JLBesson – Financement des entreprises
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soit qu'elles n'y parviennent pas et restent petites à l'âge "adulte", soit qu'elles
n'essaient plus de grandir dès qu'elles produisent un revenu suffisant à
l'entrepreneur : "Not at all firms are structured financially in anticipation of
following a path from inception to IPO" remarquent Berger et Udell (1998). Ce
n'est qu'à l'entreprise de croissance que s'applique leur "financial growth cycle" :
au fur et à mesure qu'elle grandit en âge, en taille, se diversifie, produit et diffuse
davantage d'information, l'entreprise fait ses preuves, les actifs immatériels
engendrent des actifs matériels observables, l'asymétrie d'information diminue
ainsi que la nécessité du financement interne (inside finance). Le financement
externe (outside finance) s'ouvre, d'abord hors marché, auprès de spécialistes du
capital-risque, ensuite sur un marché de gré à gré (private market) et, si la
croissance va jusqu'à l'apothéose de l'IPO, sur des marchés publics (public
market).
Loin de ce schéma, dans le commerce de détail et l'artisanat (industriel ou
serviciel), on trouve une multitude d'entreprises qui resteront petites car le
changement d'échelle en modifierait le modèle organisationnel de manière non
désirée par l'entrepreneur. On parle de "mom & pop companies" pour désigner les
micro-entreprises familiales. On parle aussi de "life style ventures" pour désigner
celles qui ont pour fonction d'offrir à l'entrepreneur un travail indépendant et/ou la
satisfaction fructueuse d'un hobby. Ces entreprises, souvent sans salarié, n'ont pas
vocation à grandir car cela en bouleverserait le quotidien, renforcerait les
contraintes légales, obligerait à ouvrir le capital, changer de style de direction et
de comportement stratégique.
Quant aux entreprises qui croissent, elles ne visent pas toutes la taille
maximale. La taille atteinte à l'âge "adulte" (lui-même difficile à spécifier) traduit
un complexe mélange d'éléments environnementaux (le marché, pour faire bref) et
d'éléments comportementaux (l'entrepreneur, pour faire bref) qui concourent à
fixer la taille finale.
La métaphore organique (croissance et vieillissement) est trompeuse : si un
enfant grandit naturellement, une entreprise doit se battre pour le faire. Il s'ensuit
que sa taille est, en partie, une question de choix. Aussi la pyramide des tailles
n'est-elle pas la photographie d'un processus de sélection naturelle. Mais, s'il est
erroné de conceptualiser de la même manière toutes les PME, l'approche
empirique ne peut pas distinguer, ex ante, entre les jeunes entreprises et les
petites entreprises ou, pour le dire autrement, entre les entreprises qui sont
"petites" parce qu'elles sont jeunes et celles qui, adultes, sont restées petites ou
moyennes. Ce n'est qu'a posteriori qu'on saura si une jeune entreprise a survécu, a
crû et jusqu'où ! Par elle-même, la taille entraîne certains problèmes qui sont
alors communs aux "jeunes" et aux "petites" mais, pour les premières, ce sont des
problèmes transitoires qui s'inscrivent dans une dynamique alors que, pour les
secondes, ce sont des données structurelles. Il s'ensuit une multitude de
différences :