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Institutions et productivité totale des
facteurs : une analyse empirique en panel
(1970-2010)
Sur un échantillon de 138 pays mélangeant des pays développés et en voie de développement et une période d’observation
allant de 1970 à 2010 cet article montre l’effet simultané du régime de propriété sur la productivité des facteurs et sur quatre
variables de transmission ; l’investissement en capital humain, l’investissement direct à l’étranger, l’accès au marché du
crédit et l’intensité de la concurrence mesuré par le degré d’ouverture de l’économie. Il montre ainsi que ce sont bien les
gains de productivité des facteurs qui expliquent la croissance économique comme dans le modèle de Solow mais ces gains
sont expliqués par la qualité des institutions et du régime de propriété en particulier. Ce résultat est original par rapport à la
littérature parce qu’il décompose les effets des institutions sur chaque canal grâce à la technique de décomposition de la
causalité de Geweke (1982). Cela permet, d’une part, d’évaluer l’effet de chaque variable sur la productivité des facteurs, et
sur les institutions, d’autre part, et d’ouvrir la théorie de la croissance à des situations où les relations sont bi-directionnelles.
Codes JEL : O17, O24, O43, O57, P
1. Introduction
La théorie smithienne (1776) du développement économique donne une place très importante
aux institutions dans son explication. Elle diffère en cela de la tradition ricardienne qui préfère
expliquer la croissance par les quantités d'intrants : terre, capital et travail (Holcombe 1998,
p.45).
Longtemps la tradition ricardienne a dominé la théorie économique de la croissance et du
développement grâce aux qualités opérationnels du modèle de Solow (1956). Si la production
annuelle est notée
et que le capital et le travail sont les variables
la production est
une fonction du capital, du travail et du temps de la forme :
(Holcombe
1998, p.47, Steele 1998, p.54). En explicitant la comptabilité de la croissance à partir de cette
fonction de production agrégée, Robert Solow
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est le premier à mettre en avant en 1957
l'importance de la productivité totale des facteurs (PTF par la suite). La théorie de la
croissance endogène précise cette conception en redéfinissant le travail sous la forme d’un
capital (Lucas 1988) et en incluant l’intervention de l’Etat comme un moyen d’expliquer la
croissance (éducation publique, infrastructure publique, recherche et développement, effets
d’agglomération, etc.) (Jacquet 2010). Ces théories ont essentiellement associé la croissance
de la PTF au progrès technique.
La nouvelle économique institutionnelle a cependant imposé sa propre vision des
déterminants de la croissance économique. Elle a, à cette occasion focaliser sur le rôle
essentiel de la sécurisation des droits de propriété, reprenant à son compte les positions
d’Adam Smith dans La Richesse des Nations (1776, livre 4, Ch. 5, p. 82) ou dans ses Lectures
on Jurisprudence (1762, 1978) et de Jean-Baptiste Say (1802, p.118) dans son Traité
d’économie politique. La première fonction d'un gouvernement est d'empêcher les membres
de la société de violer la propriété d'autrui ou de se l'approprier. Il s'agit pour le gouvernement
de garantir au propriétaire la sureté et la paix (Smith 1762, 1978, p.5). North et Thomas
(1973) ont repris cette thèse pour expliquer l’essor du monde occidental par la création de
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Dans son étude Solow montre que la PTF expliquait les 7/8 de la croissance de la productivité américaine entre
1909 et 1949, l'accumulation de capital expliquant le huitième restant.
Mots de remerciement : Les opinions émises dans cet article ne sont pas nécessairement celles de l'Université
Panthéon-Sorbonne Paris1. Nous sommes reconnaissants sans les impliquer à Agnès Benassy-Quéré,
Zorobabel Bibeca, Eric Dubois et à tous les participants du séminaire Economie Publique, Institutions et
Organisations pour leurs commentaires très utiles.
François Facchini, CES, et Albert Tcheta-Bampa, CES
SEPIO, mardi 1er octobre 2013, 16h, salle 116 - MSE, 106-112 bd de l'hôpital, Paris 13e