CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL RÉGIONAL D'AQUITAINE Séance Plénière du 23 octobre 2007 --------AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL REGIONAL D’AQUITAINE Les PME / TPE dans le développement des territoires aquitains La réflexion du Conseil Economique et Social Régional sur PME et TERRITOIRES relève d’un exercice assez classique : il s’agit en effet d’analyser et de penser le développement des territoires infra régionaux, mais également d’y incorporer une option plus originale consistant à souligner le rôle spécifique que les PME-TPE, tous secteurs confondus, sont amenées à jouer dans ce processus. En effet, traditionnellement, ce type de sujet est envisagé dans une logique d’aménagement local des territoires ; mettre au cœur de cette problématique les entreprises moyennes, petites et très petites en relation avec les acteurs locaux et leurs besoins, notamment en matière de services, est une façon, pour le CESR, de prolonger sa réflexion sur le développement local et plus généralement sur la proximité. Cette orientation rejoint, pour les renforcer, les thèmes d’autres rapports de la mandature qui concernaient : la démographie, les conseils de développement, le logement, l’intercommunalité… Elle contribue aussi à la recherche de complémentarité et de cohérence de nos travaux et permet d’aborder ce sujet, qui demeure complexe, à partir d’une approche pluridimensionnelle. Ceci a permis d’éclairer d’un peu plus près et peut-être un peu différemment, la diversité de la réalité économique et sociale de notre région. C’est pourquoi, le CESR a choisi d’orienter son exploration selon des axes sinon originaux en tout cas moins conventionnels que ceux habituellement retenus ; d’abord pour rassembler de façon synthétique les traits communs à certaines situations, ensuite pour envisager des formes de régulation à géométrie variable permettant de tenir compte de la diversité des situations et des orientations politiques. Dès lors, il devenait essentiel de mettre à jour d’abord les complémentarités et les freins que produisent les dynamiques « entreprises-territoires », de définir ensuite le degré de fonctionnalité variable entre PME et territoires, de tenter enfin de déterminer le champ et l’intensité des interventions publiques envisageables : celles-ci paraissant pouvoir aller de la simple intermédiation à l’impulsion plus volontariste. Sous l’angle des dynamiques « PME-territoires », le CESR a mis l’accent sur le développement du capital humain et notamment la formation. Cette approche constitue un enjeu majeur puisque l’accroissement des compétences est pour le salarié à la fois un atout pour son développement professionnel et une garantie pour son employabilité ; parallèlement, la gestion des compétences est une composante primordiale de la compétitivité des PME sur les territoires. Cette forme de complémentarité, en des temps où de nombreuses discussions vont s’engager sur ce sujet, méritait d’être particulièrement soulignée ; de même que le rôle souvent trop méconnu des Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA), notamment de proximité, dans le développement territorial de la ressource humaine des TPE-PME. 11 Sous l’angle de la caractérisation « Territoires-PME », le CESR s’est attaché à définir quelques figures qui lui sont apparues significatives de la réalité et porteuses d’enseignements. Des réflexions dérivées de cette tentative de typologie ont permis de rendre compte de préoccupations habituellement peu présentes dans ce genre d’analyses. C’est ainsi que partant du « territoire courant», du « territoire personnalisé » et du « territoire identitaire » ainsi définis, le CESR s’est efforcé d’approcher des situations intermédiaires, difficilement classables, mais présentes dans la réalité régionale. Sous l’angle des interventions publiques, le CESR a abordé l’action de la puissance publique (Etat et collectivités territoriales) en partant de l’origine de la décision. Ainsi, l’action publique exogène, vise-t-elle à décrire les enjeux et les effets de ce que le CESR a appelé le drainage économique externe d’activités privées ou publiques, en prenant soin de préciser les conditions de réalisation et les limites d’une telle stratégie eu égard au développement économique national. L’action publique endogène qui s’exerce, elle, de l’intérieur de l’espace régional, et doit prendre en compte le partage entre économie productive et économie résidentielle, retrace la diversité des initiatives et des expériences menées à différents niveaux infra régionaux, qu’ils soient institutionnels ou plus informels. Finalement, la tendance générale est celle d’une demande de proximité de plus en plus affirmée. Celle-ci passe par un besoin de dialogue entre toutes les catégories d’acteurs des territoires. Cette démarche de type participatif qui émerge aussi au niveau national, passe sans doute par des approches territoriales différenciées qui vont de la demande de dialogue interprofessionnelle au besoin de transversalité et au croisement branches-territoires, d’initiatives plus spécifiques du type Programmes Intégrés Territoriaux (PIT) à des expériences régionales comme les Contrats d’Objectifs Territoriaux Interprofessionnels (COTI) en Aquitaine. Quelle qu’en soit la forme, nous sommes en présence d’une tendance lourde qui n’ira qu’en s’affirmant. I - Les préconisations relevant d’approches transversales I- 1 Agir sur les conditions d’environnement favorables à l’implantation des PME sur les territoires. - Les infrastructures Il ne s’agit pas de reprendre les divers travaux réalisés et préconisations avancées par le CESR en la matière. Il est néanmoins nécessaire de souligner ici que favoriser l’attractivité des territoires revient à en favoriser l’accessibilité, les déplacements des personnes et des biens en cherchant notamment une meilleure adéquation logements/emplois, tout en respectant l’environnement. C’est aussi avoir une perspective et anticiper l’évolution du territoire : le Schéma Régional des Infrastructures et Transport d’Aquitaine - qui constitue le volet infrastructures/transport du SRADT- prochainement élaboré par le Conseil Régional en association avec l’Etat et les autres Collectivités, comportera un volet marchandises et un volet Plan des déplacements régionaux afin d’assurer la cohérence régionale et interrégionale des grands itinéraires et leurs fonctionnalités dans une approche multimodale. Il doit aussi définir des priorités d’action qui contribueront à favoriser l’implantation pérenne et le développement des PME. - Les services Parmi les éléments susceptibles de favoriser l’implantation des PME-TPE, les services, qu’ils soient destinés directement aux entreprises ou qu’ils s’adressent aux personnes, constituent un facteur déterminant. Les services aux entreprises jouent en effet un rôle stratégique qui tient moins à leur contribution directe à l’emploi qu’à leur pouvoir d’attraction sur d’autres activités, pouvoir qui s’exerce surtout pour les activités les plus techniques ou à forte valeur 12 ajoutée. Au-delà de la volonté incantatoire, décliner un service de proximité signifie de disposer de moyens et d’une organisation très localisés. Ces projets ne peuvent être portés que par des organisations déjà implantées localement -notamment celles de l’économie sociale particulièrement proches du tissu économique et social- considérées comme crédibles par les PME ; les projets peuvent alors conduire à renforcer de nouveaux services de proximité. - Les ressources financières Les questions du financement doivent être abordées avec une double préoccupation : celle d’intégrer les spécificités liées à la dimension des entreprises visées (PME-TPE) et celle de prendre en compte la dimension territoriale avec une stratégie d’ensemble relativement diversifiée, dans laquelle les considérations de développement local, par le biais notamment de l’emploi, sont jugées prioritaires. - La dimension environnementale Plutôt que de considérer les contraintes environnementales uniquement comme des externalités négatives, les différents acteurs des territoires doivent mettre l’environnement au cœur de la problématique du développement local. La notion de charte environnementale concerne ainsi toute une série de questions essentielles pour le développement durable : citons notamment les problèmes de l’eau, de la gestion des déchets, de la concentration de l’habitat et des voies de communication, de l’implantation des équipements sportifs et de loisirs. I-2 Capital humain et formation professionnelle : Le développement des compétences dans les PME-TPE doit être une priorité car c’est à la fois un facteur de compétitivité des entreprises et d’attractivité des territoires. - Promouvoir les politiques globales par l’action territoriale La territorialisation d’un projet en matière d’emploi et de formation rend plus concrètes les mesures techniques des dispositifs résultant des politiques régionales de formation. C’est une manière de faire adhérer l’ensemble des acteurs à des objectifs stratégiques de développement. - Renforcer la professionnalisation, notamment dans l’enseignement supérieur L’enseignement professionnel français est un modèle reconnu en Europe, encore faut-il qu’il soit présent là où on en a le plus besoin, et en particulier aux niveaux supérieurs, qui ne doivent pas échapper à la logique de professionnalisation. - Clarifier et normaliser les compétences Les Certifications professionnelles constituent un des moyens d’y parvenir mais il est par ailleurs nécessaire de prendre en compte les compétences liées à certains « métiers transverses » lesquelles doivent déboucher sur des qualifications professionnelles reconnues, compatibles avec les dispositions conventionnelles et légales en vigueur. - Réunir les acteurs du territoire sur le territoire : branches, interprofession, Région et Etat dans le débat de la formation A côté de la position affirmée des branches, qui ne peuvent prendre que partiellement en compte les intérêts spécifiques des territoires, c’est dans le cadre de l’interprofession que les besoins territoriaux doivent s’exprimer. Le CESR a mis en évidence à plusieurs reprises la façon dont l’offre de formation professionnelle -tant initiale que continue- doit aussi être coordonnée par le Conseil Régional dans un « Contrat d’Objectif Territorialisé Interprofessionnel» (COTI). Cette démarche dépasse, sur des projets de proximité, la seule approche verticale pour mieux s’adapter aux besoins de la demande des entreprises et des populations. La présence accrue des politiques d’intervention de l’Etat au niveau local, 13 notamment par la décision de développer les Engagements de Développement de l’Emploi et des Compétences (EDEC) ou d’autres dispositifs tels que les Programmes Intégrés Territoriaux (P.I.T.), devraient favoriser sur les territoires le rapprochement entre branches et interprofession. Le débat qui s’engage en Aquitaine sur le prochain Plan Régional de Développement des Formations (PRDF) pourrait également y contribuer. - Prendre en compte les spécificités du volet formation tout au long de la vie des salariés. La formation des adultes suppose un balisage spécifique qui concerne la validation des apprentissages formels-informels et la place spécifique de la coopération entreprise-recherche qui prenne en considération les spécificités des PME-TPE. La formation des demandeurs d’emploi est une nécessité pour leur intégration, celle des salariés pour leur maintien d’emploi. Ce ne sont pas les mêmes logiques, les mêmes flux, les mêmes réponses. Les cadres nationaux ou européens des certifications, doivent prendre en compte les besoins des PME, et dans leurs logiques de certification les besoins des salariés des PME. - Plus généralement, contribuer à revaloriser l’image de la PME et en développer la connaissance, particulièrement auprès des jeunes. Il n’y pas là de solution universelle au développement territorial, il y a des pistes à creuser ; celles du développement par les compétences n’est pas la seule, mais elle est essentielle. Elle est une prérogative régionale, même si une partie de la dimension, en particulier normative, échappe à la Région. La réponse ne se situe pas qu’au niveau régional, mais le développement et la formation du capital humain est un facteur de développement économique vital pour les territoires. Ce doit être l’affaire de tous les acteurs des territoires. II - Les préconisations relevant d’approches sectorielles. II-1 Les exigences d’une logique industrielle La capacité de développement des PME de l’industrie ne peut plus s’inscrire désormais dans une logique purement territorialisée : elle s’établit de fait dans un processus global d’échanges inter-industriels fondé sur l’abolition des distances et sur une rationalisation mondiale des activités productives. En conséquence, l’intervention publique au plan territorial, pour être favorable, doit pouvoir intégrer les exigences d’une logique industrielle globale, en centrant son rôle sur les facteurs d’optimisation de la compétitivité et de l’attractivité régionales susceptibles de renforcer le développement des PME/TPE régionales. Ces facteurs d’optimisation n’excluent pas pour autant un aménagement du territoire régional propice au développement des activités dans l’ensemble des bassins d’emplois. Ils peuvent s’articuler avec la nécessité d’optimiser les relations interindustrielles et les flux logistiques à travers des logiques de sites pour les industries à fort potentiel de structuration régionale. Enfin, le suivi et la gestion des contraintes de l’emploi industriel doivent pouvoir intégrer les exigences du renouvellement des compétences et de la mobilité fonctionnelle, intersectorielle et géographique afin d’accompagner l’adaptation de l’emploi aux mutations industrielles. Cette exigence passe par une implication accrue des Branches Professionnelles de l’Industrie et une intensification des échanges entre celles-ci, le service public de l’emploi, le système éducatif et les collectivités territoriales. L’organisation d’une réelle concertation sur l’offre éducative et sa relation aux besoins industriels pourrait utilement être développée dans le cadre de tous les contrats d’objectifs (régionaux et territoriaux) et notamment des Contrats d’Objectifs et de Moyens (COM) pour l’apprentissage. II-2 Contribuer au développement des TPE-PME de l’agro-alimentaire. 14 Plusieurs axes d’intervention se dégagent en particulier : • poursuivre les échanges filières et territoires pour partager une vision globale et une ambition commune dans le cadre du développement durable, • accompagner les projets de développement portés par les filières autour des Signes d’Identification de la Qualité et de l’Origine (SIQO) : investissements, recherche innovation, promotion,… tant au niveau des entreprises que des exploitations agricoles... • proposer des infrastructures et un environnement en phase avec les attentes des filières : formation, services, logistiques,... II-3 Soutenir l’artisanat sur les territoires. Toute politique publique territoriale a une incidence sur l’artisanat, omniprésent spatialement. Les stratégies territoriales doivent ainsi associer l’artisanat, acteur incontournable du développement local tant dans l’élaboration des procédures que dans l’accompagnement des entreprises (actions de coopération inter entreprises, accompagnement à l’adaptation aux multiples mutations de l’environnement, à la mise en œuvre d’outils de formation adaptés, à la création et la reprise d’entreprise pour la sauvegarde d’emplois). Le dialogue territorial - Favoriser les convergences Les projets territoriaux porteurs d’intérêts communs nés de synergies locales et de convergences entre les différentes parties prenantes, font apparaître le besoin de formes d’intermédiations (Clubs d’entreprises, structures communes Chambres consulaires/EPCI, associations de l’économie sociale, « pools paritaires », etc…) entre les différentes cultures en présence afin d’installer la confiance entre les acteurs. - Dialogue social et gouvernance territoriale Un des enjeux majeurs, au-delà du dialogue entre institutions, consiste à intégrer les représentants socio-économiques à la détermination et la mise en œuvre des projets territoriaux (Cf. les travaux du CESR sur les Conseils de développement et les démarches participatives). La construction de politiques d’emploi et de formation au plan local, impulsée notamment par les partenaires sociaux locaux, constitue une avancée susceptible de favoriser l’adhésion des PME/TPE et de leurs salariés à l’action publique. Il s’agit en effet d’une forme de reconnaissance des orientations issues de la concertation entre organisations paritaires et entreprises. L’engagement de la Région apparaît d’autant plus nécessaire que le retrait annoncé de l’Etat des politiques contractuelles dans le cadre du CPER, laisse entrevoir des perspectives difficiles pour le développement des politiques territoriales, notamment celle des Pays. Le CESR rappelle la nécessité de conforter les politiques territoriales en créant les conditions d’un dialogue plus fécond entre toutes les parties prenantes ; il tient à souligner les spécificités du dialogue territorial interprofessionnel et l’importance du caractère participatif de la démarche. AVIS ADOPTÉ A L’UNANIMITÉ Le Président Jean-François GARGOU 15