metz pendant la révolution zoltan-etienne h ars an y avant

METZ
PENDANT LA RÉVOLUTION
par
ZOLTAN-ETIENNE H ARS
AN
Y
Membre
titulaire
AVANT-PROPOS
Uhistoire
de
Metz
pendant
la
Révolution était
à
écrire. Cette
tâche
n'avait
pas
encore trouvé
de
volontaires,
et
c'est bien regret-
table
; les
générations
qui en
sont
en
effet issues,
celles
des
deux
Empires
et de la
Restauration, avaient
vouer
un tel
mépris
à
cette
période bouleversée,
que
personne,
à
Metz,
n
avait
eu le
courage
ou la
curiosité
de
mener
une
enquête auprès
des
survivants,
de
réunir
les
témoignages écrits,
de
feuilleter
les
archives
de
Metz,
riches
et
complètes encore
à
cette époque. Arriva
la
première
occupation
allemande
de 1870. Les
travaux d'aménagement
de la
ville révélèrent
son
infrastructure gallo-romaine
ou
moyenâgeuse,
aussi
les
spécialistes
et
amateurs
de
l'histoire
se
passionnèrent-ils
pour
ses
problèmes archéologiques.
La
libération
de 1918
permettait
des
espoirs.
Une
pléiade
de
jeunes professeurs messins comme Dorvaux, Lesprand, Conta-
mine, Gain, Grosdidier
de
Matons,
et
aussi d'historiens amateurs
comme
le
commandant Klipffel, Paquet, Barbé
et
d'autres encore,
se
penchèrent-ils
sur
divers problèmes messins
de
périodes plus
récentes
et
nous laissèrent-ils
des
œuvres souvent complètes,
tout
au
moins précises
par
leur riche documentation. Personne, toute-
fois,
n'avait
été
tenté
par un
travail d'ensemble,
et
c'est dommage,
car
et les
archives
de la
ville
et les
vieilles familles messines
étant alors riches
de
documents,
les
recherches
et les
possibilités
d'impression étaient donc
faciles.
Metz
connut
un
immense malheur,
celui
de la
deuxième occupation allemande
; à la
libération, nous
avons trouvé
des
archives
locales
pillées
ou en
partie détruites.
2
METZ
PENDANT
LA
RÉVOLUTION
Fallait-il
perdre courage et renoncer à un travail dont l'urgence
s'imposait ? Evidemment non.
Nous
avons donc tenté de notre
mieux de dépouiller les documents restants, de grouper ce qui
était
dispersé, de présenter une étude qui ne peut plus avoir la
valeur d'un ouvrage complet (il n'est plus possible d'en faire un),
Que nous reste-t-il aujourd'hui ? Relativement peu de
choses...
mais de réunir et de sauver de l'oubli
tout
ce qui reste encore
aux archives
locales
sur la Révolution. Notre travail
sera
donc
un modeste témoignage d'une période de l'histoire messine qui,
comme
on le verra plus loin, ne manque ni d'intérêt, ni de pitto-
resque,
ni de sujets de réflexion pour les générations présentes
et
futures.
Il
nous faut, enfin, exprimer nos remerciements à tous ceux
qui nous ont aidé dans l'élaboration de notre ouvrage ; notre
gratitude s'adresse particulièrement à M. Rigault, archiviste en
chef
de la Moselle, et à M. Tribout de Morembert, archiviste
municipal de
Metz,
pour leur amicale et bienveillante
collabo-
ration.
Z.-E. H.
A)
DE LA CONVOCATION DES
ETATS
GÉNÉRAUX
A
L'ABOLITION
DE LA
ROYAUTÉ
(1789-1792)
Chapitre
premier
Metz
à la veille de la Révolution.
1.
LA
CITÉ,.SON
SITE
ET SES
RESSOURCES.
Metz a toujours
possédé une personnalité historique et originale. Grande voie de
passage et de transactions commerciales, l'ancien
oppidum
gaulois,
situé entre la Moselle et son affluent la
Seille,
devint, à l'époque
mérovingienne et carolingienne, la capitale d'un vaste empire,
l'Austrasie. Grâce à sa richesse commerciale et bancaire, grâce
aussi à son indépendance municipale, la ville connut ensuite un
véritable apogée. En
1552,
elle devint une des plus importantes
places fortes de la monarchie française. Après avoir été durement
éprouvée
pendant
la Guerre de Trente Ans, Metz jouira, à partir
du xvme
siècle,
d'une
renaissance économique qui lui assurera le
titre de capitale régionale.
Son
territoire s'étend alors sur quelque six cents hectares. La
ville
garde sa physionomie de place fortifiée depuis son incorpo-
ration à la France en
1552.
L'ensemble, construit
d'après
les plans
de Vauban, était entouré de remparts puissants, de fossés, de
bastions et de nombreuses portes d'entrée
(1).
Avec ces solides
(1)
Les Archives départementales de la Moselle possèdent de nombreuses
cartes
et
plans sur la cité et le pays messin. En ce qui concerne
notre
période, nous
signalons les deux plans contemporains suivants :
Nouveau plan de la Ville de Metz avec tous les changements et augmentations
faits
jusqu'en 1784. Par M. De..., Ingénieur géographe. [
1132].
Nouveau plan de la Ville de Metz avec tous les changements et augmentations
faits
jusqu'en 1821. Par M. De..., Ingénieur géographe. [
1598].
4
METZ
PENDANT
LA REVOLUTION
éléments de défense, Metz semblait veiller à la sécurité de la
France,
barrant un des passages habituels d'invasion ennemie (2).
Après avoir franchi ces impressionnantes constructions de
défense, la ville présentait une ordonnance d'assez belle allure.
A
la cité militaire, les novateurs du xvme
siècle,
comme le maré-
chal
de
Belle-Isle
(3), apportèrent une retouche délicate et indis-
pensable. L'alignement de quelque deux cents rues fut en partie
corrigé,
leur pente adoucie ; des quais, des ponts et des rues
furent percés. Des édifices religieux, militaires et publics furent
construits. La ville s'embellit d'un imposant hôtel de ville, du
Palais
de la Comédie, de l'Hôtel de l'Intendance, du Palais du
Gouverneur des Trois-Evêchés et de nombreuses places assez vastes
et élégantes. Par contre, six cents lanternes à réverbère seulement
éclairaient
les rues, de
nuit,
et quelques fontaines et pompes
publiques fournissaient une partie de l'eau indispensable aux
citadins.
La
ville renfermait quelque trois mille maisons réparties en
plusieurs quartiers. Les bâtiments militaires se trouvaient
surtout
sur la rive gauche de la Moselle, au Fort-Moselle (4), au nord,
en Chambière (5), au sud,
dans
la Citadelle (6), et à l'est (7).
(2) «
Mets
est une ville
très
forte,
écrit le chevalier de Mautort,
elle
est
traversée
par
la
Moselle
qui s'y subdivise en trois
branches.
De
plus,
la
Seille,
petite
rivière,
vient
aussi
y
apporter
le tribut de ses
eaux.
En cas de
siège,
les
inondations
ne
seraient
pas
difficiles.
Les fortifications
forment
une
enceinte
immense.
Les
ouvrages
extérieurs
sont
composés
de
deux
forts
très
considérables
et
d'Une
citadel'e...
La
ville de
Mets
n'a jamais été
prise
et ne le
sera
probablement
pas de
longtemps;
aussi
se
glorifie-t-elle
du nom de
PUCELLE.
(Mémoires
du
chevalier
DE
MAUTORT,
p.
57-58.)
(3)
Charles-Louis-Auguste Fouquet, duc de
Belle-Isle,
maréchal de France, gou-
verneur des Trois-Evêchés
(1733-1753
et
1758-1761).
(4)
Ce fort renferme
dans
son intérieur
«
des
casernes
loge
un tiers de la
garnison,
de
plus,
des
magasins
immenses
pour
les
fourrages
de la
cavalerie.
Il
renferme
aussi
l'hôpital militaire, qui est
très
considérable.
On y
voit
un
collège
dont
le bâtiment et
l'église
présentent
une
superbe
façade.
Devant ces
édifices,
une
longue
et
large
place
est
destinée
aux!
exercices
journaliers
des
troupes
».
(Mémoires
du
chevalier
DE
MAUTORT,,
p.
57-58.)
(5)
« Le
quartier
de
Chambière
est le
plus
beau
et le
plus
agréable
de la ville. »
(Ibid.,
p.
57.)
(6)
« La citadelle
appuie
sa droite sur la
rivière,
écrit le chevalier de Mautort.
Elle
défend
de
front
la partie de la ville-
qu'elle
couvre
et, par sa
gauche,
conjoin-
tement
avec
le Paté, tout ce qui se trouve
entre
ces
deux
points et qui n'est pas
susceptible
d'inondation.
Cette citadelle n'a
rien
de
remarquable.
Les
casernes,
magasins
et
autres
bâtiments de
l'intérieur
sont au
contraire
fort vilains.
»(Ibid.,
p.
57-58.)
(7)
« Le fort^ dit fort de
Belle-Croix,
est
réputé
un
chef-d'œuvre
de
fortifica-
tions...
Il y a des
casemates
très
considérables
pour
y mettre le soldat à l'abri. On
n'y
voit
en bâtiments que
quelques
corps
de
garde.
Il n'y
loge
point de
troupes
et
il
n'y a
pour
sa
garde
qu'un
poste qui se
relève
toutes les
vingt-quatre
heures.
Entre
ce
fort et la citadelle^, on trouve un
autre
retranchement
appelé
le Paté. »
(Ibid.,
p.
57-58.)
METZ
PENDANT
LA
REVOLUTION
5
Les
établissements religieux étaient fort disséminés, tfl y avait à
Metz
soixante et une églises ou chapelles et de nombreux édifices
appartenant
au Clergé
(8).
Le commerce siégeait au centre de la
ville,
autour
de la place Saint-Louis et de la place de Chambre,
encombrées alors d'hôtels et d'échoppes. L'artisanat se réfugiait
dans
les quartiers de l'est et du nord de la ville. Entre ôés divers
quartiers, le contraste était frappant, chacun ayant son allure
propre
et sa population attitrée.
A
côté de ses monuments anciens ou modernes, Metz conservait
encore quelques rues étroites et obscures, des maisons serrées et
délabrées. L'absence
d'égouts
et la raretés fosses d'aisance
augmentaient le danger de contagion en cas de maladie et incitaient
les
Messins à aller chercher bon air, lumière et détente en dehors
des murailles de la ville. Sa destinée de ville frontière, de ville
de défense empêchait
pour
le moment toute extension au delà
des remparts ou la destruction de ceux-ci. A la veille de la Révo-
lution, Metz comptait 36.000 habitants, population importante si
l'on songe à son cadre restreint par les nécessités de la guerre
(9).
Les
témoignages sur l'aspect de la cité en
1789
sont rares. Le
célèbre
voyageur anglais
YOUNG
n'y consacre que quelques lignes.
«
L'une
des
plus
fortes places
de
France,
écrit-il, on
traverse trois
ponts-levis, mais Vabondance
de
Veau doit donner
une
force
égale
à
ces
travaux
; la
garnison habituelle
est de six
mille hommes,
mais
il y en a
moins
à
présent
»
(10).
Un
autre
témoin, le chevalier
de
MAUTORT,
est
plus
précis. « La
ville
est
fort grande,
précise-t-il,
en général bien bâtie,
et
journellement
on
s'occupe
de son
embel-
lissement
; la
cathédrale
est le
seul
monument
ancien
; tout ce
qu'il
y a de
beau,
d'ailleurs,
est
moderne,
la
Comédie, l'Intendance,
la
Place
d'Armes,
les
casernes, l'Hôtel
de
Ville
et le
Gouverne-
ment»
(11).
Ces deux témoignages se complètent : cité militaire,
Metz
essaye de devenir également une coquette ville moderne de
l'Est
de la France.
*
* *
(8)
VIVILLE,
Dictionnaire du département de la Moselle, t. I, p. 426.
(9) Strasbourg avait alors
49.948
habitants
(Jacques
HATT, La société strasbour-
geoise
à la veille de la Révolution française de
1789,
dans L'Alsace contemporaine,
1950) ; Nancy ne comptait que
30.000
habitants. (Albert
TROUX,
La Région meurthoise
à
la veille de la Révolution, dans Le Pays lorrain,
1938.)
(10) A. YOUNG, Voyages en
France,
t. I, p. 330.
(11) Mémoires du chevalier DE MAUTORT, p.
72-73.
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