs
au
sens large,
il
est possible
de
remettre
en
cause
l'autorité
du
locuteur
au
moyen
d'une
formule
du
type : Pour qui il
se
prend,
celui-là? ! Enfin,
J-P.
Maurel
(communication personnelle) signale
que
Je
t'aimepartage
une
autre
propriété
avec les
performatifs
au
sens
large:
alors
que
les verbes
performatifs
sont
difficilement utilisables
au
présent
descriptif
(A:
(Tu
vois
+
Regarde
+ Tu
sais),
je
te
dis
qu'il
est
cinq
heures.
B :
C'est
vraz'6.)
, les
énoncés
performatifs
admettent
sans difficulté ce type
de
construction (A: (Tu
vois
+
Regarde
+
Tu
sais),
la
séance
est
ouverte.
B :
C'est
vrai.).
Je-t-aime
semble se
comporter
de
façon analogue (A: -
(Tu
vois
+
Regarde
+
Tu
sais),
je
t'aime.
B:
-
C'est
vraz).
Il semble cepen-
dant
que
cette
propriété
ne
concerne
pas
la
première
occurrence
de
Je
t'aime (voir
note
3).
En
ce
qui
concerne
la
question
de
la
valeur
de
vérité attri-
buable
àJe
t'aime,
différents
points
de
vue
peuvent
être
soutenus.
Selon Barthes,je
t'aime
est« toujours vrai»
(Ibid.,
p. 176), tandis
que
S.
-... etJe t'aime infiniment
ne
saurait constituer
une
expression inaugurale.
6. -
Cet
enchaînement
discursif est possible si
la
réplique
de
B
porte
sur
le
contenu
de
l'assertion
(B
:
C'est
vrai,
il
est
cinq
heum.) mais
peu
naturel, voire
même
exclu, si elle
porte
sur
l'acte
lui-même
(B
:
C'est
vrai, tu
me
le
dis).