Financement des
entreprises
Cours
Prof. Jean-Louis BESSON
Sommaire
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CH 5. Le
financement des
PME.
Nous terminons cette présentation du financement des entreprises par la
problématique du "small business finance", aussi intéressante sur le plan théorique
(imperfection des marchés) que sur le plan pratique puisque le plus grand nombre
des entreprises sont des PME : en Europe (EEE + Suisse), les 2/3 des personnes
occupées travaillent dans des entreprises de ce type.
Sur des marchés parfaits, PME et GE auraient accès au financement dans les
meilleures conditions. En réalité, non seulement les marchés financiers sont
fermés à la plupart des PME mais encore elles se plaignent la plupart du temps de
manquer de financement bancaire ou de se voir proposer des conditions trop
dures. Récemment, on a parlé de "rationnement du crédit" et cité des entreprises
étranglées par leur banque qui, du jour au lendemain, annulait des lignes de crédit
ou exigeait des garanties invraisemblables.
Un financement insuffisant briderait la croissance des PME, et même leur
activité. Ce serait un problème pour les entrepreneurs mais aussi, compte tenu de
l'importance des PME dans le tissu économique, un problème macro : la
production, l'emploi, le revenu national et le taux de croissance à long terme
seraient alors au-dessous du potentiel.
La question se pose à cause de la faible taille du bilan et de l'opacité
informationnelle des PME. La section 1 étudie les preuves en faveur de l'existence
d'une contrainte financière. La section 2 analyse la relation entre opacité
informationnelle et financement.
1. Y-a-t-il une contrainte financière ?
Ce sera le cas si l'on peut mettre en évidence empiriquement une
discrimination entre les GE et les PME au niveau de l'accès au financement et/ou
des conditions de financement. Un tel test n'est pas simple (§1.2) car les termes de
la question sont eux-mêmes problématiques (§1.1).
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1.1. Difficultés d'analyse
Le financement des PME constitue un programme de recherche difficile pour
trois raisons principales : la première concerne l'objet (la contrainte financière), la
seconde son analyse (les données), la troisième le sujet (les PME) :
a) La contrainte financière
Que les PME supportent des conditions de crédit qu'elles jugent (ou déclarent)
trop dures n'implique pas qu'elles soient discriminées. Nous l'avons vu, le prix
doit payer le risque. Si le risque anticipé est élevé, il demande une prime de risque
qui ne plaît pas à celui qui la paye, surtout si dernier pense que le risque est
moindre sans pouvoir convaincre (asymétrie d'information).
A priori, accorder du financement à une PME expose à des risques spécifiques
en raison des lacunes de l'information disponible et la vulnérabilité de l'entreprise.
Un risque plus élevé entraîne un coût plus élevé (auquel s'ajoutent les frais fixes
de tout financement qui pèsent d'autant plus que le montant est plus faible).
Mais, quoique le risque individuel d'une PME soit plus élevé que celui d'une
GE, on sait que l'exposition au risque (même inconnu) diminue par
diversification : un pool de 500m de crédits PME n'est pas plus risqué qu'un pool
de crédits GE d'un montant équivalent. Dans ce cas, le crédit aux PME ne justifie
pas de surcoût lorsqu'il n'est pas accordé dans un cadre de finance directe
(investisseur totalement exposé au risque) mais dans un cadre d'intermédiation :
une institution financière distribue des crédits à une multitude de PME et détient
donc un portefeuille de crédits PME diversifié. Allons plus loin : un tel
portefeuille est moins risqué qu'un portefeuille égal de crédits GE car les
corrélations au sein d'un pool de crédits PME diversifiés sont plus faibles qu'au
sein du pool de crédits GE et le risque agrégé moindre. En effet, les PME
présentent un risque spécifique (idiosyncrasique) élevé pour plusieurs raisons :
- le capital humain inobservable (et en particulier la dépendance à
l'entrepreneur) est un facteur fondamental de la performance et donc de la valeur
d'une PME ;
- l'activité est habituellement spécialisée, voire limitée à une niche ;
- le nombre de fournisseurs et de clients est réduit.
Toutefois, même si le risque du crédit aux PME est égal ou inférieur à celui
du crédit aux GE, il n'en va pas de même du coût du risque car la perte probable
ne dépend pas seulement des probabilités de défaut et de leur corrélation, mais
aussi du taux de recouvrement prévisible dans cette hypothèse. Comme les PME
ont une plus faible base en capital et offrent moins de collatéral que les GE, le
taux de recouvrement attendu est inférieur et la perte probable plus grande.
Ainsi, finalement, une prime PME est acceptable, quoique mal acceptée : la
négociation PME/ banque a des aspects "pot de terre" vs "pot de fer" et se conduit
"du faible au fort", ce qui alimente les comportements de guérilla et les actions
collectives (lobbying et/ou pression électorale) pour réclamer aux pouvoirs
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publics, soit de faire pression sur les banques, soit de subventionner les crédits ou
de mettre en place des dispositifs préférentiels. La pression financière ressentie
par les PME ne prouve pas la contrainte financière.
b) Les données
Quelle est la structure financière des PME ? S'écarte-t-elle significativement de
celle des grandes entreprises ? Les différences dans la composition des bilans
attestent-elles une contrainte financière ? Le matériel empirique utilisable pour
répondre à ces questions pose lui-même problème :
- la structure financière effective des PME est difficile à observer à cause de la
multitude d'entreprises et de leur hétérogénéité : "a typical SME does not exist" et
les écarts au sein d'une classe de taille apparaissent plus importants que les écarts
entre classes. Par exemple, les entreprises high growth-high risk et low growth-
low risk n'ont rien de comparable et les premières obtiennent assez facilement du
financement, même en capital ;
- compte tenu du caractère personnel de la propriété du capital, de
l'entrelacement entre l'entreprise et l'entrepreneur qui va jusqu'à leur fusion pour
les owner-managers, c'est le bilan agrégé entreprise/entrepreneur qu'il faudrait
considérer et il n'y a pas de données là-dessus.
Si l'opacité informationnelle est, nous le verrons, la cause principale des
difficultés de financement, c'est aussi celle des difficultés de son analyse. La
comptabilité est souvent rudimentaire, l'information stratégique et financière
absente, surtout pour les plus petites entreprises ne recourant pas au crédit
("financièrement autarciques"). Les bases de données, même de dimension
colossale, ne couvrent pas tout le champ et restent limitées à l'industrie (comme la
base européenne AMADEUS) ou aux entreprises actives dans le crédit
commercial (bases des assureurs-crédits). L'observation directe des conditions
financières et des informations détenues par les banques est impraticable. On en
est donc réduit à des bases de données incomplètes ou biaisées, d'une part, et,
d'autre part, à des enquêtes difficiles à interpréter.
c) La notion de PME
La notion de PME elle-même n'a pas de contenu conceptuel : "small business"
(PME) est une notion indéfinie. La qualification statistique est habituellement
basée sur les effectifs qui sont des données facilement observables mais pas
toujours significatives. Mais surtout, la notion de PME renvoie indistinctement à
la taille et à l'âge de l'entreprise, c'est-à-dire à la fois à la statique et à la
dynamique.
Si toutes les PME étaient dans une dynamique de croissance, on pourrait
approximer l'âge par la taille. Les grandes entreprises ont souvent commencé
"petites" et ont "grandi". Dans les petites entreprises d'aujourd'hui se trouvent les
germes de quelques unes des futures grandes. Mais "quelques unes" seulement :
un très grand nombre de petites entreprises ne grandiront pas ou grandiront peu,
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soit qu'elles n'y parviennent pas et restent petites à l'âge "adulte", soit qu'elles
n'essaient plus de grandir dès qu'elles produisent un revenu suffisant à
l'entrepreneur : "Not at all firms are structured financially in anticipation of
following a path from inception to IPO" remarquent Berger et Udell (1998). Ce
n'est qu'à l'entreprise de croissance que s'applique leur "financial growth cycle" :
au fur et à mesure qu'elle grandit en âge, en taille, se diversifie, produit et diffuse
davantage d'information, l'entreprise fait ses preuves, les actifs immatériels
engendrent des actifs matériels observables, l'asymétrie d'information diminue
ainsi que la nécessité du financement interne (inside finance). Le financement
externe (outside finance) s'ouvre, d'abord hors marché, auprès de spécialistes du
capital-risque, ensuite sur un marché de gré à gré (private market) et, si la
croissance va jusqu'à l'apothéose de l'IPO, sur des marchés publics (public
market).
Loin de ce schéma, dans le commerce de détail et l'artisanat (industriel ou
serviciel), on trouve une multitude d'entreprises qui resteront petites car le
changement d'échelle en modifierait le modèle organisationnel de manière non
désirée par l'entrepreneur. On parle de "mom & pop companies" pour désigner les
micro-entreprises familiales. On parle aussi de "life style ventures" pour désigner
celles qui ont pour fonction d'offrir à l'entrepreneur un travail indépendant et/ou la
satisfaction fructueuse d'un hobby. Ces entreprises, souvent sans salarié, n'ont pas
vocation à grandir car cela en bouleverserait le quotidien, renforcerait les
contraintes légales, obligerait à ouvrir le capital, changer de style de direction et
de comportement stratégique.
Quant aux entreprises qui croissent, elles ne visent pas toutes la taille
maximale. La taille atteinte à l'âge "adulte" (lui-même difficile à spécifier) traduit
un complexe mélange d'éléments environnementaux (le marché, pour faire bref) et
d'éléments comportementaux (l'entrepreneur, pour faire bref) qui concourent à
fixer la taille finale.
La métaphore organique (croissance et vieillissement) est trompeuse : si un
enfant grandit naturellement, une entreprise doit se battre pour le faire. Il s'ensuit
que sa taille est, en partie, une question de choix. Aussi la pyramide des tailles
n'est-elle pas la photographie d'un processus de sélection naturelle. Mais, s'il est
erroné de conceptualiser de la même manière toutes les PME, l'approche
empirique ne peut pas distinguer, ex ante, entre les jeunes entreprises et les
petites entreprises ou, pour le dire autrement, entre les entreprises qui sont
"petites" parce qu'elles sont jeunes et celles qui, adultes, sont restées petites ou
moyennes. Ce n'est qu'a posteriori qu'on saura si une jeune entreprise a survécu, a
crû et jusqu'où ! Par elle-même, la taille entraîne certains problèmes qui sont
alors communs aux "jeunes" et aux "petites" mais, pour les premières, ce sont des
problèmes transitoires qui s'inscrivent dans une dynamique alors que, pour les
secondes, ce sont des données structurelles. Il s'ensuit une multitude de
différences :
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