Jeanne Cornet / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 1
Madame Caroline Angebert
Par Jeanne Cornet
1988
Le Dimanche 26 Octobre 1913, Dunkerque inaugurait au parc de la Marine, un
monument à la mémoire de Caroline Angebert, dans les lieux mêmes où elle vécut.
Mais, sait-on encore aujourd’hui qui était Madame Angebert et quels furent ses
mérites?
Elle est née :
Angélique, Caroline, Omérine Colas le 19 Décembre 1793, rue des Saints Pères à
Paris. Ses parents étaient fermiers du domaine du Houssay dans la Commune de Voulton, en
Seine et Marne.
Elle reçût une éducation supérieure à celle que recevaient à 1'époque, les jeunes filles
de sa condition.
Ses parents lui firent épouser, sans consulter son cœur le 26 octobre 1812 un marin
de vingt ans son aîné : Claude, Jacques Angebert, fils d’une famille de la bourgeoisie de
Clichy.
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Soldat au 1er bataillon de Clermont dans l’Oise en 1792, il demanda et obtint sa
libération du service de terre en 96 avec le grade de sous-lieutenant et les attestations les plus
honorables.
La même année, il débute dans l’administration de la marine ou il franchit
rapidement l’échelle des grades inférieurs pour arriver au grade de sous-commissaire en
1804. C’est alors le départ pour Naples, Toulon, Nice.
Sous l’Empire il occupe les fonctions de chef d’administration à Corfou, Trieste où
l’accompagne sa jeune épouse. Elle en profite pour apprendre seule, le grec et le latin, afin
de lire, dans leur langue d’origine, les textes de ses auteurs préférés : poètes et philosophes
de l’antiquité.
Cette jeune femme, avide de savoir, et qui possède une facilité remarquable de
compréhension, acquerra très vite une maturité sous le soleil méditerranéen.
La perte de nos conquêtes napoléoniennes obligera notre représentant de la marine
française à rentrer au pays.
Il occupera en 1814, un emploi plus modeste jusqu’au 19 novembre 1817, date à
laquelle lui fut attribué le poste de commissaire de 2éme classe puis de 1ére classe le 1er
janvier 1819 comme "chargé en chef" du service du port et arrondissement de Dunkerque.
Qu’était Dunkerque en 1818 ?
Une ville d’environ 22 000 habitants.
Son port, ensablé, ne permettait plus que de recevoir des navires de faible tonnage.
L’abolition de la franchise en 1793 par un décret de la Convention ainsi que le blocus, ont
contribué à appauvrir considérablement ses finances.
La volonté et l’espérance sont au fond des cœurs : on a détruit tout ce qui pouvait
rappeler "l’Usurpateur".
La ville doit renaitre : c'est-à-dire son port.
Le Baron Coppens plaide, sans succès, la cause pour le rétablissement de la franchise
afin de rétablir l’activité du commerce. Le nouveau commissaire de la marine assistera petit à
petit, à la renaissance du port, ainsi qu’aux premiers travaux de redressement portuaires : le
quai des Hollandais, l’écluse de Bergues, le pont de la Citadelle, l’estacade ouest et, en 1823
le bassin des chasses.
C’est à Monsieur Angebert, Chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de St Louis, que
reviendra l’honneur de remettre les clés de l’arsenal maritime au Roi Charles X lors de sa
visite à Dunkerque en Septembre 1827.
Les beaux magasins et la corderie qui entourent le bassin ayant attiré l'attention de sa
Majesté ; Monsieur Angebert put lui faire remarquer que leurs fondations remontaient au
règne de Louis XIV.
Madame Angebert demeura pendant plus de quinze ans parmi cette population
"propre, active et belle".
Le Capitaine François, de passage à Dunkerque en 1822, remarque :
"Aux portes de la Ville quelques maisons de campagne. Les habitants sont doux,
affables, très honnêtes. L’intérieur et l’extérieur de leur maison sont très propres. On peut les
comparer aux Hollandais".
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A la même époque, Madame Lamartine, mère, note dans son cahier...
"Nous fumes voir le port de Dunkerque, la mer était superbe et la quantité de navires
dans le port faisait un fort beau coup d’œil... L’église Saint-Eloi est très belle, le service divin
s'y fait avec une très grande dignité. Il y a une grande tour carrée en face du péristyle de
l’église, lequel est d’une grande beauté ; la tour n’a de remarquable que la masse, son
élévation et son antiquité qu’on ne connait même pas. Il y a une horloge avec le fameux
carillon, mais qui est bien déchu.
Sur cette tour on met un pavillon qui est un signal pour la mer. La ville de Dunkerque
est belle, les rues sont larges, droites, bien pavées. Eugénie (sa fille) y possède une maison
assez jolie».
Livrée à ses seules ressources, Dunkerque n’est pourtant pas totalement dépourvue
d’industries.
Elle vit de la construction et réparation navale, la pêche morutière et les industries
qui en découlent tels :
- corderies, voilage, filet, hameçons, fûts, raffinerie de sel, fonderie de chaines,
clouterie. Il y a aussi quatre moulins à vent à l’intérieur de la ville, verrerie,
fonderie de cuivre, ferblanterie, distilleries, brasseries, briqueteries, tuileries, four
à chaux, tordoirs à huile, savonnerie (savon noir), raffineries de sucre, pain
d’épice et nos fameuses tablettes à café, orfèvreries, fabriques de bouchons de
liège, de chandelles, d’amidon, etc...
Avec le progrès la ville s’agrandit et devient plus salubre.
C’est donc en cette ville, à l’Hôtel de la Marine, sis à l’angle des actuelles rues
Wilson et Alexandre III que s’installe le couple Angebert.
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L’hôtel avait été construit sous Louis XIV et comprenait une chapelle où l'on disait la
messe pour le personnel de la marine. Il appartenait à l’état ainsi que les meubles qui
resrent les mêmes pendant près d’un siècle.
Caroline a alors 25 ans.
"Elle est petite, mince et très élégante, nez fin, grand yeux noirs très doux".
Elle est attentive et dévouée à son mari qui occupe un poste très en vue. Elle verra
défiler dans son salon toutes nos actuelles vieilles familles dunkerquoises qu'elles soient de
négociants, d’armateurs ou de fonctionnaires, mais elle attirera aussi poètes et intellectuels,
car elle a la passion de la poésie.
Elle fait l’étonnement et l’admiration de tous ceux qui la fréquente, non seulement par
son charme, sa grâce et sa discrétion, mais surtout par son esprit tout à fait supérieur.
C’est ainsi qu’elle rencontre dans un salon de Dunkerque, Eugénie Lamartine, sœur
du grand poète, mariée à Bernard Coppens, fils de l’ancien seigneur de la ville
d’Hondschoote où elle réside.
Notre poétesse, car Caroline rimait fort bien, était grande admiratrice de Lamartine,
aussi se lia-t-elle très vite à Eugénie qui lui écrivit le 3 Juin 1823 :
"Permettez que je vous dise, Madame, combien je me félicite d’avoir eu l’avantage de
faire une connaissance plus particulière avec vous. Toutes les occasions qui me mettront à
même de la cultiver et de vous prouver le prix que j'y attache seront bien heureuses pour
moi."
Elles se revirent aussi souvent que possible, pour parler poésie, lire les vers que
Caroline faisait imprimer dans la "Feuille d’Annonces" (elle ne les signait pas, mais on les
reconnaissait au nombre d’astérisques égales au nombre de lettres de son nom). Elle lui fit
parvenir ses écrits, des nouvelles dont certaines parurent dans les "œuvres dunkerquoises" et
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des traductions. Non contente de connaitre le grec et le latin elle s’initiera à l’anglais et à
l’italien près de neveux en vacances.
Eugénie lui prêtait des livres qui furent un prétexte à la réflexion commune et à un
échange d’opinion.
C’est ainsi qu’elle lut :
-"l'Essai sur l’homme" de Pope, poème philosophique qui proclame la bonté et la
dignité naturelle de l’homme.
-"Les Confessions" de Saint Augustin : cheminement d’une vie religieuse et humaine
et ou apparait le symbole de la trinité : être, savoir et vouloir. L'homme ne peut douter qu’il
est, il sait qu’il est et il veut être : base de toute la pensée moderne.
-Enfin "Les soirées de Saint-Pétersbourg" de Joseph De Maistre où il combat les
principes philosophiques mis à l’honneur par "le siècle des lumières" et par la Révolution, et
qui eut une influence notoire sur la pensée du XIXème siècle particulièrement en ce qui
concerne le pouvoir souverain du Pape.
Ainsi continue de se former la pensée de Madame Angebert sous l'influence
d’Eugénie qui est profondément chrétienne. Caroline, elle, aime la méditation, la réflexion
auxquelles la lecture des philosophes de l'antiquité l’avait habituée ; elle fléchit au
problème de la femme, à son éducation, sa position dans la société. Elle s’inquiète de la
morale et de son rapport avec la vie intellectuelle, du sens de l’action face aux événements et
à la morale. Et c’est ce qui explique l’enthousiasme et l’attachement sans équivoque qu’elle
manifestera, par la suite, à Victor Cousin.
Victor Cousin
Précisément, Victor Cousin est autorisé en 1818 à reprendre ses cours à la Sorbonne,
après huit années d’interruption, pour avoir manifesté des idées trop libérales.
Paris fut conquis par ce bel homme de trente six ans, de taille assez élevée, à la
chevelure brune et abondante dont un collier de barbe entourait un visage d’une beauté
sculpturale. Très éloquent il maniait la parole avec une grande maitrise et sa détention
arbitraire à Berlin ne faisait qu’augmenter ce prestige qu’il savait exploiter à merveille. Ses
cours conquirent par la hauteur des idées et le souffle spiritualiste qui en émanaient. Il y eut
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