Plan cancer : Quelles implications pour les infirmières ?

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Les nouvelles de l’AFIC
Plan cancer :
Quelles implications
pour les infirmières ?
Olivia RIBARDIÈRE
Cadre de santé, AFIC
La prévention
A
ujourd’hui en France, plus d’un cancer sur
deux est guéri chez la femme et environ trois
sur quatre chez l’enfant. Pourtant, chaque
année, le cancer tue 150 000 personnes et 280 000 nouveaux cas sont diagnostiqués. En 10 ans, il aura tué
autant que la première guerre mondiale.
C’est pourquoi, le 14 juillet 2002, le Président de la
République, Jacques Chirac, a lancé en France le plan
Cancer. Ce programme s’étale sur cinq années et comporte six grands axes : la prévention, le dépistage, les
soins, l’accompagnement social, la formation et la
recherche. Il prévoit également la création d’un Institut
national du cancer dont la fonction principale est de
coordonner l’ensemble des actions menées dans la lutte
contre le cancer. Son objectif est de diminuer, d’ici 2007,
la mortalité par cancer de 20 %.
Pour se faire, 70 mesures ont été adoptées. Certaines
ont un impact direct sur les infirmières. Afin de comprendre quelles implications ce plan a au niveau infirmier, il convient de reprendre chacun des six grands
chapitres qui le composent.
Bulletin Infirmier du Cancer
Ce chapitre comprend quatre volets : la lutte contre
le tabagisme, la lutte contre l’alcoolisme, la promotion
de l’hygiène alimentaire et la prévention du mélanome.
La lutte contre le tabagisme
Toutes les infirmières ont un rôle à jouer dans la
lutte contre le tabac afin de faire respecter l’interdiction de fumer à l’hôpital, d’encourager les patients à
arrêter de fumer et d’orienter vers les consultations
antitabac ceux qui le souhaitent. Désormais un chapitre tabac sera inclus dans le programme de formation des soignants.
Un rôle plus spécifique est attribué aux infirmières
de médecine du travail (en matière d’information), aux
infirmières de maternité (pour les futurs parents pendant la grossesse et après l’accouchement) et aux infirmières scolaires (pour les campagnes de prévention
et la délivrance de substituts nicotiniques puisqu’elles
sont habilitées à le faire).
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La lutte contre l’alcoolisme
cation plus importante dans la prise en charge de la
douleur, de la fatigue, de la qualité de vie, de la psychologie du patient et de ses proches. Cela passe par
la création d’unités mobiles douleur ou soins palliatifs dans les établissements, par la formation du personnel à la psychosociologie ou encore par l’obtention de diplômes universitaires de soins palliatifs, de
douleur, d’éthique, etc. Il convient toutefois de préciser que tout cela existait déjà avant le plan Cancer
mais que, depuis la mise en œuvre de ce plan, ces
diplômes et formations n’ont toujours pas été reconnus financièrement et statutairement.
Pour ce qui est des infirmières à domicile, le plan
prévoit le développement de l’hospitalisation et de la
chimiothérapie à domicile ainsi que de la surveillance
en postcure. Pour se faire, il suggère une revalorisation de la nomenclature des actes libéraux, ce qui sera
une réelle démarche incitative à l’égard des infirmières
libérales. En revanche, en ce qui concerne la formation des infirmières libérales par rapport aux chimiothérapies, à la prise en charge des effets secondaires
ou à l’utilisation du matériel spécifique comme les
pompes ou les diffuseurs par exemple, rien n’est organisé. À ce jour, la formation des infirmières libérales se
fait gracieusement par le biais des prestataires pour ce
qui est du matériel ; pour le reste, c’est à l’initiative des
infirmières, sur leurs deniers et leur temps personnel.
Par ailleurs, le plan Cancer insiste beaucoup sur
l’information du patient. Dans ce contexte, les infirmières vont être amenées, à terme, à participer aux
programmes personnalisés de soins (PPS) qui correspondent à une sorte de parcours fléché du patient du
début à la fin de sa prise en charge. Elles devront également prendre part au dossier communicant du
patient qui circule auprès de tous les professionnels
devant intervenir dans la prise en charge de celui-ci,
que ce soit à l’hôpital ou au domicile. Pour le moment,
les infirmières n’y ont pas accès mais cela devrait se
faire de façon progressive, notamment à travers les
consultations infirmières dont elles devront rendre
compte dans ces documents. Ces différents points sont
abordés dans les mesures 39 et 40 du chapitre III sur
les soins.
Ensuite, pour répondre à la surcharge des structures de soins, le plan Cancer prévoit de développer
davantage les réseaux, de rendre la spécialité plus
attractive et de redonner du temps aux soignants en
augmentant le personnel proportionnellement aux
Toutes les infirmières se doivent désormais de repérer les buveurs excessifs et d’avoir une démarche de
conseil, d’information et d’orientation à leur égard. Pour
cela, une formation aux repérages précoces de ces personnes sera incluse dans le cursus de formation du personnel soignant.
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La promotion de l’hygiène alimentaire
Ce point concerne principalement les infirmières scolaires ou celles travaillant auprès des enfants (crèches,
protection maternelle et infantile…) afin qu’elles participent aux campagnes de sensibilisation, d’information
et de conseil auprès des enfants et des parents. Cela peut
passer, par exemple, par l’implantation de fontaines à
eau dans les écoles.
La prévention du mélanome
Ce point concerne également toutes les infirmières
qui se doivent d’assurer un repérage lors des soins, une
information, des conseils et de la prévention auprès des
enfants et des adultes.
Le dépistage
Le plan prévoit une sensibilisation de toutes les
infirmières au dépistage du mélanome et à l’information spécifique des femmes à propos de l’importance
du suivi gynécologique.
Les infirmières les plus concernées par cette mesure
sont surtout celles de la médecine du travail, du planning familial et des maternités parce que leur lieu
d’exercice est plus favorable à la circulation des informations sur le dépistage.
Les soins
Ce plan implique que les infirmières apprennent à
travailler davantage en équipe et en réseau avec les
infirmières d’un même établissement, d’unités mobiles
de douleurs ou de soins palliatifs, par exemple les infirmières d’autres établissements et les infirmières
libérales
Mais les infirmières doivent aussi développer leur
capacité de travail en partenariat, que ce soit à l’hôpital ou en ville, avec les médecins, les psychologues,
les kinésithérapeutes, les assistantes sociales, les bénévoles, les associations…
Toutes les infirmières se doivent d’avoir une impliBulletin Infirmier du Cancer
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L’accompagnement social
extensions d’activité. À l’heure actuelle, peu de chose
a été entrepris pour rendre la spécialité plus attractive.
En effet, la spécialisation en cancérologie n’est toujours pas reconnue. Par ailleurs, l’idée d’octroyer
davantage de personnel pour redonner du temps aux
soignants est tout à fait louable ; cependant, la pénurie de personnel, toutes catégories professionnelles
confondues, dans le domaine de la santé est telle que
les quelques mesures prises en ce sens risquent de ne
pas suffire.
Par ailleurs, le plan Cancer a impliqué le développement de nouvelles structures d’accueil pour le
patient : hôpital de jour, hôpital de semaine, hospitalisation à domicile. Ces nouveaux modes de prise en
charge permettent d’améliorer la qualité de vie et le
maintien au domicile des patients. Pour les infirmières,
il induit de nouveaux modes de prise en charge en
termes de gestion du temps, de travail en réseau, de
mutualisation des moyens, de partage des informations, etc. Cela est bénéfique pour tous les acteurs :
pour les patients parce que la prise en charge est plus
adaptée à leurs besoins et pour les infirmières qui ont
ainsi eu l’occasion de repenser leur organisation et de
faire évoluer leurs pratiques.
En outre, les consultations infirmières, les consultations psychologiques et les consultations d’annonce
de diagnostic prévues par le plan Cancer favorisent
l’installation d’une relation de confiance entre le patient
et les soignants. En effet, grâce à ces différentes consultations qui ont lieu en amont, lorsque le patient vient
pour son traitement, il est déjà informé des grandes
lignes de sa prise en charge. Ses questions portent
donc sur des points plus précis et plus personnels.
L’information et la prise en charge psychologique du
patient et de ses proches sont donc de meilleure qualité et cela contribue à dégager du temps utile dans
l’installation d’une relation de confiance entre soignants et soignés.
Grâce à ce plan et aux propos tenus par M. Douste
Blazy en avril 2005, lors de la conférence des ministres
européens de la Santé à Paris, au sujet d’une éventuelle alliance européenne contre le cancer, il est possible d’espérer que, d’ici quelques années (voire
quelques décennies), les infirmières soient amenées
à participer à la rédaction de bonnes pratiques de soins
au niveau européen. Pour cela, il faudrait que l’homogénéisation des pratiques de soins se généralise au
plan local, régional et national.
Bulletin Infirmier du Cancer
Grâce au plan Cancer, les bénévoles et les associations ont accès aux formations professionnelles. Ils
deviennent donc de réels partenaires dans la prise en
charge des patients. Cela devrait non seulement améliorer la qualité de la prise en charge, mais également
faciliter le travail des soignants dans le sens où leur participation peut permettre de dégager du temps aux professionnels de santé. L’accompagnement social passe
donc par la mutualisation des connaissances et le partage avec les bénévoles.
Par ailleurs, les infirmières se doivent d’informer les
patients et leurs proches sur des sujets tels que les arrêts
maladie, les remboursements, la prise en charge de certains dispositifs médicaux et esthétiques comme les perruques, par exemple, ou encore les droits sociaux auxquels les parents d’enfants malades peuvent prétendre
afin de pouvoir être présents auprès de leur enfant
malade durant les traitements.
Le dernier point de ce chapitre concerne la présence
plus régulière des infirmières au domicile avec, à venir,
une réglementation précise en matière de chimiothérapie à domicile (l’Afic participe d’ailleurs activement à
cette démarche).
La formation
Toutes les infirmières recevront au moment de la formation initiale un apport obligatoire sur la prise en
charge du patient atteint de cancer, ce qui sera peut-être
un moyen de rendre la spécialité plus attractive.
Pour les infirmières concernées par la prise en charge
du cancer, le plan prévoit une meilleure accessibilité à
la formation continue en cancérologie. Mais, à l’heure
actuelle, rien de précis ni de concret n’a été entrepris en
ce sens.
Un projet est actuellement à l’étude. Il consiste à juger
de l’opportunité de développer une spécialisation soignante en cancérologie, avec un niveau master, une valorisation et une évaluation des acquis professionnels.
Cela, dans le but de « répondre à la surcharge des médecins par une extension des compétences soignantes ».
L’idée semble bonne mais l’intention est peu valorisante
pour la profession. En effet, il aurait été plus intéressant
que ce projet soit tenu dans le but de proposer une évolution professionnelle intéressante et enrichissante aux
infirmières.
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La recherche
- sur le plan social (regard de la société sur le cancer,
accès des malades aux assurances et aux emprunts bancaires…) ;
- sur le plan professionnel (notamment en matière
de maintien dans l’emploi) ;
- sur le plan familial (aujourd’hui les crèches municipales organisent la garde des enfants pendant le traitement des parents, des établissements comme l’institut
Gustave-Roussy, de Villejuif, proposent des groupes de
paroles pour expliquer aux enfants la maladie de leurs
parents…) ;
- sur le plan psychologique (avec une réelle prise en
charge de cette dimension) ;
- et enfin sur le plan clinique (avec une volonté de
personnaliser les soins et d’améliorer la qualité des prestations).
Tout cela permet, également, une certaine reconnaissance des professionnels qui, il faut le dire, en manquent de plus en plus.
Par ailleurs, ce plan propose de belles opportunités
de partage et d’échange avec différents acteurs.
Mais, surtout, il place le patient au cœur de sa prise
en charge. Il faut savoir que cela correspond à une réelle
volonté politique en France puisque, indépendamment
de ce plan Cancer, un certain nombre de textes de lois
(lois du 4 mars 2002 et du 22 avril 2005) vont justement
en ce sens et octroient aux patients des droits qu’ils
n’avaient pas avant, notamment en matière d’accès à l’information et de pouvoir décisionnel sur les thérapeutiques les concernant.
Ce plan, même s’il est perfectible, représente donc
une belle avancée dans la lutte contre le cancer.
■
Même s’il n’est pas fait mention d’elles dans ce chapitre de la recherche, les infirmières ont un rôle important à y jouer. En effet, il est prévu que, d’ici 2007, au
moins 10 % des patients bénéficient d’essais cliniques.
Mais, qui dit essais cliniques, dit également surveillance,
participation à la rédaction et à l’application des protocoles, etc. Or, qui assure ce rôle, si ce n’est l’infirmière ?
Il est également question dans ce chapitre de développer la recherche en sciences sociales et la recherche
sur l’éducation à la santé. Pour le moment, c’est le parent
pauvre de la recherche, dans le sens où très peu de chose
est fait dans ce domaine. Mais, là encore, les infirmières
n’auraient-elles pas à un rôle à jouer ? Puisqu’il sera
question de qualité de vie et d’éducation à la santé, ne
serait-il pas intéressant de faire appel à des professionnels dont c’est le souci quotidien ?
La non-mention des infirmières dans ce dernier chapitre est pour le moins curieuse : maladresse du législateur ou intention délibérée ?
Quoi qu’il en soit, dans l’ensemble, ce plan accorde
assez peu de place aux infirmières, comme s’il n’osait
ou ne savait pas exploiter leur potentiel. En tout état de
cause, il ne les implique pas suffisamment. Il suffit de
demander à ces dernières ce qu’elles ont constaté comme
changements dans leur activité professionnelle depuis
la mise en place de ce plan, pour constater le faible
impact de ces mesures sur leur quotidien.
Cela dit, ce plan a tout de même le mérite de mettre
en évidence la difficulté que représente la prise en charge
globale du patient :
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