© Futuribles, Système Vigie, 16 décembre 2008 
Brève Vigie, 16 décembre 2008 
 
La Chine cherche à accélérer l’exode rural 
 
Alors  que  la  Chine  cherche  dans  les  terres  agricoles  étrangères  un  moyen  d’assurer  son 
approvisionnement  alimentaire  [voir  la  brève  sur  ce  sujet  (1)],  la  probable  récession 
économique mondiale inquiète les dirigeants chinois par ses conséquences sur la production 
agricole  nationale.  En  effet,  le  pays  est  un  exportateur  net  de  produits  agricoles,  et  ses 
quelque  750  millions  de  ruraux  pourraient,  de  ce  fait,  être  frappés  de  plein  fouet  par  une 
éventuelle baisse des exportations. 
 
Lors  d’une  réunion  du  PCC  (parti  communiste  chinois)  début  octobre  2008,  l’idée  d’une 
réforme du droit d’usage  des terres  agricoles dans  le pays  a été  sérieusement discutée,  une 
initiative plutôt ambitieuse compte tenu du fonctionnement du système actuel. 
 
En  effet,  depuis  la  décollectivisation  des  années  1980, en  Chine,  la  terre  est  une  propriété 
collective,  et  les  paysans  se  voient  accorder  un  droit  d’usage  d’une  durée  de  30  ans.  La 
superficie accordée à chaque famille est calculée en fonction du nombre de membres qu’elle 
compte. Or, bien souvent, ce système ne permet plus aux familles rurales de subvenir à leurs 
besoins. Surtout, au niveau national, ce morcèlement des terres empêche toute amélioration de 
la productivité et de la mécanisation des cultures. Le résultat, désormais bien connu, est un 
fossé croissant de développement entre les villes et les campagnes. 
 
Néanmoins, il ne s’agit pas, pour le PCC, d’autoriser les paysans à devenir propriétaires de 
leurs terres, car cela irait à l’encontre  même des principes  sur lesquels le  régime appuie sa 
domination.  À  l’issue  du  congrès  d’octobre,  le  parti  a  cependant  décidé  de  favoriser  la 
circulation des terres agricoles : les exploitants pourront théoriquement louer ou échanger leur 
terre, voire même vendre leur droit d’usage.  
 
L’objectif affiché  des dirigeants chinois  est d’éliminer totalement la pauvreté  absolue et de 
garantir la sécurité alimentaire à toute la population, et même de doubler le revenu annuel par 
habitant des résidents ruraux entre 2008 et 2020. 
 
Ce qui est sûr, c’est que cette mesure devrait permettre de faciliter la création d’exploitations 
plus  grandes  et  plus  modernes  gérées  par  des  entrepreneurs  professionnels,  mais  aussi 
d’accélérer l’exode rural. 
 
D’ailleurs, le PCC envisage aussi de réformer le « livret de résidence » (hukou), qui définit 
chaque Chinois  comme rural ou citadin, en  fonction de son lieu de  naissance. Or, ce livret 
définit, à vie, les conditions d’accès à des besoins aussi importants que le logement, l’emploi, 
la protection sociale, l’éducation… Plus généralement, l’existence du hukou a institué de fait 
une différenciation de statut entre les Chinois. 
 
Plusieurs villes et provinces ont déjà commencé à modifier ce système, en octroyant à leurs 
habitants  un  livret  correspondant  à  leur  lieu  effectif  de  résidence,  en  particulier  pour  les 
anciens  ruraux  venus  travailler  en  ville  (et  qui  bénéficiaient  d’un  livret  de  résidence 
temporaire spécifique). Mais la réforme est plus épineuse qu’elle n’en a l’air, parce qu’elle 
repose en grande  partie sur la  bonne  volonté des  villes,  qui devront  proposer  à un  nombre 
croissant  de  « nouveaux »  urbains  les  services  auxquels  ils  ont  droit  (protection  sociale 
notamment), et assumer le coût économique totalement inédit qui en découlera.