L`ALBATROS FULIGINEUX A DOS SOMBRE PHOEBETRIA FUSCA

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L'ALBATROS FULIGINEUX A DOS SOMBRE
PHOEBETRIA FUSCA ,
EXEMPLE DE STRATEGIE D'ADAPTATION EXTREME
A LA VIE PELAGIQUE
Institut des Sciences de l'Evolution, Montpellier *
Pierre JouvENTIN et Henri WEIMERSKIRCH
L'étude des oiseaux marins est restée très descriptive si on la compare à
celle des oiseaux terrestres. Ceci est sans doute dû au fait que ce groupe est
mal représenté dans notre hémisphère, puisque les espèces pélagiques y sont
beaucoup moins nombreuses que les espèces côtières.
Dans l'hémisphère austral, les mers prédominent largement sur les terres
et communiquent entre elles par un vaste océan circumpolaire. Les îlots de nidi­
fication que l'on y rencontre sont à peu près indemnes de toute action de
l'homme et de ses commensaux. Certains se trouvent à des milliers de kilo­
mètres des continents et leur avifaune se partage les ressources des immensités
océaniques e nvironnantes. Il n'est donc pas étonnant que l'on y trouve les plus
riches communautés d'oiseaux marins, telle celle de l'Archipel Crozet dans le
sud de l'Océan Indien, qui héberge 34 espèces, dont 25 de Procellariiformes
(Jouventin et al, sous presse) .
Cet ordre, qui comprend les oiseaux les mieux adaptés à la vie pélagique,
a surtout attiré jusqu'à présent l'attention des écologistes par la faible capacité
de reproduction de ses membres (Lack, 1 954, 1 966, 1 968 ; Wynne-Edwards,
1 95 5 , 1 962) : il apparaît à première vue difficile d'expliquer comment la sélec­
tion individuelle a pu agir pour amener ces espèces à pondre au mieux un seul
œuf par an, sans ponte de remplacement possible .
La famille des Diomédéidés, qui fait partie de l'ordre des Procellariiformes,
se prête particulièrement bien à l'étude de ce problème puisque près de la moitié
des espèces qui la composent élève au mieux un poussin tous les deux ans,
les grandes espèces du sous-genre Diomedea étant les plus connues (Richdale,
1 95 2 ; Tickell, 1 96 8 ) . Mais du fait de leur taille, et donc de la longueur de
l'élevage du poussin, la durée de leur cycle reproducteur (1 0 à 12 mois) suffit
pour expliquer cette biennalité. Par contre, parmi les petites espèces d'albatros,
qui passent seulement 6 à 8 mois à terre, certaines se reproduisent tous les
deux ans sans que la durée du cycle suffise à rendre compte de cette faible
fréquence de reproduction.
* Adresse : Section Socioécologie, U.S.T.L., place Eugène-Bataillor:, F . 3 4060 Mont­
pellier.
Rev. Eco!. (Terre Vie), vol. 39, 1 9 84
L'une des plus petites espèces, l'Albatros fuligineux à dos sombre (Phoe­
betria fusca) fait, depuis 1 976, l'objet d'un programme permanent d'étude à
l'île de la Possession, Archipel Crozet (46 ° S, 5 1 o E) (Figure 1 ) . Les premiers
individus ont été bagués en 1 966 et pendant les années 1 97 8 à 1 98 2 , une
étude intensive a été entreprise afin de contrôler ces oiseaux (car tous retour­
nent, semble-t-il, à leurs colonies de reproduction) et de préciser la biologie de
l'espèce. Aucune donnée n'était connue sur la dynamique de population de
cette e spèce avant l'étude préliminaire de Weimerskirch ( 1 9 8 2) et la seule
publication sur la biologie de reproduction effectuée à l'île Marion par Berutti
( 1 979 a) avait principalement pour but de distinguer les deux espèces d'alba­
tros fuligineux. Du fait de la complexité de la dynamique et de la structure des
populations de P. fusca, il a paru nécessaire de l'étudier sur un grand nombre
d'individus pendant plusieurs années successives .
Nous avons voulu tirer l e maximum d'enseignements de l'occasion que
nous avons eu d'étudier très en détail la même espèce à terre et en mer Gusqu'à
des milliers de kilomètres de la côte). Nous tenterons donc de regrouper dans
cet article les données que nous fournissent l a biométrie, la génétique, l'étho­
logie, l a distribution au large, la biologie de reproduction et la démographie
de cet oiseau, pour définir la stratégie globale d'adaptation de l'espèce à un
mode de vie essentiellement pélagique.
RESULTATS
L'ESPECE
La famille des albatros comprend 1 4 espèces réparties en deux genres
bien distincts : Diomedea et Phoebetria. Ce dernier taxon, considéré comme
primitif (Murphy, 1 93 6), ne comprend que deux espèces caractérisées par un
plumage sombre, une queue longue et cunéiforme, et la présence d'une raie
(le sulcus) qui partage les plaques cornées latérales de la mandibule inférieure.
L'Albatros fuligineux à dos sombre (Phoebetria fusca) se différencie de son
congénère, l'Albatros fuligineux à dos clair (P. palpebrata) par son plumage
entièrement sombre et la couleur crème du sulcus . Le poussin à l'envol a un
plumage identique à celui de l'adulte, mais la raie du bec n'apparaît pas encore
et l'anneau orbital n'est pas blanc comme celui des parents . Par contre, à
Crozet, les hampes des rémiges primaires et des caudales sont blanches comme
celles des adultes, et non foncées comme le signale Berutti ( 1 979 b) à l'île
Marion. Pendant plusieurs années, l'immature ne reviendra plus à terre et nos
observations en mer montrent que tout ou partie des individus de cette classe
d'âge ne portent pas toujours de sulcus crème, mais présentent très souvent
un collier chamois contrastant avec le plumage sombre . Dès que les oiseaux
commencent à revenir à terre, ils présentent tous les caractères typiques de
l'espèce .
L'Albatros fuligineux à dos sombre se reproduit sur les îles Gough et
Tristan da Cunha, Prince Edward, Crozet, Saint-Paul, Amsterdam et Kergue­
len. La population mondiale de cette espèce est faible, puisque 1 3 700 couples
seulement se reproduisent chaque année (Williams et al, 1 97 9 ; Jouventin et al,
sous presse) . En se basant sur nos chiffres, on peut estimer la population mon­
diale à 93 000 individus, dont 1 9 % sont originaires des îles Crozet. Les nids
sont groupés dans des falaises à proximité immédiate de la mer et à l'abri des
-·
402
-·
Figure 1 .
-
A, Albatros fuligineux à dos sombre en début de parade nuptiale,
Pointe B asse, octobre 1 980.
B, adulte au nid avec poussin, même localité. Photos H. Wei merskirch.
- 403
3
vents dominants. Le degré de « colonialité » de cette espèce se situe entre celui
de l'Albatros fuligineux à dos clair qui se reproduit pratiquement e n solitaire
et celui des « Mollymauks » ( 1 ) qui sont coloniaux (cf. Annexe 1) .
Les mensurations prises sur les oiseaux des Crozet sont groupées dans
l'Annexe II : les immatures (capturés sur la colonie) sont plus légers que les
adultes (P < 0,001 ; t
4,82). Les mâles sont plus lourds que les femelles
2,56) ; le bec (P < 0,00 1 ; t
6,08) et l'aile (P < 0,001 ;
(P < 0,05 ; t
t
5,98) sont aussi en moyenne significativement plus grands chez les pre­
miers que chez les secondes. Le plumage et les parties cornées sont les mêmes
dans les deux sexes, mais on constate un dimorphisme vocal illustré par la
figure 2. La durée de la partie principale du chant, par exemple, est significa­
tivement plus longue chez le mâle (P < 0,00 1 ; t
4,76, cf. Annexe I) .
=
=
=
=
=
KHZ
Figure 2.
Le chant de Phoebetria fusca est constitué de 2 phases dont la seconde (expi­
ration) est peu audible, mais cependant visible sur le sonagramme en bas et à gauche.
Dans la moitié supérieure, deux chants d'un même mâle (à gauche) et d'une même femelle
(à droite). Dans la moitié inférieure, chants de 2 autres mâles (à gauche), et de 2 autres
femelles (à droite). Noter la ressemblance des chants du même oiseau et les différences
entre sexes et individus.
-
Sur le plan génétique, la séparation entre les 2 espèces d'albatros
neux et l'isolement du genre Phoebetria par rapport au genre Diomedea
raissent nettement par les techniques électrophorétiques. Résultat moins
sible, la variabilité génétique est très faible chez Phoebetria fusca (H
et P
0,056, pour 1 8 loci e t 1 4 individus, d'après Viot corn. pers.) .
=
=
( 1 ) Groupe homogène des petits albatros du genre D iomedea.
- 404 -
fuligi­
appa­
prévi­
0,0 1 2
LA VIE EN MER
Malgré sa petite taille, l'envergure de cet oiseau est de l'ordre de deux
mètres ; avec un poids moyen de 2,6 kg, son indice de Hartman est parmi les
plus élevés des albatros (cf. Annexe l) . Cette grande surface alaire associée à
un faible poids et à une forme d'aile étroite confèrent des capacités voilières
exceptionnelles à cette espèce . Elle est donc particulièrement bien adaptée à
des vols à lon gue distance dans des régions ventées.
Or la contrainte majeure d'un oiseau se reproduisant à terre et se nour­
rissant en mer consiste dans la nécessité de continuels voyages alimentaires.
Cette contrainte devient critique à l'époque où l'animal doit non seulement
subvenir à ses propres besoins mais rapporter au nid un surplus de nourriture
nécessaire à l'alimentation de sa progéniture . Par suite de l'impossibilité de
suivre les oiseaux sur les lieux d'alimentation éloignés, la méthode généralement
utilisée pour évaluer Je rayon de prospecti on d' une espèce autour de son îlot de
reproduction est indirecte : elle consiste à évaluer la fréquence de nourrissage
du poussin par pesées quotidiennes durant sa période de croissance pondérale
rapide, ce qui permet d'en déduire le temps passé en mer par chaque parent.
Cette durée divisée par deux (puisque les oiseaux effectuent un aller-retour) ,
puis multipliée par la vitesse moyenne de vol de l'oiseau, indique le rayon de
prospection maximum autour de l'îlot de reproduction .
Le tableau I donne la fréquence de nourrissage du poussin en fonction de
son .â ge (Tableau I A), et durant trois cycles reproducteurs (Tableau I B) pour
l'Albatros fuligineux à dos sombre étudié à Crozet. On constate que d'une
année à l'autre, et selon !'.âge du poussin (hormis les 20 premiers jours) , la
variation est faible . La fréquence de nourrissage moyenne est de 0,3 76, c'est-àTABLEAU I
Fréquence de nourrissage des poussins.
Elle a été calculée en estimant qu'une diminution de poids du poussin entre 2 pesées
correspond à une absence de nourrissage : A, en fonction de l'âge du poussin, et B. en
fonction du cycle reproducteur (âge du poussin = 2 1 -60 j ours) .
A
Age (jours)
0
21
41
61
81
-
20
40
60
80
1 20
Nombre
de poussins
pesés
Intervalle moyen
entre 2 nourrissages
(jours)
10
7
39
13
6
1 ,47
2,78
2,66
2,63
2,56
B
Cycle
reproducteur
Nombre
de poussins
pesés
Intervalle moyen
entre 2 nourrissages
(j ours)
1 979- 1 98 0
1 9 8 0- 1 9 8 1
1 98 1 - 1982
16
32
4
2,6 1
2,79
2,44
- 405
dire que le poussin est alimenté tous les 2 , 6 jours, ce qui correspond à un
voyage alimentaire de 5,2 jours par parent. D'après la formule de Pennycuick
(1 969), la vitesse moyenne de vol de l'Albatros fuligineux à dos sombre étant
de 34,9 km/h, le rayon théorique de prospection maximum serait donc de
plus de 2 1 50 km autour du lieu de reproduction.
Mais cette évaluation suppose que le reproducteur se meut en ligne droite
et sans un instant de repos, ce qui est peu probable. Aussi avons-nous exploité
les données recueillies par notre équipe au cours d'un programme de six années
d'observations en mer (30 000 kilomètres de relevés !) dans le sud de l'Océan
Indien. Durant la période de nourrissage du poussin en février, et à partir des
seuls transects rayonnant autour des îles Crozet, 1 04 observations d'Albatros
fuligineux à dos sombre ont été effectuées à bord du navire océanographique
Marion Dufresne (Figure 3 ) . Peu d'oiseaux ont été vus entre la limite théorique
du rayon de prospection maximum (2 1 50 km) et une distance de 1 200 km de
l'île (Stahl, 1 98 3), ce qui permet de supposer que le rayon de prosp�ction réel
ne s'étend pas au-delà de cette dernière limite (Figure 3 ) . Ainsi le genre
Phoebetria effectue-t-il avec le Grand Albatros, les plus longs séjours en mer
quand les parents nourrissent leurs poussins (cf. Annexe II) .
Les reproducteurs nichant à Crozet exploitent une surface océanique im­
mense qui couvrirait près de 3 millions de km2 (l'espèce ne dépassant pas vers
le nord la latitude 42° S dans ce rayon de prospection de 1 200 km) . Mais
l'importante fraction d'oiseaux non reproducteurs n'est bien entendu pas obligée
de se limiter à cette zone et on observe, au-delà de ses limites, des représentants
de l'espèce, en densité toujours faible cependant comparativement à tous les
albatros du genre Diomedea. Par ailleurs, l'analyse des données hydrologiques
recueillies parallèlement aux observations en mer, montre qu'à l'intérieur des
vastes masses d'eau que cette espèce prospecte, elle n'a aucune préférence
particulière en ce qui concerne la température ou la salinitié de l'eau de mer
(Stahl, 1 98 3 ) .
L a zone d'alimentation d e P. fusca s e décale nettement vers l e nord en
hiver (Jouventin et al., 1 982). De plus les immatures n'exploitent pas les mêmes
biotopes d'alimentation que les adultes, puisqu'en été la convergence subtro­
picale constitue au Nord de l'Archipel Crozet une véritable barrière pour les
immatures (Figure 3 ) . Notons que l'espèce jumelle plus septentrionale, P. pal­
pebmta, présente la même ségrégation spatiale, les immatures étant confinés
à la bordure du Continent Antarctique (Falla, 1 93 7) . Le régime alimentaire
de l'Albatros fuligineux à dos sombre est principalement teutophage (Ta­
bleau II). Notons dès maintenant que les céphalopodes constituent une caté­
gorie de proies peu nourrissante sur le plan énergétique (Voss, 1 973), campaTABLEAU II
Fréquence des différents types de proies
consommées par Phoebetria fusca
dans 81 contenus stomacaux de poussins ob tenus par régurgitation.
Céphalopodes
Poissons . . . .
Crustacés . . .
Manchots . . .
Prions
...
....
....
....
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
- 406 -
.
.
.
.
95,1
20,9
1 1, 1
3 0,8
4,9
%
%
%
%
%
AFRIQUE
A N TA R C T I Q U E
Figure 3 .
Distribution pélagique d e s adultes ( à droite, l e nombre moyen d'oiseaux par
observation de 10 minutes est indiqué en fonction de la latitude) et des immatures (indiqués
par une étoile noire). Les rayons de prospection maximum, théoriques et observés, autour
de l'îlot de nidification (ici l'archipel Crozet) sont représentés. Les trajets échantillonnés
sont figurés.
-
rativement aux poissons et aux crustacés (Grantham, 1 977), proies favorites
des autres albatros de taille similaire (Prince, 1 980 ; Weimerskirch, Jouventin
et Stahl, en prép.) . cette espèce montre aussi une nette tendance à la nécro­
phagie et ne se rencontre pas en groupe comme la plupart des espèces du genre
Diomedea, car elle prospecte l'océan en solitaire. Dans les zones de prospec­
tion des deux espèces d'albatros fuligineux, on note une moyenne de 1 ,28 oiseau
par relevé de 1 0 minutes, alors que les quatre autres espèces des îles Crozet
sont observés à des fréquences moyennes de 1 , 6 à 1 5,7 oiseau par 1 0 minutes.
-·
407 -
Lorsqu'elle entre en compétition avec d'autres espèces d'albatros, elle se fai t
exclure (Stahl, 1 9 83). P. fusca est donc un mauvais compétiteur, mais compense
ce handicap par ses capacités voilières exceptionnelles .
CYCLE REPRODUCTEUR
PÉRIODE PRÉCÉDANT LA PONTE. - Les colonies de Phoebetria fusca sont
désertées complètement pendant l'hiver austral. Les premiers œtours ont été
observés le 1 7 août en 1 979, ce qui correspond à un retard d'un mois par
rapport à l'île Gough (Swales, 1 965) et aux îles Tristan da Cunha (Elliott,
1 957). A l'île Marion, les premiers retours se situent à la même période (Be­
rutti, 1 979 a) . Les mâles (Tableau III) arrivent significativement plus tôt que
TABLEAU III
Dates des premiers retours à la colonie de reproduction en 1 9 79 .
Sexe
n
Valeurs extrêmes
Mâle
Femelle
37
34
3 Sept. - 26 Sept.
10 Sept. - 2 Oct.
Moyenne et Ecart type
16 Sept. ± 5,3 jours
2 1 Oct. ± 5,6 j ours
les femelles (P < 0,00 1 ) et occupent les n ids les premiers (Figure 4), alors
que les femelles n'effectuent que de brèves visites de quelques heures à leur
partenaire. Le dernier séjour du mâle avant la ponte est très long, pouvant
atteindre 24 jours . Pendant la période précédant la ponte, le mâle passe en
moyenne 1 5 , 5 ± 5, 7 jours sur le nid (valeurs extrêmes = 2-24 jours, n
3 9),
alors que la femelle y passe seulem;;: nt 1 , 8 2 ± 1 ,06 j ours (0-5 jours, n = 3 8 ) ,
ne venant à terre que pour être fécondée .
D u rée du séj o u r
s u r l e nid ( j o u r s )
24
39
13
22
20
,.
18
16
14
12
10
8
6
4
2
13 1 3
J�l � Hh�.�
..
-� -� -� _g -� _y t � �
-----PONTE
Pér i o d e préposital e
�
�
�
�
�
�g�
I n c u bation de 1 'œuf
1
2 3 4 5 6 7 8 9
------
E l evage d u j e u n e poussin
Figure 4 . - Alternance des couveurs sur le nid. Les mâles et les femelles se relaient
durant l'incubation et l'élevage du jeune poussin pour des périodes de durée variable au
cours du temps. La durée moyenne est représentée par le trait horizontal, l'écart type par
la colonne verticale, l'étalement des valeurs par le trait vertical . Le chiffre au-dessus de la
ligne verticale correspond au nombre d'observations.
-·
408
-·
Les copulations s'effectuent en moyenne 1 4 ± 5,9 jours avant la ponte
6 3 ) mais s'observent du 3 0• jour à la veille de la ponte.
L'œuF. - Un seul œuf est pondu (longueur
1 0 1 , 8 ± 3 , 1 8 mm ; valeurs
227,0
9 5- 1 08 ; largeur
6 5 ,3 ± 2, 1 , 59-69, 5 ; poids frais
extrêmes
± 1 7, 7 g, 1 8 5-265 ; n
74) . Il représente 9,3 % du poids de la femelle et
aucune ponte de remplacement n'a lieu.
Au cours de 3 cycles reproduceurs, il n'y a pas eu de différences significa­
tives entre les dates moyennes de ponte (Tableau IV). A l'île Marion, les pontes
(n
=
=
=
=
=
=
TABLEAU IV
Dates de ponte pour 3 cycles reproducteurs.
Cycle
reproducteur
n
Valeurs
extrêmes
1 979-1 980
1 980- 1 9 8 1
1981- 1982
40
40
29
5 - 16 Oct.
2 - 1 3 Oct.
3 0 Sept. - 1 0 Oct.
Moyenne et Ecart type
9 Oct.
6 Oct.
7 Oct.
± 2,3 jours
± 2,6 jours
± 2,6 jours
Durée
de la période
de ponte Gours)
12
12
11
s'effectuent également à la même période (Berutti, 1 979 a), mais à Tristan da
Cunha, situé en zone subtropicale, elle est en avance de 1 5 jours (Elliott, 1 957).
Aux îles Crozet, les pontes sont extrêmement bien synchronisées, puisque tous
les œufs sont pondus en 1 2 jours au maximum.
INCUBATION. - La durée d'incubation est de 70,7 ± 1 , 54 jours (67-75 ,
n
40) . Comme chez tous les albatros, les deux partenaires se relayent sur le
nid pour incuber l'œuf qui est couvé continuellement. Chez Phoebetria fusca,
l'incubation s'effectue e n 6 à 1 0 périodes variant de 6 à 2 1 jours (Figure 4) .
Contrairement aux autres espèces d'albatros, c'est la femelle qui effectue le plus
long séjour au nid, le troisième, qui dure 1 2,6 jours en moyenne. A partir de
ce moment, les séjours racourcissent régulièrement jusqu'à l'éclosion. Il n'y a
pas eu de différence significative entre les durées moyennes de chaque période
d'incubation pour les cycles reproducteurs 1 979- 1 980 et 1 9 8 1 - 1 9 82. En
moyenne, le mâle incube l'œuf aussi longtemps que la femelle (49, 1 % et
50,9 % respectivement, différence non significative) .
LE POUSSIN. - Les dates moyennes d'éclosion sont données dans le
tableau V pour 3 cycles reproducteurs . A partir de l'éclosion, les périodes de
présence sur le nid deviennent très courtes, variant de 2 , 3 1 ± 1 ,0 jours
(n
1 8 1 ) . Il n'y a pas de différence significative entre la durée moyenne de
présence avec le jeune poussin des mâles (2,26 ± 1 , 1 1 jours, n
89) et celle
des femelles (2, 3 7 ± 0,9 1 jours, n
92), ou entre le temps moyen passé au
28) et
nid par le mâle ( 1 0,29 ± 2 , 3 5 jours, valeurs extrêmes : 6-1 8 , n
celui passé par la femelle ( 1 0,75 ± 2 ,5 2 jours, 5 - 1 6 , n
28) lors de l'élevage
du poussin non émancipé.
La durée moyenne entre l'éclosion et l'émancipation thermique du poussin
est de 2 1 , 3 ± 2,43 jours ( 1 6 -2 8 , n
4) . Lorsque le poussin est émancipé, les
deux adultes vont venir le nourrir périodiquement à une fréquence donnée dans
le tableau 1. La croissance pondérale du poussin semble plus rapide qu'à l'île
Marion (Berutti, 1 979 a), notamment lors des 80 premiers jours de l'élevage
(Weimerskirch, en prép.) et la durée moyenne de l'élevage du poussin est de
=
=
=
=
=
=
=
- 409 -
TABLEAU V
Dates d'éclosion pour 3 cycles reproducteurs.
Cycle
reproducteur
n
Valeurs
extrêmes
1 978- 1 979
1 979- 1 980
1 98 1 - 1 982
24
30
22
1 1 - 24 Déc.
1 6 - 25 Déc.
9 - 20 Déc.
Moyenne et Ecart type
1 8 Déc.
19 Déc.
1 6 Déc.
± 3 ,2 jours
± 2,2 j ours
± 3,0 j ours
Durée
de la période
d'éclosion (jours)
14
10
12
1 64,5 ± 8,95 jours ( 1 3 5- 1 7 8 , n = 28), valeur significativement plus longue
(P < 0,05) que celle de quatre poussins à l'île Marion (Berutti, 1 979 a) . La
date moyenne de l'envol est le 3 1 mai ± 9 , 6 jours, s'étendant sur plus d'un
mois du 1 1 mai au 1 5 juin (n = 3 1 ) . Les adultes continuent à visiter leur
poussin jusqu'à l'envol.
CoNCLUSION.
La longueur moyenne du cycle reproducteur de P. fusca
est de 245 jours, sans tenir compte du séjour au nid précédant la ponte - ce
qui représente le cycle le plus long connu chez les albatros de taille similaire .
C'est l'élevage du poussin qui est particulièrement prolongé dans cette espèce . En
effet, alors que le poids moyen des repas du poussin (500 ± 1 45 , 8 g, 3 50-63 0,
n
4) est normal pour un Albatros de cette taille, la valeur énergétique du
bol alimentaire est faible et la fréquence de nourrissage est une des plus basses
connues. Dans cette famille, il existe une corrélation très nette (r = 0,898)
entre le poids moyen de l'adulte et l a durée de l'élevage du poussin, mais
Plwebetria fusca est l'espèce présentant la durée d'élevage relativement la plus
longue de tous les Diomedeidés (Annexe 1). Une autre caractéristique de cette
espèce est l'absence de variabilité de la chronologie des cycles reproducteurs
d'une année à l'autre, ainsi que l'extrême synchronisation des différentes phases
d'un même cycle (cf. Annexe 1).
Plus encore que chez tous les autres membres de la famille, on assiste à
un partage égalitaire des tâches au cours de l'incubation et de l'élevage du
poussin non émancipé entre le mâle et l a femelle, la production de l'œuf par
la femelle étant compensée par le long séjour au nid du mâle avant la ponte.
-
=
MOR TALITE
ŒuFs ET POUSSINS.
La mortalité au nid des œufs et des poussins est
présentée dans le tableau VI pour 7 cycles reproducteurs. Elle est très variable
d'une année à l'autre, allant de 3 9 , 8 à 8 7 , 1 % des œufs pondus. La mortalité
des poussins se produit presque exclusivement au cours de la période d'élevage
du jeune, c'est-à-dire durant les 20 premiers jours d'élevage (sur 1 65), et elle
est toujours supérieure à la mortalité au stade des œufs. Dès que les poussins
sont émancipés, 95 % d'entre eux prendront en moyenne l'envol . Le principal
facteur de mortalité est l'abandon du nid par le(s) individu(s) reproducteur(s) ,
sans qu'aucune cause (climat, action des prédateurs ou de l'homme) ne puisse,
à terre, expliquer cette désertion parentale. De plus les abandons sont presque
exclusivement collectifs chez cette espèce : un jour une corniche comprendra
une quinzaine de nids occupés, et le lendemain elle sera c omplètement désertée .
Un phénomène aussi soudain ne semble pouvoir s'expliquer que par un « effet
de contagion » . Des abandons en groupe ont également été observés chez
-
- 41 0 -
TABLEAU VI
Mortalité au nid des œufs et des poussins pour 7 saisons
de reproduction successives.
Mortalité des poussins
Mortalité
totale
Cycle
reproducteur
n
1 976- 1 9 7 7
1977-1978
1 97 8 - 1 979
1 97 9 - 1 980
1 9 8 0- 1 9 8 1
1 9 8 1 - 1 982
1 982- 1 9 8 3
36
1C8
93
296
147
138
1 10
Moyenne
4 1 ,7
3 9, 8
87, 1
6 1 ,5
60,5
43,5
70,9
%
%
%
%
%
%
%
57,86 %
Mortalité
des œufs
lors des 2 1
premiers
jours
totale
?
?
?
?
?
55,7
23,1
36,9
1 7,4
1 6,4
7 1 ,3
50,2
3 8 ,4
3 1 ,6
65,2
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
5 1 ,34 %
29,90 %
?
68,3
46, 1
35,4
29,8
65,2
%
%
%
%
%
49,04 %
Diomedea irrorata (Harris , 1 97 3 ) . L'œuf et le poussin sont alors la proie facile
des chionis ou des skuas. Disputés par ces oiseaux, les poussins chutent et sont
alors consommés par les pétrels géants, ce qui a fait supposer à Berutti ( 1 979 a)
que ces prédateurs étaient responsables de la mortalité. En fait une telle pré­
dation ne peut se produire qu'en l'absence du couveur. Les pétrels géants ne
peuvent de toute façon pas accéder aux colonies aux îles Crozet. Le poussin
ne peut être attaqué par un Skua que si l'émancipation se fait trop tôt (en
moyenne 1 7 , 2 ± 1 , 64 j ours, 1 6-20, n
5), ou s'il est affaibli par des jeûnes
trop longs . Si l'émancipation se produit en moyenne à 22,06 ± 1 ,43 jours,
(20-3 5 , n
1 7) , c'est-à-dire à un .âge significativement différent (P < 0,001 ;
t = 6,48) des émancipations précoces, la cause de mortalité la plus importante
se situera au moment de l'envol. Des jeunes sont alors trouvés morts au pied
des colonies, déséquilibrés ou rabattus contre les falaises par un vent violent.
AnuL TES. - La m ortalité annuelle des adultes a été calculée à partir des
informations basées sur le baguage et la recapture . En prenant comme effectif
initial celui du premier contrôle, on a pu calculer le taux annuel de disparition
(donc probablement de mortalité) durant 7 années successives pour 9 groupes
d'adultes bagués entre 1 96 8 et 1 97 8 , totalisant 342 individus (Tableau VII).
Cette mortalité varie de 0 à 7,3 % par an. Avec un taux annuel moyen
de 3 , 7 % , c'est le taux de mortalité le plus faible de tous ceux connus chez les
albatros, puisqu'il est proche de celui trouvé chez l'Albatros royal par Richdale
(1 952) dans la colonie en expansion de Taiaroa Head.
=
=
TABLEAU VII
Taux de mortalité annuelle des adultes.
Cycle
reproducteur
1 97 3174
1 974175
1 97 5176
1 976177
1 977178
1978179
n
62
88
113
157
189
25 1
287
Mortalité
annuelle
0,07 3
0,0 3 9
0,000
0,0 1 8
0,058
0,047
0,026
41 1 -
1 979/80 Moyenne
0,037
IMMATURES.
De l'envol des poussins jusqu'à l'âge de cinq ans, la mor­
talité des immatures a été calculée pour 5 cohortes totalisant 2 3 5 individus
bagués (Tableau VIII) . La mortalité moyenne de l'ensemble de l'échantillon fut
de 68,5 % . Si l'on considère que la mortalité entre 1 et 5 ans est constante
et égale à celle des adultes, la mortalité moyenne entre l 'envol et l'âge de
un an serait de 64 % (cette valeur devant être considérée comme maximale) .
Le taux de mortalité théorique calculé grâce à l a formule établie par Tickell
(1 968) et appliquée à Phoebetria fusca (5 1 % ) paraît plus proche de la réalité.
Il semble donc que la mortalité lors des premières années passées en mer par
les jeunes oiseaux soit très importante, comme c'est le cas d'ailleurs chez tous
les procellariiformes.
-
de mortalité des immatures pour 5 cohortes de poussins.
TABLEAU VIII
Taux
Année
de b agage
n
Mortalité
entre l'envol
et l'âge de 5 ans
Mortalité
entre l'envol
et l 'âge de 1 an ( 1 )
1 968
1 969
1971
1 972
1 973
71
53
18
22
71
0,704
0,774
0,500
0,5 9 1
0,676
0,659
0,7 3 9
0,42 3
0,528
0,626
0.626
Moyenne
(1) En estimant que la mortalité est constante de l'âge de 1 an à l'âge de 5 ans, et
égale à celle des adultes (0,037).
CoNCLUSION.
Les données obtenues à chacun des trois stades de la vie
de cet Albatros (œuf et poussin, immature, adulte), montrent que la mortalité
est très variable d'une année à l'autre. D'une manière générale, ce résultat met
en évidence la nécessité d'études à long terme et doit faire considérer avec pru­
dence les données obtenues au cours d'une seule année . Au stade des œufs,
des poussins et des immatures, la mortalité est toujours importante bien que
très variable (sur 1 00 œufs pondus, 1 3 individus en moyenne atteindront l'âge
de 5 ans) . Le faible taux de survie de cet Albatros aux premiers stades de la
vie est compensé par une très faible mortalité des adultes, ne dépassant pas
7 % par an. Ce taux de survie très important confère à l'espèce une longévité
exceptionnelle, caractéristique des Diomédéidés, puisque pour Phoebetria fusca
l'espérance de vie à un an atteint le chiffre exceptionnel de 2 8 , 6 ans ( 1 ) . Or
pour une durée de vie aussi longue, 5 8 % des individus disparaîtront au cours
des 8 premiers mois, dont 99 % pendant les 90 premiers jours du cycle repro­
ducteur. Ce premier trimestre de vie est donc capital pour l'espèce, puisque
l'avenir de la cohorte se joue principalement en ce court laps de temps.
-
STR UCTURE DE LA POPULA TION
La famille des Diomedeidés, comme les autres familles de Procellarii­
forme s , est caractérisée par la ponte d'un seul œuf. Alors que certaines espèces
d'Albatros ont la capacité de se reproduire tous les ans, d'autres comme l'Al( 1 ) Ce qui signifie aussi que près de 2 % de la population pourrait être âgé de 80 ans !
-·
412 -
batros fuligineux à dos sombre ne peuvent le faire que tous les 2 ans si elles
élèvent un poussin (cf. Annexe 1) . Entre deux cycles reproducteurs cette espèce
restera en mer pendant plus de quinze mois, alors que des visites à la colonie
de reproduction ont été observées chez un autre reproducteur biennal, Dio­
medea chrysosto�m� (Tickell et Pin der, 1 97 5). Si l'œuf ou le poussin sont perdus
lors du premier mois d'élevage, le couple reviendra dès l'année suivante (Wei­
merskirch, 1 9 82).
En conséquence , la fécondité de cette espèce est faible puisqu'en moyenne
un couple pondra un œuf tous les 1 , 62 ans (intervalle calculé sur 1 68 indi­
vidus suivis pendant 2 à 8 cycles reproducteurs successifs), ce qui correspond
à l'élevage jusqu'à l'envol d'un poussin tous les 2 , 8 ans. De plus, la produc­
3 , 1 7), puisque le taux de réussite
tivité augmente avec l 'âge (P < 0, 1 , x 2
de la reproduction passe de 2 8 , 1 % chez les reproducteurs âgés de moins de
1 5 ans (n
3 2) à 42,2 % chez les individus plus âgés (n
1 7 1 ) . De l'envol
du poussin à son premier retour à terre, 8,4 ± 2 , 3 2 années s'écoulent en
moyenne (n
67). Comme présenté sur la figure 5, les retours les plus
=
=
=
=
%
n : 22
3
PR E M I E R E R E P R O D U CT I O N
20
0
2
3
4
5
6
7
8
9
10
·1 1
8
9
10
11
12
13
14
15
13
14
15
30
PR E M I ER
R ETOU R
10
0
A TER R E
2
3
4
5
6
7
12
AG E ( A n n é e s )
Figure 5 . - Proportions de Phoebetria fusca contrôlés lors de leurs premiers retours à terre
et de leurs premières reproductions à différents âges.
précoces n'auront lieu qu'à 5 ans et les plus tardifs à 14 ans . Mais la première
reproduction ne se fera en moyenne qu'à 1 1 ,9 ± 1 , 54 ans (n
22) . La
reproduction la plus précoce ne s'effectue qu'à 9 ans, ce qui est exceptionnel
chez les oiseaux.
=
-·
413
-·
La structure de la population de cette espèce est particulièrement complexe .
Chez tous les oiseaux de mer, il y a mélange des classes d'.âges. Mais ici vien­
nent s'ajouter deux phénomènes supplémentaires : d'une part, et bien que
l'ensemble de la population de cette espèce présente une reproduction biennale,
une partie des oiseaux va se reproduire dès l'année suivante (parce que leurs
œufs ou leurs poussins ont disparu), d'autre part la maturité sexuelle tardive
provoque la présence simultanée de plusieurs cohortes d'immatures qui vien­
nent à terre pour préparer leur future reproduction. Comme nous le voyons
dans la figure 6 A, la population séjournant uniquement en mer en octobre se
FEVR I E R
O CTOB R E
Figue 6.
-
�
A d u l t es
c::;::;J
Immatures
1
1
N o n r e p ro d u c t e u r s
R e p ro d u c te u r s
Aut res
V i s i t e u r s rég u l i e r s
N o n v i s i t e u rs
Vis. o cc a s i o nn e l s
A
C
B
D
E
F
Structure de la population de Phoebetria fusca à Crozet en octobre (a)
et en j anvier (b).
partage en trois catégories sociales : 2 1 , 8 % d'individus reproducteurs de
l'année précédente, 3 3 , 1 % d'immatures et 3 , 2 % d'oiseaux non reproduc­
teurs râgés de plus de 1 4 ans. La fraction de la population que nous pouvons
observer à terre en octobre se répartit comme suit : 29,3 % corr espondent aux
couples qui ont pondu un œuf, 6,2 % sont des immatures visitant périodi­
quement la colonie et 6,3 % des reproducteurs potentiels (individus n'ayant
pas retrouvé leur partenaire ou couples n'ayant pas pondu) .
En fait la situation évolue dans le temps et en février (Figure 6 B), la
proportion d'individus à terre est passée de 4 1 , 0 % à 1 7,2 % , par suite du
départ massif des couples ayant abandonné leur œuf ou leur poussin en bas
âge. Le nombre d'immatures à terre diminue également (4 % ), les reproduc­
teurs potentiels ayant abandonné la colonie dès novembre.
Remarquons que cet exode se produit au moment où les ressources ali­
mentaires des mers environnant les sites de reproduction sont les plus néces­
saires à l'alimentation des jeunes. Cette minimisation de la compétition entre
reproducteurs et non reproducteurs est confirmée par les observations en mer
(Figure 3) qui montrent que les immatures âgés de moins de cinq ans ne se
- 414 -
trouvent jamais à moins de 500 kilomètres de l'archipel Crozet. Même en
début de cycle reproducteur le pourcentage d'oiseaux reproducteurs avoisine
le tiers de la population : deux tiers des individus de cette espèce ne sont donc
pas impliqués directement dans l'investissement reproductif. Cette caracté­
ristique qui semble diminuer les capacités de reproduction de l'espèce va de
pair avec ce que nous avons décrit au début de ce paragraphe : la fréquence
biennale de re production, une fécondité basse et une maturité sexuelle tardive .
Toutes ces caractéristiques démographiques aboutissent à une stratégie de
reproduction « ralentie » . Cette espèce est peut-être celle qui investit le moins
dans sa perpétuation, mais cette stratégie K extrême n'est rendue possible
que par une mortalité exceptionnellement basse des adultes.
LA SYNCHRONISA TION DES CONJOINTS
Le système d'exploitation des ressources alimentaires océaniques que nous
venons de décrire est basé sur le fait que seuls les reproducteurs devraient pros­
pecter les zones qui entourent les îlots de reproduction. Or nous constatons
sur la figure 6 qu'une fraction des oiseaux qui stationnent sur la colonie est
constituée de non reproducteurs . D'après l'analyse des fichiers, il s'agit pour
la plupart d'immatures âgés de plus de cinq ans qui se succèdent tout au long
du cycle reproducteur et occupent la plus grande partie de leur temps à terre
à effectuer des parades nuptiales. En octobre, quelques adultes non reproduc­
teurs sont également présents : il s'agit d'oiseaux précédemment accouplés qui
sont venus normalement se reproduire mais dont le conjoint a disparu en mer .
Sur la figure 7 nous avons représenté les dates moyennes de présence à
la colonie des individus non reproducteurs en fonction de leur âge. Il apparaît
qu'au fur et à mesure que l'âge augmente, les séjours des non reproducteurs se
rapprochent de la mi-septembre, c'est-à-dire de la période à laquelle les couples
reproducteurs se retrouvent sur la colonie avant la ponte.
Si l'on prend en compte, non plus l'.âge des oiseaux mais le temps qui les
sépare de leur première reproduction (Figure 8), on constate que, trois ans
avant l a ponte, les oiseaux sont présents entre décembre et mai, deux ans avant
la ponte, entre août et mars, et un an avant la ponte entre août et décembre .
Les oiseaux qui vont se reproduire l'année suivante sont en particulier tous pré­
sents en septe mbre et octobre, cette présence coïncidant avec la période de
reformation des couples reproducteurs qui s'étend de début septembre à mi­
octobre . On assiste donc à une véritable synchronisation des immatures avec
les adulte s . Ceci explique que dans la figure 7 les oiseaux de plus de quinze
ans, qui sont tous d'anciens reproducteurs venant de perdre leur conjoint, soient
présents unique ment pendant la période de remise en couple .
Nous avons vu que la période de ponte s'étendait sur 1 2 jours seulement.
Chez une espèce aux activités aussi bien synchronisées que P. fusca, l a prépa­
ration de la reproduction s'étend sur plusieurs années et précède l'acte repro­
ducteur proprement dit. En fait, cette synchronisation n'est pas individuelle,
mais s'établit par couples de conjoints . De la première reproduction à la mort
de l'un de ses membres, le couple n'est normalement jamais dissous. S'il n'y a
pas disparition définitive d'un des deux partenaires, 99,2 % des oiseaux se
reproduisent toujours avec le même conjoint d'une saison de reproduction à
l'autre (n
2 5 4) . Les deux cas de << divorce » observés concernent des couples
dont l'un des p artenaires était arrivé après la période normale de remise en
couple, ce qui confirme l'importance de la synchronisation des conjoints.
=
- 41 5 -
E poque de presence
s u r l a c o lo n i e
25
MAl
AVR
6
34
17
MAR
FEV
JA N
D EC
7
NOV
!
OCT
SEP
5-6
7-8
9-10 11-12 13-14
39
�15
Age (années)
�
N O N RE PRO D UCT E U R S
r
1
'
40
PERIODE
DES PONTES
(remi s e en couple)
REPRODUCTEURS
Figure 7 . - Evolution de la date moyenne de présence des immatures
en fonction de leur âge sur la colonie d'étude .
Cette synchronisation des comportements des conjoints est particulière­
ment difficile à réaliser chez une espèce qui ne se reproduit pas tous les ans,
ni même régulièrement tous les deux ans. Alors que chez la plupart des Pro­
cellariiformes, les couples occupent chaque année le même nid, l'Albatros fuligi­
neux à dos sombre ne revient d'une année à l'autre au même nid que dans 74 %
des cas (n = 1 42 individus) . Par contre il est beaucoup plus fidèle à l'empla­
cement d'un groupe de nids, puisque 94,3 % des oiseaux reviennent au même
endroit d'une année à l'autre (n = 1 54 individus contrôlés entre 2 et 1 0 années
successives) . Le P. fusca est en fait toujours fidèle à sa colonie de reproduction
originelle ( 1 00 % pour 3 52 individus contrôlés entre 2 et 1 0 années succes­
sives) . Cette fidélité totale à la colonie nous autorise à penser que nous contrô­
lons d'une année sur l'autre dans notre étude tous les individus vivants de la
population locale, ce qui nous autorise à parler de taux réel de mortalité
adulte.
Ne disposant pas du lieu de retrouvailles que constitue l'ancien nid pour
beaucoup d'oiseaux, l'Albatros fuligineux à dos sombre est contraint, pour rester
fidèle à son conjoint, de pouvoir le reconnaître à coup sûr parmi d'autres
- 416 -
J
CF
5 67 4
Cf
5685
Cf
5728
Cf
5734
Cf
1 406 1
Cf
1 3929
Cf
1 39 1 0
Cf
1 389 1
Cf
1 3887
Cf
1 36 1 2
Cf
7409
Cf
7 2 50
Cf
7246
Cf
7243
Cf
'/ 2 5 8
N
0
s
A
D
J
M
F
A
M
J
1 1 1 11 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
�::::
::::�
11111111111 11111111111 11111111111
1111
11111111111
�� ��
���
11111111111
·
·
111111
11 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1' � ' ! -:' 1 ! 1;1 !1 1 1 1 1_1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11
11111111111
11111111111
1--�--
?
: : : :�
-
:::
...
�i.i� .��;1 1 1 1 1
0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0
0 0 0 0
· · · ·
---
1111111111 .
Période
1111111111 1111111111 1111111111 1111111111
p r é p o s i ta l e
e t p é r i ode
de ponte des
r e p t• o d u c t e u r s .
-
Présent
sur
la
colonie
1
année
1111111111111
Présent
sur
la
colonie
2
années avant
la p r e m i è r e
r e production .
colonie
3
années avant
la première
r e p r oduc t i o n .
P r é s e n t.
Figure 8 .
-
sur
la
a v a n t.
la
p r e m i è r e r e p roduc tion .
Evolution de l'époque de présence sur la colonie de 1 5 individus immatures,
3, 2 e t 1 an avant leur première reproduction .
congeneres. D'après les études qui ont été effectuées chez les oiseaux de mer
et en p articulier les manchots (Jouventin, 1 9 82), on peut penser que cette iden­
tification repose non pas sur une reconnaissance visuelle ou olfactive, mais sur
une reconnaissance auditive (Figure 2) .
Il est d'autant plus étonnant que cette fidélité au partenaire soit presque
absolue que les possibilités de confusion dues à l'absence de territoire fixe
sont multiples pour P. fusca. Cette parfaite connaissance du conjoint hors de
repères topographiques précis doit forcément s'acquérir au cours des années
qui sont nécessaires à la formation du couple . Cette période peut atteindre
7 années, et dure en moyenne 2 , 9 2 ± 1 , 8 9 ans (n
24) . C'est, semble-t-il le
rôle principal des danses qui précèdent la formation du couple que d'assurer
reconnaissance et synchronisation des conjoints . En effet, la durée de forma­
tion des couples est en moyenne de 3 , 3 5 ± 2,03 années (n
1 7) lorsqu'il s'agit
d'immatures ( 1 ) , mais elle se réduit à 1 , 8 6 ± 0,90 ans (n = 7) lorsqu'il s'agit
d'adultes veufs. Cette dernière valeur, significativement différente (P < 0, 1 0 ,
t
1 ,87) d e l a première, e st due au fait que les veufs profitent probablement
de leur expérience antérieure de vie en couple.
=
=
=
(1) Si l'on soustrait l'âge moyen de première reproduction à l'âge moyen de premier
retour à terre, on obtient 3 , 5 ans, valeur voisine bien qu'obtenue par un mode de calcul
différent.
-·
417 -
LA PARADE NUPTIALE
Le jeune
ses parents et
tous les cas à
nuptiales qui
moyenne) .
Albatros fuligineux à dos sombre, après avoir quitté le nid de
passé en moyenne 8,4 années en mer, va donc retourner dans
sa colonie de naissance (n
1 02) pour y effectuer des danses
se poursuivront jusqu'à sa maturité sexuelle (1 1 ,9 ans en
=
Ces danses sont constituées de 1 5 attitudes stéréotypées qui se succèdent à
un rythme pouvant atteindre une attitude toutes les 5 secondes. Une seule sé­
quence d'attitudes peut durer jusqu'à 20 minutes et la « syntaxe , de ces sortes
de phrases composées de « mots , (les attitudes) , qui reviennent périodiquement,
a été analysée en détail après traitement par ordinateur (Jouventin et al., 1 98 1 ).
La complexité d e cette danse est e n effet telle que l'observation directe n e per­
met p as d'y percevoir un ordre précis de succession des attitudes . ll faut aussi
tenir compte du fait que le vocabulaire s'appauvrit dès que le couple est consti­
tué, trois attitudes seulement intervenant à ce stade.
0%
50
100
Chant
Atter r i s s ag e
Env o l
Av anc e
Eloigne
"Marche
r e s s or t "
Reg ard
S ec ouement d e tête
Coup de
tête
Mouvement s c apu l a i r e
"Baiser"
T o i l e ttage mu tu e l
B e c ouver t
Courbette-bec
" Aigu i s ag e
ouver t
d e s b ec s "
Bec a u ventre
B e c aux p a t t e s
L i s s age d e s p lume s
Ac tiv i té d e cons tru c ti on
Ebrouement
Figure 9.
-
Proportion d e chaque attitude chez l e s 2 sexes.
De l'étude citée nous nous bornerons à relever les éléments les plus mar­
quants. La figure 9 montre que les 1 5 attitudes stéréotypées et les 5 attitudes
supplémentaires qui ont été identifiées se retrouvent dans le « langage » des
deux sexes, mais en proportions différentes . Ce n'est donc pas son vocabulaire
qui caractérise un sexe, mais la fréquence d'utilisation de ce vocabulaire corn-
- 418 -
mun. L'emploi de l'analyse factorielle des correspondances permet de situer
dans un espace à deux dimensions les différents individus en fonction de leur
vocabulaire. Sur la figure 1 0, les individus mâles figurés par un point se diffé-
Figure 10.
Répartition des individus en fonction de leur vocabulaire comportemental
selon les axes 1 -2 (analyse factorielle) . Pour chaque couple, un trait relie la femelle (0)
au mâle (e).
-
rencient nettement des femelles figurées par un cercle. De plus si l'on recherche
à quel mâle est associé chaque femelle dans la séquence considérée, on peut
relier par un trait les deux membres du couple. Le parallélisme remarquable des
jonctions mâles-femelles fait apparaître une correspondance étroite entre les
vocabulaires utilisés par chaque partenaire. Il suffit en fait de connaître le profil
du vocabulaire d'un mâle pour pratiquement connaître celui de la femelle avec
laquelle il a paradé. La preuve est ainsi faite que chaque oiseau tient compte
- 419 4
de ce qu'exprime son partenaire : il s'agit bien d'un échange interactif de signaux
et donc d'un dialogue . Chaque futur couple, à travers cette transmission d'infor­
mations relatives à l'identité du partenaire et à son état physiologique, tend vers
une synchronisation parfaite telle que celle que nous observons chez les couples
constitués.
Par des techniques de groupement, Jouventin et a:l. ( 1 9 8 1 ) avaient pu
classer les séquences et distinguer quatre types de << languages » qui avaient été
assimilés à des stades de plus en plus avancés de la p arade nuptiale . La mise à
jour ultérieure des fichiers nous permet de savoir maintenant que les oiseaux
classés au niveau final se sont reproduits l'année suivante, alors que ceux classés
dans le niveau initial ne se sont reproduits que 2 ou 3 ans après. Les niveaux
définis a priori à partir du language de l'émetteur correspondaient donc bien à
la réalité biologique.
Sur la figure 1 1 , nous avons schématisé le déroulement d'une parade nup­
tiale non pas telle qu'elle se déroule, puisque des années peuvent s'écouler entre
le début de la parade et la formation définitive du couple , mais telle qu'elle
se déroulerait si elle avait lieu en une seule séquence. Nous voyons que la
femelle survole d'abord la corniche et que le mâle, installé près d'un nid (Fi­
gure 1 ) , émet alors son chant. La femelle atterrit, et effectue des « regards »
ritualisés auxquels le mâle répond de la même manière. Le contact visuel étant
établi, le mâle essaye d'amorcer le contact physique en invitant la femelle à le
toiletter. Pour cela il détourne son bec ( « mouvement scapulaire » ) et l a femelle
qui a été avertie de ce geste par une attitude ritualisée, le « coup de tête » (ou
« secouement de tête ») qui précède le mouvement scapulaire, tend aussitôt le
bec vers son partenaire ; c'est ce qui avait été qualifié de « baiser » . Au bout
de bien des tentatives qui parfois dégénèrent en combats ritualisés ou « aigui­
sages », la femelle touche du bec le plumage du mâle et commence à le toiletter.
Ce dernier la « toilette » à son tour, puis émet son « chant » auquel la femelle
répond. Lorsque le contact physique est bien établi, lors de la première année
de reproduction, la femelle tolère que le mâle monte sur son dos pour la
féconder ( « copulation ») .
En réalité, comme cela est représenté à droite de la figure, la progression
de la parade n'est pas régulière et se fait plutôt en spirale, certaines successions
d'attitudes se répétant constamment et interrompant l'avancement de la p arade
par des retours en arrière entrecoupés de vols nuptiaux effectués surtout de
concert. C'est la répétition de ces séquences quotidiennes pendant chaque séjour
à terre des oiseaux qui, nous semble-t-il, fait peu à peu évoluer le couple vers
la synchronisation nécessaire au déroulement de son cycle reproducteur.
DISCUSSION
LA SIGNIFICA TION ADAPTA TIVE DE LA PARA DE N UPTIA LE
La parade nuptiale est généralement considérée par les éthologistes comme
un mécanisme d'isolement reproducteur, et c'est sous cet angle que Berutti
( 1 9 8 1 ) l'a décrite chez les deux espèces du genre Phoebetria. Les autres espèces
de Procellariiformes peuvent pourtant se mettre en couple plus rapidement et
plus simplement, bien qu'elles aient tout autant besoin de mécanisme d'isole­
ment sexuel. On peut se demander quelle est la cause d'une telle complexité
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Schéma-type d'une parade nuptiale et son déroulement réel .
qui n'est pas limitée à l'Albatros fuligineux à dos sembre mais se retrouve aussi
chez tous les Diomedéidés, en particulier les grands albatros aux parades nup­
tiales spectaculaires (Dlomedea exulans, D. epomophora, D. amsterdamensis) .
Les autres espèces de Procellariiformes sont à peine moins fidèles à leur
- 42 1 -
conJOint que les albatros à reproduction biennale, mais leurs couples n'ont
aucune difficulté à se retrouver et à se synchroniser puisqu'ils reviennent chaque
année au même nid. Il semble que ce soit la conjonction d'une fidélité excep­
tionnelle au conjoint et d'une relativement faible fidélité au site du nid qui soit
la cause de la complexité de la parade nuptiale des albatros.
La danse de P. fusca semble aussi permettre la solution d'un conflit para­
doxal . L'agressivité entre congénères que l'on observe chez les albatros, même
de sexe différent, constitue en effet une barrière trè s difficile à franchir pour
constituer un couple durable, mais elle leur évite aussi de changer trop souvent
de partenaire . Cette barrière doit pourtant être levée au moins temporairement
pour que les conjoints se rapprochent. C'est précisément le rôle essentiel de
cette danse extraordinaire que de permettre au couple de se constituer, puis
de durer. Il ne s'agit donc pas là d'une fantaisie de la nature mais bien d'une
adaptation nécessaire à la survie de l'espèce .
LA SIGNIFICA TION ADA PTA TIVE DE LA SYNCHRONISA TION
Le fait que même la danse des albatros constitue une partie de la réponse
apportée par ces espèces aux problèmes posés par le milieu où ils vivent montre
la complexité et la finesse de leurs adaptations. En outre, nous avons pu voir
que la cohésion du couple est particulièrement difficile à réaliser chez une
espèce qui, probablement à cause de sa reproduction biennale, ne peut conser­
ver le même nid - ce qui semble confirmé par le fait que les « espèces bien­
nales » soient moins fidèles à leur nid que les « albatros annuels » (Jouventin
et al., 1 98 3 , page 1 68).
Cette forte cohésion du couple est pourtant absolument indispensable à
des espèces qui vont chercher la nourriture de leur jeune si loin en mer : les
activités des deux conjoints, qui se partagent égalitairement les tâches, sont
nécessaires pour alimenter convenablement le poussin et mener à bien son éle­
vage, et une synchronisation parfaite permet l'ajustement des relèves. En effet
lors de l'incubation et l'élevage du jeune, les parents alternent leur présence sur
le nid, et chez l'Albatros fuligineux à dos sombre, les deux conjoints ne restent
ensemble que quelques minutes au moment de la relève, l'ancien couveur par­
tant aussitôt en mer.
Une telle synchronisation permet à des espèces aux réserves adipeuses
limitées du fait de la nécessité du vol, de réduire la durée de leur jeûne physio­
logique au strict minimum et donc de diminuer le risque d'abandon de l'œuf
ou du poussin en bas âge. En effet, à ces stades, la progéniture ne peut être
laissée seule au nid, comme le font les Procellariiformes de plus petite taille
nichant dans un terrier qui est hors de portée des prédateurs (Jouventin et al. ,
sous presse b).
LA SIGNIFICA TION A DAPTA TIVE DE LA FAIBLE FECONDITE
Certes l'Albatros fuligineux semble chercher la difficulté en éloignant au
maximum ses zones d'alimentation et de reproduction, mais ce faisant il occupe
ainsi une niche écologique où il n'a aucun compétiteur - ce qui est un avan­
tage important. Or la compétition chez les oiseaux de mer porte en grande
partie sur la zone d'alimentation qui entoure les îlots de nidification et lorsque
l'on compare les différentes espèces d'une importante communauté insulaire
-
422
-
(Jouventin et Mougin, 1 9 8 1 , page 249), on constate que le nombre d'œufs
pondus par chaque espèce est inversement proportionnel à son rayon de pros­
pection : la taille des pontes varie ainsi de trois œufs chez des oiseaux côtiers
c omm e les goélands, à un œuf tous les deux ans chez les espèces les plus péla­
giques. Malgré un métabolisme d'économie et l'utilisation des vents continuels
de ces mers, les voyages alimentaires de ces grands voiliers deviennent alors
d'autant moins rentables qu'ils sont plus longs . La cro:ssance du poussin se
ralentit, la durée d'élevage devient si longue qu'un seuil paraît franchi et
qu'apparaît chez certains albatros la solution extrême que représente une repro­
duction tous les deux ans. C'est ce qu'a mis en évidence notre comparaison
des durées d'élevage des différentes espèces d'albatros austraux (Jouventin
et al., 1 983).
Cette fécondité extrêmement basse - puisqu'un couple d'Albatros fuli­
gineux à dos sombre pond en moyenne 1 1 œufs au cours de sa vie - est donc
une contrepartie obligée de cette vie pélagique . Elle ne peut se maintenir que
chez des espèces à très grande longévité, c'est-à-dire à très faible mortalité à
l'âge adulte par suite de l'absence de prédateurs à ce stade . De plus l'espèce
qui adopte cette stratégie démographique doit occuper un milieu dont les
ressources alimentaires sont relativement constantes. afin d'éviter les famines
et donc une perte d'adultes lents à remplace r. Du fait des capacités voilières
exceptionnelles de l'Albatros fuligineux à dos sombre, il est sans doute possible
à cette espèce de se soustraire aux diminutions locales d'abondance de proies
en changeant si nécessaire de zones d'alimentation à l'intérieur de son immense
aire de nourrissage.
LA SIGNIFICA TION A DA P TA TIVE
DE LA MA TURITE SEXUELLE DIFFEREE
Lorsque, telle ou telle année, l'ensemble des étendues océaniques entou­
rant l'îlot de reproduction ne s'avère pas suffisamment riche en aliments, l'œuf
ou le poussin en bas âge sont abandonnés. C'est à l'éclosion de l'œuf que
l'adulte, déjà à sa limite de survie, doit faire face aux pires difficultés, puisqu'il
lui faut alors trouver un supplément de nourriture dans un rayon limité. C'est
ce qui explique que les abandons s'observent dans 99 % des cas à cette époque,
et la plupart du temps par groupe de nids.
Cette stratégie démograph:que est part:culièrement risquée en cas de
catastrophe écologique, comme la disparition de la principale colonie de repro­
duction d'une espèce ou même tout simplement en cas de chute de la produc­
tivité océanique dans une vaste région pendant plus:eurs années ( 1 ) . II est
impossible dans un tel contexte démographique de compenser alors une baisse
des effectifs par une augmentation rapide de la natalité .
C'est là qu'intervient la réserve d'adultes non reproducteurs et, à un degré
( 1 ) Sur le plan génétique, le risque d'extinction, auquel les populations de ces stratèges
K extrêmes sont exposées, peut créer dans les périodes difficiles un goulot d'étranglement.
Ce « bottleneck effect » pourrait expliquer la faible variabilité géné� ique que nous avons
rencontré chez P. fusca. Une autre explication serait que les adaptations parfaites, mais
touj ours identiques, de la famille des albatros vont de pair avec la quasi-absence de varia­
bilité qui a été trouvée chez 5 des 6 espèces étudiées par Yiot (corn . pers.). Il est encore
trop tôt pour comprendre cette faible variabil ité qui peut être complètement nulle chez
le Grand Albatros D iomedea exulans dont 1 06 individus ont été analysés.
- 423 -
plus important, d'immatures. Ces derniers n'entrent pas en compétition avec
les reproducteurs comme nous l'avons montré. Cette réserve de géniteurs pote n­
tiels se nourrit dans d'autres zones, mais peut venir si nécessaire occuper les
nids vides. L'exploitation optimale des ressources des océans environnant les
îlots de reproduction est ainsi maintenue.
A défaut de pouvoir rétablir ses effectifs en augmentant rapidement le
nombre de jeunes qui naissent, un stratège K peut aussi compenser les années
à forte mortalité par l'abaissement momentané de l'.âge de la première repro­
duction, c'est-à-dire si nécessaire par l'intégration des cohortes en réserve . Plus
l'espèce manque des capacités de compensation offertes par l'accroissement de
la natalité, plus elle doit cumuler de générations d'immatures pour les utiliser
comme un volant d'inertie : « la prime d'assurance » est d'autant plus élevée
que le risque est plus grand, ce qui explique que la maturité sexuelle puisse
être repoussée jusqu'à l'âge de 12 ans chez des espèces biennales.
Ce mécanisme de régulation est particulièrement utile au stratège K extrême
qu'est l'Albatros fuligineux à dos sombre, mais il joue à moindre échelle chez
toutes les espèces. D'ailleurs on observe fréquemment qu'un vertébré qui
reconstitue sa population abaisse son .â ge de maturité sexuelle par intégration
de cohortes d'immatures. Ce phénomène est par exemple responsable de la
remontée spectaculaire des effectifs de l'Albatros du Japon (Diomedea alba­
trus) qui s'était beaucoup raréfié du fait des activités humaines (récolte de ses
plumes) et d'éruptions volcaniques (Hasegawa et Degange, 1 982) .
LE MODELE DES STRA TEGES K
Wynne-Edwards (1 955 ; 1 962 pp. 5 8 7 et 5 89) avait envisagé cette fonc­
tion biologique de la maturité sexuelle tardive mais il considérait que les
faibles taux de reproduction, chez les oiseaux en particulier, n'étaient expli­
cables que par la sélection de groupe. Nos résultats et notre interprétation des
faits relatifs à la reproduction de l'Albatros fuligineux donnent plutôt raison à
Lack (1 966) qui estimait quant à lui que la sélection individuelle suffisait à
rendre compte de ces extraordinaires stratégies de reproduction . Même les
espèces à faible fécondité élèvent autant de jeunes qu'elles le peuvent, les indi­
vidus trouvant un avantage sélectif à se reproduire si faiblement, puisque c'est
la condition de leur survie et de celle de leur progéniture ( << Actually it may be
better to speak: of « optimization » of reproductive rate rather than « maximi­
zation », Wiens, 1 966) .
Cependant la cause ultime de la maturité sexuelle tardive des grands
oiseaux voiliers ne réside pas dans la longue durée d'apprentissage des tech­
niques de pêche comme le supposaient Lack ( 1 968, pp. 263 et 282) ou Ashmole
et Tovar ( 1 968). Cet apprentissage des modes d'alimentation joue certainement
un rôle, mais il n'est pas suffisant pour rendre compte de la relation constante
existant dans n'importe quelle famille d'oiseaux entre la durée de vie et celle
de la période d'immaturité. La longueur de cette dernière ne semble d'ailleurs
pas liée à la difficulté à se procurer de la nourriture : un oiseau de mer aux
techniques d'alimentation aussi variées qu'un Skua met seulement 5 à 6 ans
pour devenir adulte (Jouventin et Guillotin, 1 979), alors qu'un Albatros peut
mettre deux fois plus de temps. La difficulté de pêcher ne vient pas seulement
de l'apprentissage des techniques, ni même de l'environnement océanique au
sens large. C'est, à notre avis, la nature particulière de la niche écologique de
- 424 -
cet oiseau (à zone d'alimentation p élagique) qui est la cause de sa faib le fé con­
dité et de sa maturité sexuelle tardive .
Par-delà l'étude de la biologie de cette espèce,
nous avons considéré ici
l'Albatros fuligineux Phoebetria fusca comme le modèle des stratèges K :
ce n'est en effet pas sa taille (car bien d'autres stratèges K pourraient être trouvés
chez les grandes espèces de vertébrés supérieurs ou même d'albatros) mais son
écologie qui l'a conduit à adopter cette stratégie démographique extrême .
L'explication que nous proposons s'applique aussi dans une bonne mesure
à l'ensemble des oiseaux marins et même à certains groupes d'oiseaux terrestres.
Beaucoup de Rapaces diurnes, par exemple, répondent aux mêmes contraintes
de rayon de prospection autour du nid. Il n'est donc pas étonnant que des
convergences remarquables apparaissent, particulièrement entre le groupe des
albatros et celui des vautours et condors.
Comme les albatros qui profitent des vents continuels qui soufflent,
en particulier au niveau des « quarantièmes rugissants » , ces grands planeurs
utilisent les ascendances thermiques. Cette source d'énergie extérieure et
régulière leur permet d'économiser leurs forces et de demeurer en vol sans
fatigue, ce qui leur donne un avantage sur des nécrophages à vol battu.
Les vautours et condors disposent à terre d'une niche écologique similaire à
celle des albatros en mer : l'exploitation extensive de proies immobiles en
milieu ouvert. En conséquence il n'est pas étonnant de trouver chez eux des
convergences adaptatives avec les Diomédéidés, au niveau des capacités voi­
lières, de l'immensité des aires de prospection, de la grande longévité, de l a
faible natalité et d e la maturité sexuelle tardive.
SUMMARY
Fifteen hundred sooty albatrosses (Phoebetria fusca) were ringed since
1 966 at the Ile de la Possession, Crozet Archipelago, Southern Indian Ocean,
and a detailed ecological and behavioural study of this population has been
carried out from 1 97 8 to 1 9 8 2 .
Adult males a n d females are sexually dimorphic, and their song i s also
different. They feed mostly on squid and forage up to 1 ,200 km off-shore.
The breeding biology of the species is described. As a rule adults breed
every second year. The chick is fed every 5-6 days by both parents . The
duration of the rearing period averages 1 64.5 days, and is the longest of ail the
smaller albatrosses. Mortality is high at the egg and chick stages (57 .9 % ),
but the low survival rate of the immatures (68 . 5 %) is balanced by a high sur­
vival rate of the adults (96 . 3 % ) .
The seasonal distribution and demographie structure of the Possession
Island's population is described. lt varies throughout the year, but the breeding
birds never represent more than one third of the population present on the
island. This is due to the fact that sexual maturity is delayed in this species ;
on average birds do not return to their native colony until 8 . 4 years of age
and are unabe to reproduce before 1 1 . 9 years of age . Among adults we can
therefore distinguish at least three different categories of birds : successful
breeders, potential breeders and temporary visitors.
The sooty albatrosses normally pair for !ife, 99.2 % of the breeders did
- 425 -
not change partners during our study period. This long-lasting pair bond is
slowly established during the prolonged immature stage and involves complex
sexual displays. lt takes the members of a pair 3 . 3 5 years on the average to
completely synchronize their respective breeding cycles and be able to success­
fully rear a chick.
As an extreme K-strategist, the Sooty Albatross appears to be remarkably
adapted to exploit the pelagie resources of the sub-antarctic Indian Ocean.
REMERCIEMENTS
Nous remercions vivement l'Administration des Terres Australes et Antarctiques Fran­
çaises qui a assurée le soutien logistique et financier des missions à Crozet, ainsi que toutes
les personnes qui ont effectué les opérations de b aguage ou nous ont aidé sur le terrain
et M. le Professeur F. Bourlière pour les améliorations apportées à notre texte initial.
Les dessins et la dactylographie ont été assurés par L. Ruchon, la traduction du résumé
par M. Berdoy et S. Roux .
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42 7
-
5
ANNEXE 1
Paramètres écologiques divers chez onze espèces d'albatros.
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II ( 2)
9
1 2
I I
7 (5)
-
0, 036
II ( 7 )
7 (8)
1 1
0 , 030 ( 9 )
I I (9)
8 (9)
-
0,037
-
-
-
(8)
-
235 ( 1 0)
37,9
( 1 )
1 1 6 ( 1 1 )
30,5
1 9
( 1 1 )
0,40 ( 1 4)
1 1 5 (14)
54,8
1 8
( 1 4)
0,44
( 1 )
1 41 ( 1 1 )
37,1
23
( 1 1 )
0,050 (8)
I I ( 1 2) 9 (8)
0,61 ( 1 5 )
1 40 ( 1 5 )
45,2
18
(1 5)
0 , 06 3 ( 1 5 )
I
( 1 5) 5 ( 1 5)
-
1 65 ( 1 5 )
53,2
27
(1 5)
0, 060 ( 1 7 )
I
( 1 5) 5 ( 1 6)
8 , 7 ( 1 6)
1 67 ( 1 8)
50,6
> 60 ( 1 8 )
0, 038 ( 1 8)
I
( 18) 3 ( 1 8)
7
0,38
-
0 , 080 ( 8 )
-
I I
I ( 1 2)
I (1 4)
4 ( 1 3)
( 1 ) We i me rs k i r c h , J ouvent i n
( 3) Thoma s
a L L , 1 982 . ( 9 ) R i chda l e , 1 952 . ( 1 0 l Roux
e t S t a h l , e n p r e p . C 2 H i e i m e r s k i r c h , 1 9 8 2.
Co l l b a c k , 1 97 2 . ( 6 ) Moug i n , 1 970b . ( 7 l T i c k e l l , 1 968 , ( 8 ) C r o x
1 983 , ( 1 1 ) T i c k e l l e t Pi nd e r , 1 975 . C 1 2 l T i c k e l l e t P i nde r , 1 967 . ( 1 3 ) Pa
( 1 5 ) R i c e e t Kenyon , 1 962 , ( 1 6 l Ry z i n e t F i s h e r , 1 976 , ( 1 7 l F i s h e r , 1 975 .
et
1 1
-
C S l Ke r ry
et
E
"'
L
c.
�
(8)
13 (8)
( 18)
a l . , 1 983 . ( 4 ) Moug i n , 1 970a .
s c a l , 1 979 . C 1 4 l J ou v e n t i n
C 1 8 ) Ha r r i s , 1 973 .
et
a l , 1 983 .
et
a l . ,
ANNEXE II
Poids et longueur du cu/men, de l'aile et du tarse
chez l'A lbatros fuligineux à dos sombre des îles Crozet,
et durée de la phase principale de son chant.
STATUT
( Kg )
Po i d s
Mâ l e s
Non
et
feme l l es
reproducteurs
Reproducteurs
Mâ l e s
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N
\0
Feme lles
Cu lm e n
( mm )
Mâ l e s
et
feme l l e s
Mâ l e s
Femelles
(mm )
Aile
Mâ l e s
Il
et
Feme lles
Mâ l e s
Feme lles
Ta r s e
Ph a s e
du
( mm )
Mâ l e s
et
Fem e l l e s
MOY ENNE
2 , 60
ECART TYPE
0 , 29
EXTR EMES
n
2 ,05
-
3 , 25
2 ,55
8
3 , 25
3 1
2 , 30
0 , 2 1
2 , 05
-
2 , 72
0 , 22
2 , 45
-
2 ,73
0 , 33
2 , 20
-
2 , 44
0 , 25
2 , 1 0
1 1 1 , 07
3 , 89
1 1 3 , 37
1 07 , 2 5
46
3 , 25
1 8
2 , 80
1 2
1 0 1
1 17
53
2 ,72
1 09
1 1 7
20
2 ,90
1 0 1
1 1 2
1 3
5 1 8 , 27
1 4 , 57
490
548
5 1
523 , 68
1 2 , 02
490
540
1
50 1 , 25
5 , 95
490
5 1 0
1 2
80 , 68
3 , 28
72
86
50
9
principale
chant
(sec . )
Mâ l e s
Femelles
1 ,
30
1 , 03
0 , 1 2
0 , 1 3
1 , 1 0
-
1 ,47
9
0 , 85
-
1 , 20
9
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