I N F F O F LASH INFFO Janvier 1999 CENTRE L A I C É P S O R É NUM Lutter contre les discriminations au travail et en formation LE 21 OCTOBRE 1998, LA MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ A PRÉSENTÉ LES GRANDES LIGNES DE SA POLITIQUE D’INTÉGRATION. LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS, DANS TOUTES SES DIMENSIONS, DANS LE MONDE DU TRAVAIL ET DANS L’ACCES AU LOGEMENT, CONSTITUE UN AXE FORT DE CETTE POLITIQUE. DÉBUT 1999, UNE TABLE RONDE RÉUNIRA LES PARTENAIRES SOCIAUX POUR RAPPROCHER LES DIAGNOSTICS ET CHERCHER LES VOIES D’AMÉLIORATION. Martine Aubry S ministre de l’Emploi et de la Solidarité “ La cohésion de notre société est en jeu ” a lutte contre les discriminations liées à l’origine nationale, réelle ou supposée, a fait l’objet depuis plusieurs mois de nombreuses recherches, de colloques et, parfois, d’actions innovantes. L’ensemble des partenaires, syndicats, associations, entreprises, ont commencé à se mobiliser et l’État, à son tour, a souhaité prendre toute sa part L dans cette prise de conscience. Il se devait, lui aussi, de briser la loi du silence. Ainsi, au cours du dernier trimestre 1998, le gouvernement a fixé les objectifs de sa politique en faveur de l’intégration des immigrés dans le cadre de la politique de cohésion sociale qu’il poursuit. La réaffirmation du principe Suite page 3 © O M M A I R E Une réalité difficile à évaluer 4 Interview de Philippe Bataille : “Il est encore temps de briser le mur du silence” 7 Les dispositions antidiscriminatoires 9 Témoignage de Chritiane Reverdy : “Mieux appréhender les discriminations pour mieux les combattre” 11 Les orientations du gouvernement : Mobiliser le service public de l’emploi 12 Nos structures administratives sont-elles adaptées à la lutte contre les discriminations ? 13 Création d’un groupe d’étude sur les discriminations 14 Soutenir l’engagement des partenaires sociaux 15 Une table ronde pour en débattre 16 L’avis des partenaires sociaux 17 La mobilisation des acteurs économiques 21 Le parrainage des jeunes 21 Des expériences d’insertion conduites par les entreprises 26 Comit” paritaire national pour la formation professionnelle ”ditent le 1erer CD-ROM de la n”gociation collective en mati‘re de formation professionnelle Centre pour le d”veloppement de lÕinformation sur la formation permanente Réalisé par le Centre INFFO (Centre pour le développement de l’infor mation sur la for mation per manente), il propose : ive Les articles du Code du Travail auxquels il est fait r”f”rence dans les accords E IN FF O Une pr”sentation et les ”tudes r”alis”es par le CPNFP © C EN T R Une synth‘se sur les m”canismes de la n”gociation collective ective l l co égociatio n n La La n Les accords de branche et leurs avenants ainsi que leurs arr’t”s dÕextension ati i c o ég on ct colle Les accords nationaux interprofessionnels sur la formation professionnelle Destin” aux professionnels, acteurs au quotidien ou n”gociateurs, ce CD-ROM est un outil de travail, de formation et dÕinformation. Il rend compte de la diversit” et de la richesse contractuelle au niveau interprofessionnel et des branches, et valorise les acquis de la n”gociation collective. Renseignements et diffusion : Centre INFFO - Tour Europe, 92049 Paris-La D”fense cedex, T”l. : 01 41 25 22 22, Fax : 01 47 73 74 20 Le champ, le taux de collecte et les coordonn”es des OPCA (organismes paritaires collecteurs agr””s) Un annuaire des signataires et un glossaire des sigles utilis”s dans les accords Réalisé par le Centre INFFO (Centre pour le développement de l’information sur la formation permanente Lutter contre les discriminations d’égalité et de la lutte contre toutes les formes de discriminations a fait l’objet de plusieurs décisions importantes. Les discriminations qui touchent les étrangers, mais aussi plus largement tous ceux qui “ont l’air” étranger, sont en effet particulièrement préoccupantes : elles remettent en cause les fondements de notre démocratie et de notre politique d’intégration. Le monde du travail est particulièrement concerné. B ien sûr, et je tiens à le souligner, tout, dans la situation difficile que connaissent certains, ne s’explique pas par des comportements racistes. Il faut se garder des simplifications abusives qui donneraient de la France une image fausse. C’est également dans l’accès à l’éducation, à la formation ou à la culture que se joue la bataille de l’emploi, pour que l’égalité des chances soit la plus parfaite possible. Par ailleurs, ce que l’on a appelé le modèle français d’intégration a, non sans difficultés parfois, fonctionné pendant des années : l’entreprise a joué un rôle important dans l’intégration économique et sociale de ceux qui arrivaient en France pour participer à sa construction. Immigrés hors de l’entreprise, ils étaient en son sein des salariés comme les autres, confrontés aux mêmes problèmes que leurs collègues français. Néanmoins, les précautions, nécessaires pour aborder un sujet aussi délicat ne doivent pas masquer la réalité relevée, entre autres, par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), le Haut Conseil à l’intégration ou des ins- tituts de recherche comme le CADIS : les discriminations existent et se banalisent. Nous avons tous à l’esprit des exemples précis qui attestent de l’ampleur et de la gravité du phénomène. Le gouvernement a fait de la lutte contre les discriminations un des axes de sa politique d’intégration. Des instructions ont été données aux différents services compétents, par exemple au sein du service public de l’emploi ou aux services judiciaires. L’État, garant de l’État de droit et du respect du principe d’égalité qui en est un des piliers, ne peut, bien sûr, pas être absent de ce combat. La cohésion de notre société est en jeu : si les discriminations raciales ne sont pas condamnées, la porte est ouverte, demain, à toutes les formes d’exclusion et d’arbitraire. Avec détermination, nous devons avancer ensemble. La mobilisation collective que j’appelle de mes vœux doit aider à prendre conscience de ce qui est inacceptable. C’est pourquoi le gouvernement a pris plusieurs initiatives. Un Observatoire des discriminations sera créé et opérationnel dans les prochaines semaines. Il permettra, par une collaboration efficace entre les meilleurs spécialistes de ces questions, les administrations compétentes et les différents acteurs sociaux, de disposer de données précises et fiables sur l’ensemble des discriminations dont sont victimes les étrangers en France mais aussi certains Français, par exemple ceux qui ont été récemment naturalisés ou qui sont originaires des départements et territoires d’outre-mer. Supplément INFFO FLASH n° 512 De plus, le gouvernement souhaite encourager les démarches concrètes qui facilitent l’entrée des plus vulnérables sur le marché du travail. Les opérations de parrainage seront ainsi développées en 1999, pour faciliter l’accès des jeunes en difficulté aux formations qualifiantes et, surtout, à des contrats de travail. Ces opérations donnent d’excellents résultats et présentent l’avantage de s’adresser à tous les jeunes issus des quartiers sensibles, dont beaucoup butent sur des comportements discriminatoires. E nfin, une attention toute particulière a été portée à la mobilisation des partenaires sociaux : sans eux, dans l’entreprise, rien n’est possible et, inversement, plusieurs expériences intéressantes montrent qu’un engagement fort permet de faire reculer les discriminations et le racisme au travail. C’est pour cela que j’ai souhaité organiser une table ronde sur les discriminations au travail, afin que, pour la première fois en France, on se mette autour d’une table pour rapprocher les diagnostics et chercher, ensemble - syndicats de salariés, représentants des employeurs et État - les voies d’amélioration. Cette table ronde sera un signal majeur adressé en ce début d’année à l’ensemble du monde du travail et de la société. J e forme des vœux pour que, au cours de l’année 1999 qui commence, nous fassions, ensemble, reculer toutes les formes de racisme, de discrimination et d’exclusion. Martine Aubry 3 Lutter contre les discriminations Une réalité difficile à évaluer etites annonces racistes, refus d’embaucher, racialisation des emplois et des formations, “loin d’avoir régressé, les discriminations en matière d’emploi n’ont cessé de s’étendre sous l’effet de l’approfondissement du chômage et de la progression de la xénophobie dans le monde du travail”. C’est un constat sévère que dresse le Haut Conseil à l’Intégration, dans son rapport 1998 consacré aux discriminations raciales, entendues comme “toute action ou attitude qui conduit, à situation de départ identique, à un traitement défavorable de personnes du fait de leur nationalité, origine, couleur de peau ou religion, qu’une intention discriminante soit, ou non, à l’origine de cette situation”. P EXEMPLES DE PETITES ANNONCES DISCRIMINATOIRES ● Toujours à la recherche d’un employé service entretien - Profil : race blanche - Bonne tête - Dynamique - Esprit d’initiative, volontaire et assidu - Poste déboucherait sur un CDI. Pas besoin de grandes connaissances mais une volonté d’apprendre, de s’intégrer1. ● Recherche 25/26 ans, fille ou garçon, déjà pratique de la vente (si possible prêt-à-porter) - TB présentation (BCBG) - Pas typé(e) Pour un bac pro commerce ou BTS action commerciale - Ayant BEP ou CAP VAC ou BAC Pro, BAC G31. “Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances”, proclame notre Constitution, complétée par un arsenal de textes juridiques. Pourtant les témoignages révèlent que, tous les jours, ce principe républicain d’égalité est bafoué. La montée des discriminations Le phénomène a pris une ampleur telle qu’aujourd’hui les étrangers ne sont plus les seuls à être victimes de discriminations à l’embauche et dans les relations de travail. Les Français d’origine étrangère et natifs des DOM-TOM, bref, tous ceux qui “ont l’air étranger” sont dans une situation comparable. Toute la difficulté réside dans la mesure du phénomène. Le nombre de condamnations judiciaires en matière de discriminations raciales est en effet très faible : soixante-quatorze en 1995 et quatrevingt-une en 19961 (voir p. 10), alors qu’au Royaume-Uni, par exemple, deux mille condamnations en moyenne par an pour discriminations à l’emploi sont enregistrées. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de discriminations dans notre pays, mais qu’il est très difficile pour les personnes qui en sont victimes d’en apporter la preuve. ● Vente aux particuliers - Pers. ayant véhi- cule Envie + aptitude à la vente - Fille ou garçon - Organisation de sa journée pour BTS action com. - Pas typé(e) ayant BAC1. ● Recherchons 10 personnes - Intitulé du poste : monteur lignes et réseaux - Principales tâches à effectuer : pose de poteaux électriques, modification des lignes - Bonne présentation - Dialecte obligatoire - Travaux en hauteur été comme hiver (...)2. 1) Annonces déposées par des employeurs auprès d’une mission locale, extraites du rapport 1997 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). 2) Annonce extraite du rapport de l’Observatoire régional de l’intégration et de la ville d’Alsace (novembre 1997). 4 Directes ou insidieuses Les discriminations sont généralement insidieuses. Elles se manifestent le plus souvent à huis clos, sans témoin, lors des entretiens d’embauche. Elles apparaissent également dans des offres d’emploi codées (“BBR” pour bleu, blanc, rouge, par exemple). Mais parfois les offres d’emploi sont ouvertement racistes et mentionnent un “profil race blanche” (voir encadré ci-contre). Lorsque la photo du candidat est réclamée en complément du CV ou quand la présentation se fait par l’intermédiaire d’un agent de l’ANPE, d’une mission Supplément INFFO FLASH n° 512 locale ou d’une entreprise de travail temporaire et que l’employeur demande, avant tout entretien, le nom et le prénom du candidat à un poste, on peut penser que ces questions visent, dans certains cas, à écarter des candidats trop “typés”. Un sondage réalisé par l’IFOP en septembre 1996 à la demande de la Direction de la Population et des Migrations (DPM) donne également une idée des motivations des entreprises qui n’emploient pas de salariés étrangers (58 % de l’ensemble des entreprises). 48 % de ces employeurs déclarent vouloir faire jouer la solidarité dans le contexte économique actuel en recrutant de préférence des Français. 20 % font valoir la peur de déplaire au client. Les autres raisons invoquées sont l’insuffisante maîtrise de la langue française, la création de clans et les difficultés liées à la religion...2 La diversité des formes de discriminations et des lieux où elles s’exercent génère un sentiment de rejet généralisé chez les étrangers ou les personnes d’origine étrangère qui, devant la répétition d’actes discriminatoires, finissent par développer une extrême sensibilité, “au point que des candidats échaudés et découragés peuvent ne plus faire acte de candidature, devinant leur trop probable échec”3. La succession d’expériences pénibles “peut être à l’origine d’un sentiment de discrimination inhibant et freinant l’intégration”, remarque le HCI. Un niveau de chômage élevé Seuls les éléments statistiques et les études de terrain permettent de mesurer l’ampleur et la nature des discrimi1) Réponse d’Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, à la question du sénateur Mathieu, 7 mai 1998. 2) Extrait du rapport 1998 du HCI, p. 88. 3) Philippe Bataille, dans “Le syndicaliste face à l’espace du racisme” dans le n° spécial “Le racisme à l’œuvre” d’Hommes et Migrations, février 1998 (rapport 1998 HCI p. 10). Lutter contre les discriminations CHÔMEURS AU SENS DU BIT Hommes Femmes Ensemble Effectifs Taux Effectifs Taux Effectifs Taux 1 216 429 9,3 1 457 705 13,2 2 674 164 11,1 Étrangers UE 34 480 10,0 24 270 10,4 58 750 10,2 Étrangers hors UE 185 793 28,3 131 473 37,0 317 266 31,4 Ensemble étrangers 222 273 22,0 155,743 26,5 376 016 23,7 1 436 702 10,2 1 613 448 13,8 3 050 150 11,8 Français TOTAL nations raciales, sachant que notre outil statistique, qui ne recense pas et ne suit pas les Français en fonction de leurs origines, ne permet pas de connaître la situation réelle des Français d’origine étrangère sur le marché du travail. Des études et des chiffrages significatifs révèlent cependant que la situation des étrangers en France ainsi que celle des populations issues de l’immigration (première ou deuxième génération) s’est fortement dégradée du point de vue de Source : INSEE, enquête emploi, mars 1998. CHÔMEURS SELON LE SEXE, LA NATIONALITÉ ET L’ÂGE Chômeurs au sens du BIT 15-24 ans 25-49 ans 50 ans et + Ensemble Effectifs Taux Effectifs Taux Effectifs Taux Effectifs Taux Total France dont ressortissants UE dont étrangers hors UE ensemble étrangers 238 347 2 844 18 691 21 535 21,1 20,9 41,4 36,7 813 253 20 407 120 596 141 003 8,7 8,6 27,4 20,8 164 829 11 229 46 506 57 735 6,3 12,3 27,2 22,0 1 216 429 9,3 34 480 10,0 185 793 28,3 220 273 22,0 Total 259 882 21,9 954 256 9,5 222 564 7,8 Total France dont ressortissants UE dont étrangers hors UE ensemble étrangers 262 137 1 291 18 189 19 480 29,4 1 009 339 9,5 15 751 55,2 97 278 41,8 113 029 12,6 10,1 35,0 26,1 186 229 7 228 16 006 23 234 8,6 11,6 36,0 21,7 Total 281 617 30,0 1 122 368 13,3 209 463 9,2 Total France dont ressortissants UE dont étrangers hors UE ensemble étrangers 500 484 4 135 36 880 41 015 24,7 1 822 592 15,2 36 158 47,2 217 874 38,9 254 032 10,5 9,2 30,4 22,8 351 058 18 457 65 512 80 969 7,3 12,0 29,0 21,9 TOTAL 541 499 25,4 2 076 624 11,2 432 027 8,4 Hommes 1 436 702 10,2 Femmes 1 454 705 13,2 24 270 10,4 131 473 37,0 155 743 26,5 1 613 448 13,8 Ensemble 2 674 134 11,1 58 750 10,2 317 266 31,4 376 016 23,7 3 050 150 11,8 Source : INSEE, enquête emploi, mars 1998. CONTRATS EN ALTERNANCE EN 1996 Types de contrats Total Dont étrangers % d’étrangers Contrats d’apprentissage Total dont femmes 192 933 56 277 6 430 1 750 3,3 3,1 Contrats de qualification Total dont femmes 92 311 42 189 2 960 1 315 3,2 3,1 Contrats d’adaptation Total dont femmes 44 811 15 790 1 040 327 2,3 2,1 Source : ministère de l’Emploi et de la Solidarité. Supplément INFFO FLASH n° 512 LE HAUT CONSEIL À L’INTÉGRATION Créé par un décret du 19 décembre 1989, le Haut Conseil à l’intégration (HCI) “a pour mission de donner son avis et de faire toute proposition utile, à la demande du Premier ministre ou du Comité interministériel à l’intégration, sur l’ensemble des questions relatives à l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère. Il élabore chaque année un rapport qu’il remet au Premier ministre”. Le HCI est composé de neuf membres nommés pour trois ans par décret du président de la République, sur proposition du Premier ministre. Son nouveau président est Roger Fauroux, nommé le 19 octobre 1998, en remplacement de Simone Veil. Les huit autres membres de l’instance sont : JeanMarie Bockel (ancien ministre, maire de Mulhouse), Christian Delorme (prêtre), Jeanne-Hélène Kaltenbach (responsable d’associations), René Vandierendonk (maire de Roubaix), Patrick Weil (chercheur au CNRS), Abdel Benazzi (sportif), François Grosdidier (vice-président du conseil régional de Lorraine), et Jean-Pierre Rosenczveig (président de tribunal pour enfants). Les rapports du Haut Conseil à l’intégration ont porté depuis sa création sur les thèmes suivants : “Pour un modèle français d’intégration” (1990), “La connaissance de l’immigration et de l’intégration” (1991 et 1992), “Les conditions juridiques et culturelles de l’intégration” (1992), “Les étrangers et l’emploi” (1993), “Liens culturels et intégration” (1995), “Affaiblissement du lien social, enfermement dans les particularismes et intégration dans la cité” (1997), “Les discriminations” (1998). Ces rapports sont publiés ou en cours de publication à la Documentation française. HCI : 56, rue de Varenne, 75007 Paris. Tél. 01 42 75 85 70. l’emploi. La sur-représentation des étrangers - principalement non européens dans les chiffres du chômage peut être un signe de discrimination dans l’emploi. “Les actifs étrangers sont deux fois, voire trois fois, plus touchés par le chômage 5 Lutter contre les discriminations PHOTOGRAPHIE DES ACTIFS ÉTRANGERS L’enquête INSEE de mars 1998 portant sur l’emploi en 1996 indique que les actifs étrangers étaient, à cette date, 1,6 million (6,2 % de la population active), soit un niveau quasiment inchangé depuis 1992 avec une part cependant croissante d’étrangers non ressortissants de l’Union européenne (55 % en 1992, 62 % en 1996). Les deux tiers de ces actifs sont d’origine méditerranéenne. Les Portugais restent les plus nombreux. La part des Algériens et des Marocains continue d’augmenter (respectivement 253 000 et 203 000 actifs). Depuis 1992, les plus fortes progressions ont été celles des Africains subsahariens (122 000 actifs) et des Turcs (72 500 actifs). La structure de la population active étrangère reste caractérisée par une forte proportion d’ouvriers (49 % contre 28 % pour les Français) et une sur-représentation dans certains secteurs tels que le BTP. Part des salariés étrangers dans les grands secteurs d’activités Répartition des salariés étrangers par origine en 1995 700 000 Source : rapport 1998 du HCI et DARES, “Les salariés étrangers au 31 décembre 1995”, janvier 1998. 1992 1997 Autres origines 61 % 600 000 Asie 4% 8 % 51 % 500 000 Afrique noire 8% que les Français”, indique le HCI. En mars 1998, le taux de chômage des étrangers était de 23,7 % (31,4 % pour les non-européens) alors que celui des Français était de 11,1 %. De son côté, la DARES enregistrait en novembre 309 906 demandeurs d’emploi étrangers hors UE (+ 0,2 % sur un an) sur un nombre total d’étrangers au chômage de 372 288. Les jeunes surtout La situation des jeunes étrangers hors UE de moins de 25 ans est particulièrement préoccupante, avec un taux de chômage de 47,2 % (41,4 % pour les garçons et 55,2 % pour les filles), contre 24,7 % pour les Français du même âge. La situation des actives étrangères plus âgées demeure également inquiétante : 26,5 % de chômeuses contre 13,2 % pour les Françaises (voir p. 5). 400 000 Un accès difficile 300 000 24 % 200 000 20 % Europe 45 % 22 % à la formation Maghreb 35 % 16 % 100 000 3% 0 Industrie BTP Tertiaire 3% Autres Source : INSEE enquête emploi, mars 1998. Source : enquêtes MOE, MES-DARES. Salariés étrangers : détail des nationalités Nationalités (en %) 1982 1985 1988 1991 1995 27,6 8,4 7,8 3,2 n.d. 22,2 11,8 4,9 3,9 3,0 2,5 1,9 2,8 28,4 7,8 7,3 3,7 n.d. 19,9 11,9 4,7 4,6 2,9 2,3 2,2 4,3 28,9 6,9 6,4 3,8 n.d. 19,3 12,8 4,9 5,3 3,0 2,1 2,2 4,4 27,0 6,0 5,4 4,4 n.d. 18,6 13,5 4,7 7,1 3,5 2,1 2,1 5,3 28,2 5,3 4,9 5,4 1,2 17,3 13,6 4,3 7,6 3,9 2,0 2,1 4,2 Total .................................................................................. 100,0 dont U.E. ............................................................................ 47,0 dont Maghreb ..................................................................... 38,9 100,0 47,2 36,5 100,0 46,0 37,0 100,0 42,9 36,7 100,0 43,9 35,2 Portugais ............................................................................ Italiens ................................................................................. Espagnols ........................................................................... Autres U.E.(1).................................................................. Autres Européens(2) ..................................................... Algériens ............................................................................ Marocains .......................................................................... Tunisiens ........................................................................... Africains noirs ................................................................. Turcs .................................................................................... Yougoslaves ..................................................................... Cambodgiens, Laotiens,Vietnamiens............... Autres nationalités ....................................................... (1) Autres nationalités de l’Union Européenne : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Grèce, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Norvège, Islande. (2) Autres nationalités de l’Europe : Suisse, Albanie, Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie, République Tchèque, Slovaquie, pays de l’ex-URSS. Source : enquêtes MOE, MES-DARES. 6 Supplément INFFO FLASH n° 512 De plus, alors que les étrangers en situation régulière ont, au même titre que les nationaux, accès aux dispositifs d’insertion et de formation professionnelle, certaines études démontrent qu’ils bénéficient principalement des stages réalisés en centres de formation et, dans une moindre mesure, des contrats d’insertion dans le secteur non marchand comme les contrats emploi-solidarité. En revanche, dès que la formation est basée principalement sur une immersion en entreprise, les étrangers apparaissent sous-représentés. C’est le cas notamment pour les jeunes en apprentissage, en contrats de qualification et d’adaptation : le pourcentage de jeunes étrangers est très faible et oscille entre 2,3 % et 3,3 %. En outre, dans ces dispositifs en alternance, les jeunes étrangers non originaires de l’Union européenne sont moins nombreux que parmi les stagiaires (voir p. 5). En fait, plus la formation est proche de l’emploi ou de l’entreprise, moins les étrangers sont présents4. 4) “L’insertion professionnelle des étrangers, emploi, chômage et dispositifs d’insertion”, DPM, Mme Bayade, Notes et Documents n° 33, avril 1997 (rapport 1998 HCI, p. 87). Lutter contre les discriminations VI R E T N I EW Philippe Bataille sociologue, chercheur au Centre d’analyse et d’intervention sociologiques - CADIS (École des hautes études en sciences sociales - EHESS/CNRS) “ Il est encore temps de briser le mur du silence ” Inffo Flash. - Dans votre ouvrage “Le Racisme au travail”, qui présente les résultats de la recherche menée à partir de 1995 avec la CFDT1, vous décrivez la progression du racisme dans les pratiques professionnelles. Observe-t-on une différence dans l’expression du racisme au travail et en formation ? Philippe Bataille - Les discriminations qui entourent la formation professionnelle ne se déclinent pas avec la même brutalité qu’à l’embauche, dans la mesure où l’emploi n’est pas l’enjeu central. On constate notamment que les jeunes d’origine étrangère qui accèdent à l’entreprise pour effectuer un temps de formation ne se voient pas opposer un refus brutal puisqu’ils ne s’inscrivent pas dans la concurrence directe pour accéder à l’emploi. En revanche, lorsqu’ils sont candidats à un poste fixe dans l’entreprise, la référence à l’origine nationale de leurs parents, le plus souvent maghrébins, réapparaît, alors qu’ils sont bien notés et appréciés. C’est au moment de l’embauche que ces jeunes sont victimes d’un racisme qui les désigne sous des identités qui ne sont pas les leurs puisqu’ils sont souvent Français. Au passage, il n’est plus fait état de leurs qualités personnelles et professionnelles. Mais il ne faut pas se cacher que, même pour de simples stages, certaines identités ne passent pas le seuil de l’entreprise, quand bien même il s’agit des meilleurs élèves d’un lycée professionnel ou d’une formation. Face à des discriminations répétées, des centres de formation privés et publics renoncent ainsi à présenter des candidats “trop typés” à certains employeurs, ce qui conduit à une racialisation ou une ethnicisation de la formation professionnelle. Non par déclinaison d’une conviction idéologique des formateurs, mais par soumission aux logiques qu’ils se voient imposer. I.F. - Comment identifier le fondement véritablement raciste des discriminations ? P.B. - Les phénomènes de discrimination raciste ne sont pas vraiment quantifiés ni mesurables, pour la bonne raison que les personnes dont nous parlons sont la plupart du temps françaises de naissance. Dans les statistiques, elles n’apparaissent pas dans des catégories à part. Dans les faits, nous savons très bien que pour un Français dit de souche sur dix qui ne trouve pas de travail, la proportion pour les Français d’origine étrangère, en particulier nord-africaine, est de trois ou quatre sur dix, à diplôme égal, lieu d’habitation égal, origine sociale égale, ambitions égales… En formation professionnelle, je pense que les proportions sont à peu près semblables. “Il est très difficile d’apporter la preuve de la discrimination raciste” Or ces publics savent que pour franchir la barrière des discriminations à l’embauche, ils doivent en quelque sorte être meilleurs que les autres. Ils sont donc de fervents clients de la formation, d’autant qu’ils ne disposent pas de réseau communautaire qui leur facilite l’accès au premier emploi, comme c’est occasionnellement le cas avec les Portugais ou les Espagnols. Ainsi, pour des publics désignés par le racisme, la formation est un sas qui permet d’éviter Supplément INFFO FLASH n° 512 le chômage et la relégation dans les quartiers, tout en se révélant être un mode d’accès à l’entreprise. Nous sommes face à une situation ambivalente. D’un côté, nous avons une population qui exprime des attentes fortes vis-à-vis de la formation, dont on attend qu’elle se substitue à la fonction régulatrice de l’État, et qu’elle mette en place le principe de l’égalité des chances dans l’accès à l’emploi et le droit au travail. D’un autre côté, le monde de la formation est piégé par les logiques de marché et son impact est dès lors limité. En outre, pour la formation comme pour d’autres intervenants institutionnels, il est très difficile d’apporter la preuve de la discrimination raciste. En matière de formation, on rencontre pourtant des situations contradictoires. Ainsi, le patron d’un salon de coiffure pourra dire : “Je ne peux pas embaucher de Maghrébins ou de Noirs dans mon salon, parce que ma clientèle refuse de se faire coiffer par eux, etc.”. Par contre, si le même Maghrébin est apprenti ou stagiaire, il peut laver les cheveux des clients ! Ce qui prouve la part non négligeable de la mauvaise foi qui se manifeste. L’intention est de réserver le travail à des nationaux ou des Européens blancs. La difficulté de la preuve tient aussi à la combinaison des facteurs sociaux et des facteurs culturels. Ainsi, plus vous 1) “Le Racisme au travail” (La Découverte, 1997). En 1995, la CFDT a sollicité le CADIS, laboratoire de sociologie dirigé par Michel Wieviorka, afin d’évaluer la présence du racisme dans les relations et les organisations du travail et de dégager les conditions d’une action syndicale efficace pour en contrarier les logiques. Philippe Bataille a également été associé à la rédaction de deux ouvrages : “La France raciste” (Seuil, 1992) et “Racisme et xénophobie en Europe. Une comparaison internationale” (La Découverte, 1994). 7 Lutter contre les discriminations éprouvez de difficultés pour accéder à l’emploi et plus votre situation financière s’aggrave, plus vous restez tard chez vos parents et plus votre construction affective est difficile. L’un dans l’autre, vous ne vous montrez pas à votre avantage lors de l’entretien d’embauche. On ne saura plus pourquelle raison vous êtes victime de discrimination. Tous ces éléments se combinent et vous restez sur le bord du chemin… Il y a bien eu discrimination raciste au début, mais comment la prouver devant cette juxtaposition de facteurs ? I.F. - La question du racisme au travail est-elle taboue en France au point d’en freiner la lutte ? P.B. - Il y a eu un déficit de reconnaissance institutionnelle du phénomène. Nous avons beaucoup parlé de l’intégration républicaine, donc d’une égalité d’accès à l’éducation, à la formation et à l’emploi. Et l’on a, tout au plus, admis que ce principe n’était contrarié que par les effets de la crise économique. Je trouve qu’on a fait un net progrès au cours de ces deux ou trois dernières années en reconnaissant que ce n’est pas seulement la crise économique qui explique le phénomène des discriminations racistes, mais une banalisation du racisme dans le monde du travail, dont une des expressions fortes est la discrimination à l’embauche, sous la pression de l’argument de la préférence nationale, en particulier pour les enfants du personnel. À partir du moment où cela est dit clairement et que cette parole est relayée par les instances politiques, associatives et syndicales, qu’il s’agisse de syndicats patronaux ou ouvriers, je trouve que nous progressons. Dans le monde de la formation, j’ai même senti comme un soulagement de la part des formateurs et des responsables des missions locales notamment, qui ont pu enfin constater que l’on prenait en compte leurs difficultés, jusque dans certaines ANPE qui refusaient de reconnaître qu’elles recevaient des offres d’emploi discriminatoires et qui, parfois, les ont laissées passer. 8 Pour l’instant, mon hypothèse serait de dire que, face au silence, aux blocages, à l’obstination avec laquelle on a refusé de reconnaître les discriminations à l’embauche et au travail, le fait d’en parler devrait permettre de débloquer certaines situations. Il ne s’agit pas de tomber dans une pure logique de la sanction, de la culpabilisation de ceux qui pratiquent les discriminations, mais plus de soulager ceux qui jusqu’à présent les ont gérées de manière isolée. Il faut, à mes yeux, beaucoup plus s’axer sur une parole politique et sur une mobilisation institutionnelle pour dénoncer ces pratiques, plutôt que de partir à la recherche d’actes qui seront toujours mis en avant comme étant des cas isolés. Il ne faut pas faire preuve, me semble-t-il, d’un juridisme excessif. Renverser la charge de la preuve, par exemple, nous entraîne dans un débat sur la remise en cause du principe de la présomption d’innocence. “Face à l’ampleur du phénomène, seule une parole politique forte peut changer les choses” Par contre, adapter des dispositions qui sanctionnent les discriminations racistes sur un modèle qui prend une dimension européenne aujourd’hui est tout à fait possible. Nous avons signé un certain nombre d’accords, comme le Traité d’Amsterdam, qui permettent d’ajuster les dispositifs législatifs au niveau européen. Les modes de sanctions des pratiques discriminatoires dans les autres pays sont beaucoup moins procéduriers qu’en France par certains aspects, ils permettent de punir plus rapidement les auteurs, alors qu’en France nous sommes enfermés dans un cadre juridique trop rigide, qui empêche le plus souvent de mener les procédures à terme. Je pense que nous nous dirigeons aujourd’hui vers des assouplissements. Les éléments de preuve à apporter pourraient être, par exemple, moins exigeants que ceux qui sont demandés aujourd’hui, laissant au juge une plus Supplément INFFO FLASH n° 512 grande liberté d’appréciation. Ce n’est pas renverser la charge de la preuve, mais c’est permettre, par la voie des jurisprudences, d’assouplir les procédures. I.F. - Que pensez-vous du programme d’action présenté par le gouvernement en octobre ? P.B. - Les propositions du gouvernement montrent que nous entrons dans une ère nouvelle qui, je l’espère, ne manquera pas de souffle. Le point de départ était de reconnaître un phénomène que l’on avait tendance à minimiser ou à nier, voire - et c’est beaucoup plus grave - à en faire endosser la responsabilité par les victimes, je pense à ce qu’il est convenu d’appeller les “défauts de présentation” notamment. Cela peut même aller jusqu’au refus de voir apparaître dans l’entreprise l’identité “jeune” des quartiers dont les populations étrangères, en particulier maghrébines, sont tenues pour responsables alors qu’on ne veut pas de ces jeunes dans le monde de l’entreprise. Ce n’est pas forcément un racisme qui s’exprime, mais la communauté maghrébine est celle qui véhicule le plus fortement cette culture en transformation du jeune, qui est aujourd’hui repoussée. Face à l’ampleur du phénomène, seule une parole politique forte peut changer les choses. Je ne crois pas à la seule mobilisation des acteurs pour renverser la logique du racisme. Elle s’épuiserait si elle n’était pas relayée par des dispositifs institutionnels puissants. Sur les mesures annoncées, je pense que nous sommes sur la bonne voie. L’observatoire des discriminations devra ajuster les diagnostics : Comment se manifestent les discriminations dans les différents corps de métiers ? La situation est-elle la même entre les garçons et les filles ? ou dans les différentes régions de France ? Ne faut-il pas aujourd’hui se pencher sur l’outil statistique et faire éventuellement des propositions à la CNIL permettant de valider ou d’invalider des hypothèses qui s’imposent à nous mais qui ne sont pas vérifiées de façon systématique ? Nous n’avons pas suffisamment d’études sur la formation par exemple. Comparativement à l’Angleterre ou à l’Allemagne, nous Lutter contre les discriminations sommes très déficitaires en matière de recherches sur le racisme. Il faudra également opérer des correspondances avec les questions de logement et de santé : il faut que l’observatoire examine très précisément les différentes logiques de rejet qui, à terme, risquent de menacer l’équilibre de notre société. Pour le moment, un groupe d’experts fonctionne, avec une quinzaine de personnes associant des gens du logement, de la santé, du travail, des sociologues, des juristes et des associatifs. Depuis huit ou neuf mois, il travaille à la mise en place de l’observatoire. L’organisation d’une table ronde avec les partenaires sociaux en début d’année 1999 me paraît une bonne chose si les syndicats se mobilisent fortement pour briser le silence sur ces questions. L’enjeu est d’acter la mobilisation sous la forme de chartes par exemple, signées entre des employeurs et des partenaires institutionnels comme des missions locales ou des lycées professionnels. Il y a encore, dans certaines organisations, un manque de reconnaissance du phénomène ou une difficulté à en parler. Se rencontrer pour échanger sur le sujet n’est jamais du temps perdu tant le racisme s’est installé, banalisé, diffusé ces vingt dernières années, à tel point qu’une chape de plomb pèse sur ces dénonciations. Sur la question de savoir s’il faut ou non instaurer une autorité administrative indépendante, mon sentiment est que nous devons aller dans cette direction. Il n’est plus tolérable de laisser des individus seuls face aux auteurs d’actes racistes. Il faut donc créer une instance habilitée à recevoir les plaintes, qui serait en mesure de construire des dossiers et qui aurait un pouvoir d’auto-saisine. Il faut sortir de la logique du face-à-face. Un intermédiaire qui représenterait à la fois la volonté politique, institutionnelle, celle des acteurs associatifs et syndicaux, et qui serait renforcé par des juristes, me paraît la bonne solution. Le temps donné pour y réfléchir d’ici à février se justifie. Une telle instance, à l’image du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), donnerait une image un peu plus active de la République, qui ne se contenterait pas d’énoncer des principes. ■ Les dispositions antidiscriminatoires n matière d’emploi, le principe est celui de la non-discrimination, même si les étrangers sont encore écartés de certaines professions (voir encadré p. 10). La loi Pleven du 1er juillet 1972 modifiée en 1985 interdit les discriminations à l’embauche. De plus, la France a ratifié le 28 mai 1982 la convention n° 111 de l’Organisation internationale du travail (OIT) concernant les discriminations en matière d’emploi et de profession fondées sur la race, la couleur, le sexe, la religion, les opinions politiques, l’ascendance nationale et l’origine sociale (décret du 17 août 1982). Ces principes sont déclinés dans l’ordre juridique interne et inscrits dans notre Code du travail et notre Code pénal. Les atteintes au principe de non-discrimination sont réprimées sur la base des articles 225-1 à 225-3 du Code pénal. Selon l’article 225-1, constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques en raison de leurs origines, de leur sexe, de leurs mœurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou non à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. E • En matière d’offre d’emploi Il est interdit de soumettre une offre d’emploi à une condition discriminatoire fondée notamment sur l’appartenance ou la non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (article 225-1 du nouveau Code pénal). • En matière d’embauche Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement en raison de ses origines, de son appartenance à une ethnie, une nation, une race ou en fonction de ses convictions religieuses Supplément INFFO FLASH n° 512 (article L. 122-45 du Code du travail résultant de la loi n° 92-1446 du 3 décembre 1992, article 225-1 du Code pénal) (voir l’encadré ci-dessous). • En matière d’exécution du contrat de travail Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son origine, de son appartenance à une ethnie, une nation, une race ou de ses convictions religieuses (article L. 122-45 du Code du travail, articles 225-1 et 225-2 du Code pénal). De plus, le règlement intérieur ne peut comporter de dispositions REFUS D’EMBAUCHE ● Les dispositions de l’article 416-3° du Code pénal (ancien) répriment, notamment, toute discrimination fondée sur des considérations raciales ou de nationalité, non seulement à l’occasion du licenciement d’un salarié titulaire d’un contrat de travail, mais également lors de l’embauche, laquelle ne revêt un caractère définitif qu’à l’expiration de la période d’essai ; justifie, dès lors, sa décision la cour d’appel qui condamne un employeur qui, pendant la période d’essai, a congédié un salarié au motif, expressément invoqué, qu’il était de nationalité étrangère. Crim. 14 oct. 1986 : Bull. crim. n° 287 ; Gaz. Pal. 1987.1.Somm.193. ● Tombe sous le coup de l’article 416- 3° du code pénal (ancien), l’assistante sociale chef, fonctionnaire d’une collectivité territoriale, qui prend l’initiative, dans une note relative à l’embauche d’aides ménagères, de recommander aux bureaux d’aide sociale concernés d’“éviter le personnel de couleur”. Paris, 21 janv. 1988 : D.1988. IR.86 ; confirmé par : Crim. 14 nov. 1989 : Bull. crim. n° 416. 9 Lutter contre les discriminations lésant les salariés dans leur emploi en raison notamment de leurs origines ou de leur confession (article L. 122-35 du Code du travail). • En matière de formation Le livre IX du Code du travail consacré à la formation professionnelle ne contient aucune disposition spécifique visant à interdire les discriminations de nature raciste. Toutefois, l’article L. 900-4-1 et l’ancien article L. 900-6 encadrent les informations qu’un organisme de formation ou prestataire de bilan de compétences peut demander aux stagiaires. Elles ne peuvent avoir pour finalité que d’apprécier leur aptitude à suivre l’action ou présenter un lien direct et nécessaire avec l’objet du bilan. • Dans les conventions collectives Toute convention de branche conclue au niveau national doit contenir, pour être étendue, des dispositions sur l’égalité de traitement entre les salariés français et étrangers, notamment en matière d’emploi (article L. 133-5-10° du Code du travail). • Les sanctions L’article 225-2 du Code pénal réprime de deux ans d’emprisonnement et/ou de 200 000 francs d’amende, les actes discriminatoires en matière d’offre d’emploi, de refus d’embauche, de sanction et de licenciement. • Le contentieux Malgré cet arsenal de textes, le nombre de plaintes reste peu élevé, alors même que l’on sait, grâce aux enquêtes de terrain menées par les différents laboratoires de sociologie, que les discriminations sont manifestes au travail. L’an dernier, par exemple, seize plaintes ont été enregistrées par les parquets du ressort de la cour d’appel de Caen, seize pour Rouen et dix procédures ont été établies à Pau. Le nombre des condamnations judi- 10 DES PROFESSIONS INTERDITES AUX ÉTRANGERS Si, dans notre pays, le principe est celui de la non-discrimination en matière d’emploi, des lois et règlements ont cependant fermé l’accès de certaines professions ou fonctions aux étrangers. Dans le public… Ainsi, les étrangers non ressortissants de l’Union européenne ne peuvent accéder à des emplois de la fonction publique de l’État - hormis ceux de l’enseignement supérieur -, de la fonction publique hospitalière ou à des emplois proposés par les collectivités territoriales. En revanche, ils peuvent accéder aux postes de contractuels ou d’auxiliaires (ils représentent environ 8 % de ces emplois). Les étrangers n’ont pas non plus accès aux emplois statutaires des grandes entreprises nationales. C’est notamment, rappelle le HCI, le cas d’EDF-GDF, de la SNCF, de la RATP et d’Air France, “sous réserve d’un inventaire plus précis”. De même, seuls les Français ont accès aux emplois à durée indéterminée relevant de la convention collective des organismes de Sécurité sociale. En revanche, indique le HCI, la proportion d’étrangers naturalisés occupant un emploi public est assez proche de la moyenne nationale (18 % contre 23 %). … et dans le privé De plus, des interdictions subsistent dans certaines professions du privé, réminiscences du souci de prévenir les risques d’atteinte à la souveraineté nationale dans ciaires est encore plus faible. Alors qu’au Royaume-Uni, deux mille condamnations sont enregistrées en moyenne par an pour discriminations au travail, en France leur nombre s’élevait à soixante-quatorze en 1995 et à quatre-vingt-une en 1996. Les condamnations sont le plus souvent prononcées pour discriminations dans l’offre d’emploi, pour des refus d’embauche et dans le cadre de licenciements. Deux raisons expliquent ce très faible nombre de condamnations : les difficultés d’accès à la justice mais surtout l’établissement de la charge de la preuve Supplément INFFO FLASH n° 512 l’entre-deux-guerres. Les étrangers ne peuvent notamment pas se livrer à la fabrication ou au commerce des armes. Mais, souligne le HCI, “la volonté de faire droit aux revendications corporatistes de certaines professions ne semble pas avoir été non plus étrangère à certaines interdictions qui subsistent aujourd’hui”. Ainsi, les étrangers ne sont pas autorisés à tenir un débit de boisson ou de tabac ni à diriger une entreprise de spectacle, par exemple. La condition de nationalité française est également exigée pour exercer certaines professions libérales. La profession d’avocat est fermée aux étrangers non ressortissants d’un État de l’UE, sauf en cas d’accord de réciprocité. Pour les métiers de la santé, s’ajoute à l’exigence de la nationalité française celle de la possession d’un diplôme français, sauf accord de réciprocité ou dérogation ministérielle. En outre, si les étrangers peuvent être électeurs et éligibles aux élections des délégués du personnel, et participer à la direction ou à l’administration d’un syndicat, ils ne sont pas éligibles aux conseils des prud’hommes ni dans les instances des chambres consulaires. À revoir ? Ces interdictions seront également examinées lors de la table ronde des partenaires sociaux. L’UNAPL (Union nationale des associations de professions libérales) sera associée aux débats. Source : Rapport 1998 du HCI. qui repose sur la personne discriminée, en vertu du principe de la présomption d’innocence. La modification des règles relatives à la charge de la preuve sera envisagée avec les partenaires sociaux à l’occasion de la table ronde qui doit se dérouler au début de l’année 1999. “Je crois possible, a indiqué la ministre de l’Emploi et de la Solidarité, d’aller vers un système où le juge se forgerait une conviction sans pour autant inverser totalement la charge de la preuve, ce qui serait contraire à nos traditions juridiques, notamment en matière pénale”. Lutter contre les discriminations Témoignage de Christiane Reverdy, directrice du secteur sud de l’inspection du Travail de Paris : “ Il faut réfléchir à une méthodologie qui permette de mieux appréhender les discriminations, donc de mieux les combattre ” “Il faut bien reconnaître que malgré notre principe républicain d’égalité, malgré l’existence de textes très précis dans notre Code du travail et notre Code pénal, le monde du travail est gangrené par des discriminations de toutes sortes : qu’elles soient racistes, xénophobes, sexistes, syndicales, qu’elles se manifestent contre les jeunes, les vieux, les malades, les handicapés… Nous avons vraiment l’impression que le phénomène prend de plus en plus d’ampleur. Et pourtant, les inspecteurs et contrôleurs du Travail, au moins sur mon secteur même si le problème peut être différent notamment dans les banlieues et en province - sont très peu saisis en dehors de quelques cas isolés, principalement à l’embauche. Peu de plaintes “Nous sommes suffisamment armés en France sur le plan juridique pour réprimer les discriminations racistes et xénophobes. Le problème réside donc plutôt dans le fait qu’il n’y a pas ou très peu de plaintes. Il y a, hélas, une banalisation du racisme qui est de plus en plus intériorisé par les personnes qui en sont victimes et qui, comme les témoins se taisent aussi, ne sont pas défendues. De plus, comme les discriminations se manifestent souvent en tête-à-tête au moment de l’embauche, en dehors de tout rapport de solidarité, la personne discriminée se trouve très isolée. “ Des cas précis m’ont toutefois été rapportés par des inspecteurs, comme celui d’un restaurateur marocain qui refusait d’embaucher des Algériens il s’agit en ce cas d’une discrimination plus xénophobe que raciste - ou d’une entreprise de gardiennage qui ne voulait recruter que des “Blancs”, ou encore d’une entreprise de nettoyage qui ne voulait embaucher que des Portugais et qui refoulait les Nord-Africains. Une autre fois, c’est une agence de voyage qui recherchait, pour vendre des séjours à Cuba, un salarié parlant parfaitement l’espagnol. Un Cubain âgé de 50 ans s’est présenté, il a été rejeté au profit d’une jeune Française. Dans ce cas précis, estce une discrimination raciste, sexiste ou xénophobe ? Oser en parler “Tout le problème réside en effet dans l’identification du phénomène : y a-til eu vraiment discrimination raciste ou d’autres éléments sont-ils entrés en ligne de compte ? Un inspecteur a ainsi été interpellé par un salarié d’origine nord-africaine qui estimait avoir fait l’objet d’une discrimination à l’embauche au profit d’un Français. En enquêtant, l’inspecteur a pu constater que l’entreprise avait par ailleurs embauché des personnes d’origine maghrébine et n’a pu mettre en évidence une discrimination raciale ou xénophobe. “Il faut absolument réfléchir à une méthodologie qui permette à tous les services concernés de mieux saisir, d’appréhender plus facilement et plus complètement les actes discriminatoires, mais Il faut surtout éduquer très tôt les individus au respect des autres et de leur dignité, à l’égalité et à la richesse de nos diversités. Il ne faut plus que les victimes et les témoins de telles discriminations se taisent. Il faut au contraire en parler comme maintenant on ose enfin parler d’autres agissements longtemps étouffés comme le harcèlement sexuel au travail. Il faut aussi lutter contre la précarité, ce terreau sur lequel s’épanouissent de nombreuses discriminations”. Supplément INFFO FLASH n° 512 Numéro spécial, daté octobre 1998, en vente au service clientèle, tél. : 01 41 25 22 22. Numéro spécial, daté décembre 1998, en vente au service clientèle, tél. : 01 41 25 22 22. 11 Lutter contre les discriminations Les orientations du gouvernement Mobiliser le service public de l’Emploi arce que l’État doit être “exemplaire” dans la lutte contre les discriminations au travail, “la plus immédiate des actions” concerne la mobilisation du service public de l’Emploi et de l’inspection du Travail sur ce thème. Dans ce sens, une circulaire a été adressée aux services le 20 octobre 1998, fixant des domaines d’action prioritaire. De nombreuses agences locales pour l’emploi (ALE) constatent des attitudes ou des pratiques discriminatoires à l’embauche. Le plus souvent, les agents sont démunis devant de tels comportements et ont parfois du mal à concilier l’application des textes avec le risque de perdre des entreprises clientes. Une réflexion a été entreprise par la direction de la Population et des Migrations et la DGEFP pour envisager une formation des agents des ALE, des missions locales et des PAIO, afin de leur donner les moyens d’agir sur les comportements des employeurs à l’embauche et d’aider les demandeurs d’emploi victimes de ces pratiques à s’y préparer et à développer des pratiques de contournement. P La circulaire du 20 octobre 1998 L’ANPE “doit veiller à ne répondre à aucune offre d’emploi discriminatoire, et à n’en diffuser aucune”. Face à un comportement discriminatoire de la part d’employeurs, l’Agence doit mettre en avant les compétences personnelles du demandeur d’emploi concerné, de façon à obtenir l’adhésion du recruteur “à partir de considérations objectives”. Dans les cas de comportement discriminatoire manifeste, “et pour lesquels son action de médiation n’aura pas abouti”, l’ANPE devra informer le Parquet. Sur ce point, l’instruction de la DGEFP complète la circulaire du garde des Sceaux du 16 juillet 1998 qui demandait aux procureurs généraux et aux procureurs de la République “de faire preuve d’une vigilance renforcée dans la recherche et la constatation de ce type d’infractions”. ● Le service public de l’Emploi “devra aussi veiller au respect du principe de non-discrimination dans l’accès aux dispositifs de lutte contre le chômage”, qu’il s’agisse de contrats aidés, d’actions de formation ou d’accompagnement. L’effort institutionnel, associé à celui des branches professionnelles, devra porter notamment sur les contrats en alternance et l’apprentissage. ● Dans le cadre de la mise en œuvre des “nouveaux départs” par l’ANPE et l’AFPA, prévus par le plan national d’action pour l’emploi1, la lutte contre les discriminations doit faire l’objet d’une attention particulière. ● Une circulaire de la déléguée générale à l’Emploi et à la Formation professionnelle, Rose-Marie Van Lerberghe, datée du 20 octobre 1998, a été adressée aux préfets, DRTEFP, DDTEFP, aux services chargés des droits des femmes, ainsi qu’à l’ANPE et à l’AFPA. Le texte rappelle la législation en vigueur et invite les services à mener à l’égard des entreprises des “actions de pédagogie et de conviction”, “indispensables pour permettre un recul durable des phénomènes discriminatoires”. La circulaire retient cinq domaines d’action : 12 La collaboration entre les services déconcentrés du ministère de l’Emploi et les délégations régionales du Fonds d’action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FAS) doit également être renforcée, sur la base de la circulaire DGEFP n° 98/28 du 13 août 1998, et “conduire à une meilleure efficacité dans la mise en œuvre conjointe des politiques d’emploi et d’intégration”. Cette collaboration se traduira en particulier par le développement de l’apprentissage linguistique dans certaines formations. De plus, une analyse de toutes les actions menées au niveau local par les services du ministère de l’Emploi, l’ANPE et l’AFPA dans le domaine de la lutte contre les discriminations devait être menée pour la mi-décembre, afin d’envisager une généralisation au niveau national. ● Le service public de l’Emploi devra particulièrement “veiller au développement d’actions de médiation et d’accompagnement”, notamment au développement des réseaux de parrainage mis en place dans le cadre de la circulaire du 8 novembre 1996. L’objectif est de permettre le parrainage de trente mille jeunes en 1999 (voir p. 21). ● Supplément INFFO FLASH n° 512 Des objectifs prioritaires fixés à l’inspection du Travail Les inspecteurs du Travail sont chargés de constater les infractions aux dispositions contenues dans le Code du travail et notamment les dispositions antidiscriminatoires (voir p. 10). La ministre de l’Emploi et de la Solidarité a souhaité que, parmi leurs objectifs prioritaires pour 1999, la lutte contre les discriminations figure en bonne place. Ils pourront, le cas échéant, transmettre un rapport au Parquet. 1) La loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions (JO du 31-7-1998) reprend le concept de “nouveau départ”, autour duquel était bâti le plan français d’action pour l’emploi présenté au sommet européen de Cardiff en juin. Désormais, “tout chômeur âgé de 16 à 25 ans, ou tout chômeur de longue durée ou rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle, a droit à un accueil, un bilan de compétences et une action d’orientation afin de bénéficier d’un nouveau départ sous forme d’une formation, d’un appui individualisé ou d’un parcours vers l’emploi ou la création ou la reprise d’entreprise” (article 4 de la loi). Lutter contre les discriminations Nos structures administratives sont-elles adaptées à la lutte contre les discriminations ? aut-il créer une autorité administrative indépendante chargée de lutter contre les discriminations, comme le préconise le Haut Conseil à l’intégration (voir l’encadré ci-dessous) ? Un médiateur chargé de ces questions, comme le suggère la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ? De telles institutions existent chez nos voisins européens. Au Royaume-Uni, la Commission for Racial Equality (CRE), créée en 1976, a trois missions : contribuer à éliminer les discriminations, promouvoir l’égalité des chances et les bonnes relations entre personnes de différentes origines, évaluer cette politique et faire des propositions au gouvernement. Aux PaysBas, la Commission pour l’égalité de traitement peut aller encore plus loin F en tranchant elle-même les litiges portant sur des discriminations raciales mais aussi sur celles fondées sur le sexe ou l’âge. La Belgique dispose également d’une instance du même type : le Centre pour l’égalité des chances. En revanche, ni l’Allemagne ou l’Autriche, ni la Scandinavie ne disposent d’une législation de lutte contre les discriminations1. Un rapport en février Pour l’heure, le gouvernement estime que l’examen de plusieurs questions complexes est nécessaire. Un rapport a été confié au conseiller d’État JeanMichel Belorgey2, dont les conclusions devraient être rendues fin février 1999. Il permettra de vérifier l’adéquation de nos structures administratives, notamment l’inspection du Travail, la police, les cellules antiracistes des préfectures, la magistrature, ou le médiateur de la République, à cet objectif de lutte contre les discriminations, et de décider si notre pays a réellement besoin d’une autorité administrative indépendante. Si tel est le cas, il faudra également réfléchir aux modalités de saisine (plainte ou auto-saisine) et d’intervention (médiation, sanctions, actions en justice…) de cette structure. 1) Rapport 1998 du HCI, p. 95. 2) Député PS de l’Allier de 1981 à 1993 et ancien président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, JeanMichel Belorgey est notamment président du groupement d’intérêt public “Habitat et interventions sociales pour les mal logés et les sans-abri”, vice-président de l’association Europe et Libertés et membre du Haut Conseil de la population et de la famille. LE HCI PROPOSE L’INSTAURATION D’UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE “Seule une autorité administrative indépendante pourrait présenter suffisamment de garanties pour remplir les missions nécessaires à la lutte contre les discriminations”, indique dans son rapport le Haut Conseil à l’intégration. Cette institution “aux compétences élargies” devrait, en premier lieu, “assurer, en liaison avec les administrations concernées, la connaissance et le suivi des discriminations”. En second lieu, elle devrait “permettre aux personnes qui s’estiment l’objet de discriminations de faire effectivement valoir leurs droits”. Discrimination intentionnelle ou non ? Il convient de distinguer, insiste le HCI, les discriminations ne reposant pas forcément sur un élément intentionnel des discriminations racistes. Cette distinction “amène donc à prévoir deux procédures distinctes qui n’exigent pas le même degré de preuve : la lutte contre le racisme, qui relève du droit pénal, et la lutte contre les discriminations, qui, en tant que composante du droit des personnes, doit relever du droit civil”. Réelle ou pas ? La question de la charge de la preuve est au centre du débat. “Dans un premier temps, il est nécessaire de déterminer si la discrimination dénoncée est réelle ou pas”. Cet organisme indépendant “pourrait être chargé de cette première démarche de détermination des faits discriminatoires avant la saisine du juge”. La personne discriminée saisirait l’autorité, qui “engagerait alors une procédure contradictoire entre la victime et la personne physique ou morale mise en cause”. Cette réflexion conduit le HCI à s’interroger sur son existence : “Si le gouvernement retenait cette proposition, il pourrait Supplément INFFO FLASH n° 512 légitimement être conduit à se poser la question de savoir s’il convient de laisser subsister dans sa forme actuelle la mission qu’exerce le Haut Conseil ou s’il est nécessaire de réfléchir aux conditions dans lesquelles la nouvelle institution pourrait se voir confier les compétences actuellement exercées par le Haut Conseil à l’intégration”. Une composition élargie Le rapport suggère que la nouvelle institution, si elle devait être créée, soit composée de représentants des administrations, des syndicats de salariés et des entreprises, ainsi que de personnalités qualifiées engagées dans l’étude des discriminations. Source : Rapport 1998 du HCI, p. 94 et suivantes. 13 Lutter contre les discriminations Un groupe d’étude sur les discriminations La formation comme prévention Sur le premier point, le FAS indique dans son plan stratégique pour 1998-2000 que la formation reste “le meilleur moyen de prévention” des discriminations, “tant des agents du secteur public que ceux du secteur privé”. Le FAS “encouragera les initiatives, trop peu nombreuses encore, en ce sens, en liaison notamment avec les partenaires sociaux”. Soutien aux actions exemplaires Sur le second volet d’action, le FAS “s’efforcera au niveau local de soutenir les actions (...) ayant une valeur exemplaire. Plus que la dénonciation, ou la “victimisation”, une approche pratique, concrète (...) sera préférée, en ne négligeant aucune opportunité”. “À ce titre, la coopération des PME et de l’artisanat doit (...) être plus activement recherchée (via les organismes consulaires notamment comme partenaires)”. outes les études consacrées aux discriminations raciales constatent que, sur ce sujet, la France ne dispose pas des outils permettant une analyse argumentée et une sensibilisation du public. Dans son rapport 1998, le Haut Conseil à l’intégration souligne que “l’analyse des discriminations souffre en France de l’insuffisance des instruments de connaissance. Les outils statistiques dont notre pays dispose ne sont pas totalement adaptés à un tel objectif”. Le seul critère de la nationalité est notamment insuffisant pour analyser l’importance du phénomène puisque certains Français d’origine étrangère ou des DOM-TOM sont également victimes de discriminations racistes. Or, notre appareil statistique ne recense pas et ne suit pas les Français en fonction de leurs origines. Sans attendre le résultat de la réflexion sur l’adéquation de nos structures administratives à la lutte contre le racisme confiée à Jean-Michel Belorgey, la création d’un Groupe d’étude sur les discriminations (GED) a été décidée, sous la forme d’un groupement d’intérêt public doté de la personnalité morale et d’un budget propre. Il jouera le rôle d’un observatoire et d’un centre d’analyse sur le sujet. Son action s’inscrira pleinement dans le débat sur les structures administratives. T INFFO CENTR NUMÉR Source : Plan stratégique du FAS pour 1998-2000. FAS, 209, rue de Bercy, 75585 Paris cedex 12 Tél. : 01 40 02 77 41. ÉCIA O SP E Un groupe de préfiguration rassemblant chercheurs et spécialistes des questions d’emploi, d’éducation, de logement ou des questions juridiques, a travaillé avec le FAS à la création du GED au cours de l’année 1998. Constitué en association régie par la loi de 1901, ce GRID (Groupe de recherche et d’initiatives sur les discriminations) était composé notamment de Philippe Bataille (sociologue), Jacqueline Costa-Lascoux (directrice de recherche), Jean-Paul Payet (chercheur-sociologue), Ahsene Zehraoui (chercheur-sociologue), Claude-Valentin Marie (sociologue), Patrick Simon (démographe), J.-Y. Rochex (maître de conférence), M. Bernardot, Farouk Belkeddar (responsable associatif), Driss El Yazami (journaliste). Les différents départements ministériels concernés par la lutte contre les discriminations raciales (Emploi, Solidarité, Logement, Ville, Justice, Education nationale, Jeunesse et Sports notamment) sont invités à s’associer aux travaux de l’observatoire, ainsi que l’ensemble des partenaires sociaux. Le GED bénéficiera ainsi d’une assise administrative large et, par l’apport des chercheurs, d’une crédibilité et d’une légitimité scientifique. FLASH INFFO L 1997 Le Fonds d’action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FAS) est un acteur majeur dans la lutte contre les discriminations, par les projets de formation, les recherches-actions ou les études qu’il finance. Cette politique figure au nombre des orientations retenues par le conseil d’administration du FAS pour la période 1998-2000. Elle sera renforcée dans le cadre du prochain plan stratégique et étendue à tous les domaines d’intervention du FAS. Cette action comporte deux volets : la formation des acteurs et l’aide au montage de projets. décembre LES ORIENTATIONS DU FONDS D’ACTION SOCIALE (FAS) es lois-jeun Les emp A à Z de EST . SON ENJEU EST LANCÉ AUX EMPLOIS” OINS LOC - NOUVEAUX RÉPONDANT À DES BES IERS. SERVICES “NOUVEAUX D’ACTIVITÉS PÉRENNES IONNALISER DANS CES MÉT , D’UNE NEMENT OCCUPÉ PROFESS CRÉATION ET DU GOUVER SE É LA E DE ER CRÉ MM CIT JEUNES DE TRAVAIL LE PROGRA FOIS DE SUS TRE AUX QUE POSTE IL S’AGIT À LA ISFAITS, ET DE PERMET POUR CHA DOUBLE. SAT BÉNÉFICIER OU NON EURS DE ÉMERGENTS Q ANS. AUX EMPLOY DANT CIN IF PERMET E NCS, PEN R CE DISPOSIT I 92 000 FRA DE A LE 2 UEL M AIDE ANN M ux O S départementa BRE 1997 régionaux et 5 DU 24 OCTO et de CDE 97/2 re suivre de l’emploi CIRCULAIRE 5 du travail, uelle procédu lle, projets un pron professionne et gence des ANNEXES 6 la formatio pour déposer FPA locale et émer l’A de lors : animation emp s Fiche n° 1 ? A quel aux directeu 6 entée dans jet d’activité ? t prés projets est aux l’Éta , de aides : l’aide de l’ANPE les Fiche n° 2 des activités yeurs s’adresse 7 ité. Ainsi que cergral nalisation con es inté ssion jeun son : profe qui lui Fiche n° 3 ntions Qui sont les techniques es ? es 8 des conve jeun fich suivi f et loisneu emp : conclusion nés par les Fiche n° 4 rat exées. cont ann du 9 la re sont à natu joints : aide au poste Quelle est la du également re Fiche n° 5 t ulai Son des circ ation La 10 et évalu cahier statistique de travail ?... ulaire : le et de n° 6 : suivi circ ploi ecFiche resp l’Em ent 11 ministère de rges que doiv urs qui employeurs 25 du cha 97/ n° 7 : les E CD Fiche loye 11 la Solidarité aux t ficiaires ter les emp : les béné 1997 répond lure avec l’Éta Fiche n° 8 24 octobre l 13 t se souhaitent conc dans le cadre ts de travai que peu ven : les contra on Fiche n° 9 que stio ns une conventi uveaux de projets “no eurs me port ram poser les du prog CHARGES x emplois”, s (associa CAHIER DES 14 veau une OYEUR nou s-je EMPL ’ L e, services ’ÉTAT ET d’emploi ENTRE L s terr itotion - typ vité ven CONVENTION - type ecti ntion con coll conve A une tions, • Convention CERFA : annexe à la aux ulaires CERF tres commun • Formulaire de poste deux form riales, cen tion et de et d’ouverture 18 AIL à la conven ale, sociétés d’embauche exe soci AT DE TRAV ration (ann he ONTR tion décla : C d’ac CERFA de poste d’embauc • Formulaire ement de titulaire mes de sécu 20 déclaration de ou de chang travail HLM, organis de poste ou contrat de .). • Modèle de et d’ouverture titulaire de 23 -JEUNES EMPLOIS un rité sociale.. SUR LES t de lui consacre /RÉPONSES changemen dèle QUESTIONS JEUNES mo INFFO FLASH La circulaire OIS n i qu’u AUX EMPL ial. OUVERTS poste), ains MÉTIERS ail. ry numéro spéc trav ISTE DES L Aub de Martine de contrat rs adressée par cteu dire aux aux préfets, Q 14 Supplément INFFO FLASH n° 512 Numéro spécial, daté décembre 1997 et complété par des dossiers dans les numéros 485, 498-499, 504 d’Inffo-Flash. En vente au service clientèle, tél. : 01 41 25 22 22. Lutter contre les discriminations Soutenir l’engagement des partenaires sociaux e combat contre les discriminations raciales qui se manifestent au travail ne peut réussir que si les syndicats se mobilisent. À l’échelon confédéral, mais également au niveau des unions, des sections et de l’entreprise elle-même. Philippe Bataille, dans son ouvrage “Le Racisme au travail” (voir p. 7), a démontré tout l’enjeu d’une action syndicale efficace. “À de très nombreuses reprises, nous avons constaté, indique-t-il, que le syndicaliste était en position de force pour afficher son désaccord dans des conversations ou face à des attitudes qu’il juge racistes, ou pour dénoncer une discrimination liée à l’organisation du travail. Le ressort de son intervention est alors une bonne perception de la situation et une capacité à formuler des revendications claires, comme lorsqu’il s’agit d’aider au respect d’expressions culturelles nouvelles et minoritaires sur le lieu de travail. Un signe de sa défaite, en revanche, est son silence, synonyme de puissance du racisme idéologique”1. La tâche n’est pas facile pour les organisations syndicales qui ont parfois du mal à faire passer le message à leur base confrontée aux tensions liées à l’état du marché du travail et à la montée d’idées xénophobes dans l’entreprise. L Ouvrir le dialogue Certaines organisations syndicales se sont d’ores et déjà mobilisées en lançant des campagnes de sensibilisation auprès de leurs adhérents, des formations ou des études, souvent avec le concours de la Commission européenne, avec la contribution du FAS et de la direction des Populations et des Migrations. Même si, reconnaît la DPM, elles ne constituent que “les prémices en France d’une réponse organisée et volontaire face à la montée du racisme lors de l’embauche et dans les entreprises”, alors que dans les pays du nord de l’Europe, de nombreuses actions sont déjà engagées2. Une expérimentation est notamment développée depuis plusieurs mois par l’association Inter Service Migrants (ISM) Rhône-Alpes, sur les bassins d’emploi de Lyon, Grenoble et SaintEtienne : le projet ASPECT (Action spécifique pour l’Egalité des chances au travail), qui vise à mobiliser les partenaires sociaux au sein de chaque entreprise de façon à ouvrir le dialogue et négocier des accords d’entreprise sur l’égalité de traitement. L’ensemble des institutions intéressées par le sujet au niveau régional est associé au projet (organisations patronales et syndicales, ANPE, missions locales et PAIO, préfecture de région, DRTEFP, DDTEFP, FAS…) au travers d’un comité de pilotage régional. D’autres comités étant constitués au niveau local pour la mise en œuvre des expérimentations. L’objectif plus lointain étant de parvenir à généraliser ces actions. La déclaration de Florence Ces premières actions traduisent dans les faits les principes dégagés par la déclaration de Florence, en date du 21 octobre 1995, sur la prévention de la discrimination et de la xénophobie, et la promotion de l’égalité de traitement sur le lieu de travail, signée par les représentants des employeurs et les syndicats de salariés européens, l’UNICE (Union des industries de la communauté européenne), le CEEP (Centre européen de l’entreprise publique) et la CES (Confédération européenne des syndicats). Elle se présente comme un code de déontologie pour les partenaires qui se sont engagés sur des mesures concrètes. Le texte préconise notamment la désignation d’un membre de l’entreprise chargé de suivre la question de la lutte contre les discriminations, et l’implication des syndicats et du comité d’entreprise dans la mise en œuvre de cette politique. Cette déclaration commune a permis de préparer la résolution du Conseil du 23 juillet 1996, qui a déclaré l’année 1997 “année européenne de lutte contre le racisme et la xénophobie”. Le Fonds social européen a également introduit, Supplément INFFO FLASH n° 512 pour la période 1997-1999, un volet Integra dans le programme d’initiative communautaire (PIC) Emploi qui vise à améliorer l’accès au marché du travail des immigrés et de toute personne en difficulté. 1) “Le racisme au travail”, (La Découverte, 1997), p. 201. 2) DPM, Patrick Aubert, Notes et Documents n° 41, juillet 1998. LE PROJET DISCRIM DE LA FÉDÉRATION DES AEFTI Le réseau des neuf associations pour l’enseignement et la formation des travailleurs immigrés et leurs familles (AEFTI), situé dans la mouvance de la CGT, a lancé en 1997 une recherche-action sur les facteurs discriminatoires envers les publics migrants, en amont et en aval des formations dispensées par les AEFTI, de façon à mieux adapter les processus de formation à la prise en compte de ces pratiques et pouvoir ainsi mieux lutter contre leur développement. Ce projet a bénéficié d’une aide du FSE dans le cadre du PICEmploi et de son volet Integra. L’opération repose sur deux démarches : l’établissement d’une typologie de difficultés rencontrées par les stagiaires (d’ordre culturel, économique, linguistique ou racial), et l’élaboration de propositions visant à doter les acteurs (formateurs, stagiaires et partenaires locaux) d’outils, notamment d’un argumentaire. Trois questionnaires ont été élaborés par un pool d’experts piloté par le sociologue Raouf Saidi : l’un a été soumis aux stagiaires des AEFTI ; le deuxième aux formateurs ainsi qu’à des partenaires intervenant dans le processus de formation ; le troisième a été proposé à des entreprises qui accueillent en stage le public des AEFTI. Les questionnaires se prolongent actuellement par des entretiens plus approfondis avec des partenaires institutionnels et associatifs. Des préconisations et des outils seront ensuite élaborés et testés dans trois associations en 1999. Un colloque européen, organisé avec les deux partenaires de la Fédération (le Local Economic Consortium anglais et la Coordinamento nazionale Comunita di Accoglienza italienne), devrait également clore l’opération. Contact : Kamel Jendoubi, AEFTI Fédération : 16, rue de Valmy, 93100 Montreuil. Tél. : 01 42 87 02 20. 15 Lutter contre les discriminations L’engagement de la CFDT et de la CGT Dès 1995, la CFDT a engagé une recherche avec le CADIS (Centre d’analyse et d’intervention sociologiques, École des Hautes études en Sciences sociales - EHESS/CNRS), pilotée par Philippe Bataille afin d’évaluer la présence du racisme dans les relations et les organisations du travail et de dégager les conditions d’une action syndicale efficace pour en contrarier les logiques (voir p. 7). Dans le prolongement de cette étude, la CFDT a organisé, en juin 1998, une rencontre nationale sur le racisme au travail et le rôle des comités d’entreprises. De son côté, la CGT, à la suite d’une première campagne de sensibilisation menée en 1997, a décidé d’amplifier son action dans ce domaine en 1998 en impliquant toutes ses unions régionales et fédérations. Des “cartes témoignages” ont été distribuées dans les entreprises. Sur l’échantillon de 250 cartes renvoyées à l’organisation syndicale, 42 % des personnes ayant répondu déclarent n’avoir été ni victimes, ni témoins de discriminations raciales, 32 % disent en avoir été témoins et 21 % victimes3. Dans les deux cas, “il est plutôt fait état de propos racistes” et “ceux qui témoignent de discriminations disent qu’elles sont souvent combinées sur plusieurs domaines”. Une recherche conduite par l’ISERES, l’Institut d’études et de recherches économiques et sociales de la CGT sur les pratiques syndicales face aux discriminations raciales dans le travail a également été retenue dans le cadre du programme Integra du FSE. De plus, la Fédération des finances de la CGT a fait paraître, en juin 1998, une étude intitulée “Racisme et comportements professionnels aux Finances”. Cette étude, qui a mobilisé une trentaine de militants des Impôts, du Trésor et des Douanes, vise à comprendre comment se construit le “racisme ordinaire” au travail et à améliorer l’accueil des personnes d’origine étrangère dans les administrations financières. Dans le prolongement de ces travaux, la CGT a organisé, en novembre 1998, deux journées d’étude sur le thème : “Face aux discriminations raciales au travail, quels outils juridiques pour quelle activité syndicale ?” 3) Extrait de l’article de Gérard Chemouil, responsable du secteur immigration à la CGT, Le Peuple n° 1490 - 11 novembre 1998. Une table ronde pour en débattre Pour soutenir les partenaires sociaux dans leurs démarches, l’État a décidé d’inviter les organisations représentatives ainsi que des personnalités qualifiées (comme l’UNSA, le CJD…) à aborder ensemble, pour la première fois, le thème de la lutte contre les discriminations raciales lors d’une table ronde qui doit se tenir dans les premières semaines de 1999. “Il est important de parler de ces discriminations et d’engager une concertation”, a souligné Martine Aubry lors du conseil des ministres du 21 octobre 1998. ● Évoquer ensemble les possibilités d’adapter les outils existants, que ce soit dans les textes (Code du travail, Code pénal) ou, surtout, dans les pratiques (administratives, de formation ou de négociation dans les entreprises). “La table ronde n’a pas pour objet de désigner des coupables, indique-t-on dans l’entourage de Martine Aubry, mais, au contraire, de mettre en valeur des expériences positives mises en œuvre ces dernières années, tant par les organisations salariales que par les entreprises”. ● Deux objectifs Trois points forts ● Deux objectifs sont fixés : Trois séries de sujets seraient évoquées au cours de la table ronde : Donner le signal d’une large mobilisation sur le thème de la lutte contre les discriminations nationales, ethniques ou religieuses, en prenant pour modèle ce qui a été fait au niveau européen avec la déclaration de Florence d’octobre 1995. Tous les partenaires de l’État sont d’accord pour dire que parler des discriminations serait déjà un acquis. ● 16 Le rapprochement des diagnostics et la mobilisation sur la lutte contre les discriminations : la table ronde pourrait ainsi constituer un point de référence et d’appui pour toutes les actions que les partenaires mettront en œuvre dans le futur, sur le modèle de la déclaration de Florence. ● Supplément INFFO FLASH n° 512 La négociation et la formation : certaines expériences montrent que, lorsque les partenaires sociaux, dans l’entreprise, se saisissent de ce thème, les choses avancent. La table ronde devrait permettre de faire le point sur les possibilités de négociation et d’information sur l’égalité des chances et sur le rôle des institutions représentatives du personnel. De plus, les pistes d’amélioration des formations des acteurs (responsables syndicaux, responsables d’entreprises, agents du service public) seront explorées. L’adaptation des outils législatifs : même si notre arsenal juridique est jugé comme étant assez complet, les possibilités d’amélioration seront envisagées, par exemple sur les compétences des syndicats dans l’entreprise (intervention en justice au nom du salarié), sur les règles relatives à la charge de la preuve, le champ de la négociation collective ou les compétences de la Commission nationale de la négociation collective. Lutter contre les discriminations L’avis des partenaires sociaux CFDT “Les intentions du gouvernement sont bonnes, les actes doivent suivre” L’annonce des différentes mesures de Martine Aubry en faveur de l’intégration des populations immigrées en France et de la lutte contre les discriminations témoigne d’une prise de conscience de l’acuité de ces problèmes par les pouvoirs publics. Elle répond à des préoccupations de la CFDT qui, depuis longtemps, s’est saisie de ces questions. C’est notamment le cas en matière de discriminations à l’embauche ou de discriminations dans le travail. La CFDT a en effet largement contribué à mettre en évidence et à faire connaître ces phénomènes grâce au travail de rechercheaction conduit avec Philippe Bataille et Michel Wieviorka. La lutte contre ces discriminations ne peut relever du seul recours aux dispositions légales existantes. Elle doit impliquer tous les acteurs du monde du travail, les organisations syndicales et les employeurs ainsi que les acteurs œuvrant dans les domaines de l’emploi et de la formation professionnelle. En ce sens, l’annonce d’une table ronde des partenaires sociaux sur ces questions est une idée intéressante, mais il reste encore à préciser comment les choses vont être abordées : est-ce que l’on se dirige vers une sorte de sommet tripartite comme celui qui a eu lieu sur les 35 heures et qui pourrait déboucher sur des engagements concrets, ou plutôt vers un colloque-débat ? Nous avons le sentiment que c’est la deuxième alternative qui va être retenue. Rappelons que la déclaration commune des partenaires sociaux européens sur “la prévention de la discrimination raciale et de la xénophobie et la promotion de l’égalité de traitement sur le lieu de travail”, adoptée en octobre 1995, propose des pistes d’action et de négocia- tion en la matière. Des accords ont déjà été conclus sur la base de cette déclaration dans d’autres pays européens, et c’est cette voie que la CFDT cherchera à privilégier en France, où le patronat est encore trop réticent à aborder ces questions. La ministre de l’Emploi a également souhaité que l’État lui-même soit exemplaire en la matière. Il s’agit aussi d’une préoccupation forte de la CFDT qui, sous réserve d’un examen des dispositions précises qui seront prises, accueille très favorablement le renforcement des dispositifs de formation des fonctionnaires visant à améliorer l’accueil dans les services publics (...). Au total, la CFDT porte une appréciation positive sur l’ensemble des mesures présentées par Martine Aubry. Le gouvernement s’engage ainsi clairement dans le renforcement et l’adaptation du “modèle français d’intégration” ainsi que dans la lutte contre les discriminations. La CFDT veillera donc à ce que cet engagement fort se traduise concrètement dans les actes, les moyens et les dispositifs qu’il faut maintenant mettre en œuvre, tout en soulignant que ces principes et cette volonté doivent concerner l’ensemble des acteurs de la société qui partagent le même attachement aux valeurs de la République, à la citoyenneté et à la démocratie. Michel Caron, secrétaire national CFE-CGC “Il n’est pas souhaitable de créer une hiérarchie entre les discriminations” La ministre de l’Emploi a décidé d’organiser, avec les partenaires sociaux, des experts et des personnalités qualifiées, une table ronde dont l’objet est la lutte contre les discriminations visant plus Supplément INFFO FLASH n° 512 particulièrement les salariés étrangers ou d’origine étrangère. Le but de cette opération est d’obtenir une position consensuelle et une mobilisation collective en faveur d’une meilleure intégration de ces salariés. En l’état actuel de la concertation, les positions exprimées par la CFE-CGC sont les suivantes : • La législation actuelle vise toutes les formes de discrimination et il ne nous paraît pas souhaitable de créer une hiérarchie entre discriminations, qu’elles soient racistes, religieuses, sexistes ou liées au handicap physique. • Nous sommes hostiles au renversement de la charge de la preuve qui incomberait désormais à l’entreprise. Cela autoriserait les procédures abusives et créerait le désordre dans les entreprises. Par contre, il faut améliorer l’application des textes actuels en donnant, par exemple, la possibilité aux syndicats d’ester en justice, en instituant un recours à la médiation ou en donnant plus de pouvoirs d’appréciation aux juges. • Former les syndicalistes en intégrant l’approche psychologique indispensable dans ces problèmes délicats nous paraît une piste intéressante si elle est développée en partenariat avec les organisations syndicales. • Nous sommes très favorables à l’extension du parrainage qui s’adresse à tous les jeunes en difficulté, la preuve étant faite qu’il touche surtout les jeunes étrangers ou d’origine étrangère. De plus, les “jeunes retraités” y voient un moyen d’être utiles en apportant leur contribution à la lutte contre le chômage des jeunes. • Nous restons prudents sur la création d’une obligation annuelle de négocier. Il est vrai que ces problèmes restent difficiles à cerner dans l’entreprise et que, par ailleurs, l’obligation annuelle de négocier prévue par les lois Auroux connaît des fortunes diverses. Ce qui est important, c’est bien la sensibilisation de tous les partenaires sociaux à ce problème de l’intégration. 17 Lutter contre les discriminations • Concernant le suivi de cette politique, la création d’un groupe d’étude sur les discriminations est intéressante. Nous avons suggéré pour notre part que le gouvernement associe le Conseil économique et social à ce suivi. En conclusion, la CFE-CGC estime qu’il y a un réel problème. Elle est prête à s’associer activement à la démarche de sensibilisation indispensable pour faire vivre la législation en vigueur, en excluant toutes mesures excessives qui iraient à l’encontre du but poursuivi et risqueraient de se retourner contre les intéressés. Marie-Jeanne Vidaillet secrétaire nationale CFTC “Faire en sorte que le droit à la différence contribue à la promotion de l’égalité des chances d’intégration” “Les syndicats occupent une place fondamentale et irremplaçable dans la lutte contre les discriminations sur le lieu de travail. Ils sont les premiers moteurs d’intégration au sein de l’entreprise. Mais les syndicats, et parmi eux la CFTC, n’ont pas attendu que le Conseil européen institue une “année européenne de lutte contre la xénophobie et le racisme” pour s’engager dans des actions de lutte contre toute forme de discrimination et notamment sur le lieu de travail. Cette préoccupation a d’ailleurs été consacrée, dans les faits, par l’adoption d’une déclaration commune sur le sujet lors du sommet du dialogue social de Florence du 21 octobre 1995. Depuis, la CFTC participe activement aux travaux de la Confédération européenne des syndicats. Nous avons pu faire les constats suivants : d’une part, les cas de discrimination qui parviennent à nos instances et sur lesquels les délégués ont été appelés à intervenir sont des cas isolés, qui impliquent plus souvent des responsables hiérarchiques que des 18 employeurs ; par contre, dans les PME, un certain nombre d’indicateurs laissent supposer que certaines pratiques discriminatoires s’affichent dès l’embauche et qu’il serait possible de s’y opposer par la voie de la négociation. C’est pourquoi il nous semble que la meilleure façon d’agir consiste à sensibiliser les responsables aux négociations et à la formation à cette question majeure. En termes concrets, cela se traduit, pour notre organisation, par l’instauration, lors des rencontres nationales des responsables régionaux et fédéraux, de débats sur les questions migratoires et sur les comportements dénoncés ici et là comme étant contraires aux principes d’égalité et de non-discrimination consacrés par notre droit fondamental. Dans la presse confédérale, nos dirigeants et militants reçoivent régulière- ment une analyse informative leur rappelant la responsabilité spécifique de la CFTC sur ces questions, compte tenu des principes sociaux chrétiens qu’elle défend et qui lui imposent la reconnaissance des liens fraternels existant entre tous les hommes. Le 46e congrès confédéral de la CFTC a également approuvé une résolution incluant ces préoccupations comme faisant partie intégrante de ses engagements de partenariat social, avec la référence spécifique à la lutte contre toute forme de discrimination par le biais des négociations collectives. La CFTC souhaite donc que la prochaine table ronde des syndicats soit l’occasion de débattre de l’élargissement du champ de la négociation collective à la lutte contre les discriminations au travail, quelles qu’elles soient, sans distinction d’origine, d’âge ou de sexe. L’UNSA : “ROMPRE LA LOI DU SILENCE EST TOUT À FAIT PRIMORDIAL” Dans sa communication du 21 octobre 1998, la ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Martine Aubry, a mis en évidence le fait que le monde du travail, lieu privilégié de l’intégration avec l’école, n’était pas à l’abri de dérives discriminatoires. La crise de l’emploi aidant, ces pratiques inacceptables existent, de façon plus ou moins ouverte, au moment de l’embauche. L’UNSA s’est félicitée de cette prise en compte par les pouvoirs publics d’une question qui, insidieusement, mine le modèle français d’intégration. La CNCDH, dans son rapport 1997, avait elle-même souligné la gravité du phénomène tout en insistant sur la difficulté de l’évaluer avec précision. Les organisations syndicales confédérales sont elles aussi préoccupées, et la CFDT notamment a publié les résultats d’une recherche sur le racisme dans l’entreprise. Le gouvernement semble vouloir s’attaquer sérieusement au problème en associant les acteurs sociaux à sa démarche. L’UNSA s’inscrit complètement dans ce mouvement. En effet, s’il est sans doute possible de rechercher les moyens juridiques ou judiciaires de faire pièce à Supplément INFFO FLASH n° 512 ces comportements, nul doute qu’il faut également s’attaquer aux mentalités taraudées par quelques thèmes distillés dans les esprits par le Front national, comme celui de la préférence nationale. Pour sa part, l’UNSA, sans attendre les incitations des pouvoirs publics, a programmé pour 1999 trois journées d’étude sur les discriminations dans l’entreprise et la nécessité de l’accueil et de l’intégration des travailleurs étrangers dans le monde du travail. Les propositions de Martine Aubry d’aider les organisations syndicales à la formation des syndicalistes sur ce sujet sont bienvenues. L’organisation d’une table ronde l’est également, même si cela ne suffit pas. Rompre la loi du silence est tout à fait primordial. L’affaire est d’autant plus urgente que bien des jeunes qui entendent parler de reprise économique, de créations d’emploi, de croissance relancée, restent de fait sur le bord du chemin à cause de leur “look”, de leur adresse ou de leur nom. Jean-Pierre Valentin secrétaire national Lutter contre les discriminations Nous voulons faire en sorte que le droit à la différence ne se renferme pas dans une quelconque formule de ghettoïsation ethnique mais contribue à la promotion de l’égalité des chances d’intégration dans une société plurielle et solidaire. Il ne faut pas non plus sous-estimer les discriminations qui se manifestent à l’égard des Européens. On privilégie la défense des personnes non ressortissantes de l’Union européenne et on finit par oublier que les étrangers européens sont également victimes de réactions xénophobes dans nos sociétés. Ce sera également pour nous l’occasion de dénoncer cette pratique trop courante de “présélection au faciès” qui prévaut en France et qui consiste, par exemple, à demander aux candidats leur photo avant l’entretien d’embauche. Enfin, nous insisterons pour que les syndicats affichent leur réceptivité à toute plainte formulée par les salariés victimes de discriminations souvent très difficiles à mettre en évidence. Il y a là tout un travail important à mener par les représentants du personnel. Manuel Ferreira-Martins secrétaire confédéral CGT “La lutte contre les discriminations raciales au travail nécessite un immense travail de nos militants” Martine Aubry a annoncé un programme de lutte contre les discriminations raciales au travail. Ceci est le fruit d’une analyse des effets de la discrimination raciale sur l’ensemble de la société. Elle est aussi consécutive à l’engagement plus conséquent et plus médiatisé des syndicats, particulièrement de notre organisation et de la CFDT. Les discriminations raciales affectent tous les aspects de la vie. Il est cependant incontestable que celles concernant le travail et le logement ont des effets plus lourds. Des lois existent pour interdire et punir les pratiques discriminatoires et les attitudes racistes, mais il y a un hiatus entre les lois rigoureuses et les réalités observées. La quasi-inexistence de plaintes et de condamnations ne risque pas de décourager les auteurs ; à l’opposé, elles dissuadent les victimes de toute action en justice. La comparaison est souvent faite avec l’Angleterre ou des milliers de condamnations sont prises chaque année. Cette plus grande efficacité judiciaire ne semble pas y avoir réduit sensiblement les discriminations. L’objectif est-il atteint dans ce cas ? L’autorité administrative indépendante proposée par le HCI n’est pas à négliger mais nous pensons que les moyens institutionnels existent déjà dans notre pays ; il s’agit sans doute de revoir leur compétence ou leurs moyens. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme n’est-elle pas cette instance indépendante ? Les inspecteurs du travail pourraient sensibiliser, concilier, voire dresser procès-verbal à l’égard de pratiques délibérées. La lutte contre ces discriminations seraient plus efficace si, enfin, les compétences des syndicats étaient réellement élargies. Il est indispensable aujourd’hui que ceux-ci puissent aller, au pénal comme au civil, sur des actes de discrimination raciale ou en riposte à des attitudes ou des propos à caractère raciste. L’élément important reste la question de la charge de la preuve. Cependant, inverser totalement la charge de la preuve affaiblirait tout individu. Les tribunaux seraient sûrement surchargés de plaintes et l’efficacité n’en serait pas améliorée. Il reste sans doute à mettre au point une conception comme celle qui prévaut aujourd’hui dans la lutte contre les discriminations sexistes ou la pratique habituelle est recherchée pour conforter le plaignant. Pour autant, tout ne se règle pas par des recours devant les tribunaux. Sans doute faut-il renforcer le Code du travail, qui déjà interdit les discriminations. Les conventions collectives pourraient mieux porter ces questions. Les Supplément INFFO FLASH n° 512 compétences des comités d’entreprise pourraient être élargies. Toutes ces questions ne pourront être traitées efficacement qu’à la condition essentielle de sensibiliser les salariés et de les mobiliser pour la défense des valeurs de solidarité et de leur propre intérêt dans la prise en compte de tous. C’est dans cet esprit que la CGT a conçu sa campagne 1998 contre les discriminations, qui a débuté en mars. L’utilisation massive dans des entreprises ciblées de la “carte témoignage” vise à interpeller, sensibiliser et faire réagir dans une démarche revendicative les salariés contre les discriminations raciales. Engager cette démarche nécessite un immense travail de nos militants. Nous avons à faire reculer parmi certains salariés les idées favorables à la discrimination, et à faire percevoir à d’autres que cela existe dans leur entreprise. Gérard Chemouil collaborateur du bureau confédéral, secteur immigration CGT-FO “Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit…” La France, considérée traditionnellement comme un pays d’immigration, compte une population étrangère représentant environ 6,4 % de la population totale. Le droit à l’immigration est un droit complexe et Force ouvrière l’a affirmé de nombreuses fois : pour réussir à traiter cette situation, les questions d’entrée en France, de lutte contre le racisme et d’intégration doivent être différenciées. Cela nécessite la mise en œuvre de politiques distinctes qui, même si des liens existent entre les trois domaines, doivent utiliser des moyens financiers et des structures d’interventions distinctes. Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 reconnaît à chacun le droit de travailler et d’obtenir un emploi, nul ne pouvant être lésé dans 19 Lutter contre les discriminations son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. En matière de conditions de travail des salariés étrangers, la règle est l’égalité de traitement avec les nationaux. L’Organisation internationale du travail (OIT), dans les conventions 97 et 111, condamne expressément toutes les formes de discriminations dans l’emploi. Le principe d’égalité de traitement, tant en ce qui concerne les conditions de travail que l’embauche, est inscrit dans le Code du travail. Enfin, l’article 225 du Code pénal réprime toute discrimination fondée sur l’origine, la nationalité, la race… Cet arsenal juridique suffit-il à protéger les salariés, ou les futurs salariés, des discriminations sur le marché du travail ? Bien évidemment, la réponse est non ! Notre action devient alors fondamentale dans la défense des intérêts matériels et moraux de l’ensemble des salariés, qu’ils soient Français ou étrangers. FO a vocation naturelle, de par son rôle et ses missions, à lutter contre toutes les discriminations d’où qu’elles viennent et quelles qu’elles soient. Dans ce domaine, il est fréquent que l’importance de l’enjeu fasse oublier les précautions préalables nécessaires, car la question de l’immigration et de la discrimination nous ramène en permanence à un débat de société. Il convient également d’éviter une trop grande spécificité qui entraînerait une stigmatisation pouvant favoriser la discrimination et provoquer ainsi l’effet inverse à l’objectif recherché. Enfin, la nécessaire réaffirmation du modèle républicain qui fait référence à l’égalité doit nous amener aussi à traiter la question de la laïcité. Les solutions qui se fonderaient sur une protection accrue des groupes communautaires ne seraient pas admissibles. Cela impose que nos actions en faveur de la lutte contre les discriminations soient intégrées à l’ensemble de l’action syndicale, et pas seulement cantonnées aux actions spécifiques “en faveur des migrants”. La discrimination n’est pas une opinion, mais un délit. Les actions doivent être claires sur ce point. Il y a pourtant une spécificité de la discrimination raciale qui ne peut se réduire à une sous-catégorie d’un phénomène 20 d’exclusion. Ce n’est pas seulement la lutte contre le racisme dans son ensemble qui importe, mais la lutte au quotidien contre ses manifestations, et notamment dans le monde du travail : que ce soit dans l’emploi ou dans l’accès à l’emploi. Si la France a été décrétée championne du monde de l’intégration, le 12 juillet 1998, à travers un bien bel exploit sportif et si l’intégration par le sport de Zinedine Zidane est devenu l’archétype de l’intégration, il n’en demeure pas moins que l’on ne peut confondre l’intégration par le sport, phénomène ancien et élitiste, avec l’intégration sociale, celle de tous les jours qui se fonde sur l’école, le logement, le travail. L’intégration demeure un processus progressif qui ne se décrète pas, mais qui doit être accompagné par une politique vigoureuse et novatrice. La question de l’intégration est également liée à la manière dont sont gérés les flux migratoires. En effet, si des mesures rendent plus précaires la situation de certains étrangers, c’est leur intégration, et celle de leurs proches, qui est plus difficile à réaliser, l’intégration restant soumise aux jeux médiatiques autour de la question de l’immigration. La place occupée par notre organisation dans les différentes instances telles que le FAS (Fonds d’action sociale), l’OMI (Office des migrations internationales), la CRIPI (Commission régionale pour l’insertion des populations immigrées), le CNIPI (Conseil national pour l’insertion des populations immigrées), la Commission nationale consultative des droits de l’homme, et le combat mené sur le terrain par les militants des UD et des fédérations contre toutes les formes de discriminations sont la meilleure réponse à ceux qui auraient oublié l’article 1er de la déclaration des droits de l’homme qui fête aujourd’hui ses cinquante printemps : “Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit”. Michèle Monrique secrétaire confédérale Supplément INFFO FLASH n° 512 UPA “Avant tout : faire un état des lieux” Il est évidemment du rôle du gouvernement et des partenaires sociaux de tenter de réduire les discriminations raciales dans la vie professionnelle. Il est certes nécessaire de se réunir pour évoquer les mesures qui permettraient de combattre une telle dérive. Mais il me semble qu’avant tout il conviendrait de faire un état des lieux. J’ai conscience de la difficulté de la tâche mais, sans ce diagnostic, il serait particulièrement délicat de trouver les remèdes appropriés. Entre autres réflexions, je pense que l’acquisition d’un enseignement général est un rempart indispensable contre la discrimination. Pour l’étranger, la connaissance de la langue et d’un certain nombre de codes sociaux offre la possibilité de communiquer, de sortir de son isolement, de réduire sa “différence” aux yeux des autres. De même, il convient de lutter contre le déficit de culture générale et l’absence d’avenir professionnel de nombreux jeunes Français. Car les situations d’échec conduisent le plus souvent à l’exclusion. L’Éducation nationale d’abord, certaines filières de formation ensuite doivent progresser dans ce sens. En ce qui concerne l’artisanat, on peut considérer qu’il est un vecteur de promotion sociale dans la mesure où il forme de nombreux apprentis, sans distinction de race, de couleur ou de religion. En leur donnant accès à la maîtrise d’un métier, il offre de bonnes chances de s’insérer professionnellement et de progresser socialement. C’est dans cette perspective que les entreprises artisanales participent à l’intégration. Jean Delmas président de l’UPA Au moment où nous imprimions ce numéro, les réactions de la CGPME et du MEDEF ne nous étaient pas parvenues. Lutter contre les discriminations La mobilisation des acteurs économiques Le parrainage des jeunes ifficile lorsqu’on est jeune, peu qualifié, d’origine étrangère, issu d’un quartier réputé “difficile”, et sans réseau relationnel ouvert sur l’entreprise, de trouver sa place sur le marché du travail. Ces difficultés souvent cumulées exposent aux discriminations - qu’elles soient racistes, d’ordre sexuel, anti-jeunes, ou les trois à la fois - lors de l’embauche ou lorsqu’il s’agit de trouver une formation. La direction de la Population et des Migrations (DPM), la délégation interministérielle à l’Insertion des jeunes (DIIJ), en association avec la délégation générale à l’Emploi et à la For- D mation professionnelle (DGEFP), la délégation interministérielle à la ville (DIV) et la direction de l’action sociale (DAS) ont, dès 1993, mis en œuvre avec le FAS des opérations de parrainage. Ce dispositif consiste à faire accompagner, par des parrains bénévoles, des jeunes âgés de 16 à 25 ans qui rencontrent, dans leur recherche d’emploi, des difficultés d’insertion souvent liées à leur origine étrangère, à leur milieu social, à leur lieu de résidence et à leur faible niveau de qualification. Le parrainage s’étend également de plus en plus aux jeunes diplômés “des quartiers”, puisque le UN DISPOSITIF PUBLIC RÉGIONALISÉ PRÉFECTURE DE RÉGION ■ Coordonne l’action de parrainage avec l’ensemble des mesures favorisant l’accès à l’emploi durable ■ Développe les actions de parrainage dans le cadre du programme régional pour l’emploi des jeunes ■ Recherche de nouveaux partenaires financiers ■ Constitue et préside le comité de pilotage régional DDTEFP ET/OU DDASS ■ Instruisent les projets ■ Examinent leur opportunité et leurs conditions de faisabilité ■ Les transmettent au comité régional de pilotage COMITÉ DE PILOTAGE RÉGIONAL Président préfet de région/ DRTEFP président du conseil régional éventuellement co-président Membres DRASS Correspondant régional politique de la ville auprès du SGAR ● DR FAS ● DR ANPE ● Financeurs publics et privés des projets + représentants DDTEFP et DDASS ■ Lance l’appel à projets ■ Arrête le nombre de projets retenus compte tenu du montant total des financements prévus ■ Sélectionne les projets instruits par DDTEFP et DDASS ■ Décide la reconduction des anciens projets ■ Répartit les projets entre les différents financeurs ■ Suit la mise en œuvre, valide les bilans, évalue les actions ● ● Financeurs publics et privés Convention Projet Structures-supports Source : guide pratique Parrainage pour l’emploi des jeunes (DPM/FAS). Supplément INFFO FLASH n° 512 fait d’être issu et d’habiter dans ces zones réputées difficiles et/ou de porter un nom d’origine étrangère est un facteur d’exclusion du marché du travail, même après des études supérieures. L’organisation du parrainage Ces parrains et marraines, actifs ou retraités, sont regroupés au sein de réseaux. Différents types de structures peuvent être supports de réseaux de parrainage : les missions locales et les permanences d’accueil d’information et d’orientation des jeunes (PAIO), des associations de retraités, des centres de prévention, des centres sociaux, des CFA, des entreprises ou des chambres consulaires, ou encore des collectivités locales. La structure-support peut assurer elle-même le montage complet et la gestion du dispositif, recruter les jeunes à parrainer et constituer son réseau. Elle peut également assurer la coordination de l’ensemble du dispositif et déléguer à une ou deux associations le recrutement des jeunes et la constitution du réseau de parrainage ; elle crée alors une instance partenariale d’animation et de suivi. La structure peut aussi être une structure “ad hoc” créée spécifiquement pour monter et gérer l’action de parrainage. L’acteur central du dispositif du parrainage est le comité de pilotage régional présidé par le préfet de région ou le DRTEFP, qui s’appuie sur les DDTEFP et les directions départementales des Affaires sanitaires et sociales1 (voir ci-contre). Chaque projet bénéficie d’une aide forfaitaire de l’État de 50 000 à 120 000 francs accordée aux organismes supports, en fonction du nombre de jeunes 1) Guide pratique “Parrainage pour l’emploi des jeunes”, Cabinet Le Frene, DPM et FAS. 21 Lutter contre les discriminations L’AFIJ AU PLUS PRÈS DES JEUNES DIPLÔMÉS DES QUARTIERS EN DIFFICULTÉ Son diplôme d’assistante de gestion en poche, Dalila Kaddour se tourne vers l’intérim. Contactée par une agence pour un poste de secrétaire-hôtesse d’accueil, la jeune fille se souvient que son intermédiaire a dû batailler ferme pour convaincre l’entreprise de lui faire passer un entretien. “J’avais déjà deux propositions d’emploi, je n’étais donc pas a priori intéressée par le poste, mais je me suis rendue à l’entretien pour rencontrer cette personne qui ne voulait pas me recevoir, simplement à cause de mon nom”. Les questions très personnelles posées par son interlocutrice lui laissent un goût amer : “Elle voulait savoir où j’habitais, quelle était la profession de mes parents, le nombre de mes frères et sœurs...”. Dalila n’a qu’un regret : ne pas lui avoir dit ce qu’elle pensait. L’AFIJ, l’Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, qu’a sollicitée Dalila à la fin de ses études, peut citer de nombreuses expériences humiliantes comme celle-ci. Elle a décidé d’agir en lançant en 1997 une action expérimentale en faveur des jeunes diplômés des quartiers en difficulté (JDQD) sur trois sites : Marseille, Tours et le Var. L’opération (financée par les fonds déconcentrés pour l’emploi des jeunes, le FAS et des partenaires locaux) se poursuit à Marseille et pourrait s’étendre en 1999 à une dizaine d’autres sites. Autocensure et repli L’objectif est d’apporter à ces jeunes, souvent isolés dans leur quartier, manquant de relations et de repères professionnels, une aide personnalisée dans des lieux relais de l’AFIJ, comme les missions locales, les mairies ou les ANPE. “Ces jeunes ne se perçoivent pas comme des jeunes diplômés, ils sont déphasés”, indique Jérôme Sabatier, le directeur de l’AFIJ PACA. Le plus souvent donc, ils poussent la porte de la mission locale ou de la PAIO de leur quartier, qui les oriente ensuite vers l’AFIJ. À Marseille, c’est Issam Bennaceur qui assure chaque semaine les permanences de l’association dans les missions locales. Si la plupart des jeunes ne mettent pas sur le compte des discriminations leurs difficultés d’accès à l’emploi, nombreux sont ceux qu’il faut 22 “remotiver” lors des entretiens, ou qui “s’autocensurent” dans leurs démarches. “Certains se disent qu’ils n’auront aucune chance dans une banque. D’autres se tournent vers les concours administratifs.” Une autre fois, c’est une jeune fille qui précise en post-scriptum dans sa lettre de candidature : “J’espère que le fait que je sois une personne de couleur ne vous gênera pas...” Ces jeunes sont ainsi souvent tentés de se replier dans leur quartier ou au sein de leur communauté, notamment les jeunes filles : 46 % des jeunes reçus dans le cadre de l’opération indiquent qu’ils ne souhaitent pas quitter leur région. Mal orientés au cours de leur scolarité ou de leurs études, ils mettent également plus de temps que les autres jeunes diplômés à accéder au premier emploi. Une démarche généraliste Le souhait de l’AFIJ est de prendre en compte ces difficultés spécifiques, tout en les inscrivant dans une démarche généraliste : “Avant de voir le jeune issu de l’immigration, nous voyons le jeune diplômé”, insiste Frédérique Lebel, chargée du projet JDQD. Après un premier entretien réalisé à la mission locale, le jeune doit se rendre en centre ville au bureau de l’AFIJ, où il se voit proposer les prestations habituelles : modules de recherche d’emploi, offres de stages et d’emplois, centre de documentation. “La simultanéité du travail individuel et collectif permet aux jeunes de redynamiser leur recherche d’emploi et d’être orientés vers des perspectives correspondant à leur niveau de qualification.” Au terme de l’expérimentation, au printemps 1998, 40 % des cinq cents jeunes suivis avaient accédé à un premier emploi qualifié. Aujourd’hui, l’AFIJ élargit cette action en mettant en place avec la DPM, la DIIJ et la DIV une variante du parrainage : les réseaux d’experts, qui permettront aux jeunes manquant d’informations et de contacts sur un ou plusieurs métiers, de rencontrer des professionnels. Contact : AFIJ, Frédérique Lebel, 28, rue d’Assas, 75006 Paris. Tél. : 01 44 39 74 57. Supplément INFFO FLASH n° 512 parrainés et de l’importance du réseau de parrains constitué (le coût annuel moyen par jeune est évalué à 2 000 francs). Depuis 1994, cette démarche s’est généralisée et amplifiée : en 1997, 13 500 jeunes de moins de 26 ans ont ainsi été accompagnés vers un emploi stable ou une formation qualifiante par quelque 330 réseaux de parrainage (voir le tableau ci-contre). Le gouvernement table sur LE PARRAINAGE DES FEMMES IMMIGRÉES Les étrangères non ressortissantes de l’Union européenne sont particulièrement touchées par le chômage : 37 %, contre 13,2 % pour les Françaises. Pour faciliter leur insertion professionnelle, une expérience de parrainage a été menée, dans le cadre du programme européen NOW, entre 1995 et 1997, par le Comité de liaison pour la promotion des migrants et des publics en difficulté d’insertion (CLP) qui fédère une soixantaine d’organismes de formation. L’objectif était d’accompagner vers l’emploi des femmes de plus de 25 ans en fin de formation, issues de milieux socio-économiques défavorisés, quelles soient Françaises ou étrangères. Cent cinquante femmes ont été parrainées, dont 45 % de femmes immigrées, et le taux d’insertion s’est établi à 60 %. En 1998, un développement de cette expérimentation était prévu. Il devait concerner deux cents femmes et une quinzaine d’organismes. Contact : CLP, 35 rue de Chanzy, 75011 Paris. un effectif de trente mille jeunes parrainés en 1999. Cette action s’articule avec les autres dispositifs d’insertion des jeunes, notamment les emplois-jeunes et le programme TRACE. La démarche du parrainage apparaît bien adaptée pour lutter contre les discriminations à l’embauche. Le bilan de la campagne 1996 a fait apparaître que ce dispositif bénéficie largement aux jeunes d’origine étrangère, puisqu’ils représentent près de 46 % des jeunes parrainés (contre 35 % en 1995) avec de fortes variations selon les régions (60 % en Alsace et 54 % en Ile-deFrance) ou selon les structures qui portent le projet. Les filles sont légère- Lutter contre les discriminations MONTÉE EN CHARGE DU DISPOSITIF Années Régions Projets Jeunes et parrains Financements (en milliers de francs) 1993-1994 5 15 1 000 jeunes 770 parrains 1 011 1994-1995 10 67 3 000 jeunes 1 500 parrains 5 173 1995-1996 14 125 5 000 jeunes 2 000 parrains 8 651 1997 22 330 13 000 jeunes 6 000 parrains 22 700 Source : ministère de l’Emploi et de la Solidarité, direction de la Population et des Migrations. ment majoritaires (52 %), avec là aussi des différences marquées selon les régions. L’efficacité des actions de parrainage se confirme puisque, fin 96, 61,1 % des jeunes avaient trouvé un emploi ou une formation (un emploi stable pour 52,7 % d’entre eux), à l’issue des six ou neuf mois de l’opération. Les régions les plus anciennes dans le dispositif, comme PACA, obtiennent le plus fort taux de conclusion de CDI à l’issue du parrainage. Modifier les comportements LE PARRAINAGE CIBLÉ DE LA MISSION LOCALE DES TROIS VALLÉES “Le parrainage doit s’intégrer dans un processus global. Mal ciblé, il ne fonctionne pas”, met en garde Damien Privat, le directeur de la mission locale des Trois Vallées, située à Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne. À la tête d’un des premiers réseaux de parrainage créé en 1995 et membre du comité de pilotage du dispositif, il insiste sur l’indispensable articulation entre les missions traditionnelles d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement dévolues aux missions locales chargées de l’insertion professionnelle des jeunes, avec deux actions transversales : le travail sur l’employabilité des jeunes et leur insertion sociale. La première action est conduite par le centre d’évaluation professionnelle de la mission locale, composé de deux conseillers emploi, d’un formateur et d’un psychologue du travail. Chaque année, cinq cents jeunes sont évalués sur le plan professionnel et quarante sont parrainés. intra-familiales”, pouvant entraver davantage leur insertion professionnelle que d’autres types de discriminations à l’emploi. La mission locale s’est d’ailleurs engagée dans une réflexion sur la médiation interculturelle ; elle sert de structure pilote au programme expérimental mis en place en Ile-de-France visant à créer des “espaces de socialisation” qui permettraient d’appréhender dans leur globalité les difficultés des jeunes : santé, logement, employabilité, vie quotidienne… Cette réflexion rejoint la deuxième action transversale mise en œuvre par la mission locale qui, grâce à une cellule d’écoute santé, une vingtaine de logements gérés en direct et l’intervention du fonds d’aide aux jeunes pour les plus démunis, s’attache à traiter la situation du jeune dans son ensemble. Du général au particulier L’action s’effectue en étroite collaboration avec le monde de l’entreprise : les parrains sont majoritairement actifs, chefs d’entreprise ou consultants de société de services et d’ingénierie en informatique (SSII). Le parrainage intègre d’ailleurs l’initiation à l’outil informatique. Elle sera bientôt renforcée dans le cadre de la mise en place d’un réseau d’entreprises qui parraineront des jeunes dans le cadre d’un premier stage d’accès à l’emploi. “Sur un taux d’insertion global de 88 %, 63 % des jeunes qui passent par la mission locale trouvent eux-mêmes un emploi. Le parrainage porte sur les 25 % restants : ceux qui rencontrent le plus de difficultés, notamment les jeunes issus de l’immigration”. Damien Privat observe que les jeunes d’origine étrangère - notamment les filles - ont également à gérer des pressions familiales, qu’il qualifie de “discriminations Avec le monde de l’entreprise Contact : Mission locale des Trois Vallées, Damien Privat. Tél. : 01 60 85 00 49. Supplément INFFO FLASH n° 512 Sur le plan qualitatif, le parrainage, qui repose sur la médiation, contribue largement à combattre les éventuels a priori discriminatoires de certains employeurs. Le parrain peut également être informé des difficultés matérielles que rencontre le jeune et qui sont susceptibles de perturber son insertion (problèmes financiers, de logement, de garde d’enfants…). De plus, l’accompagnement durant les premiers mois d’emploi est également un gage d’intégration professionnelle durable. Par ailleurs, indique la DPM, “il a été observé qu’au bout de quelques mois ou de quelques années, le parrainage pouvait modifier au niveau d’un bassin d’emploi le comportement des recruteurs dans les entreprises, grâce à l’établissement d’un partenariat plus étroit entre les missions locales ou les PAIO et les entreprises. Il introduit également une nouvelle approche du recrutement lorsque des structures proches des entreprises montent elles-mêmes des réseaux de parrainage (chambres consulaires, groupements d’employeurs, comités de bassins d’emploi…)”. Le réseau des acteurs économiques Les difficultés de ce dispositif résident dans la recherche de nouveaux parrains. Pour mobiliser les acteurs, l’État a signé plusieurs accords avec des réseaux d’entreprises qui s’engagent à développer le parrainage, comme la FACE, en juillet 1998, ou la fédération des clubs 23 Lutter contre les discriminations LE PARRAINAGE DES APPRENTIS DU BTP Pour mieux cerner l’évolution de la population étrangère au sein du BTP, le Comité central de coordination de l’apprentissage (CCCA-BTP) a engagé, dès 1997, avec le concours de la DPM, deux enquêtes sur les salariés et les apprentis étrangers inscrits dans les quatre-vingt-douze CFA en relation avec lui. Dans le prolongement de ces travaux, le comité a signé, en septembre 1998 pour trois ans avec la DPM, la DIIJ et le FAS, un protocole d’accord sur l’accueil et l’insertion professionnelle des jeunes apprentis rencontrant des difficultés, notamment ceux issus de l’immigration. Une expérience dans six CFA Des actions expérimentales ont été programmées, comme le parrainage de cent quarante apprentis dans six CFA en 1998 et 1999. Il s’agit des établissements de Saint-Denis, Chartres, Perpignan, Le Mans, Antibes et SaintEtienne. “La convention sur le parrainage des apprentis retient trois axes de travail, indique Dominique Marquand, l’une des personnes chargées au CCCA-BTP d’assurer l’appui technique aux CFA : en amont, avant la signature du contrat d’apprentissage, le parrainage vise à aider le jeune à trouver une entreprise ; dans un deuxième temps, il doit permettre de lutter contre les abandons en cours de formation ; après l’obtention du diplôme, il accompagne le jeune vers l’emploi”. Quatre CFA sur les six ont déjà démarré l’opération. Un seul, le CFA de Saint-Denis, travaille sur l’amont de l’apprentissage et les parrains ne se trouvent pas facilement. Deux s’appliquent à lutter contre les abandons en cours de formation : le CFA de Perpignan est à cet égard “le plus avancé”. Seize parrains ont été recrutés et les couples parrains-jeunes devraient se former prochainement. Repérer les difficultés Le parrain, en lien avec le maître d’apprentissage (qui est informé du parrainage de l’apprenti), a pour mission d’accompagner le jeune et de repérer les difficultés qu’il peut rencontrer au cours de sa formation ; il doit aussi détecter d’éventuels problèmes extra-professionnels qui peuvent perturber son insertion dans l’emploi (logement, transport, santé, garde d’enfants...). Il doit ensuite faire remonter ces informations au CFA. De son côté, l’État s’engage à mobiliser sur cette expérimentation le réseau des missions locales et des PAIO. Contact : CCCA-BTP, Dominique Marquand, 19, rue du Père-Corentin, 75680 Paris cedex 14. Tél. : 01 40 64 26 57. Cofinancé par la DPM et le FAS, le guide pratique du parrainage a été réalisé par le Cabinet Le Frene, qui a conduit en 1995 l’évaluation nationale des réseaux de parrainage. Il présente le dispositif en cinq repères-clés et treize fiches-action. Le guide comporte également la circulaire de référence de novembre 1996 et des adresses utiles. Diffusé gratuitement par le service d’information et de documentation de la DPM, 8, avenue de Ségur, 75007 Paris. 24 Supplément INFFO FLASH n° 512 régionaux d’entreprises pépinières pour l’insertion (CREPI), en septembre. Pour développer le parrainage, l’État s’est également associé à une branche professionnelle : le BTP, un des secteurs où les immigrés sont les plus présents. Un accord sur “l’accueil et l’insertion professionnelle des jeunes apprentis rencontrant des difficultés, notamment ceux issus de l’immigration” a été conclu, en septembre 1998 pour trois ans, entre le Comité de coordination de l’apprentissage dans le bâtiment et les travaux publics (CCCABTP), l’organe fédérateur des centres de formation d’apprentis du BTP, le ministère de l’Emploi et le FAS (voir ci-contre). D’autres accords sont en préparation avec le monde de l’entreprise ou des réseaux comme l’AFIJ (l’Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés) et les Compagnons du devoir. Une charte nationale du parrainage En outre, dans les prochaines semaines, une charte nationale du parrainage sera signée par la ministre de l’Emploi et de la Solidarité avec des fédérations d’employeurs, des associations de responsables des ressources humaines et des groupements d’employeurs. L’objectif central de ce document est d’augmenter l’effectif de jeunes parrainés. La charte affirmera quelques principes de base visant à cadrer la démarche des partenaires : bénévolat, solidarité intergénérationnelle, articulation avec l’alternance et l’apprentissage. Les partenaires sollicités devraient à terme autofinancer les réseaux de parrainage. La charte nationale, outre la définition des principes fondamentaux, pourra également concrétiser un engagement réciproque de l’État et des différents partenaires pour lutter contre toutes les formes de discriminations, veiller à ce que toutes les catégories de population aient une égalité de chances dans l’accès ou le retour à l’emploi durable, et développer, dans ce cadre, des réseaux de parrains et marraines bénévoles dont il s’agira d’assurer la formation. Lutter contre les discriminations LES RETRAITÉS, MÉDIATEURS DES JEUNES Il y a quatre ans, une caisse de retraite du sud de la France, la CIRRSE (la Caisse interprofessionnelle de retraite par répartition du Sud-Est), du GroupePrado, a élargi son action sociale au parrainage de jeunes en créant l’association Générations-Solidarités. Aujourd’hui, elle regroupe une cinquantaine de parrains retraités et préretraités situés à Marseille principalement, Cannes, Toulouse, Lyon et Nice. “Notre objectif est d’aider des jeunes souvent très éloignés de l’emploi à s’insérer durablement. En les aidant dans leurs démarches de recherche d’emploi, dans la connaissance d’euxmêmes et des réalités du monde du travail”, indique Annie Bocquet, chargée de coordonner l’action des parrains. L’association recherche avec eux des entreprises et assure leur suivi après l’embauche. L’an dernier près de deux cents jeunes, dont la majorité est issue de l’immigration, ont ainsi été accompagnés. Redonner confiance Avant tout, le rôle du parrain est de rassurer le jeune, de démystifier avec lui le monde du travail en lui faisant partager sa propre expérience. La première rencontre à l’association démarre par une animation Débuter en entreprise : “Nous montrons aux jeunes que s’ils redoutent les entretiens d’em- ✂ bauche, le recruteur lui-même a terriblement peur de se tromper !” “Un parrain nous a également proposé de faire réfléchir les jeunes sur le thème de la réussite : Décrivez un membre de votre entourage qui, à vos yeux, a réussi. Pas Zidane ou une autre idole, mais un proche. On les fait ainsi se concentrer sur des valeurs positives”. Sortir du quartier Mais il ne suffit pas d’avoir eu 20 ans pour comprendre les difficultés que rencontrent ces jeunes. Pour les aider dans leur mission, l’association propose aux parrains des formations régulières. Les retraités viennent d’univers très différents : “Nous essayons de faire en sorte qu’il n’y ait pas que des cadres. Nous avons des ébénistes, des manœuvres, des infirmières, des brancardiers…”. Tous ont conservés des liens avec l’entreprise. Mais surtout, insiste l’animatrice, “il n’y a pas de bons et de mauvais parrains, chacun apporte le meilleur de lui-même”. Un jeune du nord de Marseille qui ne connaissait que son quartier est ainsi parti à la découverte de sa ville avec un chauffeur-livreur. Autre point important : “Nous rencontrons les jeunes en dehors de leur quartier, ils se déplacent au siège de la CIRRSE, situé sur l’avenue du Prado”, un quartier d’affaires de Marseille : fau- teuils en cuir, hôtesses, hommes en cravate, “c’est une certaine représentation du monde du travail qui a son importance”. Une difficulté supplémentaire Les discriminations à l’embauche ? “Les jeunes les redoutent bien sûr, ils savent que c’est une réalité, une difficulté supplémentaire pour ceux qui portent un nom d’origine maghrébine ou qui vivent dans un quartier difficile, mais ils ne peuvent pas non plus expliquer tous leurs échecs par le racisme”. Annie Bocquet reconnaît qu’il arrive aux parrains de ne pas donner le nom d’un jeune avant de le présenter à un DRH et de l’accompagner à l’entretien. Aujourd’hui, l’association a réussi à se constituer des fichiers d’entreprises (plus de deux cents sur les sites de Marseille et Cannes) et des groupes comme Auchan et Casino s’intéressent à elle pour assurer la sélection et le suivi de leurs jeunes en contrats en alternance. En 1999, elle compte étendre son activité au programme TRACE et aux emplois-jeunes à Marseille et Toulouse. Contact : Annie Bocquet, Générations-Solidarité, CIRRSE Groupe-Prado : 485, avenue du Prado, 13008 Marseille. Tél. : 04 91 16 14 26. ABONNEMENT I N F F O F LASH IF 512 M., Mme, Mlle............................................................................................... Tél. : ................................................................ Service .................................................................................................................................................................................... Entreprise ou organisme......................................................................................................................................................... Adresse complète d’expédition ............................................................................................................................................... Ville .............................................................................................................. Code postal /__/__/__/__/__/ Souscrit .............abonnement(s) d’un an au prix de 630 F TTC (TVA 2,1 %). Etranger et Dom-Tom : 843 F franco exonéré. Ci-joint règlement à l’ordre du Centre INFFO par ❐ chèque bancaire ❐ chèque postal Date ................. Signature - Cachet S’il s’agit d’un réabonnement, merci de bien vouloir préciser votre code client /__/__/__/__/__/ à retourner au Centre INFFO, Tour Europe, 92049 Paris-La Défense cedex. Tél. : 01 41 25 22 22 - Télécopie : 01 47 73 74 20. Supplément INFFO FLASH n° 512 25 Lutter contre les discriminations Des expériences d’insertion conduites par les entreprises C souvent à partir de pré’est occupations très concrètes, comme réussir son implantation commerciale dans un quartier où les populations d’origine étrangère dominent, que les entreprises se sentent motivées par une meilleure prise en compte de leur environnement social et territorial. Seules ou rassemblées au sein de réseaux comme la Fondation agir contre l’exclusion (FACE), certaines mènent des actions d’insertion en faveur des jeunes et des demandeurs d’emploi du quartier et parfois, développent au profit de leurs salariés des actions de sensibilisation à la diversité culturelle. L’atout de la diversité L’implantation récente d’un hypermarché Continent à Grand Littoral, dans les quartiers nord de Marseille, où 40 % des habitants sont au chômage et 12 % étrangers, illustre ce type d’engagement. En liaison avec l’ANPE et les acteurs locaux, l’entreprise a pratiqué une démarche de recrutement local prioritaire, qui a permis de proposer 36 % des postes créés aux résidents des quartiers concernés. Pour les salariés venus d’établissements situés dans d’autres régions, où les pratiques alimentaires et les modes de vie sont différents, une information sur la culture du quartier s’est révélée nécessaire. Continent a été accompagné dans cette démarche par la Fondation agir contre l’exclusion qui a proposé, en 1997, un programme de sensibilisation aux cadres de l’hypermarché : “L’idée était de les sensibiliser à la réalité sociale, économique et culturelle de ces quartiers, indique Margaret Johnston-Clarke, chargée des relations extérieures et de la communication de FACE. Certains ont des interrogations sur les religions, d’autres se demandent quels produits ils peuvent vendre ou pas, etc.” Après l’expérimentation conduite avec Continent, la Fondation a élaboré, avec le soutien du FAS, un module-type de deux jours qu’elle proposera aux autres 26 entreprises de son réseau. Ces sessions concerneront des cadres de différentes entreprises du même bassin d’emploi. “Cette sensibilisation doit leur permettre de se familiariser avec la spécificité de ces quartiers afin d’en tenir compte dans leur stratégie de développement”. Réussir son implantation Les franchisés de McDonald’s France ont également intégré le management de la diversité. Quarante restaurants sont situés dans des quartiers urbains classés “sensibles”. “Le franchisé doit devenir un acteur local, il doit s’intégrer au quartier”, précise Véronique Bobin, de la direction des ressources humaines au niveau national. “McDonald’s a pour principe de proposer aux habitants du quartier les postes d’équipiers créés lors de chaque nouvelle implantation : hôtesses, caissiers, employés polyvalents... Ces emplois, à durée indéterminée et à temps partiel, sont particulièrement accessibles aux jeunes des quartiers en difficulté parce qu’ils n’exigent pas de qualification particulière”. Le recrutement des employés s’effectue au plus près du terrain, “systématiquement avec les acteurs locaux (OPHLM, ANPE, FACE, associations de quartier, missions locales...) qui, le cas échéant, s’impliquent avec les fran- FACE À L’EXCLUSION Créée en 1993, la Fondation agir contre l’exclusion est aujourd’hui présente sur l’ensemble du territoire. Plusieurs centaines d’entreprises sont rassemblées au sein de ses quinze clubs, relais locaux créés à la demande d’une ville et dirigés par un chef d’entreprise. La FACE compte parmi ses membres Renault, France Télécom, EDF-GDF et de nombreuses entreprises de la grande distribution, des secteurs du crédit, de la banque, de l’assurance, du tourisme, des loisirs et des transports publics, telles que la RATP et la SNCF. FACE : 48, rue de la Roquette, 75011 Paris. Tél. : 01 49 23 77 77. Supplément INFFO FLASH n° 512 chisés dans une phase de resocialisation et d’insertion préalable”. Cette sélection locale est un gage de sécurité pour le restaurant et favorise son intégration, reconnaît volontiers la direction. Si l’objectif de départ du géant de la restauration rapide est bien commercial, il permet au final de donner une chance d’insertion professionnelle à des jeunes souvent très éloignés de l’emploi. Accompagner vers l’emploi L’enseigne a conduit récemment, avec FACE, deux opérations spécifiques d’accompagnement vers l’emploi de jeunes issus du quartier, à Marseille en 1996, puis dans la zone franche du Faubourg de Béthune à Lille en 1997 : dixsept jeunes entre 18 et 27 ans, majoritairement étrangers ou d’origine étrangère, ont été sélectionnés pour suivre une préformation à la fonction d’équipier. Pendant plusieurs mois, ils ont alterné enseignement des savoirs de base et stages pratiques. Une étude réalisée l’an dernier par la Sofres, à la demande de McDo, sur la situation actuelle des anciens salariés et leur jugement sur les compétences acquises lors de leur passage dans le restaurant fait remonter que 77 % ont trouvé un emploi moins d’un mois après leur départ et 81 % ont trouvé l’expérience utile. Le savoir-faire McDo pourrait même faire école, puisqu’aux dires des anciens, les compétences acquises au sein du fast food s’exportent à près de 70 % dans le secteur des services. Les jeunes diplômés aussi Pour FACE, le parrainage des jeunes des quartiers en difficulté entre aussi dans cette politique de la diversité : “Le cadre d’entreprise qui parraine un jeune l’aide à mieux se connaître, l’oriente dans ses démarches de recherche d’emploi, et l’arme pour affronter le monde économique”, souligne Margaret Johnston-Clarke. Ces actions permettent aux employeurs de découvrir, à cette occasion, des jeunes qu’ils Lutter contre les discriminations n’auraient pas forcément embauchés sans cette expérience. La Fondation s’attache tout particulièrement à suivre l’insertion des jeunes diplômés : “Quand l’un d’entre eux a fait des études supérieures et qu’il ne parvient pas à trouver un emploi, l’effet est désastreux sur son entourage, particulièrement sur les plus jeunes”. En 1998, le réseau des clubs d’entreprises a parrainé quatre cent jeunes diplômés de niveau bac et bac + 2 issus de ces quartiers. Créer des passerelles Pour rapprocher encore davantage les jeunes du monde de l’entreprise, FACE a lancé, il y a trois ans à Vaulx-en-Velin, une expérience de passerelle entre les écoles situées dans des zones d’éducation prioritaire et des entreprises, car “même trouver un stage, pourtant obligatoire dans le cadre de leur cursus scolaire, est extrêmement difficile pour des jeunes habitant ces zones urbaines sensibles”. Une dizaine d’entreprises ont ainsi proposé des stages à des élèves de lycées professionnels et six autres sont intervenues dans des établissements scolaires pour présenter une profession. En 1997, à Lille, dans le cadre d’un programme de découverte des métiers du collège AlbertCamus, des classes ont visité des entreprises, et des salariés sont intervenus devant les élèves. Une autre expérience, toujours à Vaulx-en-Velin, avait pour objectif de rapprocher les étudiants d’un lycée professionnel d’élèves ingénieurs de l’INSA. Comme le souligne Margaret Johnston-Clarke, “souvent, tous travaillent sur la même matière comme la mécanique ou l’électronique. Ces échanges sont l’occasion pour le futur ingénieur de modifier le regard qu’il porte sur les jeunes du lycée, et pour ces derniers c’est également une façon de reprendre confiance en eux, de valoriser leur formation”. La Fondation FACE envisage de développer en 1999 d’autres actions sur la découverte des métiers et la lutte contre l’échec scolaire. Insérer et qualifier À La Redoute, l’accent est également mis sur l’insertion des demandeurs d’emploi de longue durée et les jeunes. Implantée à Roubaix, Tourcoing et Wattrelos, au cœur d’un territoire fortement touché par le chômage, l’entreprise de vente par correspondance mène une politique d’embauche favorisant les habitants de ce bassin d’emploi, dont une majorité est d’origine étrangère. En janvier 1997, le syndicat VPC du Nord et de l’Est de la France a créé un groupement local d’employeurs pour l’insertion par la qualification (GLEIQ), dont La Redoute fait partie aux côtés des 3 Suisses, de la Blanche Porte, de Damart, Vert Baudet et Willemse France. Depuis sa création, le GLEIQ a déjà proposé, avec l’appui de l’ANPE, des contrats de qualification d’un an à cinquante jeunes en grande difficulté d’insertion. Outre des modules de connaissances de base, relations humaines et communication, bureautique, connaissance de l’entreprise, employabilité et citoyenneté, les jeunes effectuent deux séjours de six mois dans une entreprise de VPC. Ils y accomplissent principalement des tâches de manutention et de conditionnement. À l’issue du contrat, ils bénéficient d’un bilan de compétences et reçoivent pendant six mois le soutien d’un conseiller de La Maison des professions de Lille-Marcqen-Barœul1. Identifier les meilleures pratiques Au niveau européen, le réseau des entreprises européenne pour la cohésion sociale (EBNSC), créé en 1995, rassemble une cinquantaine des plus grandes entreprises européennes qui ont choisi de s’engager contre l’exclusion 2. L’un des programmes mis en œuvre par l’EBNSC, avec l’appui de la Commission, appelé “Tirons parti de la différence”, concerne l’insertion des immigrés dans l’emploi. À l’occasion de “l’année européenne de lutte contre le racisme”, un colloque a été organisé pour permettre aux entreprises membres du réseau de confronter leurs expériences. En 1998, l’EBNSC a souhaité que ses représentants dans les différents États approfondissent le travail engagé. Cela se traduit, dans certains pays, par la réalisation d’un guide des bonnes pratiques des entreprises, pour permettre une comparai- Supplément INFFO FLASH n° 512 son au niveau européen et le transfert d’expériences dans le réseau. En France, la FACE et l’association LASAIRE travaillent à ce recensement à partir d’une grille de référence élaborée par un comité technique comprenant la DPM, des représentants de grandes entreprises comme la RATP, EDF-GDF, McDonald’s, et des associations œuvrant dans ce domaine. À la suite de ce travail, deux colloques seront organisés en 1999 permettant l’instauration d’un débat à partir d’actions exemplaires initiées par des L’ADRI TRANSFORMÉE EN GROUPEMENT D’INTÉRÊT PUBLIC Après vingt ans d’activité, l’Agence pour le développement des relations interculturelles (ADRI), a été transformée en groupement d’intérêt public par arrêté interministériel publié au Journal officiel du 21 novembre 1998. Désormais, “l’ADRI devient clairement une institution publique à vocation nationale”, indique son directeur, Luc Gruson. Appelé à travailler en collaboration plus étroite avec la DPM et le FAS, le GIP ADRI gagne de nouveaux partenaires comme les ministères de l’Intérieur, de la Fonction publique qui viennent rejoindre le ministère de la Culture et la DIV, déjà financeurs de l’association. Deux membres fondateurs représentent le monde associatif : le CIEMI et STARTER. Surtout, “la création du GIP a été l’occasion de repréciser les missions de l’ADRI qui sont désormais plus clairement centrées sur l’information et la formation des acteurs de la ville et de l’intégration”. L’ADRI propose au public un centre ressource disposant d’un important fonds documentaire (2 500 ouvrages et 9 000 références bibliographiques), qui produit aussi quatre publications régulières, dont le bimensuel ADRIInfo. L’agence est également centre de formation et propose des sessions sur les thèmes de “la lutte contre la discrimination à l’embauche”, “la connaissance des populations étrangères ou d’origine étrangère”, et la “communication interculturelle”. ADRI, 4, rue René-Villermé, 75011 Paris. Tél. : 01 40 09 69 19. Adri-intégration : http://www.adri.asso.fr entreprises et validées par un comité indépendant. Ces actions seront confrontées aux expériences menées dans les autres pays européens, recensées et validées selon les même critères. 1) La Maison de professions, 40, rue EugèneJacquet, 59708 Marcq-en-Barœul cedex. Tél. : 03 20 99 45 00. 2) Source : DPM, Patrick Aubert, Notes et Documents n° 41 juillet 1998. 27