REVUE DE PRESSE
Attention : Brigitte Catillon, créatrice du rôle de Jean au Théâtre Hébertot, et éventuellement citée
dans les critiques ci-dessous est remplacée en tournée par Frédérique Tirmont
Miraculeuse Miou-Miou
L'actrice effectue un retour d'une admirable délicatesse dans "Des gens
bien", de David Lindsay-Abaire, une pièce mise en scène par Anne
Bourgeois.
Le théâtre américain nous paraît souvent un peu carré, ou pataud, ou bien
empêtré dans un réalisme désuet. Mais il sait aborder les réalités sociales, faire appel à l'émotion -
un sentiment que la plupart de nos auteurs ne savent même plus utiliser. On comprend donc que le
théâtre Hébertot n'ait pas hésité à faire traduire Des gens bien, écrit par un auteur dont nous ne
savons pas grand-chose, David Lindsay-Abaire (il a eu quelques récompenses de l'autre côté de
l'Atlantique, mais les awards, là-bas, se ramassent à la pelle).
La pièce traite d'un thème qu'on aborde généralement dans la bonne conscience : il s'agit de la
cohabitation des riches et des pauvres, de la vie de nos sociétés inégalitaires où les classes sociales
cohabitent sans que les favorisés se posent trop de questions sur les défavorisés. David Lindsay-
Abaire a le mérite de ne pas tomber dans l'angélisme ou le pamphlet. D'une plume calme et noire, il
conte un destin malheureux qui croise des destins plus heureux.
Une femme pauvre qui frappe à la porte des riches Caissière, Margaret arrive tous les jours en retard
à son travail. Elle a une excuse: sa grande fille est handicapée. Mais l'entreprise ne peut pas prendre
en compte sa vie privée. C'est l'un de ses meilleurs copains, un sous-fifre, mais néanmoins supérieur
hiérarchique, qui lui annonce qu'elle est virée. Que peut-elle faire pour s'en sortir ? On lui rappelle
que l'un de ses amis de jeunesse, qui a grandi avec elle dans les quartiers pauvres, a su gravir les
échelons pour devenir un médecin très coté. Elle lui rend visite, dans l'espoir que cet homme lui
permettra de sortir du chômage.
Les retrouvailles se passent bien. Le médecin invite même son ancienne camarade chez lui. Lui et son
épouse, une Noire, professeur d'université, brassent avec la visiteuse des souvenirs personnels et des
considérations sur le monde où ils évoluent. La discussion est d'abord amicale, l'épouse montre
beaucoup d'affection pour cette ouvrière. Mais l'harmonie se gâte peu à peu. La prolétaire a des
choses très désagréables à rappeler, les riches se montrent accueillants à condition de ne pas être
poussés au-delà d'une certaine limite de confort moral et financier...
Le pastel de Miou-Miou Le texte de David Lindsay-Abaire bénéficie d'une belle adaptation de Gérald
Aubert, qui sait donner de l'élégance au langage parlé et fait entendre le parler populaire dans une
grande justesse, sans passer par les clichés ou une trivialité appuyée. La mise en scène d'Anne
Bourgeois n'amplifie pas le drame, le met en place comme sans y toucher, chargeant les suspens et
les silences d'être aussi clairs que les paroles. Lindsay-Abaire a tendance à installer ses scènes, Anne
Bourgeois à les alléger, à leur donner une incertitude, une ambiguïté, de sorte que rien n'est joué
d'avance, ou rendu prévisible par un dessin au crayon noir.
Surtout, il y a Miou-Miou dans le rôle de Margaret la malheureuse prolétaire. Il y a longtemps qu'on
ne l'avait pas vue au théâtre. Elle effectue un retour d'une infinie délicatesse. Elle semble toujours
habillée de silence. Qu'elle dise des mots sensibles ou envoie des piques amères, elle ne sort pas
d'une perpétuelle douceur. Rêveur et secret, son personnage, tel qu'elle le compose, ignore la colère
et l'âpreté. Il est à la fois ici et ailleurs, dans la compréhension et la bienveillance. Le jeu de Miou-
Miou, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, est tout à fait miraculeux. Elle est un pastel qui en