1 - Bibliothèque Numérique Marocaine

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F~VRIER
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1949
•
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Bulletin d'Information
des Troupes du Maroc
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Chronique culturelle
_
Présence du Maréchal Lyautey
7
Etudescénéraies
Le Pacifique (fin), par le Chef d'Escadron d'Artillerie Coloniale Baubeau
13
L'Angleterre et le Moyen-Orient
33
Le Kenya, par le Capitaine Conreaux
62
Chnnique de l'Islam
Essai d'introduction à l'étude des confréries religieuses islamiques, par le Général P. J. André
75
Le problème musulman en U.R.S.S.
81
La page de la S.M.
Chronique économique
La faiblesse de la produCtivité en France
Les ports marocains
97
]01
Chronique sportive
_
Le championnat de tennis des T.M.
129
Chnniquemilitaire
3 me R.E.!. et 1er RTM.
_
Les beaux faits d'armes -
,
\' La piste et le bordj de l'Oukaïmedem ..
ARMÉE-NATION
.
La crue de l'Oued Sebou
135
-
Le 2 me R.T.M. pendant les opérations de mai 1944 en Italie
145
L'action en France, par le Chef de Bataillon Garbuccia .
156
Le 4 me R.T.M. a exploré les profondeurs du Fruighato
160
Promotions au cours des Affaires Indigènes du Maroc ..
165
Mariages,
167
1
133
138
Carnet
Bibliographie
Naissances,
Décès
1.
.A
NOS
LECTEURS
Pour des raisons d'ordre financier, le Bulletin d'Information
des Troupes du Maroc, cesse de para~tre sous sa forme actuelle avec
je présent numéro.
I! sera remplacé, à partir du 1er avril 1949, par un Bulletin
Mensuel de 16 pages dans lequel seront signalés. sous forme
d'analyses sucdntes, les articles les plus intéressants publiés par les
Revues diverses. Il contiendra en outre une Chronique spo'rtive et
une Chronique des événements militaires marquants survenus au
Maroc.
Ainsi le Bulletin des Troupes du Maroc, sous sa forme nouvelle,
restera un organe d'information et de Ijal~on en même temps qu'un
guide pour les officiers qui désirent suivre l'évolution des grands
problèmes actuels.
Chronique culturelle
fCréfence
cUl
008 reproduisuu, ni-op"" UI.le cil'eulaire du Maréehal. Lyautey. préCédée. d'ulle
leI 11'<' d'envoi signée de Sil main, L'une et l'autre sonl datées du 25 octobre HH7.
N
Les deux documenls sont saisissan ts. Ce n'esl pas qu'ils Iraitent de sujets
d'une importance décisive à un moment, où la France s'essoufle dans son effort
gigantesque et où le Commissaire Résident général au Maroc esl en droit de se
demander si son œuvre, m'aintenue à bout de bras depuis trois ans, résistera à une défail.
lance de la Métropole.
Non, il s'agit du mieux être de la troupe, de son confort physique et moral. Le
merveilleux précisément est de voir que le soldat de génil', humanist.e de la grande tracli·
lion. estime qu'il n'est pas nécessaire de disposer de puissants moyens matériels et de la
quiétude du temps de paix pour ac('ompli.r des travaux qui peuvent paraître humbles
mais qui, à ses yeux, ont une grande valeur pl~rce qu'ils touchent au moral de l'Homme.
Une fois de plus il agit en précurseur. Nous avons t.ous connu jusqu'en 30 la cantine el le cantinier; quinze ans plus tôt, le Maréchal Lyautey organise des «Foye.rs du
Soldat» auxquels il veut donner tout de sui te une allure de elubs. Le mastroquel à fins
commerciales est remplacé par un véritable centre culturel qui doit être l'œuvre des chefs
militaires eux-mêmes. à tous les éehelons.
El il n'hésite pas à entl'er dans le détail! On senl qu'il « voit» la chose, qu'il l'a
pensée el qu'il entend bien n'être pas trahi dans l'exécution de ses ordres. Il va jusqu'il
préciser où el eommenl on peut se procurer des livres...
Le tout dllns un slyle inimitable, e1air, précis, -dired, à l'image exae!e de l'holllme, Nous sommes fort loin du palhos administl'atif. On voit dans ces conditions comlllenl
le « papier» peut devenir une invite impérative à l'action. AvanL-projets, états 'J'. modèles-lypes et gabarits en prennent pour leur grade.
On serait. volontiers saisi d'une certaine npslalgic il la leelure de nes lexles vigoureux. La leçon d'il y a trente ans vaut tou jours...
-8Au Q.G. de RABAT, le 9 novembre 1917.
Résidence Générale au Maroc
CABINET MILITAIRE
NO
Le Général de Division LYAUTEY,
Commissaire Résident Général de France au Maroc,
Commandant en Chef,
4.383 C.M.
à MM. les Généraux Commandant les Subdivisions
de FES, MEKNES, MARRAKECH, TAZA,
les Colonels Commandant les Subdivisions de
RABAT, CASABLANCA, OUDJDA,
les Colonels Commandant les Territoires de
BOU-DENIE, TADLA ZAIAN
,.
"~
En VOLtS. envoyant la note circulaire ci-jointe,
{appelle sur cHe votre particulière attention.
Ce qUie je demande, 'c'est qu'elle ne tO,mbe pas
dans le gouffre des circulaires ql.l" on lit, qu:on
classe et dont on ne s'occupe plus ou mollmnent.
Je demande aussi qu'elle ne se trouve pas
paralysée 'par l'automatisme des transmissions
hiérarch'iques et de l'esprit ad;ministratif, mais
que cela d)evienne quelque chos·e de vivant, de
personnel, de souple et d'essentiellement variable selon les gens, les lieux et les modalités et
qu'avant tout, cela ne tombe pas dans le domaine des projets, avants-projets, états T.,modèles-types et gabarits.
...
Je demande au:r Gommandants de Régions de
s'y intéresser comme moiJmême, de prendre la
chose à cœur et de vraiment intéresser chacun,
du haut en bas, à la réalisation la plus pratique, la plus simple et Za îP~us rapide.
1
Signé : LYAUTEY.
Pour copie conforme :
Le Chef de Bataillon, Chef du Cabinet
Militaire :
Signé : Illisible.
.J
A M. le Colonel Directeur du Service des Renseignements, à titre d'information.
-9Résidence Générale de France
au Maroc
CABINET MILITAIRE
NOTE CIRCULAIRE
N° 4.030 C.M.
Dans plusieurs places j3t postes du Maroc,
I~squels représentent pOUl' les troupes en opéra-
tlûns les seuls cantonnements de repos, les efforts les plus louables ont déjà été faits pour
l'installation de « Foyers du Soldat », salles de
réunion et de lecture pour les sous-officiers et
la troupe.
Ces organisations sont à généraliser et à
développer.
Si, en France, leur nécessité s'est imposée;
elle s'impose bien davantage encore en pays
colonial.
IEn France, l'homme trouve sur place les
délassements et les ressources, il a le bénéfice
des permissions fréquentes et, très souvent, de
la proximité de sa famille.
Ici, il est entièrement privé de toute détente.
C'est dans les postes su;rtout où la vie est si
rude et l'isolement. si sévère que cette privation
se fait le ,plus sentir.
La qualité du recl'utement impose davan. tage encore l'obligation d'assurer aux troupes
européennes les ressources de lecture et de délassement, qu'il s'agisse soit de nos cad;res de
choix, des jeunes soldats recrùtés au Maroc, ·des
engagés volontaires et paeticulièrement des territoriaux et des réservistes dont la guerre a fait
la majorité de nos hroupes européennes. Ceuxci surtout sont d'àge, de condition et d'habitudes
auxquels des distractions grossières ne sauraient
suffire et la lecture, la détente intellectuelle, leur
sont indispensables.
Je désire donc voir dans chaque poste, si
réduit qu'il soit, dès lors qu'il comporte un
effectif eUlf'opéen, installer un lieu de réunion,
de lecture et de repos, aussi bien ,pour les sousofficiers que pour la troupe. Je regarde qu'il
s'agit là -d'une véritable allocation que nous devons à nos troupes au même titre que la nourriture, le couo:hage et l'ablution.
Ces installations compodent d'ailleurs les
~odalités les plus diverses, essentiellement varlables selon l'importance des garnisons, les
ressources et les moyens locaux, le caractère
défiQ,itif ou provisoirè des postes.
Elles peuvent être très simples, pourvu
qu'elles so~ent.
Il ne s'agit pas ici de preVISIOns sur les
états T, de constructions à longue échéance, de
projets grandioses qui ne se réalisent jamais ou
très tardivement parce que trop importants et
trop onéreux.
C'est l'écueil sur lequel on échoue le plus
souvent quand des questions de cet ordre se
posent.
C'est ici que « le mieux est l'ennemi du
bien », je l'ai trop souvent constaté.
Ce qui importe c'est que les Commandants
de Régions, de Groupes Mobiles, de Cercles, de
Postes, d'Unités, soient absolument pénétrés de
la nécessité, de l'efficacité et de l'urgence de ces
installations et les veuillent et alors ils arriveront
toujours à les réaliser.
Et voici les dia'ectives
Un local, petit ou vaste, selon l'importance
de la garnison, mais toujours proportionné à
son effectif, de façon que les hommes ne s'y entassent pas comme dans une boîte à mouches
et ne soient pas forcés de n'y venir que successivement.
Devant ce lo('al, un espace libre, aménageable en jardin, pour que la « réunion »puisse
se faire aussi hien en plein air qu'à l'intérieur.
En conséquence, choisir toujours le local
à une extrémité de hal'aqlle pour qu'il ne fasse
qu'un avec la réunion extérieure, ou dans une
haraque isolée.
Choisi,r l'emplacement d'où la vue est la
plus agréable ct « délassante », ce qui est un facteur de repos moral et de détente inappréciable.
Que le local soit largement éclairé avec des
haies supplémentaires sans craindre, comme il
arrive trop souvent, de rompre la symétrie du
bâtiment.
Ne jamais juxtaposer les lieux de réunion
des sous-officiers et de la troupe pour laisser
aux uns et aux autres toute liberté d:allure et
de palf'oles sans inconvénients pour la discipline.
Dès que l'importance du poste ou de la
. garnison le comporte, prévoir deux compartiments distincts, l'un pour la lecture et l'écriture
avec la bibliothèque, l'autre pour la «réunion»
les jeux, le «cercle ». Rien n'est odieux pour le~
10 -
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gens qui veulent lire ou écrire tranquillement
comme d'êlil.'e dans la salle où l'on joue el, cause.
Dès qu'on jette le plan du premier établissement d'un poste, prévoir immédiatement
l'emplacement de cette installation et ne pas
attendre le nioment où, tout élant déjà encombré, on ne peut plus la faine que dans les en·
droits sacrifiés. Cela a déjà été compris et réalisé dans certains postes nouveaux où j'en ai
exprimé toute ma satisfaction.
Voilà pour le contenant.
Pour le contenu, des livres d'abord et des
publications. Je préconise les abonnements qui
ont l'avantage de se renouveler automatiquement et d'êtJ:1e d'actualité.
Varier le choix des livres de façon à sortir
du roman -cie hasse qualité pt avoir des ouvrages de honne littérature, d'enseignement économique et pratique que tant d'hommes apprécieront.
Constituer un lot de .publications eoncelrnant le Maroc, et de cartes qu'on mettra au mur.
Ceci est d'un intérêt eapital pour heaucoup
d'hommes qui, amenés au Maro(~, s'y intéressent, désirent savoir cr qui s'y fait, en connaitre les ressources et peut-être s'y fixer.
Pour la constitution de ces hihliothèques,
les Cam mandants de Régions, de Cercles, dt>,
Postes, d'Cnités, peuvent s'adresser direetement
aux Sociétés de la Croix-Rouge qui ont de lairges ressourees. à la Société « Franklin », spécialement destinée à la diffusion de livres dans
les bihliothèques populaires et militaires (écrire
à I~L Koechlin, 32, quai de Béthune à Paris), aux
bibliothèques privées de Rabat et de Casablanca,
à celles de la Direction de l'Enseignem'ent et aux
grandes librairies.
lVIais, je les invite surtout à s'adresser à la
Résidence générale (Cahinet Civil), où est organisé un Service de Centralisation pour la répartition et l'envoi de livres et documents et qui
se met notamment en mesure de fournir les publieations et cartes concernant le Maroc.
Pour les jeux, les Sociétés de la CroixRouge et le Cabinet Civil du Résident général.
En ce qui concerne les ressources supplémentaires nécessaires pour le mobilier, le ma-
tériel et l'ornementation, il appartient en principe aux Commandants de Réglons de faire
appel à leurs divers Services pour les constituer,
ce qui, avec de l'ingéniosité et du goût, n'est
pas diffieiIe, mais iei encore, je me tiens à leur
disposition pour répondre à leurs demandes pal'
l'intermédiaÏire du Cabinet Civil qui les centralisera et les dirigera sur les divers services militaires et civils pouvant aider à leur réalisation.
Le moyen pratique d'aboutir, c'est de ehargel' de ces installations, dans chaque place,
camp ou poste, un personnel spécial, un offieier,
un sous-officier, un homme de troupe non pns
quelconques, mais partieulièrement dégourdis,
ayant le goût et le sens des installations. Ils
existent toujours, il s'agit de les trouver, de leur
laisser heaucoup d'initiative en tirant paTti de
l'esPrit dl'émulation, de l'amour-propre et du
désir de faire œuvre personnelle qui sont toujours le meilleur stimulant de toute réalisation
que glaee et paralyse l'aetion administrative et
hiérarchiqu~e.
Tout ee que je viens de dire s'ftppliqup à
fortiori aux « Réunions d'Offieieirs ».
Je termine par une conelusion qui pourra
paraître un paradoxe, mais qui estï'expression
de ma profonde conviction. J'estime que dans
la plupart des cas, ces loeaux et emplacements
extérieurs de lI'éunion doivent être les premiers
installés. Au eours de la construction d'un poste.
période longue et ingrate, l'homIne couche plus
ou moins longtemps sous sa tente ou dans drs
ab~is provisoires ; mais, dès le début, pendant
les travaux, alors même qu'on est dans la période des précautions militaires les plus intenses et de défense, il trouve un lieu de réunion
avenant et dégagé où il se délasse, se ressaisit
el réagit contre le « caf'ard ». qui est le premier
ennemi à combattre dans les postes isolés.
Fait au Quartier Général à Fès,
le 25 octobre 1917.
Le Génèral de Divi$ion LYAUTEY,
Commissaire R~sident général de France
au Maroc, Commandant en Chef.
Signé : LYAUTEY.
Etudes générales
...
,
LE PACIFIQUE
fin
d
d
QUATRIEME PARTIE
Pf\CIFIQUE DEPUIS lf\ GUEf\f\E
INTRODUCTION
1
Fin 1943, la lutte continuait acharnée
dans le monde. Mais, en Extrême-Orient, le danger immédiat écarté des Indes, les Alliés solidelllent appuyés au système « Australie, NouvelIe~
Zélande, Mélanésie », se préparaient à l'offensi.ve.
Au Caire, à la même époque, durant les derniers jours de novembre, le Président Roosevelt
et le premier Ministre W. Churchill promettaient
au Maréchal Tchang Kaï Tchek le retour à la
Chine après la victoire, de tous les territoires arrachés par le Japon.
C'était quelque peu faire fi des intérêts soviétiques. Et si, à Téhéran, en décembre 1943, les
Anglo-saxons et les Russes ne traitaient que du
front de l'Ouest, par contre, au début de 1945 (1),
à Yalta, en l'absence de la Chine et de la France,
Ils établissaient un protocole englobant toutes les
questions (2) posées dans le monde par la guerre,
Sa liquidation et, notamment, par le cas japonais.
C'est ainsi que l'U.R.S.S. promettait d'intervenir avec ses armes en Extrême-Orient, sous les
conditions SUIvantes:
maintien du « statu quo» en Mongolie
0.
-
~térieure' (3)
-
rétablissement des droits russes violés par
«perfide» du 'Ja\po'll en '1904; cest-
~'agression
a-dire:
a) retour à l'U.R.S.S. de la partie méridionale
Ue l'île Sakhaline et des îles avoisinantes;
b) ,internationalisation de Dairen et garantie
<les intérêts prioritaires soviétiques, rétablissement
du bail de Port-Arthur c.omme base navale russe;
c) exploitation en commun avec la Chine des
Chemins de fer de l'Est chinois <C.E.R.) et du Sud
Mandchourien <S.M.R'); création d'une société Si"
no-soviétique, garantie des intérêts russes et de la
souveraineté chinoise.
remise à l'U.R.S.S. des îles Kouril,es.
Les revendications devront recevoir une satisfaction iuoonditionnelle et le Président Roosevelt
se chargera d'obtenir l accord du Maréchal Tchang
Kaï Tchek. Dé son côté, la Russie s'engage à 'con·
clure avec la Chil\e un pacte d'amitIé et d'alliance.
Les accords <le Yalta portaient donc en germe
les grandes lignes de, la politique alliée actuelle
en Extrême-Orient et au Pacifique.
2°. - Le 5 avril 1945, le pacte de non-agression entre l'U.R.S.S. et le Japon est dénoncé. Les
évènements se précipitent. La pieuvre nipponne
a dû replier presque toutes ses tentacules sur ses
îles métropolitaines.
Et, le 26 juillet, de 'Postdam, partait le fameux
ultimatum signé <le MM. Roosevelt et Churchill,
et approuvé par Tchang Kaï Tchek.
Il disait en substance :
« Les forces alliées venues de l'Ouest sont prê~
tes à écraser le Japon et l'exemple de l'Allemagne
montre que cet écrasement est obligatoire.»
Le temps est donc venu pour l'Empire Nippon
de se débarrasser de ses conseillers militaires et
de choisir entre l'anéantissement et la voie <le la
raison.
(1) 11 février 1945.
(2) O.N.D. territoires sous tutelle; Europe libérée, Allemagne; réparations; frontières; criminjJIs de guerre. Europe
du Sud-Est; etc...
(3) République Populaire de Mongolie; Cf B.I.T.M. nl 7.
-14Voici les conditiQns définitives
autorité des chefs actuels japonais éliminée pour toujours (4);
occupation du territoire japonais (5);
exécution des décisions du Caire et, notamment, limitation de la souveraineté nipponne
aux îles métropolitaines (6) ;
désarmement et retour des forces ennemies
au Japon;
,
poursuite des criminels de guerre;
instauration d'un gouvernement démocratique;
conservation d'une industrie nécessaire à
l'économie du Japon en vue de satisfaire de justes
réparations; accès - mais non contrôle - aux matières premières (7);
- retrait des forces alliées tous objectifs précédents atteints; en particulier installation d'un
gouvernement nippon responsable, dém.ocratique
et pacifique.
Cet ultimatum. se terminait ainsi :
« Nous sommons le gouvernement Japonais de
proclamer dès maintenant la reddition in<\onditionnelle de toutes les fol"ooS armées Japonaisés et de
fournir les assurances appropriées et adéquates de
bonne foi en l'occurrenQe ».
A défaut de quoi, le Japon ne peut enlv~sagier
qu'une destruction totale et complète.
3°. -
,, .
Le Japon repoussait l'ultimatum.
Le 5 août, la ville d'Hiroshima était écrasée
par une bombe étomique (8), le 8, c'était le tour
de Nagasaki.
Le 10, l'ennemi acceptait les conditions, les
Alliés donnaient leur réponse le 11 et, dès le 14 à
minuit, Messieurs Truman et Attlee annonçaient
tous deux à la Radio la capitulation Japonaise.
Le lendemain, le Général Mac Arthur ordonnait le « Cessez le feu» aux Nippons et leur prescrivait l'envoi à Manille d'un émissaire qui recevrait les instructions alliées.
Enfin, le 2 septembre, il acceptait, en tant que
Commandant en Chef des Forces Alliées, la reddition inconditionnell.e.
4°. - La lutte terminée, seuls les intérêts de
chacun des Alliés allaient, tout comme en Europe,
dicter la politique nouvelle.
Pour la Chine, c'était la défense de son intégrité territoriale.
Pour l'U.R.S.S., le rétablissement dans ses
droits anciens de 1904.
Pour les Etats-Unis, le retour à la politique rie
1'« Open Door », la porte ouverte.
Quant à la Grande-Bretagne, suivie, après quelques hésitations, par les Dominions du Pacifique,
elle se décidait, certaines précautions prises, à emboîter le pas derrière les Américains. L'objectif principal allait encore, comme par
le passé, rester la conquête du marché chinois.
Mais l'un des candidats les plus sérieux -Ile Japon - a disparu, remplacé par les deux « colosses»
des temps présents. Ils ne pouvaient que se heurter.
5°. - Parallèlement, un fait nouveau d'une
importance capitale apparaissait, tant au Pa~i­
que que dans l'Asie du 'Sud-Est: la crise du système colonial et la marche irrésistible des colonies
vers leur émancipation. Ces terres qui paraissent
si lointaines il. l'Européen, immenses réservoirs
d'hommes en effervescence, virent naître un peu
partoLAt des aspIrations plus ou moms nationalistes. La propagande nipponne pour la « Plus grande
Asie» portait ses fruits 'et l'on. peut se demander
devant les difficultés quèrencontrent, depuis plus
de deux ans, les· Blancs parmiJes Jaunes, si, dans
le fond, le Japonais ne continue pas sa guerre. Les
séquelles de son passage existent encore un peu
partout:
D'un autre côté, la Charte de l'Atlantique de
1941 a solennellement proclamé le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et (ce qui en est la
condition de base), le libre accès de tous aux matières premières, En 1944, à la Conférence de Philadelphie, les Nations-Unies demandaient que « toute politique destinée aux territoires dépendants»
teflde, en premier lieu, au bien être et au développement ds habitants de ces territoires. Enfin, si h
Confrérence de San Francisco repoussait le principe de l'internationalisation des colonîes, elle précisait le caractère de primauté des intérêts des
autochtones et la nécessité, pour ks f;tats responsables de fournir périodiquement au Secrétariat
Général de l'O.N.U. tous renseignements utiles sur
les progrès des pays coloniaux. En outre, un contrôle plus effectif était étendu sur les territoires
sous mandat par la création du Conseil de Tutelle
de l'O.N.U.; ce fut l'innovation du trustee-ship.
'Presqu'à la même époque, les mouvements de
libération dite nationale éclataient aux Indes, en
Lnd.ochine, en Indonésie, en Birmanie, en Malaisie,
entraînant un recul certain de la France, de la Hollan~ et de la Grande-Bretagne; au même moment,
les U.S.A., par l'occupation du Japon et de la Corée
Méridionale maintenaient le flot russe tout en assurant à l'Ou·"st du Pacifique un départ solide de
leurs lignes <le communication vers les « bords
blancs» du Grand Océan.
.
De son côté, l'U.R.S.S., depuis l'arrêt des hostilités a (tout comme en Europe Occidentale) pris
constamment position en s'appuyant sur les « contrats» passés durant la guerre. Téhéran, Yalta,
Potsdam, San Francisco. C'est aimi qu'elle devait
formellement observer ce qu'elle considérait comme
une acceptation tacite de la répartition du monde
en zones d'influet1J<lel du tem!ps de guerre. Mais l'on
peut se demander, à l'heure actuelle, si cette position ne constitue pas pour elle, notamment en
Extrême-Orient, un minimum. Après avoir consolidé sa domination effective sur le continent eurasien, ne se prépare-t-elle pas à une « action ouverte» en favorisant quasi-officiellement l'évolution
de foyers progressistes sur les bords occidentaux
du Pacifique, sapant ainSi l'œuvre des nations d'o~
bédience non-communiste ?
(4) L'instauration d'un ordre nouveau exige en effet que
tout militarisme frresponsàble soit chassé du monde.
(5) Jusqu'au moment pù l'ordre nouveau "sera instauré.
(1\) Honshu; Hokkaidb; Kyushu; Shikoku et « d'autres
petites Iles .à déterminer ».
(7) Dans l'avenir, la par.ticipation du Japon au commerce
international est envisagée.
(8) « Une bombe d'un modèlenouv~u » tels furent les
termes du communiqué japonais.
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... =..:-=:-=~~:~
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.._----
-- 15-Il
CHAPITRE l
.
1
LIGNES OFFICIELLES DE LA POLITIQUE INTERALLIÉE D'APRÈS GUERRE
La commission d'Extrême-Orient
1
Issue des conversations tenues en août
1945, une Commission consultative d'Extrême-Orient
formulait dès le mois d'octobre, à Washington, des
({ recommandatIOnS» afin de <léfinir les principes
et les règles de la politique propre à imposer au
Japon une exécution correcte des conditions de la
re<ldition.
Elle était composée de représentants de toutes
les nations alliées intéressées au Pacifique, sauf
l'U.R.S.S.; cette dernière n'admettait pas, en effet,
son caractère pJrement consultatif.
Quoiqu'il. en soit, cette commission gagnait le
Japon en décembre 1945.
C'est à cette époque qu'à Moscou, afin de pertnettre une plus large participation alliée au contrôle du pays durant l'occupation, l'on prenait la
décision de créer la Oommission d'Ex,trêmp-Orient.
Elle se réunissaîf pour la première fois en février 1946, à Washington, son siège normal.
Lors de la séance d'ouverture, M. Byrnes déclarait entre autres: «La paix a'.1 Pacifique est la
pierre angulaIre essentielle à une structure stable
du mond'e. C'est pourquoi la tâche d'amener le JaPon à un état d'association pacifique avec d'autres
nations est particulièrement importante. C'est à
vous qu'elle Incombe à présent ».
Parallèlement, un Conseil: Allié (1) avec son
Siège à Tokio, était mis sur pied dans le but de
({ consulter et conseiller le Commandant en Chef
Suprème à propos de l'exécution des conditions de
la reddition, de l'occupation et du contrôle du Japon
et des directives complémentaires s'y rapportant ».
0
•
-
2". - La Commission d'ExtrênJjè-Orient était
fractionnée en un certain nombre de -Comités. C'étaient, en dehors du Comité de DirelCtion, responsable de l'organisation du travail et de la coordinati.on, ceux:
des réparations;
des affaires économiques et financières;
de la réforme constitutionnelle et légale;
du renforcement des tendances démocratiques;
des CrIminels de guerre;
des étrangers aù Japon;
du désarmement au Japon.
3
Il est vrai que, depuis trois ans, cet organistne international a atteint certains résultats,
:mais ils ne concernent que le Japon ou ses anCIennes possessions. Son unique mission était d'évit-""r
que l'Empire Nippon puisse redevenir une menace
Pour la paix et, de ce fait, elle n'est pas intervenue
d,ans les conflits qui ensanglantaient d'autres par·
ties de l'Extrême-Orient.
0
•
-
Elle a donc installé un gouvernement démocratique et pacifique à T,okio sous l'obédience du
Général Mac Arthur.
Très vite, dès mars 1946, la première chambre
des Représentants de la Diète Japonaise était élue
Le 6 du même mois, la vieille constitution de Meiji,
datant de 1889 et d'apparence« faussement libérale»
était annulée, et un projet de constitütion publié.
Il était révisé un an après. Des syndicats étaien'
créés.
Sur le plan des réparations en nature, le « Zaibatzu »), monopole industriel et financier, était dissous; les usines étaient sélectionnées, c'est-à-dire:
saisies, détruites ,ou maintenues; les biens transférés au titre des réparations étaient livrés, de même, les biens pillés ou confisqués sur territoire Japonais étaient restitués (2),
Le problème économique nippon était, en outrè,
étudié dans des conditions qui ne plurent aucunement à certaines ~s onze nations sIègeant à cette
cOlllmission. Notam,ment une crise devait naitre et
mounr à ce sujet entre la Grande-Bretagne et quelques-uns de ses Dominions. Quoiqu'il en soit, l'on
fixait en fonction des besoins le niveau de l'industrie japonaise â son taux de 1930-1934; l'on créait
un Office interallié du Commer'ce pour le Japon
chargé, en particulier, de fixer la source des importations et la d(cstillaHon des exportations; l'on étudiait le ravitaillement du pays et l'on organisait
des contrôles économiques à court terme.
Enfin, après avoir décrété que les originaires de
Fo,rmose et de Gorée ne seraient plus Japonais,
après avoir- confisqué les biens des criminels de
guerre, l'on terminait le désarmement du pays et
l'on interdisait « sine die» toute activité dans les
recherches touchant à l'é~ergie nucIéaire.
4
Certes, les résultats ne sont donc pas négligeabl<es.
Certes, il importait sans délai de s'attacher à
résoudre certaines questions premières touchant le
Japon. Son effondrement, en effet, venait de pro"
voquer en Extrême-Orient un déséquilibre des forces et de l'économie accompagné de secousses et -de
failles qui durent encore.
Mais, il aurait peut-être été bon, sous le paravant d'une politiqüe soit disant interalliée, de garder la bonne foi qui consiste à dire: ma politique.
e'est la mienne. Et l'on ne .,peut que s'étonner de
voir le point d'application de cette commission rester si obstinément fixe au Japon, alors que, d'ores
et déjà, des ébranlements;' plus ou moins sérieux
0
•
-
( 1) Président : Commandant en Chef suprême ou son
adjoint - Membres : Chine, U.R.S.S. et un reorésentant commun à Ill. Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle Zélande et
l'Inde.
(2) Sur ce point on ne peut en dire autant concernant
les territoires occupés par le Japon.
.,
~
l'
16 naissent un peu partout dans cet immense théâtre
de l'Asie et du Pacifique.
Certains, sans doute, constituent des séquelles
du passage et de l'occupation nipponne, mais d'autres, souvent plus violents, découlent de nouvelles
sources d'énergie sourdement entreten'.les. Ils ont
causé, à leur tour, et causent toujours ruines et
morts.
Combien d'entre eux, en autre, ont été réglés
par la Commission d'Extrême-Orient ?
En 1945, l'action de Soekarno en Indonésie;
le projet Wawell aux Indes; l'action Viet Minh en
Indochine; l'action des forces communistes chinoises;
En 1946, la proclamation de l'indépendance
des !Philippines; le conflit franco-siamois;
- En 1947, les premières élections birmanes,
le « trustee ship» américain sur les îles du Pacifique; la création d'une ligue pour l'Asie du SudEst;
- En 1948, la proclamati.on de l'indépendance
birmane; les incidents sanglants de Malaisie.
Autant d'évènements d'importance première
échappant entièrement au contrôle de cette Commission.
Les raisons, on le verra tout à l'heure, sont sans
doute nombreuses. Parmi les meilleures, il faut citer le profond désir des puissances directement intéressées de régler seules leurs problèmes, 1'aide
aè certains partenaires, parfois des pl us puissants,
ne pouvant que leur paraître dangereuse.
En dernière analyse et compte tenu du fait que
le Général Mac Arthur est le véritable « empereur»
du Japon, l'on assiste à l'impuissance d'une Commission internationale incapable d'élargir le cadre
.étriqué du débat et d'intervenir dans les multiples
conflits qui ravagent ces pays.
Ce n'est ni neuf ni spécial à l'Extrême-Orient
et au Pacifique.
Quelques acteurs nouveaux, mais le jeu reste
le même.
CHAPITRE
A - Introduction
1o. - L'évolution de la situation en Chine depuis l'effondrement du Japon est dominée par les
décisions prises à Yalta en février 1945.
Les accords se traduisaient, en dernière analyse, par la reconnaissance de l'Etat d'obédience
communiste instauré par l'U.R,S.S. en Mongolie
Extérieure ainsi définitivement séparée de la Chine;
celle des droits acquis brutalement par l'U.R.S.S. à
la suite de la révolte des « boxers)} en 1900, avec
comme conséquence: - l'impossibilité d'appliquer la
politique de John Kay et de Théodore Roosevelt
(celle d'3 la « porte ouverte») - et la Mand'chourie
coupée en deux.
Ils restaient, en outre, marqués d'une certain
cynisme, puisqu'il fallait rechercher l'assentim ~nt
de Tchang Kaï Tchek, alors que "U.R.S.S. avait
déjà satisfaction inconditionnelle.
Les U.S.A. se chargèrent d'obtenir cet assentiment. ILs avaient, en effet, tout intérêt à préparer
l'entente sino-soviétique; car les forces communistes chinoises, fortes de 900.000 hommes et d"
2.000.000 de partisans, risquaient de faire cause
commune' avec les troupes russes progressant en
Mandchourie, créant ainsi la p.ossibilité d'un conflit armé entre U.R.S.S. et Etats-Unis.
Le Maréchal Tchang Kaï Tchek se voyait dans
l'obligation d'accepter les accords et signait, le 14
aoùt 1945, jour de l'écroulement japonais, un traité
d'entente avec les Soviets; les décisions de Yalta
étaient confirmées pour trente ans.
2". - De ce jO.lr, la politique interalliée en Chine devait être dominéè par un double problème:
le problème mandchou;
le problème économique.
Il
La Mandchouri:e, base première de l'édifice industrIel et économique chinois, allait, comme par le
passé, devenir la pierre de touche de la conquête
de l'immense marché chinois.
Le jeu allait consister, pour les U.S.A., à empêcher ru.R.s.s. d'appliquer en Chine -Nord-Orientale un système comparable à celUI des glacis soviétiques occidentaux et fi, lui faire' admettre le
principe de la libre concurrence des capitaux
étrangers.
Mais, pour ce, il est d'abord nécessaire d'ar:rêter la guerre civile et les volte-faces de la politique
américaine à l'égard de la 'Chine, ces dernières
années ne semblent guère favoriser cette fin.
B - Guerre civile et poUtique
Malgré son intervention tardive en Ex1
trême-Orient, l'U.RI.S.S. avait cependant indirectement aidé la Chine en maintenant sur l'Amour
300.000 hommes qui fixèrent ainsi 1.000.000 de Japonais.
Après la conquête de la Mandchourie, les Russes devaient, selon les 8,iCcords d'août 1945, quitter
le pays en décembre de la mê_me année. En réalité,
ils ne retiraient leurs tro.lpes qu'en avril 1946.
Elles étaient remplacées oar des fQ.l'ces « démocratiques» locales et Tchang Kaï Tchek ne pouvait
utiliser la base de Dairen.
Le conflit avec les communistes allait très vite
prendre rampleur d'une véritable guerre civile.
0
2
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•
-
•
-
L'on se rappelle qu'après la création, en
1937, d'un gouvernement rouge au Yenan, Tchang
Kaï Tchek avait, en 1942, réussi à isoler leurs for-
ces. Une espèce de modus-vivendi s'établit durant
17
quelques trois ans, troublé, en 1944, par une crise
entre Mao Tsé Tung et le Maréchal.
Cependant, en 1945, les Rouges contrôlaient dixneuf régions, cent millions d'habitants en Chine du
Nord et, dès l'effondrement nippon, passaient à
l'action.•
3°. - C'est alors Que les Américains, dont la
Politique, comme on l'a dit, exigeait la paix en
Chine, intervenaient en la personne du Général
Marshall en fin 1945 et obtenaient un armistice
d'une durée de trois semaines.'
Mais les Russes én profitaient po;]r amener en
Mandohourie une armée rouge chinoise et cette
d~rnjère occupait, le 14 avril 1946, jour même du
<lepart des forces de l'U.RJSI.S, (1), la capitale
. Tchang Tchoun. La lutte reprenait avec violence.
Le Général Marshall revenait à nouveau en
Chine; il devait échouer dans ses tentatives de
conciliation et remettait, à son retour à Washington, le fameux rapport qui entraînait une décision
d\me importance incalculable:
,'>uspension du prêt de cinq <lent millions
de d·allars à la ChÏln,e et refus de licences d'exportation de munitions.
. Il définissait ainsi les positions des deux partIs :
les Chefs du Kouo-Min-Tang sont persuadés
que si les Communistes acceptent de participer au
Gouvernement dont la forme a été préconisée lors
de la Conférence Consultative politique de janvier
1946, c'est dans le but de la détruire.
les Comm;]nistes pensent que le Gouvernement a fait preuve de mauvaise foi en ayant l'air
d'accepter les résolutions de la Conférence Consultative alors qu'il a l'intention d'écraser le communisme par le moyen de l'armée et de sa police secrète.
C'est donc la méfiance totale qui règne et chaque camp commet l'erreur capitale d'avoir une vu;
unilatérale.
L'existence dans le Gouvernement de Tchang
Kaï Tchek d'un groupe réactionnaire puissant, opPosé a~IX efforts du Général Marshall et partisan
ù.e la seule politique de force, le caractère internatIonal et la propagande provocatrice à l'égard des
D.S.A. du parti communiste expliquaient la rupture
du printemps 46.
Et, si le Général Marshall mettait quelqu'esPoir dans les rares libéraux du parti rouge et dans
les partis minoritaires du pouvoir central, il conclUait cependant q;]e le seul moyen de mettre un
~,erme à la règle du parti unique était de supprimer
appui financier au Kouo-Min-Tang.
Il terminait en écrivant :
« Quelle que soit la politique adoptée, on devra
tOUj,ours se rappeler que le féod~lisme est faible en
Asie et que, toutes les fois q;]'il s'oppose au comlllunisme, celui-ci a plus de chances de l'emporter.
On ne peut pas espérer faire échec au communisme
en soutenant les réactionnaires de Chine »:
4°. - Mai 1946 - Mjai 1947.
Entre temps la guerre civile reprenait avec violence et le 1er M'ai 1946, les Forces Rouges lanç~lent
une offensive générale qui durant douze mOlS se
Soldait après des échecs et des avances de part et
ù'autré, par un net avantage aux gouvernementaux,
o
En particulier> Yenan, capitale communiste, était
prise le 19 mars 1947 ; les derniers succès importants
de Tchang Kaï Tchek se terminaient courant Mai
par l'occupation de Sin Teh, dernière place forte
rouge du Chansi et de Thian, capitale provisoire du
Chan Toung.
Durant la même période, sur le plan politique
intérieur, le Maréchal, devant la menace rouge,
ajournait, en mai 1946, la ré;]nion de l'Assemblée
Nationale. En octobre, il était réélu à la Présidence.
Mais surtout, le 15 novembre, c'étaient l'avènement
de la Démocratie et la fin du Kouo-Min-Tang, marqués, le mois suivant, par l'adopUon de la constitution par l'Assemblée Nationale (2). Les difficûltés
allai"ent surgir tout de suite, dès l'aube de l'an 1947 ;
en effet, en février, le Premier Ministre T. V. Song
démissionnait et Tchang Kaï Tchek assurait ses
fonctions dès le mois suivant; à Formose, des troubles étaient réprimés dans le sang; enfin, en Mai,
c'était la grève générale des étudiants protestant
contre la guerre civile.
Si, en novembre 1946, les U.S.A. avaient signé
a vec la Chine un traité d'amitié, de commerce et
de navigation, en janvier 1947, le Général Marshall
était nommé au Département des Affaires Etrangères et, dès le 29 de ce mois, les U.S.A. décidaient
de renoncer à leur rôle de médiateur. Aussitôt, une
vague anti-américaine naissait en Chine, marquée
notamment en avril, par des incidei1ts graves dans
la région de Tien Tsin. Aussi bien était-ce dès Mal
l'évacuation des forces des U.S.A. (3).
Par contre, les relations sino-russes semblent,
au moins en apparence, s'améliorer malgré l'action
soviétiq;]e - déjà citée - en Man,dchourie et les discussions autour de Port-Arthur. C'est ainsi qu en
mars 1947, la Chin(e pouvait annoncer que l'U,RS.S
était prête à quitter Dairen.
Dairen, ancien Dalny des Russes, perpétuel objet d'intriglles en Extrême-Orient! D'après les accords, Dairen est un port franc: quais et port sous
administration civile soviétique, ville So;]S administration chinoise. Solution simple! L'U.RS.S. va en
profiter pour tenir barre aux U.S.A. et la Chine
pour contrebfJ-lancer - éternelle politique - l'actIOn
des deux colosses.
Et c'est l'incident soviéto-américain de Dairen,
le 12 décembre 1946 (1), qui entraînera l'envoi, le
3 janvier 1947, d'une note d~ protestation de Washington 8, Moscou. La réponse soviétique est sim.
pIe: rIen ne changera jusqu'à !a signature du traité
de paix avec le Japon.
Ainsi, pratiq;]ement, l'U.RS.,s. a su tenir en
échec l'Amérique appuyée cependailt par la Grande-Bretagne et la Chine.
Enfin, en Corée, la presqu'île vit un drame comparable à celui qu'à connu l'Indochine courant
1945 (5). Au Nord du 38° parallèle, c'est l'occupation russe et le parti révolutionnaire a pris le
gouvernement.
( 1) Port-Arthur excepté.
(2) J\1alg-ré l'opposition des communisles.
(3) A l'exception de quelques délachements maintenus à
Tien Tsin, Tang- Koo et surtout Tsing- Tao, base aéronavale
U.S.A. et centre d'entraînement de la flolte chinoise.
(4) Où les Russes empêchent le débarquement de quelques
Américains.
(5) Le 16 me parallèle en Indochine
A noler qu'à la
conférence de Seoul de mai 1946 l'U.R.S.S. a opposé son vélo
.à la su,ppression du 8 Sme parallèle en Corée.
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18 Au Sud du 38° parallèle, c'est l'occupation américaine où le gouvernement militaire s'appuie s'~r
les milieux <l'affaires coréens formés d'anciens collaborateurs des Japonais, à l'exclusion des membres
du parti populai.re.
Aucune coopération entre les deux zones; mais
tout le charbon est au Nord.
5. -
Depuis Mai 1947.
Dès Mai 1947, les Communistes Chinois lancent
une de~xième ,offensive générale (G), tant en MandIchourie qu en Chine du Nord. Très vite, Yenan et
Sin Teh sont reprises et les succès s'accumulent
au Jehol et au Chansi. En même temps, les Mongols pénètrent jusqu'à 300 kilomètres à l'intérieur
du Sin Kiang. Au Nord-Est, c'est le contrôle ou
l'interdiction de toutes les voies ferrées entre Moukden, Pékin, Tien-Tsin.
Enfin, le 1er juillet, les F:orces Rouges traversent le fleuve Jaune aux frontières du Chantung et
du Hopeï et attaquent au Sud du fleuve.
La situation pour Tchang Kaï Tchek est grave.
Il a~lrait, en un an, perdu 1.130.000 hommes, dont
plus de 400.000 tués; les Communistes (7) contrôleraient 2.200.000 km 2 de territoire et 131 millions
d'habitants.
Aussi, dès juillet, il décrète la mobilisati,on totale des ressources humaines et matérielles et, en septembre, s'eHorce de mettre en oeuvre un plan
« d'austérité et d'économie l).
C'est alors que les U.S.A. envoient en Chine,
un observateur de qualité, le Général Wed~mever.
A ce moment, si le Gouvernement Central tient
à peu près en Mandchourie, les guerillas rouges
font rage sur le Yang-Tsé. Dès novembre 1947, toutes le1:; vallées seront envahies et le slogan rouge
est lancé. « Nous avons franchi le f~0uve Ja:uneen
194i. Nour aurons franchi le Yang-Tsé en 1948 fJt
nous serons au Kouantoung en 1949 ".
De fait, l'année 1948 voit les armées de Tchang
Kaï Tchek resserrées en Mandchouril"'lJ dans la l'P'
giOll de Moukden, Tchan Tchoung, en Chine du
Nord, elles évacuent le Chang-Si et le Chang Toung
Nord-orientaux; en Chin,e centrale, c'est l'infiltration lente et méthodique, en dehors des colonnes
militaires, de milliers de « citoyens paisibles» agents
de propagande communiste utilisant comme arme
n° 1 :. le partage des terres (8).
Cependant, le Maréchal Tchang Kaï Tchek garde l~ c?nfiance de ses sujets. C'est ainsi qu'après
la reumon de l'Assemblée Nationale en Mars, il est
réélu Président de la République en Avril 1948.
Quelle est, en ce moment, 1 attitude des deux
grands?
Concernant les 'U.S.A., le Général Wedemeyer
a ramené à Washington un rapport qui constitue
une cinglante critique du régime de Nankin. Aussi
le Général Marshall en interdisait la publication:
car il n'aurait pu que servir d'arme aux Rouges.
Mais, conséquence importante, cette interdiction provoquait en Amérique une attitude anti-chinoise, dans laquelle on peut voir une des raisons
. qui ont fait que l'aide à l'Europe a pris l'ascendant
sur l'aide à la Chine.
Cependant, en décembre 1947, M. William C.
Bullit, dans un article de presse qui eut un fort
retentü;sement, s'élevait c,ontre cette politique 'l'abandon des .Etats-Unis. Après avoir violemment
critiqué les accords de Yalta, il écrivait que l'intervention initiale des U.S.A. n'avait fait que prolonger la guerre en Chine; en partIculier, la trèv.e
Marshall. Soulignant ensuite qu'une victoire Stalinienne en lUand'chourie donnerait à l'U.R.S.S.
70 % de l'industrie chinoise, il préconisait une aide
totale pour le sauvetage de ce pays portant sur troiS
points: économique et financier; militaire; politique, le tout se soldant par un prêt de 1.350 millions de dollars.
De son coté, l'U.R.S.S., comme d habitLlde, voit
dans ce projet un plan d'asservissement de la ChiI1/e, sa transformation en véritable place d'armes
militake et politique au profit des Américains, instigateurs de la prochaine guerre mondiale. LeS
marchandises U.S.A. inondent la Chine; ses experts
économiques, politiques et militaires se sont infiltrés dans tons les chaînons de l'appareil économi
que et gouvernemental chinois.
Cependant, la deuxième guerre mondiale a
entraîné des modifications radicales dans ce pays.
Notamment, si le rapport des forces a changé - défaite du Japon, Grande-Bretagne évincée par l'Amérique (U) - par contre, « le peuple chinois se
soulève contre la g~erre civile et ses a,nimateurs,
contre le trafic des intérêts du pays, contre la politique de terreur fascite des réactionnaires du KouoMin-Tang, etc... )} (10).
.
L'on peut facilement conclure de ces derniers
propos que les deux grands ne sont pas tout à fait
d'accord.
Pourtant, en Corée, les conversations furent, aU
début, relativement conciliantes. En juin 1~47, s ouvrait à son sujet une conférence bipartite. Mais,
bien vite, sous le flot des accusations réciproques.
elle ne pouvai.t que donner naissance à une solution
d'attente, malheureusement inopérante: commissi.on d'enquête de rO.N.U., qui débarquait à Séoul,
en janvier 1948.
Devant l'activité « créatrice)} de cette dernière,
les U.S.A. passaient ocJtre, et, dès Mai, des élections
législatives avaient lieu dans leur zone. Tout dernièrement un Gouvernement Officiel de la Corée du
Sud était mis en place.
L'U.R.S.S. répondait du tac au tac par l'intronisation d'un Gouvernement populaire au Nord dU
38° parallèle.
Ainsi, là, comme en Chin~, échec.
Quant à Dairen et Port-Arthur, des négociations direc-bes entre la Chine et 1U.R.S.S. réglèrent
leurs statuts particuliers, sans qu'il soit question de
soumettre cel problème à l'O.N.U.
(6) Un an aprèp la première.
(7) Lep pertes rougep seruient de 360.000 hommes dont
70.000 tués.
(8) Consolation : d'importaTlts gisements d'uranium ont
été découverts en décembre 1947 dans l'Est du Kouang~Si,
province frontalière avecl'IndochifiB.
(9) A noter que l'U:R.S.S. oublie de citer sa réappositlo n .
(10) M. Protsenko - le Troud du 12 novembre .1947.
•
-19-
C - Conclusion
1". - La Chin,e Rouge est une réalité.
Elle a l'espace: 2.500 kms de la Sibérie au Fleuve
Jaune.
Elle li, la puissance en hommes: 130 millions
Elle a un potentiel ete résistance certain: depuis deux ans, deux millions d'hommes de Tchang
Kai. Tchek luttent contre elle.
Elle a su, dans des territoires où 95 % de la
P?pulation est paysaJ;me, se livrer la première à la
reforme agraire.
Elle cultive un farouche antiaméricanisme et,
au point où en sont les choses, elle ne croit plus
que dans une s.olution par les armes.
Est-ce à <:lire, avec certains « prophètes », que la
Chine entière sera communiste en 1950 ? On ne le
pense pas.
Certes, derrière le dos de l'opinion publique; européenne notamment, le communisme, sur la défensive à l'Ouest en 1947 et au début de 1948, s'est
livré à la même époque fi, une vaste offensive en
Chine, ave,e, comme tremplin de départ, le territoi,re mandchou qui «d'une allure aussi inéluctable
. que celle d'un glacier », se meut dans la direction
du stalinisme.
Certes, l'on parle d\m traité secret entre la
Chine Rouge et l'U.R.S.S.
Malgré cela, rien n'a pu encore absorber la
Chine toute entière et rien ne prouve que le cornmunü::ri:te, même apPJyé sur la contramte et la terreur,
y réussisse.
2". - Il n'en reste pas moins qu'il faut trouver
une solution à la situation actuelle.
Sera-ce dans un partage de cet immense pays ?
L'U.R.SJSr., menacée d'indigestion, en serait sans
doute assez partisan; mais, si la Grande-Bretagne
hésite, l'Amérique s'y refuse, maintenant, et main·
tient sa thèse de 1'« open door ».
S'en tiendra-t-on à un simple maintien des
zones actuelles d'influence. Mais alors, lorsque l'on
se rappelle la croyance unique des Rouges dans la
solution par les armes, l'on peut se demander si
les Américains n'ont pas un intérêt évident à ouvrir le robinet «aux munitions» dont le manque
expliqüe i'1 lUI seul les défaites de 1941 et de 1948
des Divisions d'élite de Tchang Kaï Tchek, face aux
Forces Rouges équipées et entretenues par les Soviets.
CHAPITRE III
J A.:P ON"
A - Introduction
.
1". - Sur le plan interallié, le sort du Japon a
eté théoriquement réglé par les accords de Yalta
de février 1945 et par l'ultimatum de Potsdam.
Dès la reddition naissaient successivement comtne on l'a dit l'éphémère Commission Consultative
d'Extrême-Orient (1), la Commisston Internationale
d'Extrême-Orient et le Conseil AllIé: tQus organistnes qui - on le répètera - devraient porter l'étiquette «JapOin}) plutôt que celle «KO. ».
Leur activité n'a sans doute pas été négligeable; mais l'on peut, sans gros risque d'erreur, écrire
que de fait leur rôle est resté dans l'ensemble
oonslJlltatif.
Car le Jap.on a un maître Suprême: le Général
l\[a<l Arthur, et c'est un Américain; une seule nahon occupante: l'Amérique.
. 2". -- D'un autre point de vue, les intérêts strategiques des U.S,.A. sont évidents. Point ne leur faut
dans l'avenir de Japon trop fragile! D'où une côte
tnal taillée entre le régime prévu par l'ultimatum
et la politique dont rèvent les Américains.
Résultat, nul n'est satisfait; l'U.R.S.S., car elle
a~Pire à une Mer du Japon qui serait Russe et tréPIgne de ne pouvoir pmlonger à l'Est le rideau de
fer déjà tendu en Corée; la Chine qui craint un
renouveau rapide de la puissance économiqJe nipPanne; la Grande-Bretagne tiraillée entre les
U.S.A. et ses Dominions de l'Australie et de la
Nouvelll'.-Zéla;nde qui tiennent à jouer leur rôle dans
le Pacifique Ouest.
Dans ce méli-mélo de convoitises, le Japon, revenu de son immense frayeur, se démocratise tout
doucement sous la conduite de son magister américain, accepte tout ce qu'on veut bien lui laisser
de son ancienne puissance et, sous ses paupières
mi-doses, observe, atten<l, confiant dans la force
immense que représentent toujours pour l'avenir
ses cent millions de fils.
B - Evolution intérieure
1". - Le 6 septembre 1945, le Président Truman
faisait une déclaration sur les premières mesures
politiques que l'on allait appliquer au Japon.
Il précisait, en particulier, qu'en câs de désaccord entre les puissances alliées, ce serait l~ point
de vue des· U.S.A. qui prévaudrait, à savoir:
_. Tout d'abord, utilisation du gouvernement
actuel nippon (2) et de la constitution du moment;
Ensuite, espérer et favoriser une révolution
dans le sens démocratiqué, apte à renverser oet ensemble.
(1). Il est bon de r:mpelcr ilcettc occasion flue l'U.R.S.S.
avait refusé de participer il lu Comission Consultative d'E.O.
(2) Celui du Prince Hlgaslli Kuni démissionnaire en
oclobre 1945 et remplacé par le gouvernement démocratique
du Baron Shidéra.
i
; 1
,
, i
,,,,
:
-20Mais une telle révolution ne peut que reposer
sur la réalisaHon, en première urgence, de deux
points importants:
la réfome agraire;
l'éducation du peuple japonais, fort de cent
millions d'hommes et s'accroissant de 6 à 800.000,
bon an, mal an.
Or, la première n'est pratiq~ement pas r~ali­
sée - l'on y reviendra, - et la seconde est menée de
façon très discutable; on verra plus loin que
l'U.R.S.S. ne se fait pas faute de le souligÎl.-er.
A cela s'ajoute 8., l'origine un manque certain
d'unité de vue, au sein même des hautes sphères
dirigeantes américaines: il v a la directive Mac
Arthur; cene du Ministère de la Marine' celle du
Département d'Etat. HeureJsement que le premier
a l'avantage d'être sur place!
2". - Quoiqu'il en soit, la « conduite en guides»
de la politique intérieure nipponne était entreprise
sous l'égIde interalliée.
Les élections générales pour la Première Chambre des Représentants de la diète japonaise étaient
IIxees au 10 mars 1946.
Le projet de constitution, annulant la Constitution Meiji, vieille de près de soixante ans était pu'
blié le 6 mars.
Courant mai, la première crise ministérielle signe favorable po~r la révolution préconisée par
le Président Truman - éclate. Yoshida est charge
par le Général Mac Arthur de former le·nouveau
gouverneme?t; il lui en présente un dont la composItIOn conVIent. En même temps, la Commission
d'Extrême-Orient approuve les directives du Général au sujet de la nouvelle Constitution et du démantèlement de l'industrie japonaise.
Mais les premiers accrochages vont se produire.
L'U.R.S.S. reproche à Mac Arthur:
a) - d'avoir approuvé la composition du gouver·
nement Yoshida contrairement à l'Article III de
la DécIsion de Moscou;
b) - le caractère « antidémocratique}) du projet
de Constitution, simple réédition de la vieille Consti.tution « réactionnaire» de 1889; « les masses dé·
mocratiques n'ont pas droit à la parole»;
c) - de soutenir les éléments qui défendent le
vieil Etat réactionnaire;
d) - de refuser, comme le demande la Commission d'Extrême-Orient, de reporter la date des élections générales fixées par ses soins au 1er juin 1946.
La lutte est tôt .ouverte. Plus question de polItique interalliée.
Les électIOns ont lieu comme prévu et, au mois
d'octobre, les deux Chambres votent la Constitution
qui est promulguée en novembre.
Le même mois, M. Edwin Pauley remet au PrésIdent Truman un Rapport sur les Réparations que
l',on considère comme devant sans doute constituer
la base de la politique des U,Si.A. lors des conver~mtions avec les Alliés!
L'on y recommandait en substanc?:
l'enlèvement total des usines de guerre, de
caoutchouc synthétique et de métaux non ferreux
tels que l'aluminium et le manganèse;
_ l'enlèvement partiel de la machinerie et de
l'équipement des centrales électrtques, des usines
traitant les métaux ferreux et le cuivre, des usines
de produits chimiques et d'explosifs, enfin, des usines de fabrication de machines-outils et de machines électriques lourdes.
Mais il y loin de la coupe aux lèvres.
2°. - L'aube de 1947 voit un important remaniement ministériel da gouvernement japonais ainsi au'un incident soviéto-américain : le Général Mac
Arthur refuse le visa d'entrée au Japon au délégué
du Patriarcat de Moscou; ce qui _n'arrange guère
les choses.
Cependant, à quelques dix mille kilomètres de
là, l'ambiance est meilleure puisque le Général
Marshall pouvait annoncer, le 23 février, que
l'U.R.S.S. donnait son accord total à la demande
américaine de « trustee-ship» (3), sur les îles du
'Pacifique anciennement sous mandat japonais. La
mise sous tutelle devenait effective après la décision du Conseil de Sécurité de l'O.N.U., le 2 avril.
On en reparlera.
Ce même mois, le 25, avaient lieu au Japon des
électIOns législatives, le 30 des électwns m~nicIpa­
les. Elles se soldaier,ü par la victOIre des candidats
du centre. Le parti socialiste formait le groupe le
plus important, mais la nouvelle chambre était cependant dominée par le parti; libéral et le parti
démocrate coalisés.
Début Mai, le 3 exactement. la nouvelle Constitution entre en vigueur. Puis, le 14, le Gouvernement Yoshida démissionne pour être remplacé par
le Gouvernement de Kayama.
Les Américains se déclarent satisfaits; par cont,e, il n'en est, évidemment, nullement de même
pour les ,Soviets. L'U.R.S.S. estime, en effet, que 60 0/0
seulement des électeurs ont pris part à ces élections, d'ailleurs dirigées contre « un danger communiste non existant» par .le gouvernement de Yoshida, sauvé lui-même une premiére fois par Mac
A~t1?-ur en février 1947 lorsqu'il interdit la grève
generale. Plus! Les socialistes ont pris le pouvoir
malgré l'opposition des partis « conservateurs )},
mais ont abandonné leur programme avec le gouvernement de Katayama, coalition des conservateurs-démocrates et des populaires démocrates; iJ~
se sont livrés ainsi à un jeu de compromis qui a
fait l'affaire ,des partis libéral et démocrate.
Mais il y a plus: la politique économique des OC-.
cupants n'est nullement satisfaisante, car;
le capitalisme « monopoliste» fait obstacle
au relèvement;
la réfome agraire n'est pas appliquée (4);
l'appareil administratif japonais reste fortement imprégné d'éléments pro-fascites;
les U.S.A. profitent de la situation en disposant de 95,7 % des exportations et de 90 % tles
importations.
Comment en sortir ?
La critique est aisée, mais ....
Pour en terminer sur le plan intérieur, il reste
à signaler que Katayama démissionnait en février
1948 et que, début mars, AshidaJ formait le nouveau
gouvernement.
(3) Mise sous tutelle.
( 4) 7,5 % de propriétaires possédant 50 % des terres;
50 % de paysans possédant 10 % des terres - (source russe
- 3 septembre 1g47).
-
C - Les puissances alliées
Devant cette politique menée par le seul occupant, voire par un seul homme, quelles s.ont les
vues et les réactions des pays alliés? L'on.a déjà
parlé quelq.le peu de celles de l'U.R.S.S.; avant de
les développer un peu pl.1s, l'on traitera d'abord
de la Grande-Bretagnrd et de ses Dominions.
1 n.
-
Grande-Bretagne et Dominions.
Lr~urs
relations ont été essentiellement fonction
de l'attitude interalliée à l'égard du Japon.
a) Très vite, dès juin 1944, dans la volonté d'un
avenir entièrement libéré des hypothèques dues à la
gueiTe, les représentants de l'Australie et de la NouvelIe-ZéIand~, ré.lnis 8, Canberra, tombaient d'accord pour refuser et interdire aux étrangers l'intallation en temps de paix de bases militaires sur
leurs territoires. Bien plus, ils envisageaient la
création et l'équipement d'une zone régionale (je
défense allant jusqu'aux Samoa occidentales. Et il
ne faut pas voir là uniquement une attitude.
L'AlUstralie estime, en effet, à juste titre, qu'elle
constitue une puissance au Pacifique et décide d'accélérer son développement industriel. Seuls les EtatsUnis, peuvent l'aider. De plus, ne voit-elle pas, en
cette grande Nation, son unique et véritable sauveur ? Ce sont donc des sentiments pro-américains
que la grande Ile va cultiver jusq.l'au jour de l'effondrsment nippon. La Grande Bretagne par contre-coup, est en froid avec elle.
b) Mais, dès la victoire, deux coups de barr.
vont changer la direction et resserrer les liens du
Commonwealth. Tout d'abord la suppression du
Système « Prêt-Bail» dès le 22 août 1945 provoque.
une première secousse. C'est, en effet, la politique
du dollar qUI débJte, déclanchant ainsi la~ lutte
entre deux blocs commerciaux: le britannique et
l'américain.
Ensuite, l'Austrailie est fortement blessée d'·ms
son amour propre; car, on ne lui offre qu'une place
de <leuxième zone à la table des dIScussions internationales, notamment lors des négociations intéressant le Japolli. Le Docteur Evatt, Ministre des
Affaires Etrangères, fort des immenses sacriIlces
accomplis pai' les siens, réclame véhémentement
la place due à son pays. Il obtient satisfaction en
septembre et fera partie du Conseil des Ministres
des Affaires Etrangères en tant que représentant
<lu Commonwealth.
Malgré cette satisfaction, les D.ominions s'écartent des U.S.A. pour se rapprocher à nouveau de l<t
Métropole. Ce courant s'amplifie d'ailleurs en 1946
et est mêm(: marqué par une tens10n avec l'Am~'ri­
qUe dont les prétentions s'étendent jusqu'à l'instal
lation de bases en Nouvelle-Zélande~ NouveUe-ealédOUie, Nouvellds-Hébride,s et, surtout, dans ]es îles
de l' Amirauté et Manus.
c) Enfin, durant ces deux dernières années,
c'est une politique de louvoiement entre la GrandeRretag'ne et les Etats-Unis. C'est a1nsi qu;.en mars
1947, l'Australie avec les Iles Britanniques appuie
l'U.R.S.S. oui demande alors à l'Amérique de ne pas
Poser la qûestlOn du « trustee-ship }) avant la signa:klre du traite de paix avec le Japon. En outr>, a
l'occasion de la Conférence du Commonwealth tenUe à Canberra au mois d'août de la même année,
U.ne large harmonie de vue est réalisée sur la questIon du Japon et l'on exprime le désir de voir s'ou-
21
,1
vrir la Conférence de la paix en pr-ésence de tous
les combattants. Par contre, au début de 1948, les
prêts des U.rS,.A. dans le cadre des accords BrettonWoods, entraînant, en partie, la suppression du
prinCIpe de la « préférence impériale)} provoquent,
comme il se doit, un relâchement des liens impéria.lx. La Nouvelle-Zélande ne va-t-elle pas jusqu'à
envisager la séparation avec la Grand,e-Bretagne
et la conclusion d'un accord séparé avec l'Amérique?
d) L'Angleterre, de son côté, est bien en peine
de suivre une ligne bien définie. Elle s'efforce de
rétablir tant bien que mal ses positions, gênée
qu'elle est par la ruée américaine et les mouvemenLs
de libération. Sa seule ressource, pour sauver quelque chose, consiste à faire bloc avec son puissant
allié malgré les récriminations de ses Dominions.
Mais, le <lésaccord économiq.le avec lui ne fait
qu'augmenter surtout depuis qu'elle a perdu le marché du coton Japonais.
Et c'est sur ce désaccord que Sç regroupent les
courants issus de l'Empire Britannique et de la
Chine, inquiets, tO.lS deux, du relèvement rapide de
l'ancien ennemi.
2°. -
L'U.R.S.S.
Pendant ce temps, quelles ont été les réactions
de l'U.R.S.S. On en a déjà sOJligne quelques-uns.
a) Pour les bien comprendre, JI faut rappeler
qu'en dehors de la poIitique générale des Soviets,
elle ne dispoGe, au Japon, que d'une seule arme:
la propagande. Il n'y a pas de troupes d'occupation
russes, mais, par contre, une Mission dirigée par
le Lieutenant-Général Kurma Derevyanko (5) dont
l'importance - plus de 400 personnes - ne se justifie
nullement.
Les activItés soviétiques de Tokio restent toujours assez obscures.
L'on a déjà dit les intérêts stratégiques russes
autour de la Mer du Japon. Aussi bien, le but à atteilldrp consiste-t-il à rendre in;]tilisable la Métropole Nipponne comme base américaine. Plusieurs
moyens d'y réussir :
affaiblissement de la capacité économique
du pays;
attaques du prestige américain'
déveJ,oppement du parti comm~niste'
activités d'espionnage.
'
Mais une seule arme, pour l'instant, a-t-on dit:
la propagand,e.
Cette dernière se manifeste ouvertement par des
essais d'établissement de liens culturels entre Russes et Japonais, par l'action s;]r les syndicats et,
notamment, ceux membres du N.C.LU. (5), par l'éducation (7) des prisonniers japonais rapatriés ensuite sur leur pays, etc....
b) Enfin, il existe un parti et une tactique
communistes au Japon même.
Le parti compte 70.000 a<lhérents et 870.000
sympathisants, soit 3,4 % des électeurs. Les chefs
en sont Kyuchi Tokuda, Yashio Shiga, tous deux
(5) Membre du Comité Allié pour le Japon et che! de
la délégation russe.
(5) National Congress of Industrial Unions.
( 7) Par le canal du journal Nihon Shimbun. imprimé
pour eux.
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sortis des geôles nipponnes, et Sanzo Nozaka, de
retour de Moseou après seize ans d'exil.
La tactique consiste à attaquer de flanc le gouvernement japonais au pouvoir, par utilisation rte
méthodes évolutionnaires, c'est-à-dire modérées.
Mais l'argument principal - la réforme agraire - a perdu beaucoup de son efficacité depuis que
le Général Mac Arthur a dressé un programme de
redistribution des terres.
cl Les Russes, d'ailleurs, ont eux-mêmes commis quelques lourdes erreurs, comme l'enrôlement
forcé de troupes japonaises, l'opposition à l'arrivée
de bateaux de ravitaillement américains et le refus
d'élargir les zones de pêche nipponnes.
Quoi qu'il en soit, les résultats obtenus restent
très faibles; aussi, c'est bien sur la crise économique
que l'U.R.:S.S. compte essentiellement. Elle ne se
fait pourtant pas faute d'en rejeter la responsabilité sur la seule Amérique.
3". - L'Amérique.
al Cette dernière hésitait, comme on l'a vu, entre trois directives dont le seul point commun était
un projet d'invitation aux puissances membres de
la Commission d'Extrême-Orient en vue d'engager
à Washington des entretiens préliminaires concernant le traité de paix avec le Japon. L'U.R.S.S. s'y
refuse énergiquement, ne voulant voir, dans l'offre
américaine, qu'une manœuvre tactique destinée à
améliorer, par le fait même qu'ils auraient ai.nsi
pris l'initiative, les positions diplomatiques de départ des Etats-Unis. En outre, de "avis soviétique,
seul le Conseil de~ Ministres des Affaires Etrangé!'eS des 4 grands d'Extrême-Orient '.8) est qualifié
pour une telle proposition.
bl Là-dessus vint se greffer, en 1947, la question du « trustee-ship» sur les îles du Pacifique
anciennement sous mandat japonais (9). L'on en a
déjà touché un mot et l'on sait, en particulier, que
l'U.R.S.S. demandait le report du projet après le
traité de paix. Cependant, le 17 février, arguant
qu'il s'agissait d'un accord de tute~le aux fiUis stratégiques, donc différent de ceux approuvés par
l'Assemblée Générale de l'O.N.U. à sa dernière cession, les U.S.A. adressaient leur requête au Com,t!ïl
de Sécurité: l'O.N.U., en tant Que successeur de
la S.D.N., leur paraissait qualifiée pour le transfert
de ces territoires, même sans renonciation formelle
japonaise inscrite sur 'un traité de paix. La thèse
américaine était développée, le 26 février, par Mr.
Austin devant le Conseil de Sécurité. Il insistait
sur le rôle énorme j,oué par ces îles lors du récent
conflit et sur leur importance vitale pour la sécurité américaine. Cependant, le débat était ajourné
sur la demande de l'Australie. Mais l'accord total
de l'U.R.S.S., sans un mot sur la date du traité de
paix, était obtenu depuis le 24 et, dès le 25, annonc~
officiellement par le Général Marshall. La Grand,c~
Bretagne réagIssait par la voie de la presse: « En
assurant la paix du Pacifique, la Grande-'Bretagne,
le Canada, l'Australie e.t la Nouvelle-Zélande ont
des responsabilités particulières dont ils vont s'a~
quitter en commun d'une part, et avec le concours
des U.S.A. d'autre part ». En somme, une façon de
dire: « Nous sommes là et pas pour c.opie conforme».
Comment expliquer cet acquiescement complet
de ·la Russie? Le motif principal - le seul même ayant entraîné sa décision résidait dans « les sacrifi.ces supérieurs consentis par les AmérIcains
dans le Pacifiqw:! ». Et voilà, avec l'acceptation des
U.S.A., la consécration officielle de la thèse qui
tians;
liquider le passé de guerre;
orienter l'action en fonction des manifestatIons politiques de l'ennemi présumé de demain.
Tout de suite, les U.S.A. v,ont rencontrer des
difficultés qui ne sont pas dues à lai seule U.R.S.'S. :
la Chine, l'Austrailie et la NouvelleJZélatl!de ont
l'obsession des trusts Mitsui (10).
C'est ainsi que, très vite, l'Australil''''' pour laquelle le Pacifique est le « Proche-Nord », proteste
contre le Général Mac Arthur OUI a autorisé une
expédition baleinière japonaise d-ans l'Arctique; de
son côté, la Chine réclame une priorité dans les réparations et proteste contre le relèvement économique rapide du Japon. Seule, pour l'instant la
Hollande res~e alignée sur les U.S.A.
Il faut bien dire, en effet, que l'on assiste à une
véri.table volte-face de la politique américaine avec
l'abandon de la Chine et la nouvelle ,orientation à
l'égard du Japon. C'est sur ce dernier que l'on mise
maintenant. Et le S.C.A.'P. (11), à ce sujet, fait valoir la clause des accords de Potsdam reconnaissant, à ce pays, le droit à un standard minimum,
entraînant « ipso facto}) une certaine reprise de
l'industrie et des exportations nipponnes.
Alors, 'Chine et Grande-Br\etagne font entendre,
à nouveau, leurs craj.ntes d"un « dumping}) du mar~
ché asiatique par les marchandises japonaises. En
même temps, les Bourses britanniques côtent à des
cours de plus en plus élevés les valeurs nipponnes.
Et, si le train continue, en 1950, le Japon aura reconquis le monopole de la soie et dépassé sa position industrielle et commerciale d'avant-guerre
A ceci, les Américains rétorquent que, si l'on
refuse plus longtemps aux Japonais l'accès aux af·
faires mondiales, on développera, dans leur pays,
un « dangereux mélange de nationalisme et de communisme ».
(8) U.S.A.; D.H.S.S.; Grande-Bretag-ne; Chine.
N.B. - L'U.n.S.s. y dispose du droit de véto; on connait
le )Jrio avec lequel elle l'utilise.
(9) Mariannes; Carolines; Marshall - 08 îles : 50.00 0
indig-ènes.
( 10) \le môme en Eurnpe, les dilTicultés américaines ne
sont !las \lues à la seule U.R.S.S. : - la. France, la BelgIque,
la Hollande" ont l'obsession des llsines Krupp.
( 11) Suprême Command of Allied Forces in the Pacifie.
_. __ _-"--"- ----".
-----_.--""-----
--_. ,-_...-.-...._-_._--,-".. -""'""---"-""----"
"-_.
,._~
.....
...
-23D - Conclusion
1. - Peut-on déduire de sa volte-face quel'Amérique est en train de transformer le Japon en base
américaine? Certains bruits alarmistes auraient pu
le faire croire. Mais que l',on regarde les faits!
a) Les Américains ont abandonné les neufdixièmes àes aérodromes construits au cours de la
guerre ,et les travaux importants auxquels ils se
lIvrent sur les pistes qu'ils ont conservées, trouvent
leur explicatiun dans le fait que les avions nippons
les plus 10~trds n'excédaient pas dIX tonnes alors
qu'un B 29 en pèse vingt-cinq.
bl Le seul vol important de bombardiers lourds
effectué en 1947 comptait huit Superforteresses et
quatre C 54. Après une escale fi, Guam, l'atterrissage
aVait lieu, le 1er mai, à Yocota, aérodrome militaire
de Tokio.
'
c) Les troupes d'occupation ne comprennent,
S?us le commandement du Général Malcom Muggendge, que 52.000 hommes (12).
d) Enfin, Tokio n'est qu'à mille kilomètres de
Vladivostok. Donc, le Japon reste très vulnérable
et ne saurait être qu'un glacis, une halte.
Les
véritabl~s
bases sont plus loin.
2. - Et sans doute peut-on considérer comme
sincère la confiance du Général Mac Arthur dans
la naissance d'un Japon démocratique.
Mais, doit-on le suivre complètement lorsqu'il
considère que, par son intermédiaire, {( une révolutIon sans parallèle dans l'histoire a été rendue possible, laquelle aura pour résultat inéluctable la
régénération cïu peuple japonais» ?
Ceux qui ont parcouru l'Extrême-Orient, ceux
qui ont pratiqué le Nippon, ne le feront certaine.
ment pas.
"
3. - La « ùataHle du Japon» est en cours. Les
armes en sont pour l'instant: le ravitaillement;
l'organisation du travail, de l'industrie et du commerce; les livres et les revues; les syndicats et leur
cortège de grèves; les écoles; la radio' les partis
politiques.
'
Qui la gagnera? L'Amérique mène. La Russie,
partie de zéro, progresse lentement.
Mais, ne sera-ce pas finalement le Japon?
CHAPITRE IV
L'émancipation coloniale
A - Introduction
1. - Un Eminent professeur et philosophe français, Directeur d'une Revue Intellectuelle" d'intérêt
i~déniable, demandait à l'auteur de ces quelques
lIgnes, rentrant d'Indochine, de lui parler du « pro~
bloème In,doch'llliOis ».
. Il lui était répondu qu'il n'y avait pas de « problem{\ Indochinois », mais seulement un problème
de l'Extrême-Orient et que la France ne pouvait
Plus, à l'heure actuelle, quel qu'en soit son désir,
régler ses différents en se contenant à l'intérieur
des frontières de la Fédération. Ce serait l'erreur
la plus grave, - ajoutée à d'autres - que l'on pourrait commettre.
De même, il n'y a pas de problème Hindou, de
Problème Indonésien, de problème Birman.
Chacun de ces conflits locaux ne constitue
qU'une facette du prisme Qui décompose en plusieurs
éléments le courant principal origmel.
2. - Les promesses quelquefois prematurées des
Alliés, le mythe de la « Plus grande, Asie », thème
de propagande des Japonais, la haine contre l'occuPant jaune reportée sur les nations blanches: dominatrices et leur impérialisme économique, la
naissance d'une classe ouvrière autochtone et de
nombreux foyers progressistes, ont fait germer, la
terreur du Nippon disparue, de puissants mouvements d'émancipation coloniale et de libération nationale.
L'on a déjà exposé l'historique de la question
SUI' le plan international: Charte de l'Atlan~ique
(1941); conférence de Philadelphie (1944); conferen·
Ce ùe San Francisco (1945): enfin, O.N.U.
L'on a dit aussi que les Japonais continuaient
leur guerre. N'ont-ils pas été à l'ongine de l'armement des pays soulevés? En Indonésie, où les Britanniques débordés n'arrivaient qu'avec plusieurs
semaines de retard, ils livraient aux gens du crù le
matériel de deux divisions. Et, en Indochine combien de nos camarades sont tombés percés de 'balles
de 6,5 japonaises ou de balles d'origine française?
Le Chinois fit preuve, en effet, d'une extrême nonchalence dans l'accomplissement de sa mission rie
désarmement <tu Nord du 16° parallèle. Mais, le conflit terminé, ne se trouvait-on pas, avant tout, entre
Ja;mes contre le Blanc.
Nous voilà sur la pierre de touche. La xénophobie latente des races extrême-orientales, quoiqu'en pensent certains utopistes, s'est exacerbée dès
que la lutte devint possible. La haine du Blanc, toujours cachée depuis sa venue dans ces pays, éclatait enfin librement.
Foin des théories égalitaires et progressistes,
chères aux communistes, en particulier à ceux qui
se sont bien gardés de mettre les pieds sur ces terres lointaines.
Un seul but: tuer le Blanc, le bouter hors de la
«}Plus grande Asie ».
Voilà la vérité simple et cruelle, cruelle comme
les traitements infligés à des dizaines de femmes
et d'enfants blancs (1), en septembre 1945, à la CW'
Héraud de Saigon et, en décembre 1946, à Hanoï
sauvage comme la destruction insensée de l'Institut
Pasteur de Hanoï;
Il faudrait que tous aient le courage de l'écrire!
(12) 40.000 des V.S.A.; 10.000 (les DomInions; 2.000 fLA t'.
et V.S.A.F.
(1) sans parler des hommes. des civils.
. ..
~-"
if'.<.c
B - Les conflits locaux
1. -" Possessions hollandaises.
En Indonésie, dès le 17 août 1945, le Docteur
Soekarno, création Japonaise, proclamait l'indépendance de l'Archipel. Les troupes de l'Amiral Lord
Louis Mountbatten,· absorbées par leurs tâches en
Birmanie, Siam et Indochine (2) n'arrivaient sur
place en vue à'assurer le désarm'ement des troupes
japonaises qu'aV'ec quelques semaines de retard.
L'on a dit comment elles furent mises à profit pour
armer les troJpes républicaines indonésiennes.a) Les Britanniques s'attiraieat très vite des
critiques, notamment de l'Amérique qui leur reprochait de quasi-fraterniser avec l'ancien occupant
sous prétexte de recherche de renf.eignements.
Cependant, la lutte armée commençait bientôt
entre troupes républicaines et les quelques éléments
néerlandais amenés à pied-d'œuvre. En fin 1945, la
situation s'aggravait, malgré l'intervention des
troupes anglaises dont les pertes émouvaient l'opinion publique en Grande-Bretagne à tel point
qu'elle demandait le retrait de ces forces.
Ce n'est d'ailleurs qu'à la conférence de Chequers, en janvier 1948, que les "Britanniques arrIvaient à justifier devant le monde le maintien de
leurs troupes en Indonésie, durant de longs mois,
par la nécessité d'une liquidation japonaise dans
lef, îles et leur désir d'une entente indo-néerlandaise.
'
b) De fait, les nég,ociations entre les deux partis avaient débuté en mars 1946 sous l'égide de la
Grande-Bretagne représentée par Sir Archibald
Clark Ken.
Elles étaient rendues diIficiles par l'ignorance
où l'on se trouvait - ou voulait se trouver - à Batavia de.la politique hollandaise définie par la Reine
Wilhelmine en 1942 et aussi, d'une part, à cause
de l'influence japonaise sur la jeunesse indonésienne, d'aJtre part, à la suite du développement intense
du sentiment national, réacti,on à "occupation nipponne. Par là-dessus, ce sont les manœuvres communi~tes pour exciter la passion des Nationalistes.
Aussi traînaient-elles en longueur Jusqu'au mois
d'octobre où cependant un armistice était signé. Au
cours de ces interminables discussions, le retrait des
troJpes britanniques avait été demandé.
Entre temps, le sultan Chanrir était nommé
nouveau Ministre Président (2-10-1946) et les deux
derniers mois de l'année voyaient se dérouler trois
faits importants: en novembre, la signature d'une
convention et oelle d'un accord créant les EtatsUnis d'Indonesie, le départ des dernières troupes
britanniques; en décembre, la désignation du Prince Sounakawati comme Chef d'Etat.
Au cours du premier semestre 1947, l'application
de la convention se faisait toujours attendre malgré la signature de l'accord de Lingardjati en mars
et celles, en mai, des décrets accordant à Sumatra
le statut de province autonome et fixant le statut
de Bornéo OccidentaL
c) Mais, ce même dernier mois, les affaires se
gâtaient. C'était, en effet, l'échec des négociations
économiques hollando-indonésiennes et la remise
au Gouvernement local d'un Mémorandum des Autorités Néerlandaises exigeant une réponse dans les
quinze jours.
Les Américains intervenaient alors diplomati-
_
24
quement. Mais si, le 27 jLün, les propositions hollandaises étaient acceptées, par contre, en juillet,
c'était la rupture. Les hostilités reprenaient sans
coup férir, pour être à nouveau suspendues officiellement le 4 août.
Durant de nombreux mois, l'on assistait à nouveau, dans une atmosphère d'escarmouches et d'Insécurité, à une nouvelle évolution marquée par la
formation d'un Gouvernement de l'Indonésie Orientale (11 octobre 1947), la démission du Gouvernement Républicain (23 Janvier 1948), l'ouverture de
la conférence de Bandoung (23 février Ui48) où l'on
fixait le statut futur de l'Etat fédéral de Java Occi'dental, enfin, le 8 mars, par l'établissement d'un
Gouvernement Fédéral provisoire.
d) Cependant, la lutte armée continuait; aussi
à la d~mande de l'Inde et de l'Aiustralie, l'O.N.U. se
déCIdait à intervenir directement par son Conseil
de Sécurité. ,EDn programme consistait dans l'organisation d'un référendum et la constitution d'EtatsUnis d'Indonésie.
Mais son intervention ne reposait sur aueune
base juridique et la commission envoyée sur place,
ne pouvait être, en dernière analyse, qu'une commisison d'enquête.
De toute façon, l..m fait sJbsiste: la question
indonésienne est devenue un problème international.
Ce problème est, de plus, compliqué par les hésitations des Pays-Bas sur la politique à suivre.
C'est qu'en effet, depuis des siècles, trois courants
puissants ont fait leur lit au travers du peJple hollandais: le catholique, le protestant et l'humaniste.
Et, s'ils wnt d'accord sur la réalité du natïonalisme
indonésien, par contre, des divergences se créent
lorsqu'il s'agit de désigner le porte-parole de ce
nationalisme et lorsque se pose le principe de la
nécessité de l'existence aux Indies Néerlandaises de
groupes blancs pour la défense des intérêts hollandais et européens. "
2. -
Possessions britanniques.
a) En Birmanie, où six millions de nationauX
réclament l'indépendance, la Grande-Bretagne, touj,ours réaliste et malgré les sacrifices immenses
consentis pour la libération de ce pays, prend la
ligne.
Un Gouvernement Provisoire Birman, comprenant, en particulier, un Conseil exécutif, est mis eU
place dès 1946.
Ensuite, après accord, la .conférence de Birma.nie s'ouvre à Londres, en janvier 1947, et se termine
à la satisfaction de tous.
En avril, ,ont lieu les élections qui mettent en
relief la volonté d'indépendance du pays et un Gouvernement Nationaliste est mis en place. Il est pratiquement anéanti au cours d'une tuerie, en juillet
1947, menée par des terroristes, mais immédiatement renouvelé dans la même forme politique.
Au m.ois d'octobre, la Grande-Bretagne et la
Birmani.e siguaient conjointement le traité insUtuant l'indépendance birmane et celle-ci était proclamée le 4 janvier 1948.
L'ancienne possession devenait ainsi une République indépendante après les conversations conduites amicalement de bout en bout.
(2) au Sud du
16m~
parallèle.
25
b) La Malaisie, en octobre 1945, comptait assez
peu de nationalis~gs, par contre, une importante
colonie chinoise Et des forces progressistes assez
remuantes. Ce n'est qu'en décembre 1946 qu'étaient
faites les premières propositions de constitution
qui devenaier.t effectives en janVIer 1948. La ~Ia­
IaisJ\'cl devenait une Fédération comprenant 9 Et<1ts.
Au lieu de voir ce pays s'acheminer dès lors vers
une histoire heureuse, l'on sait que, ces derniers
Illois, il était secoué par une vague de terrorisme
d'obédience rouge qui tiure encore. Actuellement,
si la situation s'améliore grâce à la fermeté des
mesures prises, l'on compte cepehdant deux cents
civils assassinés dont 14 européens. En dehors d'éléments de troupes britanniques, assez peu désignés
d'ailleurs pour cette lutte, un corps de dix-sept
mille policiers auxiliaires recrutés sur place traque
tOUjo<.lrS les terroristes dont l'effectif est évalué
entre trois et cinq mille.
c) Aux Indes, la promesse de statut de DomInion faite, en 1942, pour décider cet immense pays
peuplé de 420 millions d'hommes à entrer en guerre,
sera tenue. Mais, il ne fut guère facile aux Britanniques d'y arriver.
L'on rappellera, en effet, que les Indes comprenaient essentiellement deux grands partis: le Parti
lIindou, dirigé par le Pandit Nehru et le Docteur
Azad; le Parti Musulman avec, à sa tête, Djinnah.
Cette géographie politique s'inscrivait sur le terrain (:J) sous la forme de frontières religieuses; les
Musulma.ns y représentaient une masse de l'ordre
de 90 millions. La présence britannique, par un jeu
efficace entre les deux, avait toujours empêché des
heurts graves; elle était aidée sur ce point par le
Mahatma Gandhi et son rêve d'une Inde unifiée
réalisée sans l'emploi de la force.
Llos premières démarches pour la libération du
PayS aboutissaient à un échec en octobre 1945; les
propositions Attlee-Lord Wawell étaient repoussées
Par les deux partis.
Les Britanniques, qui pensaient à la création
d'Etats-Unis de l'Illide, comprirent rapidement qu'il
~allait laisser les Hindous faire la preuve de leur
Incapacité à décider tous seuls de leur sort futur.
C'était alors, sous la présidence du Pandit Nehru,
la réunion du congrès national Hindou et l'échec
de la conférence de Simla 01 mai 1946). Les quelqUes mois qui suivaient voyaient successivement la
P.ublication d'un projet de constitution, la formatIon d'un Cabinet Hindou comprenant 5 membres
:?usulmans et, enfin, le 25 octobre, l'organisation
u Gouvernement.
Tout de suite, des troubles sanglants éclataient
~t ne cessaient de croître en violence; émeutes et
~chauffourées allaient se succéder sans arrêt, nodarnment dans les grands centres de New-Delhi et
e Calcutta.
En février 1947, devant l'émotion de l'opinion
Illondiale, Ml'. Attlee déclarait que c'était aux Hinà.~us qu'incombait la responsaoilité de trouver parIlli eux une base-d'amitié. Ainsi la Grand'e-Bretagne se mettait nettement hors du jeu.
Le 2 juin, c'était la remise aux leaders locaux
~.u Plan britannique de transfert des pouvoi~s. Enln
d , le ~5 août 1947, la proclama:tion de l'indépenance de l'InlÙ' et dll Pakistan.
l\J: Ce dernier, sous la conduite du «G-:anti Caïd)}
ohammed Ali Djinnah, se composmt de deux
~erritoires distants de 1.500 kms, Le. Pakistan Oc~i­
entaI, capitale Karachi, comprenaIt le BaloUichlS-
l'i
tan, les Provinces Frontières du Nord-Ouest, chères
à Kipling, le Pun,djab, le Bahawalpur et le Sind.
Le Pakistan Oriental, capitale Dacca, se voyait coupé de son marché et de son débouché habituels:
Calcutta. Tout le reste formait l'Inde, à l'exception
de l'Etat du Cachemire (au Nord du Pakist:an Occidental) et de l'Hydérahad (au cœur de la péninsule).
.
Le premier jour de l'indépendance, le grand
massacre commence et les MUS'<.llmansqui le peuvent fuient vers le Pakistan.
L'aube de 1948 voit l'assassinat du Mahatma
Gandhi. C'est aussi la querell.e, entre les deux Dominions ennemis du Cachemire (1) et de l'Hyderaba,d (i) et l'intervention de troupes nationales régulières des deux pays.
Ainsi, le grand Caïd Djinnah, après une lutte
de dix ans, avait détruit le rêve de Gandhi et de
Nehru: une seule Inde qui aurait peut-être pu prendre à son compte et sur le mode pacifiqJe la missi.on d'unification de l'Asie, mission à laquelle le
Japon a failli par ses procédés brutaux et pour laquelle la Chine semble encore impuissante.
En cette affaire, la Grande-Bretagne, qui avait
auparavant joué souvent de la carte musulmane,'
est toujours présente, tout particulièrement au Pakistan. Au Gouvernement, chaque Département possède un « joint secretary»; les Commandants en
Chefs de l'Armée de Terre (5), de la Marine et de
la H,oyal PakIstan Air Force so:"t Britanniqu~s.
Enfin, l'Anglais reste, avec l'Urdu, langue officielle.
Mais dans ces pays où la misère, accrue par les
troubles actuels, règne en maîtresse, l'ombre 'iu
communisme commence à s'étendre. Aux Inde,s, le
Congrès sous l'emprise croissante d;] capital Hindou .( (j) glisse vers la droite; de même au Pakistan
sous l'influenr,c des « Zamindars», gros propriétaires terriens. Les Chefs commencent ù s'effrayer ti's
masses mtsérables qu'ils ne pourront sans doute
plus contenir lorsqu'elles auront perçu qu'il faut
quiLter le terram des luttes religie~ises pour gagner
celui de la lutte sociale. Pendant ce temps, les narUs communistes de l'Inde et du Pakistan, dont la
scission n'a été qu'apparente, se sont réunis en secret à Galcutta avec les représentants des autres
pays du Sud-Est Asiatique. Des mots d'ordre sont
partis.
Sous la conduite de son nouveaJ Chef Ranadive,
ancien ouvrier et révolutionnaire, le parti communiste indien, qui ne comporte encore que 80.000
membres, constitue l'aile marchante tles cinq millions d'ouvriers que compte cet immense pays. En
particulier, il a noyauté l'AI.T.U.C., organisation
syndicale de 800.000 membres. Son action sur le
monde paysan n'est pas moins importante, car là
aussi, il tient les leviers de cmnmande de la « Kisan
Sabha», organisation coopérative groupant près
d';]n million de cultivateurs. Son action a paru si
dangereuse qu'il a été mis hors la loi. Mais il continue son œuvre en secret, parmi une masse humaine représentant le cinQuième de la population
mondiale et dont la misère dépasse en horreur tout
ce que l'on peut imaginer.
(3) sauf au Cachemire 'lt (tans l'Etat
(4) Le Cachemire, état ·miséJ'allle, sur
d'Hydérabad.
les pentes de l'Himalaya à population de majorité musulmane, mais commandé
par un Maharajah de religion hindone.
L'Hyderabad, aux 4/5 de population hindoue, mais dirigé
par un Nizam musulman.
. (5) L'armée de terre eompte (j 00 oITleiers britanniques
dont six majors- généraux.
(6) Dominé par trois jlotentats : Tata; Birla; Dalmia.
".
26En face de potentats dont le luxe éclabousse.
cette poignée d'hommes convaincus et décidés vivant à même le peuple, jJstifiera peut-être un jour
la crainte qui commence à monter au cœur des
Chefs: celle de la lutte sociale.
3. -
Possessions Françaises.
En Chine, le Kouang Tcheou Wang ainsi que
les concessions françaises sont rétrocédées.
al En Indochine, après la reddition japonaise.
c'est le coup de force du Viet Minh, parti communiste Indochinois, sous l'œil placide àes jap.onais qui
se c~mtentent tant bien que mal d'assurer la prote.ctl.on des ressortissants français et étrangers,
mJ.ss~on qUI leur a été confiée lors àe la conférence
de Smgapour (septembre 1945) en attewlant l'arrIvée des troupes britanniques et chinoises chargées
de leur désarmement.
La farce et la puissance du Vié:t Minh, conduit
par Ho Chi Minh « agrégé)} de l'Ecole de Moscou
et révolutionnaire à tous crins étonnèrent d'aucuns.
L'on se rappelle cependant qu'un Administra,teur en Chef, qui faIsait partie de la Délégation
Française des Colonies installée [1< Calcutta déclarait, dès le mois de juin 1945, au retour d'une mission en Chine, à peu près ceci: « J'ai pris contact
avec le Viet Minh et Ho Chi Minh. J'estime que l'on
ne porte pas assez rl'attention à ;~e parti, le seul
doté d'une doctrine et dont les buts sont bien définis.. S~ puissance est réelle. Quant à sa ligne cie
condUIte, elle lle m'a pas été cachée. Il m'a été dit
en substance,. - NO'JS serons à.vos côtés, Français,
taI!-t qu'il s'agira de bouter le Japonais hors d'Indoch111e. Mais, ceci réalisé, nous serons contrIe ·vous
avec tous les moyens dont nous pourrons disposer - )},
Cet Administrateur, qui vient d'être appelé récemment au plus haut poste de la Fédération, na
sans Cloute pas été surpris par l'évolution de l'affaire Indochinoise. On n'en saurait en dire autant
de beaucoup d'autres.
Donc, dès août 19i15, Ho Chi Minh s'installait
à Hanoï, proclamait l'indépendance du pays et,
tout de suite, pour ménager l'opinion, préparait des
élections générales. Assemblée, Gouvernement, consti.tution, suivant le thème classique. Puis, très vite,
conformément au processus révolutionnaire, c'est
l'élimination des représentants des autres partis:
modérés à'obédience chinoise et « extrêmistes ». Ho
Chi Minh est bientôt maître de la place. Il a 'été
rapidement suivi en Annam et en Cochinchine. Un
remarquable effort de propagande attire des masses
crédules et attise la haine contre le Blanc, le Français. Nos compatriotes désarmés sont menacés, molestés; la série des assassinats s'allonge. C'est ainsi
qU"à Saïgon, le père le plus ancien de la Mission
est décapité sans raison, par sadisme, sur la place
de la Cathédrale, au pied du socle qui, quelques
jours avant, supportait encore la statue de Monseigneur de Behmgne; mais l'Armée du Viet Minh de
Cochinchine n'est-elle pas sous les ordres d'un $< Général )}, ancien coiffeur de la rue Catinat?
b) Sur le plan international, un « gentleman
agi'eement}) verbal entre Américains, Britanniques
et Chinois, a défini, en 1945, les lim;tes des théâtres
d'opération, notamment dans le Sud-Est Asiatique.
C'est ainsi que le théâtre Tchang Kaï Tchek - lire
Wedemeyer - ed le théâtre Mountbatten sont, en
Indochine, séparés par le 16 parallèle. Inutile
d'ajouter que la France n'a jamais été consultée.
0
Enfin, la r~pide .reddition du Japon a surpris
l.es . troupes ,Brrtann!~ues dont tout le dispositif
etaIt orrente sur Smgapour. Les premiers éléments (7) n'arrivèrent à Saïgon qu'à la mi-septembre.
. A ce moment, la France ne dispose en tout et
pour tou~ 9ue d'un seul Régiment - le 5ème R.I.C. statIOnne a Trmcomale, dans l'île àe Ceylan.
o Les ~aponais ont pu ainsi profiter, au Sud du
l~ parallele, de plus d'Un mois pour armer le
Vlet Mmh (8).
Et, lorsque le Général Leclerc, nommé à la tête
du, C:0rps Expéditionnaire, débarquera à Saïgon
lIberee par les Troupes locales Françaises, il se
trouvera en présence de la situation suivante:
l'Indochine coupée en deux
.
la vi.e du pays totalement p~ralysée;
la population européenne ne~tralisée;
aucun moyen moderne;
une carte milîtaire f'rançaise réduite au port
et à une partie de la ville de Saïgon.
c) Ce n',est ici nullement la place de traiter
intégralement ce sujet; Il vaut, à lui seul, pour des
Français, une étude particulière.
Avec, comme fond, les horreurs des massaCl' S
de la Cité Héraud de Saïgon (septembre 1945), de
Hanoï (décembre 1946) et l'attitude d'une partie de
l'opinion publique et de ses représentants dans la
Métropole, l'OH dira simplement les hésitations de
la politique française en regard des actions fe'rmes
du Général Leclerc, qui, à son départ, pouvait dire
que la France était à nouveau présente en Indo~hine.
Sous le règne du premier -Haut-Commissaire,
l'Amiral Thierry d'Argenlieu, c'étaient successivement la reconnaissance du Gouvernement Provisoire Autonome de la Cochinchine - une faute certainement - les accords du 8 mars 1946 au sujet du .Tonkin - largement discutables - la conférence de
Dalat - un échec -. Ho Chi Minh à Paris offrait des
roses rouges. A Saïgon, le Préstdent du Gouvernement 'Provisoire se suicidait et le Général Xuan
lui succédait.
Puis, vient Monsieur Bollaert. On ne joue plus
la carte de « Ho Chi Minh », mais la carte de « Bao'
Daï », l'ex-empereur d'Annam. Ce dernier, à son
tour, vient en Franlf.le. Mais n'est-il pas obligé, s'il
veut réussir, de présenter des exigences au moins
égales à celles qui ont pu servir de thème à la propagande du Viet Minh?
A cette heure, l'on se bat toujours en Indochine
contre des rebelles de mieux en mieux armés. par
qui?
Mais cette terre d'Extrême-Orient, marquée par
la France, n'a-t~elle pas toujours attiré de hautes
convoitises de son voisin Chinoisi et, plus récelU'
ment, de l'Amérique?
4. -
possessiollis, Améri,caines.
a) C'est le 4 juillet 1946 que, suivant la promesse des Etats-Unis, était proclamée l'indépendance des Philippines. Les tendan0es nationalisteS
extrêmes étaient alors bien vite remplacées par un
2ûth Indien Di vision.
(8 l Au Nord du 160 parallèle, le Viet Minh, sous l'œil
débonnaire des Nippons et d·es Chinois, allait opérer COlIlme
bon lui selIlblait JUSqu'au lIlols de lIlars 1946.
(7)
27 sincère désir de collaboration avec l'Amériq1oo. La
guerre du Pacifiqutl avait, en effet; confirmé la
~ommunauté d'intérêts des deux pays dans les afraires ayant trait à la défense de leurs territoires
respectifs. Aussi le Gouvernement Philippin expri
mait s.on désir de coopération à la défense commune et demandait l'assistance des U.S.A. pour l'organisation df- la <iéfense du pays ct le développement de ses forces armées.
Le 14 mars 1947. une conventIOn relative aux
oBases était passée entre les deux pays; elle était
complétée, le 22 du même mois, par une deuxième,
d'assistance mllitaire. C'est ainsi que les Etats-Unis
con&ervaient l'usage d'un certain nombioe de bases
situées aux Philippines (9) et étaient autorisés,
moyennant notlficatiün à en utiliser quelques autres répondant à des nécessités mIlitaires (10). Ils
y dispGsent du droit de construire, d'admirüstrer, de
gérer et de tenir garnison; ils jouissent de l'exemption des droits de douane, de l'exonération de l'impôt sur le revenu intérieur et de larges facilités
d'immigration, de juridiction (envErs le personnel
américain), postales et commerciales. Et ce, pour
une durée de 99 ans. Certes, l'intégrité « territoriale}) des 'Philippines est respectée, mais l'Amérique est, de faIt, chez elle.
La convention d'assistance mi'litaire, conclue
pour cinq ans, vise la livraison de tous matérIels
de guerre (II), l'installation d'une Mission conlultative américame, la livraisün de matériel d'instruction et la possibilité, po;.œ les cadres philippins,
de fréquenter les établissements d'enseignements
mUitaiœs et navals des Etats-Uni:,;. Aucune autre
Nation ne peut, sans accord préalable, tenir de telles fonctIOns.
En conclusion, les Philippines sont constitutionnellement indépendantes, mais ia position miEtaire de l'Amérique dans le pays reste pratiquement inchangée.
b) Il n'en est pas de même sur l'autre bord du
Pacifique puÏSqu'a;.üant, en décembre 1947, devant
la pression de l'opinion publique locale, l'Etat de
Panama répudiait le bail passé avec les f:tats-Unis
et portant sur quatorze bases.
Aussi, les AmérIcains envisagent-ils la construction d'un nouveau canal plus large, situé au
niveaJ de la mer, qui passerait au travers du Nicaragua. Il coûterait la bagatelle de deux milliarris
et demi de dollars.
C - Conclusion
1. ~ Bon gré, mal gré, les puissances impériales,
débordées par un puissant cüurant d'émancipation
coloniale, ont dû réviser, quelquefoIS radicalement,
leur position.
En Indonésie, en Indochine, en Birmamie, à
une échelle moindre, c'est la lutte armée contre la
nation occupante; en Chine, c'est la guerre civile;
aux Indes, c'est la rivalite de deux Dominions ennemis et son cortège de massacres.
Sur le bord du Grand Océan, partout s'allument les foyers d'un mouvement progressiste, annonçant peut-être la fin de toute hégémonie à forme impérialiste.
La Grande-Breta.gne, bien que la structure simPle du Com,monwerulth lui ait permis de progresser
<:le l'autonomie au statut de Dominion, est en recul
en Asie tout comme au Moyen-Orient,. La France
et la Hollande, dont les formules étaient moins souPles, se débattent au miUeu d'inextricables diffiCultés. Peut-être ont~elles eu, toutes deux, le grand
tort de ne pas intéresser plus tôt et davantage les
autochtones à la vie politique de leur pays?
Parallèlement, on commence il, distinguer, en
Extrême-Orient, la formation de deux groupes en
face des deux grands du crû que sont la Chine
et l'Inde.
D'un côté, c'est le groupe Indonésien avec l'Indonésie, la MfLlaisie, la Birmanil~' le Siam et l'Indochine.
De l'autre, c'est' celui des Philippines orienté
V'ers les U.S.A.
. . Dans l'immense Asi/Z du Sud-Est, en effet, des
' la peur des deux grands
elements d'unité naissent:
V'oisins, les efforts pour se dégager du sfatut coloniaI.
Cette unité n'est~elle d'ailleurs pas déjà ma,tétiallsée par la réunion, à Bangkok, en automne
1947, de la ligue pour ({ l'Unité d,:e l'Asie du Sud:Est»? Sans doute, la réunion s'est-elle cantonnée
sur le plan des relations culturelles. Mais, dans une
proclamation en cinquante-deux articles, signé:o noo tamment du Viet Minh, du Laos et du Cambodge
elle a nettement exposé les buts qu'elle a décidé
d'at teindre.
Cependant, les puissances blanches veillent.
C'~st ainsi qUe .l'organisme britannique de Lord
~lllear1?-' charge d'assurer la régularité de la vie
economlqJe de ces pays, est maintenant devenue la
Oommission pour la reconstruction de l'Asie d'obédience O.N.U. L'on saisit l'importance de cette opération lorsque l'on songe aux immenses besoins
matériels de ces pays surpeuplés et dans l'ensemble
fort peu modernisés.
Si le Bl.anc sait admettre certaines aspirations
légitimes, si l'Autochtone veut bien perdre 80n extrême xénophobie, il y a encore de beaux jours pour
tous dans ces terres infiniment fécondes.
(9) Notamment ; llase aériènne de Clarle Field (Paropanga); - fort de Stotsenberg (Pampang-a);
zone réservée de ,Marivelles, terminus du réseau de
distrillUtion d'bydrocarbures; réseau de communicallon de
l'année, à l'exception de toutes les stations situées dans la
zone du Dort de Manllle;
d(;pôt général d'Angelles (Pampanga); - base navale
de Leyte - Samar;
base de Subie (bases de Olongapo et Bagulo); _
moul1lage naval de Tawi - Tawi (Sulu); - base navale du
Cap Canacao - Sangley (Cavite); - aires du Doste émetteur
de Bago!Jan Tay (Quezon) et des postes récepteurs et de
commandement de la zone de Manille; - CaD Tarumplato (Palaw:.n) ; poste .émetteur de Loran; Ile de Talampulan (goarde
côtière); - Cap Naule; - Castillejos (garde côtière).
(10) - !Jase aérienne et navale de Mactan;
!Jase aérienne de Florida (Pampanga);
base aéronavale de Puerto Prlncesa;
Air craft Wallace San Fernando (La Union);
base navale (le Tawl - Tawi (Sulu);
!Jase aéronaval d'Appari.
(11) le matériel non consomma!Jle cédé à titre gratuit
reste la propriété d,es U.S.A.
-28-
CONCLUSION GÉNÉRALE
1. - Nous voici arrivés au terme de notre étu1e.
A l'heJre où l'on écrit ces dernières lignes, les
succès communistes en Chine prennent une ampleur insoupçonnée. La Manillichourie est, d'ores et
déjà, rouge; Moukden et Tohang Tchoung viennent
d'être prises. Les Forces Communistes arrivent au
Yang-Tsé, en Chine Centrale; les Nations européennes ont commencé l'évacuation de leurs ress,ortissants en Chine du Nord. Les Russes évacuent la
Corée au Nord du 38" parallèle et le Gouvernement
populaire Coréen demande le départ des Américains.
Les glacis soviétiques s'étendent à nouveau,
mais, cette fois-ci, à l'Est.
Ainsi, l'U.R.S.S., puissance continentale, pèse de
plus en plus sur l'Extrême-Asie, tandis que, de leur
côté, les U.S.A., qui n'ont pas SJr ces terres le même degré d'autorité, renforcent leurs positions le
long des ~n"rs bordières du Pacifique Oceid enta1.
Or, pour ces derniers, il est essentiel de trouver
un débouché à leur gigantesque production industrielle; le Japon n'y saurait suffire. Aussi bien,
sous àes aspects politiques et stratégiqJes, c'est,
en dernière analyse, une lutte économique qui se
développe et ses conséquences peuvent être redoutables pour la paix du Monde.
2. - Dans les îles nipponnes, les Américains
doivent fair·" vivre le peuple japonais vigoureux et
prolifique. Ils ne pourront lui trouver un éxutoire
qu'au détriment des autres peuples asiatiques puisqu'autant l'émigraUon vers les Etats-Unis, les Dominions Britanniques, les possessio[\, Françaises
et Néerlandaises, enfin, vers l'Europe, est exclu '.
Dans un prenner temps, ils replacent déjà le Japon
sur .la voip du redressement économIque, provoquant
ainsi les inquiétudes de la Grande-Bretagne, de
l'Australie et de la Chine. Certes, le pays manque
de matières premières qu'il ne peut trmlVer, au plus
près, que dans le Siud-Est Asiatique! Mais, l'on peut
se demander si le seul contrôle à l'entrée des produits pourra empêcher, à nouveau, une expansion
extérieure nipponne.
Sur le plan de la politique intérieure, le Général
Mac Arthur suit une doctrine droite et ferme basée
sur un anticommunisme bien <lirigé et relativement
facile à appliquer en l'absence de troupes d'occupation russes.
Sur le plan stratégique, les U.S.A. conservent
le contrôle des bases occupées au cours de la guerre: celles du PacifiJque, dirigées contre le Japon;
celles du Japon dirigées contre l'U.R.S.S., mais combien vulnérables.
On retrouve <lonc, en Extrême-Orient, les éléments de divergence qui règnent aujourd'hui en
Europe. Et ne peut-on pas écrire en dernière analyse que « le Japon, dans la paix comme dans la
guerre n'est autrechos;zr qu'une Allemagne d'E.O. )} ?
3. - En Chine, on vient de le dire, le programme communiste, imagé par le slo~an rouge déjà
cité, se déroule, pour l'instant, point par point. La
volte-face amérŒâine, due il.. l'action du Général
Mar3hall, justifiée plus tard par le rapport du
Général Wedemeyer, s'explique, sans doute, dans
la lassitude provoquée par la mauvaise foi des différents partis chinois et, vraisemblablement, par
le souci de ne plus laisser engloutir, en pure pert~,
des milliards de dollars. Mais, dans ces conditIOns,
la thèse de 1'« ,open-door}} devient totalement illu·
saire; car il faut que la paix règne en Chine pour
qu'elle puisse être fructueusement appliquée. Dans
ces conditions, l'on peut penser que les Et·ats-Unis
ont dû établir un bilan mettant en parallèle les
sacrifices qui <levraient à, l'origine être consentis et.
compte-tenu de la neutralisation actuelle du marché
chinois, les avantages à venir de la conquête par
le dollar de ce marché. Il semblerait, étant donné
leur attitude, que la rapidité et l'ampleur des succès communistes aient fait apparaître ce bilan
comme négatif. Est-È'..-dire que la Chine anticommuniste doive mourir? Sans doute pas; car si l'on
se rémémore l'insuccès, durant les derniers millénaires, d'une unification totale
cet immense
pays, l'on peut penser que le marxisme, même appuyé sur la terreur, n'v réussira pas davantage.
D'ailleurs, le Maréchal Tchang KaïTchek n'était-il
pas, à l'origine, brillant élève de l'Ecole Révolutionnaire de Moscon ?
de
4. - Reste, cependant, l'aspect stratégique de
la question. Là encore, l'Amérique semble admettre
le fait d'une Russie, force continentale en ExtrêmeOrient. Q'Jant R sa puissance propre qui repose sur
ses flottes immenses 'et sur ses armes atomiques,
ne serait-elle pas plutôt aéronavale? A l'abri du
Japon, réservoir pJissant d'hommes, des milliers
d'avions et de navires ne peuvent-ils pas d'Okina"a
protéger au loin cette n'ouvelle Mediterranée Américaine qu'est devenue le grand Océan ?
Quelles sont, en effet, les positions et les moyens
actuels <:les deux premières· puissances mondiales?
a) Tout d'abord l'U.R.S.S.
Sa stratégie reste, avant tout, continentale. Le
but à atteindre consiste, d'une part, dans la mise
au point d'unp infrastructJre devant lui permettre
d'agir soit offensivement, soit dé~ensivement sur
tous les théâtres d'opérations possibles; d'autre
part, étant donné les immenses distances séparant
ces différents théâtres. dans la création d'ensembles économiques et militaires autonomes.
L'infrastructure stratégique est donc marquée:
par la mise en place de concentrations face
aux directions principales d'attaque et à portte
des bases vitales de l'adversaire;
par la couverture de la Métropole à l'<lide
des pr.ofonds glacis que constituent les Etats satellites;
par une recherche de la parade au danger
atomique, obtenue jusqu'l, un certain point par la
dispersion industrielle et des stocks entre des ensembles indépendants, très éloignés les uns des
autres;
par la dotation en effectifs suffisants de
chaque théâtre, afin d'éviter le balancement des
forces eutre eux et de réduire ainsi au minimum
les problèmes de communications à l'échelle transcontinentale (t) ;
par la réalisation d'une zone de réserves
:stratégiques en !Sibérie Occidentale et au Don.etz;
(1)' Actuellement, la construction d'un deuxième transibérien . est en cours.
-
ZOItES
29-
•
1
-30
par l'existence, en dehors des reglOns sous
le contrôle militaire direct de l'U.R.S.S. et de ses
satellites, de vastes espaces dont le potentiel reste
fonction de la puissance des cinquièmes colonne~
communistes.
La Russie occupe ainsi une position centrale sur
le continent Europe-Asie. L'on sait qJe c'est la
plus difficile à défendre.
Elle est à peu près limitée par la ligne suivante:
Vers l'Ouest: Mourmansk, Léningrad, Rostock,
Trieste, Valona, Bourgas, Sébastopol.
Vers le Sud: Caucase, Ouzbekistan, Turkménie.
Vers l'Est: Sibérie Orientale, Corée, Kouriles,
Kamtchatka, détroit de Bering.
Vers le Nord: Rives arctiques russes de Bering
à Mourmansk, parcourJes par deux routes, l'une
maritime, l'autre aérienne, fonctionnant à plein
depuis 1939 sur l'itinéraire Arkangelsk, NouvelleZemble, Cap Tcheliouskine, Bering et Vladivostok.
L'ensemble est divisé en sept groupements appuyés, en suivant le même itinéraire, sur les combinats suivants:
à l'Ouest: Combinats de Moscou et de Gorki, bassin du Dniepr;
au Sud: Combinats de Bakou, Tiflis, Donbass, Kazakstan, Emba et Ferghanat :
à l'Est: zone industrielle de Khabarovsk;
au Nord: région de Komsomolsk.
Les forces t.otales soviétiques et satellites se
monteraient, non .comprises les réserves générales,
à 320 divisions qui pourraient être appuyées par
plus de 350000 pièces d'artillerie, une flotte navale
comprenant notamment 300 sous-marins (2), une
flotte l1érienne d'au moins 20.000 avions.
Le groupement d'Extrême-Orient c.ompterait,
pour sa part, une trentaine de divisions sous les
ordres de! Maréchal Manilovsky. Le quartier général
serait à Tchita (3) et son assise économique constituée par la région du lac Baïkal.
bl Quelle est la position dans l'autœ camp?
Dans l'hémisphèrl..'J Nord, depuis le pôle jusqu'au
parallèle 40° Nord, la position soviétique est étroitement entourée à l'Oue~t, au Nord, à l'Est et surveillée au Sud.
De Trieste, par le Spitzberg, on rejoint le front
arctique américain jalonné par les bases Sud du
Groënland, l'AlaSka - où la pointe Barrow n'est
distante que de 2.700 km. du cap Tchéliouskine - et
le détroit de Bering.
De là, par le cordon des Aléoutiennes, l'on gagne les. bords occidentaux du Grand Océan: le
Japon eJ la Corée méridionale,
Au Sud du 40° parallèle, la marée russe est
contenue par l'immense ligne de crète qui, des Alpe..
au travers des Balkans, du 'Ilaul'ius, de l'Elbrouz et
de l'Hindoukouch, va rejoindre les plateaux du
Thibet, ce toit du monde, dont les bords orientaux
s'abaissent vers' l'Annam, la Chine, la Mongolie
et la Mandchourie. A l'abri de cette barrière, ce
sont, soit des ({ no ,man's land» comme le MoyenOrient, soit des zones d'obédience anglo-saxonne,
,ou française: les Indes, la Birmanie, la Malaisi.e,
l'Indochine. Enfin, à l'Est, c'est la Chine ouverte
par la Mandchourie sur la Sibérie.
L'Océan Indien entaille profondément les lèvres
méridionales de ces terres: golfe d'Aden, golfe Per-
sique, golfe de Bengale. Véritable mer anglo-saxonne, il est solidement bordé tant à l'Oe!est qu'à l'Est:
l' Afriq~{.: Australe, plus particulièrement le Kenya
britannique, Madagascar, la Malaisie et l'Australie,
sont les môles principaux de défense. Puis, c'est la
couronne des mers australes, où rugissent les vents
otempêtueux du Sud et le sixième continent, l'Antarctide, d'ores et dêjà obiet de convoitises et où,
depJis ({ Little America », rayonnent les reconnaissances américaines.
Le méridien 80° Est partage également la position russe et l'Océan Indien.
'
De l'autre côté de la sphère terrestre,de part
et d'autre du mêridien 100" Ouest, c'est l'Amérique
du Nord qui se trouve, à son tour, au centre de
l'i.mmense zone qu'elle occupe ou surveille avec ses
alliés.
Mais, tandis qile l'U.R SJS. atteint les frontières de son empire et de ses glacis en progressant
au travers des terresl les Etats-Unis doivent franchir d'immenses espaces maritimes pour gagner les
limites de leur zone d'influence et pousser jusqu'à
elles depuis leur cœur industriel et atomique - polygone jalonné par Chicago, Montréal, Boston,
Washington, Saint-Louis - le personnel et le matériel. Et c'est la servitude de lignes de communications transocéaniques; d'où tOJt naturellement,
la stratégie des bases et l'aspect aéronaval de la
puissance américame.
A partir des bases-mères, ce sont, vers l'Ouest,
les trois grandes routes transpacifiques jalonnées:
au Nord, par l'île Kotiak, Dutch Harbour,
Attu;
au Centre, par les Hawaï, Midway, puis
deux directions: les Bonins et les Vol-eanos, les
Riou Kiou, le Japon et la Coréld d'une part, Wake,
Guam, Truck, les Palau et les PlrilippLnes, d'autre
part;
au Sud, des Hawaï ou des Gala,pagos, par
Tahiti, les Samoa, la NouvelIe~Calédonie et Sydney.
Vers le Nord, ce sont les mutes arctiques au travers du Canada, par Bear Lake, capitale de l'Uranium, et par le Labrador et le Grèdand, le Spitrl~
berg.
Vers. l'Est, c'est la route classiql1e Terre-Neuve.
Grande-Bretag'ne, mais surtout, des Caraïbel'> (0
et des Bermudle.s, la liaison au travers de 1'AtlantiqU8 avec le système franco-britannique de l'Afrique
et de l'Asie, couvrant l'artère vital:" de la Méditi,er~
ran~e, de Suez et de l'Océan Indien et surveillant
le pays de l'Or noir: Ir'an, Irak, Arabie Séoudite,
gages de puissants intérêts anglo-saxons.
Les différentes bases qui jalonnent ces lignes
sont, soit permanentes et fortifiées, soit temporaires; d'autres ne seraient occupées qu'en cas de
conflit.
Ce dernier prendrait pOilr l'Amérique une forme « amphibIe ». Aussi l'attention s'est-elle portée
en première urgence sur les bases avancées, classées
en « Major bases» et « Minor bascs ».
Le coût d'une ,opération vanant. quels que
soient les moyens de destruction el les engins porteurs utilisés, proportionnellement au carré de III
distance des Forces ft leurs bases, le Haut Comman(2)
tesse en
(3)
(4)
équipéS de tubes Schnorlœl; plongée à 150 m.; viplongée : 23 nœuds; rayon d'action
6.000 milles.
300 km. à l'Est du lac BaikaL
Porto Rico, Trinidad, lles Vierges.
dement a d'ores et déjà organisé ces dernières pour
parer à toute éventualité (5).
c) Il suffit d'examiner les de,lX mnes que l'on
vient de délimiter pour s'apercevoir qu'en dehors
des pays à « glacis », elles présentent, dans le secteur Nord européen, une région quasi-franche entre
deux rivages parallèles distants de 1.200 à 1.500
km., celui du Groënland er- celui de la péninsule
scandinave; là, deux points névralgiques: l'Islande
norvégienne et le Spitzberg danOIS, la première
COuverte par les Feroë et les Shetlands, le second à
Portée du Cap Nord par l'escale de l'île aux Ours,
où la Russie est présente.
Dans le secteur Pacifique, une bande critique les Kouriles, aux Russe depuis Yalta - interrompt
la continuité du système américctin! L'immense
glacis chinois, tout comme l'Allemagne en Europe,
est partagée entre les influences Russes et Anglosaxonnes.
Donc, d'cm côté, un ensemble continental, en
positi,on centrale, divisé en secteurs autonomes;
de l'autre, un cœur au rythme puissant envoyant
au loin par sept cordons ombilicaux la nourriture
nécessaire à l;entretien d'une veine, relativement
fragile pour l'instant. çg, et là, des zones blanches
ou grises dans les régions de contact.
A l'ère des avions dont le ravon d'action atteint le rayon stratégique (li), à l'époque des fusées
B 29 S et B SU S, d'une portée de 15.000 km., il ne
Peut s'agir que de stratégieplanét'a,ire. Plus de
pomt qui reste inaccessible.
Dans ces conditions, le Grand Nord, le Centre
Afriqur-i et le Japon ne restent-ils pas les pomts
sensibles du fragile équilibre mondial ?
A qui la maitrise du Monde?
5. - L'implacable logique avec laquelle les deux
colosses préparent leurs positions stratégiques, se
retrouve dans la politique qu'ils mènent en cet
Extrême-Orient où naît, lutte, vit et meurt la moitié de l'Humanité.
L'on a dit les promesses faites aux heures graves, les aspirations de ces .foules immenses, les remous sans cesse renaissants, les luttes, les ruine3
et les morts.
L'on a: dit aussi la naissance de foyers progressistes, leur désir de chasser le Blanc de l'Extrême-Asie. L'on d. dit, enfin, la misère qui pèse sur ce
milliard d'hommes, levain tout désigné à la propagande communiste.
N'y a-t-il pas, d'ailleurs, un plan communiste
Pour éliminer tous les Occidentaux du Sud-Est
ASiatique? L'action du Viet Minh en Indochine,
{}t es Terroristes en Malaisie, sont des indices paents. Existe-t-il un Kominform de l'Extrême·
C?r~ent ? Vralsemblablement;_ car, '(;S procédés utilIses ressortissent toùs à la doctrine marxiste: atfeindre le b:.lt quels que puissent êti'e àpparemment
es. retournements et les contradictions. La grande
theorie du Nationalisme prônée en Asie n'est-elle
31
pas en opposition avec la Bible marxiste ainsi que
vi.ent de le prouver récemment la condamnation de
THo par Moscou ?
Dans tout cela, où est la vérité?
Les Etats··Vnis veulent un juste règlement de
la paix avec le Japon ainsi qu'une Corée' umfiée
acceptée comme membre des Nations Unies et régie
par une constitution et un gO;'lVernement choisis
par les Coréens eux-mêmes; un règlement sans
autre effusion de sang en Indonésie, stipulant à la
fois l'indépendance et une coopération continue
avec les ,Pays-Bas; la poursuite des négociations entre l'Inde et le Pakistan au sujet du Cachemire.
La l'rance veJt la paix avec le Viet-Nam.
La Grande-Bretagne désire l'ordre en Birmanie
et en Malaisie.
Mais que veut l'U.R.S.S. ?
Quelle que soit la ligne p.olitIque SUIVIe, n":
peut-on garder l'espoir d'une possibilité d'entente
entre lE.'S races jaune et blanche? Oui, sans doute,
si la seconde veut bien se rappeler que coloniSer,
c'est civiliser; civiliser, c'est émanciper. A la sage~se de donner, aux courants correspondants, le
rythme nécessaire.
A une époque où les pr,ogrès des moyens de
communications ct des dér:ouvertes scientHiques
ont raliproché les hommes dans une mesure considerable, les Européens préoccupés par le sort de
leur propre Continent semblent oublier qu'une
évolution encore pklS importante que celle qU'ils
subissent, est en train de gagner tout cet ExtrêmeOrient qui compte un homme sur deux vivant sur
notre planète.
Le Péril Jaun~ est en train de sortir de la
légende.
C'est aux Blancs qu'il appartient de transformer
cette menace en une collaborati.on efficace des
techniques occidentales et de la vieille civilisatIOn
asiatique. Et ce, par une exploitation rationnelle
des richesses sachant respecter les peuples qui les
détiennent.
Peut-être, alors, comme le Général Marshall le
souhaitait en conclusion de son premier discours
au Palais ChaiUot, les membres de "O.N.U. sauront
trouver les moyens de contribue, à réduire les
tensions internationales actuelles et à promouvoir
une paix juste.
Brazzaville, le 24 novembre 1948.
Chef d'Escadron BAUBEAU,
de l'Artillede CoqoniaH~.'
(5) Acorn (Glanel) pour les unités aériennes. Cuh (Lou·veteau), soutien logistique de groupes de forces navales légères; Lion (Lion), chantier naval mobile soutien Iogisüque
d'une force de dél)arquement ou d'une flotte; Cropac : ~.500
hommes du génie.
(6) 5.000 km. - A noter que des avions à réaction soviétiques, partis vraisemblablement du Cap Tchoukostoi. péninsule des Tchouktches, ont été aperçus sur l'Alaska.
--0,.:.-
BIBLIOGRAPHIE
Rapports du Haut Commandement Américain (Général Ge.orge C.
Marshall; Amiral Ernest .J. King; Général Henry H. Arnold);
HistOlre de la seconde guerre mondiale, par le Général L. M. Chassm;
Géographie universelle de La Blache;
Histoire des Colonies Françaises, par M. Bessün;
La Revue Maritime 1946, 1947 1948;
Forces Aériennes Françaises 1947, 1948;
Informations Militaires Françaises 1947, 1948;
Périodiques de la Documentation Française tf>résidence du Conseil) :
Bulletins de Presse Etrangère;
Bulletins quotidiens de presse étrangère;
Articles et Documents;
Notes documentaires et Etudes.
(Années 1945, 1946, 1947 et 1948).
Publications de Presse:
Œdipe, Revue hebdomadaire de l'Opinion int,ernationale;
Le Monde.
L'ANGLETERRE
et LE MOYEN ... ORIENT
Les caractéristiques générales de la politique britannique
L'Empire britannique et la route des Indes jusqu'en 1914
L'évolution de la politique arabe de l'Angleterre depuis 1914
1 - la promesse de l'unité arabe et ses hypothèques
2 - le démembrement de la Turquie
3 - les concessions britanniques
La Crande-Bretagne et le pétrole au Moyen-Orient
1 - avant le conflit de 1914-1918
2 - entre les deux conflits mondiaux
3 - pendant et après la guerre 1939-45
a) la rivalité des Anglo-Américains et des Russes
b) la situation des Anglais et des Américains
c) conséquences actuelles.
Caractères de l'action britannique
La nouvelle orientation de la politique impériale britannique
Le nouveau dispositif en voie d'organisation :
i - pour protéger le Moyen-Orient et pour couvrir le canal de Suez
2 - pour se donner de l'espace.
~onclu.;on.
•
Les caractéristiques générales de la politique britannique
. Pour comprendre un peuple étranger l'esprit critique doit se tempérer de sympathie.
Z~rathoustra disait avec quelque raison : « 11
n est pas facile de comprenda'e l'étranger. CIwqUe peuple a son langagedn,bic!J ct dl; Hlal ».
demenls psychologiques, moraux el sociaux du
caractère britannique, lels que les Anglais les
décrivent eux-mêmes, que l'on peut trouver
l'explication de leur poli tique ét,mngère dont
l'action au Moyen-Orient est un cas particulier.
Ainsi pour juger-objectivement l'lietion des
AnglaIs en Orient, et pour tirer profil dp lexentPie qu'ils peuvent nous donnCl', il convient d'.abOrd: d'avoir présent à l'esprit les grands traIts
de leur politique. Or, c'est peut-être dans les fon-
Le Gouvernement de Sa MaJesté est toujours guidé par :
- tintérêtnational. - Celui-ci inspire la
lutte contre toute tentative d'hégémonie conti.
nentale et recherche l'équilihre outre-mer. «Le
~- t/
'i
34principe du maintien de la balance des forces
a été la base solide de la politique anglaise depuis 400 ans ». (Duff Cooper);
- le réalisme et (empirisme. - Très anglais est ce personnage de Kipling qui déclare:
« L'Enfer est l'Enfer; mais puisque nous y
sommes, le mieux est d'en tirer le meilleu,r parti
possible », et l'Anglais progresse de compromis
en compromis sans perdre de vue le but essentiel ;
- la confiance dans la puissance britannique. - « Statemen » et « Common men» sont
sincèrement convaincus que 1'« Empire Britannique est, apllès la Providenoe, la plus gmnde
force qui soit au monde pour le bien de l'Humanité » (Lord Curzon);
- la tradition. - gràce à la conscience de
de la grandeur dont la vieille Angleterre a fait
preuve au cours de sa longue histoiire, lord
Balfour écrivait très sérieusement : «Mieux
vaut faire une stupide chose qui a tüu jours été
faite qu'une intelligente qui ne l'a jam~is été»;
- l'idéalisme puritain. - que l'on meL
surtout en valeur lorsqu'il coïncide avec l'intiérêt mais qui n'en exisle pas moins. C'esL l'appel
du «Chant pour les Anglais » : « PUrrifie la
terre de l'esprit diu mal. Pousse la route el jet~e
le pont sur le fleuve. Par la paix sur nos peuples, fais en sorte que les hommes connaissent
que nous servons le Seigneur ». (R. Kipling).
D'aut,re part, l'Anglais est sportif :
,
- il joue «fair play», le « fair play»
etant le respect dans les relations humaines de
l'homme par l'homme, c'est.-à-dille le respect des
engagements pris beaucoup plus dans leur esprit que dans leur leUre ;
- il n'a que des partenaires ou des~ adversailles du moment car seul l'enjeu compte.
«L'Angleterre ne connait ni amitiés ni inimifués éternelles, mais seulement ses intérêts immuables ». (Lord Palmerston).
. , - il pl'?pose à l'adv~rs.ité une force de
res/stance Inebranlable que Wmston Churc;hill a
n:agnif,iquement symbolisé dans cette pahétique
resolutlOn dont le lyrisme n'amoindrit pas la
force:
. «Nous ~vons devant nous de longs, de
tres longs mOlS de lutte et de souffrance...
Je n'ai rien à offrir que du sang, du labeur,
des larmes et de la sueur...
Nous marche,rons jusqu'à la fin, nous nous
battrons en France, nous nous battrons sur les
.mers et sur les océans, nous nous battrons dans
les airs avec une force et une confiance crois-
santes, nous défendrons notre île quel qu'en
soit le prix, nous nous batt.rons sur les plages,
nous nous battrons sur nos aérodromes, nous
nous battrons dans les champs et dans les rues,
nous nous baVtrons dans les collines : nous ne
nous rendrons jamais ». (4 juin '1940).
Enfin, la Grande-Bretagne est une île incapable de faire viv,re seule ses habitants. ('1)
Mais c'est~ une île d'Europe Occidentale
intimement soudée au continent depuis que
l'aviation puis les projectiles à très grande portée ont détruit le mythe de l'insularité protectrice. Déjà avant '1939 Ml'. Baldwin avait proclamé que la frontièœ anglaise éLait sul' le
Rhin.
L'Angleterre conslitue un élément essentiel
de l'Europe et la relie aux autres continents.
Ainsi participera-t·ielle au destin européen dans
sa I2'randeur passée et dans son angoisse présentA. F,t, ('enenclant elle demeure un peu en mall'ge
du continent.
Centre du Commonwealth of British Nations, elle fut longtemps le foyer de la civilisation anglo-saxonne. Celte civilisation s'est étendue en particulier en Amérique du Nord: une
communauté atlantique s'est formée oui de
l'Ourst s'oppose à la pression russe de l'Est.
L'Anglais réagira donc :
- en occidental et en gentleman conscient
et fier de la civilisation chrétienne fondée sur
la dignité de l'être humain; Harold Nicholson
écrivait récemment : « Il se peut qu'au XXme
siècle nous (Anglais) arrivons à une entière justice sociale sans détruire les droits de l'individu.
Alors nous pourrons ,rénéter les paroles de Pitt
comme nous Ir fîmes pn '1940 : «Notre énergie
nous a sauvés nous-mêmes et nous avons sauvé
l'Eurone nar notre exemnle »;
- en roulier des mers dont la règle « Rule.
Britannia, over the seas» ;répond! au fier impératif virgilien : «Tu regere, imperio populos,
Romane, momento » ; la gl,lCrre a pu reléguer
au second plan la séculaire puissance navale anglaise, l'évolution des peuples a pu compromettre la solidité de l'Emp'i.re et la livre sterling
(1) quelques réalités essentielles :
La population britannique a triplé en un siècle : elle est
passée de 15 millions en 1815 à 50 millions en 1946, cette
population est en majorité urbaine dans la proj1ortion de
8/1Drne.
Le sol de la Grande-Bretagne est peu fertile et sa superficie est faible : 230.000 km2, soit moins de la moitié de la
surface métropolita[ne française, mais le Commonwealth recouvre plus du quart des terres émergées.
L'industrialisation anglaise est excessive et un peu \ieill e.
Elle contraint à d'énormes imoortation.s cependant que dans ces
dernière.s décades le développement économique intense deS
c pays neufs ~ limite ses importations.
35
rec~ler devant le doUar, l'Angleterre conserve
t.ouJours le sens marin et l'esprit pionnier qui
furent les solides piliers de son impérialisme.
Au. contll'aire du Français qui est de tradition
a~tIsanale et paysanne, l'Anglais est un négo~Iant et un industriel orienté vers les grands
echanges internationaux.
.
- en cU'oyen du monde, aux vues larges
et lointaines, mais lent à changer d'opinion.
« L'esprit des Anglais est lent à se mouvoir, il
leur a faUu un temps considMable pour Il'éaliser
que l'aviation les avait privés du plus précieux
de leurs biens, l'immunité contre l'invasion »
?it Duff Cooper, tandis que Harold Nicholson
Illuslre avec humour l'indolence imaginaire de
ses compat:riotes, eil écrivaIlt que« Si Chairles
Marlel avait été Anglais, il n'aurai t pas permis
aux Sarrazins de troubler son sommeil avant
leur arrivée aux portes de Poitiers ».
Les Fll'ançais ont souvent rencontré les
Anglais sur leur route, ils en ont parfois douloureusement souffert. Le contraste de ces deux
peuples dont la conception de vie est tellement'
pr.oclhe, mais la psychologie si différente, s'exphque très simplement.
- Puissance terrienne, la France suit une
politique continentale. La perméabilité de ses
f~?ntièI\es à l'Est la hante. Depuis trois-quart de
siecle notamment, le péril allemand est son cauchemar. Beaucoup plus que la volonté gouvernementale ce sont des initiatives privées qui lui
ont acquis colonies et territoires d'Outre-Mer.
- Puissance 'maritime, la Grande-Bretagne
a ~ne politique mondiale. Des nécessités économIques vitales plus encore que des raisons de
~.rest~ge l'ont conduite à s'assurer la liberté des
echanges et la sécurité des communic.ations imPériales, à fonder le Commonwealth et à implanter son influence outre-mer.
- Au cours des siècles, sur tous les continents et les océans du monde ces deux Etats se
Sont affrontés ,et opposés, en Orient particulièrement.
Il s'agit ici non de justifier le comportement b.ritannique mais d'en reconnaître la rai~on et la supériorité passagère qui ne suffit plus
a sauvegarder la puissance de la Grande-Bretag.ne , puissance longtemps incontesté,e mais
aUJourd/hui chancelante comme celle du géant
aux pieds d'argile.
Pendant le XIXme siècle, plus exactement
de 1815 à 1914, l'hégémonie anglaise a régné
SUI' l'univers et eUe a, atteint son plein essor
'~e~dant l'ère victorienne. La Grande-Bretagne
etait alors le centre d'un immense et incomparable Empire. Sans lui elle aurait péri, sans
elle il aurait éclaté. Sa pJus belle richesse était
les Indes.
L'idée simple qui a présidé à l'expansionnisme intercontinental de la Grande-Bretagne
est un impératif économique :
Pour vivre l'Angleterre ra besoin du dehors.
Comlllle toute créalion humaine qui subit
les profonds effets de la rapide transformation
du monde actuel, l'Empire Britannique évolue.
Entre 1914-19'18 et 1939-1945, il n'a pu se maintenir à l'apogée de sa grandeur. La deuxième
guerre mondiale semble avoir sonné le glas de
sa p,rimauté établie sur les puissants instruments dont sa polilique a longtemps disposé :
- la flotte et le trésor,
- le commerce mondial,
- la cohésion du Commonwealth,
- l'organisation technique et le libéralisme
anglais.
La victoire n'est pas toujours payante. Les
moyens qui avaient assuré la suprématie britannique sont bien compromis. La flotte est
fort amoindrie (1). De richissime état capitaliste
et de banquier du monde, la Grande-Bretagne
est devenue état prolétaire (2). Les marchés mondiaux lui échappent. Les Dominions vivent leur
propre vie. Les U.S.A. sont les champions de
la technique moderne et les garants du libéralis.me. Enfin le «bloc sterling» dont l,es pays
orIentaux font partie, - à l'exception des états
du Levant - est entam'é par la «dolla,r diploillacy».
La vieille Anglete.rre épuisée ne s'avoue
( 1) En ce qui concerne la Royal Navy :
- La Home Fleet a été rMuite à 1 croiseur et 4 torpilleurs. En automne 1948, elle doit êlre portée à 1 Ilàtiment
de ligone, 3 porte-avions Iégoers, 4 croiseurs, 2 flotilles ae
tlestroyers.
- La Pacifie Fleet est aussi faillIe, mais la Mediterranean
Fleet est encore puissance et comprend 2 porte-avions, 3
croiseurs et 16 destroyers.
D'autre part, la Grande-Bretagone il perdu la suprématie
Séculaire de sa marine marchand;] :
'
- En 1939, pour un tonnagoe mondial de 80 millions de
tonne;;, l'Angoleterre arrivait en tête avec 30 %, suivie Dar l\'s
U.S.A. avec 14 %'
En 1946, pour un tonnage mondial de 100 millions
de tonnes, les U.S.A. ont la première vlace avec 50 %, suivis
par l'Angoleterre avec ~5 % en dépit de ;;es pertes.
La Grande-Bretagone travaille sévèrement à la reconstruction de sa flotte tandis qu'elle développe et modernise sans
cesse son aviation. Mais mème ;;i les U.S.A. lui ravissent définitivement la première place, le contrôle des mers restera
dan;; les mains des thalassocraties angolo-saxonnes et la supérIOrité leur semble ég'alement acquise dans les airs.
.
(2) Avant 1939, l'Angoleterre était créanciêre de 5 milliards de ~Ivres ;;terling. Elle est en 1948 dél)itrice de la même
somme. Laide amérlCame reste un palliatif temporaire.
Sur les dettes de gouerre qui s'élèvent à plus de 3,5 ml!liar~s de livres, trOl;; créanciers récalcitrants lui doivent 1.800
millions : les Indes, 1.224; l'EgYll1e, 425; la Palestine, 150.
__
-
--=:-:..~~~=~~~==-:':;~~_~';~:~~~_~-::.:;---:.~::
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-- - - -__---__ -_-:"-_~-"':':-_~~_5=--;;-~
-
-
-
~-.
---
~
-,
-.. -
36 cependant pas vaincue. Elle défendra, pied à
pied, les positions qu'elle a résolu de-garder, car
elle sait que pour assurer son relèvement elle
doit conserver son activité et son influence outre-mer tandis qu'elle s'impose virilement de
sévÈ'.res règles d'austériLé.
André Siegfried pouvait écrire, en septembre 1047 : « Nous croyons que l'Angleterre, par
son courage, se tirera de cette crise, la plus
grave qu'elle ait connue...
Ce qui déipend de la volonté nous savons
que les Anglais le felrOl1t, mais peuvent-ils recréer un climat international disparu et un
équilibre intercontinental compromis-? Ce qui
est grave, et l'est aussi pour nous, c'est que plusieurs des facteurs essentiels d'un relèvement ne
dépendent plus de leur volonté. Le relèvement
se fera mais ne faut-il pas craindre que ce soit
à un étage inférieur il celui du passé?»
Les Anglais ne peuvent, pas davantage arrêter l'actllel déclin cIe l'Europe Oceidentale qu'ils
ne sont en él<ü de modifier à leur avantage la
situation de la Grande-Bretagne dans le monde
nouveau et dans une ère nouvelle.
Ce qui dépend d'eux-môtnps c'est dp consrrver leur ~'ésistnn('e morale, leur solidnrité politique et lellr ré'nlisme traditionnel; c'est, d'entl'etenir leur aptitude commercinle cl leur sens
marin; c'pst de 'poursuivre leur g~'andp politiqup
dans la ligne exclusive de l'intérêt nalional. Ils
s\ emploient.
Pou,r se défendre, la Grande-Bretagno :
- d'une part, compte sur l'appui compréhensif des U.S.A. qui nppartiennent à la civilisation anglo-saxonne et que le péril soviétique
,rapproche de l'Europe Occidentale,
- d'autre part, elle confie il une politique
réaliste, cohérente et sévère le soin de ses inté,rôts profonds et permanents et la défense de sa
grandeur réelle,
- en dernière analyse, elle renoncera courageuselhent d'elle-même à ce qu'elle sait ne pas
pouvoir conserver, à lïntéil'Ïeur comme il l'extérieur.
Et déjà, son relèvement s'amorce gràce à
l'énergie de son peuple et à l'autorité de son
Etat.
On peut ainsi supposer que, au MoyenOrient, sa politique traditionnelle n'est pns enco.re dépassée ni son r('gne déjà révolu.
La notion simple et daire de l'intérêt britannique, sécurité des communications vers les
Indes, exploitation des pétroles du Moyen-Orient
et parade à la menace russe... explique son cornportement.
Là où l'Angle~erre doit céder du ten'ain sa
relève sera assurée par les Américains: de part
et d'autre des détroits, en Grèee et en TUlrquie,
par exemple.
Elle maintiendra son influence el, sa présencp, plus ou moins discrNes dans les pays
arabes sur les mules marilünes et aériennes eIPs
Indes. Elle défendra ses intérêts éeonomiques
au Moyen-Orient, plus parliculi('rpment Rn mnl,ière de pétrolP. Elle essaiera de sortir all lllipux
dc l'impasse palestinienne.
Enfin, ne pouvant' entretenir des forces armées suffisantes à pied d'œuw'e dans le quadrilatère « Détroits - Caspienne - Isthme de Suez Golfe Persique» et afin de compenser ses pertes dans le Sud Asiatique, elle fixera le centre
de gravité de son appareil milibaire dnns le
centre Afrique et s'o,rientera - vraisemblablement - vers la mise en valeur de l'Afrique de
façon intensive.
Telles sont les idées mai tresses qu i éclai1'ent l'attitude du Gouverneinent de Sa Majesté
à l'égard des 'Musulmans du Moyen-Orient et
des Indes, attitude qui s'inscrit aujouil'd'hui
comme dans le cadre d'ensemble de la politique générale britannique.
'.
-37 ,
L'Empire britannique et la route des Indes jusqu'en 1914
La décQuverte des Indes Occidentales, c'est-à-dire de l'Amérique, à la fin du XVme siècle,
révéla l'Angleterre à sa vocaLion impériale. Sa
situation insulaire la mettait à l'abri des invasions : elle pouvait orienter ses ambitions audelà des mers ('1).
Après s'être d'ahord installée sur la côte
mnéricaine du St-Laurent à la Floride, clle nous
enlève au XVIIIme siècle la Louisiane et le
Canada et prend notre succession aux Indes
Orientales.
Louis XV pensait que la France ne pouvait
mener à bien ct sa politique continentale et une
acLion coloniale. Son amour de la paix sacrifia
celle-ci à celle-là. Il ful erwouragé par les Phi10sophes el lns Encydopédistps qll i élaient déjà
anti-colonialistps comnlP le sont aujourd'hui
systémaliqupment la pluparl des intpll('cluels.
A la fin du XVlIIllle sit'e!e, les colonies
d'Amérique proclamenl 1p U,I' indéppndance
(178)3); l'Angletprre prend pied en Australie:
le centl'e_de gravité de son empire se lransporte
dans l'Océan Indien. De plus en plus trihulairp
de la mer, elle devient la plt'emière puissance
navale; sa vie el sa prospérité sont dès lors
liées à la séeurité des eommunicaLions mondiales '; sa statégie est impériale.
Une politique prévoyante et réaliste lui
Procure eseales et bases sur tous les océans de
la planète, en particulier sur les ,t'outes des
Indes.
,
Les colonies de l'Afrique Occidentale aequi.
ses au XVIIIème siècle et nées de la traite d,~s
Nègres à destination des Indes Occidentales,
Sainte-Hélène et l'Ascension ('1657 et '18'15), le
Cap et l'Ile Mauriee (Traité de Vienne '1815) el
les Seychelles protègent la route des Indes DaI'
~e Sud Atlantique," Cette route du Cap fuL
.Jusqu'au D(~rCement de l'Isthme de Suez, l'nl'tèil:'e vitale- du monde britannique.
La campagne de Bonaparte en Egypte ElUl',l
deux conséquences lourdes d'importance :
- elle sera indirectement, l'un des facteurs
essentiels quoique. lointain de la Renais'i"nee
Islamique, la Nahda;
- elle révélera aux Anglais la valeur des
Pays orientaux sur la route dies Indes [;Hr la
Méditerrranée.
Désormais les Britanniques en font une
chasse gardée. Leur intervention pressante exige
sUCcessivement :
- de Mehemet Ali - Vice-roi de rj~b-ypte
qu'il m;,dernise el ,wlÏ de la France qui i'apptiie
- la restitution d\~ la Palestine et de la Syrie
au SUit/hl de Com(unl 'nople en '184-0,
-- de l\'apoléon III, l't)v:l'.;ua(ioll du Liban
ap.rc"s l'expédition de i.c60 au ~t'C()U1'" des ('lll'étiens crueHeruent opprimé" p[lr l~s Druzes.
Ces deux faits concrétisent un axiolne fOr)damental de la politique anglaise en Orient :
s'opposer il la constitution d'un Elat indépendant dans le bassin oriental de la Méditerranée
el empt1eher une puissance européenne, la
France notamment, cll' prerHl,l'e pied dans les
pays du Levant soit' par elle-même, soit par
l'inllel'médiair(O d'lIJl(' alliance.
Cellp vigilance allait dpvenir d'autant plus
vive que le pl'f'Cl'nlf'nt. de l'Isthme <1l' Suez re.
donnait il la J\Téclitermn('e Orientale un l'ôle
capitnl dans lps 1"ehlllll-teS inlercolllin('rdnux StH'
lesC[u("!s reposait I\\quililm' mondial ;\ ln fin, du
XIXmesi('('le el au déhllt du XXme sii'de.
POlir mnîLl'iser ln 1l00lvpl!e roule IIl1lritime
ouverte par FerdinalHl cil' Lesspps et plus tard
pour protégeil' les immenses f'('ssourcps pétrolifi'res du Moyen-Orient, il fallait:
- eontrôler le canaL d'où l'oecupation
«temporaire» de l'Egypte (1882).
- proléger la route de Suez, d'où la création d'une chaîne d'élats vassaux relinnt la Méditenranée à l'Oeéan Indien.
La nouvelle route des Indes devint l'axe de
l'Empire Britannique.
Elle était déjà jalonnée par les ports anglais
de Gihraltar (1713), Malte (181.5) et Aden ('18>38).
Après l'occupation d'Aden et la main-mise
sur le détroit de Bab el Mandeb au déhouehé Sud
de la Mer Rouge, la presC[ue totalité de la côte
méridionale de la Péninsule Arahique fut en un
siècle placée sous l'influence anglaise: ,p.l'otectorat du Sultan d'Oman (qui possède aujourd!'hui une excellente base aéro-navale à Sohar)
et des îles Bahrein (si riches en pétrole), protection des cheik\hs et imans de Mascate et de la
Les grandes découvertes de la Renaissance :
Amérique par Christ ophe Colom)) en j 492
Route du Cap par Vasco de Gama en 149S
ont provoqué un changement décisif clans l'histoire des relations humaines mondiales au détriment clf) l'Orient Méditerranéen etau profit des pays riverains de, l'Atlantique.
Après la disparition de l'Armada (149S) l'Angleterre
acquit la orimauté navale qu'elle conserva jusqu'au dernier
(j)
c01lI!lIt.
"
1 1 '
,
,
•
38
Côte des Pirates par le ministre résident anglais
de Koweit, et annexion de l'Hadramaout (en
1938).
La protection de la route maritime de Suez
- qui s'étendit par la suite à celle des communications terrestres et des voies aériennes vers
les Indes - est le point de départ de la volonté,
à la fois souple et obstinée, avec laquelle la
Grande-Bretagne s'est attachée à placer sous son
influence 1e s populalions musulmanes du
Moyen~Oll'ient pour couvrir au Nord la route des
Indes contre d'éventuelles pressions russes vers
le bassin oriental de la Méditerranée par les
Détroits ou vers le Golfe Persique et l'Océan Indien.
La couverture Sud de la route die Suez fut
assurée par la conquête du Soudan Oriental
par le Général Kitchener qui à Fachoda (1898)
barra à la mission Marchand l'accès de l'Ethiopie et de la '.\fer Rouge ('1).
Elle sera compromise peu ftvant le conflit
1939-45 par la pénétration italienne en Afrique
Orientale.
Jusqu'en 1914, la protection de cette artère
impériale fut assurée en Asie Mineure d'une
pa,rt grâce à l'occupation de Chypre (1878),
vigie avancée qui surveille le Golfe d'Alexandrette - débouché naturel de l'Anatolie ~ et
d'autre part grâce aux relations de cordialité
que le Gouvernement' de Londres s'efforçait
d'entretenir avec le Sultan de Constantinople,
« l'homme malade », dont la débilité ne lui
semblait pas dangereuse. Néanmoins, la \\lelt:politique du Ume Reich, l'intérêt que le Kaiser
témoignait aux 'Musulmans, le Bagdad Bahn et
les entreprises de la Deutsche Bank inquiétèrent:
sérieusement la Grande-Bretagne qui comprit
déjà que ce n'était pas sur les Turcs mais bien
sur les Arabes qu'il fallait jouer.
Quant à l'Asie Centrale, eouvertu;re éloignée
de la route et de l'Empire des Indes, elle fut le
théâtre de la rivalité anglo-russe, rivalité aigüe
à la fin du XIXme sècle mais assez affaiblie au
début du XXme siècle.
Ce n'est pas ici l'endroit de parler des Indes
en· détail; il suffit au passage d'en souligner
l'importanee : «elles furent le pivot du système
bll'itannique ».
On sait que leur conquêl.e par les Anglais
commença en 1763 lors du remplaeement de la
Compagnie Française des Indes par l'East India
Company et se termina près d'un siècle plus tard
en 1856. Elles jouèrent dans rEm pire un rôle
considérable depuis que la Reine Victoria fut
couronnée Impératriee des Indes jusqu'au ré.
cent départ du dernier vioc-roi, LOll'd Mountbat-
ten. Leur perte ressentie par le peuple anglais
avec une parfaite dignit.é apparait difficilement
réparable, bien que nombre d'intérêts britanniques aient été sauvegardés.
Aujourd'hui et demain encore leurs ressources sont indispensables à la vie des Anglais.
Dans la production mondiale elles viennent en
effet à la première place pour le riz et le jute,
à la deuxième pour le coton, le thé, le tabac et
l'opirtm, à la troisième pour le blé et la soie.
En outre, elles possèdent de riches matières
premières industrielles : houille, fer, cuivre,
pétrole, bois, etc... Les Anglais s'oppos.èrent
longtemps à la naissance d'une industrie hindoue afin de prés·erver les usines de la Métropole; c'est ainsi que les machines textiles .du
Lancashire étaient aJimentées .par du coton hmdou. Au XXème siècle cependant, le développement de l'industrie nippone contraignit les "\nglais à l'industrialisation locale : teehlllCH'nS
et capitaux viennent de Grande~B,{Ietagne où ks
élites hindoues s'initient aux mé~hodes occideIitales; la main d'œuvre locale, très abondante et
bon marché, s'emploi-e sur place.
Les Indes offrent une immense clientèl~ dé
400 millions d'habitants environ. Ceex-ci se
répartissent approximativement au point de vue
religieux en :
280 millions d'Hindoui:.:.Les, (dont
lions d'intouchab1.f'';)
100 millions de 'Husulmu's,
'?O millions de Boudiste~~.
[If)
mil-
Dans l'ensemble, les MusullTlu,l'; t)lÜ r·:cherohé les faveurs de la Gr.·'mde l~retûgne jusqu en
19'14-18 et le Gouverneml~nt de Sa Majesté utilisa souvent leurs sympathir:Js l'CUI' les opposer
aux Hindous. Mais le départ d!! l'.\ngldcrre
( 1) On se souvient que la France créa le port de Djhoutl
comme base navale lors des guerres de Chine, la Grande-Bretagne ayant interdi t l'usage d'Aden.
Djibouti est ainsi la seule escale francaise de la route des
Indes, .sur l'artère qui relie directement Marseille il Madagascar
et il l'Indochine. C'est également le débouché du chemin de
fer d'Addis Abbeha.
(1) II est dans le destin des Indes d'être toujours conquisc.s par les étrangers :
- par Darius et les Perses au VIm. siècle av. Jésus-Christ
- par Alexandre et les Grecs au IVm. siècle av. J.-C.
- llar les Aralles aux premiers siècles de l'Hégire, puIS
par lcs Mingols, enfin par les Français et par les Anglais au!
XVlIIm. et XIX'm. siècles après Jésus-Christ.
(2) Le dernier recensement date de 194J, il dénombre
389 millions d'habitants en rapide accroissement démographique. L.es Indes sont ainsi le deuxième hloc humain (après la
Ch.ine que l'on évalue il 450 millions) sur une superficie égale
à six fois et demie celIe de la France.
La population anglaise des Indes en J 941 n'était que de
;130.000.
--- - - ---- --- - - - -- -_:: ::- ~
~
.::_-~ -~~-==::- ~_-:.-.
39
donna libre cours à l'hostii.iLé hindoue-musulmane (1).
Si la valeur des Indes fait comprendre la
ténacité avec laquelle les Anglais s'assurèrent lu
liberté de leurs relations impériales et la vigilance avec laquelle ils en défendirent les applt'oches, l'existence d'un bloc hindou de 100 millions de Musulmans rend intelligibles les complaisances de la politique musulmane de
Lonclires.
L'indépendance de l'Inde hindoue et du
Pakistan musulman (15 août 1947) s'ajoutant
à celle de l'Egypte et de la Birmanie (2), illustre
l'affaiblissement britannique depuis 1918, et
traduit Iles rapports nouveaux de l'Occident avec
les peuples d'Outre-Mer.
Toutefois, l'Hindoustan et le Pakistan forment, deux Dominions qui, pour le moment, font
partie du Commonwealth. Les Britanniques demeurent comme conseillers dans les emplois
essentiels.
Il semble ainsi que les intérêts primordiaux de la Grande-Bretagne aux Indes dans
les domaines économique et stratégique soient
encore protégés (3). Le Pakislan paraît appelé
dans l'avenir à jouer un ;rôle important dans Ir
Dar el Islam, du fait qu'il est de beaucoup le
pays musulman le plus peuplé mais il a beaucoup à faire pour s'organiser en état slable et
moderne.
L'évolution de la politique arabe de l'Angleterre depuis 1914
nistes,
de l'Italie fasciste et de l'Allemagne Nazie
d'abord dans le bassin oriental de la Méditerranée et dans le Nord-Est Africain,
de la Russie Soviétique ensuite', dès la
fin de la deuxième guerre mondiale, pal' ses
pressions sur l'Iran et la Turquie et par ses
tentatives - p'eu' fructueuses - sur les populations arabes du Moyen-Orient;
- danger interne des nationalismes,
arabes d'une part qui, en tant que tels,
Veulent se libérer de l'influence brit'annique,
juif d'autre part, qui, en PalesÜne. s'oppose
1Ih.
aux précédents et place la Grande-Bretagne
dans une situation très délicate.
Elle sera donc contrainle d'évolue~" de changer de mélhode et de gauchir sa ligne de direction apparente pour sa t1vegarder les intérêts
majeurs de l'Angleterre.
Celte évolution empirique se tmduit par
d'incessants compromis.
Plusieurs phases suocessives en marquent
les étapes :
- promesse de l'unité arabe pendant la
guerre 1914-18, unité compromise par les revendications françaises sur le Levant et par le
plt'oblème juif en Palestine;
- au lieu de cette unité au lendemain du
premier conflil mondial, émiettement de l'ancien
Empire Oltoman, main-mise de la Grande-Bretagne sur les nouveaux états et lutte contre la
présence française qui sera éliminée par la
suite;
enfin concessions aux différents nationalismes - en parÜculier : indépendance égyptienne, clt'éation de la Ligue Arabe, évacuation
de la Palestine... et appel à la solidarité angloaméricaine pour parer à la poussée soviétique.
(t) « Quand je vis Hindous et Musulmans. je compris de
suite quelle tentation subissaient les Mahométans de donner
une raclée aux H.indous, et combien les Hindous en cachette
prenaient de plaisir à jeter un chien crevé dans les mosquées
mahométanes » (H. Michaud).
(2) Il convient d'y inclure, pour mémoire, l'indépendance
de l'Eire.
(3) Les Investissements britanniques subsistent dans la
proporllon des 8/10. Exportations: 55 % "ers l'Empire BrItannique. 25 % vers le. U.S.A. - Importations : 40 % d&
l'Empire Britannique, 28 % des U.S.A.
_
;,
-40
L'amoindrissement de la puissance britannique dans les années précédant immédiatement
1939, les sacrifices de la deuxième guerre mondiale, l'épuisement qui en découle après 1945
ont abouti à une inflexion de la politique
moyen-orientale de la Grande-Beetagne. Son but
actuel est malgré tout de maintenir sous le contrôle anglo-saxon (britannique d'abord, angloaméricain ensuite) :
-- les liaisons entre l'Occident et l'Orient,
- les champs de pétrole du Moyen-Orient.
Or, le canal de Suez, les ports et les aéil'odromes, les de~>ricks, les pipe-lines et les raffineries sont en pays arabes.
Il ne saurait être question d'assujettir ces
derniers par la force militaire mais le Gouvernement de Sa Majesté peut se les attacher par
l'habileté diplomatique.
En définitive, trois principes inspirent la
conduite de l'Angleterre en Orient :
- soutenir les Arabes, avec le seul souci
de l'intérêt hritannique sans tenir compte de
sympathies ou d'antipathies idéologiques ou
sentimentales;
- utiliser le nationalisme arabe en sacrifiant les particularismes locaux au réalisme
politique;
- sauvegarder J',essentiel dans l'épreuve
par des concessions successives et reviser, en
conséquence, la structure de la stratégie impériale.
*
**
La prédominance britannique atteint son
apogée fwndant le rc'gne de la Reine Victoria
mais au début du XXème sièele son influence
outre-nwr est encore t'Oute puissante. Elle veut
s'implanter en Egypte et prendre pied en Orient,
solidement.
Or, depuis une centaine d'années, l'Islam
Q,riental s'est réveillé. La renaissance Islamique,
la Nadha, née du mouvement religieux Wahabite a pris un aspect intellectuel sur les bords
du Nil et au Levant gràce d'ailleurs à l'expédition clu Général Bonaparte en Egypte puis gràce
aux missions chuétiennes d'Occident; bientôt
elle s'oriente vers le plan politique où le panislamisme et le panarabisme traduisent ses aspimtions avant que le nationalisme arabe naissant
ne s'oppose lui-même au joug de la Turquie,
demeurée au fond assez étrangère à l'esprit
musulman.
C'est l'entrée en guerIle de la Turquie aux
côtés des Empires Centraux qui en 1914 offre
au Cabinet de Saint-James la possibilité de réa1
,1
.'
"1-'·-.-
liser son lointain dessein de contrôler l'Orient
en s'appuyant sur les Arabes. Il commence par
transformer en Protectorat « l'occupation provisoire» de l'Egypte (novembre 1914).
L -
La promesse de l'Unité Arabe
et ses hypot,h'èques
'1°) Au début de la guerre 1914-18 le «Bureau Arabe» du Caire décide Sir Henry Mac
Mahon, successeur de Lord Kitchner à utiliser
le nationalisme arabe contre les Turcs.
En effet le chérif de La Mecque, Hussein,
Chef de la fa:mille des Beni Hacem' - les Hachemites - avait dl~jà demandé si l'Angl,eteNe
soutiendrait une insurrection contre le Sultan de
Constantinople. C'est la révolte du nationalisme
arabe contre la domination ottomane.
Les négoeiations entre le Général IMac Mahon et l'émir Hussein aboutissent à la promesse
d'une Fédération ara"be qui ;;el!:'ait confiée à la
famille Hachemite et, naturellement, placée sous
l'influence britannique (octobre HH5).
2°) Deux actes restreignent la portée de ces
engagements :
- la France entend sauvegarder ses intérêts traditionnels au Levant: l'accord fmncobritannique Sykes-Picot (HH6) lui reconnait une
zone d'influence en Syrie et au Liban;
- l'Angleterre a besoin pour financer sa
guerre de l'appui total de la Banque et de la
Pres'se israéliennes: par la déclaration Balfour"
(HH 7), elle promet la création d'un « Foyer »
national juif en Palestine, c'est l'origine du
conflit judéo-arahe.
Par sureroil, l'Unité Arabe est hientôt compromise par ses propres bénéficiaires : les
émirs Feycal et Ahdallah opposent leurs prétentions aux ambitions de leur père, le chérif
Hussein.
3°) Quoi qu'il en soit, le Colonel Lawrence,
avec l'aide puissante du Trésor de Saint-Georges fomente la rébellion dont le résultat immédiat est de dégager la voie impériale de Suez (1).
En Syrie, au Djehel Druse et chez les Alaouites de véritahles « Maquis» font de la résistanceil l'occupant Turc.
( 1) Tl Y a dans la « Révolte clans le désert » une part
de bluff que l'on rencontre assez fréquemment dans les entreprises conduites avec les Arabes. EH particulier les Chefs MUsulmans se sont exagérés l'importance de leur rôle dans la
défaite germano-turque en Orient. Il n'en demeure pas moim<
que ce fut une belle aventure, surtout en raison de la 001'"onnalité de Lawrence. Lire « La Révolte dans le désert " et
« Les Sept piliers de la Sagesse ».
-41
Cependant les Troupes Alliées pénètrent en
Palestine puis en Syrie tandis que les Britanniques conquièrent, difficilement, la Mésopotamie
et atteignent à la fin de la Campagne les champs
pétrolifèil.'es de Mossoul.
La guerre développe chez les Arabes le
sens national et réveille le vieux rêve unitaire.
II. -
Le démembrement de la Turquie
1 0) Au lendemain du premier conflit mondial dont l'issue victorieuse semblait affirmer
la prédominance de l'Empire Britannique, la
Grande-Bretagne ne se hâte pas de réaliser cette
Fédération Arabe que Hussein rêvait d'élever
SUI' les ruines de l'Empire Ottoman. Bien au
contraire, elle aide à son démembrement.
Celui-ci est consommé par :
- l'indépendance du Hedjaz au profit
d'Hussein qui s'est proclamé «Roi des Arabes»
mais qui sera détrôné, quelques années plus
tard, par Ibn Seoud, descendant des Wahabites
Bedouins, farouchement puritains, (le Yemen
avait déjà sa souveraineté).
- l'établissement des mandats britanniques
SUI' les nouveaux territoires de la Palestine, de
l'Irak et de la Transjordanie et de la suzeraineté anglaise sur les Sultanats de l'Hadramaout,
de Mascate et des Iles Bahrein ;
- l'établissement du mandat français sur le
Levant (SYil.'ie et Liban).
La Turquie vaincue, pratiquement réduite
à l'Anatolie et sollicitée par sa vocation balkaniqUe évolue de son côté; sa laïcisation œuvre de
Mustapha Kemal, la sépare du Dar el Islam et
l'écarte pour un temps du monde musulman.
Ainsi disparaît l'Empire Turc, grand état
musulman dont l'autorité s'était longtemps
étendue sur la majeuiI.'e partie de l'Islam
Oriental. Le Khalifat que détenait le Sultan de
Constantinople s'effl'lCe avec la laïcisation et ne
sera pas restauré.
2°) L'éclatement de l'Arabie Ottomane en
llQe mosaïque de petits états provoque une déCeption extrême chez les Arabes d'Orient, augnlente leur défiance et leuir' ressentiment vis à
Vis des occidentaux et excite leur nationalisme
Xénophohe. Les autres populations musulmanes,
qUe la Nahda n'a pas atteintes encore, demeurent passives.
La présence française à Damas et à Beyl'o~th ouvre une ère pénible de rivalité franco.brltannique qui abouti,ra à notre éviction du
Levant en 1944-1945.
1..
Les Arabes essayent vainement de protester auprès de la S.D.N. Leurs congrès panislamiques de 1926 et 1928 sont d'éphémères tentatives d'union arabe contre l'hégémonie occidentale. Dans ce Moyen-Orient encore très féodal,
les p.rinces arabes s'opposent les uns aux autres.
3°) Les Anglais jouent des rivalités de
personnes et de clans mais n'abandonnent pas
les Hachemites qui resteront leurs débiteurs.
Ils maintiennent :
- Hussein, Chef des Hachemites, aux
Lieux Saints (jusqu'à ce qu'il soit chassé par
Ibn Seoud en 1924).
et ils installent :
- Feycal, fils de Hussein,
initialement à Damas où il est proclamé
«Roi de Syrie>; t mais il devra abandonner ce
royaume ép;hémère après la défaîte que le Général Gouraud lui infligera à Cheikh Meisaloun
en juillet 1919,
puis à Bagdad sur le trône d'Irak en Août
1921 sous mandat britannique (1).
- Abdallah, autre fils de Hussein à Amman avec la couronne de TranEijordanie, sous
mandat britannique.
Les Hachemites sont ainsi bien casés et
l'Anglete.rre pense les utiliser pour réaliser un
bloc docile à ses ordres. L'édifice projeté au
profit de celle grande famille sera compromis,
irrémédiablement, par l'action d'Ibn Seoud qui
défait Hussein et menace Abdallah, étend son
autorité sur la pl us grande paidie de la péninsule arabique et atteint le Golfe Persique.
Le souci des intérêts permanents et l'empirisme traditionnel incitent la Grande-Bretagne
il reconnaître Ibn Seoud « Roi de Nedj et de Hedjaz» (H)27) au déf,t'iment des Hachemi tes.
Dès 10.21 , les Anglais arrêtent les grandes
lignes de leur politique dans le Proche-Orient
pour une douzaine d'années en ce qui concerne
l'émancipation de l'Irak et de la Transjordanie.
Ils considèrent la Palestine conlllle le «cinquième Dominion»; leur action sur les Princes
arabes réussit à maintenir un équilibre instable
que menace l'arrivée massive de Sionistes
chassés d'Allemagne peu avant la guerre. Dès
lors la tension nait et ne cesse de croît.re entre
Anglais et J u ifs de Palestine.
(1) Feyçal meul'l en t 933 en Sllisse' dans des conditions
qui provoquèrent dans tout le Moyen·Orient une
explosion d'anglophobie. Tantot l'Intelligence Service, 'antôt
la Standard o il, tantôt Ibn Seoucl. en sont tenus POUl' respon.
sables.
myst~rieuses
_
•
-424°) La politique britannique qui depuis 1840
s'oppose à l'influence en Orient a mal acc~pté
notre mandat sur les états du Levant. Elle cherc(he à nous éliminer. Ses agents ne sont pas
étrangers à la révolte du Djebel Dl'use en 1925.
III. -
Les concessions britanniques
1°) Quelques années avant le deurième
conflit mondial, le panarabisme renaissant, les
exigences du nationalisme égyptien, le conflit
judéo-arabe et les ambitions italiennes entravent l'action britannique.
La Grande-Bretagne èroyait sincèrement en
l'autorité morale et efficace de la S.D.N. où avec
les voix des Dominions elle occupait une situation de choix. Ses hommes d'Etat n'appréciaient
pas à leur valeur les ambitions dangereuses
.
d'Hitler et de Mussolini.
Son excessive confiance en l'organisation
internationale de 1& paix et la lenteur de ses
réactions avaient conduit la Grande-Bretagne à
négliger ses moyens militaires dont le relatif
amoindrissement se dessina d'autant plus nettement vers 1936 que s'affirmait la qualité des
escadres aériennes et navales de l'Italie Fasciste. C'est l'époque où le Duce donne libre cours
à son impérialisme en Méditerranée Orientale
et en Aftrique. Il défie S.D.N. et Grande-Bretagne, passe outre aux simulacres de sanctions,
triomphe en Abyssinie et s'allie au Fuhrer dont
les efforts tendent à la résurrection de la puissance allemande (1).
(1) « Comme Hitler, Mussolini considérait l'Angleterre
comme une vieille dame amorphe et terrorisée qui, à la rigueur, pouvait prendre un air fanfaron, mais se trouvait dans
J'incapacité de faire la guerre ». (W. ChurChill).
« Si pour d'autres la Méditerranée est une route, pour
nous elle est la condition méme de la vie» (B. Mus.solini).
LES MENACfSÎTALi EnMES
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-43
L'Angleterre renonce alors au «Two PoWet's Standard» et les menaces italiennes la
conduisent à de notables abandons en Orient.
(Voir croquis «Les menaces italiennes après
1936 »). 'Mais l'échec de la sécurité collective et
la décomposition de la S.D.N., le péril allemand!
et les provocations italiennes conduisent les
Anglais, lents à réagir, à se reprendre assez tardivement.
Le Gouvelf'nement de Londres est ainsi conduit à des aliénations successives dans le cadre
de la formule «indépendance et alliance» :
_ Indépendance pour répondre à l'impatience des nationalismes arabes,
- Alliance pour réserver la défense des intérêts britanniques en Orient et SUl' la route des
Indes.
Le système s'appliquera successivement à :
- l'Irak en 1932,
- l'Egypte en 1936,
- la Transjordanie en 1946,
mais c'est au Caire que les difficultés surgiront,
tandis que les pays musulmans soumis à l'influence occidentale seront tour à tour gagnés
palt' l'agitation nationaliste.
En Egypte, la passion anti-occidentale deVient de plus en plus ardente. Son témoignage
le plus retentissant est rappel «Les Arabes,
peuple de l'avenir» que lance l'égyptien Azzam
Bey, aujourd'hui secl'étaire général de la Ligue
Arabe. Il donne au panarabisme de nouveaux
arguments et, avec d'autres leaders, il entt'etien
la flamme des divers nationalismes. Une longue
et durable agitation provoque des troubles fréquents et graves; elle gêne l'action des Anglais
9ue préoccupent, tardivement, les agissements
Italiens et les ambitions hitlériennes puis les
visées soviétiques.
.
Londres avait déjà reconnu en principe l'in~
dépendance théorique de l'Egypte en 1922, annèe où le sultan Fouad descendant de l'Albanais
Mehemet Ali devint Roi (Malik). Mais sous la
pression des nationalistes égyptiens et devant le
danger italien, le Gouvernement Britannique
accorde l'indépendance réelle en échange d'une
alliance «perpétuelle» (traité de Londres en
août 1936 (1»).
Cette alliance sauvegarde le contrôle du
Canal et les établissements anglais au Soudan
pendant vingt ans au moins. La défe~se.« conJointe» de la zone de Suez sera en IprmClpe asSUrée par l'aviation et la marine brit~nniques
d'un côté et par les forces terrestres egyp.tIennes de l'autre. Au Soudan rien n'est pratIquement changé et les Anglais encouragent le
nationalisme soudanais à s'OppOSel' au nationalisme égyptien.
Cette entente a pu être conclue parce que
la conquête de l'Abyssinie par les Italiens rap~
prochait Britanniques et Egyptiens.
. _ L'Angleterre s'inquiétait de voir les Italiens s'installer sérieusement sur la Mer Rouge,
c'est-à-dia.'e sur la route des Indes, et leur propagande se développer au Moyen-Orient, où
l'Italie se présentait comme l'amie de l'Islam et
comme le trait d'union entre l'Orient et l'Occi~
dent;
_ L'Egypte était directement menacée par
la main mise des Italiens sur le lac Tana d'où
s'écoule le Nil Bleu, élément nécessaire à la fertilité de la vallée égyptienne; la crainte d'être
privé de l'eau fécondante décida le Caire à
traiter avec Londres.
A l'agression italienne d'Ethiopie, le Gouvernement de Sa Majesté avait répondu :
- directement en concentrant la majeure
partie de la Royal Navy dans le bassin oriental
de la Méditerranée où 800.000 tonnes battant
pavillon de l'Union Jack s'opposaient aux
500.000 tonne~ de la Marine italienne rénovée.
_ indirectement par les sanctions économiques de la S.D.N. Mais les U.S.A. refusèrent
d'interrompre leurs exportations de pétrole vers
l'ItaJie, tandis que le Canal de Suez rest.ait ouvert
aux navires italiens, conformément à la convention de 1888.
Par suite, l'Angleterre se rapprocha de la
Turquie gardienne des Détroits (Convention de
'Montreux) tandis qu'elle prenait ses dispositions
pour assurer le ravitaillement et l'entretien de
sa floUe en Méditerranée du Sud-Est : dock
flottant d'Alexandrie, raffinerie de pétrole de
Haïffa, etc... et que, en même temps, elle équipait
les te.rrains d'aviation d'Egypte, de Palestine et
d'Irak~
L'accord de 1936 octroyant à l'Egypte son
indépendance n'est donc pas seulement la satisfaction donnée aux nationalistes du Caire:
c'est lui qui a sauvegardé les intérêts essentiels
(1) 1936 marque une étape essentielle dans les relations
des puissances occi(lentales. Elle avait été précédée par des faits
fondamentaux qui jalonnent l'essor de l'Allemagne nazie et
de l'Italie fascis te. Rappelons :
_ du côté hitlérien : oclobre 1933 : rupture avec la
S.D.N.; mars 1935.: rélablissement du service militaire obligatoire; juin 1936 : accord naval anglo-allemand; mars 1936 :
oecunatlon de la zone rhénane démilitarisée.
-----.: du côté mussolinien : 1933 : tentative de révision des
traités (Pacte à Quatre); 1934-1935 : rapprochement avec la
Grande-Bretagne et avec la France (accord Mussolini-Laval 7
janvier 1935); 1935-1936: conquéte de l'Ethiopie et rapprochement déllni1if avec l'Allemagne,
Dès lors les antagonIsmes s'accentuent, les idéologies
s'affrontent, les· intérêts S'ollPogeut, la menace de guerre ·s·e
précise.
stratégiques et économiques de la Grande-Bretagne crans la zone de Suez.
A la veille de la guerre, l'Angleterre fait
une nouvelle concession au nationalisme Mabe :
dans le Livre Blanc de 1939, elle suggère de
s?umettre ~ l'agrément des Arabes l'immigraü?n desJmfs dans ce « Home National» que la
doolaratlOn Balfour avait promis aux Israélites.
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1
1
2°) Pendant le deuxième conflit mondial la
diplomatie anglaise demeure fidèle à sa cond~ite
traditionnelle :
- Elle reste tenace vis à vis de la Fmnce.
, L'autorisa~ion donnée aux Allemands par
VIChy de transIter au Levant lors de la rébellion
de R,achid Ali lui fournit le prétexte d'une interventJon en Syrie en juin-juillet 1941. L'Angleterre y sem a pied d 'œuvre pour préparer notre
proche et définitif départ.
- Elle est réaliste vis à vis des Arabes.
Après avoir suscité la dispersion politique
des populations du Moyen-Orient, au lendemain
de la guerre 1914-1918 elle se déclare prête, dès
1944, à favûrriser hmr union: ainsi espère-t~elle
disposer d'une force docile à ses instructions
pour sauvegarder sa situation en Orient, situation compromise à la fin de la dernière guerre
par son propre épuisement et par la menace
russe.
« Il s'agit cette fois d'unir ce que l'on a
jadis divisé, d'économiser et d'harmoniser les
efforts, de diminuer les charges en le mettant à
l'abri des intrigues intérieures ou extérieures. Il
faut aussi, et c'est là le secret m'obile de la politique britannique, reconnaître Ih fi l' d i men t
l'existence d'Line force politique nouvelle qu'on
veut, puisqu'elle se révèle, utiliser et non combattre ». (R. Montagne).
Telle est. l'origine de la Ligue A;rabe qui
mérite une étude particulière. Contentons-nous
de dire ici que, anrès avoir connu « le beau
départ » earactéristique des entreprises arabes,
la Ligue supporte mal l'épreuve palestinienne
qui met en péril son efficacité et compromet les
espoirs qu'avait engendrés son jeune et tumultueux dynamisme.
3°) L'Angleterre sort. de la guerre 1939-45
extrêmement meurtrie.
La crise économique et politique qu'elle
subit dès le lendemain de la victoiil"e en Europe
précipite ses concessions aux Indes, en Egypte,
en Irak et en Palestine; le Gouvernement trava.iIliste qui succède au Cabinet de guerre die
Winston Churchill accentue peut-être les abandons.
!,~,
44
L'évacuation de la Palestine entraîne un
important affaiblissement du dispositif militaire britannique au Moyen-Orient où l'ensemble
« Chypre - Palestine - Transjordanie - Irak »
couvrait la zône Nord-Est de l'isthme de Suez.
Soucieux de concilier les sympathies du
Monde arabe, le Cabinet de Londres s'est refusé
à imposer une solution au problème du retour
des Juifs en Palestine parce qu'aucune décision
ne semblait devoir recueillir l'adhésion des Arabes. La Grande Bretagne ne pouvait plus assurer seule l'ordre en Terre Sainte. Elle a donc
renoncé au Mandat que depuis 1921, elle tenait
de la S. D. N. et l'a remis à l'O. N. U. La Haute
Assemblée Int.ernationale a décidé, en novembre
1947, le partage de la Palestine entre les deux
camps opposés. Mais ni l'un ni l'autre n'ar;ceptèrent cette solution : le départ effectif des
Troupes Britanniques le 1'5 mai 1948 fut, de part
et d'autre, le signal des hostilités qu'interrompent des trêves plus ou moins il"espectées.
L'attitude de la Grande-Bretagne n'apparait
pas clairement..
Il semble qu'après avoir évacué la Palestine,
elle ait envisagé sa conquête par les soins du
roi de Transjordanie, l'Emir Abdalah, son allié
intéressé. Mais l'éneirgie de la réaction des Israélites et le manque de pugnacité des Arabes ont
déçu l'attente ct contrarié le dessein des Britanniques en même temps que se révélaient les fai- /
blesses de la Ligue Arabe.
Le moins que l'on puisse dire est que le but
du .Gouvernement de Sa Majesté sera comme
tou,Jours de sauvegail"der au mieux ses intérêts
économques et stratégiques, en sacrifiant ce qui
ne peut être sauvé.
Toutefois des raisons de politique internationale paraissent s'opposer à ce que les Anglais se résolvent à la disparition de l'Etat
d'Israël. En effet, aux U.S.A. les Juifs sont
extrêmement influents et it'elativ~ment très nombreux. Washington est appelé à soutenir les
aspirations des Sionistes et il est peu vraisemblable que Londres entre ouvertement en conflit
avec les U.S.A. à ce sujet.
Quant à l'U.R.S.S. elle ciherchera indubitablement à s'opposer à la constitution en Terre
Sainte d'un Etat Arabe inféodé à la GrandeBretagne. C'est pourquoi le Gouvernement de
!Moscou qui se pose en protecteur des Chrétiens
orthodoxes, cles Al'm'éniens et de& Kurdes se fait
également en Palestine le défenseur des Juifs. La
reconnaissance d'Israël, serait ainsi depuis la
fin de la guelf're le seul terrain sur lequel les
U.S.A. et l'U.R.S.S. soient d'accord.
Il ne s'agit là que d'hypothèses. L'affaire
45
palestinienne est très complexe. Son déroulement
doit être suivi en fonction des événements internationaux qui agitent le monde actuel: l'histOire n'apparait simple que dans les manuels
élémentaires écrits avec plusieurs années de
recul.
En plus du confit judéo-arabe, la pression
russe en Orient - aussi peu visible apparaisset·elle - est un constant sujet dïnquétude pour
la Grande-Bretagne. Elle se développe à la faveur des encouragements donnés· aux Mouvements modernes islamiques chez les populations
musulmanes appartenant à des Républiques
Socialistes Soviétiques en Turl{estan.
$a propagande s'exerce à l'extérieur de
l'U.R.S.S. auprès des masses mllsulmanes en
Chine, aux Indes, en Iran, en Irak, en Palestine
et en Egypte.
Le danger se dessine sous le douhle aspect
de l'impérialisme russe traditionnel et de l'infiltration communiste internationale. On sait que
le Moven-Orien offre à l'U.R.S.S. « une zone
potentielle de sécurité stratégique» qui prolongerait le glacis protecteur des états satellites
d'Europe Orientale et, on a vu que la politique
stalienne d'accession à la mer libre continuait
le dessein des Tsars.
Protecteurs des minorités d'Asie Mineuit'e,
les propagandistes du Kremlin s'ingénient à
Pénétrer les populations arabes. Ils encouragent
les timides efforts des masses prolétariennes
pour s'Œ'ganiser. Ils soutiennent la lutte idéolog!que coritre l'impérialisme capitaliste et étranger. Ils essayent de susciter l'opposition aux
féodalités locales.
Jusqu'à maintenant, leurs efforts ne parais.
8ent pas atteindre leur but.
Mais l'action soviétique se montre aussi
SOuple qu'opiniàtre. Elle se 'l'évèle fort valahle
dans l'exploitation immédiate de toute circonstance favorable.
Elle se m'ontre particulièrement efficace
dans la création d'un climat de lutte sociale.
A ce danger, la Grande-Bretagne appauvrie
èt, affaiblie ne peut f~ire face toute seule; elle
a recours aux U.S.A. pou.r assurer, en partie, sa
relève face à l'U.R.S.S. cependant qu'elle doit
Consentir certains abandons.
Il est néanmoins assez vraisemblable que
même si la Grande-Bretagne n'avait pas si cruel, lement souffert de la guerre, elle aurait dû accéder aux revendications nationalistes des diplomates et ses consuls, ses spécialistes du Colonial
Office, ses teclhniciens militaires et, ses Agents
de l'Intelligence Service sont des réalistes qui
jugent à sa valeur le mouvement nationaliste
arabe dont, l'idéologie gagne les élites et les
masses du Moyen-Orient. Ses économisteshommes d'affaires, conllneryants et industriels
- chCil'chent à maintenir à l'intérieur du « bloc
sterling» le monopole anglais des importations
que le Middle East Supply Center avait pratiquement réalisé pendan t, le dernier conflit. Une
analyse froide et ohjeelive de la situation a
déterminé le Gouvernement de Sa Majesté à
faire preuve d'une générosité intéressée POUit'
sauver ce qui peut êlr8 sauvé: les Arabes tiennent avant tout à des satisfactions apparentes
d'fll??Ur-pronre el ?ési,rent surtout les marques
extc'1:'leUreS de leur mdependance.
L'Angleterre les leur o(~cord.e. Elle veut faire
la part du feu, sans que l'on puisse déjà conclure si cette attitude se soldera par le succès
ou l'échec.
En tout cos, gnîce il elle, la pluport des
vays musulmans d'Orient qui étaient asservis,
il y EL une trentaine d'années, ont acquis aujoud'hui, le11l1:' indépendance el leur autonomie.
Cette émancipation résulte à la fois des
circonstances externes qui ont ent'roîné la perte
de ,prestige et d'autorité des puissances occidentales, et des efforts internes de la Nahda
pour adapter l'Islam aux rvthmes modernes.
Enfin l'absence de responsabilités, d'éducation
politique et eultuirelle des Indigènes aussi bien
que la faiblesse extrême du peuplement britannique en Orient ne s'offraient nullement au
rapide passage de la protection à 1'« Indépendance-Alliance ».
Celle-ci ne laisse pas d'attiser les désirs
d'émàncipation des souverains musulmans encore dépendants aussi bien que des nationalismes .locaux. Les éc,hos. eJ.l sont facilement percept!.bles dans les terrItOlres du Maghreb.
Mais l'importance économique mondiale
prise par le 'Moyen-Orient du fait de ses gisements de pétrole contraint l'Angleterre à v
demeurer présente et active.
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-46-
La Grande-Bretagne et le pétrole au Moyen-Orient
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La volonté de contrôler une zone riche en
pétrole est vénue s'ajouter au désir de maîtriser
la route des Indes. Ces deux raisons incitent
la Grande-Bretagne à asseoir solidement son
influence dans les pays arabes d'Orient: exemple de pénétration intime de l'économie et du
politique.
L'Angleterre ne possède pas de pétrole sur
son territoire national, ce qui la différencie totalement des U.S.A. Ses colonies en sont avares~
Au contraire de l'Allemagne, elle n'a pas orienté
son industrie chimique vers la fabrication de
l'essence synthétique. Elle doit donc, une fois
de plus, compter sur l'extérieur pour satisfaire
une exigence vitale.
En effet, si depuis le début du siècle l'emploi du pétrole a évolué, et si, demain l'aviation
utilisera surtout turbo·réacteurs et turbines à
gaz, l'essence demeure encore indispensable aujourd'hui pour les automobiles, les navires, les
avions classiques et pour de nombreux usages
domestiques. Le pétrole et ses dérivés sont en
outre la matière première de nombreux produits
industriels.
En paix comme en guerre, le pétrole est en
conséquence un instrument de puissance.
Un pays non producteur qui veut être un
grand état a besoin de la liberté des mers p'Our
importer le pétrole qui lui manque : réciproquement, pour assurer la sécurité des communications maritimes, il lui faut du pétrole...
Sa recherche fait l'objet d'une lutte passionnée. Une précédente étude sur le Moyen.
Orient, en date de mai 1948 a montré rapidement que le sous-sol du Moyen-Orient était
particulièrement prodigue en hydro-carbure :
après le continent américain il est le principal
.producteur, par contre c'est un très faible con·
sommateur.
Puissance navale, dont la terre abondait en
charbon, la Grande-Bretagne s'est satisfaite de
sa houille jusqu'au XXme siècle. Puis, lors du
prodigieux essor du moteur à essence elle a
décidé d'acquérir et d'exploiter elle-même des
gisements de pétrole afin de ne pas subir la loi
des U.S.A. dont la prépondérance s'affirma de
bonne heure.
Sous l'influence déterminante de l'Amirauté (Lord Fisher), hom'mes d'état, financiers et
techniciens anglais collaborèrent afin de disposer des champs pétrolifères néce~saires à la vie
et à la défense du pays.
C'est au Moyen-Orient que l'Angleterre
trouvera les meilleures nàppes de· pétrole. Des
sociétés privées, vastes et puissantes assureront
le forage, le raffinage et le transport par pipelines terrestres ou marins et pal' une imposante
flotte de tan~ers (1).
En Angleterre comm'e. aux U.S.A. des trusts
formidables servent d'intermédiaires financiers
et industriels à l'Etat qui les commandite et les
contll'ôle. Les trusts du pétrole jouent inélucta·
blement un rôle primordial dans la vie intérieure des nations et dans la politique internationale : la colonisation économique des grands
trusts est une manifestation de l'impérialisme
capitaliste. Aux U.S.A. ce sont des sociétés privées assez souvent en conflit avec le Gouvernement de Washington tandis que le Gouverneln'ent de Londres est toujours l'actionnaire le
plus important de ces organisations, lesquelles
sont les instruments de son action outre.mer.
Les Anglais en Asie Occidentale utilisent
cette force énorme dans le sens de l'intérêt national.
L'histoire de l'extension de la domination
britannique sur les pétroles du Moyen-Orient
peut être scindée en trois grandes phases.
1 A vant la guerr-e 1914-18.
La première en date des sociétés britanniques fut la Shell qui, en 1902, s'associa à la
Royal Dutch hollandaise en Malaisie, aux Indes
et en Egypte (par la suite Royal Dutch et Shen
s'opposeront à la Standard Oil américaine).
Quelques années plus tard le Gouvernement de Sa Majest'é prit position pour s'assurer
des ressources importantes en Orient. Dès lors
le contrôle du Moyen-Orient devient de plus e~
pIuS! indispensable à la Grande-Bretagne. Il lUI
assure de beaucoup la plus grande partie de ses
besoins.
En 1909, l'Angleterre obtient les concessions
du Sud de la Perse confiées à l'Anglo.Persian
Oil où l'Amirauté possède 50 % des actions et
la Shell 49 % (2)".
0
)
(1) En 1939 la floUe pétrolifère sllécialisée reOl'éoentait
16 % du tonnage mondial : l'Empire Britannique arrivait aU
1er rang", suivi de 3lrès par le\; U.S.A .• puis par la Norvège.
Aujourd'hui le pavillon américain couvre le trafic pétrolier
le plus important.
(2) En 1907. un traité anglo-russe avait scindé la perse
en deux zones tl'influence : anglaise au Sud, russe au- Nord.
sans se soucier de l'opinion de la Perse.
Après la révolution bolchévique, la Russie renonce il toUS
ses intérêts en Iran où elle reviendra pendant la guerre 193919!5.
4,
-47
En 191~, elle acquiert la majeure partie dtls
actions de la TUl'kish Petroleum pour l'exploitàtion des gisements de Mossoul; le reste des
actions devait appartenir aux Allemands; le
cQnflit 1914-1918 en décide autrement.
2°) Entre les deux ,conflits mondiaux.
L'expérience de 1914-18, le rapide essor de
l'aviation et le succès de la motorisation mettent
en lumière l'importance inouïe du pétrole dans
l'économie de guerre des alliés grâce à l'appui
des grands trusts, Royal Dutch et Schell d'influence anglaise et Standard d'obédience américaine (1). La production mondiale croît de 50
millions de tonnes en 11)14 à 70 millions en
1918 (elle approche aujourd'hui de 400 millions
de tonnes).
En conséquence, la Grande-Bretagne étend
de plus en plus son emprise économique sur
les pays ambes qui, d'une part couvrent la route
des Indes et qui d'autre part dévoilent leurs
richesses pétrolif.ères. Cette double dépendance
économique détermine fortement la politique
moyen-orientale du Gouvernement de Sa Majesté en Iran, en Irak et en Palestine.
_ L'Anglo-Iranian Oil (nouveau nom de
l'Anglo-Persian) connaît un essor considérable.
Bien que le Shah soit intéressé à ses bénéfices,
elle forme un état dans l'état avec sa police, S'l
flotte et ses avions.
Ses principaux gisements sont ceux de
Meuid Soleiman et de Kanikin reliés par pipelines : les premiers à la raffinerie d'Abadan qui
est la plus grande du monde, les seconds à des
raffineries d'Irak dont Bassorah est le débouché.
_ L'Irak Petroleum Company (LP.C.) succède à la Tukîsh Petroleum Company au lendemain de la guerre 1914-18 après que les traités
de paix eurent prrivé la Turquie de tous droits
sÙr Mossoul.
Un peu moins du quart des actions revient
respectivement à : l'An~lo Iranian, la Royal
Dutch, la Standard Oil et la Compagnie Frrançaise des Pétroles qui ont chacune une part de
23, 75 %, 5 % étant réserrvé's au premier concessionnaire M. Gulbenkian, le « Talleyrand
du péfrole ».
Les cham'ps s'étendent en Irak dans le Nord
de la Mésopotamie, autour de Mossoul et de
Kil'kouk que de longs pipe-lines se séparant à
Haddita relient aux raffineries et ports méditerranéens de :
- Tripoli au Liban, branche française, phI'
la Svrie
IL'
•
- Haïffa en Palestine, branche anglaise,
par la Transjordanie et la Palestine, (cette deuxième branche doit être doublée).
La production annuelle qui était de 4 millions de tonnes en 1938 va atteindre 12 millions
et peut être considérablement accrue.
- Sur le golfe Persique, la Grande Bretagne a poursuivi ses recheil'ches et obtenu des
concessions importantes exploitées par :
- La Bahrein Petroleum,
_ La Koweit Petroleum, filiale de la Standard et de l'Anglo-Iranian.
Ainsi à la veille de la deuxième guerre
mondiale, les sociétés anglaises prédominent en
Asie les sociétés américaines étant prépondérant~s dans les deux Amériques et aux Caraïbes.
En raison de la mise en œuvre de ses plans
quinquennaux ni.R.s.s. se suffit difficilement
et convoite les gisements de Pologne, ainsi que
les nappes qui, au Sud de la Caspienne s'étendent en pays iranien.
L'Allemagne produit du pétrole synthétique
et recherche l'essence roumaine.
La France s'oriente vers l'importation de
pétrole brut de l'LP.C. et le it'flffinage en France.
Le Japon enfin est sous la dépendance lies
U.S.A. et des Indes Néerlandaises.
Sur la carte mondiale des pétroles denx
régions se détachent nettement :
- le groupe U.s.A. - Mexique - V énézuéla,
sous domination américaine ;
- le groupe du -Moyen-Orient, sous domination britannique.
Ceci suffirait à légitimer l'intérêt porté
par les Alliés au t,héâtre des opérations du Middle East.
3°)' Pendant et après la guerre 1939-45.
En 1939-45, la production et la consommation de pétrole par les bélligérants s'accroissent
à un tel point que, au lendemain du conflit, on
craint que le pétrole ne vienne bientôt à manquer.
Après la guerre la mécanisation croissante,
le développement de l'aviation classique, la
substitution progressive du mazout au charbon
(1) « Tous les produits du pétrole, le mazout, l'essrmceavions, l'essence-moteur, l'huile de graissage, ont eu une Dart
d'égale importance dans la guerre. Vraiment l'avenir dira que
les Alliés ont notté vers la victoire sur une vague de pétrole.
.Il faut répéter sans cesse que sans pétrole la flotte
alliée ni l'armôe alliée n'auraient pu conduire la campagne ~. une
nn victorieuse ». (Lord Curzon. 21 novembre 1918).
-48
(le bateau « à vapeur» tend à disparaître),
l'accession au stade économique moderne des
pays soumis à l'influence occidentale augmentent les besoins en pétrole. De récentes découvertes scientifiques laissent entrevoir de nouvelles
sources formidables d'énergie, mais leur utilisation n'est pas encore industrialisée.
La recherche et le contrôle du pétrole se
font donc plus intenses. Le Moyen-Orient est
le champ de la rivalité des Russes et des Anglo-Américains.
Les U.S.A. qui ont pris pied en MoyenOrient et installent leur contrôle financier, y
développent leur action économique surtout en
matière de pétrole, prémices d'action politique.
A. -
La rivalité des AngZ,o-AiJnéricains
et des Riusses.
Le sous-sol de ru .RS.S. ne satisfait pas les
besoins de son industrie, de son agriculture
1ll0torisRe et de ses transports automobiles et
aériens, bien que de nouvelles exploitations aient
été entreprises au Sud de l'Oural et bien que
l'U.RS.S. dispose à peu près à son gré des ressources ,polonaises et roumaines.
Elle tenterra de s'approprier les gisements
du Nord de l'Iran dont elle occupa le t.erritoire
en liaison avec les Anglais pendant le deuxième
conflit m'ondial. A cette fin, elle entretiendra
l'agitation dans l'Azerbeidjan en 1945-46, soutiendra un mouvement autonomiste local et
encouragera le communisme en Perse. Elle
réussi,ra à obtenir ainsi du Gouvernement de
rreheran la promesse d'une exploitation iranorusse des gisements situés au Sud de la Caspienne au prix de la cessation de son activité
politique.
Mais les Anglais et les Américains exerceront une pression énPl'gil{u,~ pour s'y opposer.
Ils y ont réussi jusqu'à maintenB.et.
L'U.RS.S. parait ôvincée ch, pétroles d'Orient.
Dans l'ensemble, la répartition des ressources pétrolières actuellement exploitées par les
deux camps qui s'opposerlt est la suivante
-
-5
,.
0/0
/e
bloc occidental :
des ressources mondiales réparties en
50 % dans les Amériques et les Antilles,
25% au Moyen-Orient.
-
bloc oriental :
20 % des ressources mondiales réparties en
15 % en U.RS.S.,
5 % dans les pays satellites de la Russie
(en tenant compte de l'incertitude qui plane sur
la production soviétique aussi bien pour le pétrole naturel que pour l'essence synthétique).
Ces quelques chiffres mettent en relief le
rôle décisif joué par le pétrole d'Orient dont les
nappes ne paraissent guère devoir s'épuiser
avant longtemps.
Il convient d'ajouter, sur le plan général
que les U.S.A. et l'tj,RS.S. sont les seules puissances qui détiennent sur place, chez elles, des
réserves importantes de pétrole, t.andis que la
Grande-Bretagne est absolument tributaire de
territ.oires extérieurs.
B. -
La situation des Anglais
et des Almiéricains
La concurrence économique s'efface devant
l'alliance politique. Il s'agit d'une lutte économique des deux grands trusts : Royal Dutch et
Standard dont la rivalité est surtout vive en
Amérique. Mais en Orient ils se ménagent réciproquement, se répartissent les zones d'action et
forment une sorte de front commun anti-soviétique.
.
Au lendemain de la dernière guerre, la
position de la Grande-Bretagne dans le domaine
de l'énergie est assez amoindrie; sa production
de houille diminue et elle a perdu des participations importantes "uu Mexique (du fait de
l'expropriation de la Mexican Eagle) et e?
Roumanie (du fait de~ '<i réparations» soviétIques).
1
En conséquence, le Royaume Uni pratiquera une politique :
- de réduction de la consommation (resrestrictions sévères de l'essence, effort remarquable pour développer et perfectionner les
moteurs d'aviation à réaction) ;
_ d'extension des importations de pétrole
el de développement de la production dans le.s
pavs qu'il occupe ou qu'il cont.rôle et dont Il
doit à tout prix, s'assurer l'alliance : c'est I.e
cas des Plats arabes du Moyen-Orient.
L'affaiblissement de la puissance britannique contraint la diplomatie et l'industrie anglaise à s'entendre' avec les Américains.
il+=g_;;;!!ir;;m~;;;;~;*=p
~".::,• • • • • • • • • • • •IIII• • • • • • • • • • • •I!!!!.!l!!!!!!!!I.!!!IiB;!;!;;;.m;==lI!!l!l
;:, ~
49
Les U.S.A. envisagent le pétrole d'Amérique qui n'est pas intarissable et dont la prod1uction égale les 2/3 de la production mondiale,
un peu comme une réserve, un stock de guerre.
Pour épargner leurs propres gisements et conserver leur indépendance économique, ils développent en conséquence au maximum les exploitations exLérieures notamment en Iran, dans la
Péninsule Alf'abique et sur le Golfe Persique où
des gisements encore inexploités seraient particulièremenL abondants.
Ainsi deux raisons primordiales qui s'interpénètrent - car les moyens économiques
sont des facteurs essentiels de la stratégie appellent les Américainsl en Orient où ils prennent contact avec l'Islam :
1°) une raison purement stratégique: dres-
ser une
barrj(~re
devant l'expansion russe,
2°) une raison économique : extraire là où
il se brouve le péLrole nécessaire à leur extraordinaire développement industriel (1).
Les Britanniques étaienL jusqu'à la guerre
. 1939-1945 les maîtres incontestés des pétroles
orientaux. Ils ont compris qu'ils ne pouvaient
s'opposer aux menées américaines, et que, au
contraire, ils devaient s'entendre avec leurs
alliés afin de se répartir les zones d'extraction
non encore utilisées.
'"
En Iran, un accord est conclu en 1946; il
traduit la coonération américaine : «la Compagnie Anglo:Iranian », contrôlée par l'Ami·
raut,Ù britannique et qui exploite les pétroles au
Sud de l'Iran vend pour vingt ans une parLie
de sa production à la Standard Oil of NewJersey et à la Socony Vacuum. Un pipe-line de
30 millions de livret> sera construit vers III
Médite,rranée où ce pétrole sera raffiné.
Dans la Péninsule Arabique où les rése;rves
seraient les plus fortes du monde, les AmériCains ont obtenu d'Ibn Seoud les concessions
exclusives de l'Arabie Séoudite. La première
exploitation date de 1938 (Standard Oil and
~exas). Pendant la dernière guerre, les U.S.A.
Intensifient leu;rs exploitations :
- l'Arabi an American Company (Aramco)
POssède les meilleurs gisements dans le pays
d'El Hasa dont les produits sont raffinés à Ras
'runara et exportés par le port d'El Katif crM
entièreillent en quelques années.
- une filiale de l'Aramco partage avec des
Sociétés anglaises les pétil.'oles de la région de
KOweit et des îles Bahrein où existe une importante raffinerie reliée à la côte arabique par un
pipe-line sous-marin d'une trentaine de kilomètres.
- enfin la Slandard Oil of Arabia exploite
les gisements du Hedjaz et de l'Assir.
Un gigantesque pipe-hne estprojeté qui traversera l'Arabie et la Transjordanie pour aboutir sur la côte médiLerranéenne. Il dépassera par
sa longueur (3.000 kms) et par son débiL (40.000
tonnes par jour) t.OllS les auLres pipe-lines exist.ants.
Grâce à ses sources d'or noir transformé
en dollars, l'Arabie devient riche. Son souverain,
le vieil Ibn Seoud, p;rotecteur des villes saint.es
musulmanes, entretient. son trésor à la fois par
les ressources du pélerinage et par les revenus
des concessions (,2). Il lransforme son pays
(électrification, i;rrigalion, lransports qui présent.ent un curieux mélange d'archaïsme et de
mode,rnisme).
Au cas où les U.S.A. seraient engagés dans
un conflit en Eurasie, l'utilisation des pétroles
arabes permeLtrait de réduire consiclé;rablement
les lignes de ravitaillement de leurs corps expéditionnaires. Dans ce cadre, le pi pe-line projeté
d'Arabie vers la MédiLenranée éviterait le dét.our
assez long el vulnérollle par le Golfe Persique,
Aden et Suez vers l'Europe Occidentale. En
outre, les perspectives des destructions futures
donnent à la dispersion des centres induskielA
un caractère impératif.
C. -
Conséquences act'Hclles
La recherche des possibilités économiques,
la mise en valeur, et en particulier l'essor de
1'exploi tati on pétrolière accentuent l'imporLance
stmtégique du Moyen-Orient. La route de la
Méditerranée au Golfe Persique devient la seconde artère où circule l'or liquide, (après la
route des Caraïf)es' verA les lJ .S.A.) ce qui accroît l'intérêt inte,enational de cette zone.
Dans l'histoire de l'Orient et dans celle du
Monde, de nouveaux chapitres s'ouvrent, un
nouvel équilibre est recherehé.
Du point de vue de l'IslB.m, la création rapide de foyers ind ustrielA et le développement
intense cie courants que suivent hommes et
m&.rchandises, idées et propagandes, peuvent
amener dans les populations arabes du MoyenOrient de lentes mais profondes transforma( 1) par surcrolt les U.S.A. fI11i jJossèdent sur leur '.errltoire national cie trè.s importantes mines (le rl1arl10n vont créer
l'imlustrie clu pétrole syntl1('1if[Ue, il l'exemllle cie l'Allemagne.
(2) Ibn Seoufl perçoi t, en 1 9 \ 8, 21 cents !1ar lJaril cie
pétrole: ce· qui fait actuellement 20 millions cie milliards par
an et la production s'accroit sans cesse !
50tions dans les assises de la vie soeiale musulmane. Toutefois il ne s'agit encore que d'un
premier pas dans le changement de la structure traditionnelle; seule une minorité est atteinte.
L'industrie du pétrole au Moyen-Orient
donne un remarquable exemple d'association
équilibrée entre l'Orient et l'Occident; le pays
oriental fournit la matière première et la maind'œuvre banale, les Occidentaux apportent capitaux et technique et assurent les débonchés. Les
bénéficiaires en sont surtout les Princes, actionnaires des trusts anglais et américains.
L'influence économique prépondérante et
quasi exclusive au Moyen-Orient est donc anglo-saxonne.
Tandis que, outre-mer, la France vise des
buts humanitaires et veut surtout améliorer le
sort des hommes, les deux grandes puissances
anglo-saxonnes cherchent principalement à at~
teindre des objectifs égoïstes et ne s'intéressent
pas directement à l'élévation des conditions de
vie des «natives»; c'est pour elles une conséquence et non une fin première de leur activité.
Pour la Grande-Bretagne, on ne le l'épètera
jamais assez; les contrôles de la route de Suez
et du pétrole du Moyen-Orient sont d'impératives obligations: l'Angleterre dépend! du dehors.
Pour les U.S.A. dont le contrôle financier
et économique s'étend sur la majeure partie de
la ter.re, le Moyen-Orient s'insère dans un dispositif mondial, dont les grandes communications forment le système circulatoire que le
pétrole alimente et que jalonnent les bases pétrolières.
Dans le goulet de voies stratégiques qui
traverse d'Ouest en Est le Moyen-Orient, il y
a une heureuse coïncidence des bases navales
et aériennes avec les cenbres pétroliers. Ce facteur détermine en premier lieu l'implantation
des bases américaines, car l'équipement économique peut offrir une solide infrastructure à
des ambitions de domination politique.
Quant à l'U.R.S.S. son désir traditionnel
d'acces"ion aux mers chaudes et libres s'avive
du besoin d'acquérir de nouvelles sources de
pétrole. En vain pour le moment.
La .France, elle, est partie prenante de
pétrole brut dans les gIsements de l'Irak mais
sa liberté d'action est très restreinte puisque
forages, pipe-lines et ports d'exportation sont
situés sur des terres qu'elle ne contrôle pas et
parce qu'elle doit assurer le transport du précieux liquide au tl!'avers de la Méditerranée (1).
Tous ces intérêts économiques axés sur le
pétrole des pays arabes du Moyen-Orient font
ressortir la nécessité pour les grandes puissan~
GGli d'avoir une politique musulmane orientale
qui se concilie les sympathies des populations.
Ce qui permet d'éclairel1" certaines attitudes et
d'expliquer certaines frictions.
Aux yeux des Anglais et des Américains
chez qui l'idéal purilain se mêle à l'intérêt mercantile, la prospérité est le meilleur standard de
vie des indigènes découleront normalement de
la mise en valeur de leur pays. L'action étran~
gère sera d'autant mieux supportée qu'elle associe les intérêts des autochtones à ceux des
- occidentaux, sans qu'il soit question d'action
sociale directe.
Il n'est pas interdit d'imaginer que la propagande communiste tentera d'éveiller la classe
prolétaire, encore restreinte, en l'opposant auX
chefs locaux bénéficiaires directs de l'industrialisation des pays arabes grâce au capitalisme
occidental.
Enfin dans l'hypothèse d'un conflit armé
qui se ~éclanClherait entre l'U.R.S.S. et. les Anglo - américains, le théâtre d'opérations du
Moyen-Orient paraît plus sensible que d'autres
parce que:
- les installations pétrolières sont extrêmement vulnérables aux moyens de destruc~
tions model1"nes (sans omettre les agents de ce
que l'on appelle communément la cinquième
colonne) ;
- la supériorité des thalassocraties (U.S.A.
et Grande-Bretagne) sur les entités continentales (U.R.S.S.) jouerait moins qu'ailleurs, dans
un premier temps sans dout.e.
Les événements ont cependant contraint les
Britanniques à alléger leur appareil militaire
dans les pays d'Orient et à le prolonger par un
dispositif replié vers l'Afrique Occidentale.
(1) En 1939 la France recevait de l'Irak P'fMoleum, 1,5
million de tonnes de pétrole brUt par l'ntermMiaire de la.
Compagnie Française des PétrolEJS, ce qui correspondait au cinquième de la consommation française d'avant-guerre.
'l· ·.:
w
- 51-
Caractères de l'action britannique
Bien qu'elle évolue à la demande des événements, il est intéressant d'étudier la méthode
ailglaise telle qu'elle fut généralement employée
en Orient au cours de ces trente dernières années car elle s'oppose foncièrement à la méthode française aussi bien dans sa conception que
dans la nature des moyens utilisés.
On peut dire que, au Levant (comme en
Afrique du Nord) la,France a toujours eu tendance à faire une politique du sentiment et à
rechercher le prestige apparent.
Elle est idéaliste.
Prodigue en hommes, soldats et fonctionnaires, elle est assez avare des moyens financiers : ce qui n'est pas toujours une solution
économique. Elle s'ingénie à développer généreusement l'instruction et à répandre la culture
occidentale sans toujours en prévoir les effets.
sur les populations qu'elle administre et contrôle. Désintéressée, elle protège les minorités. Profondément démoerate, elle transpose son humanité, outre-mer et tend à initier les masses à la
pratique des institutions républicaines. Enfin
elle sous-estime le nationalisme arabe, dans le
même moment où sa faiblesse encourage des
crises de xénophobie.
Au contraire, l'Angleterre fonde toujours
sa politique sur l'intérêt de l'Empire Britannique.
Elle est réaliste.
Elle pratique de strictes économies de personnel mais se montre prodigue de subsides
financiers: la Livœ Sterling était et reste malgré tout un de ses moyens les plus efficaces;
ses agents, civils et militaires, sont peu nombreux, mais spécialisés et durables. La mise en
valeur des pays soumis à son influence est
dominée par la rentabilité des entreprises (pétrole, irrigation, coton...) et par la sécurité des
communications (bases navales et aériennes).
Elle s'appuie sur la majorité arabe sans tenir
('ompte des minorités. Enfin la Grande-Bretagne demeure d'essence arist.ocratique et son
gouvernement même travailliste, favorise les
Princes Arabes et les Féodaux Bédouins, soutient les dynasties, édifie ou renforce les Royaumes.
Il en résulte que l'action locale des services
anglais différait radicalement de l'action des
~ervices f,rançais en pays d'Islam.
Le contrôle par le renseignement et par la
diplomatie a toujours écarté les Britanniques
de l'administration directe et de l'ingérence
intérieure dans la vie et les affaires des pays
souniis à leur influence. Des moyens militaires
réduits mais modernes assurent la liberté et la
sécurité de leurs communications.
La politique indigène anglaise étend partout un réseau dense de renseignements au
service de quelques () t ficiers spécialisés mai s
qui ns r;u,:o:ent pas de conSl-:'n'f'r l'espr't militaiœ bien que leurs séjours en Orient sàient
longs. La situation matérielle qui leur est faite
leur vaut un grand prestige au milieu de populations musulmanes sensibles à la marqup visible et ostentatoire de la force. Leur spécialisation très poussée leur donne une connaissance
précise des choses et des gens de l'Islam Oriental mais diminue leur rendement et leur aptitude
à situer leur action locale dans son cadre d'ensemble. Leur personnalité affirmée se colore
d'une teinte d'aventure. On connaît le prestigieux Colonel 'Lawrence et quelques uns de ses
successeurs fameux :
Le Colonel Peake Pacha créateur de 1'« Amb
Legion.» en Transjordanie et Clubb Pacha qui
fonda «The Desert Palrol» sur le modèle de
nos compagnies méharist.es du Levant, avant de
succéder à Peake.
En plus des informateurs indigènes, les
services de renseignements anglais emploient à
fond les excellents agents bénévoles que sont
toujours les civils britanniques installés à.
l'étrànger. Ils disposent des moyens de transmission les plus récents et leur's renseignements
sont aussitôt exploités.
Cette politique pratique une véritable diplomatie secrète. Elle s'appuie préventivement
sur la Cavalerie de Saint-Georges ('1). Elle excelle à utiliser les ambitions, les particularismes et
les méfiances locales ; elle oppose les uns aux
autres chefs de tribus et chefs de clans; elle
s'acquiert les sympathies des personnages religieux et des princes temporels elle inspire
( 1) Avant la révolte conIre les Turcs, en 1916 le Bureau
Arabe du Caire verse 50.000 livres à Hussein, 10.000 à Abdallah
et autant il Feyçal. Par la suite, le paiement des seuls chefs
arabes s'élèvera il 200.000 souverains par mois.
. Il Y il une dizaine d'années • .l'enlrelien de la Transjordanian Frontier Force revenait il 150.000 livres sterling. Actuellement, la Grande-Bretagne verse 500.000 livres sterling il la
Transjordanie chaque trimestre, malgré la pression des U.S.A.
qui désireraient que cesse l'alllllü financier accordé il Abdallah,
qui l'utilise en majeure partie contre les Juifs de Palestine.
-.IïlI
","
-!.,
. Hij.'.".'."
, i' ~
- 52
des conspirations, fomente des complots, ne
recule pas devant les assassinats.
Les fonctionnaires civils britanniques sont
en nombre ;réduit. Comme leurs camarades militaires, ils occupent les posles essentiels dont
ils demeurent titulaires pendant longtemps. Ils
1ais sen t aux indigènes des salisfactions
d'amour-propre el, à cet effet, n'apparaissent
jamais au premier plan mais agissent dans les
ooulisses.
La Transjordanie est caractéristique de cette
situation; le contrôle anglais s'exerce unique~
ment de la capilale el eomprend essentiellement
un Résident assisté de trois délégués; un fonctionnaire gère la politique, un autre la justice
et un troisième le cadaslre.
(La Transjordanie comple 400.000 habitants soil envil'on la moitié de la population du
Commandement Agadir-Confins).
L'aelion britannique répressive prend la
forme de raids, de patrouilles, de représailles et
de guérillas dont l'exemple le plus fameux est
« la Révolte dans le Désert ».
La promptitude de son action et la faiblesse
relative de ses effeelifs - exception faite pom'
la Palestine avant son évacuation - caractérisent l'inslrument militaire qui assure la sécurité et éventuellement la répression immédiate ('1).
La R.A.F. constitue l'arm'ature essentielle
du dispositif militaire. Des bases bien choisies,
bien équipées, maitrisent les points vitaux:
nœuds de communications, escales maritimes
ou aé;riennes, forages, raffineries, ports de pétrole, centres économiques.
aériennes, des garnisons permanentes et l'usage des voies de communications. Toutefois, au
printemps 1948, le Parlement de Bagdad rejette
le texte d'un nouvel accord qui prévoyait le
maintien de bases à la disposition des Britanniques : ce refus n'a rien modifié à la situation
de fait.
Le modèle de l'Irak montre combien diffèrent les méthodes f;rançaises et britanniques.
Toulefois en ce qui eoncerne l'Afrique du Nord,
il faut penser que, à côté des troupes d'oceupation proprem'ent dites - troupes de souveraineté et des éléments de police locale, forces supplétives - la France entretient au Maghreb des
troupes destinées à la défense de la Métropole
ou à la sauvegarde de l'ordre en une zone quelconque de l'Union Française.
En Transjordanie où le Général Glubb
Pacha joue un rôle de conseiller militaire, 80
offieiers anglais sous le commandement du
Brigadier-Général Lash encadrent une «Légion
transjordanienne », disciplinée, instruite, moderne et forte de 20.000 hommes. Elle participe
aux opérations de Palestine en 1948.
A son sujet, un officier frança.is, le Capitaine Baudoin, observateur des Nations Unies,
écrit en juillet de cette année :
« La Légion Arabe traverse une crise sérieuse... En réalité, les cadres aussi bien anglais
qu'arabes m'ont paru médiocres. Les Britanniques à part quelques rares exceptions sans
doute, semblent incompétents, fatigués, ne parlent pas arabe et n'ont pas la manièlfe. Jouant
les Lawrence au petit pied, heureux de leur
avancement rapide, je les ai trouvés vaniteux,
Derrière des retranc,hements s'abritent
des escaçlrilles de l'Air-Control
des éléments aéroportés ;
des unités motorisées.
Enfin des fo,rces supplétives indigènes, encadrées par des officiers anglais, assurent les
liaisons et la police dans le bled.
1
L'Irak présente un exemple typique de la
faible densité de l'occupation bl'itannique (2).
Ce pays s'étend sur 370.000 kms 2, soit un peu
moins de la superficie marocaine et compte 3
millions d'habitants, soit plus du tiers de la
population du Maroc. Avant la guerre, il était
tenu pal' quatre escadrilles, quatre groupes d'l'S. cadrons motorisés (A.M. et scout-cars) et quelques éléments supplétifs; au total 3.000 hommes de troupe.
Après l'indépendance de l'Irak, le traité
d'alliance anglo-irakien dB 1936 a permis aux
Forces britanniques de conserver des bases
(1) Il convient de noter que c'est au Moyen-Orient que'
peu après 1914-18 l'armée lJritannique entreprit l'étude de :
- la motorisation et la guerre moderne dans le désert.
OrganIsation et emploi des unités lllind('es et motoriséeS
ont été fixés par le règlement de 1927, modifié par les leçons
tie l'expérience. Cet apprentissage préparera les BritanniqueS
aux raids el aux campagnes d'Afrique du deuxième. conflit
mondial où leurs unités spéciales telles Que le Long Hange
pesert Group effectuèrent avec bonheur des reconnaissances
à longue distance.
.
L'armée française d'Afrique de son côté fit l'expérience
de la motorisation en pays tié;;ertiques dans les opérations de
l'Anti-Atlas et dan;; la liaison Draa-Mauritanie (1934) sous les
ordres du général Giraud et du colonel Trinquet.
La Wermarcht ennn prépara méthodiquemenl et systématiquement la g'uerre blindée dans le désert par l'entrainrmen\
extrêmement poussé de l'Afrika-Korps dans les lanties cIe LUnebourg.
(2) Les Ang-Iais ont toujours pratiqué une occupation militaire légère et entretenu une administration peu apparente
tians les pays soumis à leur influence. Avant leur indépendanCe
les Indes, peuplées de queqlues 400 milllons d'habitants, étaient
tenues par: 50.000 militaires et 1.500 fonctionnaires civils.
La domination hritannique, a su longtemPs s"accrocher Il
une armature invisible, à l'encontre de la présence francaise
qui aime s'extérioriser.
-
-.·53
,brouillons, brutaux, énervés. Si l'Arak leur
fournit une consolation facile, cela he rehausse pas leur prestige.
Leur présence est de plus en plus discutée
par leurs camarades arabes ».
Dans d'autres états, des «Missions» d'Etat·
Major et d'instruction assurent le contrôle des
forces naLionales en Svrie et en A.rabie notamment.
.
Enfin, l'action des agents de renseignements et des autorités politiques est prolongée
par les entreprises britanniques sur le plan
économique : exploitation du pétrole, hydraulique, travaux publics... qui lient les pays du
Moyen-Ûlrient à la Grande-Bretagne etconeilient leurs intérêts réciproques, sans qu'il soit
question au sens exact du terme, d'une colonisation britannique.
En conclusion, il ne faut comparer que ce
qui est comparable ct, à tous les points de vue,
il faut se garder de transposer les solutions
moyen-orientales SUi!' le plan nord-africain.
La politique française dans les Protectorats de Tunisie et du Maroc, et a fortiori dans
les départements d'Algérie, est conservatoire.
Elle tient compte de la réalité d'un peuplement
français qui doit s'implanter de plus en plus
p;r'ofondément au milieu de populations indigè-
nes en constant accroissement démographique:
ce qui vaut à la France des responsabilités considérables, autant qu'elle se propose de guider
les éléments qu'elle a pris en charge vers un
but élevé d'humaine culture tout en développant
la solidarité. des intérêts matériels.
La politique britannique au Moyen-Orient
n'est donc pas parallèle à l'attitude française
du Maghreb; Londres et Paris n'ont pas la
même position en face de l'Islam. En dépit du
traité de Dunkerque et des résolutions qui en
découlent pour une action commune outre-mer
il reste des agents anglais qui n'ont pas accepté
l'alliance f;r'anco-anglaise et qui n'eilvisagént la
politique britannique au Moyen-Orient qu'aux
dépens de la France, comme il est des agents
français qui n'ont pas accepté Fachoda et qui
se froUent les mains devant tout incident, en
Palestine ou ailleurs, qui servirait aux dépens
des Anglais, d'abcès de flxation il l'extrémisme
arabe.
La vérité est que la politique britannique
dans les pays du Moyen-Ol'ient est essentiellement, dictée par des considérations stratégiques
et des intérêts économiques. II n'y a pas de peuplmuent anglais ni de colonisation britannique
importantes dans ces régions. De ce fait les
problèmes sont simplifiés et ne se posent pas
du tout de la même façon que pour la France
en Afrique du Nord.
La nouvelle orientation de la politique impériale britannique
La stratégie britannique est traditionnelle.
ment impériale. Elle jOI~'l ~~ur la planète enlière.
Dans la dernièl(l q-üc'r::'(' di~ connut des
fortunes diverses pOlir tri,nnph'.ll' fin fi lenh'Jll
avec l'aide des U.S.A. et. ;ln j'(I.ltS.S.
L'unité. d'action en Europe, en Afrique et
en Asie caractérisa sa conception finale.
AujOlœd'hui un «Etat-Major combiné »
anglo-américain dont le P.C. permanent est à
Washington traite les problèmes communs aux
?eux grands pays anglo-saxons ; en particulier
Il étudie le fonctionnement des bases et. des
services en Méditerranée et au Moyen-Orient.
Par leur situation, par les communications
qui s'y c.roisent et les richesses qu'ils renferlIlent, les pays du Moyen-Orient et le Canal de
Suez formaient en 1939-45 la zone centrale et
~a qharnière de l'immense théâtre d'opérations
Interallié s'étendant des rives atlantiques aux
atolls du Pacifique. De fait l'Histoire future
expliquera sans doute que le grand renve.rse-
ment stratégique de cette guerre a commencé
dans les sables d'el Alamein.
Renan avait prononcé des paroles prophétiques en déclarant à Ferdinand de Lesseps lors
de sa réception à l'Académie Française : «Le
grand mot : je suis venu vous apporter 'non la
paix mais la guerre, a dû se présenter fréquemment à votre esprit. L'isthme coupé devient un
détroit, c'est-à-dire un champ de bataille. Un
seul Bospho,re avait suffi jusqu'ici aux embarras du monde. Vous en avez créé un second bien
plus important que l'autre car il ne met pas'
seulement en communications deux parties de
mer intérieure; il sert de couloir de communications à toutes les grandes mers du globe.
En eas de guenre maritime, il serait le suprême
intérêt, le point pour l'occupation duquel tout
le monde lutterait de vitesse. Vous aurez ainsi
,marqué la place des grandes batailles de l'ave-'
nir ».
Or, c'est grâce à la sympathie, ou tout au
.J
,
.(.:
-54moins à la neutralité passive sinon bienveillan.
te, des populations arabes, que la guerre 19391945 a pu se dérouler dans le Moyen-Orient sans
d'autre incident interne que la tentative épisodique de la révolte irakienne fomentée par Rachid Ali. Les communications vitales ont pu
être assurées entre la Grande-Bretagne, les USA
et l'U.R.S.S.
Ceci confirme que de bons rapports avec
les populations moyen-orientales sont nécessaires aux Anglais, et maintenant aux Américains
si les uns et les autres veulent s'assurer des si.
tuations favorables dans l'éventualité «des
grandes batailles de l'Avenir» qui les opposeraient à l'U.R.S.S. sur ce théâtre.
La physionohüe d'un tel conflit est difficile
à imaginer en raison du secret qui voile les
recheorches scientifiques et dans l'ignorance des
possibilités de fabrication de guerre de l'un des
adversaires éventuels. Bombardements intercontinentaux, armes microbiennes, explosifs nucléaires précédant, appuyant ou prolongeant les
manœuvres de troupes amphibies, parachutées
ou aérotransportées? Guerre de méridiens par
la zone polaire arctique, guerre des parallèles
dans les grandes plaines européennes ou sur les
plateaux asiatiques? On ne sait. L'art de la
guerre évolue avec les possibilités techniques.
Sans données empiriques, l'antidpation est
malaisée.
"
Toutefois en demeurant sur le plan de la
tactique et des moyens actuellement connus et
en se limitant au quadrilatère « Détroits-Caspienne-Isthme de Suez-Golfe Persique» on peut
dire succintement ceci :
1 En ce qui concerne l'U.R.S.S.
0
L'U.R.S.S. n'a pas de marine importante et
moderne. Elle devrait donc choisir des champs
de bataille terrestres si elle prenait l'initiative
d'un conflit armé.
Elle bénéficie d'une situation privilégiée
à cet égard, en tant qu'immense entité' continentale qui s'étend en ,Europe et en Asie avec
de larges zones de couverture qu'elle peut occuper ou évacuer sans rien compromettre.
Le Moyen-Orient est une zone d'opérations
particulière qui pourrait lui apparaître assez
favorable car,sa conquête mettrait en sérieuses
difficultés les Anglo-Américains :
- en interceptant les communications essentielles d'Oocident vers l'Etrême~Orient, et
en occupant - ou détoruisant - leurs principaux carrefours, centres nerveux d'importance
mondiale,
.
- en mettant la main sur les importantes
sources de pétrole des pays arabes et persan~,
nécessaires à la Royal Navy et à la Royal Air
Force.
Or, la frontière méridionale de la Russie
d'Europe est à proximité relative :
- du Golfe d'Alexàndrette,
- de l'Isthme de Suez,
- du Golfe Persique.
De plus, la conquête de cette zone, avant
que les Anglo-Américains n'aient pu l'o~cuper
en force, éloignerait les grands centres econ~­
miques russes des bases ennemies et assureral~
ainsi une sorte de protection indirecte, ce qUl
se prête à des opérations rapides, où la surprise
peut jouer.
On comprend l'intérêt que les Américains,
à la suite des Anglais, portent à l'organisation
de la Turquie qui entretient un million d'hommes sous les armes: le Gouvernement d'Ankara
garde les Détroits; le plateau d'Anatolie couvre
la Mer Rouge et commande l'accès à Alexand,rette.
On devine les mobiles de l'émulation rus·
so-américaine dans l'affaire de Palestine et on
saisit les raisons de la rivalité des Anglo-Américains et des Russes dans les pays de ce MoyenOrient qui constitue pour les uns et pour les
autres un glacis militaire essentiel et une zone
d'influence politique fondamentale.
2 0 En ce quicon1cerne la Grande Bretagne
La .route des Indes a changé d'aspect et la
défense impériale de centre.
Les enseignements du dernier conflit sur
la vulnérabilité de la Mer Méditerranée, l'évacuation de l'Egypte et de la Palestine, l'indépendance des Indes et les effets possibles de la
future balistique facilitant l'attaque brusquée
sont autant de facteurs qui ont déterminé l'Etat-Major Impé.rial à réviser sa conception stratégique et à suspendre les mesures de désarmement.
La guerre 1939-45 a en effet déjà démontré
que, du fait de l'avion et du sous-,marin :
- la Méditerranée avait cessé d'être une
mer libre : il fallut chasser les foorces de l'Axe
hors d'Afrique pour ré ouvrir cette grande artère maritime au trafic allié.; ce fut la très grande
conséquence stratégique des victoires d'el Alamein et de Tunisie.
- le Canal de Suez était à la merci des
attaques aériennes. Il a été bombardé à de nombreuses reprises; par trois -fois son trafic fut
interrompu pendant plus de huit jours.
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LE MOYEN ORIENT
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55 Hitler a cependant sous-évalué l'importance âu théâtre d'opérations moyen-oriental. Il
n'a pas soutenu à fond l'offensive de Rommel
qui, à el Alamein (septembre-novemhre '1942),
s'était approché à 75 kilomètres d'Alexandrie.
En Russie, il a dispersé ses efforts et n'a
pas su - ou pas pu - exploiter la ma.rche sur
le Caucase (été '1942) vers les champs de pétrole de Bakou et par la suite vers le Golfe Persique.
De plus, il ne semble pas qu'une coordination
stratégique ait jamais été envisagée entre l'Allemagne et le Japon qui, par la prise de Singapour ('15 févrie,r '1942) avait la maîtrise de la
route d'Extrême-Orient. et dont les sous-marins
ont pénétré en Mel' Rouge. (Voir croquis : Le
Moyen-Orient et les possibilités stratégiques
germano-nippones au début de l'automne '1942).
Dans l'éventualité d'une nouvelle guerre
mondiale l'Etat-Major anglais a décidé de se
donner du champ et à cet effet de :
- réorganiser la défense impériale en
fonction des données nouvelles de l'Orient
(évacuation de l'Egypte, de la Palestine et des
Indes) et d'en reporter le centre de gravité en
Afrique sur le Kenya en liaison avec l'Union
Sud Africaine par la Rhodesia et avec la Nigéria par l'A.O.F. ;
-."
- renforcer la sécurit,é de la vieille route
des Indes par le Cap, ce qu'il avait déjà eu la
prévoyance de faire avant '1939, car le dévelop~ement de la puissance navale et de l'aéronautIque italiennes, l'intervention fasciste en Espagne et aux Baléares et la conquête de l'Ethiopie
ayaient ouvert les yeux des dirigeants de l'EmpIre sur le danger de l'exclusivité de l'artère
méditerranéenne; les partisans de 1'« Ecole du
Cap» lui préfèrent la voie Sud-Atlantique plus
longue mais plus sûre.
En résnm'é l'Empire Britannique se resserre
SUI' l'Afrique.
, - il ne saurait êtll'e question d'abandonner
d un conflit armé. Il n'en dem'eure pas moins
qUe:
- il ne saurait être question d'abandonner
le Moyen-O.rient, mais encore faut-il adapter les
tnesures militaires à la situation politique ç
- quant à la route du Cap, c'est la route
de remplacement de la route de Suez, mais bien
qUe le deuxième conflit mondial ait déclassé
cette dernière, en temps de paix Suez reprend
la prédominance ('1).
Pour s'e maintenir en Méditerranée Orientale et au Moven-Orient le Gouvernement de Londres devra plus que j'amais s'efforcer de cultiver et de conserver l'amitié des Musulmans.
En effet, les relations internationales peuvent aujoul'd'hui revêtir les aspects plus nuancés que la paix ou la guerre nettement définies.
C'est ainsi que l'on peut appeler «paix belliqueuse» la conjoncture actuelle où deux systèmes antagonistes se diputent l'hégémonie
mondiale et jouent dangereusement avec le feu.
Cette situation se manifeste par exemple en
Europe Centrale et Orientale où les voies navigables sont fermées aux nations autres que
l'U.R.S.S. et ses satellites, en fait depuis la défaite alle~nande et en droit depuis la conférence
de Belgrade de l'été '1948.
La pénékation indirecte de l'U.R.S.S. dans
le bassin oriental de la Méditerranée et le
Moyen-Orient sans qu'une confrontation sanglante soit pour cela nécessaire menacerait dangereusement le trafic maritime' de l'Angleterrre.
En temps de paix, celle-ci a besoin du Canal
pour alimenter son écononüe int.érieure et en
tout temps, elle' exige les abondantes ressources
pétrolières d'Orient.
Or pou,r souple qu'elle soit, et parfois contradictoire, la pression soviétique sur ces régions se décèle if chaque occasion.
C'est pourquoi, alors que le Gouvernement
de Londres a demandé à celui de Washington
d'assurer sa relève de part et d'autre des Détroits par une aide financière et para-militaire
à la Grèce et à la Turquie et par une coopération active dans l' o.rganisation de l'Iran, il n'a
( 1) Le rapport du Conseil fi' Administration (lu Canal (le
Sue,z en date du 8 juin 1948, exprime ce fait et (Ionne des
jndications intéressantes sur 1.1 reprise (les courants normaux :
« ... Le mouvement maritime du Canal s'est élevé à
~6.577.000 tonnes (le jauge nette avec 5.972 traversées. Ce
tonnage dépasse de 6,3 % celui de 1938 et l'emporte même
SUI' celui de 1937, le meilleur enregistré jusqu'alors .
...Dans la répartition de la jauge nette, entre les principales
nations qui contribuent au trafic du Canal, la premiêre ulace
revient comme toujours à la Grande-Bretagne avec 17.252.000
tonnes; sa part dans le mouvement maritime total s'est toutefois aIJaissée de 62,6 % en 1946 et 47,2 % en 1947, tandis
que la part de la Marine Américaine paSSait de t 8,2 % à 20 %'
Si l'on considère la répartition du trafic entre les diverses
régions situées au-delà de Suez, il apparait lIue la PU"t des
pays bordant le Golfe Persique dans les échanges effectués par
le Canal s'est accrue de six dixièmes par rauport à 1946, formant ainsi près de, la moitié du trafic total des marchao(jises.
L'augmentation est surtout maniJeste (Ians le sens Sud Nord
où elle traduit le développement des envois (le pétrole depuis
l'Iran, l'Arabie Séoudite, l'Etat de Koweit et les iles Bahrein,
mais elle est appréciable également dans le sens Nord-Sud où
elle témoigne des besoins accrus en mélaux ouvrés, machines
et ciment.
Les progrès faits depuis la guerre par le commerce des
Etats-Unis se sont maintenus puisque, en 1947 comme en 1946,
les échanges opérés entre ce pays et les régions situées au-delà
de Suez prennent dans le trafic du Canal une part triule (le
celle qu'ils formaient naguère.
Les Etats- Unis conservent, (Ians le domaine de la production et des échanges une prépondérance incontestée qui continUe
à faire d'eux, malgré leur éloignement géograuhique la seconde
•
nation dans le trafic du Canal de Suez ».
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56
pas renoncé loin de là à sa politique en Orient.
Cette action est, fondée sur la sympathie agissante ou au moins le consentement passif des
Arabes et sur la recherche d'une solution au
différend anglo-égyptien.
Les concessions faites aux Etats Arabes et
l'attitude prise dans l'Affaire de Palestine correspondent ù. la volonté de s'assure.r l'amitié des
chefs arabes orientaux. Les tentatives amorcées
au Caire pour assurer une défense commune du
Canal ont échoué jusqu'à maintenant.
Les Britanniques ne se décideront à évacuer
intégralement l'Egypte que lorsque leUl' dispo~
sitif de sécurité protégeant les voies de communication sera en place. Il 'semble bien que les
Américains soient d'accord avec eux sur la
néoessité de résoudre ce problème qui est lié
pour les Anglais à ceux de la Palestine et des
colonies italiennes. La situation de)neure cependant incertaine et les di.rigeants Anglais
sont en présence de sérieuses difficultés.
Des conceptions militaires traduisent ces
préoccupations politiques, compte tenu de l'intervention américaine en Turquie et en Iran.
Le nouveau dispositif en voie d'organisation
Il s'agit moins de défendre le Canal luimême que l'Isthme de Suez «lieu de décision
politico-stratégique, bastion d'une défense avancée de l'Inde et d'une défense immédiate du
Proche-o,rient »; (André Siegfried).
Il ne s'agit plus de tenir un axe, la l'uul,e
de Suez, mais bien de protéger un volume (dans
toutes les dimensions) : le Moyen-OriAnL
Les Anglais n'oublient pas qUA ce sont des
Musulmans en majorité Arabes qui habitent le
Moyen-o,rient, ceci dirige lem ç,olitiq ue islamique.
D'autre part ils sannt que la J0fense strntégique demande de la prOf(lndeuI' et s'organise
à distance, ceci détermine Ieur nouveau disposi tif.
Ce dispositif s'appuie sm :
a) la zone des Etats alliés Irak-Transjordanie, flanc-gardée par la SYIl'ie où les Anglais
sont présents ct couverte par la Turquie amie,
fortement armée et sous influence américaine;
b) la zone Soudan-Ouganda-Kenya, solidement tenue et en voie d'équipement, le G.Q.G.
impérial s'installant ft Nairobi;
c) la Cyrénaïque que la Grande-Bretagne
espèrre bien garder sous son contrôle par l'intermédiaire de l'Emir des Senoussis, Sayed
Idriss, et où un accord anglo-américain prévoit
l'installation cie bases en cours cie réalisation.
Pour assurer la protection des champs de
pétrole pŒ'sans, il convient - en liaison avec
les Américains - de tenir l'Iran pour empôcher
l'adversaire éventuel d'y pénétrer.
Enfin, «même si l'Angleterre abandonne
l'Inde, il ne semble pas qu'elle doive formellement renoncerr à l'inclure politiquement et même lllililairement dans sa constellation ; .elle
entreprendra de faire de tous les riverains de
l'Océan Indien, sinon exactement des amis,
(qu'est-ce que cela veut dire en politique.?) du
moins des associés solidaires de son destin »
(André Siegfried).
Ainsi aux limites de l'Islam Oriental, de la
Grande Sy,rie au Golfe Persique par les Détroits,
un arc défensif anglo-amérieain couvre la route
des Indes, protège les gisements de pétrole et
s'oppose aux poussées de la Russie Soviétique.
Un triangle de bases importantes encadre la
zone vulnérable de l'Isthme de Suez au moyen
de points d'appui aménagés en Irak-Transjolrclanie, en Lyhie et au Soudan. Le centre de gravité de la défense impériale britannique est
rejeté au Sud du Canal.
1") POlir proté(Jer le Moyen-Orient et 1]Our
couvrir le Canal lae Suez - au plus prèsl'Etat-Major impérial apporte tous ses soins à
l'équipement des secteurs encadrant l'Ist;hme
de Suez.
a) Secteur Nord-Est de Suez.
Les troupes britanniques sont repliées de
leurs garnisons égyptiennes SUI1' le Canal où des
«harraks» forment un vaste camp retranché.
La Transjordanie dispose cie contingents
encadrés par les Britanniques; le roi Abdallah
défend indil1'eelement les intérêts anglais dans
le conflit judéo-arabe de Palestine.
En Irak, la magnifique base aéro-navale
d'Habbanayah joue le rôle de sentinelle avancée, tandis que plus au Sud s'étend le camp
immense de Shaibah dans le ChoH, el Arab à
proximité de Bassorah et d'Abadan.
Les stations de pompage des pipe-lines
pourraient éventuellement faire office de petits
postes.
•
S7
Les organisations para-militaires et les établissements de l'Anglo-Il'anian permettent l'installation de vé,ritables bases, tandis que les
kméricainséquipent les Hauts-plateaux de
l'Iran, lesquels se prêLent à l'aménagement de
terrains d'aviation permettant d'atteindre les
régions industrielles de l'U.R.S.S. Centrale.
La défense de l'Arabie Séoudite et de la
Syrie sont. pl'atiquement dans les mains des
conseillers anglais. Chypre, enfin, vigie et relai
qui surveille le bassin Oriental de la Méditerranée assure la liaison avec les terrains Grecs et
1\ l'CS d'une part et avec ceux d'Asie-Mineure
d'autre part.
Toute cett.e zone appartient dans son ensemble ft l'Islam Oriental.
b) Secteur Ouest de l'Isthme de Suez.
La notion Moyen-Orient se déforme et peut
s'étendre à la Lybie.
Depuis 1043, les Anglais occupent la TriPolitaine. Ils entendent y demeurer sous une
fonne ou sous une autre,' car s;es bases remplacent celles qu'ils ont perdues en Egypte et en
Palestine:
- Tobrouk se substituerait à Alexandrie
pour les bâtiments de la Royal-Navy ;
- El Aden offre une excellente escale aux
appareils de la Royal Air Force sur les routes
d'Habbanayalh en MésopoUunie, de Shaibah sur
le Golfe Persique et de Nai,robi au Kenya;
- la base de Mehallah (Weelus Field) près
de Tripoli est utilisée par les Américains comme
rrelai vers le Moyen-Orient et l'Abyssinie.
Le sort. des colonies italiennes n'est pas
réglé et doit être décidé par l'O.N.U. Les Russes
aVaient d'abord exp,rimé le désir d'être présents
en Tripolitaine (comme à Suez et à Tanger) ;
pUis maintenant (été 1948) ils soutiennent que
l'Italie doit recouvrer toutes ses colonies non
pas pour satisfaire le Gouvernem'ent de Rome
1l1ais pour chasser les Alliés de leurs positions
africaines dans les anciens territoires italiens.
Washington hésite entre le désir de ne pas
1l1écontf'nter 113s Halo-Américains des U.S.A. qui
rejoignent leurs anciens compatriotes de la Péninsule et le souci de conserver de solides
Points d'accrochage en MédiLerranée Oriental~,
en liaison avec les Anglais. (La France souhaI~
terait naturellement conserver le Fezzan conquis
Par la colonne Leclerc).
Les Anglais, pour satisfaire leur dessein de
delUeuroc en Cyrénaïque évoquent le vœu d~
Populations locales autochtones. Ils flattent a
cet effet le nationalisme local et ils se sont asSUrés de la fidélité de l'Emir Idriss el Senoussi
dont l'action religieuse est puissante. Ils en
feraient. peut-être le souverain d'un nouvel état
arabe indépendant mais allié.
Tout ce secteur fait partie du Dar El Islam
et assure la liaison entre l'Islam Ol'iental et
l'Islam Maghrebin, où la France exerce son
autorité.
La Grande-Bretagne complète son action
militaire 8n Cyrenaïque pEtr la même politique
qu'en Orient: rec:herche des sympathies EM'nhes,
appui généreusem'ent accordé aux princes et
système de l'état autonome allié.
c) Au Sud de Suez.
Le secteur soudanais est fÛlrtement tenu,
bien équipé en voies de communication. Les Anglais ne consentent pas à l'évacuer malgré le!!
délilarches pressantes du Caire.
2°) Afin de se donner de l'espa.ee pour
monter d'amples manœuvres stratégiques, l'EtatJMajor impérial transporte le eel~tre de sa
défense dans l'Afrique Orientale qUI p,rolonge
au Sud le Soudan Anglo-Egyptien, troisième
secteur du dispositif protégeant le Moyen-Orient
et Suez.
Sous l'ardente impulsion d u Maréchal
Montgomery et avec l'adhésion de l'opinion
publique a'ngklÏse le \Var Office travaille il
l'équipement rnilitaire de l'Afrique o,rientale
(Colonies du Kenya et de l'Ouganda, territoire
sous trusteeship du Tanganyka) en coopération
avec le Colonial Office qui s'efforne, avec ténacité, mais non sans difficultés, de mettre en
valeur les possibilités agl'inoles et les ressources
industrielles de ces régions.
Le P.C. Impérial s'installe il Nairobi dont
l'aérodrome est doublé par le terrain de I\amnaJa. Les troupes britanniques qui ont évacué
les Indes et la Palestine prennent garnison dans
les pays les plus sains et s'emploient il les équiper en voies de communication.
Le recll'lll,emenl de conlingents indigimes
locaux est à l'étude afin de remplacer par une
Armée Noire la splendide armée des Indes.
La région des Grands Lacs africains apparaît à la fois comme un futur dominion, un
très vaste réduit de résistance, une base de dépa;r·t et une zone de. réserve.
Au risque de s'évader un instant des limites de cette étude, situons le problème oriental
dans son cadre le plus général.
L'ensemble ternaire britannique
Irak-Transjordanie
Lybie-CyréIiaïque
Soudan-Kén va.
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58
Ir
est couvert au Nord, face aux avancées soviétiques, pair le dispositif! américain :
Grèce, Turquie d'un côté, Iran de l'autre.
Par les rives septentrionales de l'Afrique,
cette zone se relie à l'Afrique du Nord Française où le Maroc a une situation essentielle, symétrique de la Péninsule Ibérique,
- en équerre sur la Méditerranée Occidentale et l'Océan Atlantique,
- à l'épanouissement des routes d'Europe
Oecidentale
.
vers:
- le Moyen-Orient et les Indes,
- l'Afrique du Sud et le Cap,
- l'Amérique du Sud.
Il suffit de regarder une carle (voir le cro·
qui ci-joint) pour se pénétrer de deux idées.
simples mais fondamentales dont la de,rnière
guerre a déjà démontré le bien-fondé :
"
'1°) L'Afrique du Nord prolonge la France
en Afrique, ce qui permet d'échelonner en profondeur la défense stmtégique ;
20) L'Afrique Française occupe une position remarquable dans le canevas des grands
courants atlantiques, méditerranéens et transafricains qui traveirsent. le nouveau monde occidental : ce qui donne à l'Union Française une
valeur d'appoint considérable soit dans le
cadre d'un large groupement économique pour
la mise en valeur du continent africain, soit
dans l'hypothèse d'une guer,re de coalition.
Au Sud ce vastlB dispositif s'appuie sur le
Centre Afrique. Là les élablissem'ents britanniques s'imbriquent entre les possessions françaises et le Congo Belge.
Cependant les U.S.A. s'accrochent, au Liberia à l'Ouest, s'insinuent en Abyssinie à l'Est,
s'introduisent au Congo au Centre el s'intéressent à l'Afrique Oecidentale (1). Leur expansion
économique pourrait éventuellement servir à
préparer de grandioses desseins politiques.
Ceci démontre l'interdépendance des U.S.A.,
de la Grande-Bretagne et de la France en Afirique - comme en Europe Occidentale - jus,tifie l'interpénétration de leur action respe'ctive,
et souligne la nécessité d'une collaboration économique, politique et stratégique.
Dans un tel système les communications
prennent une signification primordiale pour les
échanges du t1emps de paix et POUir les manœuvres du temps de guerre.
Leur canevas essentiel se dessine ainsi qu'il
suit:
.
a) Un chemin de ronde aer18n survole sensiblement le grand boulevard maritime qui unit
l'Atlantique aux Océans Indien et Pacifique
par:
\ Grêce-Turquie
Chypre
Gibraltar
Malte
1 Habbanayah
\ Bass,orah Karatchi
Mehalla-El-Aden 1
Nairobi
Le Cap
D'Agadir à Beyrouth une· route terrestre
partiellement doublée par des tronçons de chemin de fer, suit le littoral. Une rocade intérieure est amorcée en Afrique du Nord au Sud des
Hauts-Plateaux.
b) Des pénétrantes terrestres et aériennes
traversent les continents africains et relient :
- la Mer Rouge et le Soudan Anglo-Egyption au Golfe de Guiné~ par :
Port Soudan-Khartoum-Abeche-Fort-LamyLagos (Nigeria)
avec une variant'e vers la zone du Cap Vèrl
par:
Abeche-Niamey-Dakar.
_ l'Océan Indien au Golfe de Guinée pair :
Monbasa-Nairobi-Bangui-Douala (Ca m e roun)
avec une variante parallèle plus au Sud
par:
Dar Es Salam-Albertville-Pointe-Noire (A.
E.F.)
Pendant la guerre 39·45 et depuis, ces rou·
tes transversales ont pris une importance qu'elles n'avaient pas auparavant, mais leur utilisation aussi bien POUir le trafic terrestre que pour
le transport aérien nécessite une infrastructure
en bon état. L'axe essentiel est la transversale
qui relie la Mer Rouge et le Nil au Golfe de
Guinée par le Tchad.
c) Ce 'canevas de communications s'appuie
à l'Est sur la voie terrestre et aérienne du Cap
au Caire et à l'Ouest sur les grandes voies atlantiques :
.
_ routes maritimes du Golfe de Guinée,
du Centre Atlantique (Panama) et du Sud Atlantique (Cap de Bonne Espérance et, pour mémoire Cap Horn)'.
(1) Conservations de MM. Stetinius et Bechard en 1948.
~7T'--1'ï~--;---::::i\-:-7--'ï"r--r7-~~~~""""""--r------_··l
"-
MOYEN- ORIENT
les
g.o.. ncfs tou ... t'l.t"
'l'\lc.'·c.Ot'atin&h~aux
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'114'
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-59- diagonales aériennes des Courriers Sud
(de création française, c'est la Ligne Mermoz) :
Paris-Dakar-Amé,rique du Sud!.
Ainsi se dessine l'importance prise par
l'Afrique au regard du Moyen-Orient et de
l'Occident : clll'actéristique d'une ère où les
problèmes se posent à l'échelle des continents
et où un conflit pourrait opposer une Eurafrique d'influence occidentale à une Eurasie d'hégémonie communiste.
De plus apparait la communauté d'intérêts
qui unit les puissanèes garantes de notre civilisation qualifiée aujourd'hui d'occidentale et
qui demain s'appeUera peut-être atlantique. Une
coopé.ration s'impose à elles non seulement
pour l'équipement économique du Continent
Africain, mais encore pour l'Miucation de ses
populations.
Or sont en ,contact av,ec l'Islam
- La France au Maghreb, balcon africain
de la Méditerranée Occidentale;
- La Grande-Bretagne et les U.S.A, au
Moyen-Orient, soudure de l'Asie et de l'Afl'ique;
- et ces trois puissances en Afrique Noire
(au Nord d'une ligne Konakry-Dar Es Salam).
En Afrique Noire, les ,populations musullUanes commenoent à être l'objet de progagandes xénophobes mais ne sont pas en mesure de
faire entendre leur voix.
En Afrique du Nord, sans qu'il offre pour
l'avenir une certitude absolue d'immuable durée dans sa forme présente l'établissement français paraît stable et l'accord de l'Islam et de
l'Occident non seulement souhaitable mais encore possible.
C'est en Ol'ient que l'Islam est le plus actif
et aussi le plus virulent. En dépit de la stabilité
de sa pensée religieuse il ajoute aux données
incertaines d'un m'ônde déséquilibré l'inconnue
de son évolution dans une zone où les deux
grands antagonistes du moment risquent de
s'opposer.
Le système stratégique et économique de
l'Angleterre (et, on doit, aujourd':hui ajouter,
des U.S.A.) au Moyen-O.rient ne peut donc être
maintenu, alimenté et mis en œuvre avec efficacité qu'avec le consentement' des populations
d'Orient, princes et peuples musulmans.
L'or et la diplomatie des Anglo-Amérjcaim
attirent la sympathie des dynasties, des gouvernements et des classes aisées.
Les masses ne semblent pas très pel'méables
à l'infiltration soviétique.
Par contre, un nationalisme extrérnL'itf' et
intransigeant commence à se- faire jour dans les
éléments populaires xénophobes.
Dans le domaine limité des grande., villes
et des établissements industriels on assiste à la
naissance di'un capitalisme indigène inféodé
aux Anglo-Américains et au développement
d'un prolétariat anti-occidentaI. Chez une minorité évoluée commence à germer le levain de
la libération sociale qui va de pair avee la volonté d'une totale indépendance nationale.
Les Alliés coopèrent sur le plan économique; les sociétés et les missions améa'icair,es se
font nombreuses mais les Anglais conservent,
dans l'ensemble et toutes choses égales, la direction politique et militaire.
Londœs souhaiterait qu'un disposil.if politique homogène découlât des dispositions stratégiques. De là, les encouragements qu'il accorde
à l'arabisme militaire au gré des événements :
pal'l'ainage de la Ligue Arabe, appui donné à
l'Emir Abdallah, etc... et de là également les
concessions aux exigences des nationalismes
locaux.
•
,!1I"
,;.'
-60 -
CONCLUSION
Que conclure de l'action britannique au
Moyen-Orient en ce qui concerne l'Islam?
1°) A des fins égoïstes sans doute, l'AngleterDe a accéléré la progression des pays arabes
orientaux vers le stade de la Nation autonome
ou indépendante. Non sans difficultés extérieures ni sans incertitudes intérieures.
•
2°) L'émancipation collective et la promotion politique de ces états semblent avoir été
trop rapides; l'éducation individiuelle et l'évolution sociale trop lentes. Inévitablement il faut
des siècles pour transformer individus et groupements humains.
3°) Toujours dans un but intéressé, depuis
plus de trente ans, la Grande-Bretagne a facilité
le développement de la solidarité politique islamique en encourageant le mouvement unitaire
arabe. Mais la Ligue Arabe semble incapable de
surmonter les divergences d'intérêt et de s'imposer au particularisme. Dans le conflit palestinien elle déçoit à la fois la Grande-Bretagne
et les populations arabes du !Moyen-Orient. Elle
engendre une amère déception chez les leaders
des mouvements politiques d'Afrique du Nord
quoiqu'ils en laissent paraître...
4°) En encouragant l'arabisme, l'Angleterre
a indirectement provoqué une réaction antioccidentale, dont elle subit elle·même les effets.
En définitive le bilan de cette action se
solde au profit de la Grande-Bretagne par des
succès «à terme ». On ne peut encore présumer du crédit ou du débit «au comptant» en
ce qui concerne l'évolution générale de l'Islam
et des rapports Orient-Occident.
Que conclure de la nouvelle orientation de
la défense impériale britannique?
1 0) D'une façon générale, la prédominance
et l'extension des U.S,A., le péril de !'infiltration de l'U.R.S.S., le dé.clin et la faiblesse de
l'Occident caractérisent le monde actuel où la
Grande-Bretagne n'exerce plus son hégém'onie.
2°) Plusparticulièl'ement, le resserrement
de la défense britannique Outre-Mer sur l'Afri·
que marque le repli de l'Angleterre devant
l'émancipation des peuples asiatiques et devant
]e danger soviétique.
3°) La solidarité anglo-américaine en Eu-
l'asie, à l'Ouest de l'Elbe, en Méditerranée1 et au
Moyen-Orient se prolongera sans doute en Afrique avec la collaboration de la France. Elle
devrait' entraîner de la ,part des puissances occidentales intéressées une position commune à
l'égard des populations musulmanes et des extrémistes arabes.
La solidarité générale des grandes puissances occidentales pour assurer leur sécurité
au-delà des mers apparaît comme une condition
nécessaire à la stabilité de l'univers et au maintien de notre civilisation.
Elle permettrait, aux états colonisateurs
d'exercer leur mission auprès des peuples dont
ils ont la charge ou la tutelle afin que «le fort
et juste soient ensemble et que la paix soit, qui
est le souverain bien» (Pascal).
En tous cas, la politique de la Grande-Bre:
tagne en Moyen-Ol'ienb tend à prouver que SI
elle se ressaisit bien tardivement et que si son
empirisme est parfois excessif, elle ne s'abandonne jamais. Son habileté et sa souplesse
excellcmt dans les savantes Detraites.
Le Gouvernement de Sa Majesté sait gue la
nourrilure et la sécurité de son peuple dépendent de la bonne volonté de ses anciens vas·
saux.
Il a eu, tout ensemble, l'audace de pousser
à l'extrêm'e les conséquences de son affaiblissement et l'habileté d'éviter les déchirures irréparables :
- à l'intérieur l'énergie morale et le sens
civique des Britanniques ont consenti à l'austArité de sacrifices inéluctables qu'un Etat fort,
stable et respecté a su leur imposer équitablement;
- à l'extérieur, leur réalisme s'est incliné
devant di'humiliantes pert'es de prestige et de
nécessaires abandons pour se diriger vers de
nouvelles perspectives dans le sens de l'intérêt
national.
Mais la conviction que la Grande-Bretagne
ne peut être réduite à un rôle secondaire demeure inébranlable.
Il convient peut-être de méditer sur ce
comportement d'une grande nation tout enUère
tendue vers la volonté infl,exible de se redresser.
RABAT, le 15 septembre 1948.
_.
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_Lb ES _tilL E2L,j!E E -
BIBLIOGRAPHIE
_._._ L
-_ .... _--
g
-,
1
Pour suivre l'évolution de la politique anglaise au Moyen-Orient~ el, d'une façon plus
générale, pour étudier les problèmes d'Orient,
lire:
« L'Afrique el l'Asie» publiée par le
Centre des Hautes Etudes d'Administ.ration Musulmane, 13, rue du Four,
à Paris.
La revue « Politique Elrangère » publiécpar le Centre de Politique Etrangère, 54, rue de Varennes à Paris.
Les documents « Orient-Occident, » publiés par le Seerétariat Général de l'Information, 36, rue de Friedland, à
Paris.
L
-.J
La revue «'Middle East Journal» publiée
par le Middle East Institute, à Wash;ngton D. C. (U.S.A.)
,r:
-...i;~-HF-IiE··,
,1
Clef de voûte du nouvel Empire Britannique
~VANT.PROPOS====================================================~~
La 'présente étnde n'a d'autre but que d'attirer l'attention sur le p,rojet grandiose
conçu par le Gouvernement britannique, qui, pour lancer sur des bases entièrement nouvel~es la délense de l'Empîre, nhésite pas à placer le Quartier Général sous l'Equateur,'au
/{énya, dans un :pays où tout est à faire, \mais que sa position géographique désigne
impérieusement comme centre vital du nouvel Empire.
Dans ce domaine où tout renseignement a lune valeur militaire, le gouvernement
britannique n'a communiqué que fort peu de détails sur les réalisations en cours. Ce
n'est que progressivement que ce voile se lèvera et pour l'instant att,e ét'ude sans prétention se bornera à rechercher ce que doit être un P.C.I impérial, les raisons du ch'oix
britannique, l'état actuel du pays, les projets d'avenir et la conclusion tentera de dégager
un jugement d'ensemble sur les chances de réussite d'un tel projet.
L,===
I. -
=====11
LES EXIGENCES D'UN QUARTIER GÉNÉRAL MODERNE
La deuxième guerre mondiale a montré combien les pays de l'Europe. Occidentale et les Iles
Britanniques elles-mêmes étaient désormais vulnérables (même en face d'un adversaire affaibli)
et il est 'dElvenu cOU/I"ant d'entendre proclampr
qu~ désormais le continent européen n'est plus
à la mesure des conflits atomiques, qui développe:l'ont encore l'espace dont a besoin la stratégi~
moderne pour manœuvrer : pour le moment la
parade à la vitesse de la manœuvre adverse peut
encore être trouvée dans la combinaison des deux
facteurs espace et temps et il en sera ainsi tant
que l'anéantissement de l'adversaire ne pourra être
escompté en une seule attaque instantanée. Sans
éliminer cette possibilité pour l'avenir, il est permis de supposer que nombre d'années seront né·
cessaires pour obtenir ce résultat (1). Pour l'avenir
immédiat, un gouvernement européen doit donc
raisonnablement axer son système de défense sur
une combinaison des facteurs espace et temps,
adaptée à son cas particulier. Le problème est
spécialement ardu pour les Etats de l'Europe Occidentale dont le territoire métropolitain exigu
est à l'échelle d'une bataille et non d'une guerre.
Pour ces pays qui n'ont pas, comme l'U.R.S.S., la
chance de pouvoir conduire éventuellement leur
manœuvre en repli sur leur propre sol, il faudra-
se rabattre sur la solution psychologiquement tl'€S
mauvaise de la «base d'outre-mer », moins exposée
aux premiers coups.
C'est l'étude des possibilités actuelles de ces
« premiers coups » qui permettra de préciser les
conditions qui seront exigées de ce quartier général, qui, pour la plupart des pays occidentaux,
reste 'encore à déterminer, alors que le gouvernement de Londres, on le sait', vient de faire connaître sa décision de placer le sien à Nairobi,
capitale d'une colonie de la Couronne: le Kénya.
Les possibilités modernes de l'attaque brusquée
La première idée est de soustraire le Quartier
Général et la base principale d'opérations à une
attaque lancée inopinément.
Par voie de terre : un groupe d'armées du
type motorisé désormais classique, précédé de ses
( 1) Il faut pour cela que soient résolus les deux' problèmes
sur lesquels se penchent les chercheurs du monde entier :
fabrication des bombes atomiques par un procédé simole et
peu coûteux Ilermettant la production en série; propulsion
avec une précision de l'ordre .du kilomètre à une distanCe
permettant de battre l'ensemble du S'lobe à partir d'une po'
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63 troupes aéroportées, aidé par son aviation d'appui
peut en quelques jours pénétrer d'environ mille
kilomètres chez l'adversaire non préparé.
Par la voie des airs: une flotte de bombardiers
chargés de bombes atomiques du modèle 1945 peut,
en profitant de la surprise, dftruire en majeure partie, dès le premier jour, les villes de
moyenne grandeur de l'adversaire à près de 5.000
kms de distance.
Cependant la mer reste pour les pays d'outr p mer 'la seule voie permettant les transports de
masse et, pour cette. raison, sa proximité est. toujours recherchée.
Les qualités d'un quartier général mondial
dans un conflit futur
Un des premiers soucis sera, nous l'avans vu,
Far la stratosphère: dès la fin de la précédente guerre, les agglomérations très importantes
(capitales, chantiers navals, ports) étaient justiciables de la nouvelle artillerie à longue portée
Ua bombe-fusée du type V 2 atteignait 500 kms et
aucune parade ne pouvait lui être opposée sur les
4/5 de sa trajectoire car elle était inerte). Si l'on
admet que les recherches sur les V 2 transatlantiques étaient fort près d'aboutir, là aussi c'est à 5.000
kms que l'engm ft étages pourra, dès le premier
jour, porter ses coups (si, dC! moins, le problème de
la précision à cette distance peut être résolu»),
hors d'atteinte de la première attaque, soit sensiblement à 5.000 kms de l'adversaire, mais sans
perdre de vue sa' raison d'êtlre qui est de commander. Il faut donc qu'il soit placé en position
centrale, si possible au voisinage d'une base de
concentration, et qu'il <lispose de puissants moyens
de communications et télécommunications, il lui
faut, enfin, des sources de ravitaillement en vivres
et en carburants, toutes conditions qui militent en
faveur d'une région de civilisation poussée et d'équipement très complet.
La mer, qui a constitué pendant quelques années le meilleur fossé anti-chars, a vu son rôle
se retrécir en fonction inverse du rayon d'action
des avions. De nos jours, le « Channe'1 }) ne pœe
plus qu'un problème de franchissement et la Méditerranée elle-même estl devenue bien étroite.
Pratiquement, l'inventaire des possibilités d'un
Empire fera apparaître un certain nombre de solutions dont chacune remplira bien certaines condItions, mais pas t.outes, et le choix définitif devra
sacrifier tel ou tel point jugé initialement indispensable.
de bien situer ce Q.G., en particulier de le placer
'1
II. -
LE CHOIX BRITANNIQUE
Pour le Gouvernement Britannique le problè!he se posait au mom(Ont où, pour la deuxième
fois en 150 ans, l'équilibre de l'Empire venait de
se modifier complètement.
En 17'16, la révolution, puis l'indépendance des
treize colonies d'Amérique, avaiem rejeté l'Angleterre vers la route des Indes ; de même, en 1948,
la disparition de l'Empire des Indes contraignait
la Grande-Bretagne à se retourner vers le seul
contInent où elle restait solidement implantée:
l'Afrique; c'est là qu'elle jette les bas>~ (je son
Troisième Empire.
On ne peut même pas parler de choix. Le
Canada et l'Australie appartiennent désormais Çj.
la sphère affi;éricain~. Le Moyen-Orient est devenu
zone de combat. Il reste l'Afrique.
Et dans cette Afrique il faut bien laisser de
côté ce qui n'est plus l'Empire, en particulier cette
Egypte turbulente; il faut laisser de côté aussi
cette Afrique du Sud qui a porté au pouvoir un
farouche ennemi de la Grande-Bretagne.
En définitive lel choix va porter entre les deux
grands groupes coloniaux de l'Afrique Centrale :
l'Afrique Occidentale Anglaise (Nigera-Gold Coast)
et l'Afrique Orientale (Kenya-Ouganda-Tanganyika).
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L'Afrique Occidental~ est la mieux équipée.
C'est eUe' qui, pendant la _dernière guerre, tendait
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la main à l'Amérique depuis Lagos avec l'escale
de Freetown. Depuis elle possède à Kano l'aérodromel le plus moderne de l'Afrique Centrale pt
toutes les Compagnies du monde : P.A.A., Air
France, . KL.M., Sabena, viennent y poser leurs
appareils.
Les rout'es sont bonnes. en particulier au Nigeria où 6.000 kms sont praticables toute l'année.
Pendant les hostilités ces routes ont été complétées
par des pistes aménagées par la pose de plaques
ou de grillage « Sommerfeld }) analogue à celui
des pistes d'envol (J'une de ces pist'es re10ignait
l'Afrique Orientale et doit être reconstruite en
dur).
La production agricole est relativement développée et doit faire l'objet d'améliorations, au titre
du « Colonial Development and Welfare Act» de
1945.
Un avantage précieux est la facilité des communications par mer avec la métropole ou avec
les U.S.A., même en cas de guerre et de fermeture
du Canal <le Suez.
Et pourtant l'Afrique Occidentale n'a pas été
choisie, La principale raison est quei la position
est trop repliée : de Lagos on est trop loin du
Moyen-Orient, trop loin de cette Egypte qu'il faut
surveiller. Ce Quartier Général qU'on veut certes
à l'abri, on ne le \"eut pas seulement défensif, il
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doit être le Cé;ntre vital d'où partiront les contreoffensives ultérieures, peut-~tre même d'où l'on attaquera les premiers.
Il est peut être même une autl'e raison plus
subtile et plus secrète parce qu'elle a trait, à
l'action de la grande nation-sœur. Cs; n'est un secret pour personne que les Américains ont eux
aussi leur politique africaine. Cette politique s'appuie sur le créditl et la pénétration commerciale
de grandes sociétés qui travaillent en même temps
pour elles et pour l'Etat Américain. Le premier
maillon de la chaine qui va jusqu'en Arabie 'è11
passant par l'Ethiopie est voisin de )a Sierra-Leone:
c'est le Libena, où, par exemple, l'aérodrome de
Robertsfield vient d'être reconstruit, et muni d'un
appareillage d::' radio-guidage des plus modernes.
Et puisque les Américains s'installent, eux, en
Afrique Occidentale, il est permis de penser que ce
fait a pu contribuer à faire pencher la balance en
faveur de l'Afrique Orientale anglaise, solution
plus spécifiquement brit,annique et complémentaire puisque en tout état de cause le relais vers
l'Ouest est assuré.
Et dans cette Afrique Orientale qui comprend
un mandat (Tanganyika), un protectorat (Ougan-
III. -
da) et une colonie (Kenya) c'est cette dt::rnière qui
sera choisie, parce que Londr.es veut bâtir sur du
solide. U:::, Maréchal Montgomery envoyé sur place
en a ainsi décidé; le Quartier Général Impérial
sera à Nairobi.
Lorsque l'on considère un globe terrestre et lorsque l'on trace autour du Kenya les cercles désormais classiques de 5.000 et 10.000 km. de rayon qui
déterminent sensiblement les limites d'action des
bombardiers et de l'avion-photographe l'on est obligé de reconnaitre que la position est magnifiquement choisie. Du Kenya les bombardiers :i
long rayon d'action atteignent oette immense
« zone de contact » qui va de l'Afghanistan à la
Grèce en passant par l'Iran, l'Irak, le Caucase et
la Turquie. Les longs courriers peuvent atteindre
d'un seul coup d'aile Londr's's (6.500 kms) et les
ports avane;és de l'Empire: Singapour à 7.500 kms,
l'Australie à 3.000 (7.000 de l'escale de l'Ile Ma:1riœj.
Mais la position stratégique ne suffit pas.
Encore faut-il qu'elle solt « viable ». En est-il
ainsi? C'est maintenant qu'une présentation plus
complète du Keny~ est nécessaire.
LE KENYA
Pour situer le Keny~ à- la surface de' notre planète il suffit de savoir qu'il se trouve sous l'E·
quateur et sur le Méridien de Moscou. Ses
dj.mensions sont sensiblement celles de la France.
Un examen même superficiel de la carte fait apparaître que c'est un pays de hautes terres, où
l'altitude' pourra compenser en partie la chaleur
due à la latitude zéro. Cette habitabilité en fait
une région relativement peuplée: près de quatre
millions d'habitants (le lllOème de la France) ce
qui donne une densité générale moyenne de'7 habitants au km ê .
LA STRUCTUHE du pays présente, nous
venons de le voir, un intérêt tout particulier.
L'examen d'une carte hypsométriqJe montre que
la courbe 1.000 englobe plus de la moitié du pays
et que de puissantes chaînes de montagnes s'élèvent jusqu'à 5.240 mètres au Mont Kenya qui a
donné son nom à la Colonie le 23 juillet 1920.
Les terres basses qui s'étendent à l'Est comprennent d'abord, sur la côte, une bande de terres
fertiles, bien irriguées et très peuplées; mais cette
bande est étroite et n'atteint. par EndrOIts, qU'une
quinzaine de kilomètres. Plus loin, vers l'intérieur,
c'est la brousse, aux broussailles et aux arbres
clairsemés, aux rares cours d'eau, souvent même
asséchés ou à cours souterrain. Cette immense
plaine est pratiquement inhabitée, mais le gibier
y abonde et nombre de voyageurs y ont trouvé une
véritable atmosphère de paradis terrestre, où les
bêtes ne sont pas sauvages parce qu'elles ne con-
naissent pas l'homme. Cette plaine désertique,
dont la largeur croît dJ Sud au Nord, fait place
plus à l'Ouest, aux Hautes Terres dont l'altitude
moyenne est de 1.500 mètres et qui ne sont qu'une
tOJte petite partie de lîmmense Haut Plateau qui
parcourt le continent africain tout entier depuis
l'Ethiopie jusqu'en Afrique du !Sud.
Cette table millénaire a subi des fractures et
des effondrements; d'où la présence des phénomènes volcaniques dont il ne reste que des cratères
éteints et des champs de lave brûlés par le soleil
et ce chapelet de lacs innombrables dont le plus
grand est le lac Victoria-Nyanza, source du Nil
blanc. Entre le lac et le Mont Kenya se tro;]ve une
vallée d'effondrement extrêmement curieuse, la
Rift Valley, qu·El.speth Huxley décrit de la façon
suivante: « La Rift Valley est l'autre merveille du
pays, crevasse géante à la surface de la terre qui
s'étend, dit-on, depuis la vallée du Jourdain JUSqu'à l'extrême-sud dL: continent africain. Ad Kenya, la partie la plus grandiose de cette immense
fissure est une vallée large de 60 -kilomètres, flanquée des deux côtés de hauts escarpements. De
leur bord, on voit, très l.oin en bas, un paysage
fantastIque: des 'cratères de volcans éteints s'élèvent, sillonnés et ravagés, sur un fond gris lavande; des petits lacs ronds étincellent comme des
bijoux sertis dans des montures barbares. QJe1ques-uns de ces lacs sont entourés de deux anneaux de couleur: celui de l'extérieur, d'un blanc
éclatant, est une plage de sable; celui de l'intérieur est rose tendre, ce s.ont des millfers de fla-
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man<ls, perchés sur une patte, dans l'eau peu profonde. »
Plus à l'Ouest s'étendent des forêts composées,
suivant l'altitude, de bambous, de genêvriers ou de
cèdres, puis <le grandes plaines à pâturages.
LE CLIMAT découle directement de cette
structure du sol. Le pays est sous l'équateur, certes,
mais la tempéraLlre n'est très élevée que dans les
plaines de l'Est. Elle s'atténue rapidement avec
l'altitude. Vers 2.000 mètres, c'est-à-dire là où les
Européens s'installent, la température atteint rarement 27", les nuits sont froides et le chauffage
est, parfois, une nécessité. Plus haut encore l'on
trouve les champs de neige du Kenya où il est
possible, en toute saison, de faire du ski ou du
patinage « sur la Ligne ». Les pr~cipitations, hormis les régions de haJtes altitudes, restent très
inférieures à ce qu'elles sont habituellement en
pays équatorial.
Au lieu <les 5 mètres de Konakry. elles s'établissent ici en-dessous de 1 mètre, à peu près comme au Soudan et dans le bassin du Zambèze.
Il en résulte que le climat, au lieu d'être du type éq~mtorial, est à peine tropical, ce qui a permis
de très bonne heure l'implantation <'l'une population relativement nombreuse.
cides répandus par avions ou hélicoptères, et enfin depuis quelques mois, par inoculation au bétail
d'un nouveau vaccin dû au docteur L. P. Walls.
Sous ces attaques répétées; la' maladie a reculé,
mais elle est loin d'être eliminée.
Les a.~tres maladies locales sont la PlSste dont
des épidémies éclatent périodiquement et la lèpre
qui atteint sensiblement 10 % de la population.
La tube;rculo~e est tr-ès répandue (influence de
la sous-alimentation). Quant aux maladies vénériennes, elles atteignent 60 % d.e 1<1 population.
Une autre maladie extrêmement répandue esL
l'infection pa,r 'les vers. On estime, dans l'ensemble, que 90 % <:le la population sont infectés par
une ou plusieurs espèces de vers. Au Tanganyika,
où la statistique a été tenue, 36 % des décès dans
les hôpitaux sont dLls aux vers.
Au total, et comme dans presque toute l'Afrique Centrale, la population est mal nourrie et
dans ùn état sanitaire. déficient. C'est l'un des
problèmes qui se posent aux autorités britanniques, et il est important, car, pour aller de l'avant,
il faut s'appuyer sur une population nombreu"e
et saine.
CETTE POPULATION est extrêmement
variée. Depuis la lointaine époque où les hommes
préhistoriques se sont installés dans la Great Rift
Valley, où ils ont laissé de nombreux vestiges, des
mélanges et apports incessants se sont produits.
La masse de la population est constituée par des
noirs (3.825.000), de races très diverses, depuis le
pygmée attardé et misérable, jusqu'au Massaï au
physiqJe magnifique et largement nanti, en passant par les Turkanas, Souks et Sambourous, plus
ou moins primitifs (un tiers de cette population
vit sur les bords du Lac Victoria).
En tant que Colonie, le Kenya est placé sous
les ordres d'Un Gouverneur siégeant à Nairobi,
mais ce gouverneur est assisté de deux conseils,
auxquels participent, dans une certaine mesure,
les autochtones:
le Conseil exéirutif comprend 5 membres fonctionnaires et 3 membres privés;
le Conseil législatif compren<:l, sous la présidence du Gouverneur:
11 membres ès-qualités;
9 membres fonctionnaires nommés;
11 membres européens élus;
5 membres hindous nommés;
1 membre arabe nommé;
2 membres africains nommés.
On note immédiatement que ladministration
est assurée d'avoir 21 voix sur 40 dans ce conseil
Il s'agit donc d'un territoire où l'administration a
les mains libres, où elle peut bâtir sans être à la
merci du vote d\me assemblée et cet avantage
n'est pas négligeable..
A Nairobi, les Anglais bâtissent sur du roc, et
ils espèrent bien y rattacher ensllite les parties
moins solides de l'Afrique Orientale. C'est, en effet, à Nairobi que se réunit périodiquement, sous
li présidence <lu Gouverneur du Kenya, la Corniérenoe des Gouvernçurs d'Afrique Orientale: Kenya, Ouganda, Tanganiyka, maintenant doublée
par le Conseil ECOIIlomique de l'Afrique Orientale,
Et il faut y voir l'annonce de la prochaine étape
.du projet britannique, qui sera la fusion adminIStrative des trois territoires, fusion quî se fait graduellement, malgré l'opposition acharnée amorcée
au sein de l'O.N.U. par les délégations soviétiques.
Cette opposition porte sur le Tanganyika qui n'est
qu'un mandat, c'est le point v:ulnérable de la com-
Ensuite, viennent les asiatiques <61.000), venus
des Indes pour la plupart et ayant en main le commerce local. Enfin, des Arabes (20.000) se sontétablis sur la côte (comme à Zanzibar toute proche),
o~ bien vivent en nomades dans les grandesétendues désertiques du Nord (Gallas) ou de l'Est (Somalis).
Les colons anglais se sont installés dans les
hàutes terres autour de Nairobi. Ils étaient 32.000
en 1946.
. -- LA SITUATION SANITAIRE des autochtones a toujours été, jusqu'à maintenant, nettement
mauvaise.
Comme dans la majeure partie de l'Afrique, les
déficiences alimentaires constituent la maladie la
plus répandue.
Le fléau qui frappe bêtes et gens est la maladœe
du sommeil dont l'agent vecteur est la mouche
tsé-tsé. La lutte a été entreprise avec vigueur;
d'abord par des moyens accessoires: destructIOn
systématique des broussailles, barrières d'arbres
pour limiter le déplacement des essaims; puis, par
action directe contre les mouches: nuages insec ti-
Le statut de la colonie et les institutions
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binaison. Mais l'union douanière Ouganda-Kenya
est déjà réalisée et le gouvernement britannique
s'efforce d'équiper fébrilement la «Colonie blanche» qui, elle, est une base de départ sonde. ùn
plan d'équipement est, en effet, nécessaire, car les
possibilités économiques du pays sont limitées.
La vie économique jusqu'en 1946
Si les ressources minières existent, l'agriculture n'en a pas moins formé, jusqu'à maintenant, la
base de l'économie.
Cet~eI agricuUure est conduite différemment
par les indigènes ou par les colons européens.
lies cultures indigènes ont, au Kenya, le même
caractère qu'elles ont dans toute l'Afrique; menées avec de petits moyens, elles ont toujours un
rendement faible :
Le maïs pousse facilement pourvu que la
région soit assez humide. On estime les espaces
cultivés à 760.000 ha et seul le coût élevé des transports empêche de faire du maïs une grande culture d'exportation.
Le millet est 'cultivé là où le terrain ne se prête
pas 1\ la culture du maïs (plus de 400.000 ha).
Le riz est en progrès dans les provtnces côtières et dans la région du Nyanza, mais une imPortation de riz reste nécessaire.
Le sésame est suffisamment cultivé pour permettre une exportation qui était, avant-guerre, de
4.000 tonnes de graines et d'environ 400.000 litres
d'huile.
Les farineux (petits pois et haricots) poussent
aussi bien sur la côte que dans les hautes terres
et un certain courant d'exportation existe vers
l'Afrique du Sud.
L'élevage, enfin, est prospère, malgré les mé.
faits de la mouche tsé-tsé. Le dernier recensement
de 1946 donnait, a'u total, 330.000 bêtes à cornes,
297.000 moutons et 15.000 porcs, ce qui, outre la
Viande, assure l'exportation des sous-produiTs suivants: cuir, 1.650 tonnes; laine, 660 tonnes; beurre et fromage, 1.300 tonnes. Ces quantités comprennent, sans distinction, la production indigène et
celle des colons.
Les cultures spécifiquement ~uropée;nll1es sont :
Le blé, cultivé dans les hautes terres où il
couvre environ 20.000 ha; sa culture est en constante extension;
Le café qui couvre plus de 40.000 ha et permet
une exportatiOl} moyenne de 15.000 tonnes ~ar an,
ce qui, en valeur, le place nettement en tete nes
eXPortations ,1.700.000 ;Il en 1943);
I.e thé qui a rapidement progressé: de 420 tonnes en 1930 à 1.400 tonnes à la veille de la guerre.
C'est, en valeur, la deuxième exportation au pays
«585.000 ~), à égalité avec le sisal;
. ~ sisal, plante textile, qui a .touj?ur~ été cultIvé au Kenya. En 1915, la productlOn mdlgène per-
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mettait une exportation de 1.600 tonnes. A la veille
de la guerre, elle atteignait 34.700 tonnes (valeur,
585.000 ;Il 'en 1943);
Le sucre qui est destiné à la consommation locale et ne donne lieu à aucune exportation.
Le pyrêthe, enfin, qui est un monopole du Kenya; celui-ci compte, parmi ses principaux clients,
les U.S.A. no.ooo lb en 1946) et l'U.R.S.S. (20.000).
Les ressources minières.
D'une façon générale, le sous-sol de l'Afrique
Orientale est riche en métaux précieux ou rares,
mais la prospection est encore incomplète, et les
problèmes de transport sont encore difficilès à
résoudre.
L'or a d'abord éfé trouvé par des prospecteurs
isolés dans le Sud du Kavirondo, puis, de riches
dépôts fluviaux ont été découverts dans la région
de Kakanéégo, en 1931. La région aurifère a alors
é:é partagée en 5 districts, 2 étant réservés aux
petites compagnies et aux prospecteurs privés, 3
aux grandes compagnies. Cette découverte a fait
passer la production de 850 ,onces à 48.000.
L'argent est également prospecté. La production est environ de 16.000 onces.
Le sel est exploité: 15.000 tonnes en 1943.
Le carbonate de! soude et la soudel naturelle
sont exploités dans la région du lac Maga·di: 58.000 .
tonnes en 1943 (valeur, 300.000 ;Il environ).
L'industrie, mis à part le traitement de certains produits agricoles déjà signalés, est parfaitement inexistante.
Le commerce est celui d'une coldtiie à sa phase
initiale: exploitation des produits du sol, importation de l'équipement et des produits manufacturés.
Le trlble'1u des valeürs déclarées en douane
pour 1943 le prouve nettement:
Exportation:
Café
SJsal
. 1.720.988 ~
.
585.859 }}
Thé
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Cuirs-peaux . .
Or
Carbonate de soude
.
.
.
585.319
483.906
479.422
312.773
Importation :
Cotonnades . .
Carburants . .
Charbon
Machines
Camions, tracteurs
Produits chimiques
Pneus
.
.
.
.
.
.
.
3.095.014
1.470.058
687.316
556.870
555.224
313.526
248.097
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»
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:!
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(aü-delà de 1943, les statistiques donnent les
renseignements bloqués pour le Kenya et l'Ouganda, par suite de l'union douanière des deux territoires).
Les Icommunications sont relativement simples, parce que peu développées :
Les voioes navigabl<es sont inexistantes au Ke-
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69 nya, en dehors des lacs qui permettent de bonnes
relations avec les pays voisins: services de vedettes à vapeur sur les lacs Victoria, Kioga, Albert,
et sur les tronçons navigables du Nil. A ce sùjet,
il paraît utile de signaler au passage que la {( route
du Cap au Caire» est, en réalité, :une suite de
tronçons parcourus sur l'eau, puis-sur terre, avec
tous les inconvénients que représentent ces transbordements.
l,es routes ont été commencée& en 1905 pour
relier entre (~ux les postes militaires <Fort-HallNairobi, par exemple). A l'heure a'Ctuelle, 1.312
kms sont des routes dans toute l'acception du
terme et praticables en toute saison.
En outre, le gouvernement entretient 15.000
kms <le très bonnes pistes Qui sont, elles, impraticables en période de grosses pluies.
La qualité de ces pistes, en particulier de certains tronçons de la route du Cap au Caire par la
Vallée du Nil, était telle ,que, pendant les hostilités,
l'Armée Britannique a estimé préférable, après
réfection de la. Great Northern ROlld rejoignant la
Rhodésie à Nairobi, de construire une piste NaIrobi - Addis-Abbeba ~ MassoJa qui, dans ses parties
difficiles, a utilisé le prIncipe des pistes aériennes
(revêtement de plaques métalliques ou en Sommerfeld). L'F:thiopie ayant tendance ~J, passer maintenant sous influence américaine, l'avenir de cette
route nOlivelk est incertain.
Le future réseau routier du Kenya semble cependant devoir s'étoffer sur l'ossature suivante:
'u.ne dorsale Nord-Sud Addis-Abbcba-Nairobi-Rhodhésie, une transversale Mombassa-iNairobi-Eldol'et qui se divise alors en deux branches, l'une vers
Stanleyville, j'autre vers Julo et Karthoum. Nairobi serait ainsi le grand carrefour de l'Est africain.
l,es ,chemins de f'er comprennent une seule
ligne principale à voie métrique (l m. 07) Mombassa-Kampala (1.414 kms) sur laquelle se raccordent
.
4 tronçons ouverts à la l~jrC'ulation :
Nakuri-Kisummo, 210 kms;
Tororo-Soroti, 160 kms;
IV. -
et 1 tronçon privé:
Konzo-Lake-Magadi, 146 kms (pour les usines de
soude).
Ces lignes ou plutôt cette ligne a un débit
tout à fait insuffisant, même dans l'état actuel fie
développement de la colonie, pour assurer l'accès
à la mer des produits agricoles. C'est donc l"Jn des
premiers problèmes à traiter sur le plan <le développement.
Les ports sont de minuscules ports de pêche
égrenés le long de la côte.
Mombassa est le seul qui soit digne de ce nom.
Il possède probablement la plus belle rade de tou.te la côte Est de l'Afrique, mais son équipement
est, actuellement, tout à fait insuffisant et le débarquement de bull-dozers lourds, par exemple, a
été une opération très compliquée...
Les liaisons aériennes sont développées et Nairobi voit passer les avions de presque toutes les
compagnies mondiales. Les liaisons local,es s.ont
réalisées par l'East Afr'Ï~an Airwa'ys autour de
Nairobi.
Il est à noter que la R.A.F. assure une liaison
régulière Londres-Nairobi, avec escale à El Ader,
en Cyrénaïque.
Les liaisons télégraphiqu,:!s et radiotélégraphiques sont assurées à l'intérii.eur. par 4.500 kms de
lignes télégraphiques et téléphonIques; vers l'ext,érileur, par le câblyj 'Mombassa-Zanzibar et raccordement vers la Mer Rouge, par la Station radio
de Nairobi, et par fil vers Le Cap.
Tel est donc le pays sur lequel le Maréchal
Montgomery a porté son choix pour en faire le
siège du Qu.artier Général Impérial.
Il ne fait pas de doute que l'avantage de la
situation géographique ne pourra être exploité
qu'au prix d'un développement considérable du
pays.
Tel est le but des plans en cours de réalisation.
LES PLANS DE DÉVELOPPEMENT EN COURS
Historique des plans coloniaux
La conception actuelle d'après laqu~lle le ?ouvernement de Londres se propose d'onenter l evolutian économique <le certains territoires coloniaux
est relativement nouvelle.
Jusqu'en 1935, en effet, la métropole, n'interVenait que très indirectement da?s, l~ develop.!?elllent économique des colonies qUI etaI;nt c~nsee~
prendre sur leurs revenus les fonds necessaIres a
leur équipement. Cette politique d.on?-ait des réSultats peu satisfaisants: des terntOIres p'auyres
Ou peu étendus restaient incapables de s eqUlper
~
Voi-Kaho, 148 kms;
Nairobi-Nanyuki, 224 kms,
•
et leur développement était entravé; lorsqU'un
GOLlverneur essayait d'aller de l'avant, le budget
se trouvait alors en déficit.
C'est l'existence de ces déficits oui fit créer,
par une loi de 1929, un Fonds <le dé"veloppemel1Jt
colonial destiné à financer divers projets de développement économique. A la veille de la guerre,
le Fonds avait fourni 5 M. de ;Il de, crédits pendant
que le Trésor, <le son côté, comblait 12 M. de ;Il de
déficit.
Mais c'est le Livl1d blanc du 20 février 194C
qui proclame le changement radical de la politi-
-.i;"âi
70que britannique en matière de finances coloniales:
désormais, le Trésor consacrera, chaque année, 5
M. de JJ à l'aide aux gouvernements coloniaux et
500.000 JJ a~x recherches coloniales et les gouvernements sont invités à préparer des programmes
à longue échéance: «.. .la guerre pourra retarder
l'exécution de ces plans, mais il est. essentiel, pour
réaliser des progrès constructifs vastes et cohérents, de réfléchir sans perdre de temps aux programmes à appliquer. }} Et le Livre blanc concluait:
« L'objet premier est d'accroître la prospérité et
le bonheur des peuples de l'Empire Britannique.)}
La loi elle-même fut votée en juillet 1940 (CoLonial Development amd Welfare Ac·t de 1940). ,
Dans la pratique, le démarrage fut assez lent:
en 1941 et 1942, les sommes allo~ées ne dépassèrent
pas 2 M. 1/2 de JJ, puis,malgré la guerre, l.es efforts
pour la mise sur pied de projets étudiés commencèrent à porter leurs fruits et, pour l'année 1944,
l'allocation globale se monta à 4 M. de JJ, principalement en' laveur de la Jamaïque et de la SierraLeone.
Un nouveau pas fut franchi le 7 février 1945
lorsque le Ministre des Colonies (Colonel Stanley)
présenta le projet de ce qui serait le Colonial Development and Welfare Act de 1945, loi qui accorde
~n crédit global de 120 M. de JJ réparti sur 10 ans,
de 1946 à 1956.
La ventilation de ce crédit par territoire a été
donnée, en novembre 1945, par le successeur travailliste du Colonel Stanley, Ml'. George HaIi, qui
a précisé dans sa note d'envoi qu'il s'agissait plutôt d'un ordre de grandeur que d'une véritablt
répartition.
Les 120 M. de JJ sont ainsi partagés:
23 M. 1/2 pour les projets centraux et recher'ches;
85 M. 1/2 pour les allocations aux divers territoires;
11 M. en réserve.
.
Sur ce total des allocations, rAfriq~e Orieutale était inscrite pour 16.250.000 JJ ainsi réparties:
Allocation générale
Tanganyika
Kenya
Ouganda
Zanzibar
Somalie
.
.
.
.
.
.
3.500.000
5.250.000
3.500.000
2.500.000
750.000
750.000
Le Tanganyika vient en tête: c'est un manrlat
envers lequel la Grande~Bretagne veut se montrer
généreuse pour mieux se l'attacher. Mais l'Importance de l'allocation générale permet de renforcer
considérablement l'allocatiOn de tel ou tel territoire. De plus, à ces crédits, il faut ajouter les efforts des « Compagnies de Développement ColoniaI)} qui draînent d'importants capitaux privés
et aussi les crédits militaires qui ne sont pas publiés. Le plan économique se double, en effet, d'un
plan stratégique.
Le plan économique
Dans le domaine économique, le plan vise à
améliorer l'homme et la production ~gricole, tout
au moins dans un premier stade qui demandera
déjà plusieurs années d'efforts. L'homme de ces
régions est, nous l'avons vu, généralement mal
portant et mal nourri, et son instruction est complètement à faire.
1. - La santé sera apportée par les grands
projets du Service d'Hygiène qui, indépendamment
de la lutte contre la mouche tsé-tsé ,déjà signalée,
prévoient la lutte contre les diverses maladies par
la création d'un Centre d'Hygiène dans chaque
district indigène. Il comprendra un hôpital, des
dispensaires et, au minimum, un .médecin, une infirmière et un inspecteur sanitaire, personnage
entièrement nouveau dont le rôle serait d'incul-'
quel' des principes d'Hygiène aux .indigènes et de
les conseiller pour la construction de leurs demeures (il est prévu des maisonnettes standard pour
remplacer les cases).
A l'heure actuelle, les résultats atteints sont
les suivants:
Hôpitaux: 3 hôpitaux européens: Nairobi, Mombasa, Kisumu;
6 grands hôpitaux indigènes;
29 petits;
Personnel européen: 54 médecins;
50 infirmières;
12 inspecteurs.
2. - L'instruction s'y pratique depuis longtemps, mais la plupart des écoles africaines sont
gérées par does missions non subventionnées, qui,
n'ayant que de faibles moyens, obtiennent des résultats variables; ces écoles sont l'énorme majorité
(2.700 environ) c.ontre 46 établissements subventionnés (11 écoles européennes, 14 indiennes, 7 arabes ou
somalies, 14 africaines seulement). Comme 'l'a
souligné un rapport du major Orde Browne~
rédigé après une tournée officielle en Afrique
Orientale pour y etudier les conditions de travail, ces écoles négligent à peu près complètement
la formation technique et. professionnelle. Or, c'est
dans cette voie qu'il faut désormais pousser l'indigène; tout reste à faire dans ce domaine.
3. - La nourriture en suffisance, l'indigène ne
peut l'espérer que dans une augmentation de la
production agricole, qui actuellement, lui permet
dans bien des cas seulement de subsister.
La prodUiction agricole a toujours tenu, au
Kenya, la première place dans la vie économique.
Le Gouverneur l'a rappelé dans son rapport général de 1946:
~
« La terre est le principal atout matériel du
Kenya; elle burnit un moyen de subsistance i\ la
grande masse de la population; c'est le fondement
sur lequel doivent être établis la prospérité de la
colonie ainsi que le bien-être et le progrès de toUS
ses habitants. )}
""
----
'C
--
•
--=- - - - - - - . . - . . .
r,
i
71
Mais la nouvelle destinée du pa,ys exige encore
bien davantage.
Aussi la prody,ction sera intensifiée par tous
les moyens: amélioration des méthodes de culture
in<ligène, lutte contre l'érosion, irrigation, intro/juction de cultures n.ouvelles. C'est ici le moment
de mentionner le fameux plan des Arachidr.\s, financé et dirigé par la Colonial Development CorPOl"atian; il vise à faire, <les hautes terres du Kenya, l'une des premières régions productrices d'arachides du monde et a déjà nécessité des invesLis~emerits considérables pOJr l'achat <le machines
agricoles ultra modernes. Les conditions de climat
sont excellentes, certaines terres conviennent parfaitement; le plan paraît donc réalisable, bien
qu'il ait déjà fait, à Londres, l'objet d'attaques très
/jures en raison des sacrifices fiüancièrs qu'il exige pour des résultats que l'opinion ne considère
Pas encore comme certains. TI semble bien exact
que le plan se déroule plus lentement que prévu
et que, par contre, les dépenses engagées ont, elles,
largement dépassé les prévisions.
Quoi quïl en 8,oit, la partie engagée est trop
Importante pOJr qu'il soit question de reculer'. C'est
toute la nouvelle conception stratégique hritannique qui est en jeu.
LE ,'PLAN STRATEGIQUE est, en effet, la pièce maîtresse de la combinaison. Il a pour but rIe
faire du Kenya le camp retranché de l'Empire, le
centre de résistance éventuel et aussi le pivot de la
Puissance of΀nsive.
Pour atteindre ce but, deux moyens: un effort.
colossal d'éqJipement et une politique de tache
d'huile destinée à protéger la base principale par
des « glacis» aussi étendus que possible.
L'effort d'équipement est naturellement secret,
mais cependant plusieurs articles de revues anglaises, <:lont celui dù capitaine Norman Macmillan
(Aeronautics June 1948), mentionnent ouvertement
le regroupement des Forces Aériennes Stratégiques
en AfriqJe. D'autres revues (L'Air) ont signalé les
travaux importants effectués sur les aérodromes
de Nairobi et de Kisumu, allongement des pistes
et modernisation de l'équipement ra<:lioélectrique
en particulier.
Jusqu'à maintenant l'effort principal semble
Porter sur les bases aériennes, mais des études très
Poussées sont menées en vue de la réalisation <:le
routes et même d'une ligne de chemin do fer à voie
'normale, cette dernière en collaboration pl'us ou
- !noins nette avec les représentants des intérêts
américains.
Enfin et bien oue sortant des limites du KenYa, il est intéressant de citer le projet de barrage
<le l'Ouganda. Ce barrage hydro-électrique doit
Utili.ser les chutes Owen sur le Nil blanc à sa sortie
du lac Victoria-Nyanza. Quatre turbo-alternateurs
de 15 kw ont été commandés en Grande-Bretagne
en oct,obre 1948. Cest travaux sont l'amorce d'un
Plan d'équipement hydro-électrique destiné à supPléer les autres sources d'énergie défaillantes.
. .__.'."'drt
La politique de tache d'huile.
Le Kenya a été choisi parce que, entre autres
qualités, il présentait celle d'être un territoire solidement attaché à la Couronne, mais cela ne si·
gnifie nullement que le gouvernement de Sa Majesté a abandonné l'espoir d'arrondir rapidement
ce « pré carré» qui a besoin d'être couvert, en particulier en direction du Nord et de l'Est. .
Sa première ambition sera vraisemblablement
de faire l'unité administrative des trois territoires:
Kenya, Ouganda, Tanganyika (ce dernier est régulièrement favorisé de façon P. gagner l'adhésion
certaIne des habitants). Pour y parvenir en accord
avec les traités, les britanniques devront trouver
le moyen de combattre les arguments des délégations russes quant à l'interprétation de la Charte
<:les Nations Unies.
Mais un deüxième projet, qui se réalisera peutêtre avant le premier, aJ moins en partie, consiste
à faire passer sous influence britannique les territoires voisins qui ne font pas partie ct;] Commonwealth:
La Somalie Italienne serait "lne grave menace
pour le KenYa si elle pouvait servir de base à une
puissance hostile. Un pacte avec l'Italie ne semble
pas devoir ètre considéré comme une gar~ntie suffisante et Londres verrait d'un oeil beaucoup plus
favorable une Soinalie libre... sous- influence anglaise.
VEthiop,ie, joue, elle aJssi, u.n rôle primorrUal.
Pour s'assurer la maîtrise de l'Ogaden, les Britanniques appuyeraient les revendications du Négus
sur l'Erythrée, trouveraient ainsi, en lui, un fidèle
allié qui pourrait difficilement leur refuser l'accès
de la route MassaoJa~Addis-·Abbeba-Nairobi.Mais,
ici, les Américains ont aussi leur mot à dire, et si
leur pénétration est seulement le l'üt d'entreprises
"« privées », ils n'en ont pas moins devancé leurs
concurrents.
Pour neutraliser l'Egypte, qui reste « le pomt
faible de l'isthme africain », la Grande-Bretagne
pousse le Soudan vers l'indépendance et elle compte proposer ft ]a 'Cyrénaïque cette même indépendance, d'ailleurs promise, pendant la guerre, aux
SenoJssis et à leur chef Idriss tout disposé à devenir l'allié <:le son libérateur. Une solutiOn analogue
moins absolue peut-être, serait envisagée pour la
Tripolitaine.
L'ensemble de ces visées politiques, si elles
aboutissent, doivent permettre de couvrir largement le Kenya contre une attaque brusquée, qui,
dans ces conditions, pourrait partir aJ plus près
des aérodr<?mes de Palestine, si, comme on peut .le
présumer, l'adversaire y disposait de terrains d'enva] ou de rampes de lancement.
Dans quelle mesure ce plan grandiose, qui est
un début de transposition, en Afrique, de ce que
les Russes ont réalisé en Sibérie, a des "èbanëës de
réussir, c'est la question que l'on peut se poser au
moment de conclure.
•
~ri/
-72-
v.
ESSAI DE CRITIQUE
Pour tenter de juger objectivement ce plan,
britannique, il faut d'abord bien souligner ce qu'il
n'est pas, ou, du moins, ce qu'il n'est pas encore:
il ne vise pas à faire du Kenya un centre industr~el analogJe àux gigantesques combinats soviétiques. Dans le plan britannique, les centres industriels serélnt périphériques: Canada, Afrique du
Sud, Australie, Grande-Bretagne.
Le Kenya doit devenir le cerveau de l'ensemble
et aussi une base d'opération puissante.
Ainsi circonscrit, le plan appelle deux remarques principales:
- dans l',ordre matériel: .u exi&"e du temps;
- dans lordre politique: il rencontrera des
oppositions sérieuses.
~~
plan ex,ige du temps,
Si la création d'une infrastructure aenenne
peut être réalisée dans des délais relativement
brefs, le plan d'équipement pose fi tout instant des
problèmes difficiles, parfois presque insolubles.
C'est le cas des transports terrestres: Un cas typique est l'acheminement des tracteurs spéciaux reçus pour défoncer les nouvelles terres à arachides:
le-"lr déchargement à Mombassa a demandé plusIeurs semaines, il a fallu ensuite' les démonter partiellement pour les acheminer par chemin de fer,
finalèment le délai de mise en œuvre s'est chiffré
par un certain nombre de mois. Il en ressort que
l'aménagement du port de Mombassa et d'une voie
ferrée a;- grand débit sont absolument indispensables. Ce sont des, travaux de longue haleine.
Et cela, le Gouvernement Britannique le sait
bIen, et c'est l'une des raisons pour lesq:.1elles il est
obligé de jouer actuellement la carte européenne.
C'est aussi parce qu'il a d'autres projets en vue
pour un avenir plus ou moins lointam que nous
assistons à de nombreux à-co:.1ps dans la marche
des négociatlOns entre les partenaires du Pacte de
Bruxelles. Il n'est jamais simple de mener une politique du moment et une politique à vues lointaines qui aient des éléments contradictoires. C'est
le cas de la Grande-Bretagne qui essaie de mener
une politique d'urgence basée sur la c'ommunauté
d'intérêts de l'Europe Occidentale et une politiqu~
d'avenir axée sur le splendide isolement, pratiqué
cette fois à l'échelle du Commonwealth.
Il est évident que cette double politique sera
une source supplémentaire d'opposition internatio~e
•
Le plan suscitera des oppositions sérir-uses.
Un rapide tour d'horizon fera apparaître les
griefs de chacun:
L'U,R.S,S. s'y opposera partout, à l'O.N,U.,
dans le Moyen-Orient, aux traités de paix, et, enfin et surtout, par l'intermédiaire des partis communistes locaux. Mais à cela rien d'l'tonnant: Londres ne pouvait rien attendre d'autre de son adversaire éventuel.
Les U.S.A. ne tiennent peut-être pas tellement
à soutenir .les revendications italiennes, mais, par
contre, veulent absolument étabfir leJr ligne de
communications vers les pétroles du Moyen-Orient
et convoitent, eux aussi, les bonnes grâces du Négus, devenant ainsi concurrents de leur meilleull
allié. N'iront-ils pas plus loin? La propagande
faite par certaines missions pourrait faire présumer l'intention des américains de lancer un vaste
mO:.1ve.ment d'indépendance des noirs... sous la protection de la bannière étoilée.
La Fra.nce, de son côté, étant donnée sa position
de puissance coloniale en Afrique, ne verra pas
sans inquiétude l'indépendance accordée à des populations turbJlentes aux frontières de son Empire.
L'Italie, enfin, sera rejetée dans le camp des mécontents, ce qui pourra suffire à modifier l'équilibre de la péninsule, et ce qui contrecarre la politique française d'entente économiq . .le avec sa sœur
latine.
Tout cela fait beaucoup d'obstacles.
Finalement, et tout en admirant sans réserve
le courage avec lequel le peuple britannique s emploie à reforger la force du Commonwealth, l'on
peut se demander si le gouvernement n'a pas entrepris une tâche qui dépasse les possibilités 'actuelles de la nation, 0:.1 plus exactement de la communauté des nati.ons britanniques, une tâche au
cours de laquelle la Grande-Bretagne s'opposera
inévitablement à des puissances qui. iféfendent la
même forme de civilisation qu'elle.
Et même si ce projet aboutit, il est fort douteux que le nouvel empire puisse atteindre un potentiel comparable à celui des 'U.S.A. ou de
l'U.R.S.S.
Seul un bloc eurafricain pourrait équilibrer ces
puissantes poussées antagonistes qui mettent la
paix et, peut-être, la planète elle-même en danger.
L'occasion a été manquée déjà une fois, et il
serait stérile de rechercher qui eri est le plus res...
ponsable.
.
A un moment où la conjoncture européenne
semble favorable à un rapprochement franco-britannique réel, peut-être sËrait-il encore temps d'y
songer.
Janvier 1949.
Capitaine CONREAUX
---------
Chronique de l'Islam
~. . . . . . . . . . .. . - . . -
•
'II,
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. '. . . . ._ _--.liÊ··ki:
--
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ESSAI D'INTRODUCTION A L'ÉTUDE
DES CONFRERIES RELIGIEUSES ISLAMIQUES
Leur rôle social et politique. Les possibi lités ~'adaptation dans l'évolution actuelle des
idées, notamment en Afrique du Nord en ce qui concerne les Anciens Combattants.
D
EPUIS l'expansion islamique qui mena les
Arabes de l'Hindus à la Loire, depuis
les invasions turco-mongoles qui intensifièvent en Asie cette expansion, il est certain
qUe les idées dans le monde musulman ont subi
Une notable -évolution.
Les Arabes, lors de cett.e expansion ne
révélèrent pas véritablement un nationàlisme
capable de conduire la «Nation Arabe» à la
conquête du monde ou même à son org~anisation.
_
i..<es pl'e.miers grands Khans mongols, par
contre tentèl'ent. de créer et d'organiser « La
Nation' Mongole » : Il est vrai qu'é.clectiques
ces Nhans laissaient, dans l'Etat, une place égale
à toutes les religions. Ce n'est. qu'assez tar:dl que
les descendants de Gengis Khan o:ptèrent définitivement en Chine pour le bouddhisme, et que
Tamerlan choisit l'Islam comme base de son
action politico-religieuse.
L'expansion arabe fut. en réamé celle d'une
nouvelle religion dont tous les membres, cro~a~t
en un Dieu unique, étaient égaux. Ils con.sI?eraient ceux qui pratiquaient une autre relIgIOD
cOmme des vassaux et vouaient Jes païens à la
conversion ou à la mort,.
En fait, les peuples qui embras~èrent l'I~l~­
Ulisme conservèrent leur particularIsme et fmIrent par l'adapter à l'Islam dans lequel apparul'~nt rapidement, en même t~m:ps que d~s
separatismes politiques, des dIssIdences .. relIgieuses telles que le Khareclljisme, le. Ch.YIsn: e ,
les sectes de toutes sortes des phIlosophIes
t~lles que le Soufisme, qui' ensanglantèr~nt.e!
dIvisèrent le monde musulman, rompant 1ur,llte
primitive des empires Ommeyade et AbbassIde.
Les 'l'ures ottomans, dans le monde occidental, essayèrent de réforme,r cette unité, mais en
1920 Moustafa Kemal pacha, en el'éant, la république d'Ankara, détruisit les derniers vestiges
du Khalifat en tant que pouvoir spirituel et
temporel unificateur possible du m'onde musulman.
Actuellement, certains rêveurs aspirent à
rétablir l'ancien Khalifat des Ommeyades;
d'autl'es, plus réalistes, luttent pour le développement des états musulmans existant et pour
la création de nouvelles républiques partout où
les Musulmans sont en nombre suffisant.
Il ne faut pourtant pas se tromper dans
l'examen de ce bouillonnement, de cette effervescence, réels dans le Proche-Üirient, en Egypte
et aux Indes; ils font naître, jusqu'en Afl'ique
du Nord, chez certains intellectuels, le désir
d'une autonomie de Iplus en plus grande. Il y
a là un besoin inné dans le subconscient du
Musulman, lequel n'a jamais pu abandonner,
en vérité, l'idée de l'état théocratique. Cependant, si la religion islamique est nettement
universelle et si elle représente un bien indestructible pour tous les Musulmans du monde,
les particularismes locaux sont, du point. de vue
polit.ique, une réalité qui s'oppose à l'unification possible du monde musulman. Et les confréries religieuses musulmanes représentent un
test de ce postulat.
Il
Que sont donc les confréries religieuses
musulmanes? Leur apparition puis leur évolution peuvent être expliquées comme ci-après,
mais avant d'entl'eprendre cet exposé, il convient de souligner que l'Islam ne possède pas
'II
",
,~
,1
-76
originellement de culte organisé. Son principe
diominant étant l'égalité entre tous les hommes
il est toutefois curi,eux de constater avec MM.
Depont et Coppolani que «L'Islamisme a ~ vu se
créer sous forme de castes, non seulement une
sorte de clergé, mais encore des ordres religieux ».
Le Coran avait ouvert un grand domaine à
l'interprétation et aux contreverses qui aboutirent d'une part, au schisme opposant le Sunnisme (orthodoxie) au Chyisme (séparation), d'autre part à des divergences d'opinion dans le
rite dJ'où sortirent les quahre sectes : hanafite,
chaféite. malékite et hanbalite, dites secte!'=orthodoxes.
Cependant, le mouvement philosophique né
en Svrie et en Perse et aboutissant au Soufisme,
avait développé le mysticisme dans la religion.
Enfin, les érudits s'occupèrent activement de
l'étude du « Livre révélé », source de toute
science et de toute vérité : ce furent les oulémas.
Les khalifes, à la fois souverains et pontifes, en arrivèrent à déléguer à ces oulémas
leurs attributions sace/l'dotales et judiciaires. La
foule elle-même était heureuse de s'adresser à
ces interprètes die «la loi ». C'est ainsi que se
forma et s'affirma une sorte de sacerrdoce qui,
en grandissant entrava plus d'une fois, par la
fetoua, l'action menée par les pouvoirs établis.
(La fetoua est l'ordonnance sacrée qui donne
aux actes du pouvoir politique la sanction religieuse conforme au Coran, et pail' conséquent
obligatoire pour tous).
La hiérarchie des oulémas, fort complexe,
comprend toute une série de fonctionnaires :
mufti, cadi, iman, répOndant aux besoins du
cuIte et de la justice, vivant en principe sur les
produits des « habous », biens de main-~orrte
qui servent également à l'entretien dies établissements religieux.
A la Mecque, le pouvoir religieux est exercé
par le Grand Chérif à la nOm'ination duquel le
« cheikh ul Islam », qui était, le Chef de la
I181igion en Turquie, donnait son approbation.
Depuis la disparition du khalifat ottoman, sa
désignation reste litigieuse.
Enfin, au sommet de la hiérarchie, le khalife est le chef suprême de la religion, mais en
fait, le Sultan du IMaroc ,est par exemple considéré par ses sujets comme un l"halife. D'ailleurs,
depuis la disparition du Sultanat ottoman, la
question de la nomination d'un khalife reste
posée. Enfin les Mozabites, ainsi que certaines
peuplades d'Ambie et· d'Afrique Noire reconnaissent comme khalife \l'Iman de Marcate.
Il semblerait, que l'organisation que nous
. 0;/
'.
venons d'esquisser dans ses grandes lignes.
devrait détenir en pays musulman tous les
ressorts de la société. « Il n'en est rien. La véritable force réside dans une puissance à côté,
dans un monde mystérieux, tiil"ant son prestige
incomparable d'un pouvoir autrement grand
que celui dies oulémas, puisqu'il émane aux yeux
des croyants, de. la Divinifé elle-même ».
,
(Depont et Coppolani).
Ge monde est constitué par des associations secrètes, des ordres de «derouioh» des
confréries mystiques, autrement dit pail' des
« khouans» (frères) qui, répandus du Gange
à l'Atlantique, s'opposent très souvent aux oulémas, et sont, en sous-main, les véritables
moteurs de la société musulmane. Certains diront que cette conception a bien vieilli. Voire.
La situation dans tous les cas a évolué.
« La formation de ces diiverrses sociétés t'ire
sa primitive oriRine de la tendance du musulman à l'association, tendance ayant, elle-même,
pour source la croyance religieuse qui prescr'it ·en les mettant en commun, de faire profite~ ses frères des biens que Dieu a donnés»
(Depont et Coppolani). Il est inutile d'insist.er
pour montrer qu'il y a là une véritable f,ormation sociale qui prépare les musulmans a~ous
les développements actuels d'entr'aide SOCIale.
Peu à peu ces sociétés se sont créé~s,. ~nt
grandi et, en se m.ultipliant, se sont subdIVIsees
en de nombreux rrumeaux qui sont apparus sous
la forme de conf,réries, organisations d'ailleurs
en .contradiÏction avec la parole du Prophète :
« La Rahbaniîeta fi el Islam », « pas de vie
monacale dans l'Islam' ». Et c'est pourquoi le
pl us souvent, les confréries s'opposent aux oulémas, gardiens de l'orthodoxie.
Or, la mystique musulmane, en dehors d~s
Soufis dont ce n'est pas ici le lieu de définIr
les diverses doctrines, comprend encore deux
personnages : le «derouich» et le «chérif ».
Le derouich est cet illuminé qui parcourt
villes et campagnes, et qui passe pour recevoir,
sans épreuves, la particule divine. Ail'rivé. d'un
seul coup, et sans même qu'il s'en doute, à la
sublimité du mysticisme, cet élu de Dieu est
, partout vénéré.
Le Chérif, de noblesse religieuse autjhentique puisqu'il desoend de la fille, du Prophète,
est ce Musulman dont les prières, les bonnes
œuvres et la vie ont fait également un vase
d'élection; il a le privilège de voir Dieu et· le
pouvoir d'opéil'er des miracles.
C'est le chérif, devenu le «marabout» en
Afrique du Nord, qui a joUé un si grandi rôl~
dans la vie politique du Maghreb. C'est lui qUI
a préparé la conscience du Berbère à la péné-
'.~. ','
"
_ --......
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-_ ... - ---
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tration des confréries religieuses, lui a permis
de développer sous Je manteau islamique son
particularisme ancestral. Mais ces confréries
ont contraint le plus souvent, ce marabout à
abdiquer son indépendance pour s'affilier à
eUes, de telle sorte qu'il n'existe presque plus
aujourd'hui de marabouts indépendants, Cependant, ces hommes dont la descendance et la
clientèle ont formé ce que nous appelons la
tribu maraboutique, ont laissé dans la masse
simpliste un tel souvenir de leurs œuvres, une
telle reconnaissance de leurs bienfaits, une telle
empreinte, que le nom de «marabout» fut
Consell'vé à tous ceux qui se vouent à la vie
mystique et contemplati~e,
Ces personnages, sauf le derouich qui mène
la vie errante, vivent généralement dans une
« zaouîa », établissement qui tient' à la fois de
la chapelle, .du couvent, de l'école et de J'auherge. Les pays d'Islam sont parsèmés de
zaouias (tekié en Turquie), qui renferment généralement le tombeau d'un Saint. Ce culte,
théologiquement contraire aux préceptes du Coran qui n'admet pas d'intermédiaire entre
l'homme et Dieu, est cependant très populaire.
;,
Il a comme principe la soumission aveugle
de l'affilié au maître de la confrérie, au
« cheikh» (maître spirituel). Ce cheikh est l~'
délégué de Dieu sur la teI'l'e et la soumission
des affiliés, des khouans (frères) est telle qu'ils
sont «son bien et sa chose ».
Il est facile de déduire pourquoi, les ordres
religieux s'étant mulipliés à l'excès, la vie de
la masse musulmane est toute ent'ière sous leur
dlépendance. Ce sont leurs chefs qui, en réalité,
dirigent les populations, soulèvent ou apaisent
à leur volonté les khouans. La propagation de
l'Islam en Afrique Noire est pour beaucoup le
fait de ces khouans qui ont donné à l'islamisme
Un renouveau de vitalité mystique. Ne voit-on
Pas à l'heure actuelle les Ahmadia par exemple
lancer aux Indes et en Afrique Noire le concept
d'une fusion de l'Islam et du Christianisme,
rejoignant en cela les Caodaïstes d'Indo-Chine
qui irecherchent la fusion de ces deux religions
et du Bouddhisme? Ne sait-on pas en Chine la
tendance du Chen-Si et du Kan-Su à la formation d'un état autonome musulman? Ne connait-on pas l'action des Qadrin avec leur M~hdi
au Soudan anglo-égyptien, avec le.ur ~opUl au
Maroc celle des Senoussia de la ChIlle a 1Atlantique 'celle des Rajhmania et des Tidjania,
tantôt favorables tantôt contraires à l'influence
française ? Souv~nons-nous enc.ore q~e l\;f,essaJi,
chef du P.P.A. Algérien fut, Jusqu a l age d~
dix-huit ans élève de la zaouïa des Derquoua a
'l'lemcen.
'
Certes , l'idée de l'état théocratique fait
il'êver nombre d'oulémas et d'intellectuels à la
reconstitution du khalifat, mais il est hors de
doute que les confréries représentent en fait des
états dans l'état, reflètent le plus souvent des
idées particularistes. Il est donc facile de comprendre de quel poids les confréries religieuses
peuvent peser sur la politique d'un pays. Il est
nécessaire de les connaître pour, selon la formule de Lyautey : «Savoir pour prévoir afin
de pouvoir ».
En Afrique du Nord, si l'on admet le concept précité il convient de différrncier les
confiréries religieuses selon leur origine, purement arabe ou bien berbère. Il est à noter qu'en
de nomhreux cas, certaines confrérips s'orientent de plus en plus vers des organisations réalistes et pratiques du noint de vue économique
et commercial, nH1Îs il est nl'ohable rru'pn nolitique générale les confréries pUrpmf'l1t arabes
auront Lendance à regardpl' vers l'Oripnt arabe,
alors rrl]{~, celles plliPel1lp nt' }lerbèrps, auront plutôt tendance à soutenir les intérèts lOCAUX. Il
suffH d'pl,udier l'hisfoirp nour s'pn convaincrt).
Nous nourrons donc conelurp que Ips confréries religieuses islamiques· ont joué un rôle
primordial dans le passé et que vraisemblablement elles seront encore appelées à jouer un
irôle important. Les intellectuels musulmans, les
évolUés, peuvent se targuer de leur instruction
à l'européenne; il sera difficile de modifier
rapidement et complètement le subconscient de
la masse musulmane. Les apparences ne doivent
pas cacher la vérité. De toute façon reste le
besoin d'association, inné chez les Musulmans.
T--ies ordres fondamentaux sont au nombre
de cinq : les «qadrin» aux doctrines humanitaires, les «khelouatia» comtemplatifs et extatiques, les «chedelia» spiritualistes, les «naqechabendia» éclectiques, les « saharaouardia »
aux doctrines proches du panthéisme. Ces ordres fondamentaux ont donné naissance à des
subdivisions Imultiples ; les Unes se continuenf,
d'aul!l'es ont. disparu, d'autres enfin peuvent à
nouveau surgir.
En Algérie les subdivisions les plus connues
sont: les Rahmania (138.100 adeptes), les Derqaoua (27.300), les Taybia (27.300), les Chad8.
lin, (20.800), les Qadria (15.400), les Tidjamn
(10.600), les Benalioua (8.000), les Aïssaoua
(3.500), les Ammarja (3.000). Le recensement
total d'avril 1930 donna.it en Algérie un chiffre
approximatif de 250.000 khouans pour les t.er!l'itoires du Nord, et de 195.000 pour les territoires du Sud.
En vain, oulémas et marabouts ont lutté
pour reprendre leur autorité, en vain le Wahabisme cherche à ramener l'Islam à sa pureté
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-78
primitive, en vain le Babisme apporta en Orient
ses réformes sévères et ses théories libérales;
le mysticisme des confréries est entré dans le
subconscient de la masse musulmane dont le
besoin d'association reste aussi grand que jadis.
Et il faut bien le reconnaître, les confréries
plus ou moins souterraines, ont pris une influence de plus en plus grande à mesure que
d1isparaissaient les grandes familles, premiers
intennédiaires' entre les Musulmans el, nous. Le
khouan, toujours craintif et obéissant, vit au
milieu de nous dans une espèce de compromis
entre le désir et la crainte, dans un temps de
transition,en un complexe d'inquiétude sur la
marche des événements. -Il est déterminé d'ailleurs à se ranger du côté du plus fort, à condition qu'il soit convaincu de cette force.
L'autorité est certes beaucoup, mais à notre
avis, ce n'est que par une action sociale profonde et bien comprise que nous arriverons à
pénétrer réellement la masse musulmane, naturellement en respectant complètement sa religion.
.
Il sera d'ailleurs très difficile et certainement très long d'arriver en terre d'Islam, à
une conception séparant non seulement l'Eglise
de l'Etat, mais encore le religieux du temporel.
Quoique les confréries aient vu apparemment
diminuer leur influence, elles n'en continuent
pas moins à exister, tellement fut grande leur
empreinte sur la masse. Les négliger serait une
faute.
III
C'est que les confréries religieuses ont eu
non seulement un rôle politique, mais encore,
elles ont rempli dans. le passé un rôle social des
plus importants. Depuis l'expansion islamique,
dans la précarité de la sécurité et des transports,
dans le besoin de trouver çà et là des hàvres de
paix, les zaouia, chapelles et .auberges ont servi
aux afflliés de centres de groupement, de refuges, d'entrepôts pour le transit des marchandises.
Cette situation fit que le Chef (moqaddem)
de la zaouia, déjà collecteur des dîmes, et trésorier de la confrérie, a pris de plus en plus une
influence économique. D'autre part, ·ces derniers
temps, depuis 1919 notamment, le spirituel et le
temporel se sont, encore plus que par le passé,
intimement unis dians les confré,ries, en vue de
l'exploitation de l'un par l'autre. C'esl, ainsi que
ces associations s'éloignent de plus en plus du
mysticisme originel pour devenir des coalitions
d'intérêts, en même temps que leurs dirigeants
s'efforcent de donner à leur politique l'aspect
d'un conservatisme avisé et prudent.
Les confréries qui étaient à l'origine de
véritables associations d'entr'aide mutuelle, sont
deVienues beaucoup plus réalistes et pratiques
dans le diéveloppement de leurs intérêts personnels. C'est ainsi que nous voyons par exemple
les Ticljania du Sud-Constantinois prospérer
dans le con1'lnerce des dattes .et les Mourides
d'AhmadOll Bamba au Sénégal devenir une véritable société commerciale. L'entr'aide continue
toutefois il se manifester,· et nous voyons par
exemple à Tombouctou les circoncis de la même
année se soutenir mutuellement durant leur vie
et se réunir pour construire la m'aison des jeunes mariés, au moment de l'union de l'un
(V'entre eux.
Il n'en reste pas moins vrai que la zaouia
reste le centire de l'action sociale, non seulement
chez les affiliés, mais encore chez les habitants
de la région dans laquelle elle est située. Rappelons d'ailleurs que le marabout local peut encore
avoir une gros1se influence pour faire pénétrer
les idées dans la masse et qu'en tout cas son
opposition ,.pourra être néfaste.
IV
Il est à considérer de quelle manière nous
pouvons influencer les confréries religieuses
Inusulmanes. Il est assez délicat de fournir des
précisions à ce sujet. Rappelons tout d'abord
que la confrérie, cl'origine assez récente en
Afrique du Nord, s'est toujours heurtée au maraboutisme local avec lequel elle a fini le plus
souvent par se confondre. Ces marabouts, investis de la baraka héréditaire, ont un prestige
personnel que leurs descendants n'ont pas toujours. De là vient parfois la décroissance rapide
ou la stagnation d'un ordre, l'apparition d'une
nouvelle subdivision quand surgit un personnage sachant attirer la mass1e. Rappelons encore
que les confréries et le maraboutisme s'opposent
le plus! souvent aux oulémas, défenseurs de la
pure orthodoxie. Souvenons-nous aussi que
dans les milieux int-ellectuels musulmans, il
existe depuis quelques années, une hostilité sans
cesse croissante entre les confréries religieu'
ses : et cela est vrai pour le monde islamique
tout entier. Confréries et IMaraboutisme sont.
aux yeux des étudiants issus tant de nos médersas que des universités d'Al Ahgar et de Djemaa
Zitouna, des végétations parasitaires que la jeunesse cultivée ambitionne d'éloigner du véritable Islam.
Ajoutons qu'il est très difflcile à des Européens d'origine d'aborder la question des confréries avec des Musulmans. Ces derniers ont
une espèce de honte à en parler. La vérité est
donc difflcile à connaître, et Ilgir à ce sujet
risquerait d'aller à l'encontre du but poursuivi.
.' ~ '... _~_.".'.,
-
19
Comment donc agir sur les confréries
religieuses au mieux des intérêts français ?
MM. Depont et Coppolani avaient proposé
Bn 18m un programme d'action pouvant être résumé dans les conclusions générales suivantes :
1 ° - « Rapports avec les confréries sans
distinction de doctrines en vue de les placer
sous notre tutelle et de faire de leurs dirigeants
des imans non rétribués.
2° - « Rapports avec la masse indigène et
pénétration des esprits en opérant une sorte de
main-mise sur les zaouias existantes et en
tolérant, partout où le besoin s'en fait sentir,
la .construction d'établissements similaires, afin
de les réunir progressivement au domaine de
l'Etat et, de leur restituer leur triple caractère
de culte, d'instruction el de bienfaisance.
30 - « Mise en œuvre de l'action des confréries religieuses qui ont des ramifications à
l'extérieur, pour le rétablissement de nos relations politiques et commerciales avec le Soudan
orientâl et occidental et la pé'nétration de nos
idées civilisatrices dans les autres pays de
l'Islam ».
MM. Depopt et Coppolani ajoutaient que
l'œuvre à entireprendre serait longue et laborieuse. L'on sait de quelle manière Coppolani plus
tard, mena son œuvre pacificatrice en Mauritanie où il trouva d'ailleurs la mort, et comment
agit son beau-frère, le Colonel Bremond, d'abord
chargé de mission au Hedjaz, puis Haut-Commissai,re en Arménie et en Cilicie.
Il est certain que depuis 1897 les temps ont
changé. Les Musulmans d'Algérie sont devenus
citoyens français; ils ont des représentants élus
à ,l'Assembliée Nationale et à l'Assemblée de l'Union Française. Une Assemblée Algérienne a vu
le jour. Dans tous les pays musulmans, des réactions violentes se sont produites à la suite des
dernières guerres mondiales; les quatorze points
du Président Wilson et la Chartre de l'Atlantj~
Que, ont fait réagir les intellectuels, suivi~ ~a:­
fois par la masse, contre les occupants d orIgIne européenne pour l'obtentic)ll de d.roits politiqUes et 'de .plus de liberté.
Notre rôle actuel est de m'ett,re au point' le
fédérâlisme de l'Union française afin de constituer un tout cohérent ét harmonieux bien
français dans ses tendances générales.
Afin de remplir au mieux cette mission: il
faut bien reconnaître que, dans cette actIOn
particuliè;re, les confréries religieuses nord-afti..:
cain es constituent encore des forces avec lesquelles nous devons compter. Si, pour la nIupart elles semblent avoir abouti à un équilibre
stable, nous ne devons Das pour autant sousestimer leur influence, sans exagérer cependant
leurs possibilités.
Et notre conclusion sera qu'il convient de
suivre leur activité danSi le domaine politique et
social, et de tirer parti de l'esprit d'association
des Musulmans, de leur besoin inné de solidarité, enfin de proqter de l'existence des zaouias
au plus grand bénéfice de notre influence profonde.
V
Or, il existe une véritahle confrérie nouvelle chez les Musulmans français : c'est celle
des Anciens Combattants el. anciens militaires
en général. Tous ceux qui ont servi dans l'armée ont gardé une discipline et une foi en la
France toujours vivace malgré les aigreurs et
les désappointements chis< aux situations matérielles d'après-guerre. Les décorations, nensions
et retraites sont d'ailleurs un lien matériel entre
eux ct la Métropole. Ajoutons que nomhre d'entre eux ont servi ouhremer. ont même contrihué
à l'occupation des territoires ennemis : leur
contact avec diverses populations européennes
et asiatiques a certainement contribué à la formation d'un esprit différent de celui qu'ils
auraient eu s'ils avaient uniquement conse.rvé
l'antique formation tribale. Notons au passage
qu'à Guelma les Ammaria on cherché à grouper surtout les anciens soldats. Dans cette nouvelle confrérie, les zaouias même existent : ce
sont les «cliar el askri» (maisons du soldat)
des «Amitiés Africaines ».
Avant la derniè,re guerre mondiale, les Amitiés Africaines, créées par le Maréchal Franchet
d'Esperey avaient pour but d'assurer ft la libération du service militaire, la liaison entre
l'ancien et son régiment. Cet t e mission
était facilitée pail' le fait que les régiments
nord-africains avaient une portion centrale
stable, une zone de recrutement déterminée. Les
libérés, engagés le plus souvent dans le régiment du père, du frère ou de l'oncle, revenaient
dans la zone de recrutement qui était en même
temps leur züne d'habitat. La liaison était ainsi
facile entre eux et le régiment; celui-ci pouvait
sans grande difficult.é les suivre, les conseiller,
les aider. Ce régime était facilité par le fait qu'à
ce moment, il n'était pas question des familles
pour diverses ;raisons.
Or, à l'heure présente, en raison de l'évolu,
.tionâct.uelle, les anciens soldats musulmans ont
lès même droits et devoirs que les anciens soldais d'origine française. Les familles musulma-nes plus évoluées remontent au grand jour et
;réclament les mêmes privilèges sociaux que les
familles européennes. D'autre part l'organisation militaire actuelle ne donn~ plus aux
,régiments les mêmes privilèges et fâcilités
qu'autrefois. Dans c~s ?onditions, pour remplir
efficacement leur mISSIOn, les Amitiés Africaines doivent se réserver, si elles veulent faire de
;
iî2 .-ïËe
-80leurs diar-el-askri des centres d'attraction pour
les anciens militaires musulmans et leurs familles. Le Dar-el-askri peut devenir pour la nouvelle
confrérie une véritable zaouia et prendre pour
ses membres le double caract.ère d'un centre
d'instruction prodiguant conseils et renseignements de toute nature.
Déjà, la Direction de la Santé publique au
Gouvernement Général lance dans le bled des
camions médicaux à l'usage des ruraux. Ne
serait-il pas possible que ces postes médicaux
mobiles fréquentent à date fixe les diar-el-askri,
attirant la clientèle des anciens soldats, de leurs
familles et. de celles des militaires sous les drapeaux. Il y aurait là un moyen de pénétration
remait'quable chez nos anciens soldats, moyen
qui contribuerait à les réunir dans! cette grande
confrérie qui existe en fait mais qu'il convient
de réaliser ouvertement et efficacement.
Ces stations médicales. pourraient être accompagnées suivant le cas pal' des agents du
Service Social des Armées, de la Croix Rouge,
de l'Entr'aide française, de la Fédération des
Anciens Combattants, qui subviendraient à tous
les besoins moraux et sociaux et feraient des
diar-el-askri ou des établissements similaires,
des zaouias, chères aux Musulmans.
La Direction des Anciens Combattants au
Gouvernement Général songereait, paraît-il, à
installer dans les diar.el-askri des organismes
chargés de mettre à jour les dossiers de retrai·
tes et de pensions. Ce serait une utile manifestation dans le sens' que nous préconisons.
En étant tout à fait objectif et nullement
sectaire, constatons que l'ancienne Légion des
Combattants de l'Etat de Vichy avait beaucoup
plu à nos Musulmans par son organisation, ses
défilés spectaculaires, et que pendant la cam,pagne de Tunisie, les anciens soldats du Cons-
tantinois groupés aut.our des gendarmeries et
des diar-el-askri ont largement contribué à la
surveillance et à la sécurité du territoire.
Les défilés du 11 novembre 1948, pal' l'afflux des anciens combattants musulmans ont
bien montré qu'il existait· là une association
réelle, une nouvelle confrérie à laque~lle ne
manquent que des directives pour qu'elle de·
vienne un groupement engagé de façon dura·
ble dans la voie française.
A l'heure actuelle, le Gouvernement de la
République et le Gouvernement Général de
l'Algérie ont intérêt à développer l'esprit d'union
chez nos camarades, anciens combattants musulmans. Un grand pas a déjà été franchi le
11 novembre dernier; il s'agit de continuer
l'effort. Et puisque l'esprit mystique d'association, l'esprit de confrérie existe chez nos 'Musulmans, pourquoi ne Ipas satisfaire ce~t~ tendance en développant la nouvelle confrerIe des
anciens soldats autour des diar-el-askri, zaouias
toutes désignées des concrétisations nouvelles.
Rien n'empêcherait les autres corporations
d'agir de même et nous aurions ainsi, non pas
des syndicats, mais des associations unies pour
l'entr'aide mutuelle dans le sein de l'Union
Française. Au Maroc et en Tunisie, la question
est plus délicate en raison de l'existence des
protectorats, mais les réserves militaires sont
uniquement du ressort de la France; les pensions et retraites sont payées par la France. Une
association des anciens soldats peut ainsi exister sans r.éaction grave de la ,part des COUl'S
chérifienne et tunisienne.
A l '~.eure actuelle, cette réalisation serait en
tout cas une œuvre humaine et bien française.
Alger, 17 novembre 1948.
Le Général P. J. ANDRE (C.R.)
LE PROBLÈME MUSULMAN
en U. R. S. S.
1. -
Inhoduction
Depuis l'énoncé des immortels principes de
1789 jusqu'à la proclamation de la Charte de
l'Atlantique en passant par la déclaration du
Président \Vilson affirmant, à la fin de la première guerre mondiale que les peuples devaient
pouvoir disposer d'eux - mêmes, les idées de
démocratie et d"indépendance n'ont cessé de se
répandre à travers le monde.
Les facilités et la rapidité sans cesse accrues des déplacements et des communications,
d'une part, les progrès de la Radio et de la
P.resse d'autre part, ont favorisé et accéléré la
pénétration de ces idéologies nouvelles jusqu'au
sein des peuples et des groupements éthniques
les moins évolués, quelles que soient leur situation géographique et leur dispersion à la surface du globe.
Le Monde musulman, groupant quelque 300
millions d'individus, répartis du Pacifique à
l'Atlantique et de la pointe de l'Arabie aux
lisières méridionales de la Sibérie, n'est pas
resté étranger à cette évolution, et la fin de la
deuxième guerre mondiale l'a trouvé en pleine
fermentation.
L'activité de la Ligue 'Arabe, la naissance
et le développement des nationalismes NordAfricains, les efforts couronnés de succès développés par l'Egypte, la Syrie, le Liban et le
Pakistan en vue d'obtenir leur indépendance,
le conflit. Hollando-Indonésien et la lutte judéoarabe en Palestine, sont autant de manifestations des nouvelles aspirations du Monde
Islamique.
Ces événements Gui iNtéressent au Dl'emier
chef les nations occidentales puisqu'ils ont
affecté leurs zones d'influence, sont généralement connus du publie. Mais celui-ci a tendance
à.oublier que près de 30 millions?e Musulmans
vIvent en U.R.S.s. et qu'ils representent 10 %
du Monde Islamique et 15 % de la population
totale de la Russie sioviélique.
, ~..Ja reprise du pélerinage à la Mecque, aulorisee ~n 1~45 par le gouvernement soviétique,
la n?mmatlOn ~e Musulmans pratiquants à
cerl~ms pos~e,s dIplomatiques et la présence de
plusIeurs delegatlOns musulmanes soviétiques
il la Conférence Panasiatique de New-Delhi en
1947 ont rappelé au gmnd public, l'existence
de ce monde oublié.
Or, si cette masse islamique est soumise à
un ~égime politique et économique différent de
celUI des autres adeptes du Prophète, elle leur
resrle unie par les biens de l'esprit: l'Islam tout
enlie)' reste fidèle il ses traditions religieuses et
culturelle? et s'intéresse à tout ce qui concerne
une partIe quelconque du monde musulman.
Au travers du rideau de fer l'osmose spirituelle
est inévitable : la Russ\ie Soviétique le sait 'et
comprend l'avantage qu'elle peut en tirer en la
dirigeant il son profit; il s'agit pour cela de
faire de l'Islam Soviétique le pôle d'attraction
des peuples m'usulmans du Proche et du \MoyenOrient.
Le succès· de l'entreprise dépend en dernière
analyse de la compatibilité, entre la Religion
musulmane et cette autre religion qu'est l'idéologie communiste.
*
**
L'o,~ se p~o,pose ici de do~mer un bref aperçu de 1 evolutlOn de la questIon musulmane en
U.R.S.S. et d'étudier les m-éthodes appliquées
par le Gouvernement soviétique en vue de l'assimilation des musulmans et de l'utilisation du
puissant instrument d'influence qu'ils représentent.
,(1
5~
ri;
-82i'
2. -
Pénét'ration dei l'isiam en Russie
L'Islam, né en Arabie en 6.22 de notre ère,
s'est rapidement propagé dans le Proche et le
Moyen-Orient et dès le début du VIII" siècle,
il f~anchissailles fronW'res de l'actuel tenitoire
russe. Son expansion sur ce territoire devait se
poursuivre jusqu'au XIX· siècle et aboutir à
la siluation d'aujourd'hui, dans laquelle les
Musulmans occupent : le Caucase (1), le Turkestan Russe (2), la RènubliquB Socialiste Soviètique du KazElkhstfln (3), 1ft Région de KazanOufa (4) et la Crimée P'1 Russie d'Europe.
1
*
**
La .pénétration de l'Islam en territoire russe
s'est. effeduée par deux voies bien .distinctes :
l'Iran el le Turkeslan d'une part, la Volga
d'autre part:
a) Au VII' siècle, le Turkestan Russe,
placé ElU cane four des l'outes reliant le Proche
Orient Byzantin à la Chine et la Baltique à
l'Inde élait le cenlre d'une brillante civilisation,
gréco-iranienne de forme et bouddhiste de religion. Dès l'an 705 une première armée arabe y
pénétrait; elle en était chassée en 728 mais en
751, une nouvelle armée conquéJrait le pays. Dès
lors le bouddhisme faisait place à l'Islam, qui
se superposait à la culture iranienne. En 875,
une dynastie indigène tadjike chasse les vicerois arabes; au XI" siècle, elle cède à son
tour la place aux nomades turcs qui p,ériodiquement submergent le pays. Dès lors l'influence turque prédomine, la culture iranienne cède
le pas à une nouvelle culture turco-arabe et du
point de vue religieux le Turkestan devient
l'un des centres culturels musulmans les plus
import.ants au monde et il gardera. cette position privilégiée jusqu'à nos jours\' Il fut notamment le point de départ des missionnaires
qui, petit à petit, conve.rtirent à l'Islam les
populations de l'aeluel Kazakjhstan.
b) Dès l'an 20 de l'ère musulmane (5), une
armée arabe pénètre en Transcaucasie, occupe
et convm'tit à l'Islam le royaume Irano-Turc de
Chirvan (6) qui devait rest,er à t'ravers les âges
un fove,r de culture islamique et une base de
pénétr'ation vers la Russie d'Europe. A partir
du IXe siècle en effet, les marchands arabes,
utilisant cette voie atteignent le cours de la.
Volga et le remontent jusqu'à son confluent
avec la Kama. Là s'étend le royaum'e de la
« Grande-Bulgarie» qui eSlt converti à l'Islam
au X" siècle. Dès lors se créait, en pleine
Russie d'Europe, un centre de culture musulmane qui ne devait pas périr malgré, la destruc-.
tion du royaume bulgare par les Mongols.
En effet, de 1219 à 1258, les hordes TurcoMongoles sous les ordres de Gengis K~hn et
de ses successeurs submergent l'Asie Centrale,
la Russie d'Europe et le Moyen-Orient. En
Russie tous les tenritoires convertis à l'Islam
sont occupés, mais placés au contact d'une
civilisation supérieure, les Mongols païens, ne
la détruisent pas : ils se convertissent à leur
tour et l'Islam Russe sort grandi de cette terrible épreuve, enrichi notamment de la notion de
discipline et de celle de fraternité panturque
qui lui faisaient toLalem'ent défaut.
L'empire Mongol fut constitué en dmlX Khanats autonomes., vassaux théoriques du grand
KhAn Mongol :
Le Khanat (~e Qiptc.hak ou «Horde d'Or»
olli s'étendAit sur toute lEl Russie Méridionale
pt Centrale jusqu'au DanUbe et aux frontières
de la Pologne.
Le Khanat de Djagataï qui comprenait'
toute l'Asie Centrale des Monts Altaï à la Caspienne et de l'Oural au Pamir.
Le premier eût à soutenir des luttes incessantes contre ses vassaux russes; très affaibli,
il se divisait au XV· siècle en plusieurs Khanats autonomes :
Le Khamat (j)e Criiffiiée, qui s'étendait
d'abOit'd des frontières de la Pologne à la plaine
du Kouban, devait perdre successivement toutes ses possessions continentales et être finalement annexé par la Russie en 1783,
Le Khanat de Kazan, sur l'emplacement de
l'ancien royaume de la grande Bulgarie. Il
devait être annexé à la Russie en 1552 par les
Armées d 'Ivan-le-Terrible.
Dans le Khanat de Djagataï, la domination
tMongole fut plus nominale que réelle; les tribus turkm'enes notamment luttèrent ,plus d'un
(1) La R.S.S. cl'Azerbeidjan, la R.S. Autonome de Nakltchevan en Arménie, les R.S. Autonomes du Daghestan, de
l'Ossetie clu Nord, rie Kabarda et d'Abkhazie, les Régions AUtonomes d'Ossetie du Sucl, cl' Acligues et cles Tcherkesses.
(2) R.S.S. cl'Uzbekistan, du Turkmenistan, du Tadjikistan
et de ·la Kirghizie.
(3) Immense territoire qui s'étend de la Volga aux frontières ·de Chine et de Mongo.lie d'une part, de 'la Sibérie à la
Mer Caspienne, à la Mer d'Aral et au laC Baïkal d'autre part.
(4) R. S. Autonomes de Tatarie, de Bachkirie. des oudmourtes does Mariis, des Tchouvaches.
(5) 642 de notre ère.
(6) l'actuel AcJzerbeicJjan Russe.
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84siècle pour la suprématie; unifiées par un turc
natif de Samarkand nommé Tam,erlan, elles
formèJf'ent un empire immense (1) qui, à la
mort de son fondateur, se retrécit, à l'échelle du
Turkestan actuel.
A la fin du XV' siècle, profitant de la décadence politique de l'Empire de Tamerlan, les
Uzbeks de la Sibérie Centrale, déjà musulmans,
3. -
a) La prise de Kazan en 1552 marque le
déhll! de l'ère des conquêtes qui devaient se
poursuivre sans interruption jusqu'à l'époque
moderne.
h) En 1774, c'est l'annexion des anciennes
possessions tu,rques du littoral de la Mer d'Azov
et du Caucase SeptPlltrionai. En 1783 c'est l'annexion du Khanat de Crimée qui ouvre à la
colonisation russe les steppes du bas Dniepr.
En quelques décades~outes ces régions sont
entièrement colonisées : les nomades Mahométans en sont chassés et il ne subsiste plus qu'un
noyau musulman tatar sédentaire en Crimée.
c) De n32 à 1864 la Russie intervient au
Caucase dont elle protège, souvent sur leuirs
,L~s
A la mort de son fondateur, cet empire se
divise à son tour en trois principautés rivales
et à la fin du XIXe siècle le Monde Islamique
de l'Asie Centrale, en pleine décadence politique était prêt pOUir subir la dominaLion russe.
Conquête Russe
Bien que cela puisse paraître paradoxal, en
Orient, la Russie ne fit jamais que des guerres
défensives et c'est pour protéger les populations sédentaires chrétiennes des' razzias des
nomades mahométans que les koupes russes
furent amenées peu à peu jusqu'aux frontières
de la Turquie, de l'Iran et de la Chine.
4. -
arrivent SUif le Syr DEtriâ-et fondent l'Empire
Uzbek qui ènglobait le Turkestan et le Khorassam.
demandes, les populations contre les nomades
Itnontagnards ou contre les invasions persanes.
Partout, à la suite de ces interventions, c'est le
protectorat, puis l'annexion. La colonisation,
surtout agricole, suit de près les élirmées mais
tandis qu'elle est très dense dans les p~aines
situées au Nord de la chaine du Cauease où les
colons russes absorbent entièrement la population autochtone, elle n'est que très diluée dans
les régions montagneuses où les nomades musulmans opposent une résistance farouche il
toute tentative de pénétration (2).
d) La colonisation de (Asie Centrale a
débuté dès le XVII' siècle, par l'installation de
nombreux colons russes dans les sleppes facilem'ent cultivables et peu peuplées, situées au
Sud de l'Oural, aux confins des pays Bachkir.
Elle a été suivie, au XVIIIe siècle par l'occupation de toute la région comprise entre les
monts Oural et. l'Altaï et, dans la deuxième
moitié du XIX' siècle, par l'occupation du Turkestan, mais là comme dans les montagnes du
Caucase le nombre des colons russes reste très
faible par rapp~rt à celui des autochtones.
Musulmans en Russie so'us le régime des Tsars
Ainsi, à la fin du XIX~ siècle la Russie
avait achevé la conquête des territoires, musulrnans situés à l'intérieur de ses frontières actuelles; son inuervention faite souvent à la
demande des autochton(~s attaqués par les tribus
nomades ou par les armées étrangères, n'en
était pas moins suivie par l'annexion des territoires secourus malgré les résistances acharnées opposées pa~ certaines tribus et notamment
par les nomades du Caucase et du Kazakhstan.
La colonisation, surtout agricole, suivant
de près les armées russes, fut parfois très dense : ce fut le cas notamment en Crimée, dans
les plaines du Kouban et du Terck au Nord du
Caucase et dans les' sleppes du Kazakhstan.
Dans les montagnes du Caucase et au Turkestan, au contraire, ,la proportion de colons russes
est restée très faible.
Nulle pa,rt d'ailleurs cette colonisation ne
fut acceptée sans réticence et, à la veille de la
révolution de 1917, un sentiment national, antiru~se à des degirés variés, avait gagné les différentes couches de la population musulmane.
(1) fi englobait le Khorezn, le Kazakhstan, 'la Perse, l'Arghamstan, la Transcaucasie' et l'Anabolie.
(2) En tgt t les colons russes de l'Azerb'eidjan ne constitualen\ lfl6 g,5 % de la population.
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-86Les nomades de Kirghizie, du Kazakhstan,
de la Turkmenie et du Daghestan, restés au
stade féodal et d'un niveau culturel médiocre,
privés de leurs terrains de parcours par les
colons russes sédentaires, leur montraient une
hostilité de plus en plus accusé.e et ne tardaient
pas à réclamer leur autonomie.
Vis-à-vis de l'élite intellectuelle, le régime
tsariste faisait preuve d'un grand libéralisme
racial, et s'efforçait, par ce moyen, d'attirer à
lui et de russifier la noblesse musulmane. Mais
le résultat obtenu fut absolument inverse de
celui qui était recherché : les intellectuels musulmans comprirent le danger que cette politique présentait pour l'existence même de l'Islam.
Par réaction, se formait une opposition, essentiellement religieuse d'abord, politique ensuite:
des partis nationaux se créaient, d'aspirations
généralement modérées et conformes aux idéaux
des milieux russes avancés. Lors du Congrès
5. -
de Lausanne en 1916 où étaient représentés
tous les groupements islamiques dé la Russie,
les revendications musulmanes étaient formulées ouvertement : les Uzbeks et les Turkmènes exigeaient l'indépendance complète, les l\irg1hizes demandaient l'autonomie et l'égalité des
droits avec les Russes, les Tatars de Kazan l'autonomie nationale et culturelle et l'égalité des
doits civiques et politiques tandis que les montagnards du Caucase priaient lies puissances
occidentales « de les libérer du joug moscovit·~ ~.
L'unité des revendications exprimées était
donc loin d'être réalisée; le Congrés de Lausanne n'en mettait pas moins en lumière le
désir d'autonomie des Musulmans de Russie.
La chute du gouvernement tsariste et l'avBnement du gouvernement provisoire allaient
leur donner une occasion unique de réaliser
leurs aspirations.
Le Mo·nde Musulman Rasse·
pendant la période révolutionnaire (1'917-1921)
Durant cette période; le gouvernement soviétique en lutte aux attaques des armées contre-révolutionnaires, fait preuve du plus large
libéralisme vis-à-vis de ses citoyens musulmans. Il leur promet (1) l'autonomie poussée
au besoin jusqu'à l'indépendance complète, la
liberté totale dans les domaines religieux et
culturel, et l'égalité absolue des droits avec les
Russes. Il fait appel à tous les camarades frères
m.usulmans pour qu'ils participent au gouvernement nouveau , formé d'hommes libres et
d'ouvriers.
Ces promesses se concrétisent d'ailleurs par
des mesures favorables au monde islamique :
décolonisation et restitution des terres aux indigènes, consécration de la valeur pédagogique
des langues locales, rénovation des vieilles corporations de métiers islamiques, restitution à
l'Eglise musulmane de tous ses anciens privilèges et notamment celui de l'enseignem.ent et
celui de la création d'associations culturelles.
De leur côté, sans attendre la promulgation
du décret qui leur accorde toutes ces libertés,
les groupements éthniques· musulmans de Russie amorcent l'action en vue de la réalisation
de leurs aspirations. En mai 1917 un Congrés
réunissait à Moscou les représentants de tous
les groupements : les partisans du fédéralisme
y triomphaient aisément des séparatistes.
Et s'uccessivement les Tatars de Crimée,
ceux de Kazan, les Caucasiens du Nord, les Kirghizes du Kazakstan, et les peuples du Turkestan s'érigent en Républiques autonomes au sein
de la Russie. Mais très rapidement, devant
l'état chaotique qui suivit la chute du go.uvernement provisoire en octobre 1917, les Musulmans s'orientèrent franchement vers l'action
révolutionnaire et nationaliste qui devait aboutir à la naissance d'états indépendants.
Leur existence sera d'ailleurs de courte
du~ée : débarrassé: des dernières forces blanches, le Gouvernement Soviétique se retournera.
contre les nouvelles républiques et les intégrera.
de force à la Russie.
(1) Décret
dn 2-11-17.
(
-87-
,6.
Période de 1920 à 1928
Les dissidents ainsi ramenés au sein de la
Fédération Soviétique, le pouvoir central désormais raffermi, entreprend leur assimilation définitive. Il s'agit:
- SUl!' le plan social, de lutter contre les
restes de la féodalité, en vue de l'intégration des
groupements musulmans dans l'économie moderne.
- sur le plan poliLique, de lutter contre
deux tendances opposées qui se manifestent
<:jhez les 'Musulmans et qui sont touLes deux
contraires à l'idéologie soviétique :
- le panarabisme, hosLile à toute évolution
eL tendant à la réunion de tous les musulmans
du monde sans distinction de nationalités, en
une m'ôme nation : la Na Lion Musulmane.
- le panlouranisme, progressiste mais
orienLé vers la créaLion d'une_ grande Fédération Orien Laie Musulmane S01lS l'égide Turque.
Dans ce but, la principale activité du gouve,rnemenL de l'Union sera orientée vers la conquête idéologique des masses indigènes : de
puissants parLis communistes locaux seront
7. -
Il .'
D'e 19:28 à 1'938
C'est l'époque dramatique de l'Islam soviétique. Le pantouranisme que le gouvernement
-li tenté de dompter, se révèle plus vivace que
jamais; « les nationalistes musulmans, liés
avec la bourgeoisie russe anti-i'évolutionnaiœ
ont réussi à contaminer les rpartis communistes locaux et la religion musulmane est considérée comme la source et le véhicule de l'idéologie nationaliste et contre-révolutionnaire ».
C'est donc à la religion que le gouvernement centml va s'attaquer en premier lieu : il
ferIne les mosquées, les universités, les écoles et
8. -
créés chez les Musulmans et ils seront en fait
déLenteurs du pouvoir exécutif. L'Etat se confondra avec le parLi communisLe, chaque sujet
dépendra directement du chef de la cellule locale qui se,ra également le chef religieux.
Cette organisation qui, théoriquement devait êLre en accord parfait avec l'idéologie musulmane, ne puL Loutefois êLre réalisée. Les
padis communistes locaux constitués trop hâtivement, glissèrent en effetbrop souvent «vers
un naLionalisme chauvin qui les entrainait
vers le pantouranisme ». !EL une épuration sévère des cadres effectuée en 192.2 ne suffit pas
à rétablir la situalion.
'
Sur le plan religieux, la tendance du Pouvoir Central était de laisser à la I!'eligion musulmane une liherté relative; mais l'existence,
clans le elergé d'associations contre-révolutionnaires, le contraignait bientôt à entreprendre la
lutte contre l'Islam: expositions anti-it'eligieuses, attaques contre les fêles eL traditions -islamiques se sllcr;l,'dent jusqu'en 1928, date à
laquelle s'ouvre le conflit décisif entre l'Islam et
le pouvoir soviétique.
les imprimeries musulmanes, il juge et condamne sévèrement les dirigeants des partis
communistes soupçonnés d'être favorables au
nati onali sme.
Des mesures d'une telle énergie parviennent
à briser le pantoUiranisme, mais le but essentiel
de la lutte menée par les Russes n'est pas atteint.
La religion musulmane en effet a su s'adapter
avec une grande souplesse à la sil'uatiol1 ; elle
s'est modernisée tout en conservant toute son
intégrité. Elle sort incontestablement renforcée
de cette lutte.
De 1938 à 1'941
Le pantouranisme pratiquen~ent éliminé, le
Gouvel!'nement Soviétique, conscIent de la menace qui pèse sur l'Europe, adopte vis-à-vis de
l'Islam une politique plus libé~alé. et acco~de
certaines satisfactions aux aspIratIOns natronales des allogènes.
Il s'applique à prouver aux Musulmans
-qu'il n'y a aucune contradiction irréductible
entre la réalisation du soc.ialisme et le développement de la culture nationale et fait à l'Islam
de substantielles concessions : le culte des ancêtres est remis à l'honneur, les persécutions
contre le clergé et la religion cessent, les communautés religieuses obtiennent l'autorisation
de construire et d'entretenir des mosquées aux
frais de l'Etat.
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88
De son côté l'Islam fait les concessions
qu'impose le tl'iomphe du Communisme. Sa
doctrine nouvelle admet qu'il n'existe pas de
différence fondamentale entre le socialisme et
l'Islam et que le Coran est én Iplein accord avec
'9. -
Leti '9uerr'egermano-russe
La deuxième guerre mondiale devait prouver la sagesse de la nouvelle orientation pro.
musulmane du Gouvernement Soviéti.quc. Er.
effet, malgré une intense propagande exercée
par l~s pays de l'Axe (1), l'attit.ude des l\Iu3UJmans soviétiques, en dehors de quelques défaillances spectaculaires (2) a été celle d'un loyalisme fidèle au régime et les troupes musulmanes ont combattu avec autant d'abnégation et
de patrioLisme que les armées russes.
10. -
le programme du Parti communiste.
Ainsi gl'!lce à des concessions réciproques,
l'on arrive il un modus vivendi et il la veille de
la deuxième guerre mondiale, l'Islanl soviétique
. est en plein épanouissement.
Dès la fin de la guerre, le Gouvernement de
Moscou,pri t diverses mesures pour sanctionner
l'attitude des Musulmans :
d'un côté, il accordait de multiples avantages à l'Eglise islamique,
de l'autre, il entrepl'enait une repression
impitoyable : démembrement de la République
TcheLchène -et déportation massive en Sibérie
de ses habitants, coupables de haute trahison.
La situation actuelle des Musulmans en U. R.S.S.
Les Musulmans d'U.R.S.S. sont répartis en :
six républiques fédél'ées (3), neuf républiques
autochtones (4) et cinq régions autonomes (5).
Les républiques fédérées musulmanes sont
les ~'égions placées à la périphérie de l'Union et
dans lesquelles vit une population indigène
majoritaire. Chacune d'elle possède Sil Constitution, son Parlement dénommé Soviet-Suprème, ses forces armées, ses ministères; elle a le
droit d'entrer en relation directe avec les pays
étrangers et, théOl'iquement celui de se S'éparer
de l'Union à tout moment. Sa souveraineté
n'est limitée que par l'abandon volontaire de
ses droits sur des questions intéressant l'ensemble de l'Union (6) ; elle possède sa législation
propre conforme il celle de l'Union, sa citoyenneté propre et sa langue officielle est. la langue
nationale; elle traite entièrement toutes les
questions purement locales.
Les républiques et les Dégions autonomes
sont constituées par des groupes ethniques
vivant au sein de la Russie proprement dite
(R.S.F.S.R.) ou d'une république fédérée. Au
point de vue des principes d'administration les
l'épubliques et les réFiÎons autonomes ne diffèrent pas des républiques fédérées dont elles
dépendent comme celles-ci dépenden t de l'Union. Elles ont leur constitution, leur Soviet·
Suprême, leurs ,législation, leur juridiction,
-leurs écoles et leur langue nationale, mais elles
n'ont. aucun contact direct avec le monde extérieur et ne peuvent pas se sépal'er de la République Fédérée ou de l'Union.
Telle est la théorie : en fait la souverain.eté
des républiques et des régions musulmanes se
trouve fortement limitée par une série de mesures tendant à les placer sous la dépendance
politique, économique et culturelle de l'Union.
C'est ainsi que l'inbroduction dans chaqùe
république ou région d'a!phabets différents et
l'orientation de leur culture dans des sens divers
et souvent opposés, créaient un morcellement
linguistique et eult,urel de l'Islam russe, destiné
à faire échec il l'action unificatrice traditionnellement. menée pair les centres culturels islamiques de Kazan eL Samarkand.
Du point de vue économique, les républiques fédérées solidement intégrées dans le IV·
plan quinquennal russe ne peuvent en fait se
séparer de l'Union sans se vouer à une ruine
immédiate et totale. De plus, l'industrialisation
poussée à outrance (7) de la Transcaucasie et
(1) Par l'intermédiaire ries Musulmans émigrés, pour Iii
plupart hommes politiques qui avaient joué un rOle durant la
brève période des Républiques musulmanes.
(2) Pendant la brève occupation du Caucase par les
,\.lIe man ris, les montagnarcls Tchetchènes se ,sont révoltés et
ont rejoint les forces allemandes.
(3) Azerbeicljan, UzlJelüstan, Tadjikistan, Turkmenistan.
Kir,g'hizie et Kazakstan.
(4) Tatari~, Bachkérie" Kaharda, Dag-hestan, Ossetie dU
Nord; AbklJasie, Acljarie, Nakitchevan et Karakalpakie.
(5) Nag'orno-Karabah, Gorno-B'adakstan, Adig-hé, Tcherkessie et Ossélie du Sud.
(G) Relations internationales, gnerre. et paix, déf.ense na,tionale de l'U.R.S.S., économie générale de l'U.R.S.S., législ.lHon du travall, lois ,sur ,la citoyenneté, etc...
(7) notamment pendant la deuxième guerre mondiale.
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-89du Tur.kestan et la collectivisation agricole (1),
ont Pl'ovoqué de vastes mouvements de population, d'où un vaste brassage de races et
la disparition quasi-totale des groupes musulmans ethniquell1'ent purs. Ces transformations
économiques bouleversaient au~si d'une façon
radicale la structure sociale de l'ancienne sociélté muslulmane, féodale ou patriarche et faisaient naître un prolbtal'iat industriel sans
attache avec le passé et perméable aux doctrines gouvernementales. Eduquée et entrainée par
les émigrés venus de l'Ouest, cette m'asse devient
bientôt une pépinière de cadres pour le Parti.
En outre quoique chaque république fédérée possède sa langue nationale, le Russe mieux
adapté à la civilisation moderne reste la langue
officielle de l'Union. Grâce à un usage adroit
de la radio, du cinéma, des journaux, des
livres et - des conférences pubIiql,les, elle fait
reculer lentement les langues orientales et contrilme, avec l'idéologie communiste, à réaliser
plus étroitement l'union des Musulmans avec
les peuples de l'Union Soviétique.
En dehors de ce droit constitutionnel, le
Gouvernenient de IMoscou a accordé aux Musulmans des faveuirS spéciales telle que: autorisation de l'enseignement coranique, reconnaissance de la personnalilé civile aux associations
et congrégations religieuses, autorisation de
publier des revues, entretien et restauration aux
frais de l'Etat des mouvements historiques, etc...
De plus, en 1945, le pélerinage à la Mecque
et le péle,rinage aux sanctuaires, de l'IraJl ont
été rétablis. On prête également au Gouvernement soviétique l'intention d'ouvrir ses frontières aux Musulmans étrangers désireux de se
rendre aux sanctuaires du Turkestan. Ainsi,
apiI'ès vingt ans d'absence, l'Islam russe reprend
contact avec la grande communauté musulmane.
*
**
A l'intérieur des républiques fédérées, il
est certain que le bouleversement social de ces
dernières années a entrainé un détachement de
l'Islam dans le monde ouvrier, et dans les couches les m'oins évoluées de la population. Par
contre, les peuples anciennement convertis et
l'é,lite intellectuelle restent fidèles à leur religion,
mais la doctrine actuelle de l'Islam soviétique
s'oriente nettement vers une entente, voire une
collaboration idéologique avec le Communisme.
Au Congrés Musulman réuni à Bakou en 1942,
les délégués piI'ésents ont fait ressortir les similitudes apparentes des deux doctrines : le «socialisme» du Coran, le rapprochement entre le
pouvoir et le peuple, l'absence de classes dans
la société musulmane, l'internationalisation de
l'Islam, etc...
La Constitution de 1938 reconnait à tous
les citoyens la liberté de pratiquer les cultes et
de se livrer à la propagande reljgieuse.
(1) remplacement des ancienn€s exploitations familiales
par les Kolkhozes; suppression du nomadisme.
Le Parti Communiste enfin, avec ses puissantes o;rganisations locales, continue son action. Partout il se superpose à l'appareil administratif de l'Etat, attire à lui la classe ouvrière
et, fait naître en elle, à côté du ·sentiment national ou régional, un «patriotisme soviétique »
qui fait de l'Union, malgré son extrême variété,
un bloc unifoiI'me et solide.
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CONCLUSIIO'N
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Ainsi, p~r une habile politique d'opportunisme, le Gouvernem'ent de Moscou a su intégrer progressivement la masse musulmane dans
la communauté soviétique, et faire disparaît're
. les . tendances séparatistes des groupements
allogènes. En ce qui concerne l'Eglise musulmane, il a su, suivant la doctrine marxiste telle
que le bol~hevisme stalinien l'interprète, lui
donner une orientation. favorable à la classe
dirigeante, c'est-à-dire au Parti Communiste.
L'assimilation de l'Islam' ainsi effectué, le
Gouvernement Soviétique entreprend! d'en faire
un instrument de propagande extérieure, dirigée sur les territoires musulmans limitrophes
de l'V.n.S.s. : Mongolie, Chine, Afghanistan,
Inde et Iran. Il disposera pour cette propagande
du puissant argument que constitue sa réussi te économique et culturelle dans les groupements musulm'ans de l'Union. Les déplacements des Musulmans à travers les frontières
russes à l'occasion des pélerinages de la Mecque, de l'Iran et du Turkestan, l'échange de
représentants diplomatiqu'es avec les pays voisins, seront les moyens dont usera le Gouvernement Russe pour mener cette propagande.
Nul doute qu'elle porte ses fruits.
Quels résultats seront· obtenus? Il est encore trop t'ôt pour avancer une réponse à cette
question. Il n'en reste pas moins que d'une
part des similitudes existent entre les idéologies
communistes et musulmanes et que d'autre part
le Gouvernement de 'Moscou sait les exploiter
habilem'ent.
Il appartient en définitive aux pays occidentaux de s'opposer par une politique appropriée à l'expansion de l'idéologie communiste
dans les pays musulmans situés dans leurs
. zones d'influence.
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LA REVUE D'ÉTUDES MILITAIRES...
OFFICIERS...
Préparation à l'E.M.I.A. de Coetquidan et à l'Ecole d'Administration - Cours d' 1nstruction générale.
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14, Place Bel-Air - CASABLANCA
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••. SOUS-OFFIERS - - - - - - - - - - - - - - - - .
Préparation à l'Ecole Supérieure de Guerre, au cours d'Etatp e_'r_ieu_r_e_d_e_1'_ln_te_n_da_n_ce_.
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M_ai_or_,_à_I'_Ec_o_le_S_u_
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Nous reproduisons ci-dessous un article empl'lunté il, la R,evue « Les Problèmes f:conomiques »)
Dans l'introdUiction de cet article, publié dans le n° 37 de la Revue « Politique », l'auteur
M. EmmaIllUél HA'MEL, note que le problème de la ProduçtivÏJt1é en France laisse loiIIJ derrière lui, en importance, les phénomènes monétailjes et financiers qui obsèdent actuellem~t
Ies 'esprits. Ceux~~i, dit-il, sont bien moms la cause que la conséquence de la situation économique présJCnte. Au surplus, dans une· per,spective d'avenir, le f'lliotJeur prod1uctivité ~tt l'équipement qui le <10ndition~e commanderont ailtant les capacités commenciales de la Fran~ que
l'évolution du pouvoir d'achat réel des Français.
--------------
LA FAIBLESSE DE LA PRODUCTIVITE
EN
FRANCE
L'effort de guerre réalisé
ANS le cadre de la pol~tique de, réé,q, uipe~
ment, qui fut, au mOIns verbalement SI
l'on s'en véfère aux déclarations officielles, une des préoccupations des gouvernements successifs de la IVème République,
un double effort a été fait.
D
« D'abord une certaine part des .crédits à nous
consentis pa; les gouvernements étrangers a été
consacrée à l'achat de !:;liens d'équipement et de
matériel moderne. C'est ainsi que, d'après les chiffres donnés par le Secrétaire d'Etat aux Affaires
économiques, le 24 juin 1948, au (Palais du Luxembourg nous avons importé, depuis août 1944, pour
1.170 'millions de dollars de matériels dont 780
millions sont venus des Etats-Unis d'Amérique;
43 % de ce que nO;]8 av,ons acheté aux U.S.A., dePuis la Libération, a donc été consacré aux achats
de biens d'équipement.
« Mais il faut noter que les trois-quarts de ce
montant s'appliquent à des biens d'équi.pement non
Productifs en l'occurence locomotives, wagons et
navires. S~ul, le dernier quart a été affecté à des
1ll0Yens de pl'oduction et encore, par manque de
doctrine: la plus large part de ces. éqaipeme~ts
Productifs n'a pas été le mieux adaptee a l'accrOlssement de la productivité.
« A côté de cet effort, en apparence méritOlre
pour consacrer une part relativement importallt~
de nos crédits extérieurs à l'achat de matériel d'éq.uipement, oz: doit également inscrire l'augmentatlOn progresSIve (au moins en valeur absolue car
il fa!!t ~ussi tenir compte de la diminution des' prix
expnmes en francs dépréciés), de la production
française d'éq;]ipement et de machines-outils. En
1946, .la val~u~ globale de cette production repré_
sentaIt 40 mIllIards de francs 1938, en 1947, 45 milliards, en 1948, elle représentera 49 milliards.
« Pour résumer l'accroissement de cette activité
d'équipement, 11'0n a pu donner les chiffres ,officiels suivants: l'indice <l'activité des industries d'équipement est à l'indice 150 par rapport à 1938
alors que l'indice général de la proQ.uction indus~
trielle en 1948, ne dépasse pas 110 (:70 de 1938. L'on
sait aussi que la politique suivie en matière de répartition de charbon, qJi a systématiquement favorisé les industries lourdes telles que la sidérurgie,
nous a permis d'atteindre une producti.on mensuelle
d'acier de 640.000 tonnes contre 510.000 tonnes en
1938. Enfin, s'il faut en croire les indications don~
nées par la commission du bilan national, le total
des investissements a représenté, pour 1947, plus de
20 % ct;] revenu national, a1o'rs qu'avant-guerre
dans une année moyenne, l'effort d'investissement
ne correspondait pas à plus de 14 % ».
-9H-
Considérations sur le niveau relatif des prix français
« Serait-ce dire que tout ce qui devait et pouvait être fait pour moderniser et rééquiper l'industrie française a été accompli? Certes non, car pour
mesurer la valeur réelle des résultats obtenus, il
importe de bien distinguer, d'une' part, la différence essentielle et fondamentale entre l'accroissement de la prod~lction et l'augmentation de la productivité, d'autre part, de connaître la part faite
dans les biens d'équipements aux biens d'équipements consommables (les locomotives, par exemple)
et aux biens d'équipements productifs (les machines-.outilsJ.
« D'une étude de haute valeur faite par M.
Gargominy, conseiller républicain populaire de
l'Aisne il re3sort, avec une indisc;Jtable précision,
que les prix français sont trop élevés. Ils l'étaient
à~jà avant guerre; et l'écart s'est encore profondement accentué 2" notre détriment depuis la guerre. Alors qu'en 1938, pour un dollar, .on acquerrait
aux U.S.A. 2.000 unités, .on en obtenait 1.069 en
Grande-Bretagne et, en France, 684...
« Une autre constatation s'impose. S'il est vrai
que les prix français dans leur ensemble sont trop
élevés, il faut savoir, et c'est ;un fait d'une grancie
importance, que les prix de nos denrées alimentaires de première nécessité sont à. peu près à parité
avec les prix pratiqués à l'étranger. Le pain coûte,
à Paris, 26 francs le kilo, à Stockholm, 64 francs,
à Montréal, 41 francs, à New-York, 47 francs. Le
lait coûte, 8. Paris, 26 francs le litre, à Stockholm,
22 francs, à Montréal, 39 francs, à New-York, 77
francs. Le bœuf de première qualité coûte 500 francs
le kilo à Paris, 200 francs à Stockholm, 325 francs
à Montréal, 345 francs à New-York (aux cours actuels des changes).
« Si les prix mondiaux des denrées alimentaires
de première nécessité sont 2, parité avec les nôtres,
comment rompre le fameux cerc1e vicieux, les denrées alimentaires entrant pour 75 % minimum
dans les salaires, qui pèsent lourdement sur les
prix de revient industriels, lesquels font des produits trop chers pour l'exportation, trop chers
aussi pour l'agricèllture qui doit s'équiper et ache-
ter des engrais? Puisque les prix des denrées alimentaires sont, en France, ~\ peu près à parité
avec l'étranger, l'importat,ion ne peut les faire
baissier que dans des proportions très réduites.
C'est donc vers une augmentation du revenu du
salaire qu'il faut tendre. Or, l'.on sait que l'ouvrier
français gagne moins que celui de Suède, du Canada, des U.S.A. Quand le salaire mensuel ci'un
. manœuvre parisien est de 11.150 francs, celui d'un
manœuvre de Stockholm est de 2] .000 francs, de
Montréal, 23.000 francs, de New-York, 30.000 francs.
« Mais l'augmentation du revenu du salaire
n'est possible que par:Jn accroissement de la productIvité, lequel ne peut être obtenu que par la
normalisation, l'organisation rationnelle du travail et l'équipement moderne de nos industries...
..
«'Pour illustrer, par quelques chiffres, cette
démonstration qui pourrait, de prime abord, apparaître illusoire, il suffira de donner quelques
exemples qui prouvent que, dans certains pays
les prix de divers produits finis s.ont bien moins
élevés que les nôtres, grâce il, la normalisation, à .
l'organisation rationnelle du travail et à l'équipement.
. .1
« Un tracteur de 20/30 CV aux U.S.A. coûte
300.000 francs, alors que le tracteur Renault, de
même force, en France, coûte 600.000 francs. Le
prix au kilo d'une locomotive est, en France, de
175 francs, et aux U.S.A. de 112 francs. La tôle ordinaire revient, à la tonne, à 8.581 francs en France, 7.850 francs en Grande-Bretagne et 6.600 francs
a:Jx U.S.A. Et la qualité de la tôle française est
nettement inférieure à celle des tôles étrangères.
Le courant-lumière oui vaut 16 francs le kwh. à
Paris, vaut 9 francs ~, Stockholm, 8 francs à Montréal et de 4 à 5 francs à New-York.
« Ces chiffres indiqués par MM. Armengaud
et Gargominy, en même temps qu'ils éclairent la
voie à suivre, nous amènent à essayer de déterminer pourquoi la production nati.onale française
n'atteint pas le niveau nécessaire et, d'autre part,
est grevée de charges trop élevées.»
Pourquoi les prix de revient en France sont trop élevés
I,i
« ThéoriQ'~lement, le prix de revient dépend
de la matière mise en œuvre, de "énergie nécessaire, de la main-d'œuvre incorporée au stade matières premières et transformation, y compris les
charges sociales, enfin, des frais généraux de production, y c.ompris les agios, lés charges financières et l'amortissement de l'outillage. Le prix
de revient ainsi déterminé, il faut, pour connaître
le prix de vente, ajouter les charges fiscales, c'està-dire, la part de l'Etat, le bénéfice des producteurs
et, enfin, le coût de <1istribution.
« Si nous faisons cette analyse du prix de revient, Que constatons-nous? Qu'un immense effort
est à faire, car la France n'a pas su s'adapter aux
nécessités économiques et techniques de l'évolution
du monde moderne.
« La main-d'œuvre dépend, dans une large mesure de la population et de sa répartition. Il est
inutile d'insister sur le vieillissement bien connu
de notre peuple. Mais, il y a 'un autre aspect de
la question: la populàtion française est-elle bien
répartie? Il Y a 50 ans, il y avait, en France, troiS
groupes d'importance égale comprenant chacun le
tiers de la population: les producteurs agricoles,
les producteurs industriels, et un troisième tiers
appartenant à des professions diverses. Depuis 50
ans, cette proportion est restée 2. peu près la même, avec une légère tendance à l'augmentation du
nombre des improductifs. Dans d'autres pays, comme la Grande-Bretagne, les U.S.A., l'Allemagne,
la !Siuisse, l'U.R.S.S., on constate une évolution
très différente. On y a vu régulièrement augmenter le nombre des producteurs industriels, tandis
que décroissait le nombre des pr.oducteurs agricoles, alors qu'en même temps, la production agricole croissait. Les pays très évolués comme les
Etats-Unis ont actuellement 18 % de leur population occupée à des activités agricoles, 50 % à des
activités industrielles, moins de 30 % à d'autres activités. En bref, on constate que la courbe fran-
-~._~~-
_... _- - - ----
~
99
çaise de l'évolution de la population active est en
sens entièrement contraire de celles des autres
pays industriels évolués e,t se rapproche, au contraIre, de celle des pays qui n'évolûEnt pas et qans
lesquels le standard de VIe s'avère de plus en plus
faIble. Le circuit de la distribution représente, en
Allemagne, 9 % de la population active; en Angleterre, pays commerçant traditionnel, environ 15 %,
aux Etats-Unis 10 % et, en France, alors qll'il était
de 15 (;0, avant la guerre, le pourcentage est passé
à 22 % de la population active. L'Administration
française en emploie 8 %, tandis qu'aux Etats-Unis
où la bureaucratie a dû, elle aûssi, beaucoup augmenter, la proportion ne dépasse pas 3,5 %.
({ On sait que le potentiel énergétique d'une nation est, au XX" sIècle, l'un des facteurs essentiels <:le sa puissance. Or, la France, la Grande.
Bretagne, les Etats-Unis, l'Allemagne, vers 1900,
avalent à peu près la même puissance énergétique
par habitant. Mais l'évolution de ces différents
pays a été telle qu'aujourd'hûi chaque producteur
américain a, à sa disposition, 6 fOlS plus d'énergie
qU'un producteur français. Chaque producteur anglaisou allemand dispose de deux fois et demi plus
d'énergie qu'un français. Le Sûisse peut se servir
de trois fois plus d'énergie que le Français, le Canadien de huit fois plus. Ce qui ESt encore plus
grave, c'est ,aue l'énerg.ie est, en France, infiniment
plus chère qLit dans les autres pays industriels,
créant amsi une charge complémentaire pour le
prix de revient Aux U.S.A., le prix moyen de 100
kilowatts-heure, représente le prix d'une fieure dr>
travail, en France, entre 8 heures de travail minimum el 16 heures de travail maximum. Il n est
pas étonnant, dans ces conditions, que la quantité
d'énergie, utilIsée dans toutes les industries de
transformati.on soit excessivement faible et que les
prod\lcteurs français n'aient pas à leur disposition
le nombre de chevaux-moteurs dont ils auraient
normalement besoin pOûr produir~ dans des condItions normales grâce à des machines puissantes
à gran<i rendement.
{( Al.ors que les territoires franç,ais d'outre-mer
possèdent, on le sait, des richesses minières importantes, c'est à peine si nous commençons à les exploiter, et comme le sous-sol de la métropole n'est
pas assez riche, loin de là, pour suffire à p,ourvoir
à l'approvisionnement en matières premières de
nos industries, il nous faut recourir. à l'importatlon. Nous achetons donc 8, l'étranger des quantités considérables de plomb, cuivre, métaux non ferl'CclX, des fibres textiles, des corps gras, du charbon, du pétrole. Les dévaluations ,successives ont
amputé la valeur d'achat du franc dans de telles
proportions que ces importations ? des prix relativement très élevés provoquent un renchérissement de nos prix intérieurs. Mais il y a plus: les
matières premières que nous produisons nous-mêmes sont, à la base, plus chères que dans d'autr~s
pays. En France, une tonne de, charbon coûte 30
heures de mï.lleûr à la mine. En Allemagne, elle
en coûte 10, en Angleterre, de 10 a 12, aux EtatsUnis, 3. La charge du prix de revient est donc tell.
que, d'une part, la rémunération du personnel n',est
pas satisfaisante et que, d'autre part, ce prIX eleVé. à la production entraîna,- par v.oie de conséquence, un renchérissement général du coût de la
Vie.
{( Enfm quant à notre équipement industriel,
s~ nous p~enons pour champ d'étud~ l'.industrie
SIdérurgique, nous constatons que les eqUlpements,
sauf exception, datent de trente à quarante ans.
L'âge moyen de notre parc de machines-outils aptrente ou trente-cinq ans, presque sans machines dite::; ({ de production» ou ({ d'opération »,
alors qûe l'âge moyen, dans des pays comme les
Etats-Unis et l'Allemagne, est de l'ordre de dix ans,
avec des machmes-outils équipées pour une production déterminée parfaitement spécialisée, et,
par conséquent, dont la rapidité de production n'a
pas de commune mesure avec la nôtre. Cette situation ne tient pas 'à la répartition des entreprises
entre les différents pays, comme on l'a prétendu
volontiers. Ce n'est pas tant le gigantisme de certaines entreprises qui crée la différence é1l1re la
F'tance et les Etats-Unis, mais un autre facteur:
la spécialisation. En 1944, aux Etats-Unis, il y
avait 230 haclts-fourneaux allumés et, en 1938, en
France, 86. Pour un nombre de hauts-fourneaux
américains à peine trois fois supérieur à celui existant en l"rance, la production était quinze fois plus
élevée. Ce qui veut dire que chaque haut-foûrneau
uméncain avait une capacité moyenne de production cinq fOlS supérieure à la capacité d'un haufourneau français. Pour l'aluminium, dix-sept entreprises françaises prodJisaient 45.000 tonne'3.
tanàis que le même nombre d'\:ntreprises, aux
Etats-UEis, produisaient 776.000 tonnes, soit quinze fois plus. En ce qui concerne les machines-outils, en France 218 constructeurs, dont près de 180
sont des artisans, produisent au total 8.000 machines-outlls par an. Aux Etats-Unis, 210 entreprises,
c'est-à-dire 'le même nombre, arrivent à en produire 307.000, c'est-à-dire près de quarante fOll,
plus. POJr les machines agricoles qui intéressent
l'ensemble de la population agricole, il y a, en
France, deux fois plus d'usines au'aux Etats-Unis
soit 750 usines pour 347 aux Etats-Unis. La pro~
duction française était, en 1938, l'équivalent de 35
millions de dollars, et, aux Etats-Uais, de 1.500 millions de dollars. Par conséquent, le rapport est de
1 à 40. Il est évident que, dans ces condit.ions du
fait de la diversité des types, de l'incapacité de
constr;û~ti?n ~es séries, du fait aussi d'un manque
de speCIalIsatIOn et d'un mauvais équipement nos
prix de revient sont excessifs.
prochl~
({ Pour produire une tonne d'acier, il faut aux
Etats-Unis, vingt-quatre heures de travail d'un ouvr~er; en France, il en faut quarante-huit. En ce
qU! concerne les. constructions navales, pOûr un
meme tonnage, Il faut exactement trois fois et demi plus d'heures de travail en France qu'aux EtatsUnis, ou deux fois et demi plus qu'en, Angleterrepourtant les moyens techniques de l'Angleterre né
sont pas tellement différents des nôtres. Pour les
tracteurs, un tracteûr de vingt chevaux c.oûtait
en 1938, 650 heures de travail aux Etats-Unis ïi
en coûte 6.000 en France. Le rapport est de 1 à' 10
Un ouvrier américain manutentionne par jour 25
to~mes de c~arbon sur le carreau -de la mine. L'ouVrIer françaIS n'en manutentionnait que deux ton~es et denne en France en 19'38, et n'en manûtenbonne que deux tonnes à peine aujourd'hui. Une
tonne de fonte est partout la même, réserve faite
de la qualité. Or, du fait de l'organisation et de
l'équipe~ent des fonderies américaines, allemandes
et anglal.ses, la production de ces trois pays est,
par OUVrIer et par an, de deux tonnes <l.ix alors
qu'en France elle n'est que d'une tonne dix: Dans
l'industrie aut?mobile, on constate qu'avant la
guerre un ouvrIer français produisait deux voitures
par an, alors qu'en Amérique Un ouvrier en produisait huit et en Allemagne quatre.
1
"
{( Même si nous arrivons, en Fi~nce, à incor-
,.,
. .-.J;:-
p.orer parfois, dans le prix d'un produit fini, la
même proportion de salaire qu'à l'étranger, il nous
faut deux à trois fois plus d'ouvriers, par suite de
l'insuffisance de nos équipements industriels et de
leur mauvais emploi. Et voilà ce qui explique la
situation médiocre des salaires français. Cette in.
sJffisance de l'équipement n'a malheureusement
pas seulement des conséquences d'ordre individuel
sur le standard de vie de chaque Français, elle entraîne aussi un abaissement global du revenu national.
{{ Alors qu'en France la production par travaIlleur représentait 300 dollars-or en 1913, elle
n'atteint plus en 1946 que 250 dollars-or. Aux
Etats-Unis, au contraire, de 1914 il, 1946, la production par travailleur est passée de 1.000 dollars-or
à 2.300. Aussi ne peut-on, à juste titre, s'étonner
que la part des sommes consacrées chaque année
100aux investissements diminue sans cesse en Franc:~
depuis 1913. En 1913, le budget français dépassait
à peine quatre milliards de francs-or et trois milli.ards de francs-or étaient consacrés aux investissements privés nOJveaux. Le pourcentage des investissements productifs par rapp.ort aux âêpenses
budgétaires était donc de 75 %. Aux Etats-Unis, en
Angleterre, en Allemagne, cette proportion est restée sensiblement la même. En France, au contraire, on a vu sans- cesse baisser l'importance des investissements jusqu'en 1938. Le rapport des investissements par r:1pport au budget national était
ainsi avant la dernière guerre tombé à 4,5 Si;. En
1947, c'est fi, peine 10 (;10 du total du revenu national qui était consacré aux investissements. Encore
ne doit-on pas o~lblier, bien que la chose soit connue de tous. l'insuffisance des sommes investies
dans les territoires d'Outre-mer.})
CONCLUSION
{{ Pour reàresser l'économie française, mettre
un terme aux erreurs et aJX conséquences qui risquent d'être tragiques d'une politique éc.onomique
à la petite semaine dont nous constatons aujourd'hui les funestes effets pour le bien-être de chaque famille française et pour l'indépendance nationale, il importe d'orienter notre effort dans
quatre directiGns:
{{ 1 D'abord, utiliser au mieux l'outillage national en y mtroduisant les améliorations de détail qui changeront son rendement, et, en même
temps, spécialiser, standardiser, voire même concentrer, lorsque cela est nécessaire, les entreprises
malgré leurs résistances;
0
« 2" Economiser les matières premières et
avoir enfin une politique de l'énergie sachant arbitrer fuel, charbon, électricité et rechercher effec.
tivement le pétrole;
{{ 3" Transformer l'esprit de notre système fis~
cal de telle sorte qu'au lieu d'être une entrave, il
devienne, comme l'a dit M. Armengaud, un moteur;
Il
« 4" Enfin, tant qu'i} y aura un certain nombre de matières premières à répartir, modifier les
critériums de répartition actuellement utilisés de,
manière à encourager les meilleurs et cesser d'entretenir les incapables, c'est-à-dire abandonner
toutes références au passé et fonder la répartition
sut des facteurs tels que la productivité, l'exportation, les investissements iproductifs réalisés"
etc... }).
"L
- - - - - - - - - - - - -_ _1111
_
qor/./ ....marocal'/z./
1. -
LE MAnOC ES'l' UNE ILE
Au début cI'une étude sur les ports marocains, on est tenLé cIe rappeler les mots cIe
l'Amiral de Penfentenyo : « Le Maroc est une
ilf;
».
entre les vocations .contradictoires. Nous verrons au contraire comment les port,s mal'ocains
ont fait cIe ce «Melliug-pot» unt' plaque tournante cIe l'Empire Français.
3. -
Celte boutade, si nous l'envisageons sous
l'angle des relalions commerciales, n'est pas
paradoxale. Pour les Arabes, l'Afrique du Nord
est le Djezi,rab-el-Moghreb, l'île du Couchant:
Qu'est clone le Saihara, sinon une mer immense,
avec ses routt's dirigeant le trafic vers de vériLabies ports, ses îles et même ses pir,at~s, ? .. La
ville-frontière d'Oujda n'est en reaiIte que
1'« a;rrière-port» d'Oran et de Nemours. Rappelons enfin que de la chute des Mérinide~ à
l'établissement du Protectorat, le Maroc a vecu
dans un isolement presque complet : le Ministre des Affaires Etrangères était «l'Ouzir el
Hahr le Vizir de la Me;r ». C'est dire que dès
cette 'époque les contacts avec l'ext.érieur étaient
uniquement maritimes.
3. -
Ce pays si bien placé, la nature n'a pas
favorisé ses relations avec la mer. Ses 450 kms
de côtes méditerranéennes relativement bien
cIécoupées et p.r'otégées sont coupées de leur
arrière-pays par le Rif. Il est tourné surtout
vers l'Océan qui lui offre 850 kilomètres de
côtes hostiles : une barrière sans un abri naturel. Seuls les estuai;res cIu Sebou et du Bou-Regreg peuvent, suppléer au rrnanque de rades. La
houle, venue du fond cl.€ l'Atlantique mourir
sur la plate-formè continentale provoque uné
barre redoutable qui, beaucoup plus que le
régime des vents, a fait la mauvaise ;réputation
de la «.côte de fer» parmi des générations de
marins.
4. -- PLAN DE L'ETUDE
SITUATION DU MAROC
CeUe «île» fi dans le monde une position,
sinon privilégiée, du moins ~eT~1arqua?le. B~,i­
B"née par l'Atlantique et la M~dIterranee, ~eh~e
Il l'Espagne plutôt que sépalflee ,par le DetrOIt
cIe Gibraltar, elle est le point où l'Orie~t Musulman se mêle à l'Occident Chrétien, où le
Pays Noir rejoint l'Europe, où l'Amérique
ahorde le continent africain. Il n'entre pas dans
notre sujet de dire la division morale du Mail'oc
l
LE MAROC ET LA MER
De ces éléments en somme contradictoires,
situation favorable - difficultés d'accès _
découle l'importance et la complexité des questions que :pose au Maroc l'établissement des
ports. Notre but est p;récisément d'étudier
comment le Maroc, pour profiter des avantages
que lui conférait sa situation a su vaincre les
défenses que lui opposait la mer.
Nous diviserons notre étude de la façon
suivante:
AVANT-PROPOS : Les ports marocains jusqu'au Protectorat.
II'e PARTI E : La construction des ports marocains.
1pne PARTI E : Les conditions nouvelles nées de la guerre.
Illme PARTI E : Les problèmes de l'après-guerre.
CONCLUSION : Vers une décentralisation.
J
~-------------
l'
-
102-
Avant-propos
Les ports marocains jusqu'au Protectorat
5. -
1~
,\.,
L'EPOQUE PREMUSULMANE
Le premiel' peuple de navigateurs que nous
connaissions, les Phéniciens, installent au Nord
du Maroc quelques porls q'escale sur la route
de Gadir (Cadix) : lels Russadir (Melilla), et
peul-êlre Liksh (Larache), à l'embouchure du
Loukkos. Les Car~haginois leui/.' succèdent, et
fondent de véritables colonies : Liksh semble
la plus imporlante mais Hannon fonde ThymiaI,erion (sur le Sebou) et Karikon Teichos (au
Cap Cantin ou à Mogador ?) et surtout 4 comptoirs sur la côte du Sous, entre Agadir et l'Oued
Noun. Nous ne sommes guè.re renseignés sur
la colonisation punique mais il semble que ces
ports n'aient pas créé) avec l'intérieur de véritables courants commerciaux.
L'influence romaine ne s'étendra pas si
loin au Sud, mais elle sera plus profonde. A
part Tingis (Tanger) la capitale, leurs ports
sont installés sur les rivières Lixus sur le Loukkos, Banasa et Tamudida sur le Sebou, Seyllah
Colonna, puis Chellah sur le Bou-Regreg. Le
commerce y est actif, comme en témoignent à
Lixüs des vestiges de silos à huile et à blé.
6. -
LES DEBUTS DE L'ERE MUSULMANE
La conquête musulmane anéantit ces cent,l'es : pendant quelques siècles, l'efforl du Maroc
fut orienté beaucoup plus vers l'Algérie ou
vers l'Espagne que vers la mer. Ainsi au XII'
siècle, Mehdia, appelée alors El Mamoura, fut
le point d'embarquement des expéditions Almohades vers l'Espagne, cependant qu'on créait à
Salé un port sur la l'ive droite du Bou-Regreg.
Ce n'est qu'au cours du XVe siècle que El Mamoura et surt.out Salé deviennent des places de
commerce importantes, en relation avec l'Algérie, les Républiques. d'Italie, la France et l'Angleterre. En même temps, nouvelle forme de
Guenre Sainte, la piraterie commence à se développer sur quelques ipoints de la côte, provoquant dès la fin du XVe siècle des interventions
espagnoles et port'ugaises. L'histoire des ports
du Nord, soumis à l'influence des Espagnols
qui poursuivent leur revanche devient alors
très compliquée; il sel'ait sans intérêt de savoir
combien de fois Ceuta, IMelilIa ou Tanger changeront de maître.
7. -
LES PORTUGAIS
Dans le Sud, au contraire, les Portugais,
désireux de jalonner leur route des Indes, profilent de la faIblesse des Ouallassides pour
s'installer solidement. De 1500 à 1.515, ils étendent leur dominalion sur la eôte entre CasabIanca et Agadir. Ils se borneront à piller l'arrièl'(~~
pays sans avoie le loisir de développer le
eommerce des ports qu'ils occupent; mais pOUl'
se défendre des attaques de l'intérieur, ils é1éveront des forUfieations remarquables qui témoignent encore de leur passage. En 1541, les
les Saadiens les chassent d'Agadir. Ils évacuent
alors, Safi et Azemmoua." mais resteront à CasaIJlanca et Mazagan jusqu'au milieu du XVI Il'
siècle.
8. -
LES PIRATES BARBARESQUES
Au XVI' siècle, l'activité des pirales barbaresques devient importante : leur centre principal est El Mamoura ; le renégdt anglais Hêlinwaiing y commande mw '(;riLabh~ fll)t,t(~ qui
provoque en 1614 l'occupatiOll espflgnül?
C'est alors, grâce aux Andalous réfugié,:
d'Espagne, que la piraterie prend à Salé son
plein développement. La fondat,ion, à partir de
1627, des Républiques Morisques du Bou-Regreg, rend les coesaires indépendants du Maghzen et leur permet de se livrer tranquillement
cl la course sans en verser le produit' au Sultan.
En même temps, les commerçants de la ville
pratiquent un commerce fructueux avec les
puissances dont on chasse les, vaissea~lx marchands. « La guerre de deux puissances, disentils, ne doit, interrompre ni troubler le cours des
transactions privées entre leurs citoyens ». C'est
ainsi qu'une année plus de 100 bâtiments anglais viennent chez eux charger des marchandises et qu'à la même époque ils capturent 6.000
Chrétiens en six ans. Les puissances européennes ne manqueront pas d'intervenir à plusieurs
a.'eprises en bombardant Salé. IMais la piraterie
ne cessera que lorsque le Sultan Moulay Mohammed aura supprimé son but principal. En
1767, en effet, il autorise l'échange des captifs.
--
-~~---_
...
~-
-
103 -
n. -
LE SUL'I'AN MOULAY MOHAMMED
sel' au Maroc et la position centrale de ces deux
po.rts est particulièrement favorable à leur pénétration. Mazagan offre un abri naturel qui
permettait. un trafic plus facile. A Casablanca
cependant, on commence dès 1906 les travaux
du port. C'est à la suite de l'assassinat de 9
ouvriers de la Compagnie Schneider que les
Francais doivent l'année suivante envoyer un
corpso expéditionnaire sous la protection 'duquel
les Européens s'installent de plus en plus nomhreux.
Ce Sultan s'était déjà att'aché·à la réorganisation du t'rafic maritime. Depuis l'occupalion portugaise, Safi et Agadir avaient. connu,
avec des fortunes dive.rses, une activité comtnerciale cerlaine. Safi, après avoir exporté au
XVII" siècle beaucoup de blé, et d'orge de la
ni'~g,jon de Mar.rakech avait été fermé en 1i18.
11 le donne en monopole à un société danoise
(1ït>i). Le port d'Agadir avait toujours été le
déhouché du SOUS, pt des caravanes venant de
rrombouctou; des bâtiments de toutes les nations
venaient y chercher du sucre, de l'or et des
ivoires. Moulay IMohammed, pour des motifs
surtout. politiques le fe.rme en 1ÎÎ3 au commerce étranger et oblige ses commerçants à s'étahlir à Mogador qu'il avait, créé dix ans auparavant. Ainsi, jusqu'au XX- siècle, Agadir
restera un village de pêcheurs, Safi végétera
tandis que Mogado.r, les remplaçant l'un et l'auIre, deviendra le premier port du Maroc.
10. -
11. -- LES PORTS EN 191.8
Ainsi, à l'époque de la signat.ure du traité
de Protectorat, 5 ports sont capables d'assure~'
un trafic sérieux ; Tanger, la capitale diplomatique, Casablanca, Mazagan, Safi et Mogador.
Ce sont en réalit.é des rades foraines mal protégées où m'ouillent les ca.rgos, pendant que des
« barcasses» font la navette avec la teiTe pour
débarquer passa:gers et marchandises. Souvent,
le mauvais temps empêCjhe les opérations pendant de longs jours; quelquefois même, la
tempête oblige les bâtiments à dérader. A cette
époque, Fédala et Agadi.r sont des misérables
villages de pêcheurs ; quant aux estuaires du
Sebou et du Bou-Regreg ils sont encombrés par
le sable. On admettra aisément qu'à l'arrivée du
Maréchal Lyautey le problème des ports ait été
l'un des plus' urgents et des plus délicats à
résoud.re.
LE DEBUT DE L'ERE MODERNE
C'est encore sous le premier règne de Moulay Mohammed que Mazagan et Casablanca
sont évacués par les Portugais. Mais il faudra
attend.re la fin du XIX- siècle pour voir ces
ports s'ouvrir au commerce et éclipser Mogador. A la suite de la conférence de Madrid, les
puissances européennes commencent il sïn~éres
1re PARTIE
La construction des ports marocains
12. -
CONSTRUIRE UN GRAND PORT
A la fin du siècle dernier, la France avait
fait l'expérience malheureu~e. du plan Freycinet; on avait réparti 800 mIllIons (1) parmI iO
ports au lieu de concentrer les effo.rts sur 5 ou
6 ceritres judicieusement choisis qu'on aurait
ainsi rendus capables de concurrencer Hambourg, Anvers ou Londres. Il s'a.gissait au
Maroc de ne pas tombe.r dans la meme erreur.
L'on fut d'accord pour construire un seul g~~nd
Port et arilénager les autres, en vue de faClht~r
la pénétration économique et assurer le l'aVItaillement. des eolonnes militaires en attendant
ln constitution du réseau ferré et routier. La
discussion «une véritable bataille », dit. M.
Célerier, p~rta SUl' l'emplacement à choisir pour
Ce grand port.
L_·
13. ~ CHOIX DE CASABLANCA
En 1913, trois points de la côte marocaine
répondaient aux conditions qu'on exigeait du
grand port à construire : être à peu près à
égale dist.ance de Pès et de Marrakech et servir
de. débouché à la cha~uia à laquelle on supposmt de grandes ressources ag.ricoles. C'était
'Mazagan, dont la rade profitait de la protection
d'un éperon rocheux; Casablanca où les travaux avaient commencé dès 1906, et Fédala où
la Compagnie Hersent. avait mis à l'étude l'étaL
blissement d'un grand port.
Avant de se décicle.r, Lyautey demanda à
une commission, présidée par M. Guerard, Ins-
1
......
( 1) de
fl'ancs-ol'.
_
pecteur général des Ponts-et-C:haussées, de lui
indiquer quel point de la côte atlantique convenait. le mieux, au double point de vue des
avantages économiques et de la faculté de construction. L'enquête à laquelle M. Delure, nommé Directeur des Travaux publics, prit la part
la plus active, conclut en faveur de Casablanca
pour des raisons économiques; on estimait les
difficultés techniques de la construction aussi
considérables sur n'importe quel point de la
côte.
14. -
'II
'1.'
Il\CONVENIENTS DE CASABLANCA
En fait, de nombreux techniciens, et surLout les marins qui avaient fréquenté le mouillage de Casablanca depuis quelques anné~s,
étaient d'un avis opposé: on ne pOUVaIt,
d'après eux, choisir un endroit plus dangereusement, exposé il l'action de la houle. Les événements leur donnaient des arguments de poids.
En 1909, la mer emporte 50 mètres de la jetée
en construction; en 191 0 un raz de marée
t'avage les terre-pleins. En 1912, un remorqueur
et 9 barcasses sont détruits par un ouragan. En
1913, cinq voiliers sont jetés à la côte, trois
navires sont détruits à l'ent,rée du port. On comprend qu'à cette époque, le Directeur du Service
Hydrographique de la Marine ait cr~ pouvoir
donner un avis aussi formel que celm-cl
« On peut affirmer, contrairement il ce qui
« a été dit parfois, qu'il est impossible de créer
« sur le littoral occidental du Maroc, un port
« qui soit accessible aux navires par tous les
« temps ; il faudrait, polir dépasser la ligne des
« brisants qui se forment dans les tempêtes,
« prévoiil' des jetées, par des profondeurs et à
« des distances telles que ces ouvrages seraient
« irréalisables.
« Quelque puissant· que soit l'effort, que
« l'on fasse, les raz de marée rendent impossi« hie, en certains cas, tout~ entrée ou sortie des
« navires.
« LOil'squ'on a observé la violence des bri« sants de la côte, il paraît hardi de tracer un
« port aussi vastle que celui dont le plan aéLé
« adopté pour Casablanca et, dont la jetée exté« rieure serait établie par des profondeurs de
« 20 mètres à haute mer (1) ».
Il est facile, trente ans plus tard, de sourire d'une prise de position aussi catégorique.
Il faut avoir pratiqué le port de Casablanca
certaines nuits d'hiver où l'un après l'autre les
hàt,îm'ents amarrés à la jetée Delure rompent
leurs amarres e~ qhassent sur leurs ancres, pour
savoir que si Casablanca est devenu un très
grand' port., il n'est pas toujours un mouillage
très sain.
.-:..'
104
15. -
IN'l'ERETS FINANCIERS
Mais Casablanca était la ville où les intérêts français avaient pris le plus grand développement. Depuis une dizaine d'années, près
de dix mille européens s'y étaient installés, y
avaient, acquis des terrains et créé des commerces qui prospéraient grâce il la présence des
troupes françaises. Les intérêts financiers investis étaient considérables et leurs propriétaires ne se laissaient pas toujours oublier.
16. -
DECISION Dl; GENEHALLYAlJ'rEY
Cependant, le Général Lyautey, qui, nous
dit-il (2), était « on ne peut moins convaincu
de l'opportunilé et de la possibilité du port de
Casablanca », avait éLé eonverti pm.' M, Delm'c.
Peu de temps avant l'adjudication des travaux,
il fit un voyage en France au i~ours duquel
l'opposition s'acharna contre le projet. M. Celeriel' raconte que le 25 mars '19'13, jour de la
signature, M. Delu.re attendait à Rabat l'arrivée
du Résident. Celui-ci, bloqué li Casablanca sur
le bàl,iment qui le ramenait au Maroc et impressionné par la violence des éléments, lu! télégraphiait encore : « Etes-vous bien sûr, Delure,
qu'on puisse construire ici un grand port'? »
En fait, Casablanca fut choisi, parce qu'il
était le centre de la vie commerciale du Maroc
et parce que Delure avec toute sa foi de technicien, certifiait qu'on pouvait, y construire un
port. Mais cette décision, dans laquelle tenait
tout l'aveni.r du Maroc, il faut en laisser l'honneur à Lyautey.
17. -
CASABLANCA COMPARE A FEDALA
ET MAZAGAN
Maintenant, que le présent est là, qui exalte·
son jugement, -il nous sera plus facile d'analyser quelques points du problème. II est incontestable qu'un effort financier énorme a dû être
consenti. En 1932, M. Eyquem (3) l'estimait à
près de 1.'100 millions de francs de l'époque. Or,
on disposait à Mazagan d'un épi .rocheux, lon.g
de 4 kilomètres, qui aurait diminué les ~ra~s
neeessaires à la construction de la grande Jete~
dans des proportions qu'on estimera aisément 51
l'on sait qu'en 1948 un mètre de jetée Delure
revient à 1 million de francs. De même les deuX
;rochers qui protègent la petite rade de Fédala
permettaient d'y construire rapidement et à peu
( 1) Revue g'énérale des Sciences, 19 12,
(2) Paroles d'action !J. nô.
(3) Les ports de la zone française du Maroc.
-
105-
de frais un excellent port moyen. Les réalisations actuelles assurent facilement un trafic
annuel de 120.000 tonnes et n'ont coûté que 35
millions d'avant-guerre à construire.
Mais ces sites ne présentent pas, au même
till'e que celui de Casablanca, une disposition
avantageuse des fonds sous-marins. Pour permettre à un navire l'entrée du port :par tous les
temps, il fallait que la digue dépasse la ligne
des fonds de 17 mètres. Les plus grosses houles
atteignent en effet jusqu'à 10 mètres de creux"""
et des .rouleaux peuvent' alors se former dans
les fonds de 17 mètres, Il faudrait, à Fédala ou
Mazagan, qhercher cette ligne plusieurs kilomètres au large. De plus, ces rades sont bordées
par des plages de sahle qui offrent le double
inconvénient d'être peu favorables il l'établissement de ter.re-pleins ou de môles et d'obliger iL
des dragages ;pour luWer contre un ensablement
qui peut devenir catastrophique. Il faut en effet
qu'un grand port soit creusé maintenant iL des
nrofondeurs de 9 iL 12 mètres, nécessaires aux
hlîtiments mode.rnes.
A Casablanca, au contraire, cette ligne des
fonds de 17 mètres est située parallèlement au
rivage, iL environ 2.000 mètres. La côte est ro(~heuse, sans traces de sable, et descend en
pente douce vers la mell.', Toutes conditions
favorables iL la construction de môles, solidement addossés iL de larges terre-pleins et au
développement sans entrave du port par simple
prolongement de la Jetée principale.
18. -
REALISATION DU PORT
DE CASABLANCA
Notre propos n'est pas d'étudier les di!fir:uHés techniques soulevées pair la constructIon
d'une telle jetée; efforçons-nous seulement d'indiquer le schéma du projet adopté et les étapes
de sa réalisation.
Les travaux commencés en 1906 avaient
pour huI, de gagner sur la mer un petit port
de 10 hectares destinés iL servir de bassin iL
barcasses. On décida de te.rminer ce bassin pour
disposer aussitôt que possible d'un plan d'eau
abrité, et de le protéger par une grande jetée
bâtie en pleine mer et qui deviendrait ~'axe du
futur port. Orienté,e au Nord-Est, pUIS au N.
63° E., cette jetée serait ainsi pa;rallèle au rivage et atteindrait rapidement les fonds de 17
lllètres. Il suffirait de lancer d'Aïn-\Mazi une
jetée transversale perpendiculaire pour délimiter un vaste plan d'eau à l'intérieur duquel on
Const,ruirait des môles gagnés sur la mer.
C'est le projet qui fut réalisé. La guerre de
L
'1914 ralentit les travaux sans les interrompre
« Un chantier au travail. vaut un bataJiion »,
disait Lyautrey. En 1918, la Jetée Delure (i) avait
900 mètres et le port inté.rieur était assez Il'ianeé
pour permettre le déchargement des harcasses.
Au début de 1923, elle atteignait le Point :
'1000 m. et les paquebots accostaient le quai
eonstruit iL l'enracinement. En 1925, on COlllmença la jetée transversale qui, bien abritée de
la houle avança rapidement. Au fur et iL mesure
(/l' la construction le développement économi.
que du Ma.roc justifiait la nécessité d'un tel port.
Ainsi, en 19.27, un an après la mise en service
du Quai des Phosphates, muni des perfectionnrments les plus modernes, les exportations de
phosphates dépassaient le million de tonnes.
En 1033, le môle de comme.rce était mis en service; en 1037, enfin, on terminait la constrllf'.
lion d'une Halle aux poissons sur le Môle Chaix.
w. -
CASABLANCA EN 1937
Ainsi, iL la veille de la deuxième guerre
mondiale, le' port de Casablanca a-t-il sensible.
ment atteint sa physio'nomie actuelle. Un plan
d'eau de '140 hecta.res environ (autant que le port.
du Havre (2)), enserré entre deux jetées de 2.450
pt 1.550 mètres - un port de pêche, limité par
l'épi Vrigneau et le Môle Chaix (Halle aux Poissons),
Le Môle de commerce avec son im'Inense
dock-silo capable d'emmagasiner 30.000 tonnes
de céréales et d'en charger 400 par heu;re, avec
ses nombreux magasins, ses gares maritimes.
La jetée transversale spécialisée dans l'embarquement des pondéreux. A l'extrémité Nord,
le poste des Phosphates, capable de stocker
150.000 tonnes et de chalrger 13.000 tonnes en
1!Il jour. Au milieu, le poste charhonnier et Ir
parc à minerais, complétés iL l'enracinement de
la jetée I)ar un parc iL combustibles liquides.
Toutes ces installations remarquablement
conçues, ces 1.600 mètres de quais accostables
iL des hàtimentsc<1lant cIe 0 mètres iL '10 mètres,
font de Casablanca le grand pŒ'~ qu'on avait
voulu qu'il fût. Vingt-cinq ,ans après la cJ.écision de Lyautey qui lui. avait donné naissance,
il se classe au 7me rang des ports français pour
le tonnage des marchandises manipulées (de
2 m. 5 iL 3 m. de tonnes), au 5me rang des ports
de pêche (de 12 iL 17.000 tonnes de poissons
débarqués par an).
Ce port, p~ur lequel on a dépensé 80 % des
crédits consacrés iL la <construction des ports,
i
Nom donné)à la grande jetée, en l'honneur du grand
technicien qui l'uvui t conçue et fait réaliser.
(1)
(2) En 1932.
_
,1
-·.106aceapare TI % du trafic marocain. C'est pour
la politique de eoncentralion portuaire un succès incontestable. Est-ce à dire qu'au cours de
ces 25 ans, on ait négligé les autres points de
la côte ?
20. -
AGADIR, MAZAGAN ET MOGADOR.
Le programme de 1913 comportait la .remise
en état des ports déjà existants. Ainsi, au cours
de la guerre de HH4, on com'mença la construclion de petits bassins à Mazagan et Mogador. A
Agadir, le Génie Militaire construisit un appontement et une jetée d'environ 200 mètres. On ne
poussa pas plus loin ces travaux qui en firent
des ports il barcasses, remplissant parfaitement
le rôle qu'on leur demandait. Trois autres poris
méritèrent des installations plus poussées. Fédala, parcr qu'il sut se spécialiser dans l'importation du pétrole, Safi, parce qu'on en fit le
déhouohé des phosphates de Louis-Gentil, PortLyaute~~ enfin parer que pOirt de rivière.
21. -
FEDALA
La construction et l'aménagement du port
cie Féclala furent conoédés en 1914 à la Compagnie Franco-Marocaine cie Féclala, fondée par
M. Hersent. L'ahri naturel existant, constitué
par deux ilôts de 15 mètreS' cie hauteur fut complété pair la construction d'une cligue qui les
relia à la terre; les concessîonnaires tentèrent
ensuite cie lancer de l'ilôt clu large une jetée
Est-Ouest destinée à jouer le même rôle que la
Jetée Delure à Casahlanca. S'apercevant. qu'il
faudrait la p.rolonger largement avant d'obtenir
une protection sérieuse, ils se bornèrent à construire deux épis qui formèrent un petit port. Ce
n'est qu'en 1930 que la Compagnie obtînt la
f'oncession cie nouveaux travaux destinés à faire
.>-. cie Férlala
un grand port nétrolier. Deux nouvelles jetées, au large des épis furent construites pour protéger le nouveau port; eUes eurent,
de plus, l'avantage de limiter l'ensahlement provoqué par la proximité de la plage. Trois postes
d'accostage furent aménagés, dont l'un fut
nreusé à 8 m. 50 pour les gros pétroliers. Les
deux ronhers fUirent réservés au stockage des
pétroles. Ce programme fut l'éalisé en 1933, en
même temps qu'on construisait un port de pêche ave.(' halle aux poissons et poste d'accostage
pour sardiniers et chalutiers.
Malgré la rivalité de Casablanca qui avait
f'~'einé au maximum la concession des nouveaux
travaux, Fédala importait avant guerre 90.000
tOnnes environ de combustibles liquides par
cabotage sur les côtes marocaines. La pêche y
alimentait six usinè'S de conserves et deux ateliers de salaison. Sa plage enfin, une des plus
helles du Maroc, en faisait un lieu devillégiature apprécié.
2. -
SAFI
On s'était contenté, à Safi, de remettre tn
état au cours des premières années du Protectorat, le Warf construit en 1908 par la Compagnie MaiI'Ocaine. Ce n'est qu'en Hl20 qu'oll
décida la construction, nettement plus au Nord.
d'un port à harcasses dont les travaux furent
adjugés à un groupe composé de MM. Schneider, Hersent, de la Compagnie Marocaine et dl'
la Société Générale d'Entreprise au Maroc. Ce
pelit pod fut terminé en 1925, mais on continua la construction jusqu'à 1500 mètres, de la
jetée extérieure qui constituait l'amorce d'un
grand port. La disposition des fonds y était en
effet plus favorable encore qu'à Casablanca; à
400 mètres du rivage on atteint les fonds de fO
mètres, ce qui réduit au minimum le prix de
revient des terre-pleins. Le port' fut fermé par
une jetée transversale· (1930); en 1932, il fut
concédé à l'Office Chérifien des Phosphates qui
entreprit l'installation d'un quai d'emharquement des phosphates destiné à évacuer la production de Louis-Gentil et qui fut mis en sr~>­
vice en 1936.
A cet.te époque, Safi Rtait devenu un port
moderne: 70 hectares abrités, 400 mètres de
quais acc.ostables à 9 m. Le Quai des Phosphates.
sur un terre-plein de la jetée transversale et
perpendiculairement, le Quai des Marchandise",
avec ses magasins et le poste de stockage des
phosphates (240.000 tonnes de capacité).
L'ancien port à baroasses fut réservé à la
pê0he qui prit, les dernières années avant la
guerre, un essort considérable. En 1939, 15.000
tonnes de sardines étaient débarquées à Safi et
travaillées dans 1.2 usines de conserves. Ce port
se classe alors au deuxième rang des pOirts marocains, tant pOlir la nêche que pour .le trafic
total (460.000 t. en 1930 dont 31.5..000 de phosphates).
23. -"' LES PORTS De NORD
Il existait, au Nord, du Maroc, deux fleuves
dont les embouchures avaient toujours été, au
cours de. l'histoire des sites maritimes. Seul le
po.rt de Rabat, sur le Bou-Regreg, avait conservé une activité commerciale, bien affaiblie cependant par lin ensablement progressif. Sur le
Sebou, à 17 kilomètres de Mehclya, la bas.e militaire de Kénitra fonctionnait depuis 19H, et
elIe avait éLé ouverte au commerce le 1er janvier HH3 ; un appontement avait été cOnstruit
par le Génie et les kansports fluviaux rem?,n~
lai.ent jusqu'à 70 kilomètres en amont (SoCIete
Omnium de Transport au Maroc).
En 1917, on accorda la concession des ports
du Sebou et du Bou-Regreg à la société des pOl'ts
marocains de Mehdva-Kenitra et Rabat-Salé.
Au lieu de s'en teni,r à la politique de concenlwüion port.uaire qui avait si bien réussi à
Casablanca, le Gouvernement céda aux instanl'es de la Chambre de Commerce de Rabat. A
;30 kilomètres de Port-Lyautey et à 92 kilomèt.res
de . Casablanca on dépensa des millions pour
améliorer le cours du Bou-Reg,neg et construire
des quais, alors qu'il n'y avait aucune raison d'y
prévoir un trafic intéressant.
L
24. -
PORT-LYAUTEY
Sur le Sehou, la construction des quais qui
devaient remplacer l'appontement du Gé'nie, ne
Iwésentait aucune difficulté. En ~933, ~ort­
Lyautey possédait 774 mè~res de, quaIs mU~I~ de
(J'rues un dock-silo à céreales d une capaCIte de
6.000 'tonnes, et un lotissement pétrolier imporLant. Le véritable problème fut de permettre la
rent/rée et, la remontée du fleuve à des bâtiments
de plus en plus importants.
Avant les travaux, le Sebou se jetait dans
l'Océan entre deux ,plages de sable, qui, sous
'
..
l'action ' des courants et des marees
se reJOIgnaient en un bouchon découvrant presque à
marée basse. La houle y formait une barre dangeiI'euse et le fleuve traversait) ce seuil en un
chenal assez' fluctuant, que les bâtim'ents devaient emprunter à une marée propice. Il e~t
évident que le moindre mauvais temps rendaIt
cette opération pour le moins .has,ardeuse. ,L'enLrée du Sebou était alors conSIgnee de 90 a 110
jours pal' an.
"
Il s'agissait de percer dans cebou?hon ~e
sable une véritable brèche ; pour obtemr ce r.esulLat, sans des dragages impossibles au milieu
de la hanre on utilisa la force vive du volume
d'eau de la' mer introduit à chaque marée, très
supérieur au volume d'eau douce débit·é par le
fleuve. Deux jetées parallèles de plus ,de 1.800
mètres allèrent, chercher ce flot de mareeau lal'ge et le canalisèrent de façon à lui donner son
lllaxinHim d'efficacité. En novembre 1926, avant
même que les. jetées ne fussent terminé:s, les
fonds passèrent brusquement de 1 m. 70.a 3 m.
20. Le fleuve avait r.éussi à percer le seUll de la
baiI're. Depuis cette date, le jeu norn~.al des mal'ées, aidé par des dragages de peu d Importance
107
a entretenu constamment à l'embouchure du
Sebou des profondeurs de 4 mètres.
On s'attaciha, par la suite, à régulariser le
cours infétieur du Sebou entre 'Mehdya et PortLyautey. Par des épis judicieusement placés
pour diminuer la largeur du chenal, et par la
construction d'une digue à la hauteur de l'anse
des Chal)pentiers, on réussit, à creuser les hauts
fonds du Seuil des Abattoi.rs et du Seuil des
cheminées sans l'aide de la drague. Des travaux
eomplémenVaires adoucirent certains angles du
chenal qui limitaient la longueur des bâtiments
admis. En 1933, l'accès du pod ne fut consigné
que 15 jours et les mouvements des navires s'élevèrent à 1-.100 rentrées et sorties.
Cependant, on ne pouvait encore admett~'e
de bâtiments d'un tirant d'eau supérieur à
4 m. 50 (ou 5 m. 50 suivant la marée) ou d'une
longueur supérieure à 110 mètres. Il était tout
naturel de songer à doubler Port-Lyautey par
un avant-poiI't qui aurait rempli le rôle que joue
le V:erdon par rapport à Bordeaux, ou le Havre
par rapport à Rouen. L'emplacement pré,vu
était l'anse des Charpentiers, située à 4 km. en
amont de la jetée Sud, mais les impol'tants travaux projetés ne furent pas réalisés il cause de
la crise de 1932 et de l';h.ostilité de Casablanca.
Malgré ces limitations, Port-Lyautey connaissait avant la guerre une activité qui en fit
longtemps le deuxième port du Maroc. Son trafic oscillait entre 200 et, 250.000 t. par an après
avoir connu entre 1930 et 33 un maximum ('1)
provoqué, par l'équipement du Nord Marocain,
et particulièrement, la construction des villes de
Fès et Meknès. A partIes matériaux de construction, il recevait surtout des combustibles
(cha.rbons et pékoles) dont la moitié par cahotage en provenance de Fédala. Il exportait surLout des produits agricoles et un peu de minera i
de plomb ·en prevenance d'Aouli.
25. -
LE POINT EN '1939
Ainsi, après une période de construction,
l'évolution des ports marocains en était, à la
veille de la dernière ciI'ise mondiale, à sa période
d'utilisation. Il est intéressant de résumer en
quelques mots la situation respective de ces
ports avant que la guerre ne vienne y apporter
de nouveaux éléments de transformation.
1. - CASALANCA, «poumon du Maroc »,
accapal'e les 3/4 du t,rafic marocain, tant à l'importation (produits de toutes sortes), qu'à l'ex(1)
383.000
tonnes en 1931.
porlation (phosphates, minerais, céréales). Il
est de loin la place de commerce la plus puissanIe, le seul porI de voyageurs, le premier port
de pêche.
2. - SAFI, port spécialisé dans l'exportation des phosphates, expode également des céréales el, se lourne de plus en plus vers la pêche.
3. - PORT-LYAUTEY, port régional du
108
Maroc du Nord, tant à l'importation qu'à l'exportation.
4. - FEDALA, port spécialisé dans l'importation nt l'exportation des combustibles liquides.
5. -AGADIR, MOGADOR, MAZAGAN,
restés des ports à barcasses font un trafic
d'importance locale.
lime PARTIE
,
Les conditions nouvelles nees
de la guerre
Avant d'envisager l'avenir cie ces ports au
seuil cie l'après-guerre, il est nécessaire de signaler les répercussions provoquées par la gu:rre, tant au point de vue économique qu'au pçnnt
de vue teehnique.
26. ' - EVOLCTION DE L'AGRICULTURE
Le Maroc est un pays essentiellement agricole, a-t-on coulume cie cIire. 'Mais sa récolte en
céréales, pa,rce que produite en majeure ,partie
par les indigènes, est gravement influencée par
les circonstances a l,mos p,'h:ériques. Pour des
raisons diverses, dont la principale est l'accroissement considérable de la population, cetie récolte qui fournissait avant la guell're un élém~nt
important à l'exportation (6 mHlions d~ qu!nLaux en 1946), est devenue en moyenne a peme
suffisante pour nourrir la population. Pendant
l'hiver '1945-46, il a fallu importer plus de
600.000 tonnes de cérérules pal!' deux ports spécialement conçus pour l'exportation. Il serait
exagéré de classer le Maroc parmi les p~ys
importateurs de oéréales ; il n'en faut pas moms
le rayer maintenant de
liste des exportatem's
de blé.
la
Les eultures maraîch{~res, les agrumes, les
fruits de toute nature donnent au contraire des
récoltes largemenL excédentaires. Le marché dc
la Mélropole, et même de pays européens comme l'Angleterre, un peu réticents avant guerre,
sont llwinl,enant largement ouverts. Lesexportations d'agrumes en parrticulier ont triplé de
1938 àHJ47.
27. -
LES PHOSPHATES
En 1938, le IMaroc expédiait dans tous les
coins du monde 1 million 500.000 tonnes de
phosphates. Il en exporte maintenant près de
;3 millions, et l'importance des lléserves permet
d'envisager sans difficulté une production de 4
millions de tonnes. Les gisements' de Louis, Gentil en évacuent de 600 à 700.000 tonnes'par
chemin de fer, sur Safi. Ceux de Kourihga sUrI'
Casablanca (f:nviron 2 millions de tonnes). La
facilité de 'l'exploitation et l'excellente qualité
du lninerai (75 % de phosphates tricalciques)
assurent aux phosphates marocains sur le marché mondial une prépondérance que seuls les
phosphates américains (Floride et CAiroline)
peuvent menacer. Les clients, à part ,l'Australie
et l'Afrique du Sud, sont surtout des pays europé,ens dont l'agriculture après six années de
guerre a grand hpsoin d'eng,~ais. Ainsi, gràee
aux phosphates, le tonnage des exportation~
marocaines est très largement supérieur à celm
des importations; la guerre n'a "fait qu'accentuer cette tendance. Il n'y a pas au Maroc, et
sull'!out à Casablanca, de « problème du fret de
retour ».
28. ---'-- LA PECHE
La pêche est devenue depuis la guerre un
des éléments les plus importants de la prospérité économique du Maroc. Une étude l'écente
de M. Furneslin, Diredeur d€ l'Omee Scentifique des Pêches du Maroc en donne les raisons :
gd'âce à l'existence du courant froid des Canaries qui baigne les llégions situées au Sud du
Cap Cantin, les côtes marocaines, surtout entre
Safi et Agadir, sont extrêmement favorables à
la pêche à la sardine. Ainsi, la pê,che et ses
industries (conserves, salaisons) actives avant
la guerre à Casablanca et à Fédala, a-t-eMe tendance à se concentrer maintenant dans les
ports du Sud. Safi est devenu le premier port
sardinier de l'Union Française, et Agadir ne
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tar'dera pas à le èoncurrencer sél'ieusemenL 011
récolte actuellement 50.000 tonnes de poissons
par an au Maroc. D'après les conclusions de M.
Furnestin, on pense atteindre dans quelques
années le chiffre de 250.00 tonnes, et le Maroc
inondera le monde de ses conse,rves de poisson.
2~).
-
CONCLUSION
De cette brève étude, trois faits essentiels
se dég1agent :
0
le Maroc n'exporte plus de céréales; il
peut même être obligé. d'en importer. Mais il
-développe ses exportations d'agrumes;
1
)
2°) l'exportation des phosphates à doublé;
3°) la pêche et ses industries tend à abandonner Casablanca et Fédala pour se développer prodigieusement à Safi et à Agadir.
30. -
lM PORTANGE DE CASABLANCA
PENDANT LA GUERRE.
La guerre a également contribué à l'évolution des ports marocains par deS' changements
d'ordre technique. Casablanca fut pendant toute la durée des hostilités, la plus importante,
sinon la seule porte d'entrée et de sortie du
Màroc (1). En 1939-40 il fut l'un des principaux centres de rassemblement des convois
alHés. Entre l'Armistice et le.d1ébarquein!'lnt du
'8 novembre 1942, Casablanca n'eut qu'un trafic
réduit, el, uniquement dirigé vers la France ou
ses colonies. Cependant, une escadre était basée
Bn A.O.F. et au Ma.roc, et pour l'entretenir l'industrie des constructions navales dut s'adapter
à des trava.ux auxquels eHe n'était pas préparée.
Avec l'aide des techniciens de la Marine, les
'chan tiers privés. réussirent à assurer pendant
cinq ans les r<:\pa.rations qui leur é,taient dema~­
dées, sur des petites unités comme sur des crûlseurs. C'est à cette collaboration avec la Marine Nationale qu'il faut attribuer l'essor des
constructions navales à Casablanca (2).
Au lendemain du débarquement allié, une
vingtaine d'épaves encombrèrent le pOiI't e~
l'avant-port. A part le paquebot ~ Porthos », qUI
resta longtemps chaîné à l'extrémité du Môle de
commerce aucune ne gêna sérieusement le trafic miIitai~e qui fut considérable. Pendant trois
ans Casabilanca fut à nouveau un des nœuds
essentiels du svstème de convois alliés. On estil1le qu'en 1943 et 1944, 12 milli?nsde, tonnes'
de matériel de gue.rre y furent debarquees.
109
31. -
LES AUTRES PORTS
Il était naturel que Casablanca attirât ainsi
le trafic grâce à sa grande facilité d'exploitation et la grande quantité de gros bâtiments
qu'il pouvait abriter. A part. Safi, qui dépasse
dès HH4 son trafic d'avant-guerre, les aukes
ports du Maroc sont délaissés. Les convois sont
composés en majeure partie de Liberty Ships
qui ne peuvent pénétrer dans le Sebou ni - il
plus forte raison - dans le Bou-Regreg. Fait.
plus grave, puisqu'on n'y voyait pas une utilité imnH\diate, on négligea de poult'suivre les
dragages pourtant nécessaires dans ces ports de
rivière. Ainsi, au lendemain de la guerre, Rabat
rt Port-Lyautey se trouvaient cons,idé,rablement
Pllsahlés.
32. -
AUGMENTATION DU TONNAGE
De toutes façlons, lm entretien atl,enLif du
chenal n'aurait pas suffi à éviter il ces ports
les conséquencf~s de la guerre. Les flottes marchandes d'avant-guerre étaient, surtout en France, composées de cargos d'un tonnage eL d'un
tkant, d'eau faibles (inférieur à 4.000 t. et il
4 m. 50). Au cours de - la guerre, ces cargos
furent torpillés, sabordés ou vieillis par un
usage intensif, et on les remplaça uniquement
par des Liberty ou des VicLory Ships dont les
ca,radéristiques sont presque doubl-es (3). Cette
augmentation du tonnage moyen, dès avant la
guerre, semblait faLale. La guerre nous fit passer sans transition du cargo de 4.000 tonnes au
cargo de 10.000 t.onnes.
Une évolution semblable joua contre Fédala. Ce port était fait pour recevoilI' des pétroliers
de 16.000 tonnes de déplacement et de 8 m. 50
de tirant d'eau. La plupart des pétroliers dépas,se maintenant 18.000 -tonnes et ils doivent
s'aUéger à Casahlanca pour pouvoir rentrer à
Fédala.
33. -
TENDANCES ACTUELLES
Ainsi, tout concourt à iI'enforcer la situation déjà prépondérante de Casablanca, et à
favoriser le développement de Safi, les seuls
ports marocains que ne gêne pas l'augmenLa(1) Sauf Safi pour les phOSPhates.
(2) En 1045, l'Il1(lustrie de Casahlanca a réparé les hâtimenls suivants : Le cuirassé « Richelieu », le porte-avions
« Béarn », 3 croiseurs, 10 autres hâtiments de guerre 'et 8
navires. de commerce.
(:3) Port en lourd; 10.500 tonnes, tirant d'eau en charge
8 m, a. Long'. 135 m. pour le Liberty onlinaire.
tion des tonnages. Le tableau de la page 111
nous présente clairement l'influence de la guerre et les tendances actuelles.
1) - Augmentation de 65
% sur le trafic
de Casablanca, à l'expol'tation comme
à l'importation.
% sur le trafic
de Safi, portant uniquement, sur l'exportation.
'2) - Augmentation de 100
:3) - Baisse sens1ihle du trafic de Fédala.
4) - Légère reprise de Port-Lyautey après
une réduction de pirès de 90 % du trafic.
110
5) - Disparition presque complète de Mazagan, Mogador et Rabat.
6) - Point d'interrogation à Agadir.
Ces constatations nous invitent à creuser
particulièrement tl'ois problèmes. Laissant de
côté Safi, où aucune difficulté technique ne
peut entraver un développement désormais assuré, abandonnant Rabat, Mazagan et Mogador
ù une décadence qu'il serait vain de penser
ralentir, nous étudierons Casablanca et Fédata
en un groupe maintenant difficUe à dissociet,
nous chercherons un remède à l'asphyxie de
Port-Lyautey, nous tenterons de lever l'incertitude qui pèse sur l'avenir d'Agadir (1).
Il pne PARTI E
Les problèmes de l'après-guerre
A -
1. -
CASABLANCA-FEDALA
INTRODUCTION
En 1939,.lIll trafic de 2.906.200 tonnes, en
1047 , lin trafic de 4.162.000 tonnes. Tel est
l'acciroissement des charges du port de CasabIanca pendant une période au cours de laquelle
aucune amélioration n'a pu être apportée aux
installations déjà existantes. Ce port, dont la
eonception avait parue trop grandiose est maintenant perpétuellement encombré. Casablanca
qui avait fait pendant la guerre l'admiration
des techniciens alliés risquerait de voir le trafic
se détourner de lui si de puissants facteurs n'en
faisaient, en réalité, la principale porte du
Maroc.
Nous nous proposons d'étudier trois de ces
facteurs : développement industriel prodigieux
de la région de Casablanca-Fédala ; création à
Oukacha d'un immense lotissement pétrolier ;
fonction commerciale de la place de Casablanca.
Nous verrons ensuite quels moyens sont à
mettre en œuvre pour faire face à un trafic qui,
de ce fait, ne peut manquer de s'accroître.
2. -
DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL
La guerre, en coupant le Maroc de la Métropole, l'a obligé à utiliser ses propres ressources et à créer une industrie dont il n'avait
jusqu'alors que pressenti le besoin. Ce dévelop-
pement, industriel a été très amplifié à partir
de 1945, Ipar l'afflux des capitaux venus aU
Maroc ohercher un refuge contre la fiscalité
éCirasante et la législation autoritaire de la
Métropole.
Il était naturel que la capitale cOllunerciaJe
du Maroc en devienne également la capitale
industrielle; la vocation des grands ports est
d'attirer certaines induswies, telles que les constructions navales et surtout les industries de
transformation. Les produits reçus, qu'ils soient
deslinés à l'importation ou â l'exportation, sont
en général des matières pil'ernières qu'il convient
de traiter pour les expédier sous un moindre
volume. Il est tout indiqué de le faire à proximité d'un porb qui reçoit directement le charbon.
Ainsi, Marseille tl'ansforme l'arachide du
Sénégal en huile et savon; ainsi, Port-Jérom e
raffine le pétrole reçu du Havre.
De même, Casahlanca traite la totalité du
sucre nécessaire à la consommation locale :
(Compagnie Sucrière Marocaine). Les huileries
et savonneries de Marseille y ont des succursales importantes qui continuent de se développer
parallèlement aux exploitations marocaines.
( 1) Pour ne Das alourdir cetloe étude, nous laissero n<;
de l'ôté l'étude du Dort de Nemours, qni, bien qu'alimenté en
grande partie par les minerais du Maroc Oriental. n'est pa,;
encore un port marocain.
, ••
1
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _- - - - - - - - -......
1. .
d~
Influence'
la guerre sur le trafic des ports marocains
19 39
Exp orto
Import.
1946
TOTAL
Import.
1947
1
1
TOTAL
Export.
Import.
Export.
TOTAL
1
-722.700
2.1 80.000
2.906.200 1
1
-26.000
4 33.000
3.037.200
4.162.000
697.9681
26.400
796.800
823.200
35.093
26.400
30.0001
56.400
79.200
9.600
88.800
1
SAFI ................
654.418
dt 600.760
43.550
1
1
243.000
PORT-LYAUTEY ....
21.553
1
13.560
- -- -
-_.
1.125.000
1
ph.
ph.
1 29.000
1
3.948.802
ph.
1
459.000
dt 315.000r
-114.000.1·
2.847.327
1.09.5.47;; dt 2.249.000
CASABLANCA ......
- - - -1
1
92.000
1
30.000
122.000
FEDALA ............
107.146
21.800
\
--
1
1
2.056
32.883
128.946\
34.939
AGADIR
o
•••••••
0·0
45.111·
••
4.9911
1
-10 il 30.000 110 à 50.000 59 à
80.000
MOGADOR ..........
10.803
50.102
1_-
---
1
5.991
16.322
1
--'
--_.
---
10 à 30.000 1 40 à 70.000 50 à 100.000
1
50.000
/
.\
1
MAZAGAN ..........
11.082
2.740
-22.000
i
1
72.0ÙO
1
13.822
l
-
RABAT ..............
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1
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1.uJO.OOO
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TOTAL ..............
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3.:"'30.82'"
4.885.547 1
1.257.000
3.87::I.40C
5.130.400
-
112-
Une industrie textile a pris naissance, orientée
vers une fabrication qui utilise, soit les laines
marocaines, soit surtout des cotons ou des laines d'importation, de qualité supérieure. Ajoutons que l'usine des, superphosphates fournil
en engrais l'agriculture marocaine et qu'une
usine d'agglomérés de manganèse traite les
minerais d'Imini avant leur exportation.
Casablanca est organisé pour transformer
les prôduits fournis par l'agriculture ou par la
pêche. Cette industrie suffit aux besoins locaux
et travaillfl largement pour l'exportation. Citons
les minoteries et les usines de pâtes alimentaires, l'importante Brasserie de la Cigogne, les
fabriques' de jus 'de fruits, et surlout les conserveries de poisson (18 usines), de légumes et
de confitures. Rappelons enfin que Casablanca
possède la plus grande usine thril"mique du Maroc, la seule cimenterie, et que ces établissements
d'une extrême importance dans l'équipement industriel du pays sont en voie d'agrandissement
pour répondre aux besoins sans cesse accrus.
Nous avons déjà signalé l'extension prise
par les chantiers de consl,l'uctions navales qui
s'orientent maintenant vers la construction de
petits bâtiments en bois. 'A part ces ateliers
situés dans le port autour de la Darse de la
Marine, la presque totalité dies usines se trouve
dans le quartie.r des Roohes Noires et d'Aïn-Sebaa. Cette banlieue industrielle dont la limite
extrême est marqué.e maintenant par les lotissements pétroliers d'Oukacha (voir § 3) s'étend
constamment et il faut prévoir qu'elle atteindra
un jour celle de Fédala surgie en moins de deux
ans le long de la route de Casablanca.
Ainsi, gràce au développement industriel
considérable de la région Casablanca-Fédala,
ees deux :ports se trouveraient soudés en un
groupe dont la jetée Delure, prolongée su.r une
dizaine de kilomètres, serait la directrice commune. On conçoit qu'il devienne difficile de
dissocier les problèmes qui les concernent. La
question du pétrole, en particulier, doit être
étudiée en fonction de ce que M. le ContreAmiral Barjot a baptisé : le «combinat» Casablanca-Fédala.
3. -
LE PROBLEME DiES CARBURANTS.
On sait qu'avant la guerre Fédala était le
grandporl d'importation et de stockage du pétrole au Maroc. Un règlement intocdisait, pour
des raisons de sécurité, les déchargements des
produits blancs (1) à Casablanca et on y stockait surtout du mazout destiné au ravitaille-
ment des navires. Fédala importait alors annuellement 90.000 tonnes de combustibles liquides, et Casablanca 70.000. Or, en 1947, Fédala
n'entre plus que pour le quart dans les importations de pétrole.
C'est que pendant la gue.rre, les Alliés
avaient installé à Casablanca un pipe-line flottant qui reliait' les réservoirs de la Shell aU
poste d'amarrage des pétroliers de l'extél'ieur de
la jetée transversale. On continua, par la suite.
d'utiliser ce poste pour le déchargenient (ou
simplement l'allègement) des pétroliers trop gros
pou.r entrer à Fédala. Diverses compagnies furent par la suiLe autorisées à entreprendre dans
la région d'Aïn-Sebaa-Oukacha, la construcLion de parcs de stockage très importants. La
capacité totale de ce lotissement pétrolier doit
atteindre 1/2 million de mèt.res cubes (2), e'èstà-dire qu'ellp dépassera très largement la consommation d'une année, pourtant double de
eelle d'avant-guerre. Avec ses 46.000 m3 de
capaeilé totale Fédala paraît bien petit. Faut-il
admettre que du jour où Sieront terminés les
lotissements d'Oukacha ce port sera délaissé
au profit de Casablanca ?
Il est certain qu'il serait difficile d'améliorer
. Fédala pour y permettre l'entrée des gros «tanks
steame.rs ». SI l'on voulait obtenir des fonds
supérieurs aux 8 m. 50 actuels, on serait conduit fi des travaux de déroctage très importants.
De plus, le bassin d'évitage actuel est trop réduit; on serail obligé de faire un nouveàU pod.
tourné vers l'Est, alo.rs que l'évolution actuelle
de Fédala le pousse plutôt à se développer vers
l'Ouest.
D'après M. le Contre-Amiral Barjot « la:
« solution paraît être de compléter Oukacha
«par une raffinerie .recevant à la fois du pé« trole brut du Vénézuala el d'Arabie, le MaroC
« se trouvan t précisément à égale distance en«tre ces deux pays pil'oducteurs du pétrole
Sauf [Jollr les iJesoins de l'Armée.
(2) Produits noirs .: Parcs de la
Marine Nationale (doiveni être
achevés enlü48)
266.000 m3
Produits blancs : Parcs existant
actull311ement
.. . . . . . . . . . . . . .. 30.000 »
Constructions en cours :
Shell
. ,,9.000 »
Berre
. 21.000 »
Marine Nationale
. 22.000 »
8.000 »
Armée
.
( 1)
tl0.000 m3
Projets en cours li :
Standard
,
. 51.000 »
Oukacha : Cill3 Mar. des CarOur. 15.000 »
Anglo-lranian
. 15.000 »
SocIété Française de Distribut. 2 5.000 »
soit 266.000 m3 de produits noIrs
et 216.000 m3 de produits plancs.
10.600 m:J:
•
•
•
ulOlldial ». Dans cette éventualité, Casablanca
serait, utilisé pour l'importation du pérole brut
et Fédala pourrait se spécialiser dans la réexp()J'tation pal' cabotage des produits raffinés. Ce
rôle ne l'empêcherait pas de devenir le port, de
plaisance nécessaire pour compléter les installalions balnéaires du «Deauville marocain ».
4. -
• •
>
LA FONCTION COMMERCIALE.
GENERALITES
{in port est une place de commerce. La
possibilité d'y stocker des marohandises créera
Lill marché plus ou moins import.ant selon
sa capacité d'entrepôt, le cl'édit existant sur la
•
113
place et les qualités de ses négociants. Certains
centres, particulièrement bien placés sur les
routes mondiales, sont. ainsi devenus des ports
de transit et cette fonchon commerciale peut.
même exister sans hinterland immédiat à desservir. Rotterdam n'est pas le port. de la Hol·
lande, mais le port mondial des produits exotiques. Le Havre est le grand marché du café et
du coton.
Casablanca, nous l'avons vu, est depuis
longtemps la capitale commerciale du Maroc.
Est-il susceptible de devenir un jour, comme le
Havre ou Rotterdam, un grand centre de transit
international qui justifie un développement
considérable des installations du port ?
.l~ HARDe ET LES ROUTE5
I1ARITII1ES nOt/D/ALES.
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114 5.
SITUATION DE CASABLANCA
La situation de Casablanca sur les routes
mondiales est bonne; elle n'est pas parfaite.
Les bâtiments venant d'Amérique du Nord ou
du Sud à destination des pays méditerranéens
sont obligés de passer par le détroit de Gibraltar, donc, à proximité. Ceux qui vont d'Europe
vers la côte Ouest. d'Afrique, de la Manche ou
de la Mer du Nord vers l'Amélrique du Sud passent: quelques milles au large. Mais aucun n'est
obligé d'y séjourner. Casablanca n'est pas une
escale privilégiée, au même titre que GibralLar,
Suez ou Singapour, véritables nœuds de routes
mondiales.
Il convient donc id/attirer ces bâtiments,
soit par l'existence d'industries de transforma- .
tions capables d'augmenter la valeur des marchandises transportées, soit par la puissance
commerciale de la place. A l'échelle du Maroc,
les finances casablancaises sont puissantes;
mais, comme c'est le cas dans les villes jeunes
et dynamiques, le commerce n'est nasloin de
la spéculation, ce qui rend le crédit cher. Les
frais de st,ockage, de transit, sont élevés, le
port et les magasins encombrés. Casablanca
n'est pas un port favorable à un commerce de
redistribution qui réclame un crédit bon marché, des magasins et des entrepôts immenses,
. des négociants possédant nar bradition familialp
la routine nécessaire à l'exercice d'un méliAr
('(Imnlexe.
.,
l'
,
t."
6.
~
valeur. Celui qu'on fabrique de l'autre coté de
la barrière douanière ne paie le même pourcentage que sur la valeur de la matière première
impo.rlée. Si ce produit est exporté, Je syst(~me
du drawback permet de récupérer les tqxes
perçues à l'entrée de la matière première. Sur le
marché local, lesma11chandises en provenanee
de la zone fil:'anche seraient donc sensiblement
plus chères que celles des autres usines.
Il semble donc que la meilleure solution
soit, de développer à Casablanca des industries
de transformation qui ütilisent les mat,ipres
premières passant. à proximité et dont les produits soient susceptibles de débouchés assurés.
Ainsi, l'arachide et le cacao de la côte Ouest
d'Af'.rique, la canne à sucre, des Antilles pourraient être traités au Maroc pour alimenter toute l'Afrique du Nord en huile, savon, chocolal.
et sucre dont elle fait une grande consommation. Une industrie textile, ul:!ilisant le coton du
Brésil, ou même du Niger, fournirait les énormes qua,ntités de _cotonnades nécessaires IlUX
indigènes. La plupart de ces industries exist.~nt
déjà et prennent depuis la guerre la grande
extension que nous avons signalée.
Casablanca, malgré cert.ains défauts de son
organisation commerciale, et sans qu'il soit
besoin d'yc,réer une zone franche, est donc en
bonne voié d'attirer par ses industries une part'ie
du trafic qui passe à proximité du Maroc. Il
est donc nécessaire de prévoir un développement
du port. en rapport avec l'accroissement considérable du trafic qui doit en résulter.
ZONE FRANCHE
7,
.'
r:es caractfœisf.ÏauAs : crénith'on ehpr. c:;npculation, frais dA transit tron élevés, nA sont pas
non nI us favorables à l'établissement, p,roposé
dès 1937, d'une zone franiCh:e, fi Casablanca. On
sait qu'une zone franche est une enceinte fi
l'i.ntérieur de laquelle toutes les opérations :
débarquement, transformation éventuelle rembarquement, peuvent être effectuées sans' intervention de la douane. On espère Ciréer en quelque sorte artificiellement un commerce de transit dont bé,néficiéraient le port èt les llégoc18nts
de Casablanca.
Si l'on envisageait la création, à l'imérieur
-de cette zone franche, d'infhls~ri.f)s de transformation, ce qui d'aill~urs n'est pas possible dans
l'état actuel du port, les usines qui béné.fici(mt
dt! régime du «Drawback» leur feraient Ulle
concurrence contre laquelle on serait désarmé.
TJh produit. fabriqué à l'intérieur de la zone
franche devrait, pour être vendu i1\l Maroc,
payer une -taxe- conespondant à-12, :) % de sa .
~
TRAVAUX EN COURS
,Nous avons vu que le développement du
port de Casablanca devait se faire tout naturellementpar la construction de môles parallèles
à l'abri d'e la jetée Delure. Les travaux décidés
et actuellement en cours sont les suivants :
t 0) Prolongement de la jetée Delure du
point 2.700 m. au. point 3.600 m. Ces 900 m.
sont déjà exécutés jusqu'à une profondeur d'environ t m'ètre. La partie supérieure reste à faire.
2°) Elargissement du môle Chaix. Construction à côté .de la halle aux poissons d'une
usine à glace, d'un entrepôt frigorifique et- d'un
quai d'embarquement des marchandises périssables.
Cette installation doit être l'aboutissement
d'une «chaîne de froid» destinée à amener
dans les meilleures conditions sur des cargos
spécialisés les fruits (et surtout les agrumes),les
pil'imeurs, etmêmè les viandes' destinés' à ·l'ex·
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PORT DE
CASRBLAnCA
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-
115 -
portation (1). On prévoit qu'à ,partir de 1955
l'agriculture marocaine sera en mesure de fournir à l'export.ation 35.000 tonnes par mois au
cours de la période de pointe (1er novembre-30
juin). Les am'énagements du Môle Chaix pourront faire face à ce trafic.
3 0 ) Remblaiement du fond de la Daa:-se
Delpit . pour y aménager un parc à minerai
d'une capacit:e' de 300.000 tonnes et préparer la
eonst.ruction du nouveau môle. Il est question
de réserver ce môle à la Zone Fran Qhe.
Les tl'avaux actuellement en cours apparaissent, donc modestes. Trois chantiers, dont
aucun ne travaille à plein, alors que le port de
Casablanca souffre depuis un an d'un encom- .
bremenl chronique qui lui fait le plus grand
tort. Le manque de crédit est ce;rtes le grand
responsable, et nous avons déjà signalé le coût
élevé d'un mètre de jetée Delure. N'est-il pas
permis de rechercher d'autres causes?
8. -
LES PREMIERS PROJETS D'EXTENSION
Dès 1939, la Marine Nationale avait compris la nécessité de faÏl'e de Casablanca, à michemin entre Brest et Dakar une base d'opérations pour le temps de guerre. En particulier,
l'absence d'une forme de radoub - seul un
vieux dock flottant de 5.000 tonnes de..;sert le
port - était une lacune grave dans l'infrastructure des bases françaises.
Les divers projets établis entre 1939 et 1942
par la marine, en accord avec le Protectorat,
prévoyaient la constitution dans le quartier des
Roches Noires d'une sort,e d'arsenal, la construction d'une grande forme de radoub (2) et la
participation budgétaire de la Marine à la construction d'une nouvelle jetée transversale partant des Roches Noires (3).
De cet arsenal, seul fut réalisé le grand parc
à mazout d'Aïn-Sebaa. L'utilisation de Casablanca à partir de n'ovembre 1942 comme base
alliée, obligea de parer au plus pressé, et; nous
avons vu plus haut que les ateliers de repar~­
tions, au lieu de se développe!' au Ruches·Noll'es, comme il était logique, sc tr(lUVf~reI1t étouffés au fond du :port de pèche taudis que la
Marine continuait d'utiliser la jetée Delure pour
l'amarrage de ses unités.
9. -
PROJETS D'APR~S -GtiERRE
En 1946 l'Administration des Travaux Publics comme~ça, ou plutôt, reprit, les travaux de
la jetée Delure, le mMe Chaix et le fond de
Darse Delpit (4). Au début de 'lP47, pour parer
au remplacement, du doc{ dE; b.OOO tonnes, elle
proposait la construction, à l'èmplacement de
la Darse de la 'Marine, d'une forlIl·Cl ·de radoub
de 163 mètres, capable de recevoir tous les bàtiments de commerce fréquentant le port. Ce projet, à côté d'avantages certains : solution i 111médiate de la question - existence de chantiers
il p,roximité' - offrait, de sérieux inconvénients:
danger d'embouteillage du port de pêche, difficult,ésd'accès - impossibilité de prévoir un
lJuai d'achèvement à flot - situation excentri·
que par rapport, au quartier industriel, etc...
Les Compagnies de Navigation Chérifiennes
et la S.A.G.A. intéressées au projet puisqu'elles
devaient participer au financement, estimaient
suffisante une longueur de 105 mètres qui permettait, le carénage de tous les bàtiments chérifiens (sauf le «Kouribga» et le «n jerada »).
La Marine nationale de son côté insistait sur
les inconvénients que nous venons de signaler
et tout en admettant la construction d'une cale
de 105 mètres pour parer au plus pressé, demandait qu'on établisse les projets d'une forme
de radoub de 220 mètres dans le quartier des
Roches Noires (P,eojet d'Avant.-Port du 11 juin
1947 (5»).
'10.
SITUATION ACTUELLE
Au cours de nombreuses commissions on
Lenta de concilier lès trois thèses en présence.
La Marine finit par admetre une longueur de
125 mètres permettant le carénage des «Djérrada» et «Kouribga », puis ,135 mètres (Libert,yShips) et enfin HO mètres (cargos en construc(1) Cf. Journal cIe la Marine Marchande (lu
pag'e 2.cJ 81.
18-12-47,
(2) 2 demi-forme~ de 142 m. et de 198 m. séparées par
une porte centrale dont l'enlèvl())llent permet d'obtenir une
forme de 340 m.
(3) Voir plan ci-joint.
(4) san~ compter le renflouement du Saint-Blaise. et la
réparation de l'angle Norcl-Ouest du MOle de Commerce (actuellement terminée).
(5) Ce projet comporte:
450 m. de l'allongement de la jetée
Dl()lure.
20 - Avec les crédits ainsi économisés, construction (['une
jetée 1.000 mètres à l'Est de la jetée transversale,
c'est-à-dire 300 m. plus à l'Ouest que celle prévue
dans le projet de 1947.
30 - Elargissement çle la jetée, transversale actuelle, construction d'un nouveau MOle séparant deux bassins.
Le Bassin Ouest au fond duquel serait construite
une forml() de radoub de 220 m. serait réservé au
Port de Commerce. Le Bassin Est serait réservé a
la Marine Nationale qui pourrait ainsi laisser 11 III
Marine Marchande les postes qu'elle s'est réservés
à la jl()tée Delure.
10 • Réduction il
Il
-
116-
üon du type « Aquitaine » destiné aux lignes
d'Afrique du Nord). Il semble bien qu'un compromis doive s'établir aux environs· de cette
longueur, mais à cette date (mai 1948), rien de
définitif n'a encore été décidé (1).
Celle polémique, ce véritable mare,handage,
peuvent paraîte futiles. En réalité, ils «cristallisent» la lutte engagée de tout temps à Casahlanca entre les partisans du «rendement immédial» et les hommes qui tentent, comme le
fiL M. Delure, de bàtir ,pour l'avenir. Aujourd'hui, comme en 1913, l'évolution du grand
port marocain paraît arrivée à un tournant
décisif. Il nous faut, pour prendre parti en cette
nffaire, tenter de dégagea' les élénwnts essentiels
du prohlèmr.
H. - ENCOMBREMENT DU PORT
DE CASABLANCA - LES CAUSES
Certes, le port de Casablanca est encombré;
rnais il convient de ne pas se laisser impressionner par les chiffres : des 4 millions de
tonnes manipulées actuellement, il faut retirer
.'2,6 millions de pho~phates, de minerai~ ou de
eharbon dont l'embarquement, localisé le long
de la jetée transversale, sur un môle, est bien
organisé et rapide. L'encombrement se produit
fUI môle du commerce où se fait le reste du trafic, soit environ 1 m. 4 tonnes de marchandises diverses. Ce môle est pourtant parfaitement
outillé et, nous dit M. Bars, 'Directeur du Port
de Casablanca, pourrait aSSUil'er un trafic supérieur. Au cours des mois qui suivirent le
débarquement allié, le tonnage manipulé mensuellement sur le môle seul a dépassé 400.000
tonnes. Mais le matériel débarqué alors ne séjournait pas dans le port, il était immédiatement dirigé', sans formaliés douanières, vers
des camps de répaM,ition.
A l'heure actuelle, ce ne sont ipas surtout
I~s quais qui sont encombrés, ce sont les magasms et les terre-pleins. Pour dégager les quais,
il suffirait de Il'établir le travail de nuit, ce qui
permettrait de déQliarger les bâtiments dans
les mêmes eonditions qu'avant-guerre. Pour débloquer les magasins et les terre-pleins, il faudrait remédier à la pénuil'ie et la mauvaise
organisation des magasins, à l'insuffisance du
personnel douanier, et bien souvent lutter contre la négligence de commerçants qui omettent
de retirer leurs marchandises.
12. -
LES REMEDiES
Une action énergique est d'ailleurs entreprise pour permettre une utilisation efficace du
Môle de Commerce et mettre fin à ce désordre
qui porte un sérieux préjudice au port de Casablanca (2). Une fois obtenu un résultat au
'Môle de Commerce et. lorsque le Môle Chaix, indispensable POUil' assurer l'embarquement rapide
des marchandises Ipérissables aura été mis en
service, Casablanca doit être capable d'assurer
sans peine le trafic act.uel.
Tels sont à notre avis les deux points imporlant.s à régler de toute urgence, la construclion d'un môle dans le fond de dalrse Delpit d
même d'un parc à minerais ne semblant pns
immédiatement nécessaire.
Par contre, le prodigieux accroissement de
l'agglomération industrielle Casablanca-Fédala,
qui ne peut que se mainhmir au moins au
rythme actuel, et les besoins de la Défense Nntionale imposent de démarrer dès à pil'ésent. ln
construction de l'avant-port. Pourquoi relClrdel'
(,oDs!nmment une dépense qu'on sera obligé de
faire plus tard? Pourquoi tenter d'évite,r cettp
dépense en conslruisant dans un endroit incommode une cale sèche dont on admet dès il
présent qu'elle ne correspond pas aux besoins
cIe l'avenir ?
13. -
LE PROBLEME DE LA FORME
DE RADOUB
En faveur de cette cale sèche, on invoquf'
l'argument de la «solution immècliate ». Or, M.
Bars (3) estime à 2 ans et demi le temps nécessaire à sa construction; d'après la Compagnie Schneider, la cale des Roches Noires
pourrait êtreentre,prise en même temps que la
jetée transversale et leur construction, simultanée exigerait environ 'B ans. Il y a bientôt dix
ans qu'on a constaté la nécessité d'une cale il
Casablanca; cette néces<.:;ité est maintenant
moins urgente qu'au cours de la guelTe, où l'on
s'est contenté du. vieux dock qui est bien cnpfIble de rendre des services trois ans encore. On
gain de temps de six mois, alors qu'on vient
d'en perdre 18 en discussions, ne saurait ètrr
invoqué en faveur d'un choix qui engage à tel
point l'avenir.
Reste la question financière : la cale de la
Darse Portugaise coûterait moins cher que
l'avant-port (mais elle ne le remplace pas). Sur(1 ),.L'accord a été réalisé en juin 1048 snI' une lonpleUl'
de 140 m.
(2) Une oremière Commission s'est réunie le 22 mai il
Rallat pour étudier les mesures à prendre.
(:n Journal de' la Marine Marchande du 18-1'l.-1017,
page 2.0G8.
-
117-
tout le financement en serait fourni en grande
partie par des compagnies privées. Mais on peut
supposer que le budget de la Défense Nationale ('1) participerait à la construction de la cale
des Roches~Noires dont nous avons déjà signalé
l'j mpnr(ance stratégique.
14·. -
REFLEXIONS
Il semhle qu'on puisse faire les remarques
su ivantes. La politique des Travaux Publics
consiste il éparpiller les travaux en trois chantiers : MJJle Chaix; allongement de la Jetée
Delure: nouveau parc à mine,rais. Le premier
de ces chanlirrs répond il un besoin urgent. Le
deuxième ne sert à rien si l'on n'entreprend pas
en même' temps une nouvelle jetée transversale.
Le Iroisième n'est pas indispensable puisque les
l'X porta lions de minerai (2) n'ont pas encore
repris la cadence d'avant-guerre. De plus, par
le projet de cale sèche en Darse Portugaise,
(~elle politique sacrifie l'avenir à un « plus
pressé » illusoire.
{Tn pll'ogramme raisonnable me paraît pouVoir Atre établi sur les bases suivantes :
1 Parer au «plus pressé» réel en mettant
de l'ordre dans l'organisation du port et en
poussant activement la construction du quai à
matières périssables (Môle Chaix), qui sera
hientôt indispensable.
20 Prévoir un avenir inéluctable en commençant dès à présent la réalisation du Projet
Marine du 11 juin 1947 (Avant-port réduit et
fOirme de radoub de 220 m.)
0
15. -
CONCLUSION
Avant de nous pencher sur les autres probU-mes portuaires que soulève l'évolution du
B -
'}laroc, arrêtons quelques IIls!onlsllot!'C ré..
conclasion il l'airl.icle que nous l~j\juns plus
haut:
«
«
«
«
«
«
« Lorsqu'on contemple du hallt de la t\'rrasse des silos l'ensemble du porI, l'un des
traits qui frappe le plus est la simpEcité d(~
ses lignes; on a l'impression que les ingénieurs, qui ont ici taillé dans le neuf, n'onl
été dérangés dans leur conception palt' aucun
obstacle.
«
«
«
«
«
« Ils n'ont pas cu il tenir f'ompte, comn1P
dans d'autres parIs, de divers accidents du
rivage, d'un flot, d'un récif malencontreusement disposé. Ils n'ont pas été gênés par milif'
commissions d'où les projets sortent souvent
défigurés el, vidés de leur subslance...
« On pourrai L appliquer assez j usLemen t il
« propos du port de Casablanca, ce que Descar« tes, il y a quelques 310 ans éerivail dans son
« discours de la méthode :
« Ainsi, voit-on que les hütiments qu'un
« seul architeete a enLrepris et aehevés ont COll« turne d'êLre plus beaux et. mieux ordonnés qlw
« ceux que plusieulrs ont tflché de raccommo« der en faisant servir de vieilles murailles qui
« avaient été bâties à d'autres fins ... ».
L'archiLeete initial a passé, la main, eL nous
en sommes maintenant à l'ère des commissions.
Espérons qu'elles n'enIèveront pas au port «ra
simplicité de ses lignes» et qu'à la conception
hardie de M. D(~lure, d'une géométrie si féconde
en développements futurs, elles ne substitueront
pas une conception étriquée, un «raccommodage » indigne de ce grand port matérialisant
ainsi ce refus inconscient d'envisager l'avenir
qui semble la marque d'une partie des élites du
Maroc d'aujourd'hui.
PORT-LYAUTEY-MEHDYA
Nous avons vu que dès '1932 on avait envisagé de remédie~' il la faiblesse des calaisons
admissibles il Port-Lyautey, en créant à Meh~
dya un avant.-port e~ eau plus profonde.; qu'.à
la suite de la guerre, la situation n'avmt faIt
qu'empirer; qu'en 1946, le trafic de ce port.
était devenu presque nul. Avant de ieechercher
s'il esL possible d'aménager à l':mbo~?hu~e dl~
Sebou un port modèrne, il conVIent d et~dler. s~
la, création de ce port répond à une necessIte
économique.
1
16.
~
ARRIERE-PAYS DE PORT.LYAUTEY
PorL-Lyauley est. le débouché normal du
Maroc du Nord; son hinte,rland immédiat est
constitué par le bassin du Sebou, le plus grand
et le plus fertile du Maroc. De Port-Lyautey
rayonnent 4 axes de pénétration. Le principal
Cl) Dans l'accord MarilH'-Prolectol'al du Il :lnil Iql~
la Marine p:lrticipait pOlir moitié aux d0nenses de l'avant-pon,
pOUl' les :J! '1 ml x d'lnenses cIe, la forme cie Radoub.
(:!)
~alJr les phosphates, bien entendu.
1
-
118-
est la ligne de chemin de fer d'Oujda qui dessert les centres suivants :
_ Sidi-Slimane, autour duquel plus de
.5.000 hectares plantés en agrumes produisent
les 2/3 des agrumes du Maroc (soit environ
20.000 tonnes par an).
_ Petitjean, où l'exploitation du pétrole
n'a pas jusqu'à présent donne les .résultats qu'on
escomptait, mais auquel des sondages récents
ont donné un regain d'activité et l'espoir d'un
développement appréciable.
_ Meknès et Fès, les deux grandes villes
du Nord marocain, autour desquelles g'éténd
la région du Maroc la plus dense en exploitations agricoles : Zone de culture des céréales
en direction de Taza et de Khémisset, vignobles
de 'Meknès, arbres fruitiers d'EI-Hajeb et de
Sefrou.
_ De Meknès descend ensuite la route de
Ksar-cl-Souk qui fait du Tafilalet la limite extrême de l'influence de Port-Lyautey et qui
dessert : Azrou, centre d'élevage, et Midelt par
où arrive le plomb de la mine d'AûlIli.
\'
~,
Deux axes secondaires, plus courts, mais
d'une importance appréciable. Celui des Zemmours : Port-Lyautey, 'l'iflet, Khémisset (liège
de la forêt de la Mamora). Et celui du Rharb :
Port-Ly.autey, Souk-el-Arba, Ouezzane (céréales,
primeurs, agrumes et le tiers des oliviers du
Maroc).
Cet arrière-pays, si vaste, puisqu'entre
Ouezzane, Taza et Rissani il couve une superfieie superieure au cinquième de la France
(120.000 km2) et surtout si riche au point de
vue agricole, constitue pour Port-Lyautey un
débouché de .premier ordre. Laissons de côté les
céréales dont on exportait avant la guerre des
quantités importantes (1), et qui, pas plus qu'à
Casablanca, n'ont de chances de redevenir une
marchandise d'ex<portation. Il n'en est pas
moins certain que toutes les marchandises destinées aux grandes exploit~tions agricoles et
aux villes de Meknès et de Fès doivent normalement être importées par ce port.
Mais surtout Port-Lyautey doit se spécialiser dans les exportations des agrumes et des
primeurs du Rharb pour lesquelles la rapiddté
du transport est d'une si grande importance.
Ces cultures sont assurees de prendre, dans les
années qui viennent, une grande extension. On
escompte qu'en 1955, la région de Sidi-Slimane
pourra fournir à l'exportation environ 100.000
tonnes d'agrumes; les 130 kilomètres de chemin de fer nécessaires pour les envoyer à Casablanca sont une charge supplémentaire qui
désavantagera les producteurs marocains lorsqu'il faudra lutter pour la conquête des marchés
européens (2).
17. -
CONCliRRJENCE DE LARACHE
Ajoutons, en faveur de la remise en état de
Port-Lyautey, que, lorsque la vie économique
sera redevenue nomale, ce Nord-Marocain si
riche aura tendance à chercher en zone espagnole le débouché qu'il ne pourra trouver en
zone française. Le port de Larache pourra alors
devenir pour Port-Lyautey un coneurrent sérieux.
18. -
TRAFIC POSSIBLE
En nous basant sur les ehiffres de 1937,
époque à laquelle la consti'uction de Meknès et
de Fès était terminée, nous ~pouvons, sans trop
d'imprudenee, estimer approximativement le
trafie susceptible d'être manipulé à Port-Lyautey en 1955.
Par suite de la mécanisation de l'agriculture, les 45.000 tonnes d~ pétrole importées en
1937 peuvent devenir 75.000 tonnes, évidemment
en provenance de Fédala (3). IEn conservant les
chiffres de 1937 : 25.000 tonnes de eharbon et
50.000 tonnes de marchandises diverses (sucre,
ciment, matériaux de construction, etc... ) nous
a.rrivons au chiffre de 150.000 tonnes pour les
im portations.
Pour les exportations, nous arrivons à
200.000 tonnes ainsi réparties: agrumes, 100.000
Lomies; produi ts agricoles, 50.000; plomb
d'Aouli, 20.000 tonnes; divers, 30.000 tonnes.
On peut estimer à 350.000 tonnes le trafic
que Port-Lyautey doit être en état d'assurer
dans quelques années. Que faut-il pour le rendre capable d'assurer cette mission ?
19. -
ETAT ACTUEL
Nous avons déjà signalé que les dragages
d'entretien avaient été supprimés au cours de
la guerre. Or, le chenal, à la hauteur des jetées,
n'est creusé qu'à proximité de la jetée Sud. La
(1) 38.700 tonne$ en j937, $oit plus du tiers des ex{}ortations de port-Lyautey.
(2) On peut estimer à une centainè de millions de rrancs
par an loe prix du transport vers Casahlanca des 350.000 tonnes
de marchandi$es que Port'Lyautey e$t sU$ceptible de manipuJer
annuellement.
(3) Le pétrole de Petitjean, même si la prolluction devient
considérable, ne sera jamais un article d'exportation. Il alimen'
tera sur place une usine Thermique d'EnergIe Electrique.
PORT- LYAUTEY
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ME H DIA
..
-
120-
jetée Nord au contraire, est flanquée d'un banc
ete sable qui se désag-rège sous l'adion du
eourant ; d'où la reconstitution progressive du
« bouc,hon » de sable qui existait antérieurement
auX travaux à la hauteur de la barre. C'est ainsi
que les tirants d'eau admissibles à l'entrée des
jetées ont été réduits de 1 mètre par rapport à
l'avant-guerre. En 1948, on ne pouvait admettre
que des bâtiments calant de 3 m. 60 à 4 m. 60,
suivant les marées (au lieu de 4 m. 50 à 5 m. 50).
Par contre, les conditions dans le reste du chenal sont restées les mêrnes qu'avant la guerre.
L'idéal serait de supprimer la source du
mal, c'est-à-dire de draguer le banc de sable de
la jetée Nord. Si l'on n'entreprend pas ce travail
de base on sera obligé d'effectuer const.amment
ries d,ragages d'entretien. Les seuls dragages actuellement en cours sont ceux de'sUnés à obtenir sur la barre les profondeurs d'avant-guerre.
On n'envisage pas la suppression du banc de
sa hie.
20. __ POSSIBILITES D'UN AVANT-POHT
Ce ne sont pas ces travaux qui feront de
Port-Lyautey un POll't moderne : «D'ici quelques
années, Port-Lyautey, sans avant-port. est condamné à disparaître» (1). Est-il donc possible
de faire de Mehdia un port accessible aux Liberty Ships qui calent 8 m. 30 en pleine charge?
On ne peut répondre à cette question d'une
façon définitive. Rien n'est impossible au technicien si on lui fournit le,s moyens matériels et
financie,rs. Il semble que, dans le cas qui nous
occupe, les moyens à fournir soient hors de
proportion avec le but à atteindre et le trafic
pscompté. Car la marée, seul outil gratuit mis
il la disposition du technicien pour obwnir le
ereusement du chenal et le percement de la
harre, n'a pas au \Maroc une ihauwur suffisante
pour fournir de gros volumes d'eau. Elle dépasse à peine 3 mètres au lieu de 7 mètres qui
ont permis le creusement du chenal de la Seine
ou de la Clyde.
l,ll'l
'21. -
l·,
Il semble cependant qu'on pourrait, sans
travaux excessifs, obtenir des calaisons de 6 m.
à 6 m. 50, largement suffisantes pour assurer
le trafic spécialisé qu'on attend de Mehdya. C'est
qu'en réalité les Liberty-Ships ne sont pas adaptés au t.ransport des primeurs et des fruit p. Par
contre la S.A.G.A. (2) vient de mettre en service
sur les lignes d'Afrique du Nord 6 cargos du
type «Algérien», cargos rapides de 6.640 T.
de déplacement et de 5 m. 83 de tirant d'eau (3),
dont une partie des cales est conditionnée pour
i:
i
1:
t
POLITIQUE DE LA RECONSTITUTION
DE LA MARINE MARCHANDE
le transport des denrées périssables. Une dizai·
ne de ces cargos doivent être construits en
France en attendant qu'on réalise la flotte des
cargos fruitiers rendue nécessaire par l'accroissement de la production de primeurs et d'agrumes du Maroc. Rien n'empêche de prévoir pour
eux des caractéristiques telles qu'ils puissent
pratiquer le port de Mehdya.
Happelons à cette occasion que la Compagnie Paquet avait, dès HH4, eonstitué une flotte
de bâtiments spécialement destinés à la remontée du Sebou. Alors que not.re flotte marchande
toute entière est à reconstit.uer, alors que le
Maroc cherche à augmenter sa petite flotte de
cargos (4), il paraît indiqué d'orienter les constructions ou les acquisitions vers des bâtiments
capables de pratiquer des ports plus petits que
Marseille ou Casablanca (ils ne manquent ni en
France ni au Maroc...) au lieu d'acheter des
Liberty-Sh.ips dont les ;conditions d'emploi et
d'entretien se sont révélés déplorables à plus
d'un titre.
22. -
PHOGRAMtME A ETABLIR
Si l'on ne vè'ut pas que Port-Lyaut.ey meure,
et un tel recul d'une position française est en
ce pays un peu une désertion, si l'on veut que
le Sebou redevienne la porte du Nord-Marocain,
, il est temps de déeide,r de la politique à suivre.
Il n'y a actuellement en cours à Port-Lyautey
que des dragages de peu d'importance et la
construction d'un appontement pour les chalu·
tiers. Il faudrait prévoir la construction d'au
nioins 250 m. de quai à 6 m., le dragage d'un
bassin, d'évolution, l'installation d'un petit entrepût frigorifique pour les primeurs. La réali·
sàtioh de ce programme, qui ne semble pas
disproportionné à un port destiné à mani puler
350.000 tonnes par an doit aller de pair avec
une politique judicieuse de constructions nanavales.
23. - CONCLUSION
La suppression de la Compagnie des Pods
du Nord a été, paraît-il, un bien. Elle a eepen'
dant coïncidé avec la disparition presque totale
die ces deux ports. Il manque maintenant it
Porl,-Lyauteyun organisme capable de vaincre
l'hostilité de la Chambre de Commeree de Ca··
sablanca, jalouse des moindres tonnes de fret et
de le sortir de l'oubli où le tient l'administration
des Travaux Publics.
(1) Session de janvier-févri:er 1946 du conseil de Gou'
vernement.
(2) Société Anonyme de Gérance et ct' Armement.
(3) En pleine charg-e.
(4) A noter l'acquisitiOn récente par la Société Les Cargo,
Fruitiers Chérifiens d'une corvette destinée au transport ,1c5
primeurs.
rd
_\.
-'121 C -
Il Y a des siècles que le Sous passe pOUL' une
région fabuleusement riche, un Eldorado. Avant
le Protectorat, Foucault le décrivait comme un
paradis terrestl'e,et plus tard les frères Mannesman en feront un «nouveau Klondyke ». Tous
les dix ans mantenant une poussée de spéculation sUL'vient ; on parle d'y construine un chemin de fer , de faire d'Agadir un port immense.
Depuis la dernière guerre, ces SIgnes se mamfestent à nouveau. On achète du terrain, on
bâtit des usines. De nouvelles raisons de croire
en l'avenir d'Agadir se seraient-elles révélées, ?
Et faut-il penser que ce port va prendre enfm
l'immense développement qu'on lui prédit. tous
les dix ans ? C'est ce que nous allons essayer de
découvrir.
"
24. -
ARRIERE-PAYS D'AGADIR
Le bassin du Sous, qui constitue l'arrière
pays di'Agadir, est assez peu étendu. Lim~té au
Nord par le Haut-Atlas, à l'Est par l~ SIroua,
au Sud par l'Anti-Atlas, il ne commumque ave~
l'extérieur que le long de la ?ôte ; c'est pourqUOI
Agadir, délaissé par le chemm de fer, est d~venu
un véritable port. routier. Les routes constIt~e~t
en effet les seules liaisons au Sud avec TlznÜ
et la Maurit.anie, au Nord avec Mogador, à l'Est
avec Marrakech par le Tizi n'Test ~u Ouarzazate
par le Sud du Siroua.
Les trois principales ressources sur lesquelles on fonde actuellement, l'avenir d'Agadir sont
les riQhesses minières, les richesses agricoles, la
pêche.
25. -
LES MINES
On a toujours prêté aù Sous des richess~s
minières extraordinaires. Un voyageUL' françaIS
écrivait en 1860 : «l'or étincelle au Sous dan~
le lit dies rivières» et les frères Mannesman qUI
y avaient créé un 'fief allemand s'étaient e,fforcés de magnifier l'importance ?e leurs decouvertes pour justifier les prétentIOJ.ls allemandes
Sur le Sous. La réalit.é, s'est montree malheureusement inf.érieure à la légende. Dans le Sous
même, bien peu de choses. Du .fer, pas en~ore
exploité mais qui peut le devemr (~uarzemme,
Tachilla, Tidsi, Agadir, etc...) d.u ,CUIvre, c.onnu
depuis longtemps par les i~dI9tmes malS en
qUantité faible. Seule l'explOItatIOn du manganèse de Tasdrent encore en recherche, est susceptibl~ de donn~lr une production intéressante.
AGADIR
Il faut franchir le Siroua pour trouver des
exploilaLions sérieuses. Les gisements d'Imini
et de 'l'iouine ont fourni en '1947, 39.000 tonnes
de manganèse et l'on estime que les réserves
permettraient de pousser la pl'oduction à 800.000
tonnes annuelles. Les mines de Bou-Azzer produisent de 2.000 à 6.000 tonnes de cobalt par
an, selon les débouchés. Ces minerais sont exploités par la route du 'l'ic:hka sur 'Marrakech et
Casablanca.
. Signalons enfin que le résultat de prospections récentes laisse prévoir une zone de grande
richesse minéralogique au Sud et à l'Est de
l'Anti-Atlas, de la vallée du Draa jusqu'au
Guir.
Ainsi, le sous-sol du Sud-Marocain est-il
encor~ peu exploité. Une incertitude pèse sur
les mIlles du D.raa. Quant à celles d'Imini les
seules dont l'importance soit incontestable leur
évacuation pose un problème que nous ét~die­
l'ons plus loin en détail.
,26. '- L'AGRICULTURE
. Une semblable incertitude pèse sUL' l'avenir
agrICole du Sous. On n'y cultive actuellement
que pe~ ~e chose. Beaucoup d'amandiers, quelques olIvIers, quelques bananiers exploités par
les indigènes. On a proposé, sans grande énergie, d'y reprendre la culture cliu coton et de la
canne à sucre florissante jusqu'au XVIe siècle.
Depuis quelques années des Européens se sont
installés dans le pays ; ayant les moyens de
creuser des puits profonds, ils pompent direcLements la nappe phréatique et peuvent ainsi
obtenill' des cultures irriguées - primeUL's et
agrumes - extrêmement précoces et de bonne
qualité. Dans ce domaine on peut espérer obtenir
des résultat.s aussi intéressants que dans le
~~ar~ lorsque le problème de l'irrigation aura
ete resolu sur une grande échelle.
27. -
LA PECHE
C'est en réalité l'industrie de la pêche qui
doit faire ~'Agadir un grand port. Les parages
du Cap Ghlr, les côtes de Mauritanie de l'Oued
Noun jusqu'à Port-Etienne ont to~jours été
réputés pour leUL' richesse ichtyologique. Depuis
longtemps les marins indigènes pêchaient le
Tass~rgal, mais ju~qu'à la g~erre, les EUL'opéens
(Bretons, PortugaIS) ne frequentaient Agadir
que comme une relâche éventuelle. Après l'ar-
1
1
1
-122Illislice de '1940, la pénurie alimentaire qui
régnait dans la Métropole provoqua un véritable
«rush» vers Agadir où l'on vit. s'installer à la
hàle plus de .],0 usines de salaisons et' de~ûmAge.
T}ne madrague fut élahlie à Bou Irdem, quelques
dix milles au Nord. Lorsque ces conditions !le
,venfe exceptionnelles disparurent, ces lIsilJPs,
montées sud.out dans un but de sl'é(~lIlation,
périclitèrent. II fallut attendre les R.nnée., dernières pour voir s'installer à Agadir de"" usines
sérieuses, en général filiales de maisons françaises. Elles sont maintenant plus nomhreuses
llu'à Casablanca (une vingtaine). Le point faible
dl" l'aménagement d'Agadir est le manque de
glace. Une pet.ite fabrique en fournit environ
RaO ldlos par jour. ce qui suffit à peine aux
hl"soins locaux.
Nous avons nolé plus haut la situation
pxceplionnelle d'Agadir au point. de vue die la
pêche. Le 'l'assergal, impropre à la mise en
conserve, est utilisé pour léL consommation locale; l'anchois el surtout la sardine alimentent
l'industrie. La sardine, en part'iculier, se pêche
entre le Cap Ghir et l'Oued Massa dans des conditions aussi remarquables qu'au large de Safi.
Le thon, qu'on trouve en abondance sur la côte
du Rio de Oro, est ,pêqhé pal' des chalutiers
dont beaucoup sont déjà basés sur Agadir. Dès
maintenant, la production en augmentation atteint 9.000 tonnes, autant que Casablanca, et
tout laisse pré,voir qu'Agadir deviendra un «Safi » multiplié par quatre (1).
28. -
LE PORT ACTUEL
Pour abriter les bâtiments de pêche et les
quelques caboteurs qui le fréquentent actuellement, Agadir dispose des installations réaJisées
à 20 ans d'intervalle. En 1917-18, le Génie Militaire avait construit 200 m. d'une jetée orientée
au Sud, à la suite de quoi les travaux avaient
été interrompus. En 1936, lorsqu'on eut un peu
prospecté les possibilités de l'arrièil'e-pays, on
reprit la construction de la jetée et l'on commença l'aménagement d'un pelit port, tous travaux qui furentl1lis en veilleuse au cours de la
g'uerrr.
Agadir esl dOlk resté un port à barcasses,
c'esl-à-dire que les cargos, même die moyen
tonnage, ne peuvent décharger à quaj leurs
marchandises. Il n'existe que 50 m. de quai
accoslable sur la jetée, 3 appontements floHants
pour les bâtiments de pêche et un épi de 450
mètres non accostable, orienté au. S.-W. et qui
limite avec la jetée un bassin abrité de 6 hectares :envirol1;
Pour améliorer cette situation, les réalisations immédiates inscrites dans le programmp
d'agrandissement du port comportent l'aménagement. de Z50 m. de quai de rive à 3 m., IR
construction/ d'ùn quai à6 m. du point 2iü m.
au point 396 m. de la jetée, le prolongement d~'
la jelée jusqu'à 790 m., la construction d'UIlP
halle aux poissons avec installations fll"igorifiques.
Ces travaux ne feront encore d'Agadir qu'un
petit port de pêcheurs. Pour en faire un g.rand
port de pêche, un pori' à primeurs et à pondéreux, trois projets t'rlès différents sont présentés.
29. -
PROJE'r DES 'l'RAVAUX PUBLICS
Celui des Travaux Publics, vieux déjà d'UlH'
dizaine d'années, consiste à prolonger sur environ 1.000 mètres la grande jetée dans UIlP
direction non encore précisée, Ipais sensiblement Sud-Est, de fermer le plan d'eau ainsi
délimité par une jetée Est-Ouest partant de la
plage à la hauteur de l'Hôtel Marharba. A
l'intérieur, on bâtirait un môle qui délimiterait
2 bassins creusés à environ 6 mètres.
II semble qu'on veuille reproduire ainsi la
disposition des ouvrages' qui fut une réussite
à Casablanca. Mais les conditions ne sont pas
les mêmes. On reproche en effet, à ce proJet les
inconvénients suivants :
1. - La .faible profondeur. La ligne des
fonds de 10 mètres passe à 1.000 mètres de la
plage, c'est-à-dire très près de l'extrémité prévue pour la grande jetée. En outre, la disposition de cette jetée rendra difficile la manœuvre
des bâtiments rentrant dànsle port. II leur
faudra s'approcher dangereusement de lacôtr
pour se pré'senter correctement dans les passes.
2. - On à été obligé d'arrêter les travaux
sur la jetée parce qu'elle s'ensable au fur et à
mesure qu'on la prolonge. Les observations de
1'« Eveillé » en 194 i, ont permis de constater
que cet ensablement est dû, non pas au coura nt
mais à l'action de la houle ju Sud-Ouest qui sI'
réfléchit derrière la jetée sur la côte et ramènp
le sable de la plage. On risque donc. "i' on prolonge ('ette jetée parallèlement à la ('flfe de
construire' un port ensablé.
3. ,- La' cons!il:'llc1ion de môles il l'endroit
prévu fera disparaître le plnnd'e'au abrité par
la jetée., On ne disposera pas d'un àvant-port
susceptible d'abriter IfS h·Hi.ment.;; alt<mdant leur
rentrée dans le port.
. (1)
ports.
Vo.ir C. A. Barjot.. Essai,
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-1234. ~ Ce projet supplimeraJt l~ pl1:l8'e neluelle, gâterait le point de vlle ?e l'Ht)~el Marbarba
et dirigerait la croissance mdustrlClli~ vers les
quartiers résidentiels, ce qui risque de compro-mettre l'avenilr touristique d'Agadir.
:30. -- LE PROJET DE LA MARINE
Pour éviter ces inconvénients, deux contreprojets ont été établis. Cel~i de. la IMari~le CO?siste à construire, perpendICulaIrement a la Jetée, arrêtée à sa longueur actuelle, un môle d'environ 800 mètil'es. D'après les conclusions de la
mission hydrographique de 1'« Eveillé » cet~e
OI:ientation éviterait l'ensablement. ne l'extremité de ce môle on lancerait une nouvelle jetéeabri qui suivrait sensiblement .la lign.e des fonds
de 17 mètres. La jetée actuelle seraIt liransformée en un large môle affecé à l'embarquement
des primeurs; le bassin créé à l'ex.téri~ur, ra;
des fonds de 13 à 14 mètres seraIt l'eserve a
l'embal!.'quement des minera.is et u.n a~ant-port
hien protégé se développeraIt en dII'ectlOn de la
plage. Le port de pêche resterait situé à l'Est et
serait limité par une jetée parallèle à l'épi.
31.
~
PROJET ECOCHARD
Le projet de l'Urbanisme, présenté par M.
Ecochard en faisant pal!.'tir les nouveaux ouvrages de' pr6tection de la pointe Arhesdis déplace plus ,hardiment vers le ~ord le. centre de
gravit:é du port. Il permettraIt de dIs~oser en
plus d'un bassin en eau profonde, de t~es .vastes
terre-pleins situésàl;'aplomb du quartIer mdustrie!.
Ces derniers projets, oppose-t-on,. coûteraient forLcher. Il e~tcertain que le proJet Ecochal'di suppose la construction de vastes. terrepleins. Mais le projet des Travaux Pubhc~ ne
p'araît pas moins onéreux; l.a surface pre~ue
pour les môles et les terre7plems est au. moms
équivalente (il faut chercher d,eux fOlS plus
loin du rivage les fonds de 10 metr~s). De plus,
les dl'llgages nécessaires pour obten~r des fonds
suffisants et pour éviter l'obstructlOn du port
risquent de se révéler très importants.
Des expériences sur maquette so~t en .cours
au Laboratoil!.'e de M. Jean Laurent I l MaIsonsAlfort. Elles permettront de départager les deux
thèses en présence.
Quelque soit, d'ailleurs le projet ~dopté, sa
réalisation nécessitera de longs et couteux, tra~
Vaux. Il convient donc di'étudier de plus p,l'es S,i
le trafic qu'on peut raisonnablement esperer a
Agadir justifie des travaux d'une telle ampleur.
32.
~
LE FRET DE RETOUR
Pour qu'un grand port se justifie à Agadir,
où le courant d'impol!.'tation ne sera sans doute
jamais considérable, il faut que les bâtiments
soient assurés d'y trouver un fret de retour
semblable aux phosphates qui font la fortune
de Casqblanca. La pêche, qui prendra à n'en pas
douter un développement considérable, n'est pas
capable de procu.rer un fret intéressant. On Tif'
peut tout de même pas espérer ql!.'Agadir exporte plus de taO.OOO tonnes de conserves par an.
Ce qui est considérable pour l'industrie ne présente qu'un faible tonnage pour un port. De
même, la production des p.rimeurs, si elle atteint
un jour celle du Rharb, ne dépassera guère 30
ou 50.000 tonnes que 150 miètres de quais bien
outillés suffisent à évacuer.
On a pu penser que les minerais, et surtout
le manganèse étaient susceptibles de jouer ce
rôle du fret de retour. Les gisements d'Imini
dont les réserves sont considérables, sont capables de produire 800.000 tonnes par an si leur
déblocage est assuré dans de bonnes conditions.
Pour l'apporte.r à la gare de Marrakecth, il faut
faire subir au minerai un transport de '160 kms
en camion, et passer le col du Tichka, à 2.300
mètres d'altitude. D'où un prix de revient considérable et naturellement la limitation de 'ln
production.
Depuis bientôt vingt ans on chel'che une
solution' à ce problème. Dans le cas où Casablanca resterait le débouché d'Imini, (il y existe
d'ailleur$ déjà à l'usine d'aggloméJ'és nécessaires pour traiter le minerai avant exportation)
il faudrait prolonger le chemin de fel' au-delà
de Marl'llkech, jusqu'au pied de l'Atlas. La production serait acheminée, soit par un tunnel de
8 kms environ.
33. ~ LES PROJETS DE CHEMIN DE FER
Si l'on décidait de faire d'Agadir le port
d'embarquement du manganèse, il faudrait
eonstl'uire une voie ferr.ée de 250 kms dont le
tracé suivrait sensiblement la route AgadirOuarzazate. Cette ligne devrait contourner le
Siroua par le Sud pour aboutir à Imini situé
à 1.500 mètres d'altitude. La plus grande partie
du trajet se ferait donc en région montagneuse.
A notre époque, où obtenir la moindre tonne
d'acier représente un tour de force, on conçoit
qu'une telle _entrepl'ise ne puisse être réalisé~
qu'à u~ prix de .« ~narché noir»; on rif'que d'y
engloutIr des milhards. Aurait-il été e\nstruit
avant la guerre dans des conditions normales ,
f
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124 ce chemin de fer n'aurait Ipl'obablemenl pas été
renlable. La ligne ne dessert aucun centre important, et à part le manganèse, les seuls produits transportés seraient quelques tonnes de
primeurs qui peuvent parfaitement s'accommoder du transport routier. Le manganèse, lui-même, n'est pas un fret absolument assuré. Son
prix de revient est le double du prix pratiqué
sur le maro:hé international et la Fl'Ilnce ne
l'achète acluellement qu'à cause du manque de
devises. La cOQslruction d'une voie ferrée qu'il
faudra essayer d'amortir, n'abaissera pas sensiblement ce prix de revient, et lorsque les conditions economiques seront redevenues normales, rien ne prouve qu'on trouve des débouchés
pour une production voisine d'un million dt'
tonnes.
Les seules considérations qui puissenl pousser à la construction d'un chemin 'de fer dans
le Sud-Marocain sont d'un ordre skatégique.
La voie unique Marrakech-Tunis s'est révélée
nettement insuffisante au cours de la guerre, et
il semble judicieux de la doubler au Sud de
l'AUas par une ligne moins dangereusement
exposée. lM. le Contre-Amiral Bal'jot, se basant
sur des découverles récentes de minerais dans la
vallée du Draa propose un tracé plus au Sud qui
contournerait l'obstacle de l'Anti-Atlas. Rejoignant le Médit,erranée-Niger du côté de ColombBéchard, il passeraIt. par Tiznit, Akkn, la 'lRllée
du Drua,.le sud du TafIl'lle\, et drainerait ail
passage les minerais du Sud·l\1ar(lcain (1). On
ne pourrait entreprendre cette ligne de 900 kms
que dans l'intention délibérée de faire d'Agadir
la très importante base navale et aéro-navale
que sa situation géographique le destine à devenir.
Il semble qu'il ait paru périlleux d'entreprendre maintenant des travaux d'une telle envergure et qu'on ait renoncé à faire d'Agadir
le port du manganèse. Onévacue;ra la production d'Imini par Marrakech; la réalisation d'un
téléférique a été reconnue irréalisable sur de
lelles distances; mais le principe d'un tunnel
routier de 8 km., moins coûteux malgré les
difficultés, a -été adopté.
34. -
PERSPECTIVES D'AVENIR
Si l'espoil' d'attirer à Agadir le manganèse
d'Imini doit. être abandonné, il n'en faut pas
nonclure que ce port soit destiné à végéter.
L'industrie de la pêche, l'exportation des primeurs et de quelques minerais, l'activité, tourisl,igue remarquable qui en a fait déjà une base
importanle de l'aéronautjque navale, tels sont
les éléments raisonnables de sa réussite future.
Il est à craindre seuleme:nl que la spéculation
forcenée qui règne depuis quelque temps dans
ceUe région ne diminue ces chances de succès.
35. -
CONCLUSION
Pour favoriser le dévelop,pement d'Agadir
avec les moyens limités dont dispose acluellement, le Maroc, il paraît raisonnable d'aménager
ail maximum le port de pêche, tout en laissant
la possibilité d'accroître le port suivant le plan
Marine. Ce plan, assez harmonieusement établi,
utilise judicieusement des ouvrages déjà existants et n'oblige pas à la construction d'immenses terre-pleins, inutiles dans un port au trafic
bien spécialisé. Lorsque la pêche aura Ipris l'e~·
t.ension considérable escomptée, il sera plu,.
facile de réaliser ces travaux, rendus alors nI!eessaires par l'extension des cultures irriguées
et la mise en valeur de mines rapprochées :
manganèse de Tasdremt, fer du Sous par exemple.
Sans nous laisser ent.raîner à des projets
trop coùleux, ayons confiance en l'avenir d'A_
gadir, qui sera demain peut-être le plus grand:
port de pêche de rVnion Française.
( 1) Sauf le manganèse d'Imln1.
-
125-
CONCLUSION
Vers une décentralisation
S'il nous fallait analyser en quelques mots l'évolution des ports marocains, telle
qu'elle se dégage des pages qui préeèdent, nous la résumerions en trois pédiodes :
10) 1912.1913. - Période d'études ;très courte terminée par une décision judicieuse et l'établissement d'un programme.
:
.
20) 1913-1937. - Période de réalisations au cours de laquelle les ports du Maroc
moyennant certaines modifieations du progr amme, sont construits tels que nous les COIl~
naissons maintenant.
1if, Il! i
1
30) 1937-1946. - Période d'utilisati on intensive. Les conditions économiques Pl
techniques évoluent tandis que les ports sont arrêtés dans leur extension.
Après 1946, un nouveau cycle commence.
Nous en. sommes à la période des études, des
projets, des discussions. Il est temps de la clore
pal' une décision qui permette l'ouverture qe la
période des réalisations. Quels sont les éléments
d'une telle décision··?
Cette étude nous a fait sentir combien, dans
un pavs aussi maritime que le Maroc, l'existence 1~1ê.me des ports était profondément liée à
la vie économique. Il serait vain de tirer des
conclusions sur l'avenir de ces ports sans les
haser sur les faits économiques essentiels qui
caractérisent l'économie marocaine de 1948.
C'est ainsi que nous avo?s. constaté l,a
croissance industrielle extraordmaIre de la region de Casablanca et le véritable étouffement
subi de o.e fait par d'autres por~s moi~s ,favo~
,pisés. A côté de cette puissance mdustrIelle qUI
s'étend chaque année; nous avons ~~t~ l'i~por­
tance nouvelle prise par deux actIvüe~. econ~­
ll1iques : la pêcihe, devenue la deuxlem~. rIchesse du Mal1'oc avant d'en être la premlere ;
l'exportation des primeurs et des ~grumes. en
passe de i1'emplacer complètement 1exportatIon
ùes céréales.
Ce sont ces faits économiques qui doivent
Drienter l'évolution des ports mar~cains. EsSayons de montrer dans ses grandes lIgnes, comU1entcetteévolution peut.être dirigée vers une
~ertaine décentralisation.
. Malgré l~s inconvénients stratégiques, politIques et SOCIaux de cette concentration indust~ielle et. hun~~iT,Ie au milieu d'un pays par
aIlleurs SI arrlere, on ne peut empêcher Casab~anca de. 'poursuivre .son dévelolPpement de
vIlle-cr.'unpIOn. Les crIses économiques auxquelles le Maroc doit sans nul doute se préparer
risquent de l'interrompre, non de l'arrêter.
Il faut donc s'attendre à voir· dans un
délai assez rapproché, le trafic de Cas~blanca dépasser 5 millions de tonnes. La nécessité de consacrer le port de commerce en entier à ce trafic
considérable déterminera la ·construction d'UI;
av~nt-port, ,réservé, probablement aux pétroliers
et a la Marme NatIOnale, quelque soit d'ailleurs
l'emplacement choisi pour la construction d'Ulie
cale sèche. De plus, la concentration dans la
région d'Oukacha de stocks énormes de pétrole
provoquera probablement l'installation d'une
raffinerie dont les produits seront expédiés dans
tout le Maroc, par le port, de Fédala, devenu ainsi
une annexe de Casablanca.
Une telle extension de la région Casablanca-Fédala, n'est pa~ ~ne prévision ut.opique ; il
faut plutot la conSIderer comme un minimum
Mais à côté de ce « combinat. » puissant Ol~
peut es~ayer ~e créer des cenkes indust~iels
secondaIres. C est aupJ:1~~ .des autres ports du
Maroc que ces centres s etabliront tout naturellement. Ces ports eux-mêmes ne .résisteront à
:1
J.
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li1·
..\l
-
126
l'attraction de Casablanca qu'à ('ond ilion de se
spécialiser.
Sali a déjà trouvé sa voie el sa richesse
dans l'exporlation des p,hosphates et dans l'induslrie de la pèche.
Agadi r deviendra le plus graml cmll,re de
pêche de l'Union Française s'il esl dolé d'un
porL adaplé il ses besoins.
P()rl-/~yauley enfin doit lutter pour oblenir
son avanl-port de Mehdya, ee qui lui permettra
de devenir le principal exportateur d'agrumes
du Maroc.
. _. _~_
Telles sont les perspectives d'avenir Pour
en faire des réalités, il faui résoudre les problèmes économiques, techniques, stratégiques, dont
dépendenl la naissance eL la vie de,; ports. Il
manque l'organisme capable de pre 0 dl'(' il sa
('harge l'étude de ce~ problèmes compl(·xes, de
déeider pn connaissanee de cause, de surveillpr
la mise Hl œuvre d~s rnoyens dont (i13posent les
porls. Il manque, p,n un mot, une Oieedion (ks
PorLs, dont les all.rihuLi')lls et les responsahilités
seraient eerles aussi grandf~s qUI: eelle;:;; de hien
d'autres direelions existant aetuellemeut
Ainsi, serait réalisé au Maroc. une infraslrudurp de porls conforme aux possibilités
économiques el au brillant aven il' de ce pays .
Chronique sportive
li
c;-tJa\tJtPt o~, ~'A 'rs
DE 'rE~'f"tS DES 'r~ tJt~
NOVEMBRE 1948
A
UTOUR du petit club de l'O.M. rajeuni, repeint de couleurs fraîches, un ensemble
remarquable de concurrents s'est réuni cette année. Le meilleur que nous ayions vu depuis trois
ans.
Il ~mble que le lot des habitués des épreuves
militaires mar,ocaines se soit amélioré. Les Officiers Supérieurs se maintiennent, au prix d'efforts
sans nul doute méritoires; les jeunes progressent.
Quelques figures nouvelles et de classe: trois ou
quatre aviateurs athlétiques et souples, deux ou
trois. marins combatifs, ardents et volubiles et,
fait assez rare pour être noté, un de::Jxième classe
de grand talent.
Bref, la Jutte devint rapidement -sévère rtans
les simples. Aux Quarts de finale, le Capitaine Bay
comptait encore sur la solidité de son poignet et
le Lieuteliant Pichon sur la force destructive de
Son coup droit massue; le Commalll.!ant Dubois
mettait au point un revers croisé américain, le
Lieutenant de Saxce un service canon fort élégant,
le caval!er Matton des amorties traîtresses, le
Lie:,Itenant de vaisseau Portalier jetait s.on' cœur
par deot'lsus le filet, le Médecin-Capitaine B~rgé
montrait que sa nonchalance n'était qu'une femte.
Mais, après des parties' superbel' dont les plus
remarquables furent sans doute celles qui opposè-
Matton à Berge et Matton encore à Saxce, le Lieutenant Pichon et le 2ème Classe du 12ème R.C.A.
en vinrent aux mains dans une ultime explication.
Sortant par surprise :un revers rapide et très croisé qu',on ne lui conllaissait pas, le Lieutenant Pichon, dont la régularité des victoires consacre
décidément la supériorité vînt très nettement à
bout de Matton après une série ti'échanges de la
meilleure facture.
En double, le dernier acte se joua entre le Capitaine Bayet le Commandant Dubois, d'une part,
et les Colonels d'Arc et de Segonzs.c, d'autre part,
La science, le cœur et l'expérience étaiént, sans
c.onteste, dans le camp des colonels, Ils f:ûrent
hélas, trahis par leurs jambes et, aux dernièr€~
lueurs du jour, l'équipe de Fès remporta un succès
complet.
On remarqua beaucoup, au cours de ces plaisant€\s journées, l'effort massilf, perçant, fourni
par la Cavalerie, Et, en effet, Pichon; Matton, Bay,
Segonzac, d'Arc... Y a-t-il qûelque philosophie à
tirer de cette constatation? Faut-il vOlr quelque
rapport entre remploi du cheval, l écemment défunt d'ailleurs, ou de la chenille et le maniement
de la balle de tennis? La question mérite d'être
mise à l'étude; nous nou~ proposons tie le faire
prochainement.
................................ ,
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:•
" MESSAGE "
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DES FORCES ARMÉES.
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Lien des esprits, facteur d'unité et de cohésion, source d'impulsion et de travail. Message est la revue rigoureusement indépendnte dans laquelle chaque officier peut exposer librement ses idées.
Lire Message c'est être assuré d'être informé de tous les problèmes qui touchent à la rénovation de l'Armée Française.
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Chronique militaire,
2
.
ORD'RE DU REGIMENT N. 328 du 3" R.E.I.
Dans la nuit du 25 au 26 juillet 1948, le
poste de Phu Tong Hoa, tenu par la 2">0 Compagnie du 1p, Bataillon, a été attaqué par des milliers de rebelles qui avaient reçu la mission de
s'emparer coûte que coûte du poste.
L'attaque débuta à 19 heures 30 par un violent tir d'artillerie et d'armes lourdes qui dura
jusqu'à 21 heures. Le Capitaine CARDINAL,
Commandant la 2m ' Compagnie, fut mortellement
blessé par un éclat d'obus. Couché sur un brancard il conserva le plus grand calme et continua
à donner ses ordres. Il devait mourir à 22 heures. Le Lieutenant CHARLOTTON fut mortellement blessé peu de temps après.
A 21 heures, une sonnerie de trompe : c'est
le signal de l'assaut. Par vagues successives, les
rebelles passèrent à l'abordage, s'ouvrant des
brêches au coupe-coupe.
Ils s'emparèrent d'un blockhaus, puis tr~s rapidement, de la moitié du. ~oste. L~ Sou.s-Lleutenant BEVALOT, seul Officier reste valide, contre-attaque à trois reprises. Le S.ergent FOUR"R 1ER barricadé dans son magasin, lance sans
arrêt' des grenades. Une grenade éc}ate dans I,e
poste radio; tout le monde est tue ou blesse.
Un Légionnai re reprend imm~diatement la. ~Iace
de son camarade et continue a assurer la liaison.
Un furieux corps à corps s'engage à l'intérieur du
poste.
Un Caporal et quatre Légionnaires sortent du
poste et contre-attaquent vigoureusement.
A 22 heures 30, les rebelles décrochent, emportant la plus grande partie de leurs cadavres.
Le 26 au matin, lorsque le jour se lève, dans
la cour du poste gisent emmêlés 22 Officiers,
Sous-Officiers, Caporaux, Légionnaires de la 2""
Compagnie, 62 cadavres V.M. dont 40 à l'intérieur de l'enceinte; 33 Légionnaires sont blessés.
Le 28 dans la journée, le poste est de nouveau attaqué, et lorsque le 28 au soi r la colonne
de secours commandée par le Lieutenant-Colonel
SIMON atteint le poste, elle est accueillie de vigoureux « hourrah ». Il reste une trentaine
d'hommes valides.
A l'intérieur de la cour, un poste de Dolice
de 10 hommes, en épaulettes, képi blanc et' ceinture bleue, présente les armes d'une facon impeccable.
"
Une fois de plus le 3">0 Régiment Etranger n'a
pas failli à la vieille tradition de ses Anciens.
La 2
mp
Compagnie s'est magnifiquement bat-
tue.
Inclinons-nous respectueusement devant ses
Morts et prenons dans leur exemple un puissant
réconfort pour nos combats futurs.
S.P. 50.540, le 13 août 1948
Le Leutenant-Colonel SI MON
Commandant le 3 m ' Régment Etranger
d" nfantere.
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134-
CITATION A L'ORDRE DE L'ARMEE DU l or REGIMENT DE TIRAILLEURS 'MAROCAINS
« Régiment d'élite dont la valeur s'est manifestée avec éclat au cours· de la période du 14
au. .31 mai 1940. Attaqué les 14 et 15 mai à
Gembloux (Belgique) par d'importantes forces
blindées ennemies, appuyées par une puissante
aviation de bombardement en piqué, le le' R.T.M.
sous les ordres du Lieutenant-Colonel BOCAT, a
résisté victorieusement aux attaques répétées de
l'ennemi, maintenu intégralement ses positions
et infligé à l'adversaire de lourdes pertes. Du 16
au 21 mei au cours du mouvement de repli
ordonné par l'autorité supérieure, le l or R.T.M.
soutint, au prix d'efforts surhumains, des combats
très durs et ne laissa jamais entamer ses positions grâce à son esprit de sacrifice et à sa valeur offensive qui se manife:sta, sans défaillance, notamment le 16 mai à Marbais, où ses
contre-attaques, poussées parfois jusqu'au corps
à corps, stoppèrent le mouvement offensif de
l'adversaire. Du 21 au 31 mai, ce magnifique
régiment, précédemment très éprouvé et sérieusement amoindri dans ses effectifs, tint ferme
sur les positions de Pont à Vendin, de Carvin et
enfin, de Lille (Faubourg de Canteleu) où ses
derniers éléments, groupés avec ce qui restait
de la 1ère D.M. et des éléments de Divisions voisines, autour du Commandant de la 1ère D.M.,
continuèrent pendant quatre jours, une résistance sans espoir afin d'interdire à l'ennemi la route de Lille à Armentières et de permettre, par
son sacrifice, l'embarquement à Dunkerque, des
forces alliées qui se repliaient sur l'Angleterre. »
1
La présente Citation comporte l'attribution
de la Croix de Guerre avec Palme.
Paris, le 15 novembre 1948.
Signé: MAX LEJEUNE.
t
LA PISTE ET LE BORDJ DE L'OUKAïMEDEM
N des charmes les plus originaux de Marrakech, la capitale du Sud du Maroc réside
dans le contraste saisissant entre sa vaste
palmeraie évocatrice de soleil et de chaleur et le
cirque des hautes montagnes de l'Atlas qui l'entoure, aux cimes déchiquetées et couvertes de
neiges éternelles culminant à plus de 4.000 mètres,
Il y a longtemps que Marrakech a acquis en
matière de tourisme une place de premier plan;
mais jusqu'à présent la curiosité du voyageur n'a
pu l'amener à connaître le Haut-Atlas dont l'accp-s
n'était possible à grand peine que par les seuls
spécialistes. Et cependant ce massif est susceptible d'offrir en été un changement d'air très appréciable aux ardeurs torrides du soleil et d'apporter
En hiver aux amateurs, l'attrait de la pratique des
sports d'hiver.
Parmi les sites les plus à même de procurer
ces inestimables avantages, le djebel Oukaimedem
a été reconnu depuis longtemps comme un des
meilleurs par ses champs de neige et la gamme
de ses pentes. Il ne se trouve à vol d'oiseau qu'à
une cinquantaine de kilomètres de Marrakech et
certains y ont vu les meilleurs champs de neige
de l'Afrique du Nord. Aussi dès 1936, le Club Alpin
a établi un refuge: le ({ Refuge du Capitaine Grudler}) et l'Armée y a installé une petite école de
Haute Montagne.
Mais jusqu'en 1947, la seule voie d'accès utilisable consistait à quitter à Asni la route de Marrakech à Taroudant' pour accéder par des sentiers
de montagne à Iferkhane puis à l'Oukaimedem.
Ce qui représentait de l'ordre de 9 heures d'un
Voyage difficile dont 1 heure 'en automobile et
? heures à pied ou à dos de mulet.
Déjà ~ant 1939, le souci de la pénétration à
l'intérieur du massif du Haut-Atlas avait conduit
les pouvoirs publics à construire, à partir de Tanahout sur la route de Taroudant, une route s'éle~
Vant progressivement jusqu'à Sidi Farès (AIt. 1.700
~ètres), point où s'était établie une station d'estIvage pO'lr les habitants de Marrakech. C'est la
Prolongation de cette route par une piste de 19 km.
de longueur en pleine montagne qui devait perll1ettre l'accès le plus facile du centre de l'Oukaïll1edem.
U
LES PROJETS
Dès 1944 cette prolongation fut envisagée par
l'Autorité mÜitaire' c'est en 1947 et en 1948 qu'elle
a Pu être réalisé gr'âce à une c~ll~boration.~nt~ère
et étroite entre les autorités cIvIles et mIlItaIres
~u Maroc. L'Armée fournissait la main .d'œuvre,
loutillage et les engins mécaniques taf!.dIs q~e le
Gouvernement du Protectorat supportaIt le reglell1ent des dépenses.
La nouvell~ piste de Sidi Farès à l'Oukaïme-
d~m empru~t~It d'~bo~d sur 1 km. le tracé de la
ste . de SI~h Fa:re~ a la maison forestière de
10unk31' pUIS sUIva~t sur 5 km. une autre piste
w
amorcee~ ~~r le s~~vI~e des Eaux et Forêts; celle-ci
fl;'t r~ctlf1e~, am,elloree e~ prolongée sur plusieurs
kIlometres J~sqU au c~l d~t de la Sardine (altitudr
2.200 m,) qu elle ~tteIgnaIt en décrivant de nombreux lacets. Enfm sur 13 km., les plus difficiles
du parc?ur~, l~ plateforme de la piste était' entièrement a realIser. Le tracé étudié passant par le
col du Taureau et ~e. plate~u des AH Lekkak n'avait
pas ~e. pente s.u~ene~re a 6
.mais il présentaIt
de seneuses dIffIcultes ,de realIsation, particulièrement dans la traversee de plusieurs barres rocheuses a?Solument verticales formant falaises.
. .La: mIse en valeur de l'Oukaïmedem ne se
lImItaIt pas pour le Commandement à la seule
:0
136 ouverture de cette piste. Il fallait en outre construire sur le plateau supérieur, à l'altitude de 2.700
mètres environ, des installations pouvant pèrmet'""
tre à des détachements de subsister et de recevoir
une instruction de Haute-Montagne. A cet effet,
il fut prévu que dans un premier temps, l'ancienne
et modeste installation militaire serait transformée et agrandie en vue de former un premier
bordj d'une contenance d'environ 40 hommes. Cette
réalisation devait être achevée dans les moindres
délais et de toutes manières elle devait être utilisable au cours de l'hiver 1947-1948. Ensuite dans
un deuxièm9 temps serait entreprise la construction d'un autre bordj plus important, amorce
d'un futur centre de Haute-Montagne.
LA REALISAnON
Les conditions climatériques ne permettaient
l€s travaux à l'altitude considérée qu'à la belle
saison, après la fonte des neiges, c'est-à-dire de
juin à novembre. L'exécution <lu pr.ogramme prévu
tant pour l'ouverture de la piste que pour la construction des bordjs fut donc répartie sur les deux
étés de 1947 et 1948.
En 1947 on attaqua les travaux de la piste dès
le mois de juin et on commença simultanément
3,UX deux extrémités; d'une part sur le plateau en
descendant et d'autre part en remontant à partir
de Sidi Farès. Pendant six mois, goumiers, légionnaires, tirailleurs et sapeurs de la compagnie 3116
ri.valisèrent d'entrain pour s'efforcer d'ouvrir une
première piste « jeepable }) avant l'hiver ; ce
qui semblait une véritable gageure. La plus grande
partie de la piste devait en effet être taillée à
l'explosif dans une roche dure et compacte (granit,
schiste, grès) et le franchissementJ de la principale
falaise abrupte sur plus de 800 mètres de long et
50 mètres de haut laissait sceptiques les augures
quant aux chances d'aboutir avant l'hiver. Le travail demandait en effet à cet endroit des qualités
d'alpinistes et les travailleurs devaient être constamment encordés.
A ces difficultés techniques ne se limitaient
pas les obstacles à vaincre pour aboutir. Il fallait
encore organiser des bivouacs, des ateliers de
chantiers, des dépôts de matériel, des garages, etc...
le tout en pleine montagne, là où les surfaces
relativement horizontales sont très rares et très
(exiguës. Il était nécessaire en outre de surmonter
la fatigue due à l'altitude, au brouillard, à la
fraîcheur des nuits, à l'ardeur du soleil, il fallait
adapter à la montagne de nombreux travailleurs
originaires de la plaine, il importait enfin de ne
pas se laisser décourager par les incidents contraires, ceux notamment dus aux orages particulièrement violents, éboulant les chantiers en cours,
enlevant les tentes, ruinant les abris et détériorant
les affaires personnelles.
GrâcE' à l'opiniâtreté et à la ténacité de tous,
et à l'ardeur au travail des sapeurs chargés des
tâches leslplus dllil',ficiles, ce qui semblait une
gageure - l'ouverture d'une piste « jeepable )}
avant l'hiver - fut néanmoins tenu et le 23 décembre 1947, le Général Carpentier, Commandant
Supérieur des Troupes du Maroc, accompagné du
Général Delaleu, Commandant Supérieur et Directeur Régional du Génie au Maroc, et denombreuses autorités civiles et militaires ainsi que des
principaux artisans de cette réussite, pouvait
inaugurer la piste d'accès à l'Oukaimedem avec
une imposante colonne de Jeeps.
Certes, cette piste était encore bien précaire;
les camions pouvaient à peine dépasser Sidi Farès,
arrêtés qu'ils étaient au bout de 3 kilomètres par
des virages en épingle à cheveux; les camionnettes avaient accès par une piste escarpée de 3 m. 50
de large jusqu'au col du Taureau encore distant
de 9 km. du plateau de l'Oukaimedem où l'on parvenait par une piste se retrécissant à 2 m. 50 seulement et n'admettant plus que les seules Jeeps
sur un tracé impressionnant par son escarpement
en' de nombreux points.
Pour arriver à ce résultat, il avait fallu au
cours de l'été 1947 remuer quelques 48.000 m3 de
déblais dont 30.000 m3 de rochers ; 14 groupes
compresseurs Spiros et Schram avaient été mis en
œuvre dans des conditions difficiles, ta,pt à cause
du terrain escarpé, qu'en raison de l'altitude qui
diminuait les rendements des moteurs dans des
proportions très appréciables.
Simultanément on procéda à la transformation
de l'installation ancienne en un premier bordj
,d'une contenance de 40 hommes. L'approvisionnement du chantier ne pouvait être fait qu'à dos
de mulets et présentait de ce fait une lourde sujétion. Elle put néanmoins être surmontée dans des
conditions satisfaisantes, si bien que le bordj fut
prêt pour le saison d'hiver 1947-1948.
Grâce à ces réalisations les championnats de
Ski de l'Afrique du Nord purent être organisés en
Mars 1948 à l'Oukaimedem dans des conditions
techniques très supérieures à celles des années
précédentes. Ils. ont notablement contribué à faire
mieux connaître ce site unique du Haut-Atlas qui
fait l'admiration de tous.
En 1948 il fallait poursuivre l'œuvre si bien
commencée, et s'il n'était pas encore possible de
prétendr.e' l'achever il était nécessaire aussi bien
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137
de rendre plus facile le premier accès à l'Oukaimedem qui avait été ouvert l'année précédente que
de compléter les installations matérielles à utiliser
pendant l'hiver.
Il fallait donc :
élargir et améliorer la piste pour lui
donner une bonne viabilité jusqu'au
plateau supérieur,
construire un nouveau bordj pouvant
recevoir 40 stagiaires en plus d'un
cadre permanent de 25 hommes.
Tâche considérable pour une seule saison et qui
demandait une fois encore un très gros effort. Dès
que les conditions atmosphériques le permirent,
en Juin 1948, tirailleurs, légionnaires, goumiers et
sapeurs, reprirent le chemin de la montagne et se
rsmirent à l'œuvre sans perdre une minute.
L'amélioration de la piste devait commencer
même en certains points avant Sidi-Farès. Elle
devait comporter l'élargissement des virages en
épingle à cheveux situés entre Sidi-Farès et le Col
de la Sardine, et au delà l'élargissement devait se
faire sur toute la longueur jusqu'au sommet, Ip
but étant de faire une plateforme de 4 m. de
largeur minimum. Il fallait enfin procéder à de
nombreux travaux locaux tels que: empierrements
partiels, implantation de garages, assainissements,
captages de sources, radiers, etc... travaux d'autant
plus nécessaires qu'à leur défaut la piste serait
transformée en cloaque à la fonte des neiges.
Le travail fut conduit en remontant la piste;
s'il était techniquement beaucoup moins difficile
que celui de 1947, il comporta néanmoins l'abatl!ge
!:e quelques 30.000 m3 de déblais dont 20.000 m3 de
rochers et 7 compresseurs furent encore en œuvre.
Mais ce travail pourtant considérable en luimême était relativement plus simple que celui qui
consistait à construire en 120 jours un bordj suffi" samment confortable. Il fallait en effet pour aboutir vaincre toutes sortes de difficultés non seulement pour se procurer les matériaux ~éces~aiz:es,
mais encore et surtout pour les achemmer a pIed
d'œuvre sur une piste encoœ à peine « Jeepable »
et coupée de nombreux chantiers d'élargissement
en plein travail.
Grâce à l'activité et au dévouement <!e tous le
programme tracé fut' réalisé avant les pr~mières
chutes de neige. Dès le 20 Octobre les camIOI!S de
6 tonnes accédaient au plateau même de l'Oukaimedem et avant de rejoindre leur garnison, il la fin de
Novembre, les sapeurs du 31" Régiment Ad~ Géni~
:wai'3nt fait surgir du sol un nouveau batIment a
étage de 327 m2 de surface couverte et de 12 m. de
haut, prêt pour accueilliz: confortablem~nt .le!" stagiaires de la saison d'hIver 1948-1949 ! batIment
. s'ajoutant à l'ancien bordj d0I?-t les ~n:e~agements
extérieurs et intérieurs avalent ete egalement
considérablement améliorés.
r,
Ainsi que M. Anxionnaz, alors Président de la
Commission de l'Armée de l'Assemblée Nationale,
a pu s'en rendre -compte en visitant l'Oukaimedem
au cou~s d'une inspection récente, la collaboration
« Ar.~ee-Nation }) s'exerçant dans les meilleures
condItIOns. de mu~u~lle .compréhension, a abouti à
une !Ua~~Ifique :r:e~l1satIOn pour le plus grand bien
des mterets supeneurs du pays.
Dès aujourd'hui, en effet, il faut à peine 2 heures à une voiture de tourisme pour se rendre de
Marrakech à l'Oukaimedem. Un nouveau centre de
tourisme et de sports. d'hiver est ouvert, qui sera
un des plus beaux smon le plus beau de toute
l'Afrique du Nord. Déjà de nombreuses demandes
d'.au~orisation.de .~ât~r ont été déposées; à bref
delai le bord] mIlltalre ne sera plus isolé mais
figurera en bonne place dans l'agglomération des
chalets d'estivage et des hôtels modernes de la
nouvelle station.
La route de l'Oukaimedem ouverte après deux
« saisons }) d'efforts .opiniâtres vient ajouter une
maIlle de. p!us, au :eseau déjà si étendu que le
Maroc do.lt a 1Armee et le bordj militaire est 1:1
cellul~ mere ?'une nO\lvelle agglomération s'aJoutant a tant d autres nees de la même manière.
Les crues de l'oued Sebou
. et les inondations de la plaine du Rharb
u
fait de son relief et de son climat, l'Afrique du Nord Française n'est pas arrosée
à proprement parler par de grands fleuves.
Les plus importants de ceux-ci sont l'Oum er Rebia et l'Oued Sebou. Ce dernier, par son bassin
de l'ordre de 40.000 km 2 , sa longueur de 600 km.
et son débit moyen d'environ 700 m 3 /s. est un
cours d'eau comparable à la Garonne (longueur
720 km., débit moyen 700 m 3 /s.>.
D
Le Sebou naît dans le Moyen-Atlas et en draine sensiblement tout le versant N.-O. avant de recevoir son principal affluent l'Ouergha qui recuei.'le toutes les eaux s'écourant sur le versant Sud du
Rif. J·usqu'à son entrée dans la plaine du Rharb,
<l.ans la région de Petitjean, le Sebou est un fleuve
à profil en long assez accentué, ce qui lui confère
un caractère torrentiel; dans le Rharb, au contraire, il accuse :une pente beaucoup plus douce et
il serpente en d'interminables méandres avant
d'atteindre l'Océan à Port-Lyautey (fig. 1).
La plaine du Rharb est une création du Sebou
et représente l'accumulation, au cours des siècles,
des débris arrachés à la montagne par le fleuve et
ses affuents. Aujourd'hui encore, le ralentissement
des eaux arrivant dans la plaine favorise des dé-
pôts qui s'accroissent d'année en ~mnée. De plus,
à chaque crue, les eaux plus chargées encore de
matières solides les déposent de part et d'autre
des berges en cas de débordement, si' bien qu'en
définitive, dans l'immense plaine du B.harb, les
points hauts sont constitués par les cours d'eau
entre lesquels subsistent des points bas ou « Merlijas}) plu.s ou moins marécageux, selon la saison.
Ce dépôt d'alluvions a entraîné ün phénomène
d'endiguement naturel du cours d'eau qui déposant toujours au même endroit tend à haus~er
constamment le niveau de son lit.
Ainsi les berges du Sebou dominent les zones
environnantes, ce qui donne à ses débordem~nts
un caractère catastrophique dans le Rharb. Les
eaux recouvrent alors des surfaces énormes, plus
de 150.000 hectares en 1941, et, de même que sur la
mer, la vue s'étend à l'infini sur une surface liquide d'où émergent les habitations, les arbres et
aussi les berges du fleuve, elles-mêmes encore dominées par les ponts qui constituent les points les
plus hauts du paysage. Les eaux débordées s'accumulent dans les bas-fonds pendant des mois où
vont vagabonder à des distances considérables suivant des trajets atteignant jusqu'à 120 km. avant
de trouver un exutoire.
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139-
Processus des crues
Le bassin àu Seboll comprend les régions où
les pluies sont les plus abondantes au Maroc. El.:
les atteignent leur maximum - 1.200 mm. par an sur les versants Sud du Rif (Zouml); elles varient
entre 600 et 800 mm. dans fe Moyen-Atlas et la rp.gion {}e Fès-Taza; enfin, elles sont encore de 800
mm. par an dans le Rharb.
Or, ces pluies t.ombent presque exclusivement
en hiver et se caractérisent par une extrême VIOlence dans le bassin àe l'Ouergha - on y a enregistré des chutes de 145 mm. en 5 he';Jres - particulièrement entre le 15 janvier et le 15 mar-s.
Enfin, le haut bassin du !Sebou culmine à 3.000
m. <lans le Moyen-Atlas, et à 2.500 m. dans le Rif,
si bien, qu'en hiver, une notable proportion des
précipitations atmosphériques s'y accumulent sous
forme de neige.
C'est lorsque les pluies sont les plus violentes
et abondantes et qu'elles coïncident avec ,un adoucissement de la température, entraînant une fonte
des neiges, qu'il se produit une crue dont l'importance est proportionnelle i'l. celle des pluies. En
effet, les terrams sur lesquels tombent ces pluies
sont presque complètement déboisés et dénudés,
dans le Rif particulièrement, si bien Que le sol ne retient qu',;Jne très faible proportion des eaux qui
ruissellent presque entièrement.
Du fait qu'i'l <lraîne la zone de pluviosité
maximum, elle-même constituée par les versants du
RH exposés au Sud et où, par conséquent, la fonte
des neiges est plus grande, et du fait aussi <le son
profil plJs accentué, c'est presque toujours l'Ouergha qui entre le premier en crue et de la manière
la plus brutale. Dans le haut bassin du Sebou, en
effet, le déboisement est moins complet, les pluies,
en général, moins abondantes, le versant n'est nas
exposé au Sud et, enfin, le profil d,u fleuve est
moins en pente, si bien que ses crues sont plus
lentes et plus progressives.
En cas ÙB cr'Jes simultanées des deux cours
d'eau, les maxima de celles-ci se produisent toujours avec un certain décalage <lans le temps. Si
on les observe à l'endroit de leur confluent, à Magrouna, on constate l'arrivée, en premier lieu, de
la crue de l'Ouergha, toujours plu::: violente, mais.
en général de durée relativement c.ourte - 2 à. 3
JOJrs (fig. 2) .. Si cette crue se produit seule, elle
n'a pas de conséquences trop grave:; en aval; mais
si elle concorde avec une crue, rr:ême faible, du
Sebou, les conséquences peuvent être très sérieuses.
En cas de crue simultanée des deux fleuves
celle du Sebou arrive au confluent avec un retard
de ~ à 3 jours (fig. 2) ; elle se fait plus lentement,
maIS duIt: plus longtemps et, en tous les cas, prolonge dans le temps celle de son affluent pour toutes les zones situées à l'aval.
Crues antérieures
L'on n'a pas de renseignements sur les. crues
qui ont,pu se produire au cours <le l'histoire ayant
l'arrivée des Français. T,outefois, les caractéristiques du fleuve et la répartition de la population
montrent qu'elles ont dû être fréquentes, et qu'en
tous les cas elles ont été ,un obstacle à l'utilisation
de la fertilité des alluvions de la plaine du Rharh
Les premiers renseignements sur les débits du
Sebou et de l'Ouergha datent de 1914, mais, jusqu'en 1927 ils sont restés très sommaires; ils permettent c~pendant <l'établir que, pendant cette époque, la durée des crues n'a jamais'dépassé 48 heures.
C'est en 1927 que l'on observa,pDur la première fois, une crue qui fut très soudaine et occasionna des dégâts importants.
De nouvelles crues d'importance moyenne furent enregistrées en janvier-févrie: 1~30, décembre
1933 et décembre 1937. Mais, en fevner 1940 et en
février 1~41,. eur~n~ lieu les crues. les plus imp.ortantes qUI aIent ete encore observées, tant par leur
Intensité que par leur durée.
, En 1941, le. débit m~suré 'par l'Ouergha, à
M Jara, a attemt le chIffre Impressionnant de
6.QOO m 3/s. (fig. 2) - (débit moyen do;} Rhône 2200
m 3/s) - et des <lébordements eurent lieu pe~d~nt
une centaine d'heures, déversant un volume d'eau
évalué à 300 millions de m3.
Au cours de toutes les crues connues le rôle
prépondérant ~. été j~ué par l'Ouergha, ta~<lis que
le Sehou res.talt r~latlvement bas. Cela résulte du
processus decnt Cl-dessus. En février 1942, cependant, le Sebou eut une part relativement beaucoup plus importante dans la crue et atte~gnit à
Abd-el-Aziz, le <lébit absoI;}ment exceptionnel p~ur
lui de 1.200 m 3 (fig. 3).
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La crue de Janvier 1948
La crue de janvier 1948 correspond à un grossIssement pxtrêmement violent de l'Ouergha, - le
plus important qui soit connu et qui emporta même
les appareils de mesure à\l pont de Khémichet, c suivi d'une légère montée des eaux du Sebou.
Elle débuta le 26 Janvier, et, dans la matinée,
Fès-el-Bali annonçait une violente crue de l'Ouergha, Cependant, le Haut-sebou paraissant rester
calme, on pouvait penser que les i~lOnda:ions à
craIndre se 1i.miteraient à la VaUee meme de
l'Ouergha sans menacer le Rharb, et. de fait, le
soir même, la basse vallée de l'Ouergha, dans la
région de Djorf-el-Mellah était sous les eaux.
Dans la nuit du 26 au 27 janvier, le flot progressant atteignait, il, Magrouna, le confluent d~
Sebou et de l'Ouergha et le niveau des eaux ?e~
p'assant la hauteur des digues, déjouant les espOlr~,
c!6mmençait à inonder la plaine entr~ Magrouna
et lSouk-el-Djemaa des Aoufat, Sur la rIve gauche,
les eau~ ,att~ig~aient la route de Petitjean à Mechrabel-KsIrI, 'amSI que ~a voie ferrée rte Tanger-Fès,
dont le leger r~mblaI formait barrage. Le volume
des eaux groSSIssant sans cesse se déversait d'ah~rd par-des~us la voie ferrée. dans la mer<1ja ŒIDJouad~ Belll-Assen et Kbiral, puis emportait le
remblaI et le ballast sur de longues distances.
For,t heure~sement, le ~eboCl n'apportait simultanement quune crue très faible, évitant ainsi
des catastrophes beaucoup plus importantes, Néanmoins, la. localité Ide Mechra-bel-Ksiri, protégée
par une dIgue, n'échappait à une catastrophe qu'à
moIns de 10 cm. près dans la hauteur des eaux.
. Le 28,au matin, la crùeatteignait son ma:inmum au confluent de l'Ouergha et du Sebou, mais
le yot .allant de l'avant atteignait Si Allal Tazi le
meme JOur sub~ergeant. en de nombre!~x: points, les
deux ro~tes, 9- Ul longent le fleuve, de part et d'autre, PUIS, s ecoulant sur la rive droite; éOupaitla
__
"i
"-
route de Rabat à Tanger et remplissait les deux
merdjas Bou Kharja et Merktane; pour cette dernière, la vidange dura près de deux mois.
Le 29, la décrue commença à se faire sentir à
partir du confluent à Magrouna, mais le flot s'écoulant vers l'aval continuait à submerger des terres nouvelles. C'est ainsi que, sur la rive gauche,
'les eaux Uébordé~s, colleQtées par l':Ouetl Beth,
venaient se rassembler dans la région d'El Mograne, coupant à nouveau la circulation sur la
route de Rabat à Tanger, à la fois au Nord et au
Sud d'EI-Mograne.
Le 30 et le 31, le flot finissait de s'écouler et
li.bérait peu fl, peu les terres submergées. Seules, les
merdjas restaient encore remplies pour un temps
assez long dépassant plusieurs mois pour certaines:
Le bilan de la crue (fig. 4) se traduisait par
l'inondation d'une surface de 100.000 hectares, correspondant au débordement de quelques 200 millions de m 3 d'eau pendant une durée qui fut de
49 heures à Tazi.
Fort heureusement, le flot passa suffisamment
vite pour que les dégâts occasionnés aux cultures
ne soient pas uréparables et se limitent seulement
142à des diminutions plus ou moins grandes des rendements espérés.
Sur toute la zone inondée, les douars indigènes ainsi que les immeubles de toute nature servant aux logements ou à des exploitations rurales
furent durement épro~vés.
Grâce, notamment, à l'envoi de toute urgence
de plusieurs équipes de Sapeurs du 31ème Régiment du Génie, munis de bateaux et du matériel
convenable, toutes les personnes en danger purent
être s·ecounElS et évacuées à temps. De plus, les
Sapeurs contribuèrent en même temps, dans une
large mesure, au ravitaillement des populations
des fermes et douars isolés par les eaux et sans relation avec l'extérieur pendant pluRieurs jours.
1
1
A l'exception du remblai de ra voie ferrée du
Tanger-Fès, emporté sur une longue distance, il
n'y eut pas de dégâts importants aux Travaux PubUes, cependant, les communications routières et
ferroviaires avec la zone Nord du Maroc, furent
interrompues pendant une semaine, ce qui ne fut
pas sans causer un préjudice série~x à l'économie
locale.
Protection contre lês crues
Pour se protéger contre les crues du Sebou et
éviter les inondations périodiques du Rharb, on a
envisagé deux sortes de mesures :
les unes destinées ft, faciliter l'écoulement
des eaux vers l'aval;
les autres ayant pour but de retenir les
eaux en amont.
Pour faciliter l'écoulement des eaux vers l'aval, il faudrait augmenter la pente du lit du fleuve. On y parviendrait, dans une certaine mesure,
en rectifiant ses méandres, comme cela a été faH
pour le Rhin, Cependant, il ne semble pas que le
profit serait en rapport avec la grandeur du travail, en raison du caractère extrêmement plat de
la plaine du Rharb. De plus, il est à craindre qu'une amélioration éventuelle dans la région de Ksirl
entraîne des inondations plus importantes dans la
zone aval.
Dans cette ,ordre d'idées, il est à remarquer,
cependant, que les travaux actuellement en cours
pour assécher la merdja Marklane, au Nord de
Tazi, auront pour effet de favoriser l'écoulement
rapide vers la mer, par l'Oued Segmeth, des eaux
débordées dans cette région (fig. 4).
Par contre, la retenue des eaux fi; l'amont par
d'importants barrages semble devoir être beaucoup
plus intéressante, On avait pensé, il y a une vingtaine d'années, réaliser deux' ouvrages gigantesques d'une capacité de 3 à 4 milliards de m 3 , situés, respectivement, à Melaina, sur le Sebou, en
aval de Fès et à M'Jara, sur l'Ouergha. 'Ma'is
l'examen approfondi des terrains sur lesquels de-
vaient être édifiés ces ouvrages montra qu'à M'Jara, ils étaient peu favorables à un tel projet; aussi celui-ci fut-il abandonné avant même que l'on
eût abordé le problème de son financement, et les
études ne sont-elles poursuivies, actuellement, que
pour le barrage de Melaina <lont -la réalisation pa-.
raît possible.
Ces études ont été interrompues par la guerre
et reprises depuis sur des bases nouvelles avec,
comme double but, non seulement de retenir les
eaux en cas de crue, mais encore de distribuer
cette eau ultérieurement pour l'irrigation du
Rharb. Il semble Q.ue des réservoirs d'une ,capacito
de un milliard de m 3 au total pourraient permettre d'atteindre ce double but.
Actuellement, des sondages sont également en
cours à Qurtzagh, sur l'Ouergha, afin de préparer
la construction d'un autre barrage en cet endroit
rétréci du lit du fleuve; il semble que cet ouvra~
pourrait être entrepris dès que le problème de son
financement sera résolu.
A ce jour, seul l'Oued Beth, deuxième affluent
du Sebou dans l'ordre d'importance, a fait l'objet
d'une régularisation par la construction du barra.ge d'El Kansera, à quelques kilomètres au S~d de
Siidi Slimane,
Nonobstant ces travaux, un service de surveillance du fleuve et de ses affluents fonctionne
depuis plusieurs années; il permet de prévoir les
crues avec une avance de 36 heures à Ksiri et de
48 heures à Kazi, ce qui permet d'alerter en temps
utile les populations menacées.
•
-----
80v
---
.
SeLham.
J
1
•
~-.r
fig 4-.
Inondlafions de fa pLaine
du RHARB en 19'18
~ch~mcl.. èpp,·oximal:if de~ .zones inoYldees
Lchd1.e ~
-t0I_ _1
.z,ont!S ~nondÙs.
--3+~_M-3t_-.;4~""---..:j~
Km.
1
1
•
._.
-Jj
-
144-
Conclusion
En définitJve, les crues du Sebou dans le Rharb
se caractérisent par une extrême brutalité, imputable presque exclusivement à son affluent 1'0uergha. Mais si les surfaces inondées sont très grandes et peuvent atteindre les deux tiers de la riche
plaine dei Rharb, leur faible durée fait, qu'en général, si elles causent de sérieux dommages, elle<;
n'ont pas eu, jusqu'& présent, de (~onséq'uences
abwlument catastrophiques.
Les remèdes à y apporter résidf'nt presque entièrement dans la régularisation de l'amont du
Sebou, et surtout de l'Ouergha, par des barrages
qui seraient susceptibles, en outre, de constituer
une réserve d'eau précieuse à, distribuer à la saison sèche. Il serait particulièrement désirable pour
la prospérité du pays, qu'ils puissent être réalisés
prochainement.
•
1
'zn
-
---- ---- -- --------
ème
Le 2 R. T.M.
pendant les opérations
de Mai 1944 en ITALIE
PREMIERE PARTIE
vu.:
1
BUT ET MISSION.
Dans le cadre de l'attaque alliée déclenchée sur le front d'Italie, llel 11 mai 1944, la 4ème
D.M.M. avait veçu pour mission, en liant son mouvement avec la 2ème n.I.M. qui s'rlmparait
dies hauts du tie'rrain, de prenare le Col de Crisano, puis de se raba,ttre. v,eJrs le Sud pour
.conquérir la ligne de crêtes C~schit~-Reanni, ensuitè exploiter vers l'Ouest.
VEC deux Régiments en ligne, (6ème
KT.M. au Nord, 2ème R.T.M. au Sud),
la 4éme D.M.M. avait dosé comme suit
les efforts: au 6ème KT.M., disposant
de ses trois bataillons échelonnés en profondeur,
un fmnt d'attaque de 600 m., mais la charge de
s'emparer de la crête d~ Feuci pour permettre au
2ème KT.M. son attaque ultérieure. Au 2ème K
T.M., la mission de conquérir les cr~tes Ceschitc:335-Reanni avec en ligne deux bataIllons orgamques (plus 1 bataillon du 4~me KT.T. c~arg~ de
s'emparer du Siola), et, en reserve, 1 bataIllon gre~
vé d'une interdiction d'emploI. Front: 3. km., appUI
d'arti.llerie, pas de préparatiOn.
Devant le 2ème R.T.M., d'ab:ord la position de
résistance ennemie sur un glacIs descendant JU~­
que dans le ravin d~ Rivo Grande, aux parOlS
abruptes. Puis, la remontée, ,par d~s pez:t~s <!e
l'ordre moyen de 11,5' %, sur l~ Ceschlto 5d.emvelee
moyenne, 350 m.), premier objectIf du RegIment.
Si l'on y parvient, deux .objectifs plus loin·
tains: le débouché vers la plame de l'Ausente, la
montagne au delà.
Un tel dispositif linéaire, l',empl.oi ~es ~e~x
prévus à l'horaire, l'absence de reserves ~rr;t~~dIa­
tement utilisables excluai.ent toute p.osslbI~Ite ~e
manœuvre. Il fallait, 0:.1 bIen se con~enter d ~n raIe passif de rideau, ou bien foncer bIlle en tet~. L~
2ème KT.M. sollicita l'honneur d.e foncer, qUI lUI
f)..lt accordé. De toute son ardeur, Il Y alla. On ver·
ra que ce ne fut pas inutile.
A
II. -
MOUVEMENTS 'PREPARATOIRES.
. Avant l'a~taque du 11 m~i .44, le 2ème KT.M.
tle.1?-t le Sous>'iecte~r du GarIglIano, avec trois bataIllons en lIgne; du Sud au Nord:
II/2ème KT.M., quartier Sujo.
I12èrr:e KT.M. et CM, quartier Rotondo-Nata.·
III/2eme KT.M., quartier Fuga-Furlito.
Dans Ip;s nuits du 9/10 et du 10/11, le dispositif
~s~ resserre po';!r pert;Iettre l'entrée en ligne des
elements charges de 1attaque de rupture, savoir:
le II/2ème R.T.~. est relevé par le III/4ème
KT.T. et passe en reserve de Hégiment sur le Rotondo,
, le l/2ème R.T.~. se resserre sllr sa droite pOUl'
faIre place au Ij4eme R.T.T. sur le Nata,
le I~I/2ème K:r.M. se resserre sur son centre
pour, faIre place ~. une partie du l'2ème KT.M.
sur sa ga~che et ft une partie du 1I6ème KT.M
sur sa drOlte.
.
III. -
ATTAQUE DE RUPTURE.
Le 11 mai: à 23 h., les III/2ème KT.M., I12ème
KT.M., et I14eme R.T.T. se portent sur les pentes
Ouest des cro~pe~ Nata-Furlito, en base de départ
Mouvement ~eussI pour les I14ème KT.T. et I12èm~
KT.M., par~Iell.emen~ enrayé pour le IIII2ème R
T.M. ~ont_ 1actlOn depend de celle du I/6ème R T'
M., lUI-mem2 stoppé presquê dès le début.
"
d
,._~;.-
-
146
Le 12 mai, à 5 h., démarre l'attaque de rupture
Les trois bataillons du Régiment en première ligne se lancent à l'assaut avec fougue, mais sont
arrêtés sur la ligne principale de résistance ennemie par des feux croisés d'armes automatiques
sous casemates, derrière des champs de mines.
L'avance totale réalisée atteint en moyenne 1 km.
de profondeur devant les deux bataillons de gauche, 400 m. devant celui de droite.
Dans l'après-midi, l'ennemi lance un violent
retour .offensif puissamment accompagné d'artillerie et de mortiers. Il est contenu, puis rejeté
avec de lourdes pertes sur le Siola.
Le 13 ma,i, le Régiment continue à fixer l'ennemi en le harcelant, pendant que reprend l'attaque aux ailes. Liant son mouvement aux leurs, il
porte au N. E. de Castelforte dans la nuit du 13
aû 14 une Compagnie qui assurera la liaison entre
le 6ème RT.M. sur le Ceschito et le 4ème RT.T.
sur le Siala, nettoyera le Riva' Grande et fermera
la nasse, Dans la journée du 14, avec l'aide de
4 T.D. pour lesquels un chemin d'accès a été aménagé en pleine montagne par le 1er Bataillon
<Capitaine Diebold) et la Compagnie du Génie 82/2
(Lieutenant Brennier), véritabl,e tour de force réalisé au cours de la nuit, la position est prise à
revers et nettoyée. En ces trois j.ours, l'ennemi a
abandonné plus de 200 prisonniers, des armes· et
du matériel en qûantité, dont au moins 7 lance·
flammes fixes repérés sur le terrain. Les champs
de mines sont délimités et les morts inhumés ou
enlevés.
IV. -
EXPLOITATION.
Dès le 13 au soir, le II/2ème RT.M., Bataillon
de réserve du Régiment est affecté au Groupement
Bondis nouvellement f,ormé. Il se porte, d'abord,
sur Crisano, où il reçoit l'ordre de foncer le plus
rapidement possible vers le plateau de VaUocia
qu'il aperçoit à l'horizon. Le 14, vers Cardito, il
prend contact avec des chars alleman<is patrouillant sur la route Auson,ia-Castelforte, entre lesquels il se faufile, ramasse quelques prisonniers
et se porte au pied de la montagne.
Le 15, au lever du jour, il se lance à l'escalade
de la falaise du Famm~a.
A mi-pente, la section d'éclaireurs skieurs du
2ème Bat,aillon se heurte à des guetteûrs ennemis,
en tue quelques-uns à l'arme blanche et en capture
deux sans avoir tiré un coup de feu ni donné l'éveil. Avec un élan magnifique, l'AspiraI:lt EstabIle
entraîne sa Section d'éclaireurs et file vers le sommet suivi de la 8ème Compagnie. La côte 1.038 est
débordée par la droite; la résistance ennemie qui
s'y trouvait est surprise, se défend oravement à
courte distance, mais finit par tomber, livrant à
la S.E.S.l2 et ~. la Compagnie cent-vingt captifs,
dont un Herr Mayor, 2 lieutenants, 1 Aspirant, 1
Feldwebel. Mille mètres de dénivelée en falaise
grimpés au pas de course, l'arme prête; le guetteur ennemi, surpris, la résistance à la lèvre du
plateau submergée, effort splendide,' mais résultat
magnifique, c",r il nous livre toute la partie N.ord
du Massif des Monts Aurunci, en ouvre la port~,
à la Division de Montagne (1) et per\net à la 3ème
nI.A. d'amorcer le débordement des résistances
d'Ausonia-Esperia. Cette opération si vivement menée, si bien réussie, met le Batailon Grimal
(II/2ème RT.MJ en joie.
Cependant, le reste du Régiment, traversant
par des sentiers épouvantables le massif entre Garigliano et Aus,elnte, vient rejoindre le Groupement
1
Bondis sur le Vallocia, non sans abandonner au
passage le II2ème RT.M. envoyé en réserve de
main-d'œuvre à Spigno.
Le 18, il se porte sur de noûveaux objectifs:
Vaccaro-Fumone, pour le IIII2ème R.Ti.M., San
Martino pour le II/2ème R.T.M. L'embouteillage de
l'unique piste muletière ne lui permet pas d'arriver à temps pour sauter le soir même sur le Coronella et le Pota dont la prise permettrait de menacer directement Pic,o. Ce sera pour demain. Mais,
le lendemain, le boche attaque: le IIII2ème RT.M.
sO:1tient les goumiers, le II/2ème RT.M. est relevé
par des éléments de la 3ème nI.A. et, dans la nuit
<iu 19 au 20, l'ordre arrive d'un changement de direction. On se redresse donc vers le N.-O. Et ce
sont de nouvelles et interminables marches en
montagne, vers Valle du Lago, puis la région Est
de Monticelli di San Onofrio, débordant chaque
fois par les hauts les défenseurs allemands arrivant en camions par les routes de vallées.
Pour le 21, le 1er objectif est la ligne de hauteurs surplombant au S:1d la route Pico-Itri, le
2ème objectif celle qui la flanque au Nord. Il y a
entre les deux un carrefour particulièrement vital
pour l'ennemi, qui lui permet ses rqcades, ses envois de renforts en camions, ses mouvements de
chars, ses ma'nœuvres d'artillerie- automotrice. Il
a Cû le temps d'y jeter du monde, et nous le fera
bien VOlr.
V. -
1
1
NOrJVELLE ATTAQUE nE RUPTURE.
De 9 h. à 15 h., le IIIJ2ème RT.M. progressent
difficilement en direction des cotes 466-480, finit
par se heurter à une ligne continue, subit de lourdes pertes et se voit finalement cloué au sol à
environ 1.000 m. de l'objectif. Un combat de rupture est rapidement <:Iécidé par le Commandant
de Groupement et orchestré pour 18 h. 05 après
15 minutes de préparati.on d'artillerie et de mortiers, de protection par fumigènes et ALeA. On attaquera avec 2 Compagnies dans le compartiment
de terrain 480 - Castello - Mont « Pelé» - Calcarato,
prêt à exploiter après rupture en direction du col
416.
Ainsi fut fait. Mais les Commandants de Compagnie n'avaient pas de cartes; un des porteurs
d'ordres n'est pas arrivé à temps près de Son Capitaine. Les tirailleurs démarrèrent avec fougue.
mais les deux Compagnies se portèrent sur la mê·
me croupe, effectivement pelée, d'où un flanc découvert. En .outre, dès le départ, l'un des deux capitaines fût tué d'une balle au front et l'un des
postes radio mis hors service. De puissants barrages d'artillerie et de mortiers allemands vinrenf
augmenter la difficulté. Vers 19 h., l'unique renseignement reçu sur la situation, émanant <:lu seul
poste radio intact servi par un opérateur très ému,
signalait ce décès, l'attaque clouée par des feux
de mitrailleuses, les deux Compagnies mêlées réduites à un groupe de 50 hommes encerclés par
l'ennemi, les munitions épuisées.
Le Chef de Bataillon engage alors sa dernière
Compagnie, cependant que le Commandant du
Sous-Groupement fait avancer en position d'attente le II/2ème R.T.M. tenu en réserve. Il apprend que la jonction est réalisée, après quoi la
radio reste définitivement muette, et la nuit de
Mai finit par tomber sur l'anxiété du P.C., tandis
(1) L(J 3 m • G.T.M .• placé il la g-auche (lu II/2° R,T.M,. a
déhouché en méme temps que lui des haut.eurs du Crisano le
13 à 12 heures.
1
•
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•
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1
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..- - - - - - ; . . - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -........- - -_ _...ol....
-"
f,,:.'
que les bruits de combat s'estompent et paraissent
s'éloigner.
L'arrivée des premiers blessés, des premiers
prisonniers jettera les premièr,es lueurs sur cette
obscurité. De leurs renseignements fragmentaires
déjà anciens, ressort' cependant que les unité;
dissociées et mélangées,· subsistent, bien qu'éprou:
vées; qu'on tient, qu'on se reforme, et surtout que
l'objectif est atteint (2).
'
IPeu à peu, on saura qu'il l'avait été tout de
suite grâce à l'élan magnifique des élémentsâ'assaut; qu'on avait tenu sous le feu, repoussé l'es
c0!1tre-attaques, et que, finalement, l'ennemi avait
fu~. On apprendra le lendemain que plus d'une eentaIlle d'hommes, glissant verS la vallée sous notre
menace, ~vait ~té se rendre à une unité voisine,
toute raVIe de l'aubaine, alors que nos tirailleurs
n'en ont capturé que 35.
Les difficultés du terrain, la nuit sans lune,
les défaillances des appareils radio ont refusé au
III/2ème RT.M. la joie de cueillir les fruits complets de sa victoire. Au prix de lourdes pertes, il
avait conquis le terrain, mais n'avait pu ni ramasser les dépouilles rie l'ennemi, ni signaler aux
camarades prêts ft s'enfoncer dans la brèche, que
celle-ci était faite. Les' automoteurs, les mortiers
quelques tireurs allemands donneront encore touté
la nuit l'impression que cela tient. Pour pouvoir
exploiter, il aurait fallu, comme Josué, arrêter le
soleil.
VI.
~
EXPLOITATION LOCALE.
C'est le 'endemain 22 qu'après étude de la situation au cours de la nuit, et compte tenu des patrouilles lancées au petit jour, on commence à ressentir l'impression d'un repli chez l'ennemi.. Une
attaque avec préparation d'artillerie doit être déclenchée, devant la gauche à 15 h~, par nous à 16
h. Un tel baroud est-il indispensable? Le Commandant Grimal s'offre à s'en assurer. Il enverra
sa S.E..s. sur le Castello, prêt à suivre le mouvement en engageant progressivement son bataillon.
Il est 11 h. 30. Le délai laissé pour transmettre les
ordres, déclencher les patrouilleùrswavoir: leurs
rens.eignements, est bien court. Il sera cependant
s.uffIsant. pour éviter une perte de temps, un inutIle gaspIllage de munitions et une grosse fatigue
aux mulets qui les transportent.
Le terrain est terriblement dur, le ravin à
pic, la remontée harassante. Des chars ennemis
patrouillent sur la route, où le barrage s'abat entre
chacun de Jeurs passages. N'importe. Establie passe avec sa S.E.S., suivi de la 'Compagnie Schneider, puis de la Compagnie o.outal, refoulant quelques ti~eurs isolés, mais poursuivie par des conceI!tratJOns de feux de mortiers. Le Castello est
pns, mais le Capitaine Schneider est tué ses 4
chefs de section blessés. Le Lieutenant Gout~l reste
s~ul .~our deux Compagnies, 3 de ses chefs de sectIon egalement tués ou blessés. Et les tirs continuent, toute la nuit, impitoyablement, à écraser
ce piton. dont .le jumeau, juste en face, est toujours
aux maIllS du Boche. Et les chars allemands continuant à s'en donner R cœur-joie, de mitrailler
nos tirailleurs isolés sur leur caillou, impunément,
car nos chars à nous devant arriver dès que la
mute sera dégagée, nous ne posons pas de mi'lcs
pour leur laisser la voie libre.
Au petit jour, un Régiment voisin dOlt relever nos hommes. Il n'arrivera qu'après-midi. Doit.
148on se replier? On se repliera quelques instants.
mais seulement pour revenir plus en force, s'ins.
taller tout de bon sur le terrain, ramasser les
morts, évac~er les blessés et livrer une position
sûre aux camarades relevant. On a perdu 108 hommes et presque tous les cadres, mais le II/2èm~
RT.M. ne recule pas.
Sacrifice inutile? Non. La route est dégagée;
nos chars passer.ont, l'ennemi cède. Demain, nous
pourrons repartir dans la montagne, pour un nouveau débordement par les hauts, pour une na~vel­
le menace qui entraînera chez l'ennemi un nouveau repli.
Et l'on repart, le lendemain, 23, cap au Nort}Ouest, une fois de plus. Le III/2ème RT.M., les
goums assurent la c.ouverture; le II/2ème RT.M.
et la fidèle C.M., q~i a tiré pour SOn appui à en
faire éclater ses tubes, suivront dans leur sillage.
Il s'agit de flanquer la manœuvre de la Division
vosine, par la progression et par la menace. Celles-ci, cette fois, suffiront. L'adversaire, déjà débordé par ailleurs, ne se hasarde plus sur les crêtes. On ne lui en a pas laissé le temps. Le mouvement continuera les 24, 25 et 26 par ColIi San
Martino, Cima Alta, . Colle Santa Lucia, Monte Calvilli, Monte Rotondo.
VII.
~
LA MANŒUVRE SUR AXE ROUTIER.
C'est, qu'entre temps, le Bataillon Diebold
(I/2ème R.T.M,) ne restait pas inactif.
Nous l'avions laissé en réserve de main-<l'œuvre, prêt à entamer des trava'ux de piste. Mais la
progression fut trop rapide pour permettre d'établir des pistes.
Quatre jours durant, le 17, le lB, le 19 et le 20,
il a poussé derrière les combattants, prêt à travailler pour eux, dépassé par leur avance. Le 21,
. mis à la disposition du Groupement Louchet, il
engage une Compagnie devant le carrefour des
routes Pico-Itri et Pico-Lenola. Le 22, son journal
de marche dit très simplement: « Les 3ème et
4ème Compagnies s'emparent de Lenola ». Ce qu'il
ne dit pas, c'est qu'elles y capturent 265 prisonniers
dont 9 officiers, après une manœuvre qui' arracha
des cris d'admiration aux cavaliers blindés, ses
témoins. Il faut entEmdre le respect avec lequel
ceux-ci parlent du « petit 'barbu », le capitaine
Vanuxem, qui mena le jeu.
Même simplicité dans l'exposé des faits du 23:
« Le Bataillon est regroupé à Lenola et va prendre
position i"t. 5 km. au Sud de VaIIecorsa », et du 24:
« Lè Bataillon arrivé ~. proximité de VaIIecOtl''la,
la 2ème Compagnie est refoulée 'au village tenu
par l'ennemi après avoir fait prisonniers 1 lieutenant Commandant de Compagnie et 10 hommes ». Mais, le 25: « Le Bataillon attaque le village deVallE-<lorsa à.. 5 h. 20. Les objectifs sont atteints à 7 h. 30 ».
Un pareil compte rendu est presque inexact
. par sa sobriété même. II ne donne pas, en tous
cas, la physionomie des combats. L'ennemi existe,
il se défend, il contre-attaque. Les villages sont
armés, et l'on y lutte, par moments, maison par
maison. La route est jonchée de matériel, dépôts
(2) Voir page t51 ci-apl'ès le récit détaillé.de cette opération.
1
- ------de munitions, voire même canons partiellement
démolis, abandonnés. Chaque phase est marquée
par un combat, qui vaut une relation à part (3).
Le 25, après avoir repris sa progression avec
l'appui de chars en direction de Cast,ro dei VoIci,
le I12ème R.T M. est stoppé par un violent tir d'artillerie. Il n'en porte pas moins ses élémentsavancés à hauteur du carrefour Sud-Ouest de cette localité, dont la conservation va jouer un tel rôle.
VIII. -
LA DEFENSE
nu
CARREFOUR CLEF.
Le 26, en effet, artillerie et mortiers ennemis
s'acharnent sur la 1ère Compagnie, qui garde ce
carrefour, lui bant ou blessant plus de 40 hommes
dans la journée, incendiant un de ses chars d'appui. Le Lieutenant Bayon, qui la commande, demande s'il peut la replier de quelques centaines de
mètres, la retirer du nid à obus. Non, il faut qu'elle tienne. Il tiendra. Guettant et patrouillant, réconfortant ses hommes. il se cramp.onne, cependant qJe le groupement blindé Louchet, puis les
motorisés de la Division, défilent toute la nuit à
300 mètres du Boche, par la piste et la route d'Amaseno. Au petit, jour, l'Allemand, soutenu par
son artjJlerie et des armes automatiques en protection de ses flancs sur les pentes du Lupino, attaque cette poignée de gens épuisés. Il est refoulé,
et le monotone défilé des véhicelles continue. Mais
il va faire clair, il faut se donner du champ. Et
Bayon lance de nouveJles patrouilles, en direction
du eol et de Castro dei VoIci. Elles sont bloquées
ou dispersées par les feuxi des mitrailleuses. On
recommence, cette fois avec des chars. Le Commandant du détachement blindé prescrit de disposer des tirailleurs couchés sur les superstructures des chars, 3 SJr chacun des 3 engins qu'il enVoie. Bayon s'élève contre cette manœuvre, qu'il
juge dangereuse et vaine. C'est un ordre. Soit: il
ira donc lui-même; et il assistera, impuissant, au
massacre de ses tirailleurs (sur 9 hommes, 2 tués,
4 blessés) par les mitrailleuses qui laissent passer
les chars et n'ouvrent le feu qu'à leur ret.oelr, bien
abritées qu'elles sont dans leurs casemates. C'est
miracle s'il échappe à ce tir trop ajusté, ce qui lui
permet d'abriter les blessés dans un fossé de la
route et de les brancarder en personne avec ses
deux tirailleurs valides jusque dans nos lignes.
L'ennemI est mordant, certes; mais, il faut en
finir. Chars et tank-destroyers sout envoyés pour
tirer à vue directe sur les armes <lont on a pu, au
moins appr.oximativement, repérer les elJlplacements. Dans l'après-midi, une section de la 3ème
Compagnie, en 2ème échelon, mana:uvrant par les
hauts, va fouiller les pentes du Lupmo et y t~ouve
<les cadayres ennemis et des casemates tout recem'ment abl,ndonnées farcies encore d'armes et de
matériel. L'Allema~d a cédé. Les efforts d,u I12ème
R.T.M., muins spedaculaires que les jour,s précédents ont néanmoins permis la manœuvre d~ la
Division, qui accroche de nouveau l'enr~emi à, 2~
km. de là S'JI' deu)è nouveaux axes routlers, celU\
deProssedi et celui de Carpineto.
IX.
NOUVELLE
ROUTIER.
,
MANŒUVRE
SUR
AXE
Le groupement blindé Lou.chet, s'est porté, ,lui,
.3. l'extrême gauche. Cette fOll~, c e~t le II/~eme
~.T.M. qu'il emmènera comme 'bat~Illo.n .porte, e!. '
Ce' BataJUàn'Grimal'sera -l'âme' de "la manœuvre,
~
---
-
149sur Carpineto et Montelanioo, comme le Bataillon
Diebold l'avait été sur Lenola et ValleQOrsa. Les
Allemands crochent dur, ils sont en nombre. Une
cart~ prise sur ~n .officier .indiquera qu'ils avaient
en lIgne 3 bataIllons, sur plusi€'urs posTiions succeSSlVes. Cette fois, ils tenaient les sommets. Il a
fallu manœuvrer, cogner, tourner, avec un fond
de tableau immense et des effectifs réduits.
,Sil Carpineto a été enlevé facilement,' en rev(tnche les couverts de la sortie ;Nord ont offert
à ,l'ennemi un te.rr(tin des plus favorables pour la
<lefense et c est a 1.200 m. du village que nos fira~lleurs se sont heurtés à un premier et très
solIde bouchon. Avant-garde, chars, tanks-destroye~s, ont, eté bl?qués net sous le feu d'un adversaI~e c?nace qUI a tenté de détruire sur place
no" blmdes. La Compagnie Ven Œème <lu II/2ème
R.T.M.!, qui faisait le lahm sur les pentes Est du'
PerentIle, s'apercçvant des infiltrati.ons ennemies
ve:s I,10~ char.s, et surp~enant ,un artilleur boche
casque ct un mICro en tr~m de regler des tirs. saute
à la gorge de J'adversaIre, l'oblige à lui faire face
et le pren<l, s,ous les tirs de sa base de feux. Puis,
par Ulle sene de petits débordements successifs
er: ,festons tout au long de la rOJte, elle force là
reslstance ,alle!1l.ande à lâcher pied, lui .occasionnant de tres seneuses pertes constatées par la suite par nos blindés.
. :Pa;allèl,ement, la. 7ème Compagnie et la SettIon <l.Eclalreurs Sk~eurs du Bataillon enfilaient
re~pectIve1?ent les crètes plus à l'Ouest, cette derm~re ~ttelgnant et enlevant le piton même du
PerentIle (1.021) contre un ennemi très supérieur
en nombre, qu'elle refoule en occJpant la croupe
880 (4).
~ ~ km. 50.0 dans I:Est, la 5ème Compagnie
(CapItame Leyzm) sautaIt en mêmE; temps sur le
Cat~Uo, dont, les pe.ntes Sud étaient fortement occupe~s par 1ennemI, et consommait la manœuvre
de debordement <lu bouchon de la vallée
~l est déjà 17 h. Les élements blindés' vont ten~er ne r~prendre la, pro~~ession sur la route, mai.s
Il le~r faut un SOu!len d mfanterie. Grimal engage
la 8eme ~omI?agme (~outa), et la progreSsIOn
repren<l ,1Jsqu ~ la b.z:eche de la, route, que nos
sapeurs vont rerarer a la tombée de la nuit sous
le f~u des mtraI!1euses ennemies, protégés par une
sectIon de la 8eme Compagnie.
.
C~tte dernière nu~t de mai se passe à la réparatIOn des destructIOn~ ~ur la route et à la reprIse du contact. Au petIt Jour, la 5ème qui talonne le Boche, occupe la Vetica; tout le Bataillon
reprend son n;t0elvemen,t vers Moutelanico, se heurtant progressIvement fi, .une posftion organisée à
1.800 m.au Sud de ce, VIllage, mais déjà' débordée
p~r .la ?eme C.ompagme. qui atteint le Prunio ver.,
n;ldl. L ennemI reaglt vlgoUr~Usemcnt par ses tirs
ct armes automatIqUeS, de mmes, j'artillerie et de
c~~r~. Il, nous faut faire ~nte.z:vemr notre artillene, ~pr~s une courte, malS VIOlente préparation
uos tlraII~eurs montent à l'attaque du village d'
la ~rOlte a la gaJche, et parviennent au pied' dee
m~Is~ns. 1;a s~ctIOn ~ecœur se bat dans les cou~
lOIrs, malS ler:nen;tI est trop cramponné, trop
~lOmb.z:eux, barn cade dans les maisons. Les T D
mtervle~nent ,a;J canon, à vue, <lirecte, ce qui
permet ft la 8eme Compagnie de reprendre sa progreSSIOn par la gauche, mais à tritvers de très so(3) Voir page 152 ci-après, le réci!'<létalllé tle 'cette
opératIOn, l'crI! par le Capitaine DIEBOl,D et le Li,eutenant
nrCHARD.
"
.
.
.
,_'
iil
(4), VOir page 153 ci;après, le récit détaillé de cette OIlé,'
ratIOn, "tcrlt 'parle Commandant-GRIM'AL.'
'
--.......-.l1J~;
-.... 1.-50 -..
Iidë$J:6l't;ilanisatibns.: Lac nuit"tombe. Une·..fusée' rou"
ge:' .SHetl'ee."Le hoche vient ..d'évacuer. ,A 22 h.,la
8ême 's,. pris :la' place de son adversaire et parvient
iFla· sortie Nord. ,une' nouvelle nuit doit êtz;e consacrée:· àla réparation. des destructions. Le lende~
mâin m·Min, '2 juin,lemO'uvement en' avant re.
prend; la8èmeCompagnie va oQcuper le piton du
Trojano 'et la 6èmé atteint le village de Garignam;
Le II/2èmeH.T.M. est alors relevé par les éléments
'm6torisés de la 3ème nI.A, qui, devant la route
ilhfin libre, prennent la poursuite à leur compte,
sur· des roulettes.
nombrer .nLde, rarnasserii·enfin upe ,aVapCl\de70
km, Par son action dans la rnontagn~, il ·!J.con.,.
tribué à ouvrir àIlos 'blindés la route de ,Rome,
dont il a fait sauter le dernier bouchon.
.
' ; Au passif, il pleure 742 pertes, dont 146décédés. Parmi èeûx-ci, les. Càpitaines Lenoble,BlI..
choud, Schneider, les Lieutenants Testu,'Prigent,
Abderrahmane, Thami,les Chefs de Sect1.on Lot'enzi, Lafuente, Malicheco, Lartigue; Riflet, Sérrès, la plupart tués par balles ou ayant sautés sur
des mines, c',est-à.ctire en tête de leurs hommes.
Qu'ils dorment en. paix. Leur'sacrifice n'aura pas
été vain. Leûr exemple sera suivi, leur mémoire
nous reste chèr,e. .
Dans le souverùr comme dans l'action, le2ème
R.T.M. reste fidèle à sa devise: « FAIS CE QUE
TU· FAIS ».
P. C., le 7 juin 1944.
Le Colonel BUOT de l'EPINE,
Commandant le 2ème R.T.M.
CONCL,USION
Cette premiére phase est terminée; le Régiinent a, à son actif, plusieurs sommets conquis, 5
villages enlevés dont 4 de haute lutte, plusieurs cen·
taines de cadavres ennemis, 720 prisonniers, du
matériel de guerre qu'il n'a eu le temps ni de dé-
o
R.lQ.~~
.
)
~.'
,
z
151 _ . .
DEUXIEME PARTIE
QUELQUES OPÉRATIONS LOCALES BIEN MENÉES
1. -
VENLF:VEMENT DE LA COTE 466 :rAR LA
2~me KT.M. (21 MAI
Hème COMPAGNIE nu
1944).
1
1
1
1
Le 20 mai' 1944, après neuf jours d'attaque et
d'avance ininterr,ompues le 3ème Bataillon du
2ème RT.M., atteint les hauteurs de Monticelli et
d'Onofro, déjà tenues par les supplétifs du. lIème
Tabor. Il passe une journée calme, troublee. seulement par quelques tirs d'artillerie ennemIe. A
la tombée de ]30 nuit, les Compagnies I;elèvent les
Goums en vue de partir le lendemain matin dè
bonne heure à l'attaque du Pastenesse, massif dominant la route d'Itri à Pico, ft l'aplomb de SOn
carrefour avec le chemin de Pastena.
La lIème Compagnie, commandée par le Capitaine Collinet, est À, la gauche du dispositif, e~
lIaison, il l'Est avec des éléments du 1er RT.M., a
l'Ouest avec la 10ème du Capitaine .Jezeq'.lel. Elle
reçoit au départ son objectif: la cote. 466. Su: la
,carte un point anonyme, sur le terram url{ pIton
boisé, régulièrement conique, Que rien ne distingu~
de ceux qui l'entourent dans ce pays mouvemente
où les pitons succèdent a'.lX pitons à perte de vu~,
séparés par des coupures importantes, aux fourres
touffus.
Encouragée par la progression relativement facile des derniers jours, mis en confiance par les
renseignements optimistes des goumiers, la .~om­
pagnie s'apprète, loin de se douter que. 466 deSlgl:1:e
le haut lieu où se manifestera l'admIrable espnt
combatif qui l'anime, où ,elle au~a à. accept~r le
sacrifice total a'Jquel elle s'est preparee depUIs de
longs mois.
..
l' .
Les sections occupent un sommet bOIse, re le
par une vallée assez profonde à une hauteur couronnée par une maison q!!i ma~qu.e 466. .
Vers 6 h. du matin, le CapItame <?ollmet ,envoie une patrouille lointaine, c.ommandee I?ar 1 As~
pirant Brochon, pour reconnaître le terram et, SI
Possible faire des prisonniers. .
.
Les' deux groupes réd'Jits, dévalent du PIt?n
sans incidents. En remontant la pente . opp,os~e
ils rencontrent deux boches apeures,. qu'Ils cueIllent sans difficulté. Mis en garde pll:r cette re.ncontre, Ils cement discrètement la mll:lson, se gl~s.
sent jusqu'à elle, avec mille precautIOns, bondI,)sent en tirant quelques rafales ~e F. M. Un ~o~s~
.officier et sept allemands, surprIS par la raPld~~~
de l'action, sortent effarés, en levapt l~s bra~, ~e~
ont été abandonnés par la Compagme,. mam
nant repliée, et prétendent n'avoir pu faIre autre~
lllent que <:le se rendre. La pa.troUIlle r.egag~e 1
P. Cc de la Compagnie, satisfaIte des dIX pnso~­
niers et de la mitrailleuse lourde avec ses mumtions qu'elle ramène.
Dès son retour, le Capitaine décide de faire
mouvement en direction de l'objectif. A h . lit heures, la Compagnie s'ébranle, elle atteint la maison
sans difficulté, la dépass~. A droite et à gauche
s'enfonc-ent des vastes ravins; la 10ème Compagnie, que l'on voyait au départ, n'apparaît plus
mais 466 se découvre au delà d'un autre thalweg,
également important et très couvert auquel con,duit une succession de terrasses boisées descendant en pente dO'Jce. Chacun déjà sent le but à
portée de la main. Tout est pour le mieux. Après
un temps d'arrêt, regroupement, reprise de direction, le Capitaine donne à nouveau l'ordre de départ. Mais, vers la droite, très près, des coups de
feu retentissent, venant du ravin, il en faut plus
pour stopper la llème Compagnie. On continue à
avancer, l'œil éveillé. Aux prochaines rafales, les
tireurs ennemis sont repérés. Le gW.lpe d'extrême-droite enlevé Ipar le Sergent Mohamect ben
Moha, un intrépide gaillard barbu, fonce sur trOis
tireurs boches auxquels la rapidité de la riposte
ne laisse pas le temps de se ressaisir, et les abat
à bout portant sur leur pièce. L'un d'eux, atrocement blessé à la face, s'écroule en poussant un
hurlement; il a le réflexe, avant d'expirer, de sor.
tir '.lne glace .de sa poche pour regarder sa machoire emportée. Presqu'aussitôt, les mitrailleuses
allemandes se mettent à crépiter, elles sont à 40
m. environ des éléments de tête sur la droite. Le
Sergent-Chef Kotzinski, Chef de la 3èmelSectlon,
et quatre tiraille.lrs tombent mortellement frappés
Sous la protection des mitrailleuses et des
mortiers de 60 mm., dans un échange violent de
grenades à main et à fusil, chacun tente de se
porter en avant. Rien à faire, il faut momentanément s'arrêter, s'enterrer. Mais le Capitaine Collinet n'est pas hommè à abandonner la partie. Il
essaye de faire déborder la résistance sur la gauche par la Section Brochon. La tentative échoue:
bloqués par un violent tir d'artillerie, l'Aspirant,
le Sergent Zindy, 6 tirailleurs, sont grièvement
blessés, un autre tué. Le Sergent Exposito, toutefois, parvient à. amener son groupe à une centaine
de mètres à gauche du gros de la c.ompagnie, jusq'.l'à une maison, d'ml il a d'excellentes vues sur
466. De là, il tirera toute la journée, comme des
lapins, les boches qui descendent, de la hauteur,
pour aller à l'attaque de nos terrasses. Par la droite, maintenant, c'est au tour de la 2ème Section
de bondir (le Sergent-Chef Perrin a remplacé le
Sergent-ChefKotzinskil.
Magnifiques d'enthousiasme et de bravoure,
les tirailleurs dévalent les terrasses. Follement excités, tO'~IS veulent monter fl, l'assaut; un marocain
pourvoyeur de mortier, abandonne, sans rien dire,
-
152-
son gilet à munitions à côté de sa pièce pour foncer avec les v,oltigeurs. Ils parviennent jusqu'au
fond du ravin, mais sont à nouveau stoppés. D~
part et d'autre, les liaisons avec les voisins sont
depuis longtemps perdues. Le 536, qui relie le Capitaine avec le Commandant de Susbielle, Chef dlu
3ème Bataillon, ne fonctionne plus. Les tirs d'artillerie ennemie s'abattent de plus en plus nombreux, alors qu'il est imp.ossible d.e demander une
riposte amie. La situation est grave.
Pourtant, personne ne songe à s'inquiéter, il
y a bien trop à faire à guetter les mouvements du
boche, à parer à ses tentatives d'infiltration, à
riposter par d'autres tentatives encore plus hardies sanctionnées par des rafales de mitrailleuse
0.1 des c.oups de mains, pour penser à .se décourager. Il faut rester tendu dans la volonté de vaincre et la l1ème s'y entend. Vers 18 heures, la gauche du Secteur, qui avait été, jusqu'à ce momentlà, plus calme, s'agite. On a l'impression que l'ennemi tente une manoeuvre d'encerclement. Le
groupe Exposito est obligé d'abanrlonner sa maison pour rejoindre le reste de la Compagnie. Mais,
à ce moment, des rafales nombreuses et p}.1S lointaines détournent l'attention de tous. L'oeil exercé
des Marocains n'a pas été long à reconnaître les
« Sahab 10ème» qui montent 8. l'attaque. De l'un à
l'autre, la bonne nouveTle se répand, soulevant
instantanément un renouveau d'enthousiasme. De
toute la force de leurs mitrailleuses, de le'.1rs mortiers, les gars de la l1ème appuient la progression
de leurs camarades. Vengeance suprême, le Caporal-Chef Rapp retourne contre les résistances, une
mitrailleuse allema.nde restée sur place le matin,
à côté des cadavres de s'es servants légit'imes...
L'attaque de la 10ème a dû réussir, les tirs
d'armes automatiques ont peu à peu dimill'Jer d'intensité, ont peu après cessé.
Vers 19 heures 15, le Chef Perrin peut amener
une patrouille fouiller deux maisons situées dans
le fond du ravin, et non vues des positions de la
Compagnie. Il en revient rapidement, ramenant
des blessés de la 2ème Section parvenus jusque là,
et n'ayant tro'.1vé Que des civils et des cadavres allemands. Hélas, le Capitaine n'a pas le temps de
so réjouir de cette heureuse nouvelle, une rafale
d'artillerie, la dernière qui s'abat sur la Compag'nie, lui fr;acasse l'épaule. Le Lieutenant Chebll
et plusieurs tirailleurs sont blessés. Quoique sérieusement touché et ayant perdu beauc.oup de
sang, le Capitaine Collinet trouve la force de donner ses derniers ordres, et s'en va en criant « La
llème Compagnie restera toujours la l1ème Compagnie ».
Peu après, l'objectif est atteint sans autres incidents.. Au passage, gradès et tiraillew's peuvent
voir sur le terrain le résultat de ieurs prouesses.
Les cadavres allemands jonchent le, sol; un boche,
frappé d'une balle au front, renversé sur le dos
au pîed d'un arbre, un autre à plat ventre, fauché
dans sa course, un troisième effondré SO'JS sa mitrailleuse, bien d'autres....
....Spectacle impressionnant: faee à face, à un
mètre l'un de l'autre, deux cadavres, l'un allemand.
l'autre français, morts après une lutte corps à
corps, prouvent l'ardeur et la passion des deux adversaires en présence.
LES GLORIEUX MORT18J DE LA l1ème COMPAGNIE SONT BIEN VENGES : LEUR SACRIFICE N' AURA PAS ETE INUTILE.
2. -
PRISE DE LENOLA PAR LE 1er BATAILLON (22 'MAI 1944).
Aussitôt après l'occ1Jpation du carrefour des
routes Itri-Pico et Itri-Lenola par la 2ème Compagnie, le 22 mai, à 05 h. 30, des éléments de reconnaissance du 4ème R.S.M. ont été poussés en direction :
de PICO;
de LENOLA.
La reconnaissance vers ;Pico est arrêtée par
les destructions réalisées par l'ennemi sur la route. Au contraire, la reconnaissance en direction de
Lenola, forte d'environ Un peloton' de Sherman
américains, un peloton de T.D., un peloton de reconnaissance et un peloton de chars légers du
4ème R.S.M., arrive jusqu'à 800 m. environ du village S'JI' la route appuyée au flanc Ouest de la
Vallée.
Le village, perché, dans un col à l'Est de la
bifurcation des routes de Vallecorsa et Fondi, se
présente en trois éléments: le noyau, aux maisons
serrées et étagées sur la pente, se trouv·e à l'Est
masqué très longtemps aux arrivants par un mouvement de terrain situé fi, l'Est de la valiée. La
partie centrale, dominée par le Sanctuaire de Lenola, n'~st. faite que de la rue principale du villa·
ge. La partie galJche Ouest, enfin, n'.offre que quelques maisons dispersées, sur la pente, au-dessous
d'une chapelle: celle-ci coiffe une croupe ronde
qu'un col coupé de murettes et de pins parasols
rattache au sommet dU sanctuaire. Au pied de
cette croupe, la raJte bifurque: Lenola-Vallecorsa
d'un côté, F.ondi de l'autre.
Les éléments blindés ayant été accueillis à
800 m. du village par quelques coups de canon-antt-chars (un médium incendié), le Commamlant
Dodelier demande l'envoi d'une Unité d'Infanterie.
La 4ème Compagnie (Capitaine Pollin) embarque
à 12 h. et débarque sans incident. Presqu'aussitôt
s.oumise à '.ln bombardement violent (canons-automoteurs vraisemblablement), elle peut cependant
gagner une. base de départ à la hauteur des blindés
de tête.
.
L'idée de' manoeuvre du Commandant de Çompagnie est la suivante: éviter d'aborder le noyau
du village et pénétrer à L,enola par le carrefour
des routes Lenola-Fondi, la Chapelle OJest du village, puis le sanctuaire. Les positions de pièces
anE-chars déjà reconnues, seraient tournées du
même coup.
Sous la protection d'une base de feu installée
sur les pentes Est de la vallée (mitrailleuses et
mortiers) et du tir des T.D. et chars légers, les
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Sections de Voltigeurs atteignent à peu près sans
perte, par dcs itinéraires défilés (fossés, murettes,
haies). la Chapelle Oclest de Lenola où liaison est
prise avec les éléments clu 6ème RT.M.. Débordés. les Allemands se rendent en grand nombre: 146 prisonniers sont faits et les 4 pièces antichars ayant arrêté les éléments blindés tombent
entre nos mains: deux 47 italiens, dont un détruit,
deux 75 P.A.K., dont un mis hors d'usage par un
coup au but des T.D.
Durant la progression, se sont révélées diverses résistance:; de la partie médiane du village et,
surtout, dans les mais.ons et terrasses au voisinage
immédiat dcl sanctuaire. Le débouché de la 4ème
Compagnie de la Chapelle vers le Sanctuaire est
rendu impossible par des tirs ajustés d'armes automatiques ou de fusils partant du monastère transforme en ouvrage fortifié. Malgré les murettes et
terrasses, aucune progression n'est permise. Le
Lieutenant Bartoli, blessé d'une oalle à l'épaule,
installe lapidement sa section à !.'abri de ces tirs
meclrtners, gagne le poste de secom"s, rend compte
de la situation au Commandant Dodelier, se fait
soigner et revient vérifier, sous le feu, le travail
de ses groupes
Dès le début de l'opération, sentant l'importance des effectifs engagés par l'ennemi et sa volonte de résistance, le Commandant Dodelier avait
fait appel à une nouvelle unité du I/2ème RT.M.
(3ème Compagnie) qui, embarquee en camio]1s
près de la Ferme Saint-Nicolas, arrive vers 16 h.
30 en vue de Lenola. Rapidement mis au. courant
de la situation le Capitaine Vanuxem, Commandant l'Unité, dé~ide de gagner par la va)lée, en profitant des nombreuses murettes et terrasses plantées d'arbres, la partie médiane du village. De là,
après une préparati.on violente de T.D. et de chars,
déclanchée par fusée, l'assaut sera donné au Sanctuaire.
,
La base cle départ de l'attaque (maisons bordant la route principale) est .atteinte sans perte.;
et, à 19 heures environ, après un tir remarquable
de densité et de précision des éléments blindés,
sous la protection des feux de la 4ème Compagnie,
la 3ème d'un élan magnifique, enlève, à la grenade,
les rési~tances extérieures au Sanctuaire. Malgré
le tir de soldats allemands postés au 1er étage,
Chapelle et Couvent sont atteints aussitôt et la
garnison ennemie se rend: 100 sous-officiers ou
hommes de troupe et 6 off,iciers dont un Commandant.
Le bilan des opérations est finalement le selivant· 256 sous-officiers et hommes de troupe, 9
offici~rs sont faits prisonniers. Le 2ème Batail~on
du 267ème I.R disparaît pratiquement en entIer.
Nos pertes sont relativement faibles:
Tués
Officiers
.
.
Sous-officiers Français
Sous-offi.ciers Marocains
.
Hommes de troupe Français
Hommes de troupe Marocains
Blessés
1
2
1
1
3
7
16
9
22
153
OfficIers, Gradés et Hommes du Détachement
blindé ne cachent pas leur profonde admiration
pour les fantassins et, en particulier « le petit barbu}) '(Capitaine Vanuxem) qui a enlevé l'unité d'assaut. Et les I<'rançais connaissent un avant-goût des
JOies qui les attendent en France, les Religieuses
appartiennent à un ordre français. Des « mots français}) célèbrent la gLoire de nos armes et des cantiques en notre langue accompagnent le lendemain
la messe, célébrée au Sanctuaire, à la mémoire de
nos morts.
Le Capitaine Diebold,
Commandant le I/2ème R.T.M.
Le Lieutenant Richard, Officier.
3. -- OPERATION MENEE PAR LA SECTION
D'ECLAIREfTRS-SKIEURS nu 2'ème BATAILLON
DU 2ème R. T.M. LES 30 ET 31 MAI 1944.
La S.E.S., aguerrie par de nombreuses patrouil.
les exécutées a'el cours des deux précédents séjours
du 2ème Bataillon en ligne devant Terelle et dans
la tête de pont du Garigliano, se présentait, le 11
mai, jour de l'attaque, comme une unité légère, souple, manœuvrière et surtout rapide. La première
opération offensive fut un succès complet. Le 15
mai, partie de la vallée d'Ausonia, elle sautait rl~eln
bond sur la crète 1.038, clé du massif du Famera,
surprenant totalement l'ennemi et lui faisant 80
prisonniers dont le Chef de Bataillon, Commanrlant
la défense du massif. Elle n'en est donc pas à Scon
coup d'essai.
Les hommes sont presque tous des montagnards
et ceux qui ne le sont pas ont appris, par un entraînement sérieux, à connaître la montagne.
Le Chef de la S.E.S., l'Aspirant Establie, à 23
ans. Il est robuste et sportif, calme et réfléchi. 3pn
c.ommalldement ferme, sa bravO'elre au feu l'ont
fait apprécier de tous et ses hommes ont toute
confiance en lui.
Le 30 mai 1944, la S.E.S. du 2ème Bataillon reçoit la mission de flanc-garder le Bataillon sur sa
gauche pendant. qu'il progresse dans la vallée de
Carpineto-Montelanico en tête du Gr,oupement blindé que commande le Général Louchet. Elle doit
dans le courant de la nuit du 30 au 31 mai. avance;
par les sommets d'Acqua Mezzevalle, Fianco deI
Crocl, Matreagne et Valle Cuglia, de façon à occuper
au jour le Monte Perentile qui, à 1.021 mètres, domine la vallée à droite, et offre des vues Sur le panorama s'étendant vers l'Ouest. De ce côté, aucune
liaison( les troupes Américaines ont été dépassées
et les Goums ne sont pas encore signalés. Vers l'Est
de la vallée, la liaison existe par radio avec la 7ème
Compagnie qui doit progresser Sur les pentes du
mouvement de terrain.
,.
~,
1
:i
;~l!
.'
:
L'ennemi a décroché, vers 15 heures, du col don.
nant accès Selr la vallée après avoIr fait sauter un
pont. On ne sait où il est, mais, en tout état de
cause, les précausions d'usage doivent être prises.
La montée est lente et pénible dans l'obscurité
sous l'ombre epaissie des bois de châtaigners. Au
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L
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bout de trois heures de marche, les voltigeurs de
tête, tous fins limiers et habiles chercheurs de piste, tombent sur un abri abandonné où gisent des
grenades allemandes et une boîte de conserve fraîchement ouverte. Cet in<1iee de la présence ennemie
met la Section en éveil et la progression se fait pl1cls
lente, silencieuse, attentive.
Quelques minutes après, le soleil étant complètt:ment levé, la S.E.S. s'arrête un peu au Nord de
Valle Cuglia, en un point d'où la vue s'étend sur
l'objectif R, atteindre et ses avancées. Le Perentile
apparait à gauche comme le piton terminal d'une
ligne de hauteurs dénu<1ées. A droite, ILme ligne de
crête boisée conduit au piton 951, plus proche. Les
deux lignes distantes entre elles d'environ 300 m.
sont séparées par un ravin peu pr.ofond parsemé
de huttes et lui-même boisé.
A peine arrêtés, les éclaireurs de pointe dont
l'œil est exercé, signalent un groupe de travailleurs
sur 951,un autre sur le Perentile où quelques hommes puisent de l'eau dans une citerne. Le Chef de
Section examine attentivement à la jumelle et aperçoit deux hommes courant vers le groupe de travailleurs de 951 en faisant de grands gestes. Ceux-ci disparaissent dans les rochers. La boîte de conserve
rencontrée était sans nul doute le « casse-croûte })
de deux gUr)tteurs placés là pour alerter l'ennemi.
Qclelques secondes après, un homme se <lirige vers
le Perentile d'où les travailleurs disparaissent. Des
huttes, sortent de petits groupes qui se dirigent rapidement, les uns vers le Perentile, les aufres vers
951. Voilà donc l'ennemi sur ses gardes, l'occupation
du point fixe ne se fera pas sans coup férir; chacun se prépare à combattre.
La prise de 951, apparaissant comme indispensable pour que l'on pujsse occuper le Perentile et
s'y maintenir, le groupe diJ Caporal-Chef Cevaer,
renforcé par quelques hommes du groupe de Commandement reçoit la mission de déborder cette crête
par l'Est, pendant que les 2 autres groupes s'apprêtent à intervenir, par leurs feux sur le ravin et les
résistances qui se révèleront. L'Aspirant Establie
part avec le groupe pour diriger la manœuvre.
La progression du groJpe est stoppée à 6 h. 10,
dès son arrivée sur la face Est de 951, par le tir des
mitrailleuses lourdes· ennemies placées sur la crête
du Rappatalla, invisibles jusqu'ici et distantes de
1.200 mètres, Les armes automatiques installées sur
le Perentile ouvrent aussi le feu sur le groupe Ce~
vaer. Une avance plus poussée deviendrait mortellement <1angereuse et c'est bien dommage car les
résistances allemandes sont presque à portée de grenades. Il faut attendre une circonstance plus favorable poùr bondir sur l'adversaire. Le Caporal-Chef
Cevaer profite d'un c.ontre-temps pour prendre sous
le tir de son FI.M. les armes qui se dévoilent sur le
Perentile et commence 8, harceler au fusil l'intérieur des murettes Q'J'il surplomoe. Tout à coup, un
voltigeur signale l'ariivée d'éléments ennemis dans
le dos du groupe. C'est un parti ennemi que la
7ème Compagnîe a mis en fuite; il Se replle sur le
Perentile et est surpris de trouver un obstacle inattendu sur son passage. Cependant, P a entendu les
ri"ançais tirer, s'arrête et les prend sous son feJ.
....,
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-
154Le groupe Cevaer est obligé de se couvrir face à
cette nouvelle direction et le voilà momentanément
immobilisé.
Cependant, l'Aspirant Establie réussit à se dégager en rampant et retrouve le reste de sa section.
Il lance alors une nouvelle action pour déborder le
Ferentile par ses pentes Ouest. Parti avec le groupe
du Sergent Vaslon, il s'avance jusqu'au piton 1.010,
avancée Sud-Est dcl IPerentile, d'où il tire sur les résistances de ce mont et sur celles de 951, Mais il
est lui-même, à ce moment-là, pris sous le feu, à la
fois d'armes ennemies installées sur le Rappatella,
et d'armes venues se placer aux environs de la cote
1.014, c'est-à-dire derrière lui et le surplombant. La
situation est alors grave, le Chef de Section ne pouvant plus bouger. Mais le sergent Serres,Socls-Officier adjoint qui est resté avec le 3ème groupe en
base de feux prend alors une initiative hardie qui
va changer la face du combat.
De sa position, située entre 933 et 1.014, il réussit en passant par 933 et 1.024 fi, s'infiltrer avec le
groupe du Caporal-Chef Rico jusqu'à une position
d'où il domine lui-même toute la situation. Il ouvre
le feu sur 1.014 et, dès lèS premières rafales, l'ennemi, ne se sentant plus en sécurité, dévale les pentes
du Perentile pour se perdre dans le bois. Le Sergent Serres est blessé d'une balle à la jambe, mais
il continue à combattre et prend aussitôt sous son
feu les résistances de 951. Les Allemands cachés
derrière les murettes à ciel ouvert comméncent à
recevoir le tir précis des tireurs du groupe Rico qui,
ajouté à celui du groupe Cevaer, lef. oblige bientôt
à battre en retraite. Et l',on vit s'enfuir en courant
à travers les rochers et les taillis une soixantaine
d'ennemis.
Le groupe Cevaer harcèle les fuyards et leur
cause de grosses pertes.
Il est environ 9 h. 30. Les résistances -de 951
étant réduites, les trois groupes reportent leurs f~ux
sur le Perentile, le groupe naguère bloqué à 1.010
avance pour s'emparer du Perentile qui est occupé
à, 10 h. 15. Les éléments ennemis qui fixèrent le
groupe Cevaer par derrière s'étant également dissipés, le&E.S. devient libre de sès m,quvements et
peut s'installer sur le Perentile et la cote 951 conquis de haute lutte. Dès maintenant, les pertes infligées à l'ennemi peuvent être considérées comme
infiniment supérieures à celles de la S.E.S. qui n'a
eu qu'un blessé.
Sans perdre de temps, les trois groupes font face au Rappatella, à l'Ouest et à l'Est de/façon à
pouvoir remplir la mission de protection qJi leur a
été donnée et ils attaquent de nouveau par leurs
feux les groupes ennemis qui sont encore en plein
repli.
L'Aspirant Establie envoie alors un agent de
liaison à la 7ème Compagnie.
.
Vers 14 h. 30, une patrouil,le allemande de cinq
hommes s'avance sur les pentes Nord de 951. Le
guett~ur la laisse approcher jusqu'à 20 mètres de
lui et la reçoit à coup de grenades. Les Allemands
ripostent à la mitraillette. C'est alors que le Capo-
L~_LZQLX1
l'al adjoint du groupe Cevaer, « Naceur. ben H~­
mou », légendaire pour sa bravoure ma~ntes f?IS
prouvée, se précipite seul sur les ennemIS et vI<le
sur eux un chargeur de mitraillette. Quatre Allemands tombent trois meurent, le quatrième est
blessé, le cinquième se rend. Ce dernier, qui est
un Polonais hâve et maigre, assure que le détachement dont il fait partie était chargé de tenir
le Perentile et 951 et qu'il se composait d'environ
120 hommes.
Ce combat, si heureusement terminé, est donc
pour la S.E.S. un magnifique succès.
Lè nettoyage des
la suite, de ramasser
tolets Mai~ser et des
parmi lesquelles des
abris allemands, p~rmet, p~r
2 mitrailleuses legeres, 5 pISmunitions en grand nomb~e
cartouches de F.M. françaIS.
155
La prise du Perentile par la S.E.S. <lu 2ème
Bataillon méritait d'être relatée. Elle illustre, en
effet, parfaitement ce que peut faire une section
commandée par un chef énergique, sachant combi.ner l'efficacité de ses feux et la rapidité de ses
mouvements.
Il faut aj.outer que la prise d~ Perentile libén
le Chef de Bataillon de tout souci sur sa gauche
et lui facilita la réussite de la manœuvre entrepri.se dans la vallée du Nord-Ouest du village de
Carpineto.
Le Chef de Bataillon GRIMAL,
Commanctant le II/2ème RT.M.
(Novembre 1948)
__.
L _,
- 1... (Juillet 1944) ...
... Quelque part dans le Nord de l'Angleterre.
l'aérodrome de T. ... Sur des hectares et des hectares de terrain herbeux de larges pistes se croisent et semblent ne jamais vouloir prendre fin.
Curieux dessin. Au bord des pistes, vers l'extérieur, de larges boucles goudronnées, marquent
l'emplacement des appareils. Combien y en a-t-il
en ce soir de juillet, prêts à prendre leur essor,
en groupe ou isolément vers les objectifs de
l'Allemagne ou vers les minuscules terrains de
parachutage de l'Europe de l'Ouest et de la Pologne.
" est 20 heures, nous sommes là deux équipes : « Gavin» et « Guy». En tout six -hommes
quatre Français, un Américain, un Anglais, tous
officiers.
Notre mission. Très simple. Aller dans un
département dont personne n'a plus de nouvelles depuis mars. On croit savoir que la Résistance s'organise de nouveau mais l'action de la
Gestapo a été tellement brutale en février que
les nôtres, méfiants par expérience, ne donnent
plus signe de vie.
Les équipes sont prêtes, gonflées à bloc. Les
préparatifs matériels ont été poussés avec une
minutie pour laquelle il faut rendre hommage à
nos amis britanniques. Les postes de radio ont
été vérifiés deux jours avant, les documents
sont soigneusements répartis, les armes sont chargées. Nos deux sous-lieutenants 'radiotélégraphistes, le capitaine anglais et le capitaine américain
n'ont jamais vu le feu.
21 h. 30. - Tranquilles, nous attendons le
signal du départ. Au même instant l'antenne de
la B.B.C. passe le message déjà donné à 13 h. 30
et à 19 h. 30... Et maintenant voici quelques messages personnels. Réduisez vos postes, s'il y a
'
lieu...
« Le Hamac est le lit du matelot»
« Le Hamac est le lit du matelot, »
Je dis deux fois.
22 h. 00. - Un sergent américain nous invite à le suivre. Nos parachutes sont prêts. Aidés
par des G.I., nous voilà harnachés au point de ne
pouvoir nous déplacer qu'avec difficulté. En plus
du poids et de l'encombrement représentés par le
parachute, nous avons chacun environ quinze kilos sur le dos (armes, munitions, documents, vivres pour 48 heures, cigarettes pour ceux qui
nous recevront... , etc ... ).
22 h. 45. - Nous nous remémorons les dernières instructions reçues. A partir d'à présent,
il faudra presque toujours travailler sans rien
écrire, la mémoire est mise à une rude épreuve...
« Soyez prudents à l'atterrissage. Le terrain a
déjà servi une fois. Peut-être est-il brûlé. Au
sol, pliez vo.tre parachute et attendez sur place,
prêts à vous défendre... En principe, vous devez
trouver « Jacques », sil n'est pas là vous trouverez « Barbier» qui s'appelle également « Jean ».
Présentez-vous comme de la part de « Jo ».. , Une
fois en lieu sûr, recherchez vos liaisons. Vous
aurez environ 120 kilomètres à faire pour vous
rendre dans votre zone d'action. Le pays est surveillé par la Gestapo. Vous êtes sur les arrières
de la 7 m • Armée allemande. La Fold-gendarmerie et les S.S. sont très actifs
- Il 23 h. 00. Deux magnifiques Plymouth
nous conduisent par ces larges pistes noires et
luisantes qui font penser à des autostrades, vers
notre avion ... C'est un quadrimoteur « Liberator ».
" est là parmi tant d'autres, sagement au repos enfermé dans sa boucle, cercle noir tangent
à la piste.
23 h. 15. - L'embarquement est terminé :
une équipe par avion. Les deux appareils se suivront à dix minutes.
23 h. 00. - Les moteurs sont lancés. Tout
I\appareil tremble et semble impatient. A travers
le hublot nous faisons un dernier geste d'au-re-
4L~-=
voir aux officiers du service qui nous ont accompa'Jnés depuj.;s Londres. L'équipagel s'installe.
Avec nous, demeure un sergent qui sera chargé
de faire les commandements au moment du saut.
Ecouteurs aux orei Iles, il est en liaison avec le
lieu'tenant-pilote, à même dé nous prévenir de
tous les incidents.
Notre mission pourra-t-elle s'effectuer ? ....
. Serons-nous obligés de rentrer comme cette autre équipe que nous avons rencontrée tout à
l'heure au Mess? Partie la veille, elle est revenue, deux fermes étaient en feu à proximité de
sa zone de parachutage. Nous apprendrons d'ailleurs par la suite, qu'au deuxième voyage, deux
des membres de l'équipe sur trois, seront gravement blessés parce qu'ayant été lachés à une trop
basse altitude. Ce sont là les risques du métier,
connus et acceptés. Il y a aussi autre chose qui
nous étreint bien davantage ... Arriver en France,
de cette manière, après quatre années d'absence.
Arriver en uniforme dans une zone où l'ennemi
est bien installé; zone que ses colonnes traversent jour et nuit pour aller vers la tête de pont.
Précéder dans ces campagnes, l'Armée de la Libération. Apporter aux combattants les armes,
aux populations l'espoir d'une délivrance que
nous savons prochaine. Enfin combattre de nouveau, lutter, ruser, échapper aux filets de la Gestapo et autres milices.
23 h. 40. - Le vombrissement des moteurs
du Liberator est assourdissant, il faut presque
crier pour s'entendre. Nous nous tenons vers
l'avant de l'appareil pour faciliter le départ. En
plus de l'équipe, l'avion emporte sous les ailes
dans les soutes à bombes, quinze containers, soit
plus de deux tonnes d'armes, de munitions. d'explosifs, et une dizaine de paniers qui seront jetés derrière les hommes.
- III -
23 h. 45. - L'appareil vire, s'engage sur la
piste, nous allons à toute vitesse... « Off » dit le
sergent, l'appareil a quitté la piste.
La nuit arrive sur le terrain, nos montres sont
à l'heure de l'Europe Centrale; en ce début de
juillet dans ces pays aux confins de l'Angleterre
et de l'Ecosse il fait clair très tard. Par ailleurs
nous sommes au 17° jour de' la lune, auxiliaire
précieux pour l'équipage. Un tour au-dessus du
terrain, le Liberator prendde l'altitudeet le voil.à
qui pique plein sud.
Nous sommes au-dessus d'une mer de nuages. " n'y a pas un souffle de vent, Dieu soit
loué, nous ne serons pas trainés par nos parachutes à l'arrivée au sol.
eA-g.
"~_:;
157
. 0 h. 45. - Nous abordons la Manche. TouJours pas de vent, le clair de lune est magnifique. Soudain des rafales, toutes les armes de bord
tirent... « Ce n'est rien dit le sergent, rafales de
vérification »...
1 h. 00. - La nuit est tombée, voilà qu'en
approchant. de la France, les nuages s'épaississent, le clair de lune est moins brillant. Pas de
c~ance p?~r ~'équipage..Mon camarade, le capitame amencam Willam Dreux, le sous-lieutenant
radio, le ser.gent au casque de cui r fument ciga~ettes ~ur cigarettes. Assis à même le plancher,
Je ref~ls. ~ar la .pensée tout le chemin qui m'a
condUit ICI depUIS le mois d'août 1939.
Les quelques journées d'offensive en septembre .1 ?3~. Les travaux de l'hiver sur la ligne de
fort~flcatlons au sud de Maubeuge. Deux mois de
sta~lon~em~nt au nord de Saint-Quentin. Le 10
mal. ~ entree en Belgique sous les acclamations.
La
nUit. du 1lImai
entre Namur et
Gembl oux. Le
12
.
.
, ma~ et es Jour~ suivants avec leur cortège de
deceptlons,
de fatigue, de misère ' cette Impres.
.
d' ,
sl~n
ecrasement, ce tourbillon qui par Charleroi, Mons, Valencienne, Lille, nous jettera sur la
p!age de Bray-Dunes pour protéger les opérations
d embarquement.
Le 4 juin pris au piège, sur le môle Est du
~ort e ~Iul nkerq~e. Plus de bateaux, les Boches
1
ans a VI e, plUSieurs dizaines de milliers d'hommes sur la plage. Le camp provisoire entre Rosendael,
le canal
de Bergues et la mer • La co1
•
•
onn; Intermmable filant à pied vers la Belgique
et
et puis... l'évasion ré ussle...
.
l' 1 Allemagne...
.
.
occasIon qUI passe saisie au cheveux d
1 l'b
' ,
'" e nouveau alerte, 1 espoir et la résolution d
battre.
e comLes longues journées, les interminablec:
'1-
d~ marche, les cours d'eau aux ponts détr ~t nUI' s
m Il
t
' . ,
UI S es
e ,e une penpeties d'une aventure qui c~mmencee aux environs de Bergues me co d 't '
1 /'
d d'
n UJ a
a.lgnQe e. emarcation en passant par Cambrai
Samt- uentm, Maubeuge la Belgique ('
.'
ImpOSSI'
bl e d e passer en Angleterre) de nouvea M
u
au
beuge, Guise, Reims, Charlons-sur-Marne V't ' 1 ry
Brie nne- 1e- ChAt
a eau, A uxerre, Moulin-sur-Allier:
l' Puis
. deux ans de Maroc '" et d e nouveau
befp~lr tr~nd. f?rme, il devient réalité. Les Die~
e s e a unlSle, au Sud-Ouest de Pont du F h
L'h'
a s.
Iver avec ses pluies, pas de relève.
Le printemps et l'offensive victorieuse qui
nous amène au Djebel Zaghouan.
Le défilé de la Victoire le 20 mai
Gambetta à Tunis.
' avenue
1
... Et maintenant me voilà enfermé dans ce
'1 0 "'
\
;'j
Uberator qui de toute la puissance de ses quatre
moteurs fait, à quelques 400 kms-heure, route
vers le terrain « Hamac ».
1 h. 45. - «Garçons, dit le sergent, le
pilote me donne l'ordre d' ouvri r la trappe, nouS
approchons de la zone de dropping ». Un courant d'air froid s'engouffre dans l'appareil. Nous
nous disposons pour le saut assis au bord du trou
béant. Le temps est de plus en plus couvert, le
clair de lune si brillant au départ est ici très
terne. Le pilote cherche le terrain.
Qui di ra jamais avec assez de force le mérite
de ces équipages dont le travai 1 consistait à trouver dans la nuit un terrain minuscule, un simple
champ de chez nous, situé par mesure de sécurité à l'écart des agglomérations et des routes.
Les aviateurs savent bien que les meilleurs points
de repères sont les cours d'eau. Mais les lois de
la géographie font que dans nos régions, cours
d'eau, agglomérations et routes sont en étroite
dépendance. 1/ fallait dans notre cas que pilote
et navigateurs se contentent de minces rivières,
de bois plus ou moins étendus et peu visibles la
nuit.
2 h. 00. - L'avion perd de l'altitude, puis
reprend son vol horizontal vers 700 pieds (220
mètres~. Le moment de sauter approche. Depuis
20 minutes, personne ne dit mot. Nous sommes
parfaitement calmes, perdus dans nos pensées.
Si .ce n'étaient nos armes que nous savons avoir
chargées, il y a quelques heures, nous pourrions
croire que nous allons faire un saut d'entraÎnement.
Là-dessus, la voix du sergent nous ramène à
la réalité... « Boys, le pilote vous souhaite bonne
chance ». D'un signe de la main, nous esquissons
un remerciement. La voix de William Dreux:
« Félicitations au pilote, votre avion est assez
confortable mais dites lui que nous aimerions
mieux être à l'extérieur ». Brusquement arrivent
les commandements : « Boys, préparez-vous ».
« Numéro un, sautez »
« Numéro deux, sautez »
« Numéro trois, sautez ».
" est exactement 2 heures 15.
Chute dans le vide. Bourrasque due au déplacement d'air-créé par les hélices. Léger choc;
quelqu'un vous tire par les épaules. A proximité
l'!avion qui rapidement s'éloigne. Au sol trois
lampes, torches de balisage qui s'éteignent aussitôt. Tout se passe comme pour un simple exercice. A deux cents mètres entre ciel et terre, on
distingue très mal notre zone de chute. Il y a un
158léger vent. Le sol va rapidement arriver. Le voilà
qui arrive à une vitesse qui me paraît vertigineuse. Des arbres me dépassent dans cette étrange course. Un choc très brutal, suivi d'une cabriole à vous démolir les vertèbres.
Vite le parachute est débouclé. Je ne sens
plus mes jambes. Prudemment j~ me relève et
fais jouer mes articulations. Rien de cassé.
Suivent les opérations apprises à l'entraîne"
ment : pliage du parachute, vérification du matériel, puis l'arme à la main, à plat ventre, chacun attend à l'endroit où il est tombé.
Pendant ce temps l'avion exécute un deuxième passage et largue les containers et les paniers.
Au-dessus de ma tête je vois s'épanouir les pépins. Les lourds containers viennent s'écraser sur
les haies et dans les vergers.
2 h. 30. -/ Toujours le silence.
2 h. 40. - Un vrombissement de moteurs.
Le deuxième avion arrive. Je vois distinctement
dans le champ voisin à environ 80 à 100 mètres
s'allumer les torches de balisage. De nouveaux
parachutes dans le ciel. Le vent a augmenté de
vitesse, il va y avoir de la dispersion.
- V2 h. 50. -
A trente mètres une ombre fran-
chit la haie.
« Qui vive »... «
Franc~
».
« Ah c'est vous, ... comme nous sommes
contents, ... êtes-vous blessés... non, tant mieux
quelle chance... Venez... Restez au pied de cette
clôture... Ne vous inquiétez pas, nous allons ramasser le matériel. »
3 h. 00. -
Nous voilà réunis.
Le capitaine William Dreux se frotte les
mains avec énergie. Né de père français, il
exulte... et dit : «C'est curieux, (féprouver ce
sentiment de force et de sécurité que me donne
la réussite de notre parachutage. Vous allez penser que j'exagère, mais il y a quelques instants,
lorsque j'ai pris contact avec le sol, je me suis
dit : eh bien, maintenant que les boches se présentent, et s'ils viennent ave~ une section au
complet, j'en fais mon affaire... »
Bref colloque avec le chef du Comité de réception. Jacques est là, Barbier aussi.
Le matériel s'entasse contre la haie. Des
jeunes de 16 à 20 ans, mitraillettes en bandoulière, traînent containers et paniers. Leur chef
direct est Eugène, jeune vétérinaire du canton.
A envi ron 600 à 800 mètres de là on entend
le bruit fait par une colonne en marche. Renseignements pris, c'est une formation de fantassins allemands qui gagnent la tête de pont.
Sous la conduite de Jacques nous gagnons à
un quart d'heure de marche un refuge, une maison sûre, selon l'expression consacrée. Barhier
reste avec Eugène et les vingt jeunes gens. Avant
que le jour ne se lève, tout le matériel est camouflé, les parachutes sont brûlés, les courroies
et les boucles métalliques sont enfouies. Il ne
reste absolument aucune trace.
... Une bonne soupe chaude nous attend clans
une grange attenante au logement du facteur rural de la commune.
13 h. 30. -
Jacques nous dit
« Lorsque le ,message est passé pour
la première fois, j'étais à 85 kilomètres d'ici.
J'ai eu peur qUel Barbier ne soit pas au Rendez-Vous, aussi quelle course à perdre haleine,
en évitant tous les grands itinéraires. Sur les
routes, il n'y a plus que la Gestapo, les S.S et
nous à bicyclette. Aussi, il faut se méfier jour et
nuit. Les boches tirent sans faire de sommations.
'" Vous êtes venus en uniforme, quel plaisir
pour nous de voir une autre teinte que le vert,
mais dès demain il faut que vous soyez en civil.
La région est battue par la Gestapo d'une manière méthodique et implacable. A Rennes, il y a
trois cent vingt bandits de la milice. Méfiez-vous
il y a aussi d'innocents ramasseurs d'œufs, volailles et beurre soit disant venus de la région parisienne, qui sont des indicateurs.
En conclusion, soyez toujours très prudents.
Mais rassurez-vous, le travai 1 se fait tout de même. Encore une opération réussie. Voilà des mois
que nous menons cette vie. Barbier a été condam-
159né à mort par contumace il y a quelques semaines. Marié, père de deux enfants, il n'a pas vu
. les siens depuis deux ans. Sa femme a été obligée de divorcer pour donner le change aux boches et à la milice. »
6 h. 30. -
Le poste radio est en batterie.
Tout de suite un message.
« Equipes Garin-Guy - Bien arrivées - Stop.
Premières liaisons effectuées - Stop.
Matériel perdu un panier - Stop.
Poste radio équipe Guy hors d'usage _ Stop.
Moral excelent - Fin .
- VI -
Pendant les jours qui suivront nous aurons
l'occasion d'apprécier Jacques, Barbier, Eugène.
et tous les autres dont les noms s'estompent aujourd'hui dans la mémoire et qui ont joué un
rôle obscur, dangereux, mais dont l'utilité n'est
plus à démontrer. Nous serons en liais0n aussi
avec Tanguy, condamné six fois à mort par contumace, à qui lors de son dernier procès il était
reproché d'avoir commis 74 attentats. Nos agents
de liaison, jeunes gens et jeunes filles sillonneront le pays, parcourant allègrement à bicyclette
80, J 00 et jusququ'à J 50 kilomètres dans une
journée, portant des ordres ou tout simplement
de l'explosif « Plastic » dans une petite valise
arrimée au porte-bagage.
Que de dévouements, n'avons-nous connus
et aussi malheureusement des pertes; ainsi. Eu~
gène sera assassiné huit jours après dans sa propre maison par la Gestapo... Mais tout ceci est
une aùtre histoire comme disait Kippling, qui
commencée sur le terrain Hamac se terminera le
J 4 août avec la chute de Saint-Malo.
Chef de Bataillon :
J.
Carbuccia.
*
.....
Le 4
ème
~
_.
....
_.
~ . J o <
_
~-~~~-~--:.;----:--
R. T. M. a exploré
les profondeurs du Fruighato
L
ES minarets de la Médina et en contrebas les
étendues vertes et blanches dee la ville nouvelle et de la pépinière, n'apparai'ssent déjà
plus qu'bu hasard d~s dienniers lacets de 10 route.
Deux Dodge chargés d'un matériel hétéroclite emmènent nos vint.;Jt-trois volontaires, spéléologues d'occasion recrutés ,~ar le serge/nt
Tousset ; le Fruighato. but de l'expédition, va
connaître leur ci.l1quième assaut, tenté en force
celui-là parce qu'on le veut décisif.
Le gouffre d'ori!gline ka1rstique, si'gnalé par
M. Casteret comme le plus profond d'Afrique du
Nord, étend ses vastes carvités sous l'a'rête généreusement gonflée du Messaoud ; il n'aencorè
.jamoils été entièrement exploré et hante depuis
longtemps nos imaginations.
Comme por miracle, toutes les facilités ont
été obtenues du Régiment : matéri·el de trclnSmissions, fil et radio avec une boÎtel de télécommande, lampes torche:s et frontales, cord/ages,
canot de fortune. véhiculles. Rivalité die zèle entre
Service auto-tronsmi!ssions et magasin du matériel, pour assurer aux équipes de fond la plus
grande sécurité !
Dès 8 heures du matin, nos hommes sont à
pied d'œuvre. Le 284 en station prend le premier
contact la~ec le P.c. Colonel de Taza' et conservera avec lui pendant toute la durée de l'expédition une liaison constante.
Les vétérans 'se reconnaissent ô leur exubérance; les néophytes, plus silencieux, luttent
contre' l'appréhension faite de tout l'inconnu que
comporte pour eux cette première descente; chacun néanmoins s'affaire autour du matériel qui
correspond à sa mission particulière.
Moins d'une heure y suffit et déjà ('élément
de pointe du sergent Tousset s'engaQie d<:ms la
descente. L'entrée du Fruighato est vraiment
impressionnante avec son vaste puit~ à ciel ouvert de l l 3 mètreS' de profondeu'r et dei 30 à 50
mètres de diamètre, écl:O'iré d'une, lumière diffuse
qui ajoute encor.e à 110 sensation de mystère qui
saisit dès l'abord.
Cette première partié du trajet 's'effectue
rapidement sans histoire, les équipes utilisant les
barreaux jadis scellés à la paroi et qu.i pe.rmettaient alors d'aborder sans risques le' fond du
puits. Aujourd'hui il fout savoir 'souvent glisser
sans t'rOp appuyer le long: de cette ferraill,e branlante, parfois aussi, franchir <fun bond osé les
dangereux vides de cette échelle démantelée.
1
Le pied' n'est pas toujours assuré de sa prise.
Pourtant, napide et silencieuse, la pe,tite troupe,
après Uin dernier saut de quelque 3 mètres,
atteint 101 première halte de cette étrangerandonnée.
D'abord fortement incliné, puis sous une
pente plus douce, se présent,e l;/jne sorte de récE:iptacle de sable et de débris de' roches mêlés,
produits cD'érosion qui, peu à peu, glissent-vers
les profondeurs.
Un étroit goulet long de 3 mètres à peine,
penmettant tout juste à un homme de se, faufiler,
mlarque la limite du, doma~ine de la lumière. Avec
l'obscurité totale, le vrbj travail va commencer.
Nous débouchons alors dans une première
grotte qui dbit à l'imaginotion de notre chef
d'avoir déjà été baptisée « Salle d'Ourson ». Escaladant une petite paroi ornée d'une vasque' aUlX
caIOa'Ïr.es multicolores, nous pénétrons ensuite
dans une seconde sa Ile aux vastes proportions ;
sous le foisceou de' nos torches, eHe offre à nos
regards érnerveillés les splendeurs moirées des
orgues naturelles qui en tapissent les parois et
qui évoquent celles de Qirandioses cathédrales.
Nouvel O'rrêt pour permettre à l'équipe des
transmissions qui ferme ta marche. de nous rejoindre et d'établir la première liaison aveè la
surface.
1
Coupe velot/caLe du
FRU1GHATO
Salle
d'oIlI:SOT/-
Camp ole.
nuit
'Planche. e.n
bois·
limite de la
Liaison fil e.t: ,ood.o
~vec
Echelle ; profondeur
: Longuel}/O
-:t
tin :
-j Cm
'Toza.
130",,-.
= .300 ~.
-Rui~se.lJ
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desuhte
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- -
~ ~
-
162 Curieuse impression d'ailfeurG en ces pro·
fondeurs obscures et sonores, de percevoir par le
timbre métallique du combiné, la voix du P.e.
qui s'inquiète.
De là, les cordes aidant, nous tombons sans
encombre vingt mètres plus bas dans une nouvelle grotte agrémentée de cirques calcaires. PU1is,
avec la rencontre de l'elau, les difficultés comme'ncent.
Une d)due~ bien qu'étroite et glissante, permet d'accéder à la zone dite des «Grands
Lacs » pour laquelle le canot de fortune a été
conçu.
Un premier v0YtJge d'essai transborde son
constructeur responsable et !s,eIS impédimenta; ensuite un va et vient s'établit. Mais au deuxième
passage l'embarcation chavire, aussi chacun préfère-t-il le désagrément d'une traversée à gué
aVec de l'eau jusqu'à la ceinture, aux aléas d'un
bain complet.
Notre canoé achE.'iminé jusqu'ici aux prix de
tant d'efforts, aura- tout de même servi à transborder vivres et bl,:ldages.
A l'extrémité d~s plans d'ecu, une étroite
plate-forme semble' avoir été tout exprès placée
par la nature' pour permettre uncdmpement.
L'heure s'avancel, chacun se sent lesmembres rompuS'. C'est le moment. die monter' les
tentes et de ronger ou repos indispensable à la
poursuite des investi~ations.
Déjà les cuistots s'affairent autour des deux
réchauds à essenCe et très vite un solide repas,
essentiellement composé de singtei et de sardines
à l'huile der l'Intendance. permet (]U~ uns et aux
autlres de récupérer bon nomibre de calories. Le
temps de fumer une dernière pi pe', en dégustant
le Caobe~ maison, puis chacun regagne son logis
sur la toile duquel, gtoutte à goutte, un stolactite
€I.Jrène la fuite du t~mps.
Déjà huit heures i Personne ne s'en serait
douté dans cette 'Jbscurité. Un jour plein s'est
donc écoulé depuis qUie nOS spéléologues ont
quitté la sUlrfàce.
Le camp est laissé 'sur place et les hommes
allégés d'autant, s'attaquent à la dernière étape
qui va prob(.lblement offrir du vrai sport.
Encore un boyau donnant accès à une nOUvelle grott,e coupée en deux par une crevasse,
sorte de fjouffre de (, hons mètres d~ large. Une
planche vermoulue. tient lieu de passerelle! RaI"
quel miracle se trouve-t-elle là ? La doit-on à
M. Casteret? En tous cos, SOn aspect peu engageant incitel à la prudence et s'est en cordée que
ce pont de fortune est franchi. En dépit de se,
éraquements inquiétants, il a tout de même tenu
bon.
D€,ux cents mètl'res encore dans un dédale de
roches érodées, enduites d'iarldile glissante et au
bout du compte une nouvelle cheminéeétro!te
qui se présente d~ notre bord sous l'aspect d'une
falai'se abrupte de 120 mètl"es. Un bruit sourd
montant des profondeurs. obscures révèle le tor:rI€nt qui marqUera peut-être le terme de cette
exploration.
Peur descendre cet à pic coupé seu1lement,
d'espace en espace, de trois petites corn iches,
larges d'un mètr'e à peine, un regroupement des
effectifs et des cordages s'impose.
Depuisl le sommet. à ch\aque palier, 3 hommes seront laissés pour assurer la remontée.
Dernière corniche:, dernier orrêt, les quatre
équipiers de pointe soufflent. Repos de 5 minutes avant que notre chef, fe ser'gent Tousset, entreprenne seul la descente des 50 derniers mètries.
Montagnard éprouvé d'origine savoyarde,
fervent des explorations souterraines, animateur
de l'expédition, il s'e,nfonce rapidement; bientôt
la CO'r1de redevient lâche. Il est au but !
Dans l'eau jusqu'aux cuisses et cherchant
l'issue du ruisse.au, il doit, hélas ! vite se convaincre que: ce dernier s'engc1de en siphon sous
la roche et qu'il est maintenant labsolument impossible d'aller plus avant.
Qu'importe, le terme est atteint, le Fruighato
mystéri,eux lui a enfin livré son secret !
La. remontée commence, fertile en émotions
inévitalbles qui restet'Ont à jamais g;ravées dans
Iao mémoire de ceux qui les ont vécues.
Enfin c'est la surnace. Vite, matériel et personnel s'entassent dans les Dodge. Les hommes
ont l'aspect de blocs de boue rougeâtre. mois les
yeux brillent et c'est un chœur unanime cette
fois qui chante sa joie de r,evoir soleil et lumière
et sa fierté di'avoir vaincu.
Une descente est terminée:, elle a duré trente-trois heures.
Sergent PRUD'HOMME
du P.e. du 4° R.T.M.
..."
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Carnet
-------
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lÇ)4S-1Ç)4Ç)
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DU COURS DES AFFAIRES INDIGÈNES
•
10) Ont été désignés pour suivre en 19481949 le Cours de Perfectionnement des Affaires
Indigènes du Maroc (Note de service 1.401 DI/
IPO du 12 mai 1948) :
Le Capitaine GRAFTI EAUX Pierre - du Secrétariat Général de Fès
Le Lieutenant FOURN 1ER-FOCH Ferdinand
- du Bureau de la Circonscriptiond'Ouaouizarte
Le Lieutenant CARBONNEAUX LE PERDRIEL
Alain - de l'Annexe d'Akka
Le Lieutenant DUPONT Jean - du Bureau du
Cercle de Rhafsai
Le Capitaine VERHAEGHE Jean - du Bureau
du Territoi re de Taza
Le Lieutenant MAYMIL Jehan - de l'Annexe
de Talsint
Le Capitaine DUVERGER Henri - du 1"· Ta"
bor Marocain
Le lieutenant BALLONGUE Henri - de "Annexe de Mezguitem
Le Capitaine VIRIOT Marcel -du 3 me Tabor
Marocain
Le Lieutenant LAVOIGNAT Gilbert - du Bureau du Cercle d'Erfoud
Le Lieutenant GROSJEAN Maurice - du Se·crétariat Général d'Agadir
Le Lieutenant LASSAIGNE Marie - du Bureau de la Circonscription de Zoumi
Le Lieutenant GAILLARD Raymond " de
l'Annexe de Tafrant
Le Lieutenant DESCHARD Xavier - de l'Annexe de Rissani
Le Lieutenant MIOT - du Bureau du Cercle
·de Tiznit
Le Lieutenant BRONDEL Georges - de l'An"
nexe d'Imilchil
Le Lieutenant AUMONNIER Jean - du Bureau du Cercle de Rhafsai
Le Lieutenant DUMAS René - du Bureau du
Cercle d'Ouarzazate
Le Lieutenant BŒUF Pierre - dù Secrétariat'
Général de la Région de Casablanca
Le Lieutenant de SIGAULT de CAZANOVE
Amaury - de la Circonscription de Goulimine _
Poste d'El Aïoun du Draa
Le Lieutenant NICLAUSSE Marcel - de l'Annexe de Tagounite
Le Lieutenant SARTRE Robert ,- de l'Annexe
d'Irherm (Poste des Ait Abdallah)
Le Lieutenant FONT Joseph - du Bureau du
Cercle d'Aknoul.
Le lieutenant GUYOMAR Jacques - de l'Annexe d'Imilchil
2°) A été admis, à titre exceptionnel, à suivre cet enseignement en qualité d'auditeur libre
(Décision du Secrétail'e d'Etat aux Forces Armées
n° 13.756 du 26 octobre 1948)
Le Lieutenant CHAMPION Ch ar 1es - du 1'"
Tabor Marocain
Le Chef de Bataillon CAVAIGNAC Gaude. froy, de l'Infanterie Coloniale.
REVUE DE DÉFENSE NATIONALE ...
Un an
-
12 numéros - 700 francs
Six mois - 6 numércs - 500 francs
POLITIQUE ETRANGERE...
ECONOMIE GENERALE...
HISTOIRE DE LA GUERRE...
CHRONIQUE MILITAIRE...
... D'OUTRE-MER
... DIPLOMATIQUE
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Cité Marignac - PARIS VI,o
c.c.P. PARIS 51.637
Tout officier· doit la lire et l'étudier
.... LA GRANDE REVUE MILITAIRE FRANÇAISE
.
,--------c---
MARIAGES ~ ________..._.,__~
Le Lieutenant GOMBERT, de la Se Compagnie du 1er R.T.M.. fait port de Son
mariage avec Mademoiselle Michelle THOUVENEL.
Le Set'.Jent-Chef CASANOVA Hugues fait port de son mariage. avec Mademoiselle
Meknès, le 11-9-48.
FOURCADE Jeanne.
i
Le Liautenant DRISS HAMADI fait port de SOn mariage r.Jvec Mademoisel,le UNTERHALD Alice. le 26 juin 1948.
.
1
Le. Sergent FRASSON fait port de Son mariage avec Mademoiselle' SEGUIN.
Royon, le 18 décembre 1948.
----
Il
-----------------_J
NAISSANCES
Le Serg.ent BUREL, de la 6 e Compagnie du
1el" R.T.M. fait port de la naissance de son fils
Louis.
Souk-el-Arba, le 22 novembre 1948.
Le Lieutenant LAFONT, de la c.A. 1 du 8e
R.T.M., fait port de la naissance de son fils Dominique.
Meknès, le 26 octoblre 1948.
Le Sous-Lieutenant FOURNIER, de la C.B.l
du 8 e R.T.M. fait part de 10 naissanoe de son
fils Michel.
Alger, le 8 octobre 1948.
?u'
Le Sergent-Mâjol'13AS<?UE~defé:JC.B.l'
8 e R.T.M. fait port de la n~issance de son fris
Michel
'
Mîdelt. I,e 23 octobre 1948.
L.e Sail.Jient-Chef SOLER. du 1el"R.T.M. fait
port dei la naissance de son fils Alain.
Le Sergent-Chef DAI RE, du 1er R.T.M. fait
port de la naissance de sa fille Marie-Fr,ance.
Le' Lieutenant CHRETIEN, du 4Û" Goum fait
port de la naissancel de son fils Jean.
Agadir, le 26 septembre 1948.
Le Sergent-Chef NEUFANG, du 40e Goum
fait port die ~::J naissance de So fille Jocelyne.
Agadir, le 4 octobre 1948.
Le' Lieutenant DESCHARDS, du 6e R.T.M.
fait port de la naissance de son fils Benoit.
Kasba-Tadla. le 4 octobre 1948.
Le Sergent-Chef LA PAHUN. de la C.A.l
du 8 e R.T.M. fait port de la naissance die son
fils Daniel.
Meknès. le 7 septembre 1948.
Le Sergent-Chef LAZAR.O, du 6 e R.T.M.
fait port de la naissbnce de $0 fille Evelyne.
Kasba-Tadla, le 27 octobre 1948.
, ILe Sergent GLEYZE. dU! 6 e R.T.M. fait port
de la naissance de sa fille Colette.
Kasbo-Tadb. le 29 octobre 1948.
Le Sergent T;1HIERIOT. de la C.A.l. du 8 e
R.T.M., fuit port èfe la naissanc~ de son fris Ber- .
nord.
Midelt, le 27 octobre 1948.
L'Adjudiant-Chèf GERMANODI, du 11 /4
R.T.M. ~ait po'rt de la naissance de 'sa fille MicheHne-Louise.
Taza, le 28 septembre. 1948.
Le Lieutenrélnt TI PH 1NE, du 1er R.T.M. fait
Port de la naissan~.:.C!~'§QlJi fils...
Le Sergent-Chef CANIONI, du 11/4e R.T.M.
fait part de la naissance de sa. fille Anne-Marie.
Toulon, le 18 octobre 1948.
Q
L'Adjudant BOURDEAU, du 1/4e R.T.M. fO'it
part de la naissance de sa fille Jacqueline-Claudine.
Taza, le 26 octobre 1948.
Le Sergent-Chef BONNARD, du 1/4e R.T.M.
fait p:lrt de la naissance de son fils Claude.
Taza, le 13 octobre 1948.
Le Sergent-Chef COUTIRE, du 4 e R.T.M.
fait part de la naissance de-sa fille Danielle-Aline.
Taza, le 3 novembne 1948.
Le Sel~ent-Major BARRAU, du 48 e Goum
fait port de la nai~ance' de son fils Denis-Charles.
Agadir, le 9 octobre 1948.
L'Adjudant et Madame PIVERT de l'Etablissement Général du Matériel dei Meknès sont
heureux de foi re pa rt de la naissance de leur fi Ile
Martine.
Meknès, le 11 janvier 1949.
L'Adjudant et Macbme GARCIA, de l'Etablissement Général du Matériel de Meknès, sont
heurEux de faire part de la naissance de leur fils
Jean-Gabriel.
Meknès, le 21 janvier 1949.
168
Le Capitaine FAGOT fait part de la naissance de sa fille Christiane.
Meknès, le 1" décembre 1948.
L~ Capitaine LEVRAT fait part de la naissance de sa fille Martine.
Meknès, le' 9 septembre 1948.
Le Sergent GEROME [pit 'part de la naissance de sa fille Chantal.
Meknès, le 3 janvier 1949.
Le Se.rgent-Chef CHARPIOT fait part de la
naissance de sa fille Geneviève.
Meknès, le 10 avril 1948.
L'Adjudant-Chef GOUTH fait part de la
naissance de' son fils Yves.
Agadir, le 26 avril' 1948.
Le Sergent WISNEWSKI fait part de la
naissance de sa fi Ile Geneviève.
Meknès, le 27 'septembre 1948.
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)'
DÉCÈS
L'Adjudant Bitgnon, du 2 e Bureau de l'E.M.T.M.,
a la douleur de flaire part du décès de ISO fillel Evelyne,
survenue accidentellement te 25 novembre 1948, à
RABAT.
Le Lieutenant PICHON, du 11/4e R.T.M. a la
douleur de faire pa!rt du décès de son père survenu à
MEKNES le 6 octobre 1948.
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Bibliographie
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MESSAGE DES fORGES ARMÉES
Au moment où l'Armée traverse une crise
sans précédent, « Message » cherche à lui apporter le réconfort intellectuel et m01"01 dOnt elle
a besoin.
Se proposant d'être un lien des esprits, un
facteur d'unité et de cohésion. « Message» offre
à ses lecteurs des thèmes de réflexion qu'il a
confrontés avec les réalités du moment.
Organe libre, indéperndant de toute' attache,
« Message» ouvre ses colonnes à tous sers lecteurs qui, par SOn intermédiaire, veulent diffuser
le,urs idées personnelles sUlr les grandS' 'sujets mifitaires à l'ordre du JOUir.
* *"
Le numéro d'octobre 1948 inaugure une
nouvelle série qui, tout en tenant compte très /l3rgement du climat actuel de l'Armée et marquant
un nouveau prCl.Jrès vers la' qualité et l'intérêt,
n'hésite 'pas à aborder les proiblèmeis les plus brûlants tels que celui de« La suppression, des Tr~u­
pes Coloniales» auquel la compagne d Indochine
donne, un reJlief accusé.
Dons ce même numéro, l'on peut citer encore
l'artide « Au pied du mur» dans leq~el Robys
traitant d'une façon pénétrante de la Defense de
l'Armée, touche. à la question syndic~le ddnt
l'idée semble avoir fait d'évidents progres.
Dans « Armée et Communisme », J. Tournier donne une analyse très détaillée de cette
question.
Citons enfin « La Défense Nationale chez
les grandes puissances étrallgè~eS' et e~ Fr;nce »,
étude trè.; objective d'un probleme plem cl actualité.
Les rubriques habituelle=.. complèt~nt ce riche sommaire p/locé SlQUS le Signe de 1 Information, de la CUilture et de! l'Action.
MESSAGE, 20, rue: Delambre. Paris (XIV")
Abonnements : 6 m,>is 350 franc.;
c.c.P. Paris 5.170-10
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TERRE, DE 'MER :ET DE L'AIR.
Paraissant régulièrement depuis plus de deux
ans, le Bulletin de Liaison des Anciens Militaires
de Carrière n'a cessé:
- de resserrer l,es liens qui doivent unir ceux
qui n'ont quitté l'Armée à leurs camarades continuant à servir sous l'uniforme;
- d'apporter aux uns et aUx autres :
- des renseignements indispensables sur les
soldes, indemnités, mesures de dégalJement, pensions, emplois réservés avancement décoration'-'::J
permissions, soins médicaux,entr'aide sociale,
etc., etc...
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•
1
l
J
- des exposés exactS' sur les différents secteurs de l'économie nationale, les professions' et
les métiers. lespoissibil ités qu,'i Is sont susceptibes d'offrir aux anci·ens militaires, etc ...
- des informations précises sur la législation du travail, le code de la famille, la. sécurité
sociale, les loyers, les dommages de guerre, etc.
- des renseignements précieux concernant
l'orientation scolaire et la formation professionnell.e de leursenflants.
Le Bulletin de Liaison est un organe indispensdble à tous CEUX qui, à tous les échelons
détiennent un Commandement OUI assument un~
r,esponsabilité administrative.
Il devrait figurer dans toutes les unités' tous
les Etat~-Majors, tous. les Services, dans ;outes
les cantines et salles de lecture, dans tous' les
Mess et Cercles de l'Armée.
BULLETIN DE LIAISON, 20, rue, Délambre
~ris (XIV")
Abonnement : un an 12 numéros 350 franc.s
c.c.P. Paris 1421-37
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LA REVUE D'ETUDES MILITAIRES AERIENNES
ET NAVALES.
Etant donné le nombre des domaines auxquels emplrunte désormais l'art de la guerre,
étant donnée la diversité des questions que leG
chets de tous grades dbivent suivre pas. à pas,
la R.E.M .. dans Sa forme nouvelle, p jU'Jé inutile
de produire quelques articles· mensuels, gouttes
d'eau dans l'Océan des connaissances indispensables.
Elle a entrevu une tôche plus vaste et plus
moderne : elle devient un « or;gane de documentation » et se propose de guider les officiers dans
la recherche et l'exploitation des a,rtides intéressants parus dans les grands journaux et les
grandes revues.
La présentati,on matérielle, de la Revue permet de classer, donc de conserver, ces articles;
chacun d'eux en effet -Rait l'objet d'une ana'lyse
succinte inscrite sur une fiche qui porte un indicatif servant à son classement. Ainsi sont classés sans efforts les articles qu'il est ensuite aisé
de retrouver.
Cette revue intéresse au plus. haut point les
officiers candidats à l'Ecole Supérieure de Guerre,
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l' 1nte:ndance.
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REVUE D'ETUDES MILITAIRES AERIENNES
ET NAVALES, 5, boulevard Beau~archais, Paris
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LE MON'DE 'MILITAIRE
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Hebdomadaire spéciolement destiné aux militaires d'active et de réserve, le Monde Militaire
tient largement les promesses de ses premiers
numéros. Ses informations administratives intéressent à plus d'Un titre toutes les catégories de
militaires, ses articles sur toute l'lOctivité militaire
en France et dans le monde, ses reportages, ses
pages sportives, littéraires, de jeux et de distractions sont très heureusement rédigés et présentés; ils sont particulièrement appréciés.
Le Monde Militair,e doit, sous l'impulsion du
Général Chevance-Bertin, Directeur de « Climats », occuper une place de premier plan parmi
les organes de la Presse Milita'irequi se sont
dOnnés pour tâche la sauvegarde du Capital Spirituel de l'Armée.
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Le Monde Militaire, 12, rue Sedillot, Paris
(Vile). Le numéro : 15 fr.; six mois : 375 fr.;
un an : 700 fr.
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R
172
REVUE DE LA DEFENtSE NATIONALE
Cette grande revue militaire tl'1aite de toutes
les questions de politique étran'Jère et d'économie générale ainsi que de tous les problèmes présentant des aspects militaires.
Elle comporte également des Revues Historiques concernant en particul ier la deuxième
guerre mondiale, des étudels et enquêtes diverses,
ainsi que des documents ou articles extraits de
revues étrangères.
Cli.aque numéro contient de plus une chronique militaire, une chronique aéronautique. une
chronique d'outre-mer, une chronique diplomatique et une chronique économique.
Le Comité de Direction de la Revue de la
Défense Nationale est composé de hautes autorités civiles et militaires'.
Les abonnements sont reçus : à la Librairie
Bel'ger-Levrault, 5, rue Auguste-Comte, Paris
(Vie), c.c.P. Paris 409 ou ,au siège de la Revue,
Cité Marignac, Paris (Vile).
Un an, 12 numéros : 700 frans.
Six mois, 6 numéros : 500 francs.
•
TROPIQUES
C'est la Revue des Troupes Coloniales et
celle de tous les officiers qui s'intéressent aux
que'stions de la France d'Outre-Mer.
Au sommaire du numéro de novembre 1948:
Colonialisme ou Colonisation.
Les Nomades du 'Sahora Méridional (Commandant Chapelle) .
Le Général Mangin (Général d'Armée - CR Niessel) .
Gens et choses d'Outre-Me r (Pierre Roudot )
L'Or dans l'Union Française (Commandant
Bonnet) .
Filles de Chiens, Filles de Chats (J. de
Brussey- Halvi Ile) .
Nouvelles de l'Union Française (Rig).
S~age d'information sur l'Indochine (Colonel Marchand).
Le cinquantenaire de l'Automobile (L.F.).
Crépuscule Laotien (F. Courtial).
Les abonnements sont souscrits chez, Pouzet
et Cie, 10, rue Saint - Roch, Paris (1 er), c.c.P.
Paris 4755-46.
Tarif des abonnements: Un an,12 numéros. 1.200 fr.; 'six mois,6 numéros, 700 fr. Ta'rif
spécial pour les.militaires en (activité : Un on,
950 fr.; six mois', 525 Fr.
~~=o=..="""""""""..:l"",._......o;,-""'iIIIIIIIIi~IÎIIIIIIIiI""
illi--IIIT,J
-
LECLERC, par Edmond Delage. Editions de
l'Empire, 3. rue Bhaise-Desgoffe, Paris (Ve).
(Collection des Grands Coloniaux), 1 volume
150 francs.
L'écrivain militaire bien connu Edmond DeICIJe vient de consacrer, dans la collection des
Grands Coloniaux, un livre à la mémoire du. Générai Leclerc. Cet ouvrage, basé sur une documentation iabondante et sûre a sa place dans la
bibliothèque de tous les Français admirateurs de
cette figure si noble et si pure !
•
HISTOIRE D'ES GRANDES PUISSANCES, par
/.
Maxime Mourin, Editions Payot, 106, boulevard
Saint-Germain, Paris.
En dehors de tou.te opinion politique préconçue l'auteur retrace l'évolution de' la politique
int~rieure économique et financière des principales nations depuis les armistices de 1918 jusqu'au début de 1947.
C'est en fait à la fois une histoire du Monde
Contempora.in, incluant cell.e de la deuxième
guerre mondiale, et un véritable manuel de politique générale.
•
MEMOIRES DE WI NSTON CHU RCH 1LL
Tome 1 : L'Oragel ppproche. Editions Plon,
8, rue Garancière. Paris (Ville). Deux volumes:
490 et 395 francs.
Ce premier tome des mémoire~,du Grand
Homme d'Etat britannique sur la Deuxleme ~ue~­
re Mondiale est un véritable monument histOrique. Il comprend deüx voluna~s intitulés « D'une
Guerre à l'autre» et « La drole de Guerre»
~ premier volume relate les péripéties de
la politique internationale entre 1919 et .1 ~39 et
montre comment le monde s'est ,achemine ve:s
le nouveau conf! it. Il contien,t de ~~mb~euses revélations qui n'ont jamais éte publiees, a la lueur
desquelles se dessinent les aspects nouveaux ~t
SOUIV,ent inattendus des principaux hommes politiques.
•
LES COMPLOifSCON:TRE, H I~LER" par Ma-
xime Mourin , Collection de MemOires, etudes et
173-
documents pour servir à l'histoire de la guerre
Editions Payot, 106, Bd Saint-Germain, Paris
(Vie) , 360 francs.
•
LES CLASSIQUES DE L'ART MILITAIRI :
Ardant du Picq, présenté et annoté par L. Nachin.
Librairie Berg,er-Levrault, Paris 1948, 194 pages.
Faisant un bond de vingt-quatre siècles à
travers l'Histoire, la collection « Les Classiques
de l'Art Militaire» qui nous avait offert pour
commencer « Sun-Tsé et les anciens chinois »
nous présente aujourd'hui les palJes choisies d'u~
des écrivains militaires français les plusoriginaux : le Colonel Ardant du Picq qui, après avoir
combattu en Crimée, puis. dans l'ennui des garnisons successives, couché Sur le papier plusieurs
études remarquables à la fois par leur intelligence hardie et par leur style percutant, eut les deux:
jambes fracassées par un obus prussien le 16 août
1870 alors qu'il dirigeait, sur le champ de bataille de' Gravelotte, le régiment qu'il c'Jmmandait.
•
LE COMMAND~MENT MILliAIRE, par le
Mpréchal Montgomery, Office de Publicité. Bruxelles 1947, 65 pages.
.
•
PSYCHOLOGIE MilITA'RE, par Paul Maucorps. Presses Universitaires de t- -once. Collection
« Que sais-je? », Paris 1948, 128 pages.
D~ns ce petit ?uvral]e l'auteur nous expose
successivement le orole de la, psychologie militaire
dans la 'Sélection et dlons l'orientation du personnel, dans la réalisation du matériel et dans le
maintien du Moral aux Armées.
•
HIS"J10IR'E DE L'ARMEE MOTOR.ISEE, par le
Golonel A. Duvignac. Préface de M. le Général
d'Armée Doumenc, Imprimerie Nationale, Paris
1948. Un volume in-8°.
Composée par un spécialiste d'après les
sources officielles, mais de façon aussi attrayante
<:Jue substantielle', cette' histoire rappelle toutes les
e~u~es et toutes les réalisations qui se sont succe~ees d~p.u~s I.e fb.rdi~r de Cugnot (1769) jusqu aux diVISions blrndees de 10' dernière guerre.
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HISTOIRE DE L'ARMEMENiT, par le colonel
Ailleret. Presses Universitaires de France, Pari's
1948, 128 pag.es.
C'est l'histoire de l'Armemenet Terrestre et
Aérien de 1875 à nos jours : le' matériel de l'infanterie et de l'artillerie, les blindés, la D.C.A.,
les auto-propulsés, l'aviation tactique, les transmissions, les techniques de communication, la
guerre chimique et la bombe atomique y sont
étudiés successivement dans un style clai r et fort
agréable.
•
LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES DE
LA GUERRE 1939-1946, par Jean Chardonnet,
Hachette 1947, 327 pages.
C'est d'abord l'étude de la transformation
que la deuxième l.Juerre mondiale a fait subir à
l'économie des Etats-Unis, de l'U.R.S.S,, de la
Grande-Bretagne et du Commonwealth. de l'Allemagne et de l'Amérique du Sud. L'ouvrage contient ensuite l'étude des tentotives actuelles de
reconversion dans le monde et notamment : en
Amérique où se' pOSe le dilemme du niveau de
production minimum et de la surproduction; en
Angleterre où s'opposent la doctrine du « plein
emploi » et la nécessité vitale de l'exportation';
en Russie.
L'auteur conclut en constatant le déclin économique de l'Europe placée entre deux blocs
puissants et compacts, et en se demandant si la
deuxième gue,rre mondiale ne comporte pas les
germes économiques d'une nouvelle guerre.
•
L'ESSOR DE L'ALGERIE, édité par le Gou-
vernement Général de l'Algérie. Alger 1947, 125
pages, grélvures.
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-
174LE COMBAT SOUS LES, PALMES, par Pierre
Vaussais. Editions Ariane.
C'est l'histoire passionnante d'un de ces
chleuhs que nos troupes eurent tant de peine à
réduire, que nous rapporte M. Pierre Vaussais
dans cet ouvrage vra,iment remarquable.
Tous. ceux qui eurent l'honneur de combattre
les farouches guerriers à un moment quelconque
de la période comprise entre 1907 et 1925, revivront,en lisant ces pages, des heures souvent tragiques mais combien passionnantes qui furent
celles de leur jeunesse. Car cet ouvrag.e, écrit de
main de maître est l'œuvre d'un écrivain qui
connlaît l'ôme berbère, qui a su voir et comprendre, et qui sait décrire et raconter.
•
BARGA, MAITRE D'E LA BROUSSE, par M.
Je'on Sermaye. Papeteries Chérifiennes, Rabat.
137 francs.
Ce livre a obtenu, cette \année, le Grand Prix
de Littérature Coloniale. L'auteur y dépeind la vie
des Noirs, oUi milieu dei la forêt, au « cœur mystérieux de l'Afrique »; ancien colonial, il a pu
saisir Sur le vif !'es scènes de la vie quotidienne
du monde noir dont il a eu la f.aveur de décauvrir
certains aspects ignorés des blancs.
Ce « film» de la vie africaine est écrit dans
un style remarquoble par sa richesse d'expression,
par sa précision, par 510 sobriété e't 'son élégance .
« Barga, Maître de la Brousse» est un très
beau livre, l'un des meilleurs. sinon le meilleur de
l'année. Sa lecture passionnera tous ceux qui s'intéressent au monde colonial.
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