Le principe anarchiste

publicité
Le principe anarchiste
Kropotkine
1913
Page de couverture : Photo, Prague 1968, droits réservés.
Table des matières
Préface des Editions de Londres
Biographie de l’Auteur
Le principe anarchiste
1
Préface des Editions de Londres
« Le principe anarchiste » est un court texte de Kropotkine
publié en 1913, dans les Temps nouveaux. Ecrit huit ans avant sa
mort, c’est un texte tardif qui, selon Les Editions de Londres
offre en quelques pages au lecteur la possibilité de tirer la
substantifique moelle de l’idée anarchiste.
Histoire de l’anarchie
Outre son éloquence, encore plus palpable, presque plus
visible dans ses textes courts, Kropotkine nous démontre une fois
encore que si Reclus est le géographe de l’anarchie, Bakounine le
grand prêtre (car il y a bien du religieux dans Bakounine),
Kropotkine en est l’historien. Et quel historien ! "A ses débuts,
l’Anarchie se présenta comme une simple négation." Oui, tout
mouvement qui ne souhaite pas composer avec l’inacceptable
naît d’abord de la négation. "Négation de toute espèce
d’autorité. Négation encore des formes établies de la société,
basées sur l’injustice, l’égoïsme absurde et l’oppression, ainsi
que de la morale courante, dérivée du Code Romain, adopté
et sanctifié par l’Eglise chrétienne. C’est sur cette lutte,
engagée contre l’autorité, née au sein même de
l’internationale, que le parti anarchiste se constitua comme
parti révolutionnaire distinct."
Kropotkine décrit ensuite l’évolution de l’anarchie vers
l’affirmation "d’une société libre, sans autorité, marchant à la
conquête du bien-être matériel, intellectuel et moral". Il
démonte habilement les mécanismes d’exploitation qui nous
donnèrent les sociétés post-chrétiennes fondées sur la domination
combinée des éléments de l’Etat, soutenu par la Noblesse, les
anciens conquérants, ou une sorte de caste aristocratique,
l’Eglise, ou l’institution du religieux, et enfin la caste capitaliste,
qui dans toutes les sociétés gagna en prééminence avec le progrès
technologique issu des avancées de la Renaissance, menant à la
chute de la Noblesse, puis du Clergé, puis à la transmutation du
monarchique en pouvoir élu, d’abord par les intérêts financiers,
utilisant des moyens évoluant avec le progrès technologique,
financement des partis puis médias audiovisuels.
2
Kroptokine regrette la perte d’influence de la philosophie. Il
rejoint Nietzsche dans sa critique de la philosophie allemande et
son admiration pour Voltaire.
"A cette époque là, les affameurs redoutaient la
philosophie. Mais les curés et les gens d’affaires, aidés par
des philosophes universitaires allemands, au jargon
incompréhensible, ont parfaitement réussi à rendre la
philosophie inutile, sinon ridicule. ". D’ailleurs, dans
l’influence de la philosophie allemande du Dix Neuvième siècle,
avec cette dématérialisation sémantique, cette utilisation perverse
du langage pour recréer un réel en dehors du réel, n’a-t-on pas les
prémices de la réflexion communiste, philosophie avant tout
allemande, que les philosophes français et allemands porteront
(la philosophie, pas le communisme) à une degré encore jamais
atteint d’incompréhensibilité.
L’anarchisme, principe d’une renaissance intellectuelle
Si l’anarchisme commence en tant que négation,
Kropotkine insiste sur son rôle reconstructeur (ce que Les
Editions de Londres, signataires de la pétition néoschumpétérienne de renaissance parisienne par la destruction puis
la reconstruction de Paris, ne peuvent qu’applaudir). Il n’a pas la
méfiance d’un Bakounine vis-à-vis de la science. Un de ses
grands thèmes, c’est le parallélisme entre le développement des
sciences physiques, naturelles et sociales, et celle de
l’organisation sociale, thème qu’il poussera parfois jusqu’à ses
limites comme dans La morale anarchiste.
Le principe anarchiste
Des discours sur l’essence de l’anarchisme, Kropotkine en a
écrit plus que son compte. Ce qui est intéressant dans ce petit
texte, c’est qu’il est à la recherche de son principe constructeur.
Alors, à tous les détracteurs de Kropotkine, à ceux qui
maintinrent qu’il fut récupéré par la Russie soviétique, qui
s’inscrivait déjà à l’opposé des idées qu’il soutint toute sa vie,
Les Editions de Londres répondent qu’il n’en est rien. Le
principe anarchiste, c’est le principe de la liberté.
Une nouvelle fois, écoutons-le : "C’est que contre tous ces
partis, les anarchistes sont les seuls à défendre en son entier
le principe de la liberté. Tous les autres se targuent de rendre
3
l’humanité heureuse en changeant, ou en adoucissant la
forme du fouet. S’ils crient « à bas la corde de chanvre du
gibet », c’est pour la remplacer par le cordon de soie,
appliqué sur le dos. Sans fouet, sans coercition, d’une sorte
ou d’une autre, sans le fouet du salaire ou de la faim, sans
celui du juge ou du gendarme, sans celui de la punition sous
une forme ou sous une autre, ils ne peuvent concevoir la
société."
© 2011- Les Editions de Londres
4
Biographie de l’Auteur
Le prince Piotr Alekseïevitch Kropotkine (1842-1921) est
un célèbre géographe et l’un des plus grands théoriciens de
l’anarchisme. Pour certains, c’est aussi le fondateur de l’anarchocommunisme.
Les cosaques
Issu de la haute noblesse moscovite, Kropotkine a un
parcours extraordinaire et tumultueux. Il entre à l’âge de quinze
ans dans l’armée impériale russe, est affecté dans un régiment de
Cosaques en Sibérie, étudie ensuite les mathématiques et la
géographie à l’Université de Saint-Pétersbourg, puis dés 1872 il
fait partie de la fédération jurassienne de la Première
Internationale. Militant clandestin, il est emprisonné, s’évade,
puis se réfugie en Grande Bretagne comme tous les anarchistes.
Il repasse en France, est arrêté à Lyon, essaie les prisons
françaises pendant trois ans, ce qui lui inspire un ouvrage
comparatif, « Dans les prisons russes et françaises ». Il est libéré
en partie grâce à l’intervention de Victor Hugo. De retour en
Grande-Bretagne, il écrit L’entraide, un facteur de l’évolution,
dont les principes, qui préconisent la disparition de l’Etat, du
Gouvernement et la collectivisation des moyens de production
industriels et agricoles, inspirent l’insurrection d’inspiration
anarchiste de Nestor Makhno à travers l’Ukraine.
L’anarcho-communisme...
5
L’anarcho-communisme c’est pour certains l’anarchisme,
pour d’autres, tels que les Editions de Londres, c’est une branche
de l’anarchisme dont la juxtaposition au communisme alourdit
tellement la branche qu’elle plie, se casse, et s’effondre dans un
bruit de bois vert et mouillé. Il faut tout de même reconnaître que
l’anarcho-communisme, cela ne sonne pas bien. Attention, les
Editions de Londres ne sont pas contre les associations de mots
un peu curieuses, créatrices de sens, voire gênantes. A vrai dire,
elles les encouragent. Les Editions de Londres sont des
inconditionnels du surréalisme et du dadaïsme. En revanche,
l’anarcho-communisme, cela ressemble un peu au PRI, Parti
Révolutionnaire Institutionnel, ou encore au Revenu Minimum
d’Insertion, c’est-à-dire des concepts dont la réalité s’oppose
tellement à la théorie qu’ils se paient la tête de ceux qu’ils sont
censés représenter. Si cette affirmation paraît indiscutable dans le
cas du RMI (le mot insertion est presque une insulte à la face du
récipiendaire, puisqu’il n’a aucune chance de s’insérer nulle part,
si ce n’est dans la queue pour toucher son chèque), du PRI (rien
de révolutionnaire, tout d’institutionnel, surtout la corruption, les
orgies organisées et les meurtres politiques commandités), elle
doit être modérée dans le cas de l’anarcho-communisme.
Kropotkine s’inscrit dans la mouvance de Bakounine et essaie de
pallier aux déficiences supposées de son maître à penser, comme
beaucoup des anarchistes orphelins qui pullulent en Europe à la
fin du Dix Neuvième siècle (et oui, pas beaucoup d’anarchistes
politiques aux Etats-Unis). Pourtant, pour résumer, les principaux
points communs entre Bakounine et Kropotkine, c’est l’amour de
la liberté, l’importance de la révolte, la haine de l’Etat
centralisateur et de la brutalité que l’autorité non contrôlée finit
toujours par exercer sur ceux qui ont eu l’imprudence de lui
confier les clés du pouvoir. Kropotkine reconstruit un quasidogmatisme bien intentionné, comme la plupart des socialismes
d’ailleurs, mais, influencé par sa vision unilatérale d’un monde
humain comparable dans ses structures à n’importe quel monde
animal, il oublie l’essentiel, il oublie un des points sur lesquels
les critiques anarchistes ne se penchent pas assez, un point que
Orwell semble d’ailleurs noter dans sa description de Barcelone
pendant ses premier et deuxième voyage : la difficile et
irréconciliable contradiction entre l’empathie sociale qui lie les
êtres humains entre eux et l’amour inconditionnel de la liberté,
dont les manifestations s’opposent parfois aux intérêts de la
communauté élargie.
6
Kropotkinskaïa
On comprend ainsi pourquoi Kropotkine a sa station de
métro. Ce fut le point clé de la première visite de EDL à
Moscou : pourquoi Kropotkine a sa station et pas Bakounine ?
C’est l’une des plus belles stations du métro de Moscou, qui est
probablement le plus beau métro du monde. La station est
ouverte en 1935, en pleine purge Stalinienne. La conclusion reste
ouverte, car si Les Editions de Londres consacreront beaucoup de
pages et de titres aux auteurs anarchistes, ses admirateurs comme
ses détracteurs trouveront curieux qu’elles commencent avec
deux textes de Kropotkine, dont elles récusent certaines des
idées. Mais c’est ça, l’esprit EDL, le goût de la confrontation des
points de vue. Les Editions de Londres pensent que Kropotkine,
dans son effort de construction systématique, trahit certains
principes de l’esprit anarchiste, et que ceci n’échappe pas à
l’Union Soviétique stalinienne qui voit dans l’anarchocommunisme une belle opportunité de récupérer les débris de la
mouvance anarchiste.
Voilà ce que nous apprend une station de métro…
Kropotkine est un grand écrivain. Et la beauté de ses textes
est parfois à couper le souffle : La morale anarchiste, L’esprit de
révolte, L’Anarchie, sa philosophie, son idéal, Le principe
anarchiste, On ne peut pas améliorer les prisons, et La Loi et
l’Autorité.
© 2011- Les Editions de Londres
7
Le principe anarchiste
A ses débuts, l’Anarchie se présenta comme une simple
négation. Négation de l’État et de l’accumulation personnelle du
Capital. Négation de toute espèce d’autorité. Négation encore des
formes établies de la Société, basées sur l’injustice, l’égoïsme
absurde et l’oppression, ainsi que de la morale courante, dérivée
du Code romain, adopté et sanctifié par l’Église chrétienne.
C’est sur cette lutte, engagée contre l’autorité, née au sein
même de l’Internationale, que le parti anarchiste se constitua
comme parti révolutionnaire distinct.
Il est évident que des esprits aussi profonds que Godwin,
Proudhon et Bakounine, ne pouvaient se borner à une simple
négation. L’affirmation - la conception d’une société libre, sans
autorité, marchant à la conquête du bien-être matériel, intellectuel
et moral - suivait de près la négation ; elle en faisait la
contrepartie. Dans les écrits de Bakounine, aussi bien que dans
ceux de Proudhon, et aussi de Stirner, on trouve des aperçus
profonds sur les fondements historiques de l’idée anti-autoritaire,
la part qu’elle a joué dans l’histoire, et celle qu’elle est appelée à
jouer dans le développement futur de l’humanité.
« Point d’État », ou « point d’autorité », malgré sa forme
négative, avait un sens profond affirmatif dans leurs bouches.
C’était un principe philosophique et pratique en même
temps, qui signifiait que tout l’ensemble de la vie des sociétés,
tout, - depuis les rapports quotidiens entre individus jusqu’aux
grands rapports des races par-dessus les Océans, - pouvait et
devait être réformé, et serait nécessairement réformé, tôt ou tard,
selon les principes de l’anarchie - la liberté pleine et entière de
l’individu, les groupements naturels et temporaires, la solidarité,
passée à l’état d’habitude sociale.
Voilà pourquoi l’idée anarchiste apparut du coup grande,
rayonnante, capable d’entraîner et d’enflammer les meilleurs
esprits de l’époque.
Disons le mot, elle était philosophique.
Aujourd’hui on rit de la philosophie. On n’en riait
cependant pas du temps du Dictionnaire philosophique de
Voltaire, qui, en mettant la philosophie à la portée de tout le
8
monde et en invitant tout le monde à acquérir des notions
générales de toutes choses, faisait une œuvre révolutionnaire,
dont on retrouve les traces, et dans le soulèvement des
campagnes, et dans les grandes villes de 1793, et dans l’entrain
passionné des volontaires de la Révolution. A cette époque là, les
affameurs redoutaient la philosophie.
Mais les curés et les gens d’affaires, aidés des philosophes
universitaires allemands, au jargon incompréhensible, ont
parfaitement réussi à rendre la philosophie inutile, sinon ridicule.
Les curés et leurs adeptes ont tant dit que la philosophie c’est de
la bêtise, que les athées ont fini par y croire. Et les affairistes
bourgeois, - les opportunards blancs, bleus et rouges - ont tant ri
du philosophe que les hommes sincères s’y sont laissé prendre.
Quel tripoteur de la Bourse, quel Thiers, quel Napoléon, quel
Gambetta ne l’ont-ils pas répété, pour mieux faire leurs affaires !
Aussi, la philosophie est passablement en mépris aujourd’hui.
Eh bien, quoi qu’en disent les curés, les gens d’affaires et
ceux qui répètent ce qu’ils ont appris, l’Anarchie fut comprise
par ses fondateurs comme une grande idée philosophique. Elle
est, en effet, plus qu’un simple mobile de telle ou telle autre
action. Elle est un grand principe philosophique. Elle est une vue
d’ensemble qui résulte de la compréhension vraie des faits
sociaux, du passé historique de l’humanité, des vraies causes du
progrès ancien et moderne. Une conception que l’on ne peut
accepter sans sentir se modifier toutes nos appréciations, grandes
ou petites, des grands phénomènes sociaux, comme des petits
rapports entre nous tous dans notre vie quotidienne.
Elle est un principe de lutte de tous les jours. Et si elle est
un principe puissant dans cette lutte, c’est qu’elle résume les
aspirations profondes des masses, un principe, faussé par la
science étatiste et foulé aux pieds par les oppresseurs, mais
toujours vivant et actif, toujours créant le progrès, malgré et
contre tous les oppresseurs.
Elle exprime une idée qui, de tout temps, depuis qu’il y a
des sociétés, a cherché à modifier les rapports mutuels, et un jour
les transformera, depuis ceux qui s’établissent entre hommes
renfermés dans la même habitation, jusqu’à ceux qui pensent
s’établir en groupements internationaux.
Un principe, enfin, qui demande la reconstruction entière de
toute la science, physique, naturelle et sociale.
9
Ce côté positif, reconstructeur de l’Anarchie n’a cessé de se
développer. Et aujourd’hui, l’Anarchie a à porter sur ses épaules
un fardeau autrement grand que celui qui se présentait à ses
débuts.
Ce n’est plus une simple lutte contre des camarades d’atelier
qui se sont arrogé une autorité quelconque dans un groupement
ouvrier. Ce n’est plus une simple lutte contre des chefs que l’on
s’était donné autrefois, ni même une simple lutte contre un
patron, un juge ou un gendarme.
C’est tout cela, sans doute, car sans la lutte de tous les jours
- à quoi bon s’appeler révolutionnaire ? L’idée et l’action sont
inséparables, si l’idée a en prise sur l’individu ; et sans action,
l’idée même s’étiole.
Mais c’est encore bien plus que cela. C’est la lutte entre
deux grands principes qui, de tout temps, se sont trouvés aux
prises dans la Société, le principe de liberté et celui de
coercition : deux principes, qui en ce moment-même, vont de
nouveau engager une lutte suprême, pour arriver nécessairement
à un nouveau triomphe du principe libertaire.
Regardez autour de vous. Qu’en est-il resté de tous les partis
qui se sont annoncés autrefois comme partis éminemment
révolutionnaires ? - deux partis seulement sont seuls en
présence : le parti de la coercition et le parti de la liberté ; Les
Anarchistes, et, contre eux, - tous les autres partis, quelle qu’en
soit l’étiquette.
C’est que contre tous ces partis, les anarchistes sont seuls à
défendre en son entier le principe de la liberté. Tous les autres se
targuent de rendre l’humanité heureuse en changeant, ou en
adoucissant la forme du fouet. S’ils crient « à bas la corde de
chanvre du gibet », c’est pour la remplacer par le cordon de soie,
appliqué sur le dos. Sans fouet, sans coercition, d’une sorte ou
d’une autre, - sans le fouet du salaire ou de la faim, sans celui du
juge ou du gendarme, sans celui de la punition sous une forme ou
sur une autre, - ils ne peuvent concevoir la société. Seuls, nous
osons affirmer que punition, gendarme, juge, faim et salaire n’ont
jamais été, et ne seront jamais un élément de progrès ; et que
sous un régime qui reconnaît ces instruments de coercition, si
progrès il y a, le progrès est acquis contre ces instruments, et non
pas par eux.
Voilà la lutte que nous engageons. Et quel jeune cœur
honnête ne battra-t-il pas à l’idée que lui aussi peut venir prendre
10
part à cette lutte, et revendiquer contre toutes les minorités
d’oppresseurs la plus belle part de l’homme, celle qui a fait tous
les progrès qui nous entourent et qui, malgré dela, pour cela
même fut toujours foulée aux pieds !
- Mais ce n’est pas tout.
Depuis que la divison entre le parti de la liberté et le parti de
la coercition devient de plus en plus prononcée, celui-ci se
cramponne de plus en plus aux formes mourantes du passé.
Il sait qu’il a devant lui un principe puissant, capable de
donner une force irrésistible à la révolution, si un jour il est bien
compris par les masses. Et il travaille à s’emparer de chacun des
courants qui forment ensemble le grand courant révolutionnaire.
Il met la main sur la pensée communaliste qui s’annonce en
France et en Angleterre. Il cherche à s’emparer de la révolte
ouvrière contre le patronat qui se produit dans le monde entier.
Et, au lieu de trouver dans les socialistes moins avancés que
nous des auxilliaires, nous trouvons en eux, dans ces deux
directions, un adversaire adroit, s’appuyant sur toute la force des
préjugés acquis, qui fait dévier le socialisme dans des voies de
traverse et finira par effacer jusqu’au sens socialiste du
mouvement ouvrier, si les travailleurs ne s’en aperçoivent à
temps et n’abandonnent pas leurs chefs d’opinion actuels.
L’anarchiste se voit ainsi forcé de travailler sans relâche et
sans perte de temps dans toutes ces directions.
Il doit faire ressortir la partie grande, philosophique du
principe de l’Anarchie. Il doit l’appliquer à la science, car par
cela, il aidera à remodeler les idées : il entamera les mensonges
de l’histoire, de l’économie sociale, de la philosophie, et il aidera
à ceux qui le font déjà, souvent inconsciemment, par amour de la
vérité scientifique, à imposer le cachet anarchiste à la pensée du
siècle.
Il a à soutenir la lutte et l’agitation de tous les jours contre
oppresseurs et préjugés, à maintenir l’esprit de révolte partout où
l’homme se sent opprimé et possède le courage de se révolter.
Il a à déjouer les savantes machinations de tous les partis,
jadis alliés, mais aujourd’hui hostiles, qui travaillent à faire
dévier dans des voies autoritaires, les mouvements nés comme
révolte contre l’oppression du Capital et de l’État.
Et enfin, dans toutes ces directions il a à trouver, à deviner
par la pratique même de la vie, les formes nouvelles que les
11
groupements, soit de métier, soit territoriaux et locaux, pourront
prendre dans une société libre, affranchie de l’autorité des
gouvernements et des affameurs.
La grandeur de la tâche à accomplir n’est-elle pas la
meilleure inspiration pour l’homme qui se sent la force de lutter ?
N’est-elle pas aussi le meilleur moyen pour apprécier chaque fait
séparé qui se produit dans le courant de la grande lutte que nous
avons à soutenir ?
Pierre Kropotkine
FIN
______________________________________
12
Published by Les Editions de Londres
© 2012— Les Editions de Londres
www.editionsdelondres.com
ISBN : 978-1-908580-38-2
Il a osé... Qui l'aurait cru ?
Le dernier roman du Comte Kerkadek s'en prend à... Paris !!!
C'est le crime capital contre la capitale.
Rendez-vous sur l'île des apostats, et rencontrez le dynamiteur
fou et son projet pour Paris...
Découvrez "L'homme qui n'aimait pas Paris" du Comte
Kerkadek !
Cliquer ici.
13
Téléchargement