96763 03-6 6/12/06 21:21 Page 3 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Les nouvelles de l’AFIC Plan cancer : Quelles implications pour les infirmières ? Olivia RIBARDIÈRE Cadre de santé, AFIC La prévention A ujourd’hui en France, plus d’un cancer sur deux est guéri chez la femme et environ trois sur quatre chez l’enfant. Pourtant, chaque année, le cancer tue 150 000 personnes et 280 000 nouveaux cas sont diagnostiqués. En 10 ans, il aura tué autant que la première guerre mondiale. C’est pourquoi, le 14 juillet 2002, le Président de la République, Jacques Chirac, a lancé en France le plan Cancer. Ce programme s’étale sur cinq années et comporte six grands axes : la prévention, le dépistage, les soins, l’accompagnement social, la formation et la recherche. Il prévoit également la création d’un Institut national du cancer dont la fonction principale est de coordonner l’ensemble des actions menées dans la lutte contre le cancer. Son objectif est de diminuer, d’ici 2007, la mortalité par cancer de 20 %. Pour se faire, 70 mesures ont été adoptées. Certaines ont un impact direct sur les infirmières. Afin de comprendre quelles implications ce plan a au niveau infirmier, il convient de reprendre chacun des six grands chapitres qui le composent. Bulletin Infirmier du Cancer Ce chapitre comprend quatre volets : la lutte contre le tabagisme, la lutte contre l’alcoolisme, la promotion de l’hygiène alimentaire et la prévention du mélanome. La lutte contre le tabagisme Toutes les infirmières ont un rôle à jouer dans la lutte contre le tabac afin de faire respecter l’interdiction de fumer à l’hôpital, d’encourager les patients à arrêter de fumer et d’orienter vers les consultations antitabac ceux qui le souhaitent. Désormais un chapitre tabac sera inclus dans le programme de formation des soignants. Un rôle plus spécifique est attribué aux infirmières de médecine du travail (en matière d’information), aux infirmières de maternité (pour les futurs parents pendant la grossesse et après l’accouchement) et aux infirmières scolaires (pour les campagnes de prévention et la délivrance de substituts nicotiniques puisqu’elles sont habilitées à le faire). 3 Vol.6-n°2-avril-mai-juin 2006 96763 03-6 6/12/06 21:21 Page 4 Les nouvelles de l’AFIC La lutte contre l’alcoolisme cation plus importante dans la prise en charge de la douleur, de la fatigue, de la qualité de vie, de la psychologie du patient et de ses proches. Cela passe par la création d’unités mobiles douleur ou soins palliatifs dans les établissements, par la formation du personnel à la psychosociologie ou encore par l’obtention de diplômes universitaires de soins palliatifs, de douleur, d’éthique, etc. Il convient toutefois de préciser que tout cela existait déjà avant le plan Cancer mais que, depuis la mise en œuvre de ce plan, ces diplômes et formations n’ont toujours pas été reconnus financièrement et statutairement. Pour ce qui est des infirmières à domicile, le plan prévoit le développement de l’hospitalisation et de la chimiothérapie à domicile ainsi que de la surveillance en postcure. Pour se faire, il suggère une revalorisation de la nomenclature des actes libéraux, ce qui sera une réelle démarche incitative à l’égard des infirmières libérales. En revanche, en ce qui concerne la formation des infirmières libérales par rapport aux chimiothérapies, à la prise en charge des effets secondaires ou à l’utilisation du matériel spécifique comme les pompes ou les diffuseurs par exemple, rien n’est organisé. À ce jour, la formation des infirmières libérales se fait gracieusement par le biais des prestataires pour ce qui est du matériel ; pour le reste, c’est à l’initiative des infirmières, sur leurs deniers et leur temps personnel. Par ailleurs, le plan Cancer insiste beaucoup sur l’information du patient. Dans ce contexte, les infirmières vont être amenées, à terme, à participer aux programmes personnalisés de soins (PPS) qui correspondent à une sorte de parcours fléché du patient du début à la fin de sa prise en charge. Elles devront également prendre part au dossier communicant du patient qui circule auprès de tous les professionnels devant intervenir dans la prise en charge de celui-ci, que ce soit à l’hôpital ou au domicile. Pour le moment, les infirmières n’y ont pas accès mais cela devrait se faire de façon progressive, notamment à travers les consultations infirmières dont elles devront rendre compte dans ces documents. Ces différents points sont abordés dans les mesures 39 et 40 du chapitre III sur les soins. Ensuite, pour répondre à la surcharge des structures de soins, le plan Cancer prévoit de développer davantage les réseaux, de rendre la spécialité plus attractive et de redonner du temps aux soignants en augmentant le personnel proportionnellement aux Toutes les infirmières se doivent désormais de repérer les buveurs excessifs et d’avoir une démarche de conseil, d’information et d’orientation à leur égard. Pour cela, une formation aux repérages précoces de ces personnes sera incluse dans le cursus de formation du personnel soignant. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. La promotion de l’hygiène alimentaire Ce point concerne principalement les infirmières scolaires ou celles travaillant auprès des enfants (crèches, protection maternelle et infantile…) afin qu’elles participent aux campagnes de sensibilisation, d’information et de conseil auprès des enfants et des parents. Cela peut passer, par exemple, par l’implantation de fontaines à eau dans les écoles. La prévention du mélanome Ce point concerne également toutes les infirmières qui se doivent d’assurer un repérage lors des soins, une information, des conseils et de la prévention auprès des enfants et des adultes. Le dépistage Le plan prévoit une sensibilisation de toutes les infirmières au dépistage du mélanome et à l’information spécifique des femmes à propos de l’importance du suivi gynécologique. Les infirmières les plus concernées par cette mesure sont surtout celles de la médecine du travail, du planning familial et des maternités parce que leur lieu d’exercice est plus favorable à la circulation des informations sur le dépistage. Les soins Ce plan implique que les infirmières apprennent à travailler davantage en équipe et en réseau avec les infirmières d’un même établissement, d’unités mobiles de douleurs ou de soins palliatifs, par exemple les infirmières d’autres établissements et les infirmières libérales Mais les infirmières doivent aussi développer leur capacité de travail en partenariat, que ce soit à l’hôpital ou en ville, avec les médecins, les psychologues, les kinésithérapeutes, les assistantes sociales, les bénévoles, les associations… Toutes les infirmières se doivent d’avoir une impliBulletin Infirmier du Cancer 4 Vol.6-n°2-avril-mai-juin 2006 96763 03-6 6/12/06 21:21 Page 5 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Les nouvelles de l’AFIC L’accompagnement social extensions d’activité. À l’heure actuelle, peu de chose a été entrepris pour rendre la spécialité plus attractive. En effet, la spécialisation en cancérologie n’est toujours pas reconnue. Par ailleurs, l’idée d’octroyer davantage de personnel pour redonner du temps aux soignants est tout à fait louable ; cependant, la pénurie de personnel, toutes catégories professionnelles confondues, dans le domaine de la santé est telle que les quelques mesures prises en ce sens risquent de ne pas suffire. Par ailleurs, le plan Cancer a impliqué le développement de nouvelles structures d’accueil pour le patient : hôpital de jour, hôpital de semaine, hospitalisation à domicile. Ces nouveaux modes de prise en charge permettent d’améliorer la qualité de vie et le maintien au domicile des patients. Pour les infirmières, il induit de nouveaux modes de prise en charge en termes de gestion du temps, de travail en réseau, de mutualisation des moyens, de partage des informations, etc. Cela est bénéfique pour tous les acteurs : pour les patients parce que la prise en charge est plus adaptée à leurs besoins et pour les infirmières qui ont ainsi eu l’occasion de repenser leur organisation et de faire évoluer leurs pratiques. En outre, les consultations infirmières, les consultations psychologiques et les consultations d’annonce de diagnostic prévues par le plan Cancer favorisent l’installation d’une relation de confiance entre le patient et les soignants. En effet, grâce à ces différentes consultations qui ont lieu en amont, lorsque le patient vient pour son traitement, il est déjà informé des grandes lignes de sa prise en charge. Ses questions portent donc sur des points plus précis et plus personnels. L’information et la prise en charge psychologique du patient et de ses proches sont donc de meilleure qualité et cela contribue à dégager du temps utile dans l’installation d’une relation de confiance entre soignants et soignés. Grâce à ce plan et aux propos tenus par M. Douste Blazy en avril 2005, lors de la conférence des ministres européens de la Santé à Paris, au sujet d’une éventuelle alliance européenne contre le cancer, il est possible d’espérer que, d’ici quelques années (voire quelques décennies), les infirmières soient amenées à participer à la rédaction de bonnes pratiques de soins au niveau européen. Pour cela, il faudrait que l’homogénéisation des pratiques de soins se généralise au plan local, régional et national. Bulletin Infirmier du Cancer Grâce au plan Cancer, les bénévoles et les associations ont accès aux formations professionnelles. Ils deviennent donc de réels partenaires dans la prise en charge des patients. Cela devrait non seulement améliorer la qualité de la prise en charge, mais également faciliter le travail des soignants dans le sens où leur participation peut permettre de dégager du temps aux professionnels de santé. L’accompagnement social passe donc par la mutualisation des connaissances et le partage avec les bénévoles. Par ailleurs, les infirmières se doivent d’informer les patients et leurs proches sur des sujets tels que les arrêts maladie, les remboursements, la prise en charge de certains dispositifs médicaux et esthétiques comme les perruques, par exemple, ou encore les droits sociaux auxquels les parents d’enfants malades peuvent prétendre afin de pouvoir être présents auprès de leur enfant malade durant les traitements. Le dernier point de ce chapitre concerne la présence plus régulière des infirmières au domicile avec, à venir, une réglementation précise en matière de chimiothérapie à domicile (l’Afic participe d’ailleurs activement à cette démarche). La formation Toutes les infirmières recevront au moment de la formation initiale un apport obligatoire sur la prise en charge du patient atteint de cancer, ce qui sera peut-être un moyen de rendre la spécialité plus attractive. Pour les infirmières concernées par la prise en charge du cancer, le plan prévoit une meilleure accessibilité à la formation continue en cancérologie. Mais, à l’heure actuelle, rien de précis ni de concret n’a été entrepris en ce sens. Un projet est actuellement à l’étude. Il consiste à juger de l’opportunité de développer une spécialisation soignante en cancérologie, avec un niveau master, une valorisation et une évaluation des acquis professionnels. Cela, dans le but de « répondre à la surcharge des médecins par une extension des compétences soignantes ». L’idée semble bonne mais l’intention est peu valorisante pour la profession. En effet, il aurait été plus intéressant que ce projet soit tenu dans le but de proposer une évolution professionnelle intéressante et enrichissante aux infirmières. 5 Vol.6-n°2-avril-mai-juin 2006 96763 03-6 6/12/06 21:21 Page 6 Les nouvelles de l’AFIC Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. La recherche - sur le plan social (regard de la société sur le cancer, accès des malades aux assurances et aux emprunts bancaires…) ; - sur le plan professionnel (notamment en matière de maintien dans l’emploi) ; - sur le plan familial (aujourd’hui les crèches municipales organisent la garde des enfants pendant le traitement des parents, des établissements comme l’institut Gustave-Roussy, de Villejuif, proposent des groupes de paroles pour expliquer aux enfants la maladie de leurs parents…) ; - sur le plan psychologique (avec une réelle prise en charge de cette dimension) ; - et enfin sur le plan clinique (avec une volonté de personnaliser les soins et d’améliorer la qualité des prestations). Tout cela permet, également, une certaine reconnaissance des professionnels qui, il faut le dire, en manquent de plus en plus. Par ailleurs, ce plan propose de belles opportunités de partage et d’échange avec différents acteurs. Mais, surtout, il place le patient au cœur de sa prise en charge. Il faut savoir que cela correspond à une réelle volonté politique en France puisque, indépendamment de ce plan Cancer, un certain nombre de textes de lois (lois du 4 mars 2002 et du 22 avril 2005) vont justement en ce sens et octroient aux patients des droits qu’ils n’avaient pas avant, notamment en matière d’accès à l’information et de pouvoir décisionnel sur les thérapeutiques les concernant. Ce plan, même s’il est perfectible, représente donc une belle avancée dans la lutte contre le cancer. ■ Même s’il n’est pas fait mention d’elles dans ce chapitre de la recherche, les infirmières ont un rôle important à y jouer. En effet, il est prévu que, d’ici 2007, au moins 10 % des patients bénéficient d’essais cliniques. Mais, qui dit essais cliniques, dit également surveillance, participation à la rédaction et à l’application des protocoles, etc. Or, qui assure ce rôle, si ce n’est l’infirmière ? Il est également question dans ce chapitre de développer la recherche en sciences sociales et la recherche sur l’éducation à la santé. Pour le moment, c’est le parent pauvre de la recherche, dans le sens où très peu de chose est fait dans ce domaine. Mais, là encore, les infirmières n’auraient-elles pas à un rôle à jouer ? Puisqu’il sera question de qualité de vie et d’éducation à la santé, ne serait-il pas intéressant de faire appel à des professionnels dont c’est le souci quotidien ? La non-mention des infirmières dans ce dernier chapitre est pour le moins curieuse : maladresse du législateur ou intention délibérée ? Quoi qu’il en soit, dans l’ensemble, ce plan accorde assez peu de place aux infirmières, comme s’il n’osait ou ne savait pas exploiter leur potentiel. En tout état de cause, il ne les implique pas suffisamment. Il suffit de demander à ces dernières ce qu’elles ont constaté comme changements dans leur activité professionnelle depuis la mise en place de ce plan, pour constater le faible impact de ces mesures sur leur quotidien. Cela dit, ce plan a tout de même le mérite de mettre en évidence la difficulté que représente la prise en charge globale du patient : Bulletin Infirmier du Cancer 6 Vol.6-n°2-avril-mai-juin 2006