DOSSIER
RAVENSBRCK
Origine et de
¤veloppement du camp
L’ide
´e d’ouvrir un camp de concentration a
`proximite
´
du lieu-dit Ravensbru
¨ck semble ante
´rieure a
`la de
´cision
d’y cre
´er un camp de concentration « pour femmes ». En
effet, les premie
`res acquisitions de terrain par des
repre
´sentants du Reich et du Parti National-Socialiste
(NSDAP) remontent a
`1934, alors que les dirigeants
nazis n’ont pas encore vraiment pris la mesure de
l’influence des femmes dans la lutte contre le re
´gime et
son ide
´ologie.
Depuis janvier 1933,
quelques mesures d’inter-
nement se produisent puis-
qu’une section fe
´minine
est ouverte au camp de
Moringen, tenu par la SA,
de
`s 1933. Elle sera trans-
fe
´re
´ea
`Lichtenburg le
21 mars 1938. Mais sous
la conjonction d’un alour-
dissement ge
´ne
´ral des
sanctions pe
´nales et de
l’arbitraire croissant des
mesures privatives de
liberte
´, notamment par
l’instauration de la Schutz-
haft (ou de
´tention de pro-
tection pour les ennemis
politiques du Reich) au
lendemain de l’incendie
du Reichstag, proce
´dure
soustraite a
`tout contro
ˆle judiciaire de
`s octobre 1933,
puis de la Sicherheitsverwahrung (ou de
´tention de
se
´curite
´pour les criminels de droit commun), e
´galement
hors contro
ˆle judiciaire a
`partir de novembre 1933,
l’internement des femmes dans des camps de concen-
tration, a
`des fins de re
´e
´ducation ou d’e
´limination, entre
dans l’ordre des choses.
Puisque des femmes comme des hommes se refusent
a
`adhe
´rer au national-socia-
lisme, a
`renier leur foi, a
`
e
´lever leurs enfants selon
les the
´ories nazies, elles
entrent, du moins jusqu’a
`la
guerre, dans la cate
´gorie des
e
ˆtres a
`«e
´duquer ». Ulte
´-
rieurement, la population
s’internationalisant, les
ennemies du Reich et les
sous-e
ˆtres qui la composent
deviennent tout juste bonnes
a
`e
ˆtre exploite
´es puis e
´limi-
ne
´es.
Paralle
`lement, la prise en
main de l’e
´ducation des
jeunes Allemandes par les
BDM (Bund Deutsche Ma
¨d-
schen,e
´quivalent pour les
jeunes filles des Hitlerju-
gend pour les garc¸ons) pre
´-
pare les cadres ne
´cessaires :
Bulletin de la Fondation pour la Me
´moire de la De
´portation
N
o
39 Septembre 2003 Trimestriel 2,50 e
SOMMAIRE
Attention ! ce bulletin inclut un imprime
´de souscription destine
´a
`
l’acquisition du Livre Me
´morial des de
´porte
´s, arre
ˆte
´s par mesure de
re
´pression.
Dossier Ravensbru
¨ck............................. 1
Une exposition sur la de
´portation a
`votre disposition ...... 15
Les livres ..................................... 16
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 39 1
surveillantes (Aufseherinnen), sous-officiers ou me
´de-
cins SS femmes. L’e
´lite fe
´minine allemande doit en
effet e
ˆtre digne de donner des compagnes a
`la future
e
´lite SS voulue par Himmler, et son e
´ducation s’inspire
des principes de formation de la SS.
Jamais, toutefois, les responsables SS ne placeront
de femmes a
`la te
ˆte d’un camp et la direction de
Ravensbru
¨ck, de ses Kommandos, et du camp de
femmes d’Auschwitz restera toujours aux mains de
SS-hommes.
Les camps et Kommandos de femmes sont donc
administre
´s selon les me
ˆmes principes, re
´gis par les
me
ˆmes re
`gles, soumis a
`la me
ˆme discipline que les
camps d’hommes et, a
`partir de 1942, exploite
´s dans
les me
ˆmes conditions, avec la me
ˆme brutalite
´, parfois
pire, au profit de l’e
´conomie de guerre du Reich.
En 1938, la SS trouvant quelques avantages au site de
Ravensbru
¨ck, situe
´dans la valle
´e de la Havel non loin
de la ville de Fu
¨rstenberg, y acquiert aussi des terrains.
Ils y pressentent une source de profit importante. Par
ailleurs, la re
´gion du Mecklemburg pre
´sente un inte
´re
ˆt
touristique non ne
´gligeable ; le site lui-me
ˆme, tout en
sable et marais, est insalubre, isole
´et a
`l’abri des
regards indiscrets ; les liaisons ferre
´es et routie
`res vers
Berlin, 80 km plus au sud, ou Oranienburg-Sachsen-
hausen, PC des camps de concentration, sont faciles et
rapides ; enfin, par le biais du re
´seau des lacs et des
canaux, une bonne desserte fluviale
permet l’acheminement de mate
´riaux
lourds ne
´cessaires a
`la construction et
a
`l’industrie.
A
`la veille de l’entre
´e en guerre de
l’Allemagne, le camp de concentration
de Ravensbru
¨ck est pre
ˆta
`jouer son
ro
ˆle de camp de de
´porte
´es. Au fil du
temps, il devient le centre d’un impor-
tant complexe ou
`quelque 132 000
femmes de plus de 40 nations vont
connaı
ˆtre l’enfer.
La construction est entreprise par un
Kommando de 500 de
´tenus hommes,
envoye
´spe
´cialement de Sachsenhau-
sen, en novembre 1938.
En quelques mois de travail haras-
sant, de janvier a
`mai 1939, ce Kom-
mando re
´alise le mur d’enceinte haut de
4 m, surmonte
´de fils de fer barbele
´s
e
´lectrifie
´s et de tours de guet, puis les
seize premie
`res baraques, dont 2 abritent
le Revier, les 14 autres e
´tant destine
´es a
`
l’he
´bergement des de
´tenues.
Ulte
´rieurement le camp s’agrandit a
`
trois reprises, avec cette fois le concours
de la main d’œuvre fe
´minine, d’abord pour construire de
nouveaux Blocks d’habitation – leur nombre passant a
`
32 puis a
`35 en 1945 pour une capacite
´globale de
20 000 de
´tenues –, puis pour cre
´er des entrepo
ˆts, des
bureaux et surtout des ateliers qui s’e
´tendirent bien au-
dela
`du mur d’enceinte, notamment en 194l l’« Indus-
triehof avec ses ateliers textiles appartenant a
`la SS :
Gesellschaft fu
¨rTextil-und Lederverwertung Gmbh
(Texled) » (entreprise de traitement des textiles et du
cuir, SARL), et en aou
ˆt 1942 les ba
ˆtiments de l’usine de
composants e
´lectriques Siemens & Halske avec son
camp annexe de de
´tention, ouvert en de
´cembre 1944.
En avril 1941 entre en service un camp satellite
d’hommes ou kleines Ma
¨nnerlager (cf. plan, rep. 10),
qui enregistre, jusqu’en avril 1945, 20 000 de
´tenus,
dont la presque totalite
´est extermine
´e.
Un autre camp satellite, le Jugendlager est construit
a
`environ 1,5 km du camp principal (cf. plan, rep. 14).
Il s’agit d’un camp de redressement pour jeunes
de
´linquantes allemandes entre
´en fonction en 1942.
De
´signe
´a
`partir de l’hiver 1944-45 sous le nom
d’Uckermark, il sert de camouflage a
`des mises a
`mort
collectives de de
´tenues, ou d’e
´tape vers la chambre a
`
gaz du camp.
La porte du camp principal donne directement acce
`s
a
`la Lagerplatz (place principale du camp), prolonge
´e
par une vaste alle
´e qui sert de lieu de rassemblement
E
ŁTABLISSEMENT RECONNU D’UTILITE
ŁPUBLIQUE (DE
ŁCRET DU 17 OCTOBRE 1990)
PLACE
ŁSOUS LE HAUT PATRONAGE DU PRE
ŁSIDENT DE LA RE
ŁPUBLIQUE
30, boulevard des Invalides ^ 75007 Paris ^ Te
¤l. 01 47 05 81 50 ^ Te
¤le
¤copie 01 47 05 89 50
INTERNET : http ://www.fmd.asso.fr ^ Email : contactfmd@fmd.asso.fr
Plan du camp de Ravensbru
¨ck
pour les appels. Autour de la place sont re
´unis les
ba
ˆtiments essentiels du camp : Kommandantur,ba
ˆti-
ments des douches et cuisines, bureau des surveillan-
tes-chefs, le Bunker avec ses cachots, et, dominant le
mur, bien visible, la chemine
´e du four cre
´matoire, a
`
proximite
´imme
´diate duquel est construite, au de
´but de
1945, la chambre a
`gaz (cf. plan, rep. 5).
A
`l’e
´te
´1944, le commandant du camp fait dresser,
sur une zone ou
`aucune construction durable n’avait
e
´te
´finalement possible en raison de l’humidite
´du sol,
une vaste tente de 50 m sur 10 m, ou
`des milliers de
femmes sont entasse
´es pendant l’hiver 1944-1945.
Autour du camp et a
`proximite
´du lac (le
Schwedtsee), se re
´partissent les villas et lotissements
des cadres SS, ceux des Aufseherinnen, des logements
affecte
´s aux travailleurs civils, les casernements de
troupe des SS (cf. plan, rep. 20 a
`23). L’ensemble est
desservi par un important re
´seau de voirie et contraste
avec l’aspect triste et grisa
ˆtre du camp de de
´tention
lui-me
ˆme, renforce
´par la couleur terne de ses alle
´es en
ma
ˆchefer et, de nuit, par l’e
´clairage blafard des
projecteurs qui frappe tant les nouvelles arrivantes
des convois de nuit.
Population et e
¤volution
L’histoire de Ravensbru
¨ck commence le 15 mai
1939 avec le transfert et l’installation a
`Ravensbru
¨ck
d’un millier de de
´tenues
1
et de leurs surveillantes,
venant de la prison de Lichtenburg, pre
`s de Torgau
dans le Hanovre, devenue l’unique centrale de
de
´tention fe
´minine, apre
`s la fermeture de la section
fe
´minine de Moringen.
Des listes fragmentaires d’entre
´es au camp, sauve-
garde
´es par une de
´tenue polonaise lors de la libe
´ration
et portant sur la pe
´riode de mai 1939 a
`janvier 1945,
permettent de situer le nombre annuel des arrive
´es
comme suit :
.1939 : 1 168 .1943 : env. 10 000
.1940 : 2 754 .1944 : 70 579
.1941 : env. 3 600 .1945 : env. 35 000
.1942 : env. 7 000
Les arrivantes sont re
´parties en cate
´gories groupant
des nationalite
´s diverses : te
´moins de Je
´hovah, asocia-
les, droit commun, politiques.
En 1939, les de
´tenues allemandes et autrichiennes
sont les plus nombreuses. Quelques femmes tche
`ques
venues des territoires des Sude
`tes arrivent aussi parmi
les premie
`res et sont probablement a
`l’origine de la
slavisation des termes allemands qui de
´signent la
hie
´rarchie des interne
´es : Blokova pour Blocka
¨lteste
(doyenne de Block), Stubova pour Stubena
¨lteste (chef de
chambre).
De
`s l’automne 1940, les Polonaises de
´ja
`nombreuses
jouent un ro
ˆle important, mais l’internationalisation
s’acce
´le
`re vraiment a
`partir de 1942.
Une courte pe
´riode de re
´gression des effectifs se
produit de fe
´vrier a
`avril 1942 qui s’explique par l’envoi
de transports d’extermination a
`la chambre a
`gaz de
l’« e
´tablissement de soins et de convalescence » de
Bernburg, en re
´alite
´institut d’euthanasie, dans le cadre
de l’ope
´ration 14 f 13 (e
´limination des vies inutiles), et
d’un transport de 1 000 femmes, envoye
´vers Auschwitz
le 26 mars 1942, qui seront d’ailleurs les premie
`res
occupantes du camp de femmes de Birkenau.
L’augmentation constante que l’on observe dans la
seconde moitie
´de l’anne
´e 1942 s’explique par un
afflux de main d’œuvre e
´trange
`re d’origine russe,
ukrainienne, polonaise, franc¸aise, venue en Allemagne
sur la foi de promesses trompeuses ou envoye
´e de force
pour subvenir au besoin de main d’œuvre qui devient
une priorite
´strate
´gique, pour soutenir l’effort de
guerre.
En 1943, c’est la volonte
´du commandement SS de
disposer d’une main d’œuvre de remplacement toujours
plus abondante et fraı
ˆche, qui entraı
ˆne la de
´portation de
nombreuses femmes d’Europe, victimes de la re
´pression
implacable qui s’abat sur tous les pays occupe
´s.
En 1944, la croissance plus conside
´rable encore de
la population concentrationnaire de Ravensbru
¨ck,
passant de 21 891 de
´tenues recense
´es dans la premie
`re
moitie
´de l’anne
´e, a
`plus de 48 600 dans la seconde
moitie
´, s’explique par l’arrive
´e d’une partie importante
de la population fe
´minine de Varsovie, de
´porte
´e apre
`s
l’e
´crasement de l’insurrection, et celle des grands
transports de Juives de Hongrie. Les transports pour le
travail deviennent plus rares et difficiles a
`cause des
bombardements.
Enfin a
`partir de janvier 1945, l’arrive
´e de convois
en provenance des camps de Majdanek, de Vught et
d’Auschwitz e
´vacue
´s sous la pression des arme
´es
allie
´es, provoque un engorgement et un chaos
catastrophiques.
&Amicale de Ravensbru
«ck
Camp principal. Vue ge
´ne
´rale des baraques.
1. 867 presque toutes allemandes (sauf 7 autrichiennes), parmi lesquelles
des droit commun mais surtout des opposantes communistes et socialistes et
des te
´moins de Je
´hovah.
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 39 3
Au plan cate
´goriel, si les « te
´moins de Je
´hovah »
1
forment au de
´but le groupe le plus important, elles sont
biento
ˆt rattrape
´es et de
´passe
´es par celui des « asocia-
les », qui compte curieusement un nombre important
de Tziganes avec leurs enfants et les « droit commun ».
Puis affluent les de
´porte
´es des pays occupe
´s, cate
´gorie
dite des politiques (les triangles rouges) arre
ˆte
´es pour
leur combat contre le nazisme.
Une cate
´gorie a
`part doit e
ˆtre mentionne
´e, celle des
femmes NN
2
, dont le sort doit demeurer rigoureuse-
ment secret. Elles sont regroupe
´es dans la baraque 32
et ne peuvent pas e
ˆtre envoye
´es en Kommando
exte
´rieur ou
`pourraient les croiser et les identifier
des prisonniers de guerre. Elles n’ont le droit ni
d’e
´crire, ni de recevoir le moindre courrier et le
moindre colis. Certaines ont de
´ja
`passe
´de longues
semaines en prison et ont e
´te
´juge
´es avant d’arriver en
camp de concentration, d’autres y sont envoye
´es
directement, sans jugement, parfois apre
`s un passage
au camp de dressage et de transit de Neue Bremm.
Un travail d’e
´valuation effectue
´a
`partir des listes
d’entre
´e au camp retrouve
´es apre
`s la libe
´ration et
portant sur une population de 55 549 de
´tenues, permet
une estimation cre
´dible de la re
´partition entre
nationalite
´sur les 6 anne
´es de fonctionnement du
camp. Elle donne les re
´sultats suivants
3
:
.Pologne : 36 %
.Union sovie
´tique : 21 %
.Allemagne et Autriche : 18 %
.Hongrie : 8 %
.France : 6 %
.Tche
´coslovaquie : 3 %
.Benelux et Yougoslavie : 2 %.
Enfin un groupe disparate englobe une vingtaine de
nationalite
´s : Italie, Gre
`ce, Roumanie, Turquie,
Norve
`ge, Danemark, Sue
`de, Finlande, Espagne, Angle-
terre, Bulgarie, Chine, Suisse, Egypte, Argentine,
Albanie, Irlande, Canada, Etats-Unis.
Cette re
´partition semble correspondre a
`la re
´alite
´et
de
´montre le caracte
`re universellement re
´pressif du
syste
`me nazi.
Ravensbru
¨ck n’e
´chappe pas aux grandes e
´vacua-
tions des marches de la mort qui affectent la plupart
des camps. Environ 15 000 de
´tenues quittent ainsi le
camp entre les 27 et 28 avril 1945 alors que deux jours
plus tard les premiers e
´le
´ments de l’Arme
´e Sovie
´tique
libe
`rent les quelque 3 500 malades et enfants reste
´s
sur place.
Le chiffre global de 132 000 de
´tenues passe
´es au
camp de Ravensbru
¨ck est aujourd’hui couramment
admis comme le plus vraisemblable, des e
´carts
mineurs tenant aux modes de de
´compte des diffe
´rentes
e
´valuations pouvant intervenir ici et la
`.
Cas particulier : les Franc aises
Les dernie
`res e
´tudes relatives a
`la de
´portation des
Franc¸aises permettent de situer le nombre de femmes
ayant rejoint Ravensbru
¨ck, entre de
´but 1942 pour les
premie
`res (femmes arre
ˆte
´es dans le cadre de la
re
´pression des gre
`ves du bassin minier du Nord-Pas-
de-Calais) et le 4 septembre 1944 pour les dernie
`res
(de
´porte
´es par le fameux train fanto
ˆme Rennes-Angers-
Dijon-Belfort-Saarbru
¨cken-Ravensbru
¨ck), entre 7 000
et 10 000.
Les se
´ries matriculaires attribue
´es a
`ces femmes
vont de 9 845 pour les entre
´es en 1942 a
`61 300 pour
les ultimes arrive
´es d’aou
ˆt et septembre 1944.
Ces femmes sont en majorite
´des re
´sistantes et, pour
la plupart, ont un me
´tier ou des responsabilite
´s dans la
Re
´sistance avant leur de
´portation. La solidarite
´et le
sens de l’organisation particulie
`rement de
´veloppe
´s
dont elles font preuve en sont plus que probablement
la conse
´quence. Quelques individualite
´s viennent de
prisons franc¸aises que les autorite
´s d’occupation vident
et sont des « droit commun » ou des prostitue
´es,
d’autres sont des travailleuses-volontaires tombe
´es en
disgra
ˆce pour mauvaise volonte
´et envoye
´es en camp.
Mais a
`90 %, il s’agit de re
´sistantes ou opposantes
actives.
Arrive
´es ensemble, elles s’efforcent de rester
groupe
´es et partent autant que possible organise
´es
dans les trois gros Kommandos de Holleischen, Leipzig
et Zwodau ou
`elles parviennent a
`conserver un
minimum d’organisation jusqu’a
`la libe
´ration.
Le nombre de Franc¸aises de
´ce
´de
´es en de
´portation
reste encore mal connu. Il semble ne
´anmoins devoir
de
´passer nettement le chiffre de 1 000.
Conditions de vie, e
¤volution
En 1939, lorsque le camp entre en service, les
conditions de vie diffe
`rent de celles que les de
´porte
´es
vont connaı
ˆtre par la suite. La nourriture est encore
suffisante, comporte parfois des soupes sucre
´es et, le
dimanche, une sorte de goulasch avec du pain blanc.
Une proprete
´, un ordre minutieux et une discipline de
fer re
`gnent.
Chaque femme dispose d’un lit, d’une paillasse, de
deux couvertures, de ve
ˆtements propres, d’un coin de
table pour manger et d’une armoire pour ranger ses
effets, luxe incroyable pour les de
´porte
´es qui affluent a
`
partir de 1943 !
« Les dortoirs avec leur 140 lits e
´taient la grande
attraction. Des paillasses absolument plates, des
couvertures tire
´es au cordeau, plie
´es suivant la
dimension des damiers des taies, – afin qu’ils aient
1. Cf. Les Bibelforscher et le nazisme, Graffard Sylvie, Tristan Le
´o, Tire
´sias,
1990-1999.
2. Les NN (ou Nacht und Nebel) sont soumises a
`la proce
´dure particulie
`re du
de
´cret du me
ˆme nom, qui les voue a
`disparaı
ˆtre sans que personne ne sache
jamais quel est ou a e
´te
´leur sort.
3. Sources : Ravensbru
¨ck, das Zentrale Frauenkonzentrationslager, Strebel
Bernhard, p. 222.
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 394
tous la me
ˆme largeur – les damiers de la literie e
´taient
compte
´s, un oreiller pareil a
`l’autre, tels des caisses en
bois aux angles pointus. Sur la porte du dortoir il y
avait un plan bien trace
´de tous les lits avec indication
des nume
´ros des de
´tenues, ainsi la Blockova
1
pouvait
facilement repe
´rer celle dont le lit e
´tait mal fait ».
2
La visite des dortoirs fait alors la fierte
´du
commandant du camp qui peut vanter les re
´sultats de
la re
´e
´ducation de ses prisonnie
`res aupre
`s de ses ho
ˆtes.
Un me
´lange d’odeurs de produits de nettoyage et de
moisissure s’en de
´gage, bien diffe
´rent des odeurs
pestilentielles ulte
´rieures.
Les corve
´es, nombreuses, se font au pas, en silence
ou en chantant des chants martiaux. Le travail
proprement dit ne dure encore que 8 heures, mais les
appels occupent de
´ja
`4a
`5 heures par jour.
Tous les travaux sont faits par les de
´tenues :
asse
´cher les marais, construire les routes, poser les
fene
ˆtres et les tuyauteries, et e
´galement e
´crire les
fiches me
´dicales et les fiches politiques, taper la
correspondance, la comptabilite
´, les statistiques et
me
ˆme faire la police du camp ou administrer les
Blocks, fonction qui incombe aux Blockovas et
Stubovas.
Le re
´gime de punitions alors en vigueur ne changera
pas sinon par son caracte
`re toujours plus arbitraire et
les raffinements de toute sorte que l’imagination fertile
des Aufseherinnen et des SS y apportera : coups, gifles,
bastonnades administre
´es sur un tre
´teau spe
´cial,
cachot (ou Bunker) et privation de nourriture en
constituent la triste panoplie.
En 1941, la SS de
´couvre que le travail des
concentrationnaires peut e
ˆtresourcedeprotet
commence a
`se livrer a
`un ve
´ritable trafic d’esclaves,
louant les de
´porte
´es comme ouvrie
`res agricoles, ou
comme main d’œuvre dans des usines de guerre. Les
surveillants civils des entreprises calquent le plus
souvent leur comportement sur celui des SS, se livrant
a
`des brutalite
´s analogues dont les conse
´quences sont
sans importance puisque les victimes de
´faillantes (ou
les mortes...) sont aussito
ˆt remplace
´es. En plus des
be
´ne
´fices que la SS tire du travail des de
´tenues, les
bagages sont pille
´s et bijoux, argent, ve
ˆtements sont
soigneusement re
´cupe
´re
´s comme l’or des dentitions des
mortes, les cheveux tondus a
`l’arrive
´e des transports et
me
ˆme les cendres du cre
´matoire ramasse
´es comme
engrais pour les cultures potage
`res.
De 1942 a
`1945, les conditions de vie e
´voluent et
diffe
`rent d’une de
´porte
´ea
`l’autre en fonction de la date
d’arrive
´e ou du hasard d’une affectation en Kommando.
La peur et l’affolement quotidien demeurent une
constante.
En 1942, apre
`s la diffusion de la circulaire de Pohl
sur le travail des concentrationnaires, la dure
´edu
travail passe a
`12 et me
ˆme a
`14 heures par jour.
Voici tire
´de plusieurs te
´moignages, le re
´cit d’un
de
´but de journe
´e tel qu’il est ve
´cu a
`partir de 1942
3
:
«Re
´veil a
`trois heures et demie du matin en e
´te
´, quatre
heures et demie en hiver, par le hurlement d’une
sire
`ne. Il faut se lever apre
`s une nuit sans repos, vite
s’habiller, vite arranger sa couchette re
´glementaire-
ment, bien carre
´e et sans pli, jouer des coudes pour
acce
´der au Waschraum (salle d’eau comportant une
vingtaine de lavabos et de bacs ou de fontaines
circulaires pour plusieurs centaines de femmes), cohue
ou
`toutes ne re
´ussissent pas a
`passer. Il faut choisir
entre la queue pour les lavabos, se laver sommairement
sans savon ni brosse a
`dent, ou la queue pour les WC.
En moyenne dix WC pour 1000 femmes toutes de
´sirant
y passer en me
ˆme temps et avant l’appel. Ce sont de
longues banquettes perce
´e de vingt trous. Ces lieux
sont de terribles lieux de contagion des maladies et de
&Amicale de Ravensbru
«ck
De
´tenues d’un Kommando exte
´rieur en bordure du Schwedtsee.
1. Argot germano-slave pour Blocka
¨lteste.
2. Te
´moignage de Grete Buber-Neumann, De Postdam a
`Ravensbru
¨ck.
3. Extraits tire
´s de l’ouvrage les Franc¸aises a
`Ravensbru
¨ck , par l’amicale de
Ravensbru
¨ck et l’association des de
´porte
´es et interne
´es de la Re
´sistance,
Paris, Gallimard, 1965, re
´e
´dite
´en 1987, pp. 83, 92-94.
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 39 5
1 / 19 100%
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