Le pouvoir de l’observation dans les math´
ematiques de la
M´
ecanique Quantique
Cyrille H´eriveaux
Doctorant sous la direction de T. Paul
CMLS, ´
Ecole Polytechnique
Centre de
Math´ematiques
Laurent Schwartz
´
Ecole
Polytechnique
Formalisme math´
ematique de Johannes von Neumann,dit de Copenhague
Axiome 1 Un syst`eme physique est d´ecrit par un vecteur
(´etat) de norme 1 appartenant `a un espace de Hilbert
H
Exemple : H:= L2(R3) d´ecrit une particule dans l’espace
`a trois dimensions. Pour un ´etat ψde Hnormalis´e, |ψ(x)|2
est la densit´e de probabilit´e de pr´esence de la particule dans
l’espace.
Axiome 2 L’espace des ´etats d’un syst`eme constitu´e de
deux parties, d´ecrites respectivement par H1et H2, est le
produit tensoriel H:= H1H2.
Axiome 3 L’´evolution temporelle d’un syst`eme physique autonome (hors mesure, donc sans projection brutale) est donn´ee par un groupe unitaire `a un
param`etre qui satisfait g´en´eralement l’ ´equation de Schroedinger :
i!dU
dt (t)=HU(t)
o`u Hest un op´erateur auto-adjoint sur H.
Axiome 4 A chaque grandeur physiquement mesurable, on associe un op´erateur auto-adjoint Asur H(une observable). Par le th´eor`eme spectral, on
associe `a Aune mesure bor´elienne de probabilit´e `a valeurs projections: Π(E) := χE(A) pour Eun bor´elien, et A=!λdΠ(λ). Eectu´ee sur un syst`eme
dans l’´etat ψ, le r´esultat est al´eatoire et prend une valeur λEavec la probabilit´e ||Π(E)ψ||2. De plus, l’´etat ψest aussitˆot projet´e sur l’espace
propre correspondant.
Une mesure implique donc une perte d’information, irr´eversible.
Le chat de Schroedinger
L’axiome 1et l’axiome 4 sont contre-intuitifs :
Superposition possible d’´etats car l’espace des ´etats (avant renormalisation) est un espace vectoriel.
Projection instantan´ee, lors de la mesure, de l’´etat du syst`eme sur celui correspondant au r´esultat.
Al´eatoire intrins`eque
Exp´erience de pens´ee d’ Erwin Schroedinger mettant en ´evidence ces paradoxes : un chat est enferm´e dans une boˆıte ferm´ee avec un dispositif qui tue
l’animal d`es qu’il d´etecte la d´esint´egration d’un atome d’un corps radioactif. Si les probabilit´es indiquent qu’une d´esint´egration a une chance sur deux d’avoir eu
lieu au bout d’une minute, le chat est dans un ´etat de superposition de l’´etat ”mort” et de l’´etat ”vivant” :
ψchat =1
2(ψmort +ψvivant)
Une mesure de son ´etat (mort ou vivant ?) proj`ete alors le chat dans l’´etat ”mort” ou ”vivant” avec une probabilit´e 1
2.
En m´ecanique classique au contraire, on dirait que le chat est d´ej`a ”mort” ou ”vivant” avec probabilit´e 1
2avant la mesure, mais qu’il est impossible de le savoir
avant mesure. Le hasard n’est pas le mˆeme. Dans le premier cas, il est intrins`eque, contenu dans l’´etat du chat avant mesure. Dans l’autre, on croit
aud´eterminisme, mais `a l’existence de ”variables cach´ees”, d’o`u notre incapacit´e `a connaˆıtre tous les param`etres n´ecessaires `a la pr´ediction du r´esultat.
Les in´egalit´es de Bell permettent de faire la distinction entre ces deux types d’al´eatoire. Leur violation (prouv´ee exp´erimentalement par A. Aspect en
1982) vient confirmer le postulat de la M´ecanique Quantique.
Retour au classique
Seconde loi de Newton si les forces sont connues, le mouvement de la particule est enti`erement d´etermin´e par sa position qet son impulsion p`a un
instant donn´e.
Particule dans une vari´et´e XClassique Quantique
´
Etats (p, q)T(X) (vari´et´e symplectique) ψL2(X) (Hilbert)
Observables Fonctions `a valeurs r´eelles Op´erateurs auto-adjoints
Crochet Poisson {., .}Lie 1
i![., .]
Equations Hamilton "˙p(t)=−∇qh(p(t),q(t))
˙q(t)=ph(p(t),q(t)) Schroedinger i!dψ
dt (t)=Hψ(t)
Al´eatoire D´eterminisme/Chaos Intrins`eque
Du classique au quantique : la quantification
Id´ee : fournir une correspondance entre observables classiques et observables quantiques, en traduisant leurs propri´et´es essentielles.
R´ealisation : remplacer la position xet le moment ξpar des op´erateurs autoadjoints Xet Dsur l’espace hilbertien des ´etats Hdevant v´erifier des relations
de commutations dites canoniques (les mˆemes que pour les fonctions coordonn´ees en rempla¸cant le crochet de Poisson par le commutateur divis´e par i!)
Dans le cas o`u l’on se place sur L2(Rn), solution propos´ee par Schroedinger: les Xj(1 !j!n) sont les op´erateurs de multiplication par les coordonn´ees xj,
et les Djsont les i!xj.
Problme : xet ξcommutent, Xet Dnon Comment quantifier σ(x, ξ)=xξ=ξx?
Solution : (Weyl, 1928) Passer par la transform´ee de Fourier.
(2π)2nσ(X, D)=## $σ(p, q)ei(pD+qX)dpdq
Du quantique au classique : les ´
etats coh´
erents
En cherchant `a minimiser les relations de Heisenberg
ψXψP"
!
2
on est tout naturellement amen´e `a introduire les ´etats coh´erents, une famille indic´ee par l’espace de phase T(Rn):
ψa
(p,q)(y) = (2π)n!n/4eipq/2!eipy/!a%yq, yq
!,!&
Et cette famille a, entre autres, la propri´et´e spectaculaire suivante que pour tout tR, il existe une fonction atet un r´eel l(t) `a d´ependance lisse en ttels que :
eitH/!ψa
(p,q)=eil(t)/!ψat
(p(t),q(t)) +O(!)
o`u (p(t),q(t)) est le flot engendr´e par le Hamiltonien classique.
On retrouve alors le classique `a partir du quantique en passant `a la limite semiclassique (i.e. en faisant tendre !vers 0) dans le r´esultat de
la mesure de la position et l’impulsion de ces ´etats (en obtenant respectivement (p, q) et (p(t),q(t))).
Pour en savoir plus : `
A propos du formalisme math´ematique de la M´ecanique Quantique, T. Paul, ”Logique et Interaction : G´eom´etrie de la
cognition” Actes du colloque et ´ecole th´ematique du CNRS ”Logique, Sciences, Philosophie” `a Cerisy, Hermann, 2009.
Effet Z´
enon quantique
Chacun sait qu’en observant une casserole,
on empˆeche son eau de bouillir [A. Peres]
Une cons´equence ´etonnante de l’axiome 4 a ´et´e pr´ecis´ement
formul´ee en 1977 par Misra et Sudarshan : un syst`eme
quantique continˆument observ´e n’´evolue pas
dans le temps.
Formulation math´ematique : on se donne un syst`eme
quantique, de hamiltonien H, initialement dans l’´etat |ψ0>.
L’observable P=|ψ0>< ψ0|correspond `a la question suiv-
ante: l’´etat du syst`eme est-il dans l’´etat |ψ0>ou non?
La r´eponse est soit 1 (oui) soit 0 (non), et l’´etat |ψ>du
syst`eme devient, imm´ediatement apr`es la mesure, respec-
tivement soit |ψ0>soit 1
||(1P)|ψ>||(1 P)|ψ>.
On note :
•P(t) la probabilit´e, en observant le syst`eme continˆument
jusqu’au temps t>0, de le trouver toujours dans l’´etat
|ψ0>.
•P(t, n) la probabilit´e de le trouver dans cet ´etat `a chaque
mesure aux temps t1=t
n,t
2=2t
n,...,t
n=t
p(t) la probabilit´e que le r´esultat de la mesure `a l’instant
t(sans mesure au pr´ealable) soit ”oui”.
Soit T>0.
Si le r´esultat de la mesure est ”oui”, l’´etat du syst`eme est
projet´e dans l’´etait |ψ0>, donc P(T, n) est le produit des
probabilit´es conditionnelles suivantes: celles que la mesure
entraˆıne un collapse de la fonction d’onde dans l’´etat |ψ0>
au temps ti+1 sachant que l’´etat du syst`eme ´etait |ψ0>au
temps ti, pour ivariant de 0 `a n1, et ces probabilit´es sont
toutes ´egales `a p(T
n):
P(T, n)=p%T
n&n
Or,
p(t)=|<ψ0|U(t)|ψ0>|2
Dans toute la suite, on suppose que Hest une matrice de
taille finie dont le spectre est {λi}.
Alors pour t << !
λi, on a:
<ψ0|U(t)|ψ0>=1it
!<ψ0|H|ψ0>t2
2!2<ψ0|H2|ψ0>
+it3
2!2#1
0
(1 u)2<ψ0|H3eitu
!H|ψ0> du
Et donc:
p(t)=1t2
!2H2+O't3((((H3ψ0((((
!2)
o`u H2:=<ψ0|H2|ψ0><ψ0|H|ψ0>2.
Donc pour n >> 1
P(T, n)=1T2
n!2H2+O%1
n2&
n+1
et P(T)=1: Le syst`eme initialement dans l’´etat
|ψ0>le restera presque sˆurement s’il est observ´e
continˆument !
R´ealisation exprimentale par Cook en 1988.
Et pourtant, elle bout !
En eet, la limite semiclassique, le d´eveloppement limit´e
eectu´e n’est plus valable, et notamment le terme H2
!2
explose.
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