© Christian Berthelot
Rodrigo García
[11-19 janvier 2013]
Muerte y reencarnación en un
cowboy
Représentations : mardi, jeudi 19h30, mercredi, vendredi et samedi 20h30, dimanche 15h
Relâche le lundi
Tarifs : 24 / 15€ / 12 / 9€
Réservation : sur place ou par téléphone au 01 41 32 26 26 / du mardi au samedi de 13h à 19h
ou billetterie@tgcdn.com et en ligne sur : www.theatre2gennevilliers.com
Service des relations avec le public :
Théâtre de Gennevilliers 01 41 32 26 10 relationspubliques@tgcdn.com
Rodrigo García
[11-19 janvier 2013]
Muerte y reencarnación en un
cowboy
Avec une énergie hallucinante, Rodrigo García nous entraîne dans la ronde
infernale de deux futurs cowboys qui une fois réincarnés, débattent ensemble plutôt
sérieusement sur le thème du rire, les yeux protégés par des verres miroir.
Une proposition de Rodrigo García
Avec Juan Loriente, Juan Navarro et Marina Hoisnard
Lumières Carlos Marquerie
Direction technique Roberto Cafaggini
Son Vincent Le Meur
Régisseur général Jean-Pierre Timouis
Production de tournée Diego Lamas
Production La Carnicería-Madrid, Théâtre National de Bretagne
Durée du spectacle : 1h45
Spectacle en espagnol surtitré en français
Texte publié dans le recueil Cendres (2000-2009) édité chez Les solitaires intempestifs
++
Rencontre philosophique : samedi 19 janvier 2013 à 17h30
"Membres fantômes : le corps entre phénoménologie et neurologie"
Emmanuel Alloa invite la philosophe Catherine Malabou
en regard de la pièce de Rodrigo García
(entrée libre)
Le Théâtre de Gennevilliers est subventionné par le ministère de la Culture et de la
Communication, la Ville de Gennevilliers et le Conseil Général des Hauts-de-Seine.
Muerte y reencarnación en un cowboy
C’est une pièce sur les cowboys.
Mais non, avec des cowboys. Il n’y en a que deux à ce qu’on m’a dit, et encore, ils sont à
pied.
Il n’y a pas de chevaux sur scène?
Pas de chevaux. Juste un carton rempli de poussins. Ah ça, des poussins il y en a, mais
de chevaux, aucun.
Des poussins?
Absolument. Non mais en fait il y a une sorte de cheval mais ce n’est pas un vrai. C’est
une machine qui tourne sur elle-même et sur laquelle on peut grimper comme si on faisait
du rodéo.
Et donc, les cowboys?
Eh bien en fait au début ils n’ont pas encore leurs chapeaux ni leurs lunettes miroir, au
contraire, ils sont nus ou presque et ils se roulent dans un corps à corps sur le sol comme
s’ils allaient mourir, ils se contorsionnent de douleur ou d’ivresse et ils ont sur la tête des
cagoules noires qui font de la musique parce qu’il y a des grelots cousus dessus. Ils ont
l’air assez désespérés et déjantés. Prêts à tout, à toutes les expériences.
Mais à la fin ils discutent sérieusement, comme s’ils s’étaient assagis, et en fait ils parlent
du rire comme quelque chose qui n’est plus spontané et qui est devenu le signe d’une
crispation.
Hum. Et en fait ça parle de quoi au juste?
Ah écoute, de beaucoup de choses… ce n’est pas présenté comme ça de toute façon.
Mais quel est le message?
Mais enfin, tu ne comprends rien? Ce n’est pas comme une publicité où on t’assène un
slogan à la fin! Et puis tu verras bien.
Valérie Mréjen
Notes de lauteur
Le rire a subi une transformation épouvantable au long des millions d’années d’existence
des êtres qui rient. J’ignore à quelle étape de son évolution le rire a cessé dêtre un attribut
rare, un trésor perturbateur, pour se transformer en une réitération banale.
Je ne pense pas que l’homme primitif ait passé son temps à rire (pas plus qu’à grogner),
ni qu’il ait ri de tout. Je ne pense pas non plus qu’il ait ri en groupe.
Je suppose que le rire était un don spirituel, quelque chose de magique, que personne au
sein de la communauté ne comprenait vraiment, et qui, j’insiste, faisait irruption très
rarement et sans raison apparente.
Aujourd’hui, le rire est pour nous le pire des outils sociaux : un rire qui sépare au lieu de
nous rapprocher, et qui est tout sauf un geste captivant. Les rires sont tellement faux et
artificiels qu’ils finissent par éloigner les rieurs, quand bien même ces derniers seraient
physiquement proches les uns des autres, dans une fête, dans un bar ou dans un jardin.
Disons que lorsque tout le monde rit, on peut apprécier la façon dont les corps deviennent
transparents, perdent de leur consistance, de leur poids, de leur odeur. C’est
probablement quand les adultes rient face aux bébés que l’on atteint le plus haut degré de
pathétique.
Bourré de signifiés externes et vide de contenu énigmatique, voilà comment le rire se
présente à nous aujourd’hui. Le rire a perdu, semble-t-il, son caractère tellurique. Tout lien
avec les entrailles.
À présent le rire est un mur couronné de fil de fer barbelé et de tessons de bouteilles, c’est
une arme que les peureux portent sur eux pour sortir ; on peut même s’entraîner au rire
chez soi, avant de sortir, et même en voiture.
La place du rire des entrailles est occupée par le rire qui fuse comme un ressort, une
grimace sociale qui atteint son climax quand on a consommé un tant soit peu de drogue
ou des litres de bière. La musique dans un lieu y contribue aussi, et le rire alors dessine
sur les bouches et les yeux des rieurs des paysages embroussaillés, des visages tendus
que j’évite de regarder trop attentivement.
Si nous rions de la façon dont nous rions, c’est à l’évidence parce que nous ne sommes
pas heureux.
Rodrigo García
Traduction de Christilla Vasserot
L’écriture du désastre Fernando Castro Flórez
Au commencement fut le désastre et la stridence. Le duo de guitares électriques qui
s’étirent implacablement au début de Muerte y reencarnación en un cowboy frustre
littéralement toute attente "agréable" chez le spectateur. Le mélange d'épilepsie délibérée,
de divagation démentielle et de violence contre l’instrument (à la manière des propositions
de "l’art destructeur" lancées avec le mouvement nomade Fluxus) conduit non pas à la
catharsis, mais à des litanies crépusculaires.
Après le vacarme, nous nous reflétons dans le grotesque. Rodrigo García sait comment
«organiser le pessimisme» à une époque où l'interactivité s'enlise, quand ce qui importe,
c'est de participer, même en assumant le rôle du « monstre » ou du «pervers polymorphe»
médiatique qui répond au catégorique impératif " Jouis de ton symptôme". Il n'y a ni
crainte ni compassion à expier sinon des rires et des applaudissements mis en boite et
administrés en abondance.
La logique policière («circulez, il n’y a rien à voir») a encouragé la race des voyeuristes qui
ont même trouvé un plaisir étrange à se transformer en l’ombre des surveillants.
Le désastre arrive à coup sûr, intrinsèque à l’écriture qui produit, grâce à sa percutante
mise en scène, des moments d’hilarité inévitables qui viennent eux-mêmes souligner qu’
« aujourd’hui, nous utilisons le rire comme le pire des outils sociaux ».
Nous ne prenons même pas conscience de la dimension satanique du rire qui aurait tant
intéressé Baudelaire, nous ne sommes que la pâle copie de caricatures vieillottes.
Les cowboys parlent de manière obsessionnelle des partenaires qu’ils n’ont pas, malgré la
passion qu’ils mettent à baiser etc, toutes les caresses, rituels et conversations
« compréhensives » ne sont rien d'autre que des stratégies lamentables pour camoufler
que tout est définitivement pourri.
Castoriadis fait remarquer que l'œuvre d'art n'existe qu’en supprimant le fonctionnel et le
quotidien, en dévoilant un Envers qui destitue de toute signification l’Endroit habituel, en
créant une déchirure par laquelle nous entrevoyons l’abîme, le Sans-fond sur lequel nous
vivons constamment en nous efforçant avec constance de l’oublier.
Il n’est pas nécessaire, loin de là, de se déguiser en agrégé de philosophie, c'est-dire en
fonctionnaire pathétique, pour comprendre que ce que nous souhaitons cesser de
regarder est en réalité la dimension familiale du sinistre.
Les cowboys anachroniques juxtaposent leurs monologues comme ces fossoyeurs dans
Hamlet qui distillaient la sagesse stoïque jusqu'à ce qu'ils soient interrompus par un putain
de mec obsédé par la soif de vengeance du spectre paternel. Heureusement le ton
sentencieux décline pour laisser place à une sorte de lassitude minérale et la complicité
finit par avoir un goût amer.
Les cowboys avec leurs lunettes de soleil spectaculaires et leurs chapeaux ridicules
racontent des expériences à vomir (voyager en train face à une famille dont tous les
membres se ressemblent) ou répugnantes (la pisse comme système d’appropriation du
territoire), confessent qu’ils aimeraient changer tout ce qu’ils ont fait dans leur vie (« par
simple curiosité ») ou se rappellent la brutalité que nous déployions dans l’enfance (en
faisant éclater des têtards).
Rien de ce que nous entendons, heureusement, ne pourrait faire partie d'un « manuel
d’auto-assistance ». C’est comme ça, Rodrigo García évite la rhétorique du « sens de la
vie » car si quelqu'un a besoin de clarifier son angoisse, le mieux serait qu’il s’administre
une boîte entière de suppositoires à la glycérine. Même si nous utilisons un rideau princier
comme serviette nous ne pourrons éviter la présence inquiétante des tâches ; Rodrigo
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