Lutter contre les discriminations
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Supplément INFFO FLASH n° 512
Petites annonces racistes, refus
d’embaucher, racialisation des
emplois et des formations, “loin
d’avoir régressé, les discriminations en
matière d’emploi n’ont cessé de s’éten-
dre sous l’effet de l’approfondissement
du chômage et de la progression de la
xénophobie dans le monde du travail”.
C’est un constat sévère que dresse le
Haut Conseil à l’Intégration, dans son
rapport 1998 consacré aux discrimina-
tions raciales, entendues comme “toute
action ou attitude qui conduit, à situa-
tion de départ identique, à un traite-
ment défavorable de personnes du fait
de leur nationalité, origine, couleur de
peau ou religion, qu’une intention
discriminante soit, ou non, à l’origine
de cette situation”.
“Nul ne peut être lésé, dans son travail
ou son emploi, en raison de ses ori-
gines, de ses opinions ou de ses
croyances”, proclame notre Constitu-
tion, complétée par un arsenal de textes
juridiques. Pourtant les témoignages
révèlent que, tous les jours, ce principe
républicain d’égalité est bafoué.
La montée des
discriminations
Le phénomène a pris une ampleur telle
qu’aujourd’hui les étrangers ne sont
plus les seuls à être victimes de discri-
minations à l’embauche et dans les rela-
tions de travail. Les Français d’origine
étrangère et natifs des DOM-TOM,
bref, tous ceux qui “ont l’air étranger”
sont dans une situation comparable.
Toute la difficulté réside dans la mesure
du phénomène. Le nombre de condam-
nations judiciaires en matière de discri-
minations raciales est en effet très faible :
soixante-quatorze en 1995 et quatre-
vingt-une en 19961(voir p. 10), alors
qu’au Royaume-Uni, par exemple, deux
mille condamnations en moyenne par
an pour discriminations à l’emploi sont
enregistrées. Cela ne signifie pas qu’il
n’y a pas de discriminations dans notre
pays, mais qu’il est très difficile pour les
personnes qui en sont victimes d’en
apporter la preuve.
Directes ou insidieuses
Les discriminations sont généralement
insidieuses. Elles se manifestent le plus
souvent à huis clos, sans témoin, lors
des entretiens d’embauche. Elles appa-
raissent également dans des offres
d’emploi codées (“BBR” pour bleu,
blanc, rouge, par exemple). Mais par-
fois les offres d’emploi sont ouverte-
ment racistes et mentionnent un “pro-
fil race blanche” (voir encadré ci-contre).
Lorsque la photo du candidat est récla-
mée en complément du CV ou quand
la présentation se fait par l’intermédiaire
d’un agent de l’ANPE, d’une mission
locale ou d’une entreprise de travail
temporaire et que l’employeur
demande, avant tout entretien, le nom
et le prénom du candidat à un poste,
on peut penser que ces questions visent,
dans certains cas, à écarter des candi-
dats trop “typés”.
Un sondage réalisé par l’IFOP en sep-
tembre 1996 à la demande de la Direc-
tion de la Population et des Migrations
(DPM) donne également une idée des
motivations des entreprises qui
n’emploient pas de salariés étrangers
(58 % de l’ensemble des entreprises).
48 % de ces employeurs déclarent vou-
loir faire jouer la solidarité dans le
contexte économique actuel en recru-
tant de préférence des Français. 20 %
font valoir la peur de déplaire au client.
Les autres raisons invoquées sont l’insuf-
fisante maîtrise de la langue française,
la création de clans et les difficultés liées
à la religion...2
La diversité des formes de discrimina-
tions et des lieux où elles s’exercent
génère un sentiment de rejet généra-
lisé chez les étrangers ou les personnes
d’origine étrangère qui, devant la répé-
tition d’actes discriminatoires, finissent
par développer une extrême sensibilité,
“au point que des candidats échaudés
et découragés peuvent ne plus faire acte
de candidature, devinant leur trop pro-
bable échec”3. La succession d’expé-
riences pénibles “peut être à l’origine
d’un sentiment de discrimination inhi-
bant et freinant l’intégration”, remarque
le HCI.
Un niveau de chômage élevé
Seuls les éléments statistiques et les
études de terrain permettent de mesu-
rer l’ampleur et la nature des discrimi-
Une réalité difficile à évaluer
EXEMPLES DE
PETITES ANNONCES
DISCRIMINATOIRES
●Toujours à la recherche d’un employé
service entretien - Profil : race blanche
- Bonne tête - Dynamique - Esprit d’ini-
tiative, volontaire et assidu - Poste
déboucherait sur un CDI. Pas besoin
de grandes connaissances mais une
volonté d’apprendre, de s’intégrer1.
●Recherche 25/26 ans, fille ou garçon,
déjà pratique de la vente (si possible
prêt-à-porter) - TB présentation (BCBG)
- Pas typé(e) Pour un bac pro commerce
ou BTS action commerciale - Ayant BEP
ou CAP VAC ou BAC Pro, BAC G31.
●Vente aux particuliers - Pers. ayant véhi-
cule Envie + aptitude à la vente - Fille
ou garçon - Organisation de sa journée
pour BTS action com. - Pas typé(e) -
ayant BAC1.
●Recherchons 10 personnes - Intitulé du
poste : monteur lignes et réseaux - Prin-
cipales tâches à effectuer : pose de
poteaux électriques, modification des
lignes - Bonne présentation - Dialecte
obligatoire - Travaux en hauteur été
comme hiver (...)2.
1) Annonces déposées par des employeurs auprès
d’une mission locale, extraites du rapport 1997
de la Commission nationale consultative des
droits de l’homme (CNCDH).
2) Annonce extraite du rapport de l’Observa-
toire régional de l’intégration et de la ville
d’Alsace (novembre 1997).
1) Réponse d’Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, à
la question du sénateur Mathieu, 7 mai 1998.
2) Extrait du rapport 1998 du HCI, p. 88.
3) Philippe Bataille, dans “Le syndicaliste face à
l’espace du racisme” dans le n° spécial “Le racisme à
l’œuvre” d’Hommes et Migrations, février 1998 (rap-
port 1998 HCI p. 10).