Dossier du spectacle - Théâtre de Gennevilliers

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© Christian Berthelot
Rodrigo García
[11-19 janvier 2013]
Muerte y reencarnación en un
cowboy
Représentations : mardi, jeudi 19h30, mercredi, vendredi et samedi 20h30, dimanche 15h
Relâche le lundi
Tarifs : 24€ / 15€ / 12€ / 9€
Réservation : sur place ou par téléphone au 01 41 32 26 26 / du mardi au samedi de 13h à 19h
ou [email protected] et en ligne sur : www.theatre2gennevilliers.com
Service des relations avec le public :
Théâtre de Gennevilliers – 01 41 32 26 10 – [email protected]
Rodrigo García
[11-19 janvier 2013]
Muerte y reencarnación en un
cowboy
Avec une énergie hallucinante, Rodrigo García nous entraîne dans la ronde
infernale de deux futurs cowboys qui une fois réincarnés, débattent ensemble plutôt
sérieusement sur le thème du rire, les yeux protégés par des verres miroir.
Une proposition de Rodrigo García
Avec Juan Loriente, Juan Navarro et Marina Hoisnard
Lumières Carlos Marquerie
Direction technique Roberto Cafaggini
Son Vincent Le Meur
Régisseur général Jean-Pierre Timouis
Production de tournée Diego Lamas
Production La Carnicería-Madrid, Théâtre National de Bretagne
Durée du spectacle : 1h45
Spectacle en espagnol surtitré en français
Texte publié dans le recueil Cendres (2000-2009) édité chez Les solitaires intempestifs
++
Rencontre philosophique : samedi 19 janvier 2013 à 17h30
"Membres fantômes : le corps entre phénoménologie et neurologie"
Emmanuel Alloa invite la philosophe Catherine Malabou
en regard de la pièce de Rodrigo García
(entrée libre)
Le Théâtre de Gennevilliers est subventionné par le ministère de la Culture et de la
Communication, la Ville de Gennevilliers et le Conseil Général des Hauts-de-Seine.
Muerte y reencarnación en un cowboy
C’est une pièce sur les cowboys.
Mais non, avec des cowboys. Il n’y en a que deux à ce qu’on m’a dit, et encore, ils sont à
pied.
Il n’y a pas de chevaux sur scène?
Pas de chevaux. Juste un carton rempli de poussins. Ah ça, des poussins il y en a, mais
de chevaux, aucun.
Des poussins?
Absolument. Non mais en fait il y a une sorte de cheval mais ce n’est pas un vrai. C’est
une machine qui tourne sur elle-même et sur laquelle on peut grimper comme si on faisait
du rodéo.
Et donc, les cowboys?
Eh bien en fait au début ils n’ont pas encore leurs chapeaux ni leurs lunettes miroir, au
contraire, ils sont nus ou presque et ils se roulent dans un corps à corps sur le sol comme
s’ils allaient mourir, ils se contorsionnent de douleur ou d’ivresse et ils ont sur la tête des
cagoules noires qui font de la musique parce qu’il y a des grelots cousus dessus. Ils ont
l’air assez désespérés et déjantés. Prêts à tout, à toutes les expériences.
Mais à la fin ils discutent sérieusement, comme s’ils s’étaient assagis, et en fait ils parlent
du rire comme quelque chose qui n’est plus spontané et qui est devenu le signe d’une
crispation.
Hum. Et en fait ça parle de quoi au juste?
Ah écoute, de beaucoup de choses… ce n’est pas présenté comme ça de toute façon.
Mais quel est le message?
Mais enfin, tu ne comprends rien? Ce n’est pas comme une publicité où on t’assène un
slogan à la fin! Et puis tu verras bien.
Valérie Mréjen
Notes de l’auteur
Le rire a subi une transformation épouvantable au long des millions d’années d’existence
des êtres qui rient. J’ignore à quelle étape de son évolution le rire a cessé d’être un attribut
rare, un trésor perturbateur, pour se transformer en une réitération banale.
Je ne pense pas que l’homme primitif ait passé son temps à rire (pas plus qu’à grogner),
ni qu’il ait ri de tout. Je ne pense pas non plus qu’il ait ri en groupe.
Je suppose que le rire était un don spirituel, quelque chose de magique, que personne au
sein de la communauté ne comprenait vraiment, et qui, j’insiste, faisait irruption très
rarement et sans raison apparente.
Aujourd’hui, le rire est pour nous le pire des outils sociaux : un rire qui sépare au lieu de
nous rapprocher, et qui est tout sauf un geste captivant. Les rires sont tellement faux et
artificiels qu’ils finissent par éloigner les rieurs, quand bien même ces derniers seraient
physiquement proches les uns des autres, dans une fête, dans un bar ou dans un jardin.
Disons que lorsque tout le monde rit, on peut apprécier la façon dont les corps deviennent
transparents, perdent de leur consistance, de leur poids, de leur odeur. C’est
probablement quand les adultes rient face aux bébés que l’on atteint le plus haut degré de
pathétique.
Bourré de signifiés externes et vide de contenu énigmatique, voilà comment le rire se
présente à nous aujourd’hui. Le rire a perdu, semble-t-il, son caractère tellurique. Tout lien
avec les entrailles.
À présent le rire est un mur couronné de fil de fer barbelé et de tessons de bouteilles, c’est
une arme que les peureux portent sur eux pour sortir ; on peut même s’entraîner au rire
chez soi, avant de sortir, et même en voiture.
La place du rire des entrailles est occupée par le rire qui fuse comme un ressort, une
grimace sociale qui atteint son climax quand on a consommé un tant soit peu de drogue
ou des litres de bière. La musique dans un lieu y contribue aussi, et le rire alors dessine
sur les bouches et les yeux des rieurs des paysages embroussaillés, des visages tendus
que j’évite de regarder trop attentivement.
Si nous rions de la façon dont nous rions, c’est à l’évidence parce que nous ne sommes
pas heureux.
Rodrigo García
Traduction de Christilla Vasserot
L’écriture du désastre – Fernando Castro Flórez
Au commencement fut le désastre et la stridence. Le duo de guitares électriques qui
s’étirent implacablement au début de Muerte y reencarnación en un cowboy frustre
littéralement toute attente "agréable" chez le spectateur. Le mélange d'épilepsie délibérée,
de divagation démentielle et de violence contre l’instrument (à la manière des propositions
de "l’art destructeur" lancées avec le mouvement nomade Fluxus) conduit non pas à la
catharsis, mais à des litanies crépusculaires.
Après le vacarme, nous nous reflétons dans le grotesque. Rodrigo García sait comment
«organiser le pessimisme» à une époque où l'interactivité s'enlise, quand ce qui importe,
c'est de participer, même en assumant le rôle du « monstre » ou du «pervers polymorphe»
médiatique qui répond au catégorique impératif " Jouis de ton symptôme". Il n'y a ni
crainte ni compassion à expier sinon des rires et des applaudissements mis en boite et
administrés en abondance.
La logique policière («circulez, il n’y a rien à voir») a encouragé la race des voyeuristes qui
ont même trouvé un plaisir étrange à se transformer en l’ombre des surveillants.
Le désastre arrive à coup sûr, intrinsèque à l’écriture qui produit, grâce à sa percutante
mise en scène, des moments d’hilarité inévitables qui viennent eux-mêmes souligner qu’
« aujourd’hui, nous utilisons le rire comme le pire des outils sociaux ».
Nous ne prenons même pas conscience de la dimension satanique du rire qui aurait tant
intéressé Baudelaire, nous ne sommes que la pâle copie de caricatures vieillottes.
Les cowboys parlent de manière obsessionnelle des partenaires qu’ils n’ont pas, malgré la
passion qu’ils mettent à baiser etc, toutes les caresses, rituels et conversations
« compréhensives » ne sont rien d'autre que des stratégies lamentables pour camoufler
que tout est définitivement pourri.
Castoriadis fait remarquer que l'œuvre d'art n'existe qu’en supprimant le fonctionnel et le
quotidien, en dévoilant un Envers qui destitue de toute signification l’Endroit habituel, en
créant une déchirure par laquelle nous entrevoyons l’abîme, le Sans-fond sur lequel nous
vivons constamment en nous efforçant avec constance de l’oublier.
Il n’est pas nécessaire, loin de là, de se déguiser en agrégé de philosophie, c'est-à-dire en
fonctionnaire pathétique, pour comprendre que ce que nous souhaitons cesser de
regarder est en réalité la dimension familiale du sinistre.
Les cowboys anachroniques juxtaposent leurs monologues comme ces fossoyeurs dans
Hamlet qui distillaient la sagesse stoïque jusqu'à ce qu'ils soient interrompus par un putain
de mec obsédé par la soif de vengeance du spectre paternel. Heureusement le ton
sentencieux décline pour laisser place à une sorte de lassitude minérale et la complicité
finit par avoir un goût amer.
Les cowboys avec leurs lunettes de soleil spectaculaires et leurs chapeaux ridicules
racontent des expériences à vomir (voyager en train face à une famille dont tous les
membres se ressemblent) ou répugnantes (la pisse comme système d’appropriation du
territoire), confessent qu’ils aimeraient changer tout ce qu’ils ont fait dans leur vie (« par
simple curiosité ») ou se rappellent la brutalité que nous déployions dans l’enfance (en
faisant éclater des têtards).
Rien de ce que nous entendons, heureusement, ne pourrait faire partie d'un « manuel
d’auto-assistance ». C’est comme ça, Rodrigo García évite la rhétorique du « sens de la
vie » car si quelqu'un a besoin de clarifier son angoisse, le mieux serait qu’il s’administre
une boîte entière de suppositoires à la glycérine. Même si nous utilisons un rideau princier
comme serviette nous ne pourrons éviter la présence inquiétante des tâches ; Rodrigo
García suggère que, pour éviter ce genre d’incident il faudrait « manger à poil », mais
dans ce cas, nous pourrions dériver vers la mélancolie abyssale qu’incarnent les cowboys.
Leur façon anomale et à la fois ordinaire de passer de l’inertie à l’agitation frénétique, du
salon au couloir en bois, du déguisement à la nudité, culmine dans le « dressage » du
simulacre bestial.
Les œuvres importantes, pointe Christian Salmon dans Tombeau de la fiction, se
reconnaissent dans le trouble qu'elles suscitent dans les esprits, car ce qu’elles exposent
n’est pas tant la transgression explicite et obscène des interdictions et des tabous, mais
bien un changement de perception, un bouleversement de la sensibilité.
Muerte y reencarnación en un cowboy est une œuvre troublante, interprétée avec une
intensité extraordinaire et soutenue par une écriture d’une extrême lucidité, qui entre
autres choses, impose la certitude, que « quand le désastre gronde, le désastre arrive ».
© Christian Berthelot
Entretien de la Gazette de Berlin avec Rodrigo García
(2010)
La Gazette: Quelles ont été les difficultés rencontrées pour votre dernière création Muerte
y reencarnación en un cowboy ?
Rodrigo Garcia: Pour chaque pièce on se confronte à la difficulté du renouvellement.
Pour ne pas se répéter, il faut inventer à chaque fois, explorer des domaines nouveaux et
pour cela, le point essentiel pour Muerte y reencarnación en un cowboy, est que je
connais bien les comédiens et les techniciens avec lesquels je travaille.
La Gazette: Qu'est-ce qui importe le plus dans votre démarche de création? Mettez-vous
plus en avant le textuel ou le corporel ?
R. Garcia: Lorsque j'ai commencé à mettre en scène, il y a 20 ans, le plus important pour
moi était au niveau de l'écriture, puis mon attention s'est déplacée au fur et à mesure vers
le corporel. Je travaille normalement, sans texte avec les acteurs, et j'écris la pièce en
même temps que je travaille avec eux. Pendant le processus d'écriture et de travail, le
moment de création, il me plaît de ne pas savoir vers où je me dirige sans une certaine
appréhension. Pour ce type de travail, il est très important de progresser avec les
comédiens dans un climat de confiance très intense et essentiel. Je connais chaque
comédien depuis plus de dix ans, ainsi que le technicien lumières.
La Gazette: Quel est le rôle de votre technicien lumières? Pouvez-vous parler de création
collective ?
R. Garcia: La lumière a un rôle extrêmement important, pour poser une atmosphère. Mon
technicien travaille de son côté avec les comédiens. C'est une somme de travail de
plusieurs personnalités, et forcément, elles ressortent d'une manière ou d'une autre. Il n'y
a pas d'histoire s'il n'y a pas de Personnes, je travaille avec les sentiments et le vécu des
personnes. Dans cette pièce, il y va du mouvement corporel. Je propose une situation et
les comédiens proposent de leur côté, ils montrent leurs expressions personnelles, ensuite
je m'adapte. Je donne à la fois beaucoup de liberté aux acteurs et au technicien, mais je
donne tout de même les idées directrices. On ne peut pas parler de travail de groupe,
même si ensuite, il y a rencontre collective autour de mes idées directrices.
La Gazette: Cela va faire une dizaine d'années que vous travaillez souvent en France,
quel est votre rapport avec ce pays ?
R. Garcia: J'ai commencé à travailler en 1989 en Espagne, jusqu'à l'an 2000 où au cours
d'une des représentations, des professionnels du théâtre français étaient dans le public, et
ont apprécié mon travail. C'est la période où je n'avais aucun financement, pas de
moyens, et cela faisait vingt ans que je travaillais sans avoir de financement pour monter
mes pièces, et je créais quand même. Ces gens du TNB (Théâtre National de Bretagne, à
Rennes) ont proposé que je devienne artiste en résidence, et je me suis dit pourquoi pas.
Dès lors, j'ai de plus en plus souvent produit en France, mais j'ai conservé mes comédiens
espagnols. On ne peut pas parler d'exil.
[…]
La Gazette: En quoi Muerte y reencarnación en un cowboy se démarque-t-elle de vos
créations précédentes, dont Et balancez mes cendres sur Mickey ?
R.Garcia: La nouvelle pièce est très originale dans la structure, et par là, complètement
différente des créations précédentes. Dans Muerte y reencarnación en un cowboy, le côté
littéraire est à la fin de la représentation, elle-même en grande partie très abstraite et
violente. La poésie surgit de plusieurs champs, elle vient tout autant de l'expression des
corps que de celle du texte, parfois, il n'y a pas besoin de mots. J'essaie de laisser un
mystère, je ne peux pas commenter le contenu pour laisser place à la réflexion du public,
sinon ce serait le rendre passif.
La Gazette: Une partie du public français a émis des critiques négatives après avoir vu
votre pièce. Qu'en pensez-vous ?
R. Garcia: Cette pièce est particulièrement difficile, en terme de réception pour le public, à
cause de son côté très abstrait. Le début est en effet très bruyant , douloureux, peut
amener à la souffrance, et la fin, est essentiellement composée de texte, et au final, pas
tant de texte qu'on pourrait le croire, si on compare la quantité de texte par rapport à
d'autres pièces contemporaines. Seulement ici, je propose une structure radicale,
nouvelle, à laquelle le public n'est pas habitué; sa réaction, quelle qu'elle soit, est
normale.
La Gazette: Peut-on alors dire que la pièce se présente sous deux volets, dont le premier
serait symboliquement semblable à la mort, avec son caractère indicible et le second
montrerait un retour à la vie avec l'usage de la parole, la présence du verbe ?
R. Garcia: La première partie est centrée sur la mort. Et en effet, on peut dire que les
paroles de la fin redonnent vie en quelque sorte. Ce sont deux univers très différents qui
se retrouvent confrontés et mêlés. Les deux comédiens évoluent au sein de ces deux
univers, dans un cadre violent et poétique.
La Gazette: Vous écrivez dans Et balancez mes cendres sur Mickey, que la poésie et le
feu sont sous contrôle dans un théâtre, qu'entendez-vous par là ?
R. Garcia: La normalité de la vie manque de poésie. La société ne permet pas d'introduire
cette poésie que le théâtre lui restitue. L'art permet de donner une nouvelle perspective de
ce monde quotidien, grâce à l'œil de l'artiste. Quand je parle de l'enfermement du théâtre
(art) dans un théâtre (lieu), c'est d'une certaine manière une critique sur les artistes, plus
que sur la société. On pense être libre, mais dans un théâtre, cette liberté est
physiquement limitée. Un de mes moteurs de création, est d'avoir éprouvé cette envie de
liberté en voyant des pièces de Kantor, de Jan Fabre entre autres. Ils font partie des
metteurs en scène qui ont réussi à proposer un théâtre radical, sans pudeur, excessif,
exprimant un tel dénuement qu'il montre la réalité sous un autre angle. Et là, j'ai voulu
agir.
Propos recueillis par Cécilia Coulon – 16/03/2010
Rodrigo García
Né en 1964 à Buenos Aires, il vit et travaille à Madrid, depuis 1986. Auteur, scénographe
et metteur en scène, il crée, en 1989, la compagnie La Carniceria Teatro qui réalise de
nombreuses mises en scène expérimentales, en recherchant un langage personnel,
éloigné du théâtre traditionnel.
Ses références sont inclassables, elles traversent les siècles sans se soucier de la
chronologie : on pense pêle-mêle à Quevedo - poète du Siècle d’or espagnol - à Beckett,
Céline, Thomas Bernhard mais aussi à Buñuel ou encore à Goya de la période noire. Il
refuse de s’enfermer dans un théâtre écrit uniquement pour des spécialistes, et qui
fonctionne par codes et par dogmes. Son écriture s'inspire du quotidien, de la rue où il a
grandi, dans cette banlieue populaire de Buenos Aires au milieu de copains destinés à
devenir ouvriers ou maçons. Il rêve d’un théâtre où n'importe qui puisse pousser la porte
sans hésiter sur le seuil. Son écriture est un prolongement du réel dont il s'inspire
fortement ; sa force réside dans la dimension poétique qu’il lui confère. Ses personnages
peuvent débiter des horreurs, parler en argot - la langue de Cervantès est en ce sens
peut-être plus inventive et plus crue que le français - García évite la caricature facile et se
garde de tout naturalisme.
Ses personnages se complaisent dans une déliquescence de la pensée, s’arrangent
comme ils le peuvent pour exister et font semblant de croire que leur banale existence est
des plus originales.
Rodrigo García est l’auteur de nombreuses pièces dont il assure le plus souvent la mise
en scène : Acera Derecha en 1989, repris en 1996 par Javier Yaguë ; Matando horas en
1991 ; Prometeo en 1992 ; Notas de cocinas en 1994 ; Carnicero espanol en 1995 ; El
dinero en 1996 ; Protegedme de lo que deseo en 1997 ; Nuevas Ofensas en 1998 ;
Macbeth imagenes en 1999 mis en scène par Adolfo Simon ; Reloj en 1994, prix « Ciudad
de Valladolid » (dirigé par Angel Facio puis Alfonso Zurro en 1995) ; Rey Lear en 1998
(dirigé par Emilio Del Valle en 1997, Oscar Gomez en 1998 et Isabelle Germa Berman en
2001 et repris par Rodrigo García à la Comédie de Valence en mai 2003), Ignorante et
After Sun en 2000 ; Tu es un fils de pute en 2001 ; Fallait rester chez vous, têtes de
noeud; J’ai acheté une pelle en solde pour creuser ma tombe, L’histoire de Ronald, le
clown de chez Mc Donald en août 2002 et Jardineria humana, une création de 2003.
Au festival d’Avignon 2007, il présente Cruda. Vuelta. Al punto. Chamuscada. (Bleue.
Saignante. A point. Carbonisée.) et Approche de l’idée de méfiance.
García a également mis en scène les pièces et poèmes Vino Tinto de Thomas Bernhard
(1993), Tempestad d’après W.H. Auden (1993), 30 Copas de vino d’après Beaudelaire
(1993), Los tres cerditos de Bruce Nauman (1993), El pare d’après Heiner Müller (1995,
prix de la critique), et Hostal conchita d’après Thomas Bernhard (1995).
Parmi ses dernières mises en scène : Mort et réincarnation en cowboy (2010), C’est
comme ça et me faites pas chier (2010), Golgota picnic (2011). En 2009, les pièces Bleue.
Saignante. A point. Carbonisée. et C’est comme ça et me faites pas chier sont publiées
aux éditions Les Solitaires Intempestifs.
Mort et réincarnation en cowboy marque la deuxième venue de Rodrigo García au
Théâtre de Gennevilliers, après C’est comme ça et me faites pas chier en 2010.
La Presse
Une lumière pâle recouvre la scène, seulement deux acteurs, Juan Loriente et Juan Navarro, sont
visibles, comme deux corps obscurs. Un taureau mécanique halète à voix basse. À partir de cela,
il y a très peu à voir, mais cependant beaucoup à entendre. Et déjà chacun attrape une guitare
électrique, connectée à des capteurs électroniques, et ils commencent ensemble une lutte
désespérée. Le grave hurle et chaque note jouée se traduit par une tourmente brutale de sons.
C’est une plainte et une lutte qui dominent la scène durant vingt minutes, avec des fréquences
ensorcelantes et qui, malgré toute la violence qui sort des corps, ne paraît en aucun moment
insipide. Et déjà cette lutte entre ces deux hommes nus, gênés aussi par les diverses positions de
danse classique qu’ils s’imposent, le pas de deux, d’une brutalité crue et d’une grâce affectée,
déchaîne une vocifération existentielle sur les généralités de ce monde. Vocifération qui montre
toute la violence qu’il y a dans chaque culture, comment dans la liberté est toujours inclus
l’arbitraire qui la tue, comment la recherche du sentiment part à la dérive, comment chaque
naissance entraine une mort. (…)
Mort et réincarnation en cowboy n’est pas seulement un règlement de comptes contre la
puissance et le triomphe du monde occidental des cowboys, mais cela nous montre aussi la
douloureuse ambiguïté des choses ; cela nous montre comment dans toute destruction il y a un
refuge, et vice versa. Comme quand les cowboys essaient de dominer un moment le taureau
mécanique indomptable : ce jeu semble être une lutte contre la démesure elle-même. Et quand à
la fin les deux se sentent philosopher, tout d’un coup, sur la perte du rire, sur comment le rire
aujourd’hui sert seulement de trampoline à l’extérieur, mais n’exprime aucune transformation
intérieure. Ces deux cowboys penseurs qui philosophent, de manière inutile, se transforment en
dissidents de leur propre monde McDonald. (…)
DORIS MEIERHENRICH, BERLINER ZEITUNG, le 5 mars 2010
Dans la famille des doux délirants, Rodrigo García n’est pas le dernier. Tout comme dans le
registre de la fidélité. C’est en effet à Rennes, au festival Mettre en scène, que l’artiste argentinoespagnol a montré ses premiers spectacles, il y a plus de dix ans maintenant. Avec le passage au
siècle nouveau, on peut dire qu’il est resté fidèle à lui-même, tout en accomplissant une sorte de
mue métaphysique. Dans Muerte y reencarnación en un cowboy, Rodrigo García semble clore un
chapitre et commencer à en ouvrir un autre. Dans sa pièce précédente, Versus, un jeune Argentin
venu d’un quartier populaire racontait « en vrai » sa vie de violence et de misère. Jusqu’à sa mort,
et sa mise en bière, préparée à vue. Une femme le préparait pour le dernier voyage, durant les
vingt dernières minutes du spectacle.
Dans ce spectacle, il ressuscite — le théâtre peut faire ça, c’est son immense avantage. Et il se
réincarne en cow-boy. Durant la première partie, deux hommes se battent à mort à coups de
guitares électriques (branchées). Vingt minutes plus tard, au bord de l’épuisement, ils se traînent
dans un long couloir, accompagnés d’une vingtaine de poussins (vivants). Au bout, ils arrivent
dans une douche, accueillis par une geisha. Image sinistre, hors champ, filmée et restituée sur un
écran en fond de scène. Lorsqu’ils ressortent de la douche enfumée, étrangement calmes, ils
s’habillent en cow-boys (fidèles à l’imagerie publicitaire d’une marque célèbre, dont le mannequin
est mort d’un cancer sans jamais avoir fumé…), et ils devisent devant une petite table basse,
vitrée, où se retrouvent les vingt poussins, blottis les uns contre les autres. Et ils parlent,
longuement, un dialogue à la Diderot, une sorte de méditation moraliste (pas morale, juste une «
leçon de vie ») sur l’amour et la mort. C’est simple, c’est juste et ça fait mal. Rodrigo García
touche, sa langue devient pointue comme une lame, mais apaisée, comme attendrie. A la fin du
spectacle, l’un des cow-boys dépose un chat au milieu des poussins. Au bout de quelques
minutes, impavide, le chat s’endort, blotti contre leurs petits corps duveteux. Magie du théâtre.
BRUNO TACKELS, MOUVEMENT, le 2 décembre 2009
Rodrigo García, metteur en scène enragé – Les
Inrocks
Né dans les favelas de Buenos Aires, Rodrigo García est devenu le plus trash des metteurs
en scène : tondeur de femme, tueur de homard ou arroseur de ketchup sur les plateaux. Sa
fureur arty affole la SPA et les bien-pensants.
Rodrigo García habite de jour comme de nuit dans le théâtre où il répète. En résidence depuis la
fin août à Rennes pour accoucher de Muerte y reencarnación en un cow-boy, la création qu’il
présente au festival Mettre en scène, il s’est installé dans la bien nommée salle d’échauffement.
Dédiée au training des acteurs, elle est devenue son bureau.
C’est là qu’il reçoit, un cigare au bec et un verre de whisky à la main. “Je suis le metteur en scène
qui coûte le moins cher en hébergement”, assène-t-il dans un rire en poussant la porte de la loge
attenante. Dans la pénombre, on entrevoit un matelas à même le sol et un sac de couchage en
vrac. Une vidéo qui passe en boucle donne un aperçu du chantier en cours : deux types en slip, le
corps dégoulinant d’huile, s’acharnent à coups de pied sur des guitares électriques dans un duel
de solos apocalyptiques. Puis ils entament une chorégraphie au ralenti, une danse sous mescal
inspirée d’un post visionné sur internet. Un pur échantillon de cette fureur arty dont Rodrigo García
aime garnir ses shows. Depuis le choc After Sun (2001), balade déjantée d’un couple, baignant
dans la salade, les saucisses, la mayonnaise, le ketchup et tout ce que contient le placard d’une
cuisine, Rodrigo García s’est fait une spécialité de transformer les plateaux de théâtre en champs
de bataille.
Pour comprendre sa propension à voir rouge dès qu’il s’agit de produits de bouche, on tentera
l’hypothèse d’une revanche à prendre sur son enfance dans un bidonville de Buenos Aires. Entre
une mère vendeuse de fruits et légumes et un père boucher qui le met derrière la planche à
découper à 11 ans, son avenir semble tout tracé. “Dans le barrio où je suis né, j’étais malgré tout
le riche de la favela, car pour leur commerce, mes parents avaient construit une maison en dur.
Mon autre privilège était d’être le seul à avoir les moyens de me faire payer un ballon de foot en
cuir. J’avais beau être le pire des joueurs et rester dans les buts, tout le monde voulait jouer avec
moi car je possédais le ballon.”
Celui qui plus tard glorifiera Maradona sur scène et nommera sa compagnie La Carnicería Teatro
(La Boucherie Théâtre) était à l’époque à la recherche d’une issue de secours. “Je ne sais
pourquoi, mais un jour je me suis dit que la seule solution pour m’échapper de la boucherie était la
littérature. A la maison, les livres se comptaient sur les doigts d’une main, trois livres de cuisine, le
théâtre de Federico García Lorca, relique chérie par mes parents émigrés espagnols et, va savoir
pourquoi, les œuvres complètes d’Oscar Wilde.”
Il a 17 ans quand il vole tout Wilde pour l’échanger dans une librairie contre les œuvres de Borges
et Etre et Temps de Martin Heidegger. Dévorant en secret Schopenhauer aussi bien que Sénèque,
il alterne la fac, les parties de foot et les petits trafics entre amis. “Au final, j’ai obtenu une licence
en sciences de la communication et publicité. Je suis entré comme coursier dans une boîte de pub
avant qu’ils ne me fassent bosser comme créatif. J’y ai gagné le montant exact du billet pour partir
en Espagne.”
Débarquement à Madrid en 1986. “La période la plus sombre de ma vie. Je voulais monter des
textes et faire du théâtre… Je travaillais dans la pub et investissais tout l’argent gagné dans des
productions que personne ne venait voir. Par deux fois, j’ai dû jeter mes scénographies à la
poubelle. Ces échecs m’ont convaincu d’essayer d’écrire. J’ai pondu un texte, Macbeth imágenes.
J’en ai honte, mais c’est avec ce pur plagiat d’Heiner Müller que j’ai obtenu un premier prix
d’écriture (rires). D’autres textes ont suivi.”
Alors qu’il commence à avoir une petite réputation d’auteur, Rodrigo García opte pour un théâtre
physique proche de la performance. “On m’a pris pour un fou. Pendant quinze ans j’ai travaillé
dans une totale incompréhension en Espagne. Heureusement, j’ai rencontré Carlos Marquerie (qui
depuis signe les lumières de ses spectacles – ndlr). Il dirigeait le Teatro Pradillo, un petit lieu à
Madrid qui défendait une vision radicale du théâtre autour de quelques artistes dans les années
1995.” La Ribot, Olga Mesa, Oskar Gómez Mata sont de ceux-là. Comme Rodrigo García, ils
proposent des spectacles qui, des professionnels aux critiques, font l’unanimité, mais contre eux.
“La polémique était continuelle, mais le public était fidèle et c’est là que des gens du TNB ont
découvert Conocer gente, comer mierda, et m’ont invité en 1999 à le présenter à Rennes à Mettre
en scène.” Une sortie d’Espagne qui force le succès avec, l’année suivante, le happening lumineux
After Sun que tout le monde s’arrache.
L’incompris chronique devient la nouvelle coqueluche du théâtre européen. S’en suivront des
invitations au Festival d’Avignon et au Festival d’automne dont Rodrigo García fait aujourd’hui
figure de membre honoraire. Toujours en tournée en Europe et dans le monde, Rodrigo García ne
déroge pas d’un iota à son penchant provocateur et ses spectacles ne cessent de faire scandale.
Avec After Sun, il s’attire les foudres de la SPA à cause d’une danse avec un lapin sur Sex Bomb
de Tom Jones. Il soulève l’indignation des moralistes quand il invite le public à monter sur scène
pour retirer son slip et s’en coiffer. “En Allemagne, la moitié des spectateurs ont quitté la salle
quand un vieil homme l’a fait.” Une jeune femme tondue en direct sur la scène du Théâtre du
Rond-Point durant Et balancez mes cendres sur Mickey (2006) lui vaut des tribunes dans les
journaux pour dénoncer l’offense à la dignité des femmes et l’obscénité de ce rappel des tondues
de la Libération.
Pire encore, Accidens : matar para comer (Accident : tuer pour manger), créé à Rennes en 2005,
est une performance consistant à couper en deux un homard vivant d’un coup de hachoir, à le
griller et le manger sur place. “Elle est interdite en Espagne, à Madrid et Barcelone. En Italie, à
Milan, les carabiniers ont empêché que le spectacle ait lieu…”
Enfin, invité au printemps pour recevoir à Wroclaw (Pologne) le prix Europe Nouvelles Réalités
théâtrales aux côtés de Guy Cassiers, Pippo Delbono, Arpád Schilling et François Tanguy,
Rodrigo García, qui présentait deux spectacles dont la performance du homard, se retrouve en
plein cauchemar : “Ils m’ont accusé d’acte de torture, j’ai passé trois heures au poste de police à
devoir m’expliquer avant d’être relâché.” Des risques du métier qui n’altèrent en rien sa
détermination au moment où s’annonce son retour en force en France. D’abord à Rennes, puis à
Paris, au Théâtre du Rond-Point, où il présente Versus, créé en 2008 pour fêter l’anniversaire de
l’indépendance de l’Espagne qui, il y a deux siècles, se libérait de la tutelle française. Un
patchwork qui réveille les héros de la série Agence tous risques, les fantômes du franquisme et
convoque Goya, la place Tiananmen et le 11 Septembre.
Parce que le théâtre de García est d’abord politique, on s’inquiète de son avis sur la multiplication
des scandales politico-médiatiques qui ne cessent de défrayer nos chroniques. “Je propose que
les médias les cachent. Qu’ils ne diffusent pas ce genre d’informations et que ces espaces –
pages et écrans – ne soient occupés que par des images bucoliques : des papillons dans les prés,
des rivières où coule une eau cristalline… Il faut prolonger cette occultation des vrais événements
pendant un siècle ou un siècle et demi, le temps d’accepter l’échec de la démocratie et d’inventer
un autre système.” Depuis deux ans que nous n’avions plus de ses nouvelles, Rodrigo García
nous manquait. “La loi du marché”, se contente-t-il de commenter.
Patrick Sourd – 21/11/2009
Infos pratiques
Théâtre de Gennevilliers
Fondateur Bernard Sobel
Direction Pascal Rambert
41 avenue des Grésillons
92230 Gennevilliers
Standard + 33 [0]1 41 32 26 10
Réservations + 33 [0]1 41 32 26 26
www.theatre2gennevilliers.com
Réservation
sur place ou par téléphone au +33 [0]1 41 32 26 26
du mardi au samedi de 13h à 19h
télépaiement par carte bancaire
Vente en ligne sur :
www.theatre2gennevilliers.com
Revendeurs habituels :
Fnac — Carrefour 0 892 683 622 (0,34 euros/min), fnac.com,
Theatreonline.com, 0 820 811 111 (prix d’une communication locale),
Starter Plus, Billetreduc, Kiosque jeune, Crous et billetteries des Universités Paris III, VII, VIII, X,
Maison du Tourisme de Gennevilliers, Maison du Tourisme d’Asnières-sur-Seine
Accessibilité
Salles accessibles aux personnes à mobilité réduite. Dispositif d’écrans (certains soirs) pour les spectateurs
sourds et malentendants.
Navettes retour vers Paris
vendredi 11, samedi 12, mercredi 16, vendredi 18 et samedi 19 janvier, après la représentation, une navette
gratuite vous raccompagne vers Paris. Arrêts desservis : Place de Clichy, Saint-Lazare, Opéra, Châtelet et
République.
Accès Métro
Ligne [13 ] direction Asnières-Gennevilliers, Station Gabriel Péri [à 15 mn de Place de Clichy] Sortie [1] puis
suivre les flèches rayées rouges et blanches de Daniel Buren
Accès Bus
Ligne [54] direction Gabriel Péri ; arrêt Place Voltaire
Accès voiture
- Depuis Paris - Porte de Clichy : Direction Clichy-centre. Tourner immédiatement à gauche après le Pont de
Clichy, direction Asnières-centre, puis la première à droite, direction Place Voltaire puis encore la première à
droite, avenue
des Grésillons.
- Depuis l’A 86, sortie n° 5 direction Asnières / Gennevilliers-centre / Gennevilliers le Luth.
Parking payant gardé à proximité.
Le Food’Art
Restaurant au sein du T2G, ouvert avant et après le spectacle
Tel. + 33 [0]1 47 93 77 18
Valérie Mréjen
Les textes signés par Valérie Mréjen lui ont été commandés par le T2G pour le programme 2012-2013.
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