2 Table ronde Futuribles du 20 mars 2008
En 2008, on peut dire que le Vietnam est
très bien inséré dans son environnement,
notamment depuis que l’ASEAN a instauré
une véritable zone de libre-échange. En
2005, a eu lieu le premier sommet de l’Asie
orientale qui prélude à l’organisation d’une
communauté intégrée réunissant les pays de
cette région du monde. Le Vietnam semble
avoir trouvé pour le moment un équilibre
dans ses relations avec la Chine d’un côté et
les États-Unis de l’autre, et a priori rien ne
peut venir ralentir cette intégration du
Vietnam dans l’aire de puissance qu’est
dorénavant l’Asie orientale.
En effet, le Vietnam présente de nombreux
atouts. Son poids démographique tout
d’abord, de 85 millions d’habitants, en fait
le deuxième pays le plus peuplé de la
région après l’Indonésie, au même rang que
les Philippines. En outre, sa population est
ethniquement homogène (87 % de Kinh),
ce qui est très rare dans cette région du
monde et renforce la cohésion nationale.
L’absence de musulmans dans la
population vietnamienne est également
actuellement un avantage, surtout aux yeux
des États-Unis et dans une période où
l’Islam asiatique se raidit dans les pays
voisins comme la Malaisie, l’Indonésie ou
encore la Thaïlande. Enfin, l’absence de
minorité chinoise au Vietnam due au départ
des Chinois à la fin des années 1970 (lors
de l’attaque de la Chine contre le Vietnam)
peut aussi être considérée comme un atout.
On observe dans tout le reste de l’Asie du
Sud-Est que les communautés chinoises,
souvent importantes en nombre, sont très
dynamiques et contrôlent des pans entiers
de l’économie de leur pays d’accueil. Ce
sont ces communautés qui servent
d’intermédiaires privilégiés dans les
relations avec la Chine, et qui font pro-
gresser les intérêts chinois dans les écono-
mies asiatiques en poussant à une inté-
gration dans l’aire d’influence chinoise.
Face à un tel phénomène, le Vietnam sans
diaspora chinoise paraît bien être le seul
pays capable de résister.
L’un des autres atouts clés du Vietnam est
sa stabilité sociopolitique garantie jusqu’à
présent par la toute-puissance du parti
communiste vietnamien. Cette caractéris-
tique est particulièrement enviable dans une
Asie du Sud-Est où les autres régimes
semblent d’une grande vulnérabilité. De
fait, dans les autres pays de la région, le
pouvoir se partage entre trois pôles : le
monde politique proprement dit, l’armée et
le milieu des affaires. Une telle organi-
sation du pouvoir repose sur des alliances
souvent éphémères, peu stables et qui sont
amenées à changer régulièrement. À l’in-
verse, le système de parti unique vietna-
mien élimine tout pouvoir autonome ;
l’armée, même si elle est très respectée, n’a
pas de marge de manœuvre propre. La
hiérarchie opérationnelle traditionnelle y est
doublée d’une hiérarchie politique parallèle
(les commissaires politiques aux armées)
qui a pour mission, entre autres, de
contrôler étroitement les militaires. De la
même façon, la vie économique et les
milieux d’affaires demeurent sous le
contrôle du parti communiste. En ce sens,
selon la diplomatie américaine, le Vietnam
est le pays le plus stable de la région, c’est
pourquoi il est l’enfant choyé des États-
Unis en Asie du Sud-Est.
Par ailleurs, la situation géographique du
Vietnam peut en faire un point stratégique
de première importance. Passage obligé sur
la route vers le détroit de Malacca, les côtes
du Vietnam sont pour le moment mal
aménagées. Toutefois, un port est actuelle-
ment en construction à Dung Quât, qui
pourrait devenir le seul port en eau pro-
fonde entre Hong Kong et Singapour, et
occuper ainsi une place de premier rang
dans cette zone où le commerce maritime
est l’un des plus denses au monde.
Tous ces atouts ont cependant quelques
limites. La construction de ce port ne peut
avoir de sens que si ce dernier est relié
efficacement à l’arrière-pays vietnamien et
indochinois. À l’heure actuelle, cela reste
peu probable dans la mesure où le réseau de