Rôle du psychiatre dans la chirurgie bariatrique

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DOSSIER THÉMATIQUE
L’obésité, la psychiatrie
et les neurosciences
Rôle du psychiatre
dans la chirurgie bariatrique
The role of the psychiatrist in bariatric surgery
M. Brittner*, P. Courtet*, S. Guillaume*
M. Brittner
* Département d’urgence et de post­
urgence psychiatrique, hôpital Lapeyronie, CHU de Montpellier ; université
Montpellier I, Inserm U1061.
A
ctuellement, en France, la prévalence de
l’obésité est estimée comme allant de 15 à
20 %, et plus de 50 % de la population serait
en surpoids. Les complications de cette maladie
peuvent engager le pronostic vital, et ses conséquences psychosociales sont susceptibles de diminuer la qualité de vie, l’estime de soi, et d’induire
un isolement et des complications psychiatriques.
L’obésité est reconnue comme un problème majeur
de santé publique (1).
Ces 10 dernières années, en France, la chirurgie bariatrique s’est développée de manière importante et
constitue une réponse efficace au traitement symptomatique de l’obésité : comparativement au traitement
médical seul, la perte de poids est significativement
plus importante (perte en moyenne de 35 % du poids
initial), les complications de l’obésité (diabète, hypertension artérielle, dyslipidémie, complications cardiovasculaires, asthme, apnées du sommeil, cancers) sont
plus faibles 10 ans après la chirurgie, la qualité de vie
globale est meilleure, et la mortalité toutes causes
confondues est réduite de manière significative. De
plus, le traitement chirurgical est une méthode dont
les risques diminuent avec l’augmentation importante
des interventions ces dernières années, puisque la
mortalité périchirurgicale est estimée entre 0,1 et 2 %,
les complications postopératoires non spécifiques
de la chirurgie à 13 %, et les complications en lien
avec la chirurgie bariatrique (nausées, vomissements,
syndrome de dumping, déficiences en vitamines, en
fer ou en oligoéléments) sont souvent accessibles au
traitement médical (2).
La nécessité de l’implication d’un psychiatre est
reconnue de manière consensuelle dans les recommandations françaises et internationales (1, 3)
pour la prise en charge avant et après l’opération
des patients candidats à la chirurgie bariatrique,
18 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 1 - janvier-février 2012
même si les attentes et les objectifs vis-à-vis de son
évaluation ne sont pas clairement établis.
Rôle du psychiatre
avant l’intervention
Les indications de chirurgie bariatrique sont définies en France par les recommandations de bonne
pratique de la Haute Autorité de santé (HAS) de
janvier 2009 et concernent les patients avec un
“indice de masse corporelle supérieur à 40 kg/m2
ou supérieur à 35 kg/m2, associé à une comorbidité susceptible d’être améliorée par la chirurgie,
en deuxième intention après un traitement médical,
nutritionnel, diététique et psychothérapeutique
bien conduit de 6 à 12 mois, en l’absence de perte
de poids suffisante ou de maintien de la perte de
poids, et pour qui le risque opératoire est acceptable.
Le patient doit être bien informé au préalable et
accepter la nécessité d’un suivi médical et chirurgical à long terme, et bénéficier d’une évaluation
et d’une prise en charge préopératoire par une
équipe pluri­disciplinaire décisionnaire, incluant un
psychiatre” (3). L’évaluation a donc pour objectifs le
dépistage de troubles psychiatriques et d’une contreindication éventuelle à la chirurgie, un travail sur la
motivation du patient et l’information de ce dernier.
Contre-indications psychiatriques
L’évaluation psychiatrique initiale recherche, dans un
premier temps, les contre-indications à la chirurgie
bariatrique, définies de façon assez vague par l’HAS
comme “les troubles cognitifs ou mentaux sévères,
les troubles sévères et non stabilisés du comporte-
Résumé
La chirurgie bariatrique constitue une réponse efficace au traitement symptomatique de l’obésité. L’implication d’un psychiatre dans la prise en charge est reconnue de manière consensuelle. Avant la chirurgie,
son rôle est de rechercher et de traiter les fréquentes comorbidités psychiatriques et les rares contreindications à la chirurgie. C’est également l’occasion d’évaluer les motivations et les attentes du patient,
sa capacité à adhérer au suivi à long terme et au changement. Le suivi après la chirurgie est systématique
en cas de trouble psychiatrique préexistant. Le psychiatre recherchera et prendra en charge les conduites
d’hyperphagie boulimique ou les troubles alimentaires atypiques, facteurs de mauvais pronostic, ainsi que
les facteurs de risque suicidaire, vu la prévalence élevée de la mortalité par suicide et par intoxication
après la chirurgie.
ment alimentaire, l’incapacité prévisible du patient à
participer à un suivi médical prolongé, la dépendance
à l’alcool et aux substances psychoactives licites ou
illicites” (3). Ces contre-indications peuvent être
temporaires et l’indication de la chirurgie peut être
réévaluée après leur prise en charge psychiatrique
et, le cas échéant, celle-ci peut se révéler constituer
une alternative thérapeutique à la chirurgie, à la
fois sur un versant psychothérapeutique et médicamenteux. Les données de la littérature internationale suggèrent plutôt, quant à elles, qu’un
trouble psychiatrique ne constitue pas en soi un
critère d’exclusion à la chirurgie bariatrique, même
si dans de rares cas certains motifs psychiatriques
peuvent retarder ou réfuter la chirurgie, par exemple
la décompensation aiguë d’un trouble psychiatrique
grave.
En dehors de ces situations, et pour la plupart des
individus, l’évaluation psychiatrique initiale a un
objectif de planification, d’éducation et d’information plutôt qu’un rôle décisionnaire. Selon l’HAS, elle
permet également d’évaluer “la motivation et les
attentes du patient, sa capacité à mettre en œuvre
les changements comportementaux nécessaires et
à participer à un programme de suivi postopératoire personnalisé à long terme, les connaissances
du patient et sa capacité à donner un consentement éclairé, et apporte une aide dans la décision
chirurgicale” (3).
Comorbidités psychiatriques
L’obésité morbide et le recours à la chirurgie bariatrique sont associés à des taux élevés de troubles
psychiatriques, actuels ou passés. Près de la moitié
des candidats à la chirurgie auraient un antécédent de trouble psychiatrique de l’axe I du DSM,
et l’existence d’un trouble au moment de l’évaluation initiale est significativement plus importante
que dans la population générale. Du plus au moins
fréquents sont retrouvés les troubles de l’humeur
et les troubles anxieux (jusqu’à 4 fois plus élevés
que dans la population générale), les troubles des
conduites alimentaires, notamment le syndrome
d’hyperphagie boulimique (Binge Eating Disorder
[BED]), et les conduites d’abus ou de dépendance.
Les troubles de l’axe II du DSM sont également plus
importants dans cette population de patients, avec
des taux élevés de trouble de la personnalité borderline et du cluster C (4-7).
Une telle proportion de comorbidités psychiatriques
s’explique, entre autres, par la prévalence plus élevée
de l’obésité chez les patients atteints de maladie
mentale sévère (trouble bipolaire et unipolaire de
l’humeur, schizophrénie), d’étiologie multifactorielle, à la fois génétique (surpoids ou obésité plus
élevée avant l’apparition des premiers symptômes
et l’introduction d’un traitement psychotrope), environnementale, comportementale (habitudes alimentaires, sédentarité), et liée aux effets indésirables
des traitements psychotropes, notamment les antipsychotiques atypiques (mécanismes complexes et
intriqués de modification des dépenses énergétiques
et de stimulation de l’appétit, par interaction des
molécules avec les récepteurs cérébraux impliqués
dans la régulation de la faim et de la satiété) [8].
Entre un tiers et la moitié des candidats à la chirurgie
de l’obésité auraient un traitement psychotrope, les
plus communs étant les antidépresseurs, les anxiolytiques et les antipsychotiques (7).
Un autre aspect de la prise en charge psychiatrique avant la chirurgie consiste à considérer
l’existence d’un trouble des conduites alimentaires
(TCA) comme facteur déclenchant et entretenant
l’obésité. Le BED constitue une forme particulière
d’obésité et de TCA, défini en annexe des TCA dans
le DSM-IV-R par des “crises de boulimie répétées,
vécues avec un sentiment de détresse et de culpabilité, non suivies de comportements compensatoires (purge ou non-purge), au moins 2 fois par
semaine pendant 6 mois”, et associées de ce fait à
une prise de poids significative. La prévalence de
ce diagnostic, actuel ou passé, est plus élevée dans
les populations de patients obèses et candidats à la
chirurgie (entre 5 et 50 % selon les études), et son
existence est corrélée à des comorbidités psychiatriques plus fréquentes (9). Avant l’intervention,
le statut des patients avec conduites de BED ne
diffère pas de celui des autres patients en termes
de poids, mais eux ont en général plus de comorbidités psychiatriques de l’axe I, et plus de difficultés
psycho­sociales (faible estime de soi, altération de
la qualité de vie).
Mots-clés
Obésité
Hyperphagie
boulimique
Chirurgie bariatrique
Troubles
des conduites
alimentaires
Summary
Bariatric surgery is an effective treatment of obesity. The
involvement of a psychiatrist in
the management is recognized
by consensus. Pre-surgical role
is to search for, treat common
psychiatric comorbidities, and
identify the few exclusion
criteria for surgery. It is also an
opportunity to assess the motivations and expectations of the
patients as well as their ability
to adhere to long-term monitoring and change. Monitoring
postsurgical is systematic in the
b case of pre-existing psychiatric disorder. It will assess
binge eating behaviour or
atypical eating disorders both
factors of poor prognosis, and
risk factors for suicide. This is
of major importance given the
high prevalence of mortality
from suicide after bariatric
surgery.
Keywords
Obesity
Binge eating disorders
Bariatric surgery
Eating disorders
La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 1 - janvier-février 2012 | 19
DOSSIER THÉMATIQUE
L’obésité, la psychiatrie
et les neurosciences
Rôle du psychiatre dans la chirurgie bariatrique
Les thérapies cognitives et comportementales
(TCC) agissent à 3 niveaux dans les TCA : l’approche
comportementale a pour but de modifier les symptômes cibles (crises de boulimie dans le BED), l’approche cognitive contribue à modifier le système
de croyance autour de l’alimentation, et l’approche
nutritionnelle est indispensable pour informer et
corriger les comportements alimentaires inadaptés.
Il existe dans la littérature des données montrant
l’efficacité des TCC dans le syndrome d’hyperphagie
boulimique : une méta-analyse de 48 études s’intéressant aux traitements psychothérapeutiques de la
boulimie nerveuse et du BED montrait une efficacité
de la TCC en termes de réduction des symptômes
du BED, mais pas en termes de perte de poids (10).
Peu de données à ce jour comparent une prise en
charge par TCC précédant la chirurgie bariatrique et
la chirurgie bariatrique seule chez des patients souffrant d’un syndrome d’hyperphagie boulimique : ces
2 types de prise en charge pourraient agir de manière
complémentaire avec, d’une part, la modification
des comportements alimentaires par la TCC, qui
pourrait, d’autre part, contribuer au maintien de la
perte de poids obtenue par la chirurgie bariatrique.
prédictif négatif ou ne pas avoir d’influence, comme
les TCA, dans les résultats attendus. Certaines
données concluent également que, en dehors des
troubles graves de la personnalité, les comorbidités
psychiatriques de l’obésité comme l’anxiété ou la
dépression pourraient être des facteurs prédictifs
positifs de perte de poids après la chirurgie, et la
sévérité des symptômes psychiatriques serait plus
révélatrice en termes de résultat que le type de
symptôme ou de pathologie (12).
Dans la littérature actuelle, aucun résultat formel ne
permet de mettre en évidence les facteurs psychosociaux prédictifs en ce qui concerne la perte de
poids. L’efficacité à long terme de la chirurgie serait
corrélée à l’adhésion à de nouvelles règles diététiques où entrent en compte certains de ces facteurs.
Bien qu’il n’existe pas de consensus, un haut niveau
d’estime de soi, l’accès à l’autocritique, ainsi que des
attentes réalistes quant aux résultats de la chirurgie
pourraient constituer des facteurs prédictifs de
succès. D’autre part, la détresse psychologique, les
facteurs de stress environnementaux et l’existence
de distorsions cognitives au sujet de l’alimentation
pourraient constituer des facteurs prédictifs négatifs
à long terme, impliquant la nécessité d’un suivi plus
soutenu après l’intervention (13). La perte de poids
serait significativement plus importante en cas de
détresse psychosociale apparue en complication
de l’obésité, en lien avec la capacité à adopter de
nouveaux comportements alimentaires après la
chirurgie.
Utopie des facteurs prédictifs de réussite
En résumé
Une partie de l’évaluation préchirurgicale du
psychiatre telle que la recommande l’HAS s’intéresse aux facteurs prédictifs des résultats de la
chirurgie (3).
Le BED et le phénomène de perte de contrôle
alimentaire (Lost Of Control [LOC]) préchirurgicaux
semblent être les facteurs prédictifs les plus étudiés
dans la littérature internationale. Leur existence
avant l’intervention n’a pas été identifiée comme
un facteur de mauvais résultat à 2 ans, que ce soit
en termes de perte de poids ou de survenue ou de
récurrence d’un BED postchirurgical, et la chirurgie
seule pourrait même avoir des résultats bénéfiques
sur les conduites d’hyperphagie boulimique (9, 11).
Les données concernant les troubles psychiatriques
comme facteur prédictif de la perte de poids après la
chirurgie sont contradictoires : l’existence d’au moins
1 trouble psychiatrique pourrait être un facteur
Si dans de rares cas l’évaluation psychiatrique initiale
identifie un trouble psychiatrique grave décompensé
qui constitue une contre-indication temporaire à
la chirurgie, la plupart du temps, elle est l’occasion
d’évaluer les motivations et les attentes du patient,
la capacité de ce dernier à adhérer au suivi à long
terme et au changement, avec un objectif d’information et d’éducation. L’avis du psychiatre reste
indispensable au sein de la décision pluridisciplinaire, pour la recherche et la prise en charge des
comorbidités ou des antécédents psychiatriques
en général, en particulier de BED, significativement
plus élevés parmi les candidats à la chirurgie. Le rôle
pronostique de l’évaluation psychiatrique initiale
dans la recherche des facteurs prédictifs positifs ou
négatifs du résultat de la chirurgie reste illusoire, de
tels facteurs n’étant pas encore clairement identifiés
et reconnus.
Il est à noter également que “l’existence d’un TCA est
à prendre en compte dans le choix de la technique
chirurgicale” (3).
Psychothérapie
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DOSSIER THÉMATIQUE
Rôle du psychiatre
après l’intervention
Selon les recommandations de l’HAS, “le suivi et la
prise en charge du patient après chirurgie bariatrique
s’intègrent dans le cadre du programme personnalisé mis
en place en phase préopératoire, et doivent être assurés
par l’équipe pluridisciplinaire incluant un psychiatre” (3).
Le psychiatre tient une place importante dans le suivi
à moyen et à long terme, afin d’évaluer “le retentissement psychologique, social et familial de l’intervention
et de la perte de poids, d’identifier d’éventuelles difficultés à mettre en œuvre les changements comportementaux nécessaires et d’aider le patient à surmonter
ces difficultés, et d’accompagner le patient dans les
réaménagements psychiques liés à la chirurgie et à la
perte de poids et aux modifications corporelles, en lui
proposant une prise en charge adaptée” (3). La chirurgie
de l’obésité constitue en effet un point de départ de
changements non négligeables du comportement
alimentaire, de l’image corporelle et des relations avec
l’entourage : c’est pourquoi, même chez les patients ne
présentant pas de comorbidité psychiatrique, le suivi
peut être proposé, mais n’est pas systématique (3).
Comorbidités psychiatriques
La perte de poids obtenue après la chirurgie a des
effets bénéfiques à court terme sur la dépression,
les comportements alimentaires pathologiques, les
préoccupations envers la nourriture, l’image corporelle
et le poids pour une grande majorité de patients.
Une surveillance particulière est proposée aux patients
chez qui un antécédent ou une comorbidité psychiatrique a été retrouvée avant l’intervention, du fait de
l’évolution naturelle des troubles des axes I et II du
DSM (4-6). De rares cas d’anorexie mentale et de
boulimie nerveuse typiques ont été rapportés après la
chirurgie, et le psychiatre devra être vigilant quant à l’apparition de troubles des comportements alimentaires
atypiques postopératoires (grazing, hyperphagie fractionnée) qui ne correspondent pas à des entités nosologiques définies dans les classifications des troubles
psychiatriques actuelles, et qui peuvent être difficiles
à différencier des effets latéraux de la chirurgie (9, 11).
Binge Eating Disorder
La récurrence ou l’apparition après l’intervention
chirurgicale d’une hyperphagie boulimique est
corrélée à de mauvais résultats à long terme dans
le maintien de la perte de poids et dans les comportements et les attitudes alimentaires (9, 11, 14, 15)
et nécessite un dépistage minutieux et une prise en
charge psychiatrique adaptée.
En comparaison des patients qui ne présentent pas
de BED 2 ans après la chirurgie, et malgré l’efficacité
globale de l’intervention, les patients opérés avec
apparition ou récurrence de LOC alimentaire ont
un IMC plus élevé (en lien avec une perte de poids
initiale moins importante ou avec une reprise de
poids) et adoptent davantage des comportements
alimentaires pathologiques selon les échelles de
dépistage standardisées (plus de sensation de faim,
de préoccupations pour l’alimentation, le poids et
la forme, et moins de capacité de restriction cognitive) [14].
De plus, les conduites d’hyperphagie boulimique
après l’intervention sont corrélées à des taux plus
élevés de symptômes dépressifs, de nouveaux
désordres alimentaires et à une moins bonne qualité
de vie (9, 11, 14).
Suicide et facteurs de risque suicidaire
La perte de poids massive après la chirurgie bariatrique permet de réduire à long terme le taux de
mortalité globale toutes causes confondues (jusqu’à
40 % selon les études) et de mortalité liée aux maladies par la diminution des comorbidités somatiques
(diabète, coronaropathie, cancer), comparativement
aux patients obèses non opérés. Cependant, les taux
de mortalité par suicide sont significativement plus
élevés que dans la population générale et dans la
population obèse non opérée (16). Ces résultats
pourraient être liés à la fréquence des comorbidités
psychiatriques qui ne seraient pas systématiquement
dépistées et prises en charge, ou encore qui correspondraient aux conséquences de la chirurgie sur la
vie des patients obèses. Il est donc important pour
le psychiatre d’évaluer régulièrement les facteurs de
risque suicidaire chez les patients ayant bénéficié
d’une chirurgie de l’obésité.
Addictions
Le suivi psychiatrique après l’intervention s’attachera
également à la recherche et à la prise en charge des
conduites addictives qui sont plus fréquentes, en
particulier l’addiction à l’alcool, au jeu, les achats
pathologiques et les paraphilies (7). Ce phénomène
peut s’expliquer par un terrain prédisposant ou une
La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 1 - janvier-février 2012 | 21
DOSSIER THÉMATIQUE
L’obésité, la psychiatrie
et les neurosciences
Rôle du psychiatre dans la chirurgie bariatrique
vulnérabilité aux addictions, d’autant qu’il existe
une prévalence élevée d’antécédent de conduite
addictive chez les candidats à la chirurgie (4-7).
et relationnel du patient, pour lequel une psychothérapie de soutien peut être aidante, qu’il existe
ou non un trouble psychiatrique.
Pharmacologie
En résumé
Un autre rôle du psychiatre après la chirurgie
concerne sa fonction de prescripteur. En effet, il
existe des modifications pharmacocinétiques des
psychotropes d’une part chez le patient obèse (distribution dans l’organisme, élimination) et, d’autre
part, après la chirurgie bariatrique, par la réduction
du volume de la poche gastrique, une vidange plus
rapide dans la chirurgie restrictive et de malabsorption, ou encore par une moindre production
d’acide gastrique. On retrouve dans la littérature des
données en faveur d’une modification de la solubilité
des psychotropes, sans pouvoir conclure en termes
de biodisponibilité dans l’organisme, diminuée pour
la plupart des antidépresseurs et des antipsychotiques atypiques, augmentée pour le lithium (17).
Le suivi psychiatrique après chirurgie s’intègre à
une prise en charge pluridisciplinaire : systématique en cas de trouble psychiatrique préexistant,
il recherchera et prendra en charge l’hyperphagie
boulimique ou les troubles alimentaires atypiques,
facteurs de mauvais pronostic, ainsi que les facteurs
de risque suicidaire, vu la prévalence élevée de la
mortalité par suicide et par intoxication après la
chirurgie. Dans tous les cas, une psychothérapie
de soutien sera proposée au patient afin qu’il soit
accompagné dans les changements importants liés
à la perte de poids.
Psychothérapie
La perte massive de poids et les bénéfices psycho­
sociaux associés peuvent modifier considérablement
les fonctionnements social, familial, professionnel
Conclusion
Le psychiatre a un rôle en première ligne dans
la prise en charge des patients candidats à la
chirurgie bariatrique, au sein de l’équipe pluridisciplinaire, avant et après l’intervention, qu’il
existe ou non un antécédent ou une comorbidité
psychiatrique.
■
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