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CHRONIQUE
MINUTE PAPILLON Migros Magazine 49, 30 novembre 2009
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Je prépare une conférence
Jean-François Duval,
journaliste
Drôle d’aventure.
Un ami écrivain à
Paris m’appelle:
dans un texte qu’il
est en train d’écri-
re et mû par Dieu
sait quelle lubie, il me fait prononcer une
conférence sur Blaise Cendrars –le plus
mythique des écrivains suisses romands,
ami d’Apollinaire, Modigliani, Henry
Miller… Ai-je par hasard, me demande-t-il,
jamais prononcé une conférence sur Blaise
Cendrars? Ou alors, suis-je peut-être juste-
ment en train d’en préparer une? Or, tel
n’est pas le cas.
C’est bien embêtant, car si nous voulons que le
texte de mon ami tienne la route,
il serait sou-
haitable que je me sois un peu mêlé de la vie
ou de l’œuvre de Blaise Cendrars, ne trou-
vez-vous pas? Les écrits, s’ils prétendent à
la vérité, doivent reposer sur des faits. En-
core qu’on ne sache pas toujours, des faits
ou de la parole, qui prend les devants. La
Bible y insiste dès sa première phrase: au
commencement était le Verbe. Plus prosaï-
quement, un flic verbalise avant de vous
coller une contravention. Au fond, toute
notre vie est comme ça: nous nous payons
d’abord de mots, d’idées, nous nous fixons
des buts, des objectifs qui n’ont aucune réa-
lité tant que, pouf! grâce à nos efforts, ceux-
ci prennent éventuellement corps. Les ca-
thédrales gothiques sont nées de là autant
que la révolution bolchevique.
Qui me dit qu’en mon for intérieur, je ne
suis pas en train de préparer une conférence
sur Blaise Cendrars? D’ailleurs, mon ami
et moi, ne venons-nous pas de passer cinq
minutes au téléphone à parler de ce géant
des lettres: c’est déjà presque une confé-
rence, un cours en Sorbonne! N’ai-je pas lu
L’Or,Moravagine,Partir,Bourlinguer,J’ai
tué? Oui, j’ai lu tout ça. Bon, me dit mon
ami, une autre possibilité serait que tu te
contentes de consacrer à Cendrars l’une de
tes Minute Papillon… Après tout, du mo-
ment que Cendrars fait partie de tes intérêts
présents... et il en fait partie, n’est-ce pas?
Rien n’est plus vrai. Vendu!
Sitôt le combiné reposé, je n’arrête plus de penser
à Cendrars.
Je me souviens combien, lisant
une étude parue il y a vingt ans aux Editions
Hugues Richard, Cendrars m’était devenu
sympathique par le fait qu’il corrigeait les
épreuves de ses livres sur des cargos qui l’en-
traînaient au bout du monde et qu’en consé-
quence, l’esprit ailleurs, il laissait passer
quantité de coquilles; sans ses correcteurs
parisiens, Cendrars se serait éteint comme
un feu dont on ne prend pas soin.
Il est vrai que L’Or, qui retrace la vie du gé-
néral suisse Suter et sa découverte de tout
l’or de Californie, m’a fortement déçu, c’est
une épopée putassière, simplement écrite
parce que ce bourlingueur à l’esprit vaga-
bond devait se refaire financièrement (d’où
le thème de ce livre?) Qu’importe: le Verbe,
encore lui, fut à l’origine d’un best-seller
sonnant et trébuchant. Si je remonte le fi-
lon de ma mémoire, je tombe aussi sur La
Prose du Transsibérien.Cendrars n’aurait ja-
mais pris ce train-là. Mais va-t-onreprocher
à un affabulateur de faire son métier?!
Le seul point sur lequel Cendrars me navre, du
point de vue de l’invention et de l’affabulation,
c’est son nom.
Pourquoi le Chaux-de-Fonnier
Frédéric-Louis Sauser s’est-il choisi un pseu-
donyme aussi redondant?! Que Blaise ren-
voie à braise et Cendrars à cendre est déjà
assez évident. Mais qu’on associe les deux!
Pourquoi faire claquer le drapeau deux fois?
Comme si vous et moi étions bouchés? Cet
homme devait être moins sûr de lui que ne
le laisse entendre sa légende.
Pardonnons tout ça, comme on pardonne
tout à Hemingway ou Gary. Car quelle vi-
gueur chez ces gens-là, dont la plume est à
dix mille lieues de la langue exsangue et des
ectoplasmes de la production littéraire
contemporaine! Voyons, où ai-je mis le nu-
méro de mon ami? L’allusion qu’il fait dans
son texte à mon intérêt pour Cendrars est
en train de grandement se justifier. Ma
conférence prend forme, elle mijote, elle
bout! Allô, allô? Cher ami, ma conférence
est prête.