I. Introduction
La famille des Formicidae (Hyménoptères) compte plus de 11 000 espèces réparties en 16
sous-familles, dont 8 se trouvent en région néotropicale (Bolton, 1994). Les fourmis sont des
insectes dont les sociétés sont divisées en castes. Les reines pondent, les ouvrières (stériles)
s’occupent de nourrir la fourmilière, d'entretenir le couvain ainsi que de construire le nid et les
sexués (mâles et femelles) sont présents uniquement à l'essaimage pour la reproduction. Seul
les femelles sexuées survivront pour fonder une nouvelle colonie.
La distribution de cette famille est mondiale et s'étend du cercle polaire arctique aux terres les
plus australes. Les seuls endroits dépourvus de fourmis sont l'Antarctique, le Groenland et
quelques îles des océans atlantique et indien (Hölldobler & Wilson, 1990).
La diversité spécifique des fourmis est importante et de loin supérieure aux autres insectes
sociaux. En forêt équatoriale (Pérou), Wilson (1987) a dénombré 43 espèces de fourmis (26
genres) sur un arbre. En forêt équatoriale (Bornéo), Brühl et al. (1998) recensent 524 espèces
(73 genres) sur 6 ha !
En plus de cette diversité, leur importance écologique est considérable et résulte d'une longue
évolution (Wilson, 1959 ; Agosti et al., 2000). L'apparition de la socialité serait une cause de
ce succès écologique. En effet, selon des estimations, les insectes sociaux représenteraient
plus de 75 % de la biomasse totale d'insectes (Hölldobler & Wilson, 1990). En ce qui
concerne les fourmis, leur biomasse représenterait 10 à 15 % de la biomasse animale totale
dans la plupart des écosystèmes terrestres ; et dans la canopée, 19 à 69,7% des espèces et 10 à
46 % de la biomasse des arthropodes arboricoles. On estime, par exemple, à plus de 8 millions
le nombre de fourmis contenues dans le sol d'un hectare de forêt amazonienne (Hölldobler &
Wilson, 1990). Elles jouent un rôle primordial dans l'écologie des sols en déplaçant plus de
terre que les vers de terre ou les termites. Ce sont également les principales prédatrices
d'insectes et d'invertébrés et d'importants vecteurs de dispersion des graines (Wilson, 1971;
Hölldobler & Wilson, 1990).
En Guyane, la famille des Fourmis (Formicidae) est représentée par environ 500 espèces. On
estime au double le nombre total d’espèces de fourmis en Guyane (Delabie, comm. pers.). A
l’exclusion du l’écosystème aquatique, elles ont colonisé aussi bien le milieu forestier (litière,
canopée, troncs, bois mort, plantes, etc.) que les savanes ou les milieux anthropisés (bords de
route, maisons, villes et maintenant ordinateurs !).
Objectif de la mission
Par leur petite taille, leur dominance numérique, leur diversité spécifique, leur sédentarité et
l'abondance de leurs colonies, elles constituent de très bons organismes pour la recherche en
écologie comportementale et en biogéographie ainsi que comme indices pour la mesure de la
biodiversité (Agosti et al., 2000).
Comme dans tout écosystème forestier guyanais, les fourmis sont très communes dans la
Réserve naturelle volontaire Trésor. Cette mission a pour but de dresser un premier
inventaire (non exhaustif) des espèces de fourmis présentes dans la réserve et de tester une
méthodologie applicable à la Réserve naturelle de la Trinité. Ces deux forêts, distantes de
93 kilomètres, présentent de nombreuses différences notamment la pluviométrie, la géologie,
la géomorphologie, la pédologie… L'application d'un protocole standardisé, préalablement
testé à Trésor permettra des comparaisons des peuplements de fourmis entre les deux espaces
protégés.