Historique - Croix

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DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
FICHE 1.3.
HISTORIQUE DU DIH
1. Des origines à 1859
La guerre est une constante dans l'histoire de l’humanité. Mais, de tout temps, les hommes ont
souhaité établir certaines règles visant à atténuer, autant que faire se peut, les dommages et les
conséquences des conflits armés. Ces règles se trouvaient dans des ouvrages philosophiques, dans
des codes religieux, dans des règlements destinés aux troupes, ou encore dans des traités bilatéraux
conclus entre les Etats.
Dès l’Antiquité, certains chefs politiques et militaires cherchèrent à protéger certaines catégories
de la population, notamment les femmes et les enfants, et certains biens indispensables à la survie
de celle-ci. Des trêves étaient organisées pour permettre aux parties en présence de recueillir les
morts et les blessés.
Exemples de sources de règles anciennes :
• Code d’Hammourabi (vers 1750 avant J.C.) : «Je prescris ces lois afin d’empêcher que le
fort n’opprime le faible.»
• Sun Tzu (VIe siècle avant J.C.), L’art de la guerre : neutraliser l’ennemi plutôt que de le
détruire, respecter les prisonniers,…
• Concile de Latran (1139) : interdiction de l’arbalète.
Par ailleurs, des principes fondamentaux d’humanité, comme la condamnation du meurtre et de la
torture et la protection des femmes, enfants et vieillards, se retrouvent dans la plupart des textes
religieux (Coran, Bible etc.).
En 1625, Grotius publie son ouvrage Droit de la guerre et de la paix qui énumère les règles de base
du droit de la guerre et qui marque la naissance du droit international public.
De même, les philosophes au XVIIIe siècle, tels Montesquieu et Rousseau, ont énoncé des principes
généraux d’humanité à prendre en compte dans la guerre.
• Montesquieu, De l'esprit des lois (1748) :
« …il est faux qu'il soit permis de tuer dans la guerre, autrement que dans le cas de nécessité… Tout
le droit que la guerre peut donner sur les captifs est de s'assurer tellement de leur personne, qu'ils
ne puissent plus nuire. Les homicides faits de sang-froid par les soldats, et après la chaleur de
l'action, sont rejetés de toutes les nations du monde. »
•
Jean-Jacques Rousseau, Le contrat social (1762) :
« La fin de la guerre étant la destruction de l’État ennemi, on a le droit d’en tuer les défenseurs tant
qu’ils ont les armes à la main; mais sitôt qu’ils les posent et se rendent, cessant d’être ennemis ou
instruments de l’ennemi, ils redeviennent simplement hommes et l’on n’a plus le droit sur leur vie.»
De l’origine des conflits à l’avènement du droit humanitaire moderne, on a ainsi recensé plus de 500
cartels, codes de conduite et autres textes dont le but était de règlementer les hostilités.
Malgré cela, ce n’est que bien plus tard dans l’histoire de l’humanité que des principes
humanitaires clairs et précis applicables en situation de conflit s’imposeront juridiquement et de
manière contraignante aux belligérants.
2. 1859/1864
Naissance du Mouvement international de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge et du DIH moderne
En 1859, Henry Dunant, est le témoin des tragiques conséquences de la bataille de Solferino (Italie 24 juin 1859) où près de 40.000 victimes sont abandonnées sur le champ de bataille. Il dénonce les
horreurs de cette guerre dans un texte qui circule dans toute l’Europe, « Un Souvenir de Solferino »
(1862). Il conclut son texte avec deux suggestions visant à réduire les souffrances des victimes des
combats :
• la constitution « dès le temps de paix, de sociétés de secours dont le but serait de faire donner
des soins aux blessés en temps de guerre » ;
• la formulation de « quelque principe international, conventionnel et sacré, qui servirait de
base à ces sociétés. »
En 1863, il crée avec quatre de ses concitoyens, Gustave Moynier, le général Guillaume-Henri
Dufour, Louis Appia et Théodore Maunoir, le Comité international de secours aux militaires blessés,
futur Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Ce « Comité des cinq » organise à Genève une
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DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
conférence internationale à laquelle participent des représentants officieux de 16 Etats qui font les
recommandations suivantes :
• création de Comités nationaux de secours
• affirmation de la neutralité des blessés et du personnel sanitaire
• proposition d’élaborer un traité de droit humanitaire
• adoption d’un signe distinctif commun.
En 1863 également, aux Etats-Unis d’Amérique où se déroule la guerre de sécession, Lincoln signe le
Code Lieber (1863) avec des instructions pour les armées en campagnes. Ce code n’est toutefois
destiné qu’aux seules troupes nordistes.
En 1864 une Conférence diplomatique internationale se réunit à Genève avec des délégués
plénipotentiaires de 16 Etats. Cette conférence adopte le 22 août 1864 la Convention de Genève
pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne. Elle est signée
par 12 Etats*. Ce traité multilatéral, ratifié à l’époque par la quasi-totalité des Etats, pose les bases
du droit humanitaire contemporain.
Ses principales caractéristiques sont :
• le principe de non discrimination : « les militaires blessés ou malades seront soignés à quelque
nation qu’ils appartiennent,
• la neutralité et la protection du personnel sanitaire, ainsi que du matériel et des équipements
sanitaires, signalés par l’emblème de la croix rouge sur fond blanc.
Sur la base des résolutions de la Conférence de 1863 et de la Convention de Genève de 1864 se
développa peu à peu l’organisation humanitaire de la Croix-Rouge ainsi que l’œuvre
conventionnelle, soit le droit international humanitaire. « Organisation mondiale d’une part, œuvre
conventionnelle d’autre part : aide humanitaire et protection juridique s’appellent l’une l’autre et
se soutiennent mutuellement. Ƞ
3. Développement du DIH
Né avec la première Convention de Genève de 1864, le droit international humanitaire s’est ensuite
développé par étapes pour répondre, trop souvent a posteriori, à des besoins humanitaires toujours
croissants, résultant de l’évolution des armements et des types de conflits. Il découle d’un équilibre
minutieux entre les préoccupations humanitaires et les exigences militaires des États.
Par ailleurs, à mesure que la communauté internationale s'est élargie, un nombre croissant d'États
ont contribué à son développement. Le DIH peut aujourd'hui être considéré comme un droit
véritablement universel.
Quelques dates sur la codification progressive du DIH :
1864
1868
1899
1899
1906
1907
1925
Adoption de la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des militaires blessés
dans les armées en campagne
Déclaration de Saint-Pétersbourg à l’effet d’interdire l’usage de certains projectiles en
temps de guerre
Adoption des Conventions de La Haye du 29 juillet 1899 traitant notamment des lois et
coutumes de la guerre sur terre et de la guerre maritime, et reprenant les principes de la
Convention de Genève de 1864
Introduction dans le préambule de la Convention de La Haye II de la « Clause Martens »
(respect des principes d’humanité pour les cas non prévus par le droit humanitaire)
Déclaration concernant l’interdiction des balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent
facilement dans le corps humain
Révision et développement de la Convention de Genève de 1864
Révision des Conventions de La Haye de 1899 et adoption de nouvelles règles (concernant
notamment les armes empoisonnées et la pose des mines sous-marines)
Protocole interdisant l’emploi des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et des moyens
bactériologiques
*
Bade, Belgique, Danemark, Espagne, France, Hesse, Italie, Pays-Bas, Portugal, Prusse, Suisse et
Wurtemberg.
†
Hans Haug, Postface d’Un souvenir de Solférino, CICR, 1990, p.130
2
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1929
1948
1949
1972
1976
1977
1980
1993
1997
1998
2000
DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
Révision et développement de la Convention de Genève de 1906 et adoption d’une
Convention relative au traitement des prisonniers de guerre
Adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
Adoption des quatre Conventions de Genève pour la protection des victimes des conflits
armés et des personnes détenues. Les première et troisième Conventions de Genève
remplacent les Conventions de 1929.
Adoption de la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du
stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction
Adoption de la Convention sur la protection de l’environnement (interdiction des
techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins
hostiles)
Adoption de deux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 pour la
protection des victimes (Protocole I pour les conflits armés internationaux et Protocole II
pour les conflits armés non internationaux)
Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques
qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou
comme frappant sans discrimination
Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de
l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction
Traité d’Ottawa sur l’interdiction sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la
production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction
Adoption du Statut de Rome de la Cour pénale internationale
Adoption du Protocole facultatif se rapportant à la Convention de 1989 relative aux
droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés
2005
Adoption du Protocole additionnel III aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à
l'adoption d'un signe distinctif additionnel (cristal rouge)
2008
Convention sur les armes à sous-munitions
Les faits précèdent souvent le droit
La chronologie ci-dessus démontre à l’évidence que certains conflits armés ont eu un impact plus ou
moins immédiat sur le développement du droit humanitaire.
Exemples :
La première guerre mondiale (1914-1918) voit l’emploi de certaines méthodes de guerre sinon nouvelles,
du moins à grande échelle : utilisation des gaz contre l’ennemi, premiers bombardements aériens, capture
de centaines de milliers de prisonniers de guerre... Les traités de 1925 et 1929 répondent à cette
évolution.
Le second conflit mondial (1939-1945) enregistre un nombre de civils tués environ deux fois aussi
importants que le nombre de militaires tués, alors que cette proportion n’était que de un contre dix en
1914-1918. En 1948 et 1949, la communauté internationale répond à ce tragique bilan, et tout
particulièrement aux persécutions effroyables dont les civils ont été les victimes, par l’adoption de la
Convention sur le génocide, par la révision des Conventions de Genève de 1929 et par l’adoption de la
quatrième Convention de Genève protégeant les civils.
Plus tard, en 1977, les Protocoles additionnels sont la réponse aux conséquences humanitaires des guerres
de décolonisation que les Conventions de 1949 ne couvraient qu’imparfaitement.
En ce qui concerne la réglementation des armes, des moyens et des méthodes de combat, il
convient néanmoins de souligner que les interdictions spécifiques ne font que renforcer l’efficacité
des interdictions génériques – qui sont, elles, clairement établies‡ - en levant le doute ou en
restreignant l’interprétation.
‡
Voir notamment l’article 23 de l’annexe à la Convention IV de La Haye de 1907 concernant les lois et
coutumes de la guerre pour l’interdiction d’utiliser des armes propres à causer des maux superflus ou
l’article 35 du PA I de 1977 qui rappelle que le choix des moyens ou méthodes de guerre n’est pas illimité.
A ce titre, il interdit l’emploi d’armes ou de méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus ou
qui sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu’elles causeront, des dommages étendus,
durables et graves à l’environnement naturel.
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