,.. ~, ,;fo;'. . . ~, j "- , .' . .. ; ~.''1'.r# . . • , .. .•• ;" 4.i , "( 1 Bulletin ,-~ F~VRIER ':' ~ f/II. .' .. ~ '".'-, lE " . 1949 • ,- Bulletin d'Information des Troupes du Maroc ,_ _~~MMAIR~,_ _~ Chronique culturelle _ Présence du Maréchal Lyautey 7 Etudescénéraies Le Pacifique (fin), par le Chef d'Escadron d'Artillerie Coloniale Baubeau 13 L'Angleterre et le Moyen-Orient 33 Le Kenya, par le Capitaine Conreaux 62 Chnnique de l'Islam Essai d'introduction à l'étude des confréries religieuses islamiques, par le Général P. J. André 75 Le problème musulman en U.R.S.S. 81 La page de la S.M. Chronique économique La faiblesse de la produCtivité en France Les ports marocains 97 ]01 Chronique sportive _ Le championnat de tennis des T.M. 129 Chnniquemilitaire 3 me R.E.!. et 1er RTM. _ Les beaux faits d'armes - , \' La piste et le bordj de l'Oukaïmedem .. ARMÉE-NATION . La crue de l'Oued Sebou 135 - Le 2 me R.T.M. pendant les opérations de mai 1944 en Italie 145 L'action en France, par le Chef de Bataillon Garbuccia . 156 Le 4 me R.T.M. a exploré les profondeurs du Fruighato 160 Promotions au cours des Affaires Indigènes du Maroc .. 165 Mariages, 167 1 133 138 Carnet Bibliographie Naissances, Décès 1. .A NOS LECTEURS Pour des raisons d'ordre financier, le Bulletin d'Information des Troupes du Maroc, cesse de para~tre sous sa forme actuelle avec je présent numéro. I! sera remplacé, à partir du 1er avril 1949, par un Bulletin Mensuel de 16 pages dans lequel seront signalés. sous forme d'analyses sucdntes, les articles les plus intéressants publiés par les Revues diverses. Il contiendra en outre une Chronique spo'rtive et une Chronique des événements militaires marquants survenus au Maroc. Ainsi le Bulletin des Troupes du Maroc, sous sa forme nouvelle, restera un organe d'information et de Ijal~on en même temps qu'un guide pour les officiers qui désirent suivre l'évolution des grands problèmes actuels. Chronique culturelle fCréfence cUl 008 reproduisuu, ni-op"" UI.le cil'eulaire du Maréehal. Lyautey. préCédée. d'ulle leI 11'<' d'envoi signée de Sil main, L'une et l'autre sonl datées du 25 octobre HH7. N Les deux documenls sont saisissan ts. Ce n'esl pas qu'ils Iraitent de sujets d'une importance décisive à un moment, où la France s'essoufle dans son effort gigantesque et où le Commissaire Résident général au Maroc esl en droit de se demander si son œuvre, m'aintenue à bout de bras depuis trois ans, résistera à une défail. lance de la Métropole. Non, il s'agit du mieux être de la troupe, de son confort physique et moral. Le merveilleux précisément est de voir que le soldat de génil', humanist.e de la grande tracli· lion. estime qu'il n'est pas nécessaire de disposer de puissants moyens matériels et de la quiétude du temps de paix pour ac('ompli.r des travaux qui peuvent paraître humbles mais qui, à ses yeux, ont une grande valeur pl~rce qu'ils touchent au moral de l'Homme. Une fois de plus il agit en précurseur. Nous avons t.ous connu jusqu'en 30 la cantine el le cantinier; quinze ans plus tôt, le Maréchal Lyautey organise des «Foye.rs du Soldat» auxquels il veut donner tout de sui te une allure de elubs. Le mastroquel à fins commerciales est remplacé par un véritable centre culturel qui doit être l'œuvre des chefs militaires eux-mêmes. à tous les éehelons. El il n'hésite pas à entl'er dans le détail! On senl qu'il « voit» la chose, qu'il l'a pensée el qu'il entend bien n'être pas trahi dans l'exécution de ses ordres. Il va jusqu'il préciser où el eommenl on peut se procurer des livres... Le tout dllns un slyle inimitable, e1air, précis, -dired, à l'image exae!e de l'holllme, Nous sommes fort loin du palhos administl'atif. On voit dans ces conditions comlllenl le « papier» peut devenir une invite impérative à l'action. AvanL-projets, états 'J'. modèles-lypes et gabarits en prennent pour leur grade. On serait. volontiers saisi d'une certaine npslalgic il la leelure de nes lexles vigoureux. La leçon d'il y a trente ans vaut tou jours... -8Au Q.G. de RABAT, le 9 novembre 1917. Résidence Générale au Maroc CABINET MILITAIRE NO Le Général de Division LYAUTEY, Commissaire Résident Général de France au Maroc, Commandant en Chef, 4.383 C.M. à MM. les Généraux Commandant les Subdivisions de FES, MEKNES, MARRAKECH, TAZA, les Colonels Commandant les Subdivisions de RABAT, CASABLANCA, OUDJDA, les Colonels Commandant les Territoires de BOU-DENIE, TADLA ZAIAN ,. "~ En VOLtS. envoyant la note circulaire ci-jointe, {appelle sur cHe votre particulière attention. Ce qUie je demande, 'c'est qu'elle ne tO,mbe pas dans le gouffre des circulaires ql.l" on lit, qu:on classe et dont on ne s'occupe plus ou mollmnent. Je demande aussi qu'elle ne se trouve pas paralysée 'par l'automatisme des transmissions hiérarch'iques et de l'esprit ad;ministratif, mais que cela d)evienne quelque chos·e de vivant, de personnel, de souple et d'essentiellement variable selon les gens, les lieux et les modalités et qu'avant tout, cela ne tombe pas dans le domaine des projets, avants-projets, états T.,modèles-types et gabarits. ... Je demande au:r Gommandants de Régions de s'y intéresser comme moiJmême, de prendre la chose à cœur et de vraiment intéresser chacun, du haut en bas, à la réalisation la plus pratique, la plus simple et Za îP~us rapide. 1 Signé : LYAUTEY. Pour copie conforme : Le Chef de Bataillon, Chef du Cabinet Militaire : Signé : Illisible. .J A M. le Colonel Directeur du Service des Renseignements, à titre d'information. -9Résidence Générale de France au Maroc CABINET MILITAIRE NOTE CIRCULAIRE N° 4.030 C.M. Dans plusieurs places j3t postes du Maroc, I~squels représentent pOUl' les troupes en opéra- tlûns les seuls cantonnements de repos, les efforts les plus louables ont déjà été faits pour l'installation de « Foyers du Soldat », salles de réunion et de lecture pour les sous-officiers et la troupe. Ces organisations sont à généraliser et à développer. Si, en France, leur nécessité s'est imposée; elle s'impose bien davantage encore en pays colonial. IEn France, l'homme trouve sur place les délassements et les ressources, il a le bénéfice des permissions fréquentes et, très souvent, de la proximité de sa famille. Ici, il est entièrement privé de toute détente. C'est dans les postes su;rtout où la vie est si rude et l'isolement. si sévère que cette privation se fait le ,plus sentir. La qualité du recl'utement impose davan. tage encore l'obligation d'assurer aux troupes européennes les ressources de lecture et de délassement, qu'il s'agisse soit de nos cad;res de choix, des jeunes soldats recrùtés au Maroc, ·des engagés volontaires et paeticulièrement des territoriaux et des réservistes dont la guerre a fait la majorité de nos hroupes européennes. Ceuxci surtout sont d'àge, de condition et d'habitudes auxquels des distractions grossières ne sauraient suffire et la lecture, la détente intellectuelle, leur sont indispensables. Je désire donc voir dans chaque poste, si réduit qu'il soit, dès lors qu'il comporte un effectif eUlf'opéen, installer un lieu de réunion, de lecture et de repos, aussi bien ,pour les sousofficiers que pour la troupe. Je regarde qu'il s'agit là -d'une véritable allocation que nous devons à nos troupes au même titre que la nourriture, le couo:hage et l'ablution. Ces installations compodent d'ailleurs les ~odalités les plus diverses, essentiellement varlables selon l'importance des garnisons, les ressources et les moyens locaux, le caractère défiQ,itif ou provisoirè des postes. Elles peuvent être très simples, pourvu qu'elles so~ent. Il ne s'agit pas ici de preVISIOns sur les états T, de constructions à longue échéance, de projets grandioses qui ne se réalisent jamais ou très tardivement parce que trop importants et trop onéreux. C'est l'écueil sur lequel on échoue le plus souvent quand des questions de cet ordre se posent. C'est ici que « le mieux est l'ennemi du bien », je l'ai trop souvent constaté. Ce qui importe c'est que les Commandants de Régions, de Groupes Mobiles, de Cercles, de Postes, d'Unités, soient absolument pénétrés de la nécessité, de l'efficacité et de l'urgence de ces installations et les veuillent et alors ils arriveront toujours à les réaliser. Et voici les dia'ectives Un local, petit ou vaste, selon l'importance de la garnison, mais toujours proportionné à son effectif, de façon que les hommes ne s'y entassent pas comme dans une boîte à mouches et ne soient pas forcés de n'y venir que successivement. Devant ce lo('al, un espace libre, aménageable en jardin, pour que la « réunion »puisse se faire aussi hien en plein air qu'à l'intérieur. En conséquence, choisir toujours le local à une extrémité de hal'aqlle pour qu'il ne fasse qu'un avec la réunion extérieure, ou dans une haraque isolée. Choisi,r l'emplacement d'où la vue est la plus agréable ct « délassante », ce qui est un facteur de repos moral et de détente inappréciable. Que le local soit largement éclairé avec des haies supplémentaires sans craindre, comme il arrive trop souvent, de rompre la symétrie du bâtiment. Ne jamais juxtaposer les lieux de réunion des sous-officiers et de la troupe pour laisser aux uns et aux autres toute liberté d:allure et de palf'oles sans inconvénients pour la discipline. Dès que l'importance du poste ou de la . garnison le comporte, prévoir deux compartiments distincts, l'un pour la lecture et l'écriture avec la bibliothèque, l'autre pour la «réunion» les jeux, le «cercle ». Rien n'est odieux pour le~ 10 - " " l' gens qui veulent lire ou écrire tranquillement comme d'êlil.'e dans la salle où l'on joue el, cause. Dès qu'on jette le plan du premier établissement d'un poste, prévoir immédiatement l'emplacement de cette installation et ne pas attendre le nioment où, tout élant déjà encombré, on ne peut plus la faine que dans les en· droits sacrifiés. Cela a déjà été compris et réalisé dans certains postes nouveaux où j'en ai exprimé toute ma satisfaction. Voilà pour le contenant. Pour le contenu, des livres d'abord et des publications. Je préconise les abonnements qui ont l'avantage de se renouveler automatiquement et d'êtJ:1e d'actualité. Varier le choix des livres de façon à sortir du roman -cie hasse qualité pt avoir des ouvrages de honne littérature, d'enseignement économique et pratique que tant d'hommes apprécieront. Constituer un lot de .publications eoncelrnant le Maroc, et de cartes qu'on mettra au mur. Ceci est d'un intérêt eapital pour heaucoup d'hommes qui, amenés au Maro(~, s'y intéressent, désirent savoir cr qui s'y fait, en connaitre les ressources et peut-être s'y fixer. Pour la constitution de ces hihliothèques, les Cam mandants de Régions, de Cercles, dt>, Postes, d'Cnités, peuvent s'adresser direetement aux Sociétés de la Croix-Rouge qui ont de lairges ressourees. à la Société « Franklin », spécialement destinée à la diffusion de livres dans les bihliothèques populaires et militaires (écrire à I~L Koechlin, 32, quai de Béthune à Paris), aux bibliothèques privées de Rabat et de Casablanca, à celles de la Direction de l'Enseignem'ent et aux grandes librairies. lVIais, je les invite surtout à s'adresser à la Résidence générale (Cahinet Civil), où est organisé un Service de Centralisation pour la répartition et l'envoi de livres et documents et qui se met notamment en mesure de fournir les publieations et cartes concernant le Maroc. Pour les jeux, les Sociétés de la CroixRouge et le Cabinet Civil du Résident général. En ce qui concerne les ressources supplémentaires nécessaires pour le mobilier, le ma- tériel et l'ornementation, il appartient en principe aux Commandants de Réglons de faire appel à leurs divers Services pour les constituer, ce qui, avec de l'ingéniosité et du goût, n'est pas diffieiIe, mais iei encore, je me tiens à leur disposition pour répondre à leurs demandes pal' l'intermédiaÏire du Cabinet Civil qui les centralisera et les dirigera sur les divers services militaires et civils pouvant aider à leur réalisation. Le moyen pratique d'aboutir, c'est de ehargel' de ces installations, dans chaque place, camp ou poste, un personnel spécial, un offieier, un sous-officier, un homme de troupe non pns quelconques, mais partieulièrement dégourdis, ayant le goût et le sens des installations. Ils existent toujours, il s'agit de les trouver, de leur laisser heaucoup d'initiative en tirant paTti de l'esPrit dl'émulation, de l'amour-propre et du désir de faire œuvre personnelle qui sont toujours le meilleur stimulant de toute réalisation que glaee et paralyse l'aetion administrative et hiérarchiqu~e. Tout ee que je viens de dire s'ftppliqup à fortiori aux « Réunions d'Offieieirs ». Je termine par une conelusion qui pourra paraître un paradoxe, mais qui estï'expression de ma profonde conviction. J'estime que dans la plupart des cas, ces loeaux et emplacements extérieurs de lI'éunion doivent être les premiers installés. Au eours de la construction d'un poste. période longue et ingrate, l'homIne couche plus ou moins longtemps sous sa tente ou dans drs ab~is provisoires ; mais, dès le début, pendant les travaux, alors même qu'on est dans la période des précautions militaires les plus intenses et de défense, il trouve un lieu de réunion avenant et dégagé où il se délasse, se ressaisit el réagit contre le « caf'ard ». qui est le premier ennemi à combattre dans les postes isolés. Fait au Quartier Général à Fès, le 25 octobre 1917. Le Génèral de Divi$ion LYAUTEY, Commissaire R~sident général de France au Maroc, Commandant en Chef. Signé : LYAUTEY. Etudes générales ... , LE PACIFIQUE fin d d QUATRIEME PARTIE Pf\CIFIQUE DEPUIS lf\ GUEf\f\E INTRODUCTION 1 Fin 1943, la lutte continuait acharnée dans le monde. Mais, en Extrême-Orient, le danger immédiat écarté des Indes, les Alliés solidelllent appuyés au système « Australie, NouvelIe~ Zélande, Mélanésie », se préparaient à l'offensi.ve. Au Caire, à la même époque, durant les derniers jours de novembre, le Président Roosevelt et le premier Ministre W. Churchill promettaient au Maréchal Tchang Kaï Tchek le retour à la Chine après la victoire, de tous les territoires arrachés par le Japon. C'était quelque peu faire fi des intérêts soviétiques. Et si, à Téhéran, en décembre 1943, les Anglo-saxons et les Russes ne traitaient que du front de l'Ouest, par contre, au début de 1945 (1), à Yalta, en l'absence de la Chine et de la France, Ils établissaient un protocole englobant toutes les questions (2) posées dans le monde par la guerre, Sa liquidation et, notamment, par le cas japonais. C'est ainsi que l'U.R.S.S. promettait d'intervenir avec ses armes en Extrême-Orient, sous les conditions SUIvantes: maintien du « statu quo» en Mongolie 0. - ~térieure' (3) - rétablissement des droits russes violés par «perfide» du 'Ja\po'll en '1904; cest- ~'agression a-dire: a) retour à l'U.R.S.S. de la partie méridionale Ue l'île Sakhaline et des îles avoisinantes; b) ,internationalisation de Dairen et garantie <les intérêts prioritaires soviétiques, rétablissement du bail de Port-Arthur c.omme base navale russe; c) exploitation en commun avec la Chine des Chemins de fer de l'Est chinois <C.E.R.) et du Sud Mandchourien <S.M.R'); création d'une société Si" no-soviétique, garantie des intérêts russes et de la souveraineté chinoise. remise à l'U.R.S.S. des îles Kouril,es. Les revendications devront recevoir une satisfaction iuoonditionnelle et le Président Roosevelt se chargera d'obtenir l accord du Maréchal Tchang Kaï Tchek. Dé son côté, la Russie s'engage à 'con· clure avec la Chil\e un pacte d'amitIé et d'alliance. Les accords <le Yalta portaient donc en germe les grandes lignes de, la politique alliée actuelle en Extrême-Orient et au Pacifique. 2°. - Le 5 avril 1945, le pacte de non-agression entre l'U.R.S.S. et le Japon est dénoncé. Les évènements se précipitent. La pieuvre nipponne a dû replier presque toutes ses tentacules sur ses îles métropolitaines. Et, le 26 juillet, de 'Postdam, partait le fameux ultimatum signé <le MM. Roosevelt et Churchill, et approuvé par Tchang Kaï Tchek. Il disait en substance : « Les forces alliées venues de l'Ouest sont prê~ tes à écraser le Japon et l'exemple de l'Allemagne montre que cet écrasement est obligatoire.» Le temps est donc venu pour l'Empire Nippon de se débarrasser de ses conseillers militaires et de choisir entre l'anéantissement et la voie <le la raison. (1) 11 février 1945. (2) O.N.D. territoires sous tutelle; Europe libérée, Allemagne; réparations; frontières; criminjJIs de guerre. Europe du Sud-Est; etc... (3) République Populaire de Mongolie; Cf B.I.T.M. nl 7. -14Voici les conditiQns définitives autorité des chefs actuels japonais éliminée pour toujours (4); occupation du territoire japonais (5); exécution des décisions du Caire et, notamment, limitation de la souveraineté nipponne aux îles métropolitaines (6) ; désarmement et retour des forces ennemies au Japon; , poursuite des criminels de guerre; instauration d'un gouvernement démocratique; conservation d'une industrie nécessaire à l'économie du Japon en vue de satisfaire de justes réparations; accès - mais non contrôle - aux matières premières (7); - retrait des forces alliées tous objectifs précédents atteints; en particulier installation d'un gouvernement nippon responsable, dém.ocratique et pacifique. Cet ultimatum. se terminait ainsi : « Nous sommons le gouvernement Japonais de proclamer dès maintenant la reddition in<\onditionnelle de toutes les fol"ooS armées Japonaisés et de fournir les assurances appropriées et adéquates de bonne foi en l'occurrenQe ». A défaut de quoi, le Japon ne peut enlv~sagier qu'une destruction totale et complète. 3°. - ,, . Le Japon repoussait l'ultimatum. Le 5 août, la ville d'Hiroshima était écrasée par une bombe étomique (8), le 8, c'était le tour de Nagasaki. Le 10, l'ennemi acceptait les conditions, les Alliés donnaient leur réponse le 11 et, dès le 14 à minuit, Messieurs Truman et Attlee annonçaient tous deux à la Radio la capitulation Japonaise. Le lendemain, le Général Mac Arthur ordonnait le « Cessez le feu» aux Nippons et leur prescrivait l'envoi à Manille d'un émissaire qui recevrait les instructions alliées. Enfin, le 2 septembre, il acceptait, en tant que Commandant en Chef des Forces Alliées, la reddition inconditionnell.e. 4°. - La lutte terminée, seuls les intérêts de chacun des Alliés allaient, tout comme en Europe, dicter la politique nouvelle. Pour la Chine, c'était la défense de son intégrité territoriale. Pour l'U.R.S.S., le rétablissement dans ses droits anciens de 1904. Pour les Etats-Unis, le retour à la politique rie 1'« Open Door », la porte ouverte. Quant à la Grande-Bretagne, suivie, après quelques hésitations, par les Dominions du Pacifique, elle se décidait, certaines précautions prises, à emboîter le pas derrière les Américains. L'objectif principal allait encore, comme par le passé, rester la conquête du marché chinois. Mais l'un des candidats les plus sérieux -Ile Japon - a disparu, remplacé par les deux « colosses» des temps présents. Ils ne pouvaient que se heurter. 5°. - Parallèlement, un fait nouveau d'une importance capitale apparaissait, tant au Pa~i­ que que dans l'Asie du 'Sud-Est: la crise du système colonial et la marche irrésistible des colonies vers leur émancipation. Ces terres qui paraissent si lointaines il. l'Européen, immenses réservoirs d'hommes en effervescence, virent naître un peu partoLAt des aspIrations plus ou moms nationalistes. La propagande nipponne pour la « Plus grande Asie» portait ses fruits 'et l'on. peut se demander devant les difficultés quèrencontrent, depuis plus de deux ans, les· Blancs parmiJes Jaunes, si, dans le fond, le Japonais ne continue pas sa guerre. Les séquelles de son passage existent encore un peu partout: D'un autre côté, la Charte de l'Atlantique de 1941 a solennellement proclamé le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et (ce qui en est la condition de base), le libre accès de tous aux matières premières, En 1944, à la Conférence de Philadelphie, les Nations-Unies demandaient que « toute politique destinée aux territoires dépendants» teflde, en premier lieu, au bien être et au développement ds habitants de ces territoires. Enfin, si h Confrérence de San Francisco repoussait le principe de l'internationalisation des colonîes, elle précisait le caractère de primauté des intérêts des autochtones et la nécessité, pour ks f;tats responsables de fournir périodiquement au Secrétariat Général de l'O.N.U. tous renseignements utiles sur les progrès des pays coloniaux. En outre, un contrôle plus effectif était étendu sur les territoires sous mandat par la création du Conseil de Tutelle de l'O.N.U.; ce fut l'innovation du trustee-ship. 'Presqu'à la même époque, les mouvements de libération dite nationale éclataient aux Indes, en Lnd.ochine, en Indonésie, en Birmanie, en Malaisie, entraînant un recul certain de la France, de la Hollan~ et de la Grande-Bretagne; au même moment, les U.S.A., par l'occupation du Japon et de la Corée Méridionale maintenaient le flot russe tout en assurant à l'Ou·"st du Pacifique un départ solide de leurs lignes <le communication vers les « bords blancs» du Grand Océan. . De son côté, l'U.R.S.S., depuis l'arrêt des hostilités a (tout comme en Europe Occidentale) pris constamment position en s'appuyant sur les « contrats» passés durant la guerre. Téhéran, Yalta, Potsdam, San Francisco. C'est aimi qu'elle devait formellement observer ce qu'elle considérait comme une acceptation tacite de la répartition du monde en zones d'influet1J<lel du tem!ps de guerre. Mais l'on peut se demander, à l'heure actuelle, si cette position ne constitue pas pour elle, notamment en Extrême-Orient, un minimum. Après avoir consolidé sa domination effective sur le continent eurasien, ne se prépare-t-elle pas à une « action ouverte» en favorisant quasi-officiellement l'évolution de foyers progressistes sur les bords occidentaux du Pacifique, sapant ainSi l'œuvre des nations d'o~ bédience non-communiste ? (4) L'instauration d'un ordre nouveau exige en effet que tout militarisme frresponsàble soit chassé du monde. (5) Jusqu'au moment pù l'ordre nouveau "sera instauré. (1\) Honshu; Hokkaidb; Kyushu; Shikoku et « d'autres petites Iles .à déterminer ». (7) Dans l'avenir, la par.ticipation du Japon au commerce international est envisagée. (8) « Une bombe d'un modèlenouv~u » tels furent les termes du communiqué japonais. ------------ -- --- - -------~ - -- - - - -_-=.:. --~--~--~-_...:...~-'=-:-_---.;.:.::..::;--=---=: ... =..:-=:-=~~:~ - - - . . .:.:..-=-::::=--=~ .._---- -- 15-Il CHAPITRE l . 1 LIGNES OFFICIELLES DE LA POLITIQUE INTERALLIÉE D'APRÈS GUERRE La commission d'Extrême-Orient 1 Issue des conversations tenues en août 1945, une Commission consultative d'Extrême-Orient formulait dès le mois d'octobre, à Washington, des ({ recommandatIOnS» afin de <léfinir les principes et les règles de la politique propre à imposer au Japon une exécution correcte des conditions de la re<ldition. Elle était composée de représentants de toutes les nations alliées intéressées au Pacifique, sauf l'U.R.S.S.; cette dernière n'admettait pas, en effet, son caractère pJrement consultatif. Quoiqu'il. en soit, cette commission gagnait le Japon en décembre 1945. C'est à cette époque qu'à Moscou, afin de pertnettre une plus large participation alliée au contrôle du pays durant l'occupation, l'on prenait la décision de créer la Oommission d'Ex,trêmp-Orient. Elle se réunissaîf pour la première fois en février 1946, à Washington, son siège normal. Lors de la séance d'ouverture, M. Byrnes déclarait entre autres: «La paix a'.1 Pacifique est la pierre angulaIre essentielle à une structure stable du mond'e. C'est pourquoi la tâche d'amener le JaPon à un état d'association pacifique avec d'autres nations est particulièrement importante. C'est à vous qu'elle Incombe à présent ». Parallèlement, un Conseil: Allié (1) avec son Siège à Tokio, était mis sur pied dans le but de ({ consulter et conseiller le Commandant en Chef Suprème à propos de l'exécution des conditions de la reddition, de l'occupation et du contrôle du Japon et des directives complémentaires s'y rapportant ». 0 • - 2". - La Commission d'ExtrênJjè-Orient était fractionnée en un certain nombre de -Comités. C'étaient, en dehors du Comité de DirelCtion, responsable de l'organisation du travail et de la coordinati.on, ceux: des réparations; des affaires économiques et financières; de la réforme constitutionnelle et légale; du renforcement des tendances démocratiques; des CrIminels de guerre; des étrangers aù Japon; du désarmement au Japon. 3 Il est vrai que, depuis trois ans, cet organistne international a atteint certains résultats, :mais ils ne concernent que le Japon ou ses anCIennes possessions. Son unique mission était d'évit-""r que l'Empire Nippon puisse redevenir une menace Pour la paix et, de ce fait, elle n'est pas intervenue d,ans les conflits qui ensanglantaient d'autres par· ties de l'Extrême-Orient. 0 • - Elle a donc installé un gouvernement démocratique et pacifique à T,okio sous l'obédience du Général Mac Arthur. Très vite, dès mars 1946, la première chambre des Représentants de la Diète Japonaise était élue Le 6 du même mois, la vieille constitution de Meiji, datant de 1889 et d'apparence« faussement libérale» était annulée, et un projet de constitütion publié. Il était révisé un an après. Des syndicats étaien' créés. Sur le plan des réparations en nature, le « Zaibatzu »), monopole industriel et financier, était dissous; les usines étaient sélectionnées, c'est-à-dire: saisies, détruites ,ou maintenues; les biens transférés au titre des réparations étaient livrés, de même, les biens pillés ou confisqués sur territoire Japonais étaient restitués (2), Le problème économique nippon était, en outrè, étudié dans des conditions qui ne plurent aucunement à certaines ~s onze nations sIègeant à cette cOlllmission. Notam,ment une crise devait naitre et mounr à ce sujet entre la Grande-Bretagne et quelques-uns de ses Dominions. Quoiqu'il en soit, l'on fixait en fonction des besoins le niveau de l'industrie japonaise â son taux de 1930-1934; l'on créait un Office interallié du Commer'ce pour le Japon chargé, en particulier, de fixer la source des importations et la d(cstillaHon des exportations; l'on étudiait le ravitaillement du pays et l'on organisait des contrôles économiques à court terme. Enfin, après avoir décrété que les originaires de Fo,rmose et de Gorée ne seraient plus Japonais, après avoir- confisqué les biens des criminels de guerre, l'on terminait le désarmement du pays et l'on interdisait « sine die» toute activité dans les recherches touchant à l'é~ergie nucIéaire. 4 Certes, les résultats ne sont donc pas négligeabl<es. Certes, il importait sans délai de s'attacher à résoudre certaines questions premières touchant le Japon. Son effondrement, en effet, venait de pro" voquer en Extrême-Orient un déséquilibre des forces et de l'économie accompagné de secousses et -de failles qui durent encore. Mais, il aurait peut-être été bon, sous le paravant d'une politiqüe soit disant interalliée, de garder la bonne foi qui consiste à dire: ma politique. e'est la mienne. Et l'on ne .,peut que s'étonner de voir le point d'application de cette commission rester si obstinément fixe au Japon, alors que, d'ores et déjà, des ébranlements;' plus ou moins sérieux 0 • - ( 1) Président : Commandant en Chef suprême ou son adjoint - Membres : Chine, U.R.S.S. et un reorésentant commun à Ill. Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle Zélande et l'Inde. (2) Sur ce point on ne peut en dire autant concernant les territoires occupés par le Japon. ., ~ l' 16 naissent un peu partout dans cet immense théâtre de l'Asie et du Pacifique. Certains, sans doute, constituent des séquelles du passage et de l'occupation nipponne, mais d'autres, souvent plus violents, découlent de nouvelles sources d'énergie sourdement entreten'.les. Ils ont causé, à leur tour, et causent toujours ruines et morts. Combien d'entre eux, en autre, ont été réglés par la Commission d'Extrême-Orient ? En 1945, l'action de Soekarno en Indonésie; le projet Wawell aux Indes; l'action Viet Minh en Indochine; l'action des forces communistes chinoises; En 1946, la proclamation de l'indépendance des !Philippines; le conflit franco-siamois; - En 1947, les premières élections birmanes, le « trustee ship» américain sur les îles du Pacifique; la création d'une ligue pour l'Asie du SudEst; - En 1948, la proclamati.on de l'indépendance birmane; les incidents sanglants de Malaisie. Autant d'évènements d'importance première échappant entièrement au contrôle de cette Commission. Les raisons, on le verra tout à l'heure, sont sans doute nombreuses. Parmi les meilleures, il faut citer le profond désir des puissances directement intéressées de régler seules leurs problèmes, 1'aide aè certains partenaires, parfois des pl us puissants, ne pouvant que leur paraître dangereuse. En dernière analyse et compte tenu du fait que le Général Mac Arthur est le véritable « empereur» du Japon, l'on assiste à l'impuissance d'une Commission internationale incapable d'élargir le cadre .étriqué du débat et d'intervenir dans les multiples conflits qui ravagent ces pays. Ce n'est ni neuf ni spécial à l'Extrême-Orient et au Pacifique. Quelques acteurs nouveaux, mais le jeu reste le même. CHAPITRE A - Introduction 1o. - L'évolution de la situation en Chine depuis l'effondrement du Japon est dominée par les décisions prises à Yalta en février 1945. Les accords se traduisaient, en dernière analyse, par la reconnaissance de l'Etat d'obédience communiste instauré par l'U.R,S.S. en Mongolie Extérieure ainsi définitivement séparée de la Chine; celle des droits acquis brutalement par l'U.R.S.S. à la suite de la révolte des « boxers)} en 1900, avec comme conséquence: - l'impossibilité d'appliquer la politique de John Kay et de Théodore Roosevelt (celle d'3 la « porte ouverte») - et la Mand'chourie coupée en deux. Ils restaient, en outre, marqués d'une certain cynisme, puisqu'il fallait rechercher l'assentim ~nt de Tchang Kaï Tchek, alors que "U.R.S.S. avait déjà satisfaction inconditionnelle. Les U.S.A. se chargèrent d'obtenir cet assentiment. ILs avaient, en effet, tout intérêt à préparer l'entente sino-soviétique; car les forces communistes chinoises, fortes de 900.000 hommes et d" 2.000.000 de partisans, risquaient de faire cause commune' avec les troupes russes progressant en Mandchourie, créant ainsi la p.ossibilité d'un conflit armé entre U.R.S.S. et Etats-Unis. Le Maréchal Tchang Kaï Tchek se voyait dans l'obligation d'accepter les accords et signait, le 14 aoùt 1945, jour de l'écroulement japonais, un traité d'entente avec les Soviets; les décisions de Yalta étaient confirmées pour trente ans. 2". - De ce jO.lr, la politique interalliée en Chine devait être dominéè par un double problème: le problème mandchou; le problème économique. Il La Mandchouri:e, base première de l'édifice industrIel et économique chinois, allait, comme par le passé, devenir la pierre de touche de la conquête de l'immense marché chinois. Le jeu allait consister, pour les U.S.A., à empêcher ru.R.s.s. d'appliquer en Chine -Nord-Orientale un système comparable à celUI des glacis soviétiques occidentaux et fi, lui faire' admettre le principe de la libre concurrence des capitaux étrangers. Mais, pour ce, il est d'abord nécessaire d'ar:rêter la guerre civile et les volte-faces de la politique américaine à l'égard de la 'Chine, ces dernières années ne semblent guère favoriser cette fin. B - Guerre civile et poUtique Malgré son intervention tardive en Ex1 trême-Orient, l'U.RI.S.S. avait cependant indirectement aidé la Chine en maintenant sur l'Amour 300.000 hommes qui fixèrent ainsi 1.000.000 de Japonais. Après la conquête de la Mandchourie, les Russes devaient, selon les 8,iCcords d'août 1945, quitter le pays en décembre de la mê_me année. En réalité, ils ne retiraient leurs tro.lpes qu'en avril 1946. Elles étaient remplacées oar des fQ.l'ces « démocratiques» locales et Tchang Kaï Tchek ne pouvait utiliser la base de Dairen. Le conflit avec les communistes allait très vite prendre rampleur d'une véritable guerre civile. 0 2 0 • - • - L'on se rappelle qu'après la création, en 1937, d'un gouvernement rouge au Yenan, Tchang Kaï Tchek avait, en 1942, réussi à isoler leurs for- ces. Une espèce de modus-vivendi s'établit durant 17 quelques trois ans, troublé, en 1944, par une crise entre Mao Tsé Tung et le Maréchal. Cependant, en 1945, les Rouges contrôlaient dixneuf régions, cent millions d'habitants en Chine du Nord et, dès l'effondrement nippon, passaient à l'action.• 3°. - C'est alors Que les Américains, dont la Politique, comme on l'a dit, exigeait la paix en Chine, intervenaient en la personne du Général Marshall en fin 1945 et obtenaient un armistice d'une durée de trois semaines.' Mais les Russes én profitaient po;]r amener en Mandohourie une armée rouge chinoise et cette d~rnjère occupait, le 14 avril 1946, jour même du <lepart des forces de l'U.RJSI.S, (1), la capitale . Tchang Tchoun. La lutte reprenait avec violence. Le Général Marshall revenait à nouveau en Chine; il devait échouer dans ses tentatives de conciliation et remettait, à son retour à Washington, le fameux rapport qui entraînait une décision d\me importance incalculable: ,'>uspension du prêt de cinq <lent millions de d·allars à la ChÏln,e et refus de licences d'exportation de munitions. . Il définissait ainsi les positions des deux partIs : les Chefs du Kouo-Min-Tang sont persuadés que si les Communistes acceptent de participer au Gouvernement dont la forme a été préconisée lors de la Conférence Consultative politique de janvier 1946, c'est dans le but de la détruire. les Comm;]nistes pensent que le Gouvernement a fait preuve de mauvaise foi en ayant l'air d'accepter les résolutions de la Conférence Consultative alors qu'il a l'intention d'écraser le communisme par le moyen de l'armée et de sa police secrète. C'est donc la méfiance totale qui règne et chaque camp commet l'erreur capitale d'avoir une vu; unilatérale. L'existence dans le Gouvernement de Tchang Kaï Tchek d'un groupe réactionnaire puissant, opPosé a~IX efforts du Général Marshall et partisan ù.e la seule politique de force, le caractère internatIonal et la propagande provocatrice à l'égard des D.S.A. du parti communiste expliquaient la rupture du printemps 46. Et, si le Général Marshall mettait quelqu'esPoir dans les rares libéraux du parti rouge et dans les partis minoritaires du pouvoir central, il conclUait cependant q;]e le seul moyen de mettre un ~,erme à la règle du parti unique était de supprimer appui financier au Kouo-Min-Tang. Il terminait en écrivant : « Quelle que soit la politique adoptée, on devra tOUj,ours se rappeler que le féod~lisme est faible en Asie et que, toutes les fois q;]'il s'oppose au comlllunisme, celui-ci a plus de chances de l'emporter. On ne peut pas espérer faire échec au communisme en soutenant les réactionnaires de Chine »: 4°. - Mai 1946 - Mjai 1947. Entre temps la guerre civile reprenait avec violence et le 1er M'ai 1946, les Forces Rouges lanç~lent une offensive générale qui durant douze mOlS se Soldait après des échecs et des avances de part et ù'autré, par un net avantage aux gouvernementaux, o En particulier> Yenan, capitale communiste, était prise le 19 mars 1947 ; les derniers succès importants de Tchang Kaï Tchek se terminaient courant Mai par l'occupation de Sin Teh, dernière place forte rouge du Chansi et de Thian, capitale provisoire du Chan Toung. Durant la même période, sur le plan politique intérieur, le Maréchal, devant la menace rouge, ajournait, en mai 1946, la ré;]nion de l'Assemblée Nationale. En octobre, il était réélu à la Présidence. Mais surtout, le 15 novembre, c'étaient l'avènement de la Démocratie et la fin du Kouo-Min-Tang, marqués, le mois suivant, par l'adopUon de la constitution par l'Assemblée Nationale (2). Les difficûltés allai"ent surgir tout de suite, dès l'aube de l'an 1947 ; en effet, en février, le Premier Ministre T. V. Song démissionnait et Tchang Kaï Tchek assurait ses fonctions dès le mois suivant; à Formose, des troubles étaient réprimés dans le sang; enfin, en Mai, c'était la grève générale des étudiants protestant contre la guerre civile. Si, en novembre 1946, les U.S.A. avaient signé a vec la Chine un traité d'amitié, de commerce et de navigation, en janvier 1947, le Général Marshall était nommé au Département des Affaires Etrangères et, dès le 29 de ce mois, les U.S.A. décidaient de renoncer à leur rôle de médiateur. Aussitôt, une vague anti-américaine naissait en Chine, marquée notamment en avril, par des incidei1ts graves dans la région de Tien Tsin. Aussi bien était-ce dès Mal l'évacuation des forces des U.S.A. (3). Par contre, les relations sino-russes semblent, au moins en apparence, s'améliorer malgré l'action soviétiq;]e - déjà citée - en Man,dchourie et les discussions autour de Port-Arthur. C'est ainsi qu en mars 1947, la Chin(e pouvait annoncer que l'U,RS.S était prête à quitter Dairen. Dairen, ancien Dalny des Russes, perpétuel objet d'intriglles en Extrême-Orient! D'après les accords, Dairen est un port franc: quais et port sous administration civile soviétique, ville So;]S administration chinoise. Solution simple! L'U.RS.S. va en profiter pour tenir barre aux U.S.A. et la Chine pour contrebfJ-lancer - éternelle politique - l'actIOn des deux colosses. Et c'est l'incident soviéto-américain de Dairen, le 12 décembre 1946 (1), qui entraînera l'envoi, le 3 janvier 1947, d'une note d~ protestation de Washington 8, Moscou. La réponse soviétique est sim. pIe: rIen ne changera jusqu'à !a signature du traité de paix avec le Japon. Ainsi, pratiq;]ement, l'U.RS.,s. a su tenir en échec l'Amérique appuyée cependailt par la Grande-Bretagne et la Chine. Enfin, en Corée, la presqu'île vit un drame comparable à celui qu'à connu l'Indochine courant 1945 (5). Au Nord du 38° parallèle, c'est l'occupation russe et le parti révolutionnaire a pris le gouvernement. ( 1) Port-Arthur excepté. (2) J\1alg-ré l'opposition des communisles. (3) A l'exception de quelques délachements maintenus à Tien Tsin, Tang- Koo et surtout Tsing- Tao, base aéronavale U.S.A. et centre d'entraînement de la flolte chinoise. (4) Où les Russes empêchent le débarquement de quelques Américains. (5) Le 16 me parallèle en Indochine A noler qu'à la conférence de Seoul de mai 1946 l'U.R.S.S. a opposé son vélo .à la su,ppression du 8 Sme parallèle en Corée. 0 . -=~~~ ~~~--~~-=-~---=-=---~-~~ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ~. ~_ ~ ~~ _ ~ _ _ _ _ ---- ---- -- ...... ~ _ .. ~ ... ., ... ~ ~~-----... ~ • _ __ " __ ~ - - --- .k" _... 18 Au Sud du 38° parallèle, c'est l'occupation américaine où le gouvernement militaire s'appuie s'~r les milieux <l'affaires coréens formés d'anciens collaborateurs des Japonais, à l'exclusion des membres du parti populai.re. Aucune coopération entre les deux zones; mais tout le charbon est au Nord. 5. - Depuis Mai 1947. Dès Mai 1947, les Communistes Chinois lancent une de~xième ,offensive générale (G), tant en MandIchourie qu en Chine du Nord. Très vite, Yenan et Sin Teh sont reprises et les succès s'accumulent au Jehol et au Chansi. En même temps, les Mongols pénètrent jusqu'à 300 kilomètres à l'intérieur du Sin Kiang. Au Nord-Est, c'est le contrôle ou l'interdiction de toutes les voies ferrées entre Moukden, Pékin, Tien-Tsin. Enfin, le 1er juillet, les F:orces Rouges traversent le fleuve Jaune aux frontières du Chantung et du Hopeï et attaquent au Sud du fleuve. La situation pour Tchang Kaï Tchek est grave. Il a~lrait, en un an, perdu 1.130.000 hommes, dont plus de 400.000 tués; les Communistes (7) contrôleraient 2.200.000 km 2 de territoire et 131 millions d'habitants. Aussi, dès juillet, il décrète la mobilisati,on totale des ressources humaines et matérielles et, en septembre, s'eHorce de mettre en oeuvre un plan « d'austérité et d'économie l). C'est alors que les U.S.A. envoient en Chine, un observateur de qualité, le Général Wed~mever. A ce moment, si le Gouvernement Central tient à peu près en Mandchourie, les guerillas rouges font rage sur le Yang-Tsé. Dès novembre 1947, toutes le1:; vallées seront envahies et le slogan rouge est lancé. « Nous avons franchi le f~0uve Ja:uneen 194i. Nour aurons franchi le Yang-Tsé en 1948 fJt nous serons au Kouantoung en 1949 ". De fait, l'année 1948 voit les armées de Tchang Kaï Tchek resserrées en Mandchouril"'lJ dans la l'P' giOll de Moukden, Tchan Tchoung, en Chine du Nord, elles évacuent le Chang-Si et le Chang Toung Nord-orientaux; en Chin,e centrale, c'est l'infiltration lente et méthodique, en dehors des colonnes militaires, de milliers de « citoyens paisibles» agents de propagande communiste utilisant comme arme n° 1 :. le partage des terres (8). Cependant, le Maréchal Tchang Kaï Tchek garde l~ c?nfiance de ses sujets. C'est ainsi qu'après la reumon de l'Assemblée Nationale en Mars, il est réélu Président de la République en Avril 1948. Quelle est, en ce moment, 1 attitude des deux grands? Concernant les 'U.S.A., le Général Wedemeyer a ramené à Washington un rapport qui constitue une cinglante critique du régime de Nankin. Aussi le Général Marshall en interdisait la publication: car il n'aurait pu que servir d'arme aux Rouges. Mais, conséquence importante, cette interdiction provoquait en Amérique une attitude anti-chinoise, dans laquelle on peut voir une des raisons . qui ont fait que l'aide à l'Europe a pris l'ascendant sur l'aide à la Chine. Cependant, en décembre 1947, M. William C. Bullit, dans un article de presse qui eut un fort retentü;sement, s'élevait c,ontre cette politique 'l'abandon des .Etats-Unis. Après avoir violemment critiqué les accords de Yalta, il écrivait que l'intervention initiale des U.S.A. n'avait fait que prolonger la guerre en Chine; en partIculier, la trèv.e Marshall. Soulignant ensuite qu'une victoire Stalinienne en lUand'chourie donnerait à l'U.R.S.S. 70 % de l'industrie chinoise, il préconisait une aide totale pour le sauvetage de ce pays portant sur troiS points: économique et financier; militaire; politique, le tout se soldant par un prêt de 1.350 millions de dollars. De son coté, l'U.R.S.S., comme d habitLlde, voit dans ce projet un plan d'asservissement de la ChiI1/e, sa transformation en véritable place d'armes militake et politique au profit des Américains, instigateurs de la prochaine guerre mondiale. LeS marchandises U.S.A. inondent la Chine; ses experts économiques, politiques et militaires se sont infiltrés dans tons les chaînons de l'appareil économi que et gouvernemental chinois. Cependant, la deuxième guerre mondiale a entraîné des modifications radicales dans ce pays. Notamment, si le rapport des forces a changé - défaite du Japon, Grande-Bretagne évincée par l'Amérique (U) - par contre, « le peuple chinois se soulève contre la g~erre civile et ses a,nimateurs, contre le trafic des intérêts du pays, contre la politique de terreur fascite des réactionnaires du KouoMin-Tang, etc... )} (10). . L'on peut facilement conclure de ces derniers propos que les deux grands ne sont pas tout à fait d'accord. Pourtant, en Corée, les conversations furent, aU début, relativement conciliantes. En juin 1~47, s ouvrait à son sujet une conférence bipartite. Mais, bien vite, sous le flot des accusations réciproques. elle ne pouvai.t que donner naissance à une solution d'attente, malheureusement inopérante: commissi.on d'enquête de rO.N.U., qui débarquait à Séoul, en janvier 1948. Devant l'activité « créatrice)} de cette dernière, les U.S.A. passaient ocJtre, et, dès Mai, des élections législatives avaient lieu dans leur zone. Tout dernièrement un Gouvernement Officiel de la Corée du Sud était mis en place. L'U.R.S.S. répondait du tac au tac par l'intronisation d'un Gouvernement populaire au Nord dU 38° parallèle. Ainsi, là, comme en Chin~, échec. Quant à Dairen et Port-Arthur, des négociations direc-bes entre la Chine et 1U.R.S.S. réglèrent leurs statuts particuliers, sans qu'il soit question de soumettre cel problème à l'O.N.U. (6) Un an aprèp la première. (7) Lep pertes rougep seruient de 360.000 hommes dont 70.000 tués. (8) Consolation : d'importaTlts gisements d'uranium ont été découverts en décembre 1947 dans l'Est du Kouang~Si, province frontalière avecl'IndochifiB. (9) A noter que l'U:R.S.S. oublie de citer sa réappositlo n . (10) M. Protsenko - le Troud du 12 novembre .1947. • -19- C - Conclusion 1". - La Chin,e Rouge est une réalité. Elle a l'espace: 2.500 kms de la Sibérie au Fleuve Jaune. Elle li, la puissance en hommes: 130 millions Elle a un potentiel ete résistance certain: depuis deux ans, deux millions d'hommes de Tchang Kai. Tchek luttent contre elle. Elle a su, dans des territoires où 95 % de la P?pulation est paysaJ;me, se livrer la première à la reforme agraire. Elle cultive un farouche antiaméricanisme et, au point où en sont les choses, elle ne croit plus que dans une s.olution par les armes. Est-ce à <:lire, avec certains « prophètes », que la Chine entière sera communiste en 1950 ? On ne le pense pas. Certes, derrière le dos de l'opinion publique; européenne notamment, le communisme, sur la défensive à l'Ouest en 1947 et au début de 1948, s'est livré à la même époque fi, une vaste offensive en Chine, ave,e, comme tremplin de départ, le territoi,re mandchou qui «d'une allure aussi inéluctable . que celle d'un glacier », se meut dans la direction du stalinisme. Certes, l'on parle d\m traité secret entre la Chine Rouge et l'U.R.S.S. Malgré cela, rien n'a pu encore absorber la Chine toute entière et rien ne prouve que le cornmunü::ri:te, même apPJyé sur la contramte et la terreur, y réussisse. 2". - Il n'en reste pas moins qu'il faut trouver une solution à la situation actuelle. Sera-ce dans un partage de cet immense pays ? L'U.R.SJSr., menacée d'indigestion, en serait sans doute assez partisan; mais, si la Grande-Bretagne hésite, l'Amérique s'y refuse, maintenant, et main· tient sa thèse de 1'« open door ». S'en tiendra-t-on à un simple maintien des zones actuelles d'influence. Mais alors, lorsque l'on se rappelle la croyance unique des Rouges dans la solution par les armes, l'on peut se demander si les Américains n'ont pas un intérêt évident à ouvrir le robinet «aux munitions» dont le manque expliqüe i'1 lUI seul les défaites de 1941 et de 1948 des Divisions d'élite de Tchang Kaï Tchek, face aux Forces Rouges équipées et entretenues par les Soviets. CHAPITRE III J A.:P ON" A - Introduction . 1". - Sur le plan interallié, le sort du Japon a eté théoriquement réglé par les accords de Yalta de février 1945 et par l'ultimatum de Potsdam. Dès la reddition naissaient successivement comtne on l'a dit l'éphémère Commission Consultative d'Extrême-Orient (1), la Commisston Internationale d'Extrême-Orient et le Conseil AllIé: tQus organistnes qui - on le répètera - devraient porter l'étiquette «JapOin}) plutôt que celle «KO. ». Leur activité n'a sans doute pas été négligeable; mais l'on peut, sans gros risque d'erreur, écrire que de fait leur rôle est resté dans l'ensemble oonslJlltatif. Car le Jap.on a un maître Suprême: le Général l\[a<l Arthur, et c'est un Américain; une seule nahon occupante: l'Amérique. . 2". -- D'un autre point de vue, les intérêts strategiques des U.S,.A. sont évidents. Point ne leur faut dans l'avenir de Japon trop fragile! D'où une côte tnal taillée entre le régime prévu par l'ultimatum et la politique dont rèvent les Américains. Résultat, nul n'est satisfait; l'U.R.S.S., car elle a~Pire à une Mer du Japon qui serait Russe et tréPIgne de ne pouvoir pmlonger à l'Est le rideau de fer déjà tendu en Corée; la Chine qui craint un renouveau rapide de la puissance économiqJe nipPanne; la Grande-Bretagne tiraillée entre les U.S.A. et ses Dominions de l'Australie et de la Nouvelll'.-Zéla;nde qui tiennent à jouer leur rôle dans le Pacifique Ouest. Dans ce méli-mélo de convoitises, le Japon, revenu de son immense frayeur, se démocratise tout doucement sous la conduite de son magister américain, accepte tout ce qu'on veut bien lui laisser de son ancienne puissance et, sous ses paupières mi-doses, observe, atten<l, confiant dans la force immense que représentent toujours pour l'avenir ses cent millions de fils. B - Evolution intérieure 1". - Le 6 septembre 1945, le Président Truman faisait une déclaration sur les premières mesures politiques que l'on allait appliquer au Japon. Il précisait, en particulier, qu'en câs de désaccord entre les puissances alliées, ce serait l~ point de vue des· U.S.A. qui prévaudrait, à savoir: _. Tout d'abord, utilisation du gouvernement actuel nippon (2) et de la constitution du moment; Ensuite, espérer et favoriser une révolution dans le sens démocratiqué, apte à renverser oet ensemble. (1). Il est bon de r:mpelcr ilcettc occasion flue l'U.R.S.S. avait refusé de participer il lu Comission Consultative d'E.O. (2) Celui du Prince Hlgaslli Kuni démissionnaire en oclobre 1945 et remplacé par le gouvernement démocratique du Baron Shidéra. i ; 1 , , i ,,,, : -20Mais une telle révolution ne peut que reposer sur la réalisaHon, en première urgence, de deux points importants: la réfome agraire; l'éducation du peuple japonais, fort de cent millions d'hommes et s'accroissant de 6 à 800.000, bon an, mal an. Or, la première n'est pratiq~ement pas r~ali­ sée - l'on y reviendra, - et la seconde est menée de façon très discutable; on verra plus loin que l'U.R.S.S. ne se fait pas faute de le souligÎl.-er. A cela s'ajoute 8., l'origine un manque certain d'unité de vue, au sein même des hautes sphères dirigeantes américaines: il v a la directive Mac Arthur; cene du Ministère de la Marine' celle du Département d'Etat. HeureJsement que le premier a l'avantage d'être sur place! 2". - Quoiqu'il en soit, la « conduite en guides» de la politique intérieure nipponne était entreprise sous l'égIde interalliée. Les élections générales pour la Première Chambre des Représentants de la diète japonaise étaient IIxees au 10 mars 1946. Le projet de constitution, annulant la Constitution Meiji, vieille de près de soixante ans était pu' blié le 6 mars. Courant mai, la première crise ministérielle signe favorable po~r la révolution préconisée par le Président Truman - éclate. Yoshida est charge par le Général Mac Arthur de former le·nouveau gouverneme?t; il lui en présente un dont la composItIOn conVIent. En même temps, la Commission d'Extrême-Orient approuve les directives du Général au sujet de la nouvelle Constitution et du démantèlement de l'industrie japonaise. Mais les premiers accrochages vont se produire. L'U.R.S.S. reproche à Mac Arthur: a) - d'avoir approuvé la composition du gouver· nement Yoshida contrairement à l'Article III de la DécIsion de Moscou; b) - le caractère « antidémocratique}) du projet de Constitution, simple réédition de la vieille Consti.tution « réactionnaire» de 1889; « les masses dé· mocratiques n'ont pas droit à la parole»; c) - de soutenir les éléments qui défendent le vieil Etat réactionnaire; d) - de refuser, comme le demande la Commission d'Extrême-Orient, de reporter la date des élections générales fixées par ses soins au 1er juin 1946. La lutte est tôt .ouverte. Plus question de polItique interalliée. Les électIOns ont lieu comme prévu et, au mois d'octobre, les deux Chambres votent la Constitution qui est promulguée en novembre. Le même mois, M. Edwin Pauley remet au PrésIdent Truman un Rapport sur les Réparations que l',on considère comme devant sans doute constituer la base de la politique des U,Si.A. lors des conver~mtions avec les Alliés! L'on y recommandait en substanc?: l'enlèvement total des usines de guerre, de caoutchouc synthétique et de métaux non ferreux tels que l'aluminium et le manganèse; _ l'enlèvement partiel de la machinerie et de l'équipement des centrales électrtques, des usines traitant les métaux ferreux et le cuivre, des usines de produits chimiques et d'explosifs, enfin, des usines de fabrication de machines-outils et de machines électriques lourdes. Mais il y loin de la coupe aux lèvres. 2°. - L'aube de 1947 voit un important remaniement ministériel da gouvernement japonais ainsi au'un incident soviéto-américain : le Général Mac Arthur refuse le visa d'entrée au Japon au délégué du Patriarcat de Moscou; ce qui _n'arrange guère les choses. Cependant, à quelques dix mille kilomètres de là, l'ambiance est meilleure puisque le Général Marshall pouvait annoncer, le 23 février, que l'U.R.S.S. donnait son accord total à la demande américaine de « trustee-ship» (3), sur les îles du 'Pacifique anciennement sous mandat japonais. La mise sous tutelle devenait effective après la décision du Conseil de Sécurité de l'O.N.U., le 2 avril. On en reparlera. Ce même mois, le 25, avaient lieu au Japon des électIOns législatives, le 30 des électwns m~nicIpa­ les. Elles se soldaier,ü par la victOIre des candidats du centre. Le parti socialiste formait le groupe le plus important, mais la nouvelle chambre était cependant dominée par le parti; libéral et le parti démocrate coalisés. Début Mai, le 3 exactement. la nouvelle Constitution entre en vigueur. Puis, le 14, le Gouvernement Yoshida démissionne pour être remplacé par le Gouvernement de Kayama. Les Américains se déclarent satisfaits; par cont,e, il n'en est, évidemment, nullement de même pour les ,Soviets. L'U.R.S.S. estime, en effet, que 60 0/0 seulement des électeurs ont pris part à ces élections, d'ailleurs dirigées contre « un danger communiste non existant» par .le gouvernement de Yoshida, sauvé lui-même une premiére fois par Mac A~t1?-ur en février 1947 lorsqu'il interdit la grève generale. Plus! Les socialistes ont pris le pouvoir malgré l'opposition des partis « conservateurs )}, mais ont abandonné leur programme avec le gouvernement de Katayama, coalition des conservateurs-démocrates et des populaires démocrates; iJ~ se sont livrés ainsi à un jeu de compromis qui a fait l'affaire ,des partis libéral et démocrate. Mais il y a plus: la politique économique des OC-. cupants n'est nullement satisfaisante, car; le capitalisme « monopoliste» fait obstacle au relèvement; la réfome agraire n'est pas appliquée (4); l'appareil administratif japonais reste fortement imprégné d'éléments pro-fascites; les U.S.A. profitent de la situation en disposant de 95,7 % des exportations et de 90 % tles importations. Comment en sortir ? La critique est aisée, mais .... Pour en terminer sur le plan intérieur, il reste à signaler que Katayama démissionnait en février 1948 et que, début mars, AshidaJ formait le nouveau gouvernement. (3) Mise sous tutelle. ( 4) 7,5 % de propriétaires possédant 50 % des terres; 50 % de paysans possédant 10 % des terres - (source russe - 3 septembre 1g47). - C - Les puissances alliées Devant cette politique menée par le seul occupant, voire par un seul homme, quelles s.ont les vues et les réactions des pays alliés? L'on.a déjà parlé quelq.le peu de celles de l'U.R.S.S.; avant de les développer un peu pl.1s, l'on traitera d'abord de la Grande-Bretagnrd et de ses Dominions. 1 n. - Grande-Bretagne et Dominions. Lr~urs relations ont été essentiellement fonction de l'attitude interalliée à l'égard du Japon. a) Très vite, dès juin 1944, dans la volonté d'un avenir entièrement libéré des hypothèques dues à la gueiTe, les représentants de l'Australie et de la NouvelIe-ZéIand~, ré.lnis 8, Canberra, tombaient d'accord pour refuser et interdire aux étrangers l'intallation en temps de paix de bases militaires sur leurs territoires. Bien plus, ils envisageaient la création et l'équipement d'une zone régionale (je défense allant jusqu'aux Samoa occidentales. Et il ne faut pas voir là uniquement une attitude. L'AlUstralie estime, en effet, à juste titre, qu'elle constitue une puissance au Pacifique et décide d'accélérer son développement industriel. Seuls les EtatsUnis, peuvent l'aider. De plus, ne voit-elle pas, en cette grande Nation, son unique et véritable sauveur ? Ce sont donc des sentiments pro-américains que la grande Ile va cultiver jusq.l'au jour de l'effondrsment nippon. La Grande Bretagne par contre-coup, est en froid avec elle. b) Mais, dès la victoire, deux coups de barr. vont changer la direction et resserrer les liens du Commonwealth. Tout d'abord la suppression du Système « Prêt-Bail» dès le 22 août 1945 provoque. une première secousse. C'est, en effet, la politique du dollar qUI débJte, déclanchant ainsi la~ lutte entre deux blocs commerciaux: le britannique et l'américain. Ensuite, l'Austrailie est fortement blessée d'·ms son amour propre; car, on ne lui offre qu'une place de <leuxième zone à la table des dIScussions internationales, notamment lors des négociations intéressant le Japolli. Le Docteur Evatt, Ministre des Affaires Etrangères, fort des immenses sacriIlces accomplis pai' les siens, réclame véhémentement la place due à son pays. Il obtient satisfaction en septembre et fera partie du Conseil des Ministres des Affaires Etrangères en tant que représentant <lu Commonwealth. Malgré cette satisfaction, les D.ominions s'écartent des U.S.A. pour se rapprocher à nouveau de l<t Métropole. Ce courant s'amplifie d'ailleurs en 1946 et est mêm(: marqué par une tens10n avec l'Am~'ri­ qUe dont les prétentions s'étendent jusqu'à l'instal lation de bases en Nouvelle-Zélande~ NouveUe-ealédOUie, Nouvellds-Hébride,s et, surtout, dans ]es îles de l' Amirauté et Manus. c) Enfin, durant ces deux dernières années, c'est une politique de louvoiement entre la GrandeRretag'ne et les Etats-Unis. C'est a1nsi qu;.en mars 1947, l'Australie avec les Iles Britanniques appuie l'U.R.S.S. oui demande alors à l'Amérique de ne pas Poser la qûestlOn du « trustee-ship }) avant la signa:klre du traite de paix avec le Japon. En outr>, a l'occasion de la Conférence du Commonwealth tenUe à Canberra au mois d'août de la même année, U.ne large harmonie de vue est réalisée sur la questIon du Japon et l'on exprime le désir de voir s'ou- 21 ,1 vrir la Conférence de la paix en pr-ésence de tous les combattants. Par contre, au début de 1948, les prêts des U.rS,.A. dans le cadre des accords BrettonWoods, entraînant, en partie, la suppression du prinCIpe de la « préférence impériale)} provoquent, comme il se doit, un relâchement des liens impéria.lx. La Nouvelle-Zélande ne va-t-elle pas jusqu'à envisager la séparation avec la Grand,e-Bretagne et la conclusion d'un accord séparé avec l'Amérique? d) L'Angleterre, de son côté, est bien en peine de suivre une ligne bien définie. Elle s'efforce de rétablir tant bien que mal ses positions, gênée qu'elle est par la ruée américaine et les mouvemenLs de libération. Sa seule ressource, pour sauver quelque chose, consiste à faire bloc avec son puissant allié malgré les récriminations de ses Dominions. Mais, le <lésaccord économiq.le avec lui ne fait qu'augmenter surtout depuis qu'elle a perdu le marché du coton Japonais. Et c'est sur ce désaccord que Sç regroupent les courants issus de l'Empire Britannique et de la Chine, inquiets, tO.lS deux, du relèvement rapide de l'ancien ennemi. 2°. - L'U.R.S.S. Pendant ce temps, quelles ont été les réactions de l'U.R.S.S. On en a déjà sOJligne quelques-uns. a) Pour les bien comprendre, JI faut rappeler qu'en dehors de la poIitique générale des Soviets, elle ne dispoGe, au Japon, que d'une seule arme: la propagande. Il n'y a pas de troupes d'occupation russes, mais, par contre, une Mission dirigée par le Lieutenant-Général Kurma Derevyanko (5) dont l'importance - plus de 400 personnes - ne se justifie nullement. Les activItés soviétiques de Tokio restent toujours assez obscures. L'on a déjà dit les intérêts stratégiques russes autour de la Mer du Japon. Aussi bien, le but à atteilldrp consiste-t-il à rendre in;]tilisable la Métropole Nipponne comme base américaine. Plusieurs moyens d'y réussir : affaiblissement de la capacité économique du pays; attaques du prestige américain' déveJ,oppement du parti comm~niste' activités d'espionnage. ' Mais une seule arme, pour l'instant, a-t-on dit: la propagand,e. Cette dernière se manifeste ouvertement par des essais d'établissement de liens culturels entre Russes et Japonais, par l'action s;]r les syndicats et, notamment, ceux membres du N.C.LU. (5), par l'éducation (7) des prisonniers japonais rapatriés ensuite sur leur pays, etc.... b) Enfin, il existe un parti et une tactique communistes au Japon même. Le parti compte 70.000 a<lhérents et 870.000 sympathisants, soit 3,4 % des électeurs. Les chefs en sont Kyuchi Tokuda, Yashio Shiga, tous deux (5) Membre du Comité Allié pour le Japon et che! de la délégation russe. (5) National Congress of Industrial Unions. ( 7) Par le canal du journal Nihon Shimbun. imprimé pour eux. i': 1 i ': ;: :~ ~ -22j 1 l l" sortis des geôles nipponnes, et Sanzo Nozaka, de retour de Moseou après seize ans d'exil. La tactique consiste à attaquer de flanc le gouvernement japonais au pouvoir, par utilisation rte méthodes évolutionnaires, c'est-à-dire modérées. Mais l'argument principal - la réforme agraire - a perdu beaucoup de son efficacité depuis que le Général Mac Arthur a dressé un programme de redistribution des terres. cl Les Russes, d'ailleurs, ont eux-mêmes commis quelques lourdes erreurs, comme l'enrôlement forcé de troupes japonaises, l'opposition à l'arrivée de bateaux de ravitaillement américains et le refus d'élargir les zones de pêche nipponnes. Quoi qu'il en soit, les résultats obtenus restent très faibles; aussi, c'est bien sur la crise économique que l'U.R.:S.S. compte essentiellement. Elle ne se fait pourtant pas faute d'en rejeter la responsabilité sur la seule Amérique. 3". - L'Amérique. al Cette dernière hésitait, comme on l'a vu, entre trois directives dont le seul point commun était un projet d'invitation aux puissances membres de la Commission d'Extrême-Orient en vue d'engager à Washington des entretiens préliminaires concernant le traité de paix avec le Japon. L'U.R.S.S. s'y refuse énergiquement, ne voulant voir, dans l'offre américaine, qu'une manœuvre tactique destinée à améliorer, par le fait même qu'ils auraient ai.nsi pris l'initiative, les positions diplomatiques de départ des Etats-Unis. En outre, de "avis soviétique, seul le Conseil de~ Ministres des Affaires Etrangé!'eS des 4 grands d'Extrême-Orient '.8) est qualifié pour une telle proposition. bl Là-dessus vint se greffer, en 1947, la question du « trustee-ship» sur les îles du Pacifique anciennement sous mandat japonais (9). L'on en a déjà touché un mot et l'on sait, en particulier, que l'U.R.S.S. demandait le report du projet après le traité de paix. Cependant, le 17 février, arguant qu'il s'agissait d'un accord de tute~le aux fiUis stratégiques, donc différent de ceux approuvés par l'Assemblée Générale de l'O.N.U. à sa dernière cession, les U.S.A. adressaient leur requête au Com,t!ïl de Sécurité: l'O.N.U., en tant Que successeur de la S.D.N., leur paraissait qualifiée pour le transfert de ces territoires, même sans renonciation formelle japonaise inscrite sur 'un traité de paix. La thèse américaine était développée, le 26 février, par Mr. Austin devant le Conseil de Sécurité. Il insistait sur le rôle énorme j,oué par ces îles lors du récent conflit et sur leur importance vitale pour la sécurité américaine. Cependant, le débat était ajourné sur la demande de l'Australie. Mais l'accord total de l'U.R.S.S., sans un mot sur la date du traité de paix, était obtenu depuis le 24 et, dès le 25, annonc~ officiellement par le Général Marshall. La Grand,c~ Bretagne réagIssait par la voie de la presse: « En assurant la paix du Pacifique, la Grande-'Bretagne, le Canada, l'Australie e.t la Nouvelle-Zélande ont des responsabilités particulières dont ils vont s'a~ quitter en commun d'une part, et avec le concours des U.S.A. d'autre part ». En somme, une façon de dire: « Nous sommes là et pas pour c.opie conforme». Comment expliquer cet acquiescement complet de ·la Russie? Le motif principal - le seul même ayant entraîné sa décision résidait dans « les sacrifi.ces supérieurs consentis par les AmérIcains dans le Pacifiqw:! ». Et voilà, avec l'acceptation des U.S.A., la consécration officielle de la thèse qui tians; liquider le passé de guerre; orienter l'action en fonction des manifestatIons politiques de l'ennemi présumé de demain. Tout de suite, les U.S.A. v,ont rencontrer des difficultés qui ne sont pas dues à lai seule U.R.S.'S. : la Chine, l'Austrailie et la NouvelleJZélatl!de ont l'obsession des trusts Mitsui (10). C'est ainsi que, très vite, l'Australil''''' pour laquelle le Pacifique est le « Proche-Nord », proteste contre le Général Mac Arthur OUI a autorisé une expédition baleinière japonaise d-ans l'Arctique; de son côté, la Chine réclame une priorité dans les réparations et proteste contre le relèvement économique rapide du Japon. Seule, pour l'instant la Hollande res~e alignée sur les U.S.A. Il faut bien dire, en effet, que l'on assiste à une véri.table volte-face de la politique américaine avec l'abandon de la Chine et la nouvelle ,orientation à l'égard du Japon. C'est sur ce dernier que l'on mise maintenant. Et le S.C.A.'P. (11), à ce sujet, fait valoir la clause des accords de Potsdam reconnaissant, à ce pays, le droit à un standard minimum, entraînant « ipso facto}) une certaine reprise de l'industrie et des exportations nipponnes. Alors, 'Chine et Grande-Br\etagne font entendre, à nouveau, leurs craj.ntes d"un « dumping}) du mar~ ché asiatique par les marchandises japonaises. En même temps, les Bourses britanniques côtent à des cours de plus en plus élevés les valeurs nipponnes. Et, si le train continue, en 1950, le Japon aura reconquis le monopole de la soie et dépassé sa position industrielle et commerciale d'avant-guerre A ceci, les Américains rétorquent que, si l'on refuse plus longtemps aux Japonais l'accès aux af· faires mondiales, on développera, dans leur pays, un « dangereux mélange de nationalisme et de communisme ». (8) U.S.A.; D.H.S.S.; Grande-Bretag-ne; Chine. N.B. - L'U.n.S.s. y dispose du droit de véto; on connait le )Jrio avec lequel elle l'utilise. (9) Mariannes; Carolines; Marshall - 08 îles : 50.00 0 indig-ènes. ( 10) \le môme en Eurnpe, les dilTicultés américaines ne sont !las \lues à la seule U.R.S.S. : - la. France, la BelgIque, la Hollande" ont l'obsession des llsines Krupp. ( 11) Suprême Command of Allied Forces in the Pacifie. _. __ _-"--"- ----". -----_.--""----- --_. ,-_...-.-...._-_._--,-".. -""'""---"-""----" "-_. ,._~ ..... ... -23D - Conclusion 1. - Peut-on déduire de sa volte-face quel'Amérique est en train de transformer le Japon en base américaine? Certains bruits alarmistes auraient pu le faire croire. Mais que l',on regarde les faits! a) Les Américains ont abandonné les neufdixièmes àes aérodromes construits au cours de la guerre ,et les travaux importants auxquels ils se lIvrent sur les pistes qu'ils ont conservées, trouvent leur explicatiun dans le fait que les avions nippons les plus 10~trds n'excédaient pas dIX tonnes alors qu'un B 29 en pèse vingt-cinq. bl Le seul vol important de bombardiers lourds effectué en 1947 comptait huit Superforteresses et quatre C 54. Après une escale fi, Guam, l'atterrissage aVait lieu, le 1er mai, à Yocota, aérodrome militaire de Tokio. ' c) Les troupes d'occupation ne comprennent, S?us le commandement du Général Malcom Muggendge, que 52.000 hommes (12). d) Enfin, Tokio n'est qu'à mille kilomètres de Vladivostok. Donc, le Japon reste très vulnérable et ne saurait être qu'un glacis, une halte. Les véritabl~s bases sont plus loin. 2. - Et sans doute peut-on considérer comme sincère la confiance du Général Mac Arthur dans la naissance d'un Japon démocratique. Mais, doit-on le suivre complètement lorsqu'il considère que, par son intermédiaire, {( une révolutIon sans parallèle dans l'histoire a été rendue possible, laquelle aura pour résultat inéluctable la régénération cïu peuple japonais» ? Ceux qui ont parcouru l'Extrême-Orient, ceux qui ont pratiqué le Nippon, ne le feront certaine. ment pas. " 3. - La « ùataHle du Japon» est en cours. Les armes en sont pour l'instant: le ravitaillement; l'organisation du travail, de l'industrie et du commerce; les livres et les revues; les syndicats et leur cortège de grèves; les écoles; la radio' les partis politiques. ' Qui la gagnera? L'Amérique mène. La Russie, partie de zéro, progresse lentement. Mais, ne sera-ce pas finalement le Japon? CHAPITRE IV L'émancipation coloniale A - Introduction 1. - Un Eminent professeur et philosophe français, Directeur d'une Revue Intellectuelle" d'intérêt i~déniable, demandait à l'auteur de ces quelques lIgnes, rentrant d'Indochine, de lui parler du « pro~ bloème In,doch'llliOis ». . Il lui était répondu qu'il n'y avait pas de « problem{\ Indochinois », mais seulement un problème de l'Extrême-Orient et que la France ne pouvait Plus, à l'heure actuelle, quel qu'en soit son désir, régler ses différents en se contenant à l'intérieur des frontières de la Fédération. Ce serait l'erreur la plus grave, - ajoutée à d'autres - que l'on pourrait commettre. De même, il n'y a pas de problème Hindou, de Problème Indonésien, de problème Birman. Chacun de ces conflits locaux ne constitue qU'une facette du prisme Qui décompose en plusieurs éléments le courant principal origmel. 2. - Les promesses quelquefois prematurées des Alliés, le mythe de la « Plus grande, Asie », thème de propagande des Japonais, la haine contre l'occuPant jaune reportée sur les nations blanches: dominatrices et leur impérialisme économique, la naissance d'une classe ouvrière autochtone et de nombreux foyers progressistes, ont fait germer, la terreur du Nippon disparue, de puissants mouvements d'émancipation coloniale et de libération nationale. L'on a déjà exposé l'historique de la question SUI' le plan international: Charte de l'Atlan~ique (1941); conférence de Philadelphie (1944); conferen· Ce ùe San Francisco (1945): enfin, O.N.U. L'on a dit aussi que les Japonais continuaient leur guerre. N'ont-ils pas été à l'ongine de l'armement des pays soulevés? En Indonésie, où les Britanniques débordés n'arrivaient qu'avec plusieurs semaines de retard, ils livraient aux gens du crù le matériel de deux divisions. Et, en Indochine combien de nos camarades sont tombés percés de 'balles de 6,5 japonaises ou de balles d'origine française? Le Chinois fit preuve, en effet, d'une extrême nonchalence dans l'accomplissement de sa mission rie désarmement <tu Nord du 16° parallèle. Mais, le conflit terminé, ne se trouvait-on pas, avant tout, entre Ja;mes contre le Blanc. Nous voilà sur la pierre de touche. La xénophobie latente des races extrême-orientales, quoiqu'en pensent certains utopistes, s'est exacerbée dès que la lutte devint possible. La haine du Blanc, toujours cachée depuis sa venue dans ces pays, éclatait enfin librement. Foin des théories égalitaires et progressistes, chères aux communistes, en particulier à ceux qui se sont bien gardés de mettre les pieds sur ces terres lointaines. Un seul but: tuer le Blanc, le bouter hors de la «}Plus grande Asie ». Voilà la vérité simple et cruelle, cruelle comme les traitements infligés à des dizaines de femmes et d'enfants blancs (1), en septembre 1945, à la CW' Héraud de Saigon et, en décembre 1946, à Hanoï sauvage comme la destruction insensée de l'Institut Pasteur de Hanoï; Il faudrait que tous aient le courage de l'écrire! (12) 40.000 des V.S.A.; 10.000 (les DomInions; 2.000 fLA t'. et V.S.A.F. (1) sans parler des hommes. des civils. . .. ~-" if'.<.c B - Les conflits locaux 1. -" Possessions hollandaises. En Indonésie, dès le 17 août 1945, le Docteur Soekarno, création Japonaise, proclamait l'indépendance de l'Archipel. Les troupes de l'Amiral Lord Louis Mountbatten,· absorbées par leurs tâches en Birmanie, Siam et Indochine (2) n'arrivaient sur place en vue à'assurer le désarm'ement des troupes japonaises qu'aV'ec quelques semaines de retard. L'on a dit comment elles furent mises à profit pour armer les troJpes républicaines indonésiennes.a) Les Britanniques s'attiraieat très vite des critiques, notamment de l'Amérique qui leur reprochait de quasi-fraterniser avec l'ancien occupant sous prétexte de recherche de renf.eignements. Cependant, la lutte armée commençait bientôt entre troupes républicaines et les quelques éléments néerlandais amenés à pied-d'œuvre. En fin 1945, la situation s'aggravait, malgré l'intervention des troupes anglaises dont les pertes émouvaient l'opinion publique en Grande-Bretagne à tel point qu'elle demandait le retrait de ces forces. Ce n'est d'ailleurs qu'à la conférence de Chequers, en janvier 1948, que les "Britanniques arrIvaient à justifier devant le monde le maintien de leurs troupes en Indonésie, durant de longs mois, par la nécessité d'une liquidation japonaise dans lef, îles et leur désir d'une entente indo-néerlandaise. ' b) De fait, les nég,ociations entre les deux partis avaient débuté en mars 1946 sous l'égide de la Grande-Bretagne représentée par Sir Archibald Clark Ken. Elles étaient rendues diIficiles par l'ignorance où l'on se trouvait - ou voulait se trouver - à Batavia de.la politique hollandaise définie par la Reine Wilhelmine en 1942 et aussi, d'une part, à cause de l'influence japonaise sur la jeunesse indonésienne, d'aJtre part, à la suite du développement intense du sentiment national, réacti,on à "occupation nipponne. Par là-dessus, ce sont les manœuvres communi~tes pour exciter la passion des Nationalistes. Aussi traînaient-elles en longueur Jusqu'au mois d'octobre où cependant un armistice était signé. Au cours de ces interminables discussions, le retrait des troJpes britanniques avait été demandé. Entre temps, le sultan Chanrir était nommé nouveau Ministre Président (2-10-1946) et les deux derniers mois de l'année voyaient se dérouler trois faits importants: en novembre, la signature d'une convention et oelle d'un accord créant les EtatsUnis d'Indonesie, le départ des dernières troupes britanniques; en décembre, la désignation du Prince Sounakawati comme Chef d'Etat. Au cours du premier semestre 1947, l'application de la convention se faisait toujours attendre malgré la signature de l'accord de Lingardjati en mars et celles, en mai, des décrets accordant à Sumatra le statut de province autonome et fixant le statut de Bornéo OccidentaL c) Mais, ce même dernier mois, les affaires se gâtaient. C'était, en effet, l'échec des négociations économiques hollando-indonésiennes et la remise au Gouvernement local d'un Mémorandum des Autorités Néerlandaises exigeant une réponse dans les quinze jours. Les Américains intervenaient alors diplomati- _ 24 quement. Mais si, le 27 jLün, les propositions hollandaises étaient acceptées, par contre, en juillet, c'était la rupture. Les hostilités reprenaient sans coup férir, pour être à nouveau suspendues officiellement le 4 août. Durant de nombreux mois, l'on assistait à nouveau, dans une atmosphère d'escarmouches et d'Insécurité, à une nouvelle évolution marquée par la formation d'un Gouvernement de l'Indonésie Orientale (11 octobre 1947), la démission du Gouvernement Républicain (23 Janvier 1948), l'ouverture de la conférence de Bandoung (23 février Ui48) où l'on fixait le statut futur de l'Etat fédéral de Java Occi'dental, enfin, le 8 mars, par l'établissement d'un Gouvernement Fédéral provisoire. d) Cependant, la lutte armée continuait; aussi à la d~mande de l'Inde et de l'Aiustralie, l'O.N.U. se déCIdait à intervenir directement par son Conseil de Sécurité. ,EDn programme consistait dans l'organisation d'un référendum et la constitution d'EtatsUnis d'Indonésie. Mais son intervention ne reposait sur aueune base juridique et la commission envoyée sur place, ne pouvait être, en dernière analyse, qu'une commisison d'enquête. De toute façon, l..m fait sJbsiste: la question indonésienne est devenue un problème international. Ce problème est, de plus, compliqué par les hésitations des Pays-Bas sur la politique à suivre. C'est qu'en effet, depuis des siècles, trois courants puissants ont fait leur lit au travers du peJple hollandais: le catholique, le protestant et l'humaniste. Et, s'ils wnt d'accord sur la réalité du natïonalisme indonésien, par contre, des divergences se créent lorsqu'il s'agit de désigner le porte-parole de ce nationalisme et lorsque se pose le principe de la nécessité de l'existence aux Indies Néerlandaises de groupes blancs pour la défense des intérêts hollandais et européens. " 2. - Possessions britanniques. a) En Birmanie, où six millions de nationauX réclament l'indépendance, la Grande-Bretagne, touj,ours réaliste et malgré les sacrifices immenses consentis pour la libération de ce pays, prend la ligne. Un Gouvernement Provisoire Birman, comprenant, en particulier, un Conseil exécutif, est mis eU place dès 1946. Ensuite, après accord, la .conférence de Birma.nie s'ouvre à Londres, en janvier 1947, et se termine à la satisfaction de tous. En avril, ,ont lieu les élections qui mettent en relief la volonté d'indépendance du pays et un Gouvernement Nationaliste est mis en place. Il est pratiquement anéanti au cours d'une tuerie, en juillet 1947, menée par des terroristes, mais immédiatement renouvelé dans la même forme politique. Au m.ois d'octobre, la Grande-Bretagne et la Birmani.e siguaient conjointement le traité insUtuant l'indépendance birmane et celle-ci était proclamée le 4 janvier 1948. L'ancienne possession devenait ainsi une République indépendante après les conversations conduites amicalement de bout en bout. (2) au Sud du 16m~ parallèle. 25 b) La Malaisie, en octobre 1945, comptait assez peu de nationalis~gs, par contre, une importante colonie chinoise Et des forces progressistes assez remuantes. Ce n'est qu'en décembre 1946 qu'étaient faites les premières propositions de constitution qui devenaier.t effectives en janVIer 1948. La ~Ia­ IaisJ\'cl devenait une Fédération comprenant 9 Et<1ts. Au lieu de voir ce pays s'acheminer dès lors vers une histoire heureuse, l'on sait que, ces derniers Illois, il était secoué par une vague de terrorisme d'obédience rouge qui tiure encore. Actuellement, si la situation s'améliore grâce à la fermeté des mesures prises, l'on compte cepehdant deux cents civils assassinés dont 14 européens. En dehors d'éléments de troupes britanniques, assez peu désignés d'ailleurs pour cette lutte, un corps de dix-sept mille policiers auxiliaires recrutés sur place traque tOUjo<.lrS les terroristes dont l'effectif est évalué entre trois et cinq mille. c) Aux Indes, la promesse de statut de DomInion faite, en 1942, pour décider cet immense pays peuplé de 420 millions d'hommes à entrer en guerre, sera tenue. Mais, il ne fut guère facile aux Britanniques d'y arriver. L'on rappellera, en effet, que les Indes comprenaient essentiellement deux grands partis: le Parti lIindou, dirigé par le Pandit Nehru et le Docteur Azad; le Parti Musulman avec, à sa tête, Djinnah. Cette géographie politique s'inscrivait sur le terrain (:J) sous la forme de frontières religieuses; les Musulma.ns y représentaient une masse de l'ordre de 90 millions. La présence britannique, par un jeu efficace entre les deux, avait toujours empêché des heurts graves; elle était aidée sur ce point par le Mahatma Gandhi et son rêve d'une Inde unifiée réalisée sans l'emploi de la force. Llos premières démarches pour la libération du PayS aboutissaient à un échec en octobre 1945; les propositions Attlee-Lord Wawell étaient repoussées Par les deux partis. Les Britanniques, qui pensaient à la création d'Etats-Unis de l'Illide, comprirent rapidement qu'il ~allait laisser les Hindous faire la preuve de leur Incapacité à décider tous seuls de leur sort futur. C'était alors, sous la présidence du Pandit Nehru, la réunion du congrès national Hindou et l'échec de la conférence de Simla 01 mai 1946). Les quelqUes mois qui suivaient voyaient successivement la P.ublication d'un projet de constitution, la formatIon d'un Cabinet Hindou comprenant 5 membres :?usulmans et, enfin, le 25 octobre, l'organisation u Gouvernement. Tout de suite, des troubles sanglants éclataient ~t ne cessaient de croître en violence; émeutes et ~chauffourées allaient se succéder sans arrêt, nodarnment dans les grands centres de New-Delhi et e Calcutta. En février 1947, devant l'émotion de l'opinion Illondiale, Ml'. Attlee déclarait que c'était aux Hinà.~us qu'incombait la responsaoilité de trouver parIlli eux une base-d'amitié. Ainsi la Grand'e-Bretagne se mettait nettement hors du jeu. Le 2 juin, c'était la remise aux leaders locaux ~.u Plan britannique de transfert des pouvoi~s. Enln d , le ~5 août 1947, la proclama:tion de l'indépenance de l'InlÙ' et dll Pakistan. l\J: Ce dernier, sous la conduite du «G-:anti Caïd)} ohammed Ali Djinnah, se composmt de deux ~erritoires distants de 1.500 kms, Le. Pakistan Oc~i­ entaI, capitale Karachi, comprenaIt le BaloUichlS- l'i tan, les Provinces Frontières du Nord-Ouest, chères à Kipling, le Pun,djab, le Bahawalpur et le Sind. Le Pakistan Oriental, capitale Dacca, se voyait coupé de son marché et de son débouché habituels: Calcutta. Tout le reste formait l'Inde, à l'exception de l'Etat du Cachemire (au Nord du Pakist:an Occidental) et de l'Hydérahad (au cœur de la péninsule). . Le premier jour de l'indépendance, le grand massacre commence et les MUS'<.llmansqui le peuvent fuient vers le Pakistan. L'aube de 1948 voit l'assassinat du Mahatma Gandhi. C'est aussi la querell.e, entre les deux Dominions ennemis du Cachemire (1) et de l'Hyderaba,d (i) et l'intervention de troupes nationales régulières des deux pays. Ainsi, le grand Caïd Djinnah, après une lutte de dix ans, avait détruit le rêve de Gandhi et de Nehru: une seule Inde qui aurait peut-être pu prendre à son compte et sur le mode pacifiqJe la missi.on d'unification de l'Asie, mission à laquelle le Japon a failli par ses procédés brutaux et pour laquelle la Chine semble encore impuissante. En cette affaire, la Grande-Bretagne, qui avait auparavant joué souvent de la carte musulmane,' est toujours présente, tout particulièrement au Pakistan. Au Gouvernement, chaque Département possède un « joint secretary»; les Commandants en Chefs de l'Armée de Terre (5), de la Marine et de la H,oyal PakIstan Air Force so:"t Britanniqu~s. Enfin, l'Anglais reste, avec l'Urdu, langue officielle. Mais dans ces pays où la misère, accrue par les troubles actuels, règne en maîtresse, l'ombre 'iu communisme commence à s'étendre. Aux Inde,s, le Congrès sous l'emprise croissante d;] capital Hindou .( (j) glisse vers la droite; de même au Pakistan sous l'influenr,c des « Zamindars», gros propriétaires terriens. Les Chefs commencent ù s'effrayer ti's masses mtsérables qu'ils ne pourront sans doute plus contenir lorsqu'elles auront perçu qu'il faut quiLter le terram des luttes religie~ises pour gagner celui de la lutte sociale. Pendant ce temps, les narUs communistes de l'Inde et du Pakistan, dont la scission n'a été qu'apparente, se sont réunis en secret à Galcutta avec les représentants des autres pays du Sud-Est Asiatique. Des mots d'ordre sont partis. Sous la conduite de son nouveaJ Chef Ranadive, ancien ouvrier et révolutionnaire, le parti communiste indien, qui ne comporte encore que 80.000 membres, constitue l'aile marchante tles cinq millions d'ouvriers que compte cet immense pays. En particulier, il a noyauté l'AI.T.U.C., organisation syndicale de 800.000 membres. Son action sur le monde paysan n'est pas moins importante, car là aussi, il tient les leviers de cmnmande de la « Kisan Sabha», organisation coopérative groupant près d';]n million de cultivateurs. Son action a paru si dangereuse qu'il a été mis hors la loi. Mais il continue son œuvre en secret, parmi une masse humaine représentant le cinQuième de la population mondiale et dont la misère dépasse en horreur tout ce que l'on peut imaginer. (3) sauf au Cachemire 'lt (tans l'Etat (4) Le Cachemire, état ·miséJ'allle, sur d'Hydérabad. les pentes de l'Himalaya à population de majorité musulmane, mais commandé par un Maharajah de religion hindone. L'Hyderabad, aux 4/5 de population hindoue, mais dirigé par un Nizam musulman. . (5) L'armée de terre eompte (j 00 oITleiers britanniques dont six majors- généraux. (6) Dominé par trois jlotentats : Tata; Birla; Dalmia. ". 26En face de potentats dont le luxe éclabousse. cette poignée d'hommes convaincus et décidés vivant à même le peuple, jJstifiera peut-être un jour la crainte qui commence à monter au cœur des Chefs: celle de la lutte sociale. 3. - Possessions Françaises. En Chine, le Kouang Tcheou Wang ainsi que les concessions françaises sont rétrocédées. al En Indochine, après la reddition japonaise. c'est le coup de force du Viet Minh, parti communiste Indochinois, sous l'œil placide àes jap.onais qui se c~mtentent tant bien que mal d'assurer la prote.ctl.on des ressortissants français et étrangers, mJ.ss~on qUI leur a été confiée lors àe la conférence de Smgapour (septembre 1945) en attewlant l'arrIvée des troupes britanniques et chinoises chargées de leur désarmement. La farce et la puissance du Vié:t Minh, conduit par Ho Chi Minh « agrégé)} de l'Ecole de Moscou et révolutionnaire à tous crins étonnèrent d'aucuns. L'on se rappelle cependant qu'un Administra,teur en Chef, qui faIsait partie de la Délégation Française des Colonies installée [1< Calcutta déclarait, dès le mois de juin 1945, au retour d'une mission en Chine, à peu près ceci: « J'ai pris contact avec le Viet Minh et Ho Chi Minh. J'estime que l'on ne porte pas assez rl'attention à ;~e parti, le seul doté d'une doctrine et dont les buts sont bien définis.. S~ puissance est réelle. Quant à sa ligne cie condUIte, elle lle m'a pas été cachée. Il m'a été dit en substance,. - NO'JS serons à.vos côtés, Français, taI!-t qu'il s'agira de bouter le Japonais hors d'Indoch111e. Mais, ceci réalisé, nous serons contrIe ·vous avec tous les moyens dont nous pourrons disposer - )}, Cet Administrateur, qui vient d'être appelé récemment au plus haut poste de la Fédération, na sans Cloute pas été surpris par l'évolution de l'affaire Indochinoise. On n'en saurait en dire autant de beaucoup d'autres. Donc, dès août 19i15, Ho Chi Minh s'installait à Hanoï, proclamait l'indépendance du pays et, tout de suite, pour ménager l'opinion, préparait des élections générales. Assemblée, Gouvernement, consti.tution, suivant le thème classique. Puis, très vite, conformément au processus révolutionnaire, c'est l'élimination des représentants des autres partis: modérés à'obédience chinoise et « extrêmistes ». Ho Chi Minh est bientôt maître de la place. Il a 'été rapidement suivi en Annam et en Cochinchine. Un remarquable effort de propagande attire des masses crédules et attise la haine contre le Blanc, le Français. Nos compatriotes désarmés sont menacés, molestés; la série des assassinats s'allonge. C'est ainsi qU"à Saïgon, le père le plus ancien de la Mission est décapité sans raison, par sadisme, sur la place de la Cathédrale, au pied du socle qui, quelques jours avant, supportait encore la statue de Monseigneur de Behmgne; mais l'Armée du Viet Minh de Cochinchine n'est-elle pas sous les ordres d'un $< Général )}, ancien coiffeur de la rue Catinat? b) Sur le plan international, un « gentleman agi'eement}) verbal entre Américains, Britanniques et Chinois, a défini, en 1945, les lim;tes des théâtres d'opération, notamment dans le Sud-Est Asiatique. C'est ainsi que le théâtre Tchang Kaï Tchek - lire Wedemeyer - ed le théâtre Mountbatten sont, en Indochine, séparés par le 16 parallèle. Inutile d'ajouter que la France n'a jamais été consultée. 0 Enfin, la r~pide .reddition du Japon a surpris l.es . troupes ,Brrtann!~ues dont tout le dispositif etaIt orrente sur Smgapour. Les premiers éléments (7) n'arrivèrent à Saïgon qu'à la mi-septembre. . A ce moment, la France ne dispose en tout et pour tou~ 9ue d'un seul Régiment - le 5ème R.I.C. statIOnne a Trmcomale, dans l'île àe Ceylan. o Les ~aponais ont pu ainsi profiter, au Sud du l~ parallele, de plus d'Un mois pour armer le Vlet Mmh (8). Et, lorsque le Général Leclerc, nommé à la tête du, C:0rps Expéditionnaire, débarquera à Saïgon lIberee par les Troupes locales Françaises, il se trouvera en présence de la situation suivante: l'Indochine coupée en deux . la vi.e du pays totalement p~ralysée; la population européenne ne~tralisée; aucun moyen moderne; une carte milîtaire f'rançaise réduite au port et à une partie de la ville de Saïgon. c) Ce n',est ici nullement la place de traiter intégralement ce sujet; Il vaut, à lui seul, pour des Français, une étude particulière. Avec, comme fond, les horreurs des massaCl' S de la Cité Héraud de Saïgon (septembre 1945), de Hanoï (décembre 1946) et l'attitude d'une partie de l'opinion publique et de ses représentants dans la Métropole, l'OH dira simplement les hésitations de la politique française en regard des actions fe'rmes du Général Leclerc, qui, à son départ, pouvait dire que la France était à nouveau présente en Indo~hine. Sous le règne du premier -Haut-Commissaire, l'Amiral Thierry d'Argenlieu, c'étaient successivement la reconnaissance du Gouvernement Provisoire Autonome de la Cochinchine - une faute certainement - les accords du 8 mars 1946 au sujet du .Tonkin - largement discutables - la conférence de Dalat - un échec -. Ho Chi Minh à Paris offrait des roses rouges. A Saïgon, le Préstdent du Gouvernement 'Provisoire se suicidait et le Général Xuan lui succédait. Puis, vient Monsieur Bollaert. On ne joue plus la carte de « Ho Chi Minh », mais la carte de « Bao' Daï », l'ex-empereur d'Annam. Ce dernier, à son tour, vient en Franlf.le. Mais n'est-il pas obligé, s'il veut réussir, de présenter des exigences au moins égales à celles qui ont pu servir de thème à la propagande du Viet Minh? A cette heure, l'on se bat toujours en Indochine contre des rebelles de mieux en mieux armés. par qui? Mais cette terre d'Extrême-Orient, marquée par la France, n'a-t~elle pas toujours attiré de hautes convoitises de son voisin Chinoisi et, plus récelU' ment, de l'Amérique? 4. - possessiollis, Améri,caines. a) C'est le 4 juillet 1946 que, suivant la promesse des Etats-Unis, était proclamée l'indépendance des Philippines. Les tendan0es nationalisteS extrêmes étaient alors bien vite remplacées par un 2ûth Indien Di vision. (8 l Au Nord du 160 parallèle, le Viet Minh, sous l'œil débonnaire des Nippons et d·es Chinois, allait opérer COlIlme bon lui selIlblait JUSqu'au lIlols de lIlars 1946. (7) 27 sincère désir de collaboration avec l'Amériq1oo. La guerre du Pacifiqutl avait, en effet; confirmé la ~ommunauté d'intérêts des deux pays dans les afraires ayant trait à la défense de leurs territoires respectifs. Aussi le Gouvernement Philippin expri mait s.on désir de coopération à la défense commune et demandait l'assistance des U.S.A. pour l'organisation df- la <iéfense du pays ct le développement de ses forces armées. Le 14 mars 1947. une conventIOn relative aux oBases était passée entre les deux pays; elle était complétée, le 22 du même mois, par une deuxième, d'assistance mllitaire. C'est ainsi que les Etats-Unis con&ervaient l'usage d'un certain nombioe de bases situées aux Philippines (9) et étaient autorisés, moyennant notlficatiün à en utiliser quelques autres répondant à des nécessités mIlitaires (10). Ils y dispGsent du droit de construire, d'admirüstrer, de gérer et de tenir garnison; ils jouissent de l'exemption des droits de douane, de l'exonération de l'impôt sur le revenu intérieur et de larges facilités d'immigration, de juridiction (envErs le personnel américain), postales et commerciales. Et ce, pour une durée de 99 ans. Certes, l'intégrité « territoriale}) des 'Philippines est respectée, mais l'Amérique est, de faIt, chez elle. La convention d'assistance mi'litaire, conclue pour cinq ans, vise la livraison de tous matérIels de guerre (II), l'installation d'une Mission conlultative américame, la livraisün de matériel d'instruction et la possibilité, po;.œ les cadres philippins, de fréquenter les établissements d'enseignements mUitaiœs et navals des Etats-Uni:,;. Aucune autre Nation ne peut, sans accord préalable, tenir de telles fonctIOns. En conclusion, les Philippines sont constitutionnellement indépendantes, mais ia position miEtaire de l'Amérique dans le pays reste pratiquement inchangée. b) Il n'en est pas de même sur l'autre bord du Pacifique puÏSqu'a;.üant, en décembre 1947, devant la pression de l'opinion publique locale, l'Etat de Panama répudiait le bail passé avec les f:tats-Unis et portant sur quatorze bases. Aussi, les AmérIcains envisagent-ils la construction d'un nouveau canal plus large, situé au niveaJ de la mer, qui passerait au travers du Nicaragua. Il coûterait la bagatelle de deux milliarris et demi de dollars. C - Conclusion 1. ~ Bon gré, mal gré, les puissances impériales, débordées par un puissant cüurant d'émancipation coloniale, ont dû réviser, quelquefoIS radicalement, leur position. En Indonésie, en Indochine, en Birmamie, à une échelle moindre, c'est la lutte armée contre la nation occupante; en Chine, c'est la guerre civile; aux Indes, c'est la rivalite de deux Dominions ennemis et son cortège de massacres. Sur le bord du Grand Océan, partout s'allument les foyers d'un mouvement progressiste, annonçant peut-être la fin de toute hégémonie à forme impérialiste. La Grande-Breta.gne, bien que la structure simPle du Com,monwerulth lui ait permis de progresser <:le l'autonomie au statut de Dominion, est en recul en Asie tout comme au Moyen-Orient,. La France et la Hollande, dont les formules étaient moins souPles, se débattent au miUeu d'inextricables diffiCultés. Peut-être ont~elles eu, toutes deux, le grand tort de ne pas intéresser plus tôt et davantage les autochtones à la vie politique de leur pays? Parallèlement, on commence il, distinguer, en Extrême-Orient, la formation de deux groupes en face des deux grands du crû que sont la Chine et l'Inde. D'un côté, c'est le groupe Indonésien avec l'Indonésie, la MfLlaisie, la Birmanil~' le Siam et l'Indochine. De l'autre, c'est' celui des Philippines orienté V'ers les U.S.A. . . Dans l'immense Asi/Z du Sud-Est, en effet, des ' la peur des deux grands elements d'unité naissent: V'oisins, les efforts pour se dégager du sfatut coloniaI. Cette unité n'est~elle d'ailleurs pas déjà ma,tétiallsée par la réunion, à Bangkok, en automne 1947, de la ligue pour ({ l'Unité d,:e l'Asie du Sud:Est»? Sans doute, la réunion s'est-elle cantonnée sur le plan des relations culturelles. Mais, dans une proclamation en cinquante-deux articles, signé:o noo tamment du Viet Minh, du Laos et du Cambodge elle a nettement exposé les buts qu'elle a décidé d'at teindre. Cependant, les puissances blanches veillent. C'~st ainsi qUe .l'organisme britannique de Lord ~lllear1?-' charge d'assurer la régularité de la vie economlqJe de ces pays, est maintenant devenue la Oommission pour la reconstruction de l'Asie d'obédience O.N.U. L'on saisit l'importance de cette opération lorsque l'on songe aux immenses besoins matériels de ces pays surpeuplés et dans l'ensemble fort peu modernisés. Si le Bl.anc sait admettre certaines aspirations légitimes, si l'Autochtone veut bien perdre 80n extrême xénophobie, il y a encore de beaux jours pour tous dans ces terres infiniment fécondes. (9) Notamment ; llase aériènne de Clarle Field (Paropanga); - fort de Stotsenberg (Pampang-a); zone réservée de ,Marivelles, terminus du réseau de distrillUtion d'bydrocarbures; réseau de communicallon de l'année, à l'exception de toutes les stations situées dans la zone du Dort de Manllle; d(;pôt général d'Angelles (Pampanga); - base navale de Leyte - Samar; base de Subie (bases de Olongapo et Bagulo); _ moul1lage naval de Tawi - Tawi (Sulu); - base navale du Cap Canacao - Sangley (Cavite); - aires du Doste émetteur de Bago!Jan Tay (Quezon) et des postes récepteurs et de commandement de la zone de Manille; - CaD Tarumplato (Palaw:.n) ; poste .émetteur de Loran; Ile de Talampulan (goarde côtière); - Cap Naule; - Castillejos (garde côtière). (10) - !Jase aérienne et navale de Mactan; !Jase aérienne de Florida (Pampanga); base aéronavale de Puerto Prlncesa; Air craft Wallace San Fernando (La Union); base navale (le Tawl - Tawi (Sulu); !Jase aéronaval d'Appari. (11) le matériel non consomma!Jle cédé à titre gratuit reste la propriété d,es U.S.A. -28- CONCLUSION GÉNÉRALE 1. - Nous voici arrivés au terme de notre étu1e. A l'heJre où l'on écrit ces dernières lignes, les succès communistes en Chine prennent une ampleur insoupçonnée. La Manillichourie est, d'ores et déjà, rouge; Moukden et Tohang Tchoung viennent d'être prises. Les Forces Communistes arrivent au Yang-Tsé, en Chine Centrale; les Nations européennes ont commencé l'évacuation de leurs ress,ortissants en Chine du Nord. Les Russes évacuent la Corée au Nord du 38" parallèle et le Gouvernement populaire Coréen demande le départ des Américains. Les glacis soviétiques s'étendent à nouveau, mais, cette fois-ci, à l'Est. Ainsi, l'U.R.S.S., puissance continentale, pèse de plus en plus sur l'Extrême-Asie, tandis que, de leur côté, les U.S.A., qui n'ont pas SJr ces terres le même degré d'autorité, renforcent leurs positions le long des ~n"rs bordières du Pacifique Oceid enta1. Or, pour ces derniers, il est essentiel de trouver un débouché à leur gigantesque production industrielle; le Japon n'y saurait suffire. Aussi bien, sous àes aspects politiques et stratégiqJes, c'est, en dernière analyse, une lutte économique qui se développe et ses conséquences peuvent être redoutables pour la paix du Monde. 2. - Dans les îles nipponnes, les Américains doivent fair·" vivre le peuple japonais vigoureux et prolifique. Ils ne pourront lui trouver un éxutoire qu'au détriment des autres peuples asiatiques puisqu'autant l'émigraUon vers les Etats-Unis, les Dominions Britanniques, les possessio[\, Françaises et Néerlandaises, enfin, vers l'Europe, est exclu '. Dans un prenner temps, ils replacent déjà le Japon sur .la voip du redressement économIque, provoquant ainsi les inquiétudes de la Grande-Bretagne, de l'Australie et de la Chine. Certes, le pays manque de matières premières qu'il ne peut trmlVer, au plus près, que dans le Siud-Est Asiatique! Mais, l'on peut se demander si le seul contrôle à l'entrée des produits pourra empêcher, à nouveau, une expansion extérieure nipponne. Sur le plan de la politique intérieure, le Général Mac Arthur suit une doctrine droite et ferme basée sur un anticommunisme bien <lirigé et relativement facile à appliquer en l'absence de troupes d'occupation russes. Sur le plan stratégique, les U.S.A. conservent le contrôle des bases occupées au cours de la guerre: celles du PacifiJque, dirigées contre le Japon; celles du Japon dirigées contre l'U.R.S.S., mais combien vulnérables. On retrouve <lonc, en Extrême-Orient, les éléments de divergence qui règnent aujourd'hui en Europe. Et ne peut-on pas écrire en dernière analyse que « le Japon, dans la paix comme dans la guerre n'est autrechos;zr qu'une Allemagne d'E.O. )} ? 3. - En Chine, on vient de le dire, le programme communiste, imagé par le slo~an rouge déjà cité, se déroule, pour l'instant, point par point. La volte-face amérŒâine, due il.. l'action du Général Mar3hall, justifiée plus tard par le rapport du Général Wedemeyer, s'explique, sans doute, dans la lassitude provoquée par la mauvaise foi des différents partis chinois et, vraisemblablement, par le souci de ne plus laisser engloutir, en pure pert~, des milliards de dollars. Mais, dans ces conditIOns, la thèse de 1'« ,open-door}} devient totalement illu· saire; car il faut que la paix règne en Chine pour qu'elle puisse être fructueusement appliquée. Dans ces conditions, l'on peut penser que les Et·ats-Unis ont dû établir un bilan mettant en parallèle les sacrifices qui <levraient à, l'origine être consentis et. compte-tenu de la neutralisation actuelle du marché chinois, les avantages à venir de la conquête par le dollar de ce marché. Il semblerait, étant donné leur attitude, que la rapidité et l'ampleur des succès communistes aient fait apparaître ce bilan comme négatif. Est-È'..-dire que la Chine anticommuniste doive mourir? Sans doute pas; car si l'on se rémémore l'insuccès, durant les derniers millénaires, d'une unification totale cet immense pays, l'on peut penser que le marxisme, même appuyé sur la terreur, n'v réussira pas davantage. D'ailleurs, le Maréchal Tchang KaïTchek n'était-il pas, à l'origine, brillant élève de l'Ecole Révolutionnaire de Moscon ? de 4. - Reste, cependant, l'aspect stratégique de la question. Là encore, l'Amérique semble admettre le fait d'une Russie, force continentale en ExtrêmeOrient. Q'Jant R sa puissance propre qui repose sur ses flottes immenses 'et sur ses armes atomiques, ne serait-elle pas plutôt aéronavale? A l'abri du Japon, réservoir pJissant d'hommes, des milliers d'avions et de navires ne peuvent-ils pas d'Okina"a protéger au loin cette n'ouvelle Mediterranée Américaine qu'est devenue le grand Océan ? Quelles sont, en effet, les positions et les moyens actuels <:les deux premières· puissances mondiales? a) Tout d'abord l'U.R.S.S. Sa stratégie reste, avant tout, continentale. Le but à atteindre consiste, d'une part, dans la mise au point d'unp infrastructJre devant lui permettre d'agir soit offensivement, soit dé~ensivement sur tous les théâtres d'opérations possibles; d'autre part, étant donné les immenses distances séparant ces différents théâtres. dans la création d'ensembles économiques et militaires autonomes. L'infrastructure stratégique est donc marquée: par la mise en place de concentrations face aux directions principales d'attaque et à portte des bases vitales de l'adversaire; par la couverture de la Métropole à l'<lide des pr.ofonds glacis que constituent les Etats satellites; par une recherche de la parade au danger atomique, obtenue jusqu'l, un certain point par la dispersion industrielle et des stocks entre des ensembles indépendants, très éloignés les uns des autres; par la dotation en effectifs suffisants de chaque théâtre, afin d'éviter le balancement des forces eutre eux et de réduire ainsi au minimum les problèmes de communications à l'échelle transcontinentale (t) ; par la réalisation d'une zone de réserves :stratégiques en !Sibérie Occidentale et au Don.etz; (1)' Actuellement, la construction d'un deuxième transibérien . est en cours. - ZOItES 29- • 1 -30 par l'existence, en dehors des reglOns sous le contrôle militaire direct de l'U.R.S.S. et de ses satellites, de vastes espaces dont le potentiel reste fonction de la puissance des cinquièmes colonne~ communistes. La Russie occupe ainsi une position centrale sur le continent Europe-Asie. L'on sait qJe c'est la plus difficile à défendre. Elle est à peu près limitée par la ligne suivante: Vers l'Ouest: Mourmansk, Léningrad, Rostock, Trieste, Valona, Bourgas, Sébastopol. Vers le Sud: Caucase, Ouzbekistan, Turkménie. Vers l'Est: Sibérie Orientale, Corée, Kouriles, Kamtchatka, détroit de Bering. Vers le Nord: Rives arctiques russes de Bering à Mourmansk, parcourJes par deux routes, l'une maritime, l'autre aérienne, fonctionnant à plein depuis 1939 sur l'itinéraire Arkangelsk, NouvelleZemble, Cap Tcheliouskine, Bering et Vladivostok. L'ensemble est divisé en sept groupements appuyés, en suivant le même itinéraire, sur les combinats suivants: à l'Ouest: Combinats de Moscou et de Gorki, bassin du Dniepr; au Sud: Combinats de Bakou, Tiflis, Donbass, Kazakstan, Emba et Ferghanat : à l'Est: zone industrielle de Khabarovsk; au Nord: région de Komsomolsk. Les forces t.otales soviétiques et satellites se monteraient, non .comprises les réserves générales, à 320 divisions qui pourraient être appuyées par plus de 350000 pièces d'artillerie, une flotte navale comprenant notamment 300 sous-marins (2), une flotte l1érienne d'au moins 20.000 avions. Le groupement d'Extrême-Orient c.ompterait, pour sa part, une trentaine de divisions sous les ordres de! Maréchal Manilovsky. Le quartier général serait à Tchita (3) et son assise économique constituée par la région du lac Baïkal. bl Quelle est la position dans l'autœ camp? Dans l'hémisphèrl..'J Nord, depuis le pôle jusqu'au parallèle 40° Nord, la position soviétique est étroitement entourée à l'Oue~t, au Nord, à l'Est et surveillée au Sud. De Trieste, par le Spitzberg, on rejoint le front arctique américain jalonné par les bases Sud du Groënland, l'AlaSka - où la pointe Barrow n'est distante que de 2.700 km. du cap Tchéliouskine - et le détroit de Bering. De là, par le cordon des Aléoutiennes, l'on gagne les. bords occidentaux du Grand Océan: le Japon eJ la Corée méridionale, Au Sud du 40° parallèle, la marée russe est contenue par l'immense ligne de crète qui, des Alpe.. au travers des Balkans, du 'Ilaul'ius, de l'Elbrouz et de l'Hindoukouch, va rejoindre les plateaux du Thibet, ce toit du monde, dont les bords orientaux s'abaissent vers' l'Annam, la Chine, la Mongolie et la Mandchourie. A l'abri de cette barrière, ce sont, soit des ({ no ,man's land» comme le MoyenOrient, soit des zones d'obédience anglo-saxonne, ,ou française: les Indes, la Birmanie, la Malaisi.e, l'Indochine. Enfin, à l'Est, c'est la Chine ouverte par la Mandchourie sur la Sibérie. L'Océan Indien entaille profondément les lèvres méridionales de ces terres: golfe d'Aden, golfe Per- sique, golfe de Bengale. Véritable mer anglo-saxonne, il est solidement bordé tant à l'Oe!est qu'à l'Est: l' Afriq~{.: Australe, plus particulièrement le Kenya britannique, Madagascar, la Malaisie et l'Australie, sont les môles principaux de défense. Puis, c'est la couronne des mers australes, où rugissent les vents otempêtueux du Sud et le sixième continent, l'Antarctide, d'ores et dêjà obiet de convoitises et où, depJis ({ Little America », rayonnent les reconnaissances américaines. Le méridien 80° Est partage également la position russe et l'Océan Indien. ' De l'autre côté de la sphère terrestre,de part et d'autre du mêridien 100" Ouest, c'est l'Amérique du Nord qui se trouve, à son tour, au centre de l'i.mmense zone qu'elle occupe ou surveille avec ses alliés. Mais, tandis qile l'U.R SJS. atteint les frontières de son empire et de ses glacis en progressant au travers des terresl les Etats-Unis doivent franchir d'immenses espaces maritimes pour gagner les limites de leur zone d'influence et pousser jusqu'à elles depuis leur cœur industriel et atomique - polygone jalonné par Chicago, Montréal, Boston, Washington, Saint-Louis - le personnel et le matériel. Et c'est la servitude de lignes de communications transocéaniques; d'où tOJt naturellement, la stratégie des bases et l'aspect aéronaval de la puissance américame. A partir des bases-mères, ce sont, vers l'Ouest, les trois grandes routes transpacifiques jalonnées: au Nord, par l'île Kotiak, Dutch Harbour, Attu; au Centre, par les Hawaï, Midway, puis deux directions: les Bonins et les Vol-eanos, les Riou Kiou, le Japon et la Coréld d'une part, Wake, Guam, Truck, les Palau et les PlrilippLnes, d'autre part; au Sud, des Hawaï ou des Gala,pagos, par Tahiti, les Samoa, la NouvelIe~Calédonie et Sydney. Vers le Nord, ce sont les mutes arctiques au travers du Canada, par Bear Lake, capitale de l'Uranium, et par le Labrador et le Grèdand, le Spitrl~ berg. Vers. l'Est, c'est la route classiql1e Terre-Neuve. Grande-Bretag'ne, mais surtout, des Caraïbel'> (0 et des Bermudle.s, la liaison au travers de 1'AtlantiqU8 avec le système franco-britannique de l'Afrique et de l'Asie, couvrant l'artère vital:" de la Méditi,er~ ran~e, de Suez et de l'Océan Indien et surveillant le pays de l'Or noir: Ir'an, Irak, Arabie Séoudite, gages de puissants intérêts anglo-saxons. Les différentes bases qui jalonnent ces lignes sont, soit permanentes et fortifiées, soit temporaires; d'autres ne seraient occupées qu'en cas de conflit. Ce dernier prendrait pOilr l'Amérique une forme « amphibIe ». Aussi l'attention s'est-elle portée en première urgence sur les bases avancées, classées en « Major bases» et « Minor bascs ». Le coût d'une ,opération vanant. quels que soient les moyens de destruction el les engins porteurs utilisés, proportionnellement au carré de III distance des Forces ft leurs bases, le Haut Comman(2) tesse en (3) (4) équipéS de tubes Schnorlœl; plongée à 150 m.; viplongée : 23 nœuds; rayon d'action 6.000 milles. 300 km. à l'Est du lac BaikaL Porto Rico, Trinidad, lles Vierges. dement a d'ores et déjà organisé ces dernières pour parer à toute éventualité (5). c) Il suffit d'examiner les de,lX mnes que l'on vient de délimiter pour s'apercevoir qu'en dehors des pays à « glacis », elles présentent, dans le secteur Nord européen, une région quasi-franche entre deux rivages parallèles distants de 1.200 à 1.500 km., celui du Groënland er- celui de la péninsule scandinave; là, deux points névralgiques: l'Islande norvégienne et le Spitzberg danOIS, la première COuverte par les Feroë et les Shetlands, le second à Portée du Cap Nord par l'escale de l'île aux Ours, où la Russie est présente. Dans le secteur Pacifique, une bande critique les Kouriles, aux Russe depuis Yalta - interrompt la continuité du système américctin! L'immense glacis chinois, tout comme l'Allemagne en Europe, est partagée entre les influences Russes et Anglosaxonnes. Donc, d'cm côté, un ensemble continental, en positi,on centrale, divisé en secteurs autonomes; de l'autre, un cœur au rythme puissant envoyant au loin par sept cordons ombilicaux la nourriture nécessaire à l;entretien d'une veine, relativement fragile pour l'instant. çg, et là, des zones blanches ou grises dans les régions de contact. A l'ère des avions dont le ravon d'action atteint le rayon stratégique (li), à l'époque des fusées B 29 S et B SU S, d'une portée de 15.000 km., il ne Peut s'agir que de stratégieplanét'a,ire. Plus de pomt qui reste inaccessible. Dans ces conditions, le Grand Nord, le Centre Afriqur-i et le Japon ne restent-ils pas les pomts sensibles du fragile équilibre mondial ? A qui la maitrise du Monde? 5. - L'implacable logique avec laquelle les deux colosses préparent leurs positions stratégiques, se retrouve dans la politique qu'ils mènent en cet Extrême-Orient où naît, lutte, vit et meurt la moitié de l'Humanité. L'on a dit les promesses faites aux heures graves, les aspirations de ces .foules immenses, les remous sans cesse renaissants, les luttes, les ruine3 et les morts. L'on a: dit aussi la naissance de foyers progressistes, leur désir de chasser le Blanc de l'Extrême-Asie. L'on d. dit, enfin, la misère qui pèse sur ce milliard d'hommes, levain tout désigné à la propagande communiste. N'y a-t-il pas, d'ailleurs, un plan communiste Pour éliminer tous les Occidentaux du Sud-Est ASiatique? L'action du Viet Minh en Indochine, {}t es Terroristes en Malaisie, sont des indices paents. Existe-t-il un Kominform de l'Extrême· C?r~ent ? Vralsemblablement;_ car, '(;S procédés utilIses ressortissent toùs à la doctrine marxiste: atfeindre le b:.lt quels que puissent êti'e àpparemment es. retournements et les contradictions. La grande theorie du Nationalisme prônée en Asie n'est-elle 31 pas en opposition avec la Bible marxiste ainsi que vi.ent de le prouver récemment la condamnation de THo par Moscou ? Dans tout cela, où est la vérité? Les Etats··Vnis veulent un juste règlement de la paix avec le Japon ainsi qu'une Corée' umfiée acceptée comme membre des Nations Unies et régie par une constitution et un gO;'lVernement choisis par les Coréens eux-mêmes; un règlement sans autre effusion de sang en Indonésie, stipulant à la fois l'indépendance et une coopération continue avec les ,Pays-Bas; la poursuite des négociations entre l'Inde et le Pakistan au sujet du Cachemire. La l'rance veJt la paix avec le Viet-Nam. La Grande-Bretagne désire l'ordre en Birmanie et en Malaisie. Mais que veut l'U.R.S.S. ? Quelle que soit la ligne p.olitIque SUIVIe, n": peut-on garder l'espoir d'une possibilité d'entente entre lE.'S races jaune et blanche? Oui, sans doute, si la seconde veut bien se rappeler que coloniSer, c'est civiliser; civiliser, c'est émanciper. A la sage~se de donner, aux courants correspondants, le rythme nécessaire. A une époque où les pr,ogrès des moyens de communications ct des dér:ouvertes scientHiques ont raliproché les hommes dans une mesure considerable, les Européens préoccupés par le sort de leur propre Continent semblent oublier qu'une évolution encore pklS importante que celle qU'ils subissent, est en train de gagner tout cet ExtrêmeOrient qui compte un homme sur deux vivant sur notre planète. Le Péril Jaun~ est en train de sortir de la légende. C'est aux Blancs qu'il appartient de transformer cette menace en une collaborati.on efficace des techniques occidentales et de la vieille civilisatIOn asiatique. Et ce, par une exploitation rationnelle des richesses sachant respecter les peuples qui les détiennent. Peut-être, alors, comme le Général Marshall le souhaitait en conclusion de son premier discours au Palais ChaiUot, les membres de "O.N.U. sauront trouver les moyens de contribue, à réduire les tensions internationales actuelles et à promouvoir une paix juste. Brazzaville, le 24 novembre 1948. Chef d'Escadron BAUBEAU, de l'Artillede CoqoniaH~.' (5) Acorn (Glanel) pour les unités aériennes. Cuh (Lou·veteau), soutien logistique de groupes de forces navales légères; Lion (Lion), chantier naval mobile soutien Iogisüque d'une force de dél)arquement ou d'une flotte; Cropac : ~.500 hommes du génie. (6) 5.000 km. - A noter que des avions à réaction soviétiques, partis vraisemblablement du Cap Tchoukostoi. péninsule des Tchouktches, ont été aperçus sur l'Alaska. --0,.:.- BIBLIOGRAPHIE Rapports du Haut Commandement Américain (Général Ge.orge C. Marshall; Amiral Ernest .J. King; Général Henry H. Arnold); HistOlre de la seconde guerre mondiale, par le Général L. M. Chassm; Géographie universelle de La Blache; Histoire des Colonies Françaises, par M. Bessün; La Revue Maritime 1946, 1947 1948; Forces Aériennes Françaises 1947, 1948; Informations Militaires Françaises 1947, 1948; Périodiques de la Documentation Française tf>résidence du Conseil) : Bulletins de Presse Etrangère; Bulletins quotidiens de presse étrangère; Articles et Documents; Notes documentaires et Etudes. (Années 1945, 1946, 1947 et 1948). Publications de Presse: Œdipe, Revue hebdomadaire de l'Opinion int,ernationale; Le Monde. L'ANGLETERRE et LE MOYEN ... ORIENT Les caractéristiques générales de la politique britannique L'Empire britannique et la route des Indes jusqu'en 1914 L'évolution de la politique arabe de l'Angleterre depuis 1914 1 - la promesse de l'unité arabe et ses hypothèques 2 - le démembrement de la Turquie 3 - les concessions britanniques La Crande-Bretagne et le pétrole au Moyen-Orient 1 - avant le conflit de 1914-1918 2 - entre les deux conflits mondiaux 3 - pendant et après la guerre 1939-45 a) la rivalité des Anglo-Américains et des Russes b) la situation des Anglais et des Américains c) conséquences actuelles. Caractères de l'action britannique La nouvelle orientation de la politique impériale britannique Le nouveau dispositif en voie d'organisation : i - pour protéger le Moyen-Orient et pour couvrir le canal de Suez 2 - pour se donner de l'espace. ~onclu.;on. • Les caractéristiques générales de la politique britannique . Pour comprendre un peuple étranger l'esprit critique doit se tempérer de sympathie. Z~rathoustra disait avec quelque raison : « 11 n est pas facile de comprenda'e l'étranger. CIwqUe peuple a son langagedn,bic!J ct dl; Hlal ». demenls psychologiques, moraux el sociaux du caractère britannique, lels que les Anglais les décrivent eux-mêmes, que l'on peut trouver l'explication de leur poli tique ét,mngère dont l'action au Moyen-Orient est un cas particulier. Ainsi pour juger-objectivement l'lietion des AnglaIs en Orient, et pour tirer profil dp lexentPie qu'ils peuvent nous donnCl', il convient d'.abOrd: d'avoir présent à l'esprit les grands traIts de leur politique. Or, c'est peut-être dans les fon- Le Gouvernement de Sa MaJesté est toujours guidé par : - tintérêtnational. - Celui-ci inspire la lutte contre toute tentative d'hégémonie conti. nentale et recherche l'équilihre outre-mer. «Le ~- t/ 'i 34principe du maintien de la balance des forces a été la base solide de la politique anglaise depuis 400 ans ». (Duff Cooper); - le réalisme et (empirisme. - Très anglais est ce personnage de Kipling qui déclare: « L'Enfer est l'Enfer; mais puisque nous y sommes, le mieux est d'en tirer le meilleu,r parti possible », et l'Anglais progresse de compromis en compromis sans perdre de vue le but essentiel ; - la confiance dans la puissance britannique. - « Statemen » et « Common men» sont sincèrement convaincus que 1'« Empire Britannique est, apllès la Providenoe, la plus gmnde force qui soit au monde pour le bien de l'Humanité » (Lord Curzon); - la tradition. - gràce à la conscience de de la grandeur dont la vieille Angleterre a fait preuve au cours de sa longue histoiire, lord Balfour écrivait très sérieusement : «Mieux vaut faire une stupide chose qui a tüu jours été faite qu'une intelligente qui ne l'a jam~is été»; - l'idéalisme puritain. - que l'on meL surtout en valeur lorsqu'il coïncide avec l'intiérêt mais qui n'en exisle pas moins. C'esL l'appel du «Chant pour les Anglais » : « PUrrifie la terre de l'esprit diu mal. Pousse la route el jet~e le pont sur le fleuve. Par la paix sur nos peuples, fais en sorte que les hommes connaissent que nous servons le Seigneur ». (R. Kipling). D'aut,re part, l'Anglais est sportif : , - il joue «fair play», le « fair play» etant le respect dans les relations humaines de l'homme par l'homme, c'est.-à-dille le respect des engagements pris beaucoup plus dans leur esprit que dans leur leUre ; - il n'a que des partenaires ou des~ adversailles du moment car seul l'enjeu compte. «L'Angleterre ne connait ni amitiés ni inimifués éternelles, mais seulement ses intérêts immuables ». (Lord Palmerston). . , - il pl'?pose à l'adv~rs.ité une force de res/stance Inebranlable que Wmston Churc;hill a n:agnif,iquement symbolisé dans cette pahétique resolutlOn dont le lyrisme n'amoindrit pas la force: . «Nous ~vons devant nous de longs, de tres longs mOlS de lutte et de souffrance... Je n'ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur... Nous marche,rons jusqu'à la fin, nous nous battrons en France, nous nous battrons sur les .mers et sur les océans, nous nous battrons dans les airs avec une force et une confiance crois- santes, nous défendrons notre île quel qu'en soit le prix, nous nous batt.rons sur les plages, nous nous battrons sur nos aérodromes, nous nous battrons dans les champs et dans les rues, nous nous baVtrons dans les collines : nous ne nous rendrons jamais ». (4 juin '1940). Enfin, la Grande-Bretagne est une île incapable de faire viv,re seule ses habitants. ('1) Mais c'est~ une île d'Europe Occidentale intimement soudée au continent depuis que l'aviation puis les projectiles à très grande portée ont détruit le mythe de l'insularité protectrice. Déjà avant '1939 Ml'. Baldwin avait proclamé que la frontièœ anglaise éLait sul' le Rhin. L'Angleterre conslitue un élément essentiel de l'Europe et la relie aux autres continents. Ainsi participera-t·ielle au destin européen dans sa I2'randeur passée et dans son angoisse présentA. F,t, ('enenclant elle demeure un peu en mall'ge du continent. Centre du Commonwealth of British Nations, elle fut longtemps le foyer de la civilisation anglo-saxonne. Celte civilisation s'est étendue en particulier en Amérique du Nord: une communauté atlantique s'est formée oui de l'Ourst s'oppose à la pression russe de l'Est. L'Anglais réagira donc : - en occidental et en gentleman conscient et fier de la civilisation chrétienne fondée sur la dignité de l'être humain; Harold Nicholson écrivait récemment : « Il se peut qu'au XXme siècle nous (Anglais) arrivons à une entière justice sociale sans détruire les droits de l'individu. Alors nous pourrons ,rénéter les paroles de Pitt comme nous Ir fîmes pn '1940 : «Notre énergie nous a sauvés nous-mêmes et nous avons sauvé l'Eurone nar notre exemnle »; - en roulier des mers dont la règle « Rule. Britannia, over the seas» ;répond! au fier impératif virgilien : «Tu regere, imperio populos, Romane, momento » ; la gl,lCrre a pu reléguer au second plan la séculaire puissance navale anglaise, l'évolution des peuples a pu compromettre la solidité de l'Emp'i.re et la livre sterling (1) quelques réalités essentielles : La population britannique a triplé en un siècle : elle est passée de 15 millions en 1815 à 50 millions en 1946, cette population est en majorité urbaine dans la proj1ortion de 8/1Drne. Le sol de la Grande-Bretagne est peu fertile et sa superficie est faible : 230.000 km2, soit moins de la moitié de la surface métropolita[ne française, mais le Commonwealth recouvre plus du quart des terres émergées. L'industrialisation anglaise est excessive et un peu \ieill e. Elle contraint à d'énormes imoortation.s cependant que dans ces dernière.s décades le développement économique intense deS c pays neufs ~ limite ses importations. 35 rec~ler devant le doUar, l'Angleterre conserve t.ouJours le sens marin et l'esprit pionnier qui furent les solides piliers de son impérialisme. Au. contll'aire du Français qui est de tradition a~tIsanale et paysanne, l'Anglais est un négo~Iant et un industriel orienté vers les grands echanges internationaux. . - en cU'oyen du monde, aux vues larges et lointaines, mais lent à changer d'opinion. « L'esprit des Anglais est lent à se mouvoir, il leur a faUu un temps considMable pour Il'éaliser que l'aviation les avait privés du plus précieux de leurs biens, l'immunité contre l'invasion » ?it Duff Cooper, tandis que Harold Nicholson Illuslre avec humour l'indolence imaginaire de ses compat:riotes, eil écrivaIlt que« Si Chairles Marlel avait été Anglais, il n'aurai t pas permis aux Sarrazins de troubler son sommeil avant leur arrivée aux portes de Poitiers ». Les Fll'ançais ont souvent rencontré les Anglais sur leur route, ils en ont parfois douloureusement souffert. Le contraste de ces deux peuples dont la conception de vie est tellement' pr.oclhe, mais la psychologie si différente, s'exphque très simplement. - Puissance terrienne, la France suit une politique continentale. La perméabilité de ses f~?ntièI\es à l'Est la hante. Depuis trois-quart de siecle notamment, le péril allemand est son cauchemar. Beaucoup plus que la volonté gouvernementale ce sont des initiatives privées qui lui ont acquis colonies et territoires d'Outre-Mer. - Puissance 'maritime, la Grande-Bretagne a ~ne politique mondiale. Des nécessités économIques vitales plus encore que des raisons de ~.rest~ge l'ont conduite à s'assurer la liberté des echanges et la sécurité des communic.ations imPériales, à fonder le Commonwealth et à implanter son influence outre-mer. - Au cours des siècles, sur tous les continents et les océans du monde ces deux Etats se Sont affrontés ,et opposés, en Orient particulièrement. Il s'agit ici non de justifier le comportement b.ritannique mais d'en reconnaître la rai~on et la supériorité passagère qui ne suffit plus a sauvegarder la puissance de la Grande-Bretag.ne , puissance longtemps incontesté,e mais aUJourd/hui chancelante comme celle du géant aux pieds d'argile. Pendant le XIXme siècle, plus exactement de 1815 à 1914, l'hégémonie anglaise a régné SUI' l'univers et eUe a, atteint son plein essor '~e~dant l'ère victorienne. La Grande-Bretagne etait alors le centre d'un immense et incomparable Empire. Sans lui elle aurait péri, sans elle il aurait éclaté. Sa pJus belle richesse était les Indes. L'idée simple qui a présidé à l'expansionnisme intercontinental de la Grande-Bretagne est un impératif économique : Pour vivre l'Angleterre ra besoin du dehors. Comlllle toute créalion humaine qui subit les profonds effets de la rapide transformation du monde actuel, l'Empire Britannique évolue. Entre 1914-19'18 et 1939-1945, il n'a pu se maintenir à l'apogée de sa grandeur. La deuxième guerre mondiale semble avoir sonné le glas de sa p,rimauté établie sur les puissants instruments dont sa polilique a longtemps disposé : - la flotte et le trésor, - le commerce mondial, - la cohésion du Commonwealth, - l'organisation technique et le libéralisme anglais. La victoire n'est pas toujours payante. Les moyens qui avaient assuré la suprématie britannique sont bien compromis. La flotte est fort amoindrie (1). De richissime état capitaliste et de banquier du monde, la Grande-Bretagne est devenue état prolétaire (2). Les marchés mondiaux lui échappent. Les Dominions vivent leur propre vie. Les U.S.A. sont les champions de la technique moderne et les garants du libéralis.me. Enfin le «bloc sterling» dont l,es pays orIentaux font partie, - à l'exception des états du Levant - est entam'é par la «dolla,r diploillacy». La vieille Anglete.rre épuisée ne s'avoue ( 1) En ce qui concerne la Royal Navy : - La Home Fleet a été rMuite à 1 croiseur et 4 torpilleurs. En automne 1948, elle doit êlre portée à 1 Ilàtiment de ligone, 3 porte-avions Iégoers, 4 croiseurs, 2 flotilles ae tlestroyers. - La Pacifie Fleet est aussi faillIe, mais la Mediterranean Fleet est encore puissance et comprend 2 porte-avions, 3 croiseurs et 16 destroyers. D'autre part, la Grande-Bretagone il perdu la suprématie Séculaire de sa marine marchand;] : ' - En 1939, pour un tonnagoe mondial de 80 millions de tonne;;, l'Angoleterre arrivait en tête avec 30 %, suivie Dar l\'s U.S.A. avec 14 %' En 1946, pour un tonnage mondial de 100 millions de tonnes, les U.S.A. ont la première vlace avec 50 %, suivis par l'Angoleterre avec ~5 % en dépit de ;;es pertes. La Grande-Bretagone travaille sévèrement à la reconstruction de sa flotte tandis qu'elle développe et modernise sans cesse son aviation. Mais mème ;;i les U.S.A. lui ravissent définitivement la première place, le contrôle des mers restera dan;; les mains des thalassocraties angolo-saxonnes et la supérIOrité leur semble ég'alement acquise dans les airs. . (2) Avant 1939, l'Angoleterre était créanciêre de 5 milliards de ~Ivres ;;terling. Elle est en 1948 dél)itrice de la même somme. Laide amérlCame reste un palliatif temporaire. Sur les dettes de gouerre qui s'élèvent à plus de 3,5 ml!liar~s de livres, trOl;; créanciers récalcitrants lui doivent 1.800 millions : les Indes, 1.224; l'EgYll1e, 425; la Palestine, 150. __ - --=:-:..~~~=~~~==-:':;~~_~';~:~~~_~-::.:;---:.~:: ~~"'::: ":~'~_-:""-~~_- -- - - -__---__ -_-:"-_~-"':':-_~~_5=--;;-~ - - - ~-. --- ~ -, -.. - 36 cependant pas vaincue. Elle défendra, pied à pied, les positions qu'elle a résolu de-garder, car elle sait que pour assurer son relèvement elle doit conserver son activité et son influence outre-mer tandis qu'elle s'impose virilement de sévÈ'.res règles d'austériLé. André Siegfried pouvait écrire, en septembre 1047 : « Nous croyons que l'Angleterre, par son courage, se tirera de cette crise, la plus grave qu'elle ait connue... Ce qui déipend de la volonté nous savons que les Anglais le felrOl1t, mais peuvent-ils recréer un climat international disparu et un équilibre intercontinental compromis-? Ce qui est grave, et l'est aussi pour nous, c'est que plusieurs des facteurs essentiels d'un relèvement ne dépendent plus de leur volonté. Le relèvement se fera mais ne faut-il pas craindre que ce soit à un étage inférieur il celui du passé?» Les Anglais ne peuvent, pas davantage arrêter l'actllel déclin cIe l'Europe Oceidentale qu'ils ne sont en él<ü de modifier à leur avantage la situation de la Grande-Bretagne dans le monde nouveau et dans une ère nouvelle. Ce qui dépend d'eux-môtnps c'est dp consrrver leur ~'ésistnn('e morale, leur solidnrité politique et lellr ré'nlisme traditionnel; c'est, d'entl'etenir leur aptitude commercinle cl leur sens marin; c'pst de 'poursuivre leur g~'andp politiqup dans la ligne exclusive de l'intérêt nalional. Ils s\ emploient. Pou,r se défendre, la Grande-Bretagno : - d'une part, compte sur l'appui compréhensif des U.S.A. qui nppartiennent à la civilisation anglo-saxonne et que le péril soviétique ,rapproche de l'Europe Occidentale, - d'autre part, elle confie il une politique réaliste, cohérente et sévère le soin de ses inté,rôts profonds et permanents et la défense de sa grandeur réelle, - en dernière analyse, elle renoncera courageuselhent d'elle-même à ce qu'elle sait ne pas pouvoir conserver, à lïntéil'Ïeur comme il l'extérieur. Et déjà, son relèvement s'amorce gràce à l'énergie de son peuple et à l'autorité de son Etat. On peut ainsi supposer que, au MoyenOrient, sa politique traditionnelle n'est pns enco.re dépassée ni son r('gne déjà révolu. La notion simple et daire de l'intérêt britannique, sécurité des communications vers les Indes, exploitation des pétroles du Moyen-Orient et parade à la menace russe... explique son cornportement. Là où l'Angle~erre doit céder du ten'ain sa relève sera assurée par les Américains: de part et d'autre des détroits, en Grèee et en TUlrquie, par exemple. Elle maintiendra son influence el, sa présencp, plus ou moins discrNes dans les pays arabes sur les mules marilünes et aériennes eIPs Indes. Elle défendra ses intérêts éeonomiques au Moyen-Orient, plus parliculi('rpment Rn mnl,ière de pétrolP. Elle essaiera de sortir all lllipux dc l'impasse palestinienne. Enfin, ne pouvant' entretenir des forces armées suffisantes à pied d'œuw'e dans le quadrilatère « Détroits - Caspienne - Isthme de Suez Golfe Persique» et afin de compenser ses pertes dans le Sud Asiatique, elle fixera le centre de gravité de son appareil milibaire dnns le centre Afrique et s'o,rientera - vraisemblablement - vers la mise en valeur de l'Afrique de façon intensive. Telles sont les idées mai tresses qu i éclai1'ent l'attitude du Gouverneinent de Sa Majesté à l'égard des 'Musulmans du Moyen-Orient et des Indes, attitude qui s'inscrit aujouil'd'hui comme dans le cadre d'ensemble de la politique générale britannique. '. -37 , L'Empire britannique et la route des Indes jusqu'en 1914 La décQuverte des Indes Occidentales, c'est-à-dire de l'Amérique, à la fin du XVme siècle, révéla l'Angleterre à sa vocaLion impériale. Sa situation insulaire la mettait à l'abri des invasions : elle pouvait orienter ses ambitions audelà des mers ('1). Après s'être d'ahord installée sur la côte mnéricaine du St-Laurent à la Floride, clle nous enlève au XVIIIme siècle la Louisiane et le Canada et prend notre succession aux Indes Orientales. Louis XV pensait que la France ne pouvait mener à bien ct sa politique continentale et une acLion coloniale. Son amour de la paix sacrifia celle-ci à celle-là. Il ful erwouragé par les Phi10sophes el lns Encydopédistps qll i élaient déjà anti-colonialistps comnlP le sont aujourd'hui systémaliqupment la pluparl des intpll('cluels. A la fin du XVlIIllle sit'e!e, les colonies d'Amérique proclamenl 1p U,I' indéppndance (178)3); l'Angletprre prend pied en Australie: le centl'e_de gravité de son empire se lransporte dans l'Océan Indien. De plus en plus trihulairp de la mer, elle devient la plt'emière puissance navale; sa vie el sa prospérité sont dès lors liées à la séeurité des eommunicaLions mondiales '; sa statégie est impériale. Une politique prévoyante et réaliste lui Procure eseales et bases sur tous les océans de la planète, en particulier sur les ,t'outes des Indes. , Les colonies de l'Afrique Occidentale aequi. ses au XVIIIème siècle et nées de la traite d,~s Nègres à destination des Indes Occidentales, Sainte-Hélène et l'Ascension ('1657 et '18'15), le Cap et l'Ile Mauriee (Traité de Vienne '1815) el les Seychelles protègent la route des Indes DaI' ~e Sud Atlantique," Cette route du Cap fuL .Jusqu'au D(~rCement de l'Isthme de Suez, l'nl'tèil:'e vitale- du monde britannique. La campagne de Bonaparte en Egypte ElUl',l deux conséquences lourdes d'importance : - elle sera indirectement, l'un des facteurs essentiels quoique. lointain de la Renais'i"nee Islamique, la Nahda; - elle révélera aux Anglais la valeur des Pays orientaux sur la route dies Indes [;Hr la Méditerrranée. Désormais les Britanniques en font une chasse gardée. Leur intervention pressante exige sUCcessivement : - de Mehemet Ali - Vice-roi de rj~b-ypte qu'il m;,dernise el ,wlÏ de la France qui i'apptiie - la restitution d\~ la Palestine et de la Syrie au SUit/hl de Com(unl 'nople en '184-0, -- de l\'apoléon III, l't)v:l'.;ua(ioll du Liban ap.rc"s l'expédition de i.c60 au ~t'C()U1'" des ('lll'étiens crueHeruent opprimé" p[lr l~s Druzes. Ces deux faits concrétisent un axiolne fOr)damental de la politique anglaise en Orient : s'opposer il la constitution d'un Elat indépendant dans le bassin oriental de la Méditerranée el empt1eher une puissance européenne, la France notamment, cll' prerHl,l'e pied dans les pays du Levant soit' par elle-même, soit par l'inllel'médiair(O d'lIJl(' alliance. Cellp vigilance allait dpvenir d'autant plus vive que le pl'f'Cl'nlf'nt. de l'Isthme <1l' Suez re. donnait il la J\Téclitermn('e Orientale un l'ôle capitnl dans lps 1"ehlllll-teS inlercolllin('rdnux StH' lesC[u("!s reposait I\\quililm' mondial ;\ ln fin, du XIXmesi('('le el au déhllt du XXme sii'de. POlir mnîLl'iser ln 1l00lvpl!e roule IIl1lritime ouverte par FerdinalHl cil' Lesspps et plus tard pour protégeil' les immenses f'('ssourcps pétrolifi'res du Moyen-Orient, il fallait: - eontrôler le canaL d'où l'oecupation «temporaire» de l'Egypte (1882). - proléger la route de Suez, d'où la création d'une chaîne d'élats vassaux relinnt la Méditenranée à l'Oeéan Indien. La nouvelle route des Indes devint l'axe de l'Empire Britannique. Elle était déjà jalonnée par les ports anglais de Gihraltar (1713), Malte (181.5) et Aden ('18>38). Après l'occupation d'Aden et la main-mise sur le détroit de Bab el Mandeb au déhouehé Sud de la Mer Rouge, la presC[ue totalité de la côte méridionale de la Péninsule Arahique fut en un siècle placée sous l'influence anglaise: ,p.l'otectorat du Sultan d'Oman (qui possède aujourd!'hui une excellente base aéro-navale à Sohar) et des îles Bahrein (si riches en pétrole), protection des cheik\hs et imans de Mascate et de la Les grandes découvertes de la Renaissance : Amérique par Christ ophe Colom)) en j 492 Route du Cap par Vasco de Gama en 149S ont provoqué un changement décisif clans l'histoire des relations humaines mondiales au détriment clf) l'Orient Méditerranéen etau profit des pays riverains de, l'Atlantique. Après la disparition de l'Armada (149S) l'Angleterre acquit la orimauté navale qu'elle conserva jusqu'au dernier (j) c01lI!lIt. " 1 1 ' , , • 38 Côte des Pirates par le ministre résident anglais de Koweit, et annexion de l'Hadramaout (en 1938). La protection de la route maritime de Suez - qui s'étendit par la suite à celle des communications terrestres et des voies aériennes vers les Indes - est le point de départ de la volonté, à la fois souple et obstinée, avec laquelle la Grande-Bretagne s'est attachée à placer sous son influence 1e s populalions musulmanes du Moyen~Oll'ient pour couvrir au Nord la route des Indes contre d'éventuelles pressions russes vers le bassin oriental de la Méditerranée par les Détroits ou vers le Golfe Persique et l'Océan Indien. La couverture Sud de la route die Suez fut assurée par la conquête du Soudan Oriental par le Général Kitchener qui à Fachoda (1898) barra à la mission Marchand l'accès de l'Ethiopie et de la '.\fer Rouge ('1). Elle sera compromise peu ftvant le conflit 1939-45 par la pénétration italienne en Afrique Orientale. Jusqu'en 1914, la protection de cette artère impériale fut assurée en Asie Mineure d'une pa,rt grâce à l'occupation de Chypre (1878), vigie avancée qui surveille le Golfe d'Alexandrette - débouché naturel de l'Anatolie ~ et d'autre part grâce aux relations de cordialité que le Gouvernement' de Londres s'efforçait d'entretenir avec le Sultan de Constantinople, « l'homme malade », dont la débilité ne lui semblait pas dangereuse. Néanmoins, la \\lelt:politique du Ume Reich, l'intérêt que le Kaiser témoignait aux 'Musulmans, le Bagdad Bahn et les entreprises de la Deutsche Bank inquiétèrent: sérieusement la Grande-Bretagne qui comprit déjà que ce n'était pas sur les Turcs mais bien sur les Arabes qu'il fallait jouer. Quant à l'Asie Centrale, eouvertu;re éloignée de la route et de l'Empire des Indes, elle fut le théâtre de la rivalité anglo-russe, rivalité aigüe à la fin du XIXme sècle mais assez affaiblie au début du XXme siècle. Ce n'est pas ici l'endroit de parler des Indes en· détail; il suffit au passage d'en souligner l'importanee : «elles furent le pivot du système bll'itannique ». On sait que leur conquêl.e par les Anglais commença en 1763 lors du remplaeement de la Compagnie Française des Indes par l'East India Company et se termina près d'un siècle plus tard en 1856. Elles jouèrent dans rEm pire un rôle considérable depuis que la Reine Victoria fut couronnée Impératriee des Indes jusqu'au ré. cent départ du dernier vioc-roi, LOll'd Mountbat- ten. Leur perte ressentie par le peuple anglais avec une parfaite dignit.é apparait difficilement réparable, bien que nombre d'intérêts britanniques aient été sauvegardés. Aujourd'hui et demain encore leurs ressources sont indispensables à la vie des Anglais. Dans la production mondiale elles viennent en effet à la première place pour le riz et le jute, à la deuxième pour le coton, le thé, le tabac et l'opirtm, à la troisième pour le blé et la soie. En outre, elles possèdent de riches matières premières industrielles : houille, fer, cuivre, pétrole, bois, etc... Les Anglais s'oppos.èrent longtemps à la naissance d'une industrie hindoue afin de prés·erver les usines de la Métropole; c'est ainsi que les machines textiles .du Lancashire étaient aJimentées .par du coton hmdou. Au XXème siècle cependant, le développement de l'industrie nippone contraignit les "\nglais à l'industrialisation locale : teehlllCH'nS et capitaux viennent de Grande~B,{Ietagne où ks élites hindoues s'initient aux mé~hodes occideIitales; la main d'œuvre locale, très abondante et bon marché, s'emploi-e sur place. Les Indes offrent une immense clientèl~ dé 400 millions d'habitants environ. Ceex-ci se répartissent approximativement au point de vue religieux en : 280 millions d'Hindoui:.:.Les, (dont lions d'intouchab1.f'';) 100 millions de 'Husulmu's, '?O millions de Boudiste~~. [If) mil- Dans l'ensemble, les MusullTlu,l'; t)lÜ r·:cherohé les faveurs de la Gr.·'mde l~retûgne jusqu en 19'14-18 et le Gouverneml~nt de Sa Majesté utilisa souvent leurs sympathir:Js l'CUI' les opposer aux Hindous. Mais le départ d!! l'.\ngldcrre ( 1) On se souvient que la France créa le port de Djhoutl comme base navale lors des guerres de Chine, la Grande-Bretagne ayant interdi t l'usage d'Aden. Djibouti est ainsi la seule escale francaise de la route des Indes, .sur l'artère qui relie directement Marseille il Madagascar et il l'Indochine. C'est également le débouché du chemin de fer d'Addis Abbeha. (1) II est dans le destin des Indes d'être toujours conquisc.s par les étrangers : - par Darius et les Perses au VIm. siècle av. Jésus-Christ - par Alexandre et les Grecs au IVm. siècle av. J.-C. - llar les Aralles aux premiers siècles de l'Hégire, puIS par lcs Mingols, enfin par les Français et par les Anglais au! XVlIIm. et XIX'm. siècles après Jésus-Christ. (2) Le dernier recensement date de 194J, il dénombre 389 millions d'habitants en rapide accroissement démographique. L.es Indes sont ainsi le deuxième hloc humain (après la Ch.ine que l'on évalue il 450 millions) sur une superficie égale à six fois et demie celIe de la France. La population anglaise des Indes en J 941 n'était que de ;130.000. --- - - ---- --- - - - -- -_:: ::- ~ ~ .::_-~ -~~-==::- ~_-:.-. 39 donna libre cours à l'hostii.iLé hindoue-musulmane (1). Si la valeur des Indes fait comprendre la ténacité avec laquelle les Anglais s'assurèrent lu liberté de leurs relations impériales et la vigilance avec laquelle ils en défendirent les applt'oches, l'existence d'un bloc hindou de 100 millions de Musulmans rend intelligibles les complaisances de la politique musulmane de Lonclires. L'indépendance de l'Inde hindoue et du Pakistan musulman (15 août 1947) s'ajoutant à celle de l'Egypte et de la Birmanie (2), illustre l'affaiblissement britannique depuis 1918, et traduit Iles rapports nouveaux de l'Occident avec les peuples d'Outre-Mer. Toutefois, l'Hindoustan et le Pakistan forment, deux Dominions qui, pour le moment, font partie du Commonwealth. Les Britanniques demeurent comme conseillers dans les emplois essentiels. Il semble ainsi que les intérêts primordiaux de la Grande-Bretagne aux Indes dans les domaines économique et stratégique soient encore protégés (3). Le Pakislan paraît appelé dans l'avenir à jouer un ;rôle important dans Ir Dar el Islam, du fait qu'il est de beaucoup le pays musulman le plus peuplé mais il a beaucoup à faire pour s'organiser en état slable et moderne. L'évolution de la politique arabe de l'Angleterre depuis 1914 nistes, de l'Italie fasciste et de l'Allemagne Nazie d'abord dans le bassin oriental de la Méditerranée et dans le Nord-Est Africain, de la Russie Soviétique ensuite', dès la fin de la deuxième guerre mondiale, pal' ses pressions sur l'Iran et la Turquie et par ses tentatives - p'eu' fructueuses - sur les populations arabes du Moyen-Orient; - danger interne des nationalismes, arabes d'une part qui, en tant que tels, Veulent se libérer de l'influence brit'annique, juif d'autre part, qui, en PalesÜne. s'oppose 1Ih. aux précédents et place la Grande-Bretagne dans une situation très délicate. Elle sera donc contrainle d'évolue~" de changer de mélhode et de gauchir sa ligne de direction apparente pour sa t1vegarder les intérêts majeurs de l'Angleterre. Celte évolution empirique se tmduit par d'incessants compromis. Plusieurs phases suocessives en marquent les étapes : - promesse de l'unité arabe pendant la guerre 1914-18, unité compromise par les revendications françaises sur le Levant et par le plt'oblème juif en Palestine; - au lieu de cette unité au lendemain du premier conflil mondial, émiettement de l'ancien Empire Oltoman, main-mise de la Grande-Bretagne sur les nouveaux états et lutte contre la présence française qui sera éliminée par la suite; enfin concessions aux différents nationalismes - en parÜculier : indépendance égyptienne, clt'éation de la Ligue Arabe, évacuation de la Palestine... et appel à la solidarité angloaméricaine pour parer à la poussée soviétique. (t) « Quand je vis Hindous et Musulmans. je compris de suite quelle tentation subissaient les Mahométans de donner une raclée aux H.indous, et combien les Hindous en cachette prenaient de plaisir à jeter un chien crevé dans les mosquées mahométanes » (H. Michaud). (2) Il convient d'y inclure, pour mémoire, l'indépendance de l'Eire. (3) Les Investissements britanniques subsistent dans la proporllon des 8/10. Exportations: 55 % "ers l'Empire BrItannique. 25 % vers le. U.S.A. - Importations : 40 % d& l'Empire Britannique, 28 % des U.S.A. _ ;, -40 L'amoindrissement de la puissance britannique dans les années précédant immédiatement 1939, les sacrifices de la deuxième guerre mondiale, l'épuisement qui en découle après 1945 ont abouti à une inflexion de la politique moyen-orientale de la Grande-Beetagne. Son but actuel est malgré tout de maintenir sous le contrôle anglo-saxon (britannique d'abord, angloaméricain ensuite) : -- les liaisons entre l'Occident et l'Orient, - les champs de pétrole du Moyen-Orient. Or, le canal de Suez, les ports et les aéil'odromes, les de~>ricks, les pipe-lines et les raffineries sont en pays arabes. Il ne saurait être question d'assujettir ces derniers par la force militaire mais le Gouvernement de Sa Majesté peut se les attacher par l'habileté diplomatique. En définitive, trois principes inspirent la conduite de l'Angleterre en Orient : - soutenir les Arabes, avec le seul souci de l'intérêt hritannique sans tenir compte de sympathies ou d'antipathies idéologiques ou sentimentales; - utiliser le nationalisme arabe en sacrifiant les particularismes locaux au réalisme politique; - sauvegarder J',essentiel dans l'épreuve par des concessions successives et reviser, en conséquence, la structure de la stratégie impériale. * ** La prédominance britannique atteint son apogée fwndant le rc'gne de la Reine Victoria mais au début du XXème sièele son influence outre-nwr est encore t'Oute puissante. Elle veut s'implanter en Egypte et prendre pied en Orient, solidement. Or, depuis une centaine d'années, l'Islam Q,riental s'est réveillé. La renaissance Islamique, la Nadha, née du mouvement religieux Wahabite a pris un aspect intellectuel sur les bords du Nil et au Levant gràce d'ailleurs à l'expédition clu Général Bonaparte en Egypte puis gràce aux missions chuétiennes d'Occident; bientôt elle s'oriente vers le plan politique où le panislamisme et le panarabisme traduisent ses aspimtions avant que le nationalisme arabe naissant ne s'oppose lui-même au joug de la Turquie, demeurée au fond assez étrangère à l'esprit musulman. C'est l'entrée en guerIle de la Turquie aux côtés des Empires Centraux qui en 1914 offre au Cabinet de Saint-James la possibilité de réa1 ,1 .' "1-'·-.- liser son lointain dessein de contrôler l'Orient en s'appuyant sur les Arabes. Il commence par transformer en Protectorat « l'occupation provisoire» de l'Egypte (novembre 1914). L - La promesse de l'Unité Arabe et ses hypot,h'èques '1°) Au début de la guerre 1914-18 le «Bureau Arabe» du Caire décide Sir Henry Mac Mahon, successeur de Lord Kitchner à utiliser le nationalisme arabe contre les Turcs. En effet le chérif de La Mecque, Hussein, Chef de la fa:mille des Beni Hacem' - les Hachemites - avait dl~jà demandé si l'Angl,eteNe soutiendrait une insurrection contre le Sultan de Constantinople. C'est la révolte du nationalisme arabe contre la domination ottomane. Les négoeiations entre le Général IMac Mahon et l'émir Hussein aboutissent à la promesse d'une Fédération ara"be qui ;;el!:'ait confiée à la famille Hachemite et, naturellement, placée sous l'influence britannique (octobre HH5). 2°) Deux actes restreignent la portée de ces engagements : - la France entend sauvegarder ses intérêts traditionnels au Levant: l'accord fmncobritannique Sykes-Picot (HH6) lui reconnait une zone d'influence en Syrie et au Liban; - l'Angleterre a besoin pour financer sa guerre de l'appui total de la Banque et de la Pres'se israéliennes: par la déclaration Balfour" (HH 7), elle promet la création d'un « Foyer » national juif en Palestine, c'est l'origine du conflit judéo-arahe. Par sureroil, l'Unité Arabe est hientôt compromise par ses propres bénéficiaires : les émirs Feycal et Ahdallah opposent leurs prétentions aux ambitions de leur père, le chérif Hussein. 3°) Quoi qu'il en soit, le Colonel Lawrence, avec l'aide puissante du Trésor de Saint-Georges fomente la rébellion dont le résultat immédiat est de dégager la voie impériale de Suez (1). En Syrie, au Djehel Druse et chez les Alaouites de véritahles « Maquis» font de la résistanceil l'occupant Turc. ( 1) Tl Y a dans la « Révolte clans le désert » une part de bluff que l'on rencontre assez fréquemment dans les entreprises conduites avec les Arabes. EH particulier les Chefs MUsulmans se sont exagérés l'importance de leur rôle dans la défaite germano-turque en Orient. Il n'en demeure pas moim< que ce fut une belle aventure, surtout en raison de la 001'"onnalité de Lawrence. Lire « La Révolte dans le désert " et « Les Sept piliers de la Sagesse ». -41 Cependant les Troupes Alliées pénètrent en Palestine puis en Syrie tandis que les Britanniques conquièrent, difficilement, la Mésopotamie et atteignent à la fin de la Campagne les champs pétrolifèil.'es de Mossoul. La guerre développe chez les Arabes le sens national et réveille le vieux rêve unitaire. II. - Le démembrement de la Turquie 1 0) Au lendemain du premier conflit mondial dont l'issue victorieuse semblait affirmer la prédominance de l'Empire Britannique, la Grande-Bretagne ne se hâte pas de réaliser cette Fédération Arabe que Hussein rêvait d'élever SUI' les ruines de l'Empire Ottoman. Bien au contraire, elle aide à son démembrement. Celui-ci est consommé par : - l'indépendance du Hedjaz au profit d'Hussein qui s'est proclamé «Roi des Arabes» mais qui sera détrôné, quelques années plus tard, par Ibn Seoud, descendant des Wahabites Bedouins, farouchement puritains, (le Yemen avait déjà sa souveraineté). - l'établissement des mandats britanniques SUI' les nouveaux territoires de la Palestine, de l'Irak et de la Transjordanie et de la suzeraineté anglaise sur les Sultanats de l'Hadramaout, de Mascate et des Iles Bahrein ; - l'établissement du mandat français sur le Levant (SYil.'ie et Liban). La Turquie vaincue, pratiquement réduite à l'Anatolie et sollicitée par sa vocation balkaniqUe évolue de son côté; sa laïcisation œuvre de Mustapha Kemal, la sépare du Dar el Islam et l'écarte pour un temps du monde musulman. Ainsi disparaît l'Empire Turc, grand état musulman dont l'autorité s'était longtemps étendue sur la majeuiI.'e partie de l'Islam Oriental. Le Khalifat que détenait le Sultan de Constantinople s'effl'lCe avec la laïcisation et ne sera pas restauré. 2°) L'éclatement de l'Arabie Ottomane en llQe mosaïque de petits états provoque une déCeption extrême chez les Arabes d'Orient, augnlente leur défiance et leuir' ressentiment vis à Vis des occidentaux et excite leur nationalisme Xénophohe. Les autres populations musulmanes, qUe la Nahda n'a pas atteintes encore, demeurent passives. La présence française à Damas et à Beyl'o~th ouvre une ère pénible de rivalité franco.brltannique qui abouti,ra à notre éviction du Levant en 1944-1945. 1.. Les Arabes essayent vainement de protester auprès de la S.D.N. Leurs congrès panislamiques de 1926 et 1928 sont d'éphémères tentatives d'union arabe contre l'hégémonie occidentale. Dans ce Moyen-Orient encore très féodal, les p.rinces arabes s'opposent les uns aux autres. 3°) Les Anglais jouent des rivalités de personnes et de clans mais n'abandonnent pas les Hachemites qui resteront leurs débiteurs. Ils maintiennent : - Hussein, Chef des Hachemites, aux Lieux Saints (jusqu'à ce qu'il soit chassé par Ibn Seoud en 1924). et ils installent : - Feycal, fils de Hussein, initialement à Damas où il est proclamé «Roi de Syrie>; t mais il devra abandonner ce royaume ép;hémère après la défaîte que le Général Gouraud lui infligera à Cheikh Meisaloun en juillet 1919, puis à Bagdad sur le trône d'Irak en Août 1921 sous mandat britannique (1). - Abdallah, autre fils de Hussein à Amman avec la couronne de TranEijordanie, sous mandat britannique. Les Hachemites sont ainsi bien casés et l'Anglete.rre pense les utiliser pour réaliser un bloc docile à ses ordres. L'édifice projeté au profit de celle grande famille sera compromis, irrémédiablement, par l'action d'Ibn Seoud qui défait Hussein et menace Abdallah, étend son autorité sur la pl us grande paidie de la péninsule arabique et atteint le Golfe Persique. Le souci des intérêts permanents et l'empirisme traditionnel incitent la Grande-Bretagne il reconnaître Ibn Seoud « Roi de Nedj et de Hedjaz» (H)27) au déf,t'iment des Hachemi tes. Dès 10.21 , les Anglais arrêtent les grandes lignes de leur politique dans le Proche-Orient pour une douzaine d'années en ce qui concerne l'émancipation de l'Irak et de la Transjordanie. Ils considèrent la Palestine conlllle le «cinquième Dominion»; leur action sur les Princes arabes réussit à maintenir un équilibre instable que menace l'arrivée massive de Sionistes chassés d'Allemagne peu avant la guerre. Dès lors la tension nait et ne cesse de croît.re entre Anglais et J u ifs de Palestine. (1) Feyçal meul'l en t 933 en Sllisse' dans des conditions qui provoquèrent dans tout le Moyen·Orient une explosion d'anglophobie. Tantot l'Intelligence Service, 'antôt la Standard o il, tantôt Ibn Seoucl. en sont tenus POUl' respon. sables. myst~rieuses _ • -424°) La politique britannique qui depuis 1840 s'oppose à l'influence en Orient a mal acc~pté notre mandat sur les états du Levant. Elle cherc(he à nous éliminer. Ses agents ne sont pas étrangers à la révolte du Djebel Dl'use en 1925. III. - Les concessions britanniques 1°) Quelques années avant le deurième conflit mondial, le panarabisme renaissant, les exigences du nationalisme égyptien, le conflit judéo-arabe et les ambitions italiennes entravent l'action britannique. La Grande-Bretagne èroyait sincèrement en l'autorité morale et efficace de la S.D.N. où avec les voix des Dominions elle occupait une situation de choix. Ses hommes d'Etat n'appréciaient pas à leur valeur les ambitions dangereuses . d'Hitler et de Mussolini. Son excessive confiance en l'organisation internationale de 1& paix et la lenteur de ses réactions avaient conduit la Grande-Bretagne à négliger ses moyens militaires dont le relatif amoindrissement se dessina d'autant plus nettement vers 1936 que s'affirmait la qualité des escadres aériennes et navales de l'Italie Fasciste. C'est l'époque où le Duce donne libre cours à son impérialisme en Méditerranée Orientale et en Aftrique. Il défie S.D.N. et Grande-Bretagne, passe outre aux simulacres de sanctions, triomphe en Abyssinie et s'allie au Fuhrer dont les efforts tendent à la résurrection de la puissance allemande (1). (1) « Comme Hitler, Mussolini considérait l'Angleterre comme une vieille dame amorphe et terrorisée qui, à la rigueur, pouvait prendre un air fanfaron, mais se trouvait dans J'incapacité de faire la guerre ». (W. ChurChill). « Si pour d'autres la Méditerranée est une route, pour nous elle est la condition méme de la vie» (B. Mus.solini). LES MENACfSÎTALi EnMES aprèr.l 936 s~rur: f J( + ".. .. A.O F • + + TeHA .. + +i" + .+ + t -t )C++++~ '1- .,. l'tlei'''IA .,.. .. JI, )CAHG\.O- ••" -t' JI' ~ 1- "1- GOLF&" -\' A. E • F .... )( +-t-+ "''''++ CON 00 arL.oe ef + ... + ... Jo! ~ 4rO~ -43 L'Angleterre renonce alors au «Two PoWet's Standard» et les menaces italiennes la conduisent à de notables abandons en Orient. (Voir croquis «Les menaces italiennes après 1936 »). 'Mais l'échec de la sécurité collective et la décomposition de la S.D.N., le péril allemand! et les provocations italiennes conduisent les Anglais, lents à réagir, à se reprendre assez tardivement. Le Gouvelf'nement de Londres est ainsi conduit à des aliénations successives dans le cadre de la formule «indépendance et alliance» : _ Indépendance pour répondre à l'impatience des nationalismes arabes, - Alliance pour réserver la défense des intérêts britanniques en Orient et SUl' la route des Indes. Le système s'appliquera successivement à : - l'Irak en 1932, - l'Egypte en 1936, - la Transjordanie en 1946, mais c'est au Caire que les difficultés surgiront, tandis que les pays musulmans soumis à l'influence occidentale seront tour à tour gagnés palt' l'agitation nationaliste. En Egypte, la passion anti-occidentale deVient de plus en plus ardente. Son témoignage le plus retentissant est rappel «Les Arabes, peuple de l'avenir» que lance l'égyptien Azzam Bey, aujourd'hui secl'étaire général de la Ligue Arabe. Il donne au panarabisme de nouveaux arguments et, avec d'autres leaders, il entt'etien la flamme des divers nationalismes. Une longue et durable agitation provoque des troubles fréquents et graves; elle gêne l'action des Anglais 9ue préoccupent, tardivement, les agissements Italiens et les ambitions hitlériennes puis les visées soviétiques. . Londres avait déjà reconnu en principe l'in~ dépendance théorique de l'Egypte en 1922, annèe où le sultan Fouad descendant de l'Albanais Mehemet Ali devint Roi (Malik). Mais sous la pression des nationalistes égyptiens et devant le danger italien, le Gouvernement Britannique accorde l'indépendance réelle en échange d'une alliance «perpétuelle» (traité de Londres en août 1936 (1»). Cette alliance sauvegarde le contrôle du Canal et les établissements anglais au Soudan pendant vingt ans au moins. La défe~se.« conJointe» de la zone de Suez sera en IprmClpe asSUrée par l'aviation et la marine brit~nniques d'un côté et par les forces terrestres egyp.tIennes de l'autre. Au Soudan rien n'est pratIquement changé et les Anglais encouragent le nationalisme soudanais à s'OppOSel' au nationalisme égyptien. Cette entente a pu être conclue parce que la conquête de l'Abyssinie par les Italiens rap~ prochait Britanniques et Egyptiens. . _ L'Angleterre s'inquiétait de voir les Italiens s'installer sérieusement sur la Mer Rouge, c'est-à-dia.'e sur la route des Indes, et leur propagande se développer au Moyen-Orient, où l'Italie se présentait comme l'amie de l'Islam et comme le trait d'union entre l'Orient et l'Occi~ dent; _ L'Egypte était directement menacée par la main mise des Italiens sur le lac Tana d'où s'écoule le Nil Bleu, élément nécessaire à la fertilité de la vallée égyptienne; la crainte d'être privé de l'eau fécondante décida le Caire à traiter avec Londres. A l'agression italienne d'Ethiopie, le Gouvernement de Sa Majesté avait répondu : - directement en concentrant la majeure partie de la Royal Navy dans le bassin oriental de la Méditerranée où 800.000 tonnes battant pavillon de l'Union Jack s'opposaient aux 500.000 tonne~ de la Marine italienne rénovée. _ indirectement par les sanctions économiques de la S.D.N. Mais les U.S.A. refusèrent d'interrompre leurs exportations de pétrole vers l'ItaJie, tandis que le Canal de Suez rest.ait ouvert aux navires italiens, conformément à la convention de 1888. Par suite, l'Angleterre se rapprocha de la Turquie gardienne des Détroits (Convention de 'Montreux) tandis qu'elle prenait ses dispositions pour assurer le ravitaillement et l'entretien de sa floUe en Méditerranée du Sud-Est : dock flottant d'Alexandrie, raffinerie de pétrole de Haïffa, etc... et que, en même temps, elle équipait les te.rrains d'aviation d'Egypte, de Palestine et d'Irak~ L'accord de 1936 octroyant à l'Egypte son indépendance n'est donc pas seulement la satisfaction donnée aux nationalistes du Caire: c'est lui qui a sauvegardé les intérêts essentiels (1) 1936 marque une étape essentielle dans les relations des puissances occi(lentales. Elle avait été précédée par des faits fondamentaux qui jalonnent l'essor de l'Allemagne nazie et de l'Italie fascis te. Rappelons : _ du côté hitlérien : oclobre 1933 : rupture avec la S.D.N.; mars 1935.: rélablissement du service militaire obligatoire; juin 1936 : accord naval anglo-allemand; mars 1936 : oecunatlon de la zone rhénane démilitarisée. -----.: du côté mussolinien : 1933 : tentative de révision des traités (Pacte à Quatre); 1934-1935 : rapprochement avec la Grande-Bretagne et avec la France (accord Mussolini-Laval 7 janvier 1935); 1935-1936: conquéte de l'Ethiopie et rapprochement déllni1if avec l'Allemagne, Dès lors les antagonIsmes s'accentuent, les idéologies s'affrontent, les· intérêts S'ollPogeut, la menace de guerre ·s·e précise. stratégiques et économiques de la Grande-Bretagne crans la zone de Suez. A la veille de la guerre, l'Angleterre fait une nouvelle concession au nationalisme Mabe : dans le Livre Blanc de 1939, elle suggère de s?umettre ~ l'agrément des Arabes l'immigraü?n desJmfs dans ce « Home National» que la doolaratlOn Balfour avait promis aux Israélites. ,i ~ ,'~ 1 1 2°) Pendant le deuxième conflit mondial la diplomatie anglaise demeure fidèle à sa cond~ite traditionnelle : - Elle reste tenace vis à vis de la Fmnce. , L'autorisa~ion donnée aux Allemands par VIChy de transIter au Levant lors de la rébellion de R,achid Ali lui fournit le prétexte d'une interventJon en Syrie en juin-juillet 1941. L'Angleterre y sem a pied d 'œuvre pour préparer notre proche et définitif départ. - Elle est réaliste vis à vis des Arabes. Après avoir suscité la dispersion politique des populations du Moyen-Orient, au lendemain de la guerre 1914-1918 elle se déclare prête, dès 1944, à favûrriser hmr union: ainsi espère-t~elle disposer d'une force docile à ses instructions pour sauvegarder sa situation en Orient, situation compromise à la fin de la dernière guerre par son propre épuisement et par la menace russe. « Il s'agit cette fois d'unir ce que l'on a jadis divisé, d'économiser et d'harmoniser les efforts, de diminuer les charges en le mettant à l'abri des intrigues intérieures ou extérieures. Il faut aussi, et c'est là le secret m'obile de la politique britannique, reconnaître Ih fi l' d i men t l'existence d'Line force politique nouvelle qu'on veut, puisqu'elle se révèle, utiliser et non combattre ». (R. Montagne). Telle est. l'origine de la Ligue A;rabe qui mérite une étude particulière. Contentons-nous de dire ici que, anrès avoir connu « le beau départ » earactéristique des entreprises arabes, la Ligue supporte mal l'épreuve palestinienne qui met en péril son efficacité et compromet les espoirs qu'avait engendrés son jeune et tumultueux dynamisme. 3°) L'Angleterre sort. de la guerre 1939-45 extrêmement meurtrie. La crise économique et politique qu'elle subit dès le lendemain de la victoiil"e en Europe précipite ses concessions aux Indes, en Egypte, en Irak et en Palestine; le Gouvernement trava.iIliste qui succède au Cabinet de guerre die Winston Churchill accentue peut-être les abandons. !,~, 44 L'évacuation de la Palestine entraîne un important affaiblissement du dispositif militaire britannique au Moyen-Orient où l'ensemble « Chypre - Palestine - Transjordanie - Irak » couvrait la zône Nord-Est de l'isthme de Suez. Soucieux de concilier les sympathies du Monde arabe, le Cabinet de Londres s'est refusé à imposer une solution au problème du retour des Juifs en Palestine parce qu'aucune décision ne semblait devoir recueillir l'adhésion des Arabes. La Grande Bretagne ne pouvait plus assurer seule l'ordre en Terre Sainte. Elle a donc renoncé au Mandat que depuis 1921, elle tenait de la S. D. N. et l'a remis à l'O. N. U. La Haute Assemblée Int.ernationale a décidé, en novembre 1947, le partage de la Palestine entre les deux camps opposés. Mais ni l'un ni l'autre n'ar;ceptèrent cette solution : le départ effectif des Troupes Britanniques le 1'5 mai 1948 fut, de part et d'autre, le signal des hostilités qu'interrompent des trêves plus ou moins il"espectées. L'attitude de la Grande-Bretagne n'apparait pas clairement.. Il semble qu'après avoir évacué la Palestine, elle ait envisagé sa conquête par les soins du roi de Transjordanie, l'Emir Abdalah, son allié intéressé. Mais l'éneirgie de la réaction des Israélites et le manque de pugnacité des Arabes ont déçu l'attente ct contrarié le dessein des Britanniques en même temps que se révélaient les fai- / blesses de la Ligue Arabe. Le moins que l'on puisse dire est que le but du .Gouvernement de Sa Majesté sera comme tou,Jours de sauvegail"der au mieux ses intérêts économques et stratégiques, en sacrifiant ce qui ne peut être sauvé. Toutefois des raisons de politique internationale paraissent s'opposer à ce que les Anglais se résolvent à la disparition de l'Etat d'Israël. En effet, aux U.S.A. les Juifs sont extrêmement influents et it'elativ~ment très nombreux. Washington est appelé à soutenir les aspirations des Sionistes et il est peu vraisemblable que Londres entre ouvertement en conflit avec les U.S.A. à ce sujet. Quant à l'U.R.S.S. elle ciherchera indubitablement à s'opposer à la constitution en Terre Sainte d'un Etat Arabe inféodé à la GrandeBretagne. C'est pourquoi le Gouvernement de !Moscou qui se pose en protecteur des Chrétiens orthodoxes, cles Al'm'éniens et de& Kurdes se fait également en Palestine le défenseur des Juifs. La reconnaissance d'Israël, serait ainsi depuis la fin de la guelf're le seul terrain sur lequel les U.S.A. et l'U.R.S.S. soient d'accord. Il ne s'agit là que d'hypothèses. L'affaire 45 palestinienne est très complexe. Son déroulement doit être suivi en fonction des événements internationaux qui agitent le monde actuel: l'histOire n'apparait simple que dans les manuels élémentaires écrits avec plusieurs années de recul. En plus du confit judéo-arabe, la pression russe en Orient - aussi peu visible apparaisset·elle - est un constant sujet dïnquétude pour la Grande-Bretagne. Elle se développe à la faveur des encouragements donnés· aux Mouvements modernes islamiques chez les populations musulmanes appartenant à des Républiques Socialistes Soviétiques en Turl{estan. $a propagande s'exerce à l'extérieur de l'U.R.S.S. auprès des masses mllsulmanes en Chine, aux Indes, en Iran, en Irak, en Palestine et en Egypte. Le danger se dessine sous le douhle aspect de l'impérialisme russe traditionnel et de l'infiltration communiste internationale. On sait que le Moven-Orien offre à l'U.R.S.S. « une zone potentielle de sécurité stratégique» qui prolongerait le glacis protecteur des états satellites d'Europe Orientale et, on a vu que la politique stalienne d'accession à la mer libre continuait le dessein des Tsars. Protecteurs des minorités d'Asie Mineuit'e, les propagandistes du Kremlin s'ingénient à Pénétrer les populations arabes. Ils encouragent les timides efforts des masses prolétariennes pour s'Œ'ganiser. Ils soutiennent la lutte idéolog!que coritre l'impérialisme capitaliste et étranger. Ils essayent de susciter l'opposition aux féodalités locales. Jusqu'à maintenant, leurs efforts ne parais. 8ent pas atteindre leur but. Mais l'action soviétique se montre aussi SOuple qu'opiniàtre. Elle se 'l'évèle fort valahle dans l'exploitation immédiate de toute circonstance favorable. Elle se m'ontre particulièrement efficace dans la création d'un climat de lutte sociale. A ce danger, la Grande-Bretagne appauvrie èt, affaiblie ne peut f~ire face toute seule; elle a recours aux U.S.A. pou.r assurer, en partie, sa relève face à l'U.R.S.S. cependant qu'elle doit Consentir certains abandons. Il est néanmoins assez vraisemblable que même si la Grande-Bretagne n'avait pas si cruel, lement souffert de la guerre, elle aurait dû accéder aux revendications nationalistes des diplomates et ses consuls, ses spécialistes du Colonial Office, ses teclhniciens militaires et, ses Agents de l'Intelligence Service sont des réalistes qui jugent à sa valeur le mouvement nationaliste arabe dont, l'idéologie gagne les élites et les masses du Moyen-Orient. Ses économisteshommes d'affaires, conllneryants et industriels - chCil'chent à maintenir à l'intérieur du « bloc sterling» le monopole anglais des importations que le Middle East Supply Center avait pratiquement réalisé pendan t, le dernier conflit. Une analyse froide et ohjeelive de la situation a déterminé le Gouvernement de Sa Majesté à faire preuve d'une générosité intéressée POUit' sauver ce qui peut êlr8 sauvé: les Arabes tiennent avant tout à des satisfactions apparentes d'fll??Ur-pronre el ?ési,rent surtout les marques extc'1:'leUreS de leur mdependance. L'Angleterre les leur o(~cord.e. Elle veut faire la part du feu, sans que l'on puisse déjà conclure si cette attitude se soldera par le succès ou l'échec. En tout cos, gnîce il elle, la pluport des vays musulmans d'Orient qui étaient asservis, il y EL une trentaine d'années, ont acquis aujoud'hui, le11l1:' indépendance el leur autonomie. Cette émancipation résulte à la fois des circonstances externes qui ont ent'roîné la perte de ,prestige et d'autorité des puissances occidentales, et des efforts internes de la Nahda pour adapter l'Islam aux rvthmes modernes. Enfin l'absence de responsabilités, d'éducation politique et eultuirelle des Indigènes aussi bien que la faiblesse extrême du peuplement britannique en Orient ne s'offraient nullement au rapide passage de la protection à 1'« Indépendance-Alliance ». Celle-ci ne laisse pas d'attiser les désirs d'émàncipation des souverains musulmans encore dépendants aussi bien que des nationalismes .locaux. Les éc,hos. eJ.l sont facilement percept!.bles dans les terrItOlres du Maghreb. Mais l'importance économique mondiale prise par le 'Moyen-Orient du fait de ses gisements de pétrole contraint l'Angleterre à v demeurer présente et active. L -46- La Grande-Bretagne et le pétrole au Moyen-Orient i i ! 1 1 l':' ~ ; i' :1 \1 La volonté de contrôler une zone riche en pétrole est vénue s'ajouter au désir de maîtriser la route des Indes. Ces deux raisons incitent la Grande-Bretagne à asseoir solidement son influence dans les pays arabes d'Orient: exemple de pénétration intime de l'économie et du politique. L'Angleterre ne possède pas de pétrole sur son territoire national, ce qui la différencie totalement des U.S.A. Ses colonies en sont avares~ Au contraire de l'Allemagne, elle n'a pas orienté son industrie chimique vers la fabrication de l'essence synthétique. Elle doit donc, une fois de plus, compter sur l'extérieur pour satisfaire une exigence vitale. En effet, si depuis le début du siècle l'emploi du pétrole a évolué, et si, demain l'aviation utilisera surtout turbo·réacteurs et turbines à gaz, l'essence demeure encore indispensable aujourd'hui pour les automobiles, les navires, les avions classiques et pour de nombreux usages domestiques. Le pétrole et ses dérivés sont en outre la matière première de nombreux produits industriels. En paix comme en guerre, le pétrole est en conséquence un instrument de puissance. Un pays non producteur qui veut être un grand état a besoin de la liberté des mers p'Our importer le pétrole qui lui manque : réciproquement, pour assurer la sécurité des communications maritimes, il lui faut du pétrole... Sa recherche fait l'objet d'une lutte passionnée. Une précédente étude sur le Moyen. Orient, en date de mai 1948 a montré rapidement que le sous-sol du Moyen-Orient était particulièrement prodigue en hydro-carbure : après le continent américain il est le principal .producteur, par contre c'est un très faible con· sommateur. Puissance navale, dont la terre abondait en charbon, la Grande-Bretagne s'est satisfaite de sa houille jusqu'au XXme siècle. Puis, lors du prodigieux essor du moteur à essence elle a décidé d'acquérir et d'exploiter elle-même des gisements de pétrole afin de ne pas subir la loi des U.S.A. dont la prépondérance s'affirma de bonne heure. Sous l'influence déterminante de l'Amirauté (Lord Fisher), hom'mes d'état, financiers et techniciens anglais collaborèrent afin de disposer des champs pétrolifères néce~saires à la vie et à la défense du pays. C'est au Moyen-Orient que l'Angleterre trouvera les meilleures nàppes de· pétrole. Des sociétés privées, vastes et puissantes assureront le forage, le raffinage et le transport par pipelines terrestres ou marins et pal' une imposante flotte de tan~ers (1). En Angleterre comm'e. aux U.S.A. des trusts formidables servent d'intermédiaires financiers et industriels à l'Etat qui les commandite et les contll'ôle. Les trusts du pétrole jouent inélucta· blement un rôle primordial dans la vie intérieure des nations et dans la politique internationale : la colonisation économique des grands trusts est une manifestation de l'impérialisme capitaliste. Aux U.S.A. ce sont des sociétés privées assez souvent en conflit avec le Gouvernement de Washington tandis que le Gouverneln'ent de Londres est toujours l'actionnaire le plus important de ces organisations, lesquelles sont les instruments de son action outre.mer. Les Anglais en Asie Occidentale utilisent cette force énorme dans le sens de l'intérêt national. L'histoire de l'extension de la domination britannique sur les pétroles du Moyen-Orient peut être scindée en trois grandes phases. 1 A vant la guerr-e 1914-18. La première en date des sociétés britanniques fut la Shell qui, en 1902, s'associa à la Royal Dutch hollandaise en Malaisie, aux Indes et en Egypte (par la suite Royal Dutch et Shen s'opposeront à la Standard Oil américaine). Quelques années plus tard le Gouvernement de Sa Majest'é prit position pour s'assurer des ressources importantes en Orient. Dès lors le contrôle du Moyen-Orient devient de plus e~ pIuS! indispensable à la Grande-Bretagne. Il lUI assure de beaucoup la plus grande partie de ses besoins. En 1909, l'Angleterre obtient les concessions du Sud de la Perse confiées à l'Anglo.Persian Oil où l'Amirauté possède 50 % des actions et la Shell 49 % (2)". 0 ) (1) En 1939 la floUe pétrolifère sllécialisée reOl'éoentait 16 % du tonnage mondial : l'Empire Britannique arrivait aU 1er rang", suivi de 3lrès par le\; U.S.A .• puis par la Norvège. Aujourd'hui le pavillon américain couvre le trafic pétrolier le plus important. (2) En 1907. un traité anglo-russe avait scindé la perse en deux zones tl'influence : anglaise au Sud, russe au- Nord. sans se soucier de l'opinion de la Perse. Après la révolution bolchévique, la Russie renonce il toUS ses intérêts en Iran où elle reviendra pendant la guerre 193919!5. 4, -47 En 191~, elle acquiert la majeure partie dtls actions de la TUl'kish Petroleum pour l'exploitàtion des gisements de Mossoul; le reste des actions devait appartenir aux Allemands; le cQnflit 1914-1918 en décide autrement. 2°) Entre les deux ,conflits mondiaux. L'expérience de 1914-18, le rapide essor de l'aviation et le succès de la motorisation mettent en lumière l'importance inouïe du pétrole dans l'économie de guerre des alliés grâce à l'appui des grands trusts, Royal Dutch et Schell d'influence anglaise et Standard d'obédience américaine (1). La production mondiale croît de 50 millions de tonnes en 11)14 à 70 millions en 1918 (elle approche aujourd'hui de 400 millions de tonnes). En conséquence, la Grande-Bretagne étend de plus en plus son emprise économique sur les pays ambes qui, d'une part couvrent la route des Indes et qui d'autre part dévoilent leurs richesses pétrolif.ères. Cette double dépendance économique détermine fortement la politique moyen-orientale du Gouvernement de Sa Majesté en Iran, en Irak et en Palestine. _ L'Anglo-Iranian Oil (nouveau nom de l'Anglo-Persian) connaît un essor considérable. Bien que le Shah soit intéressé à ses bénéfices, elle forme un état dans l'état avec sa police, S'l flotte et ses avions. Ses principaux gisements sont ceux de Meuid Soleiman et de Kanikin reliés par pipelines : les premiers à la raffinerie d'Abadan qui est la plus grande du monde, les seconds à des raffineries d'Irak dont Bassorah est le débouché. _ L'Irak Petroleum Company (LP.C.) succède à la Tukîsh Petroleum Company au lendemain de la guerre 1914-18 après que les traités de paix eurent prrivé la Turquie de tous droits sÙr Mossoul. Un peu moins du quart des actions revient respectivement à : l'An~lo Iranian, la Royal Dutch, la Standard Oil et la Compagnie Frrançaise des Pétroles qui ont chacune une part de 23, 75 %, 5 % étant réserrvé's au premier concessionnaire M. Gulbenkian, le « Talleyrand du péfrole ». Les cham'ps s'étendent en Irak dans le Nord de la Mésopotamie, autour de Mossoul et de Kil'kouk que de longs pipe-lines se séparant à Haddita relient aux raffineries et ports méditerranéens de : - Tripoli au Liban, branche française, phI' la Svrie IL' • - Haïffa en Palestine, branche anglaise, par la Transjordanie et la Palestine, (cette deuxième branche doit être doublée). La production annuelle qui était de 4 millions de tonnes en 1938 va atteindre 12 millions et peut être considérablement accrue. - Sur le golfe Persique, la Grande Bretagne a poursuivi ses recheil'ches et obtenu des concessions importantes exploitées par : - La Bahrein Petroleum, _ La Koweit Petroleum, filiale de la Standard et de l'Anglo-Iranian. Ainsi à la veille de la deuxième guerre mondiale, les sociétés anglaises prédominent en Asie les sociétés américaines étant prépondérant~s dans les deux Amériques et aux Caraïbes. En raison de la mise en œuvre de ses plans quinquennaux ni.R.s.s. se suffit difficilement et convoite les gisements de Pologne, ainsi que les nappes qui, au Sud de la Caspienne s'étendent en pays iranien. L'Allemagne produit du pétrole synthétique et recherche l'essence roumaine. La France s'oriente vers l'importation de pétrole brut de l'LP.C. et le it'flffinage en France. Le Japon enfin est sous la dépendance lies U.S.A. et des Indes Néerlandaises. Sur la carte mondiale des pétroles denx régions se détachent nettement : - le groupe U.s.A. - Mexique - V énézuéla, sous domination américaine ; - le groupe du -Moyen-Orient, sous domination britannique. Ceci suffirait à légitimer l'intérêt porté par les Alliés au t,héâtre des opérations du Middle East. 3°)' Pendant et après la guerre 1939-45. En 1939-45, la production et la consommation de pétrole par les bélligérants s'accroissent à un tel point que, au lendemain du conflit, on craint que le pétrole ne vienne bientôt à manquer. Après la guerre la mécanisation croissante, le développement de l'aviation classique, la substitution progressive du mazout au charbon (1) « Tous les produits du pétrole, le mazout, l'essrmceavions, l'essence-moteur, l'huile de graissage, ont eu une Dart d'égale importance dans la guerre. Vraiment l'avenir dira que les Alliés ont notté vers la victoire sur une vague de pétrole. .Il faut répéter sans cesse que sans pétrole la flotte alliée ni l'armôe alliée n'auraient pu conduire la campagne ~. une nn victorieuse ». (Lord Curzon. 21 novembre 1918). -48 (le bateau « à vapeur» tend à disparaître), l'accession au stade économique moderne des pays soumis à l'influence occidentale augmentent les besoins en pétrole. De récentes découvertes scientifiques laissent entrevoir de nouvelles sources formidables d'énergie, mais leur utilisation n'est pas encore industrialisée. La recherche et le contrôle du pétrole se font donc plus intenses. Le Moyen-Orient est le champ de la rivalité des Russes et des Anglo-Américains. Les U.S.A. qui ont pris pied en MoyenOrient et installent leur contrôle financier, y développent leur action économique surtout en matière de pétrole, prémices d'action politique. A. - La rivalité des AngZ,o-AiJnéricains et des Riusses. Le sous-sol de ru .RS.S. ne satisfait pas les besoins de son industrie, de son agriculture 1ll0torisRe et de ses transports automobiles et aériens, bien que de nouvelles exploitations aient été entreprises au Sud de l'Oural et bien que l'U.RS.S. dispose à peu près à son gré des ressources ,polonaises et roumaines. Elle tenterra de s'approprier les gisements du Nord de l'Iran dont elle occupa le t.erritoire en liaison avec les Anglais pendant le deuxième conflit m'ondial. A cette fin, elle entretiendra l'agitation dans l'Azerbeidjan en 1945-46, soutiendra un mouvement autonomiste local et encouragera le communisme en Perse. Elle réussi,ra à obtenir ainsi du Gouvernement de rreheran la promesse d'une exploitation iranorusse des gisements situés au Sud de la Caspienne au prix de la cessation de son activité politique. Mais les Anglais et les Américains exerceront une pression énPl'gil{u,~ pour s'y opposer. Ils y ont réussi jusqu'à maintenB.et. L'U.RS.S. parait ôvincée ch, pétroles d'Orient. Dans l'ensemble, la répartition des ressources pétrolières actuellement exploitées par les deux camps qui s'opposerlt est la suivante - -5 ,. 0/0 /e bloc occidental : des ressources mondiales réparties en 50 % dans les Amériques et les Antilles, 25% au Moyen-Orient. - bloc oriental : 20 % des ressources mondiales réparties en 15 % en U.RS.S., 5 % dans les pays satellites de la Russie (en tenant compte de l'incertitude qui plane sur la production soviétique aussi bien pour le pétrole naturel que pour l'essence synthétique). Ces quelques chiffres mettent en relief le rôle décisif joué par le pétrole d'Orient dont les nappes ne paraissent guère devoir s'épuiser avant longtemps. Il convient d'ajouter, sur le plan général que les U.S.A. et l'tj,RS.S. sont les seules puissances qui détiennent sur place, chez elles, des réserves importantes de pétrole, t.andis que la Grande-Bretagne est absolument tributaire de territ.oires extérieurs. B. - La situation des Anglais et des Almiéricains La concurrence économique s'efface devant l'alliance politique. Il s'agit d'une lutte économique des deux grands trusts : Royal Dutch et Standard dont la rivalité est surtout vive en Amérique. Mais en Orient ils se ménagent réciproquement, se répartissent les zones d'action et forment une sorte de front commun anti-soviétique. . Au lendemain de la dernière guerre, la position de la Grande-Bretagne dans le domaine de l'énergie est assez amoindrie; sa production de houille diminue et elle a perdu des participations importantes "uu Mexique (du fait de l'expropriation de la Mexican Eagle) et e? Roumanie (du fait de~ '<i réparations» soviétIques). 1 En conséquence, le Royaume Uni pratiquera une politique : - de réduction de la consommation (resrestrictions sévères de l'essence, effort remarquable pour développer et perfectionner les moteurs d'aviation à réaction) ; _ d'extension des importations de pétrole el de développement de la production dans le.s pavs qu'il occupe ou qu'il cont.rôle et dont Il doit à tout prix, s'assurer l'alliance : c'est I.e cas des Plats arabes du Moyen-Orient. L'affaiblissement de la puissance britannique contraint la diplomatie et l'industrie anglaise à s'entendre' avec les Américains. il+=g_;;;!!ir;;m~;;;;~;*=p ~".::,• • • • • • • • • • • •IIII• • • • • • • • • • • •I!!!!.!l!!!!!!!!I.!!!IiB;!;!;;;.m;==lI!!l!l ;:, ~ 49 Les U.S.A. envisagent le pétrole d'Amérique qui n'est pas intarissable et dont la prod1uction égale les 2/3 de la production mondiale, un peu comme une réserve, un stock de guerre. Pour épargner leurs propres gisements et conserver leur indépendance économique, ils développent en conséquence au maximum les exploitations exLérieures notamment en Iran, dans la Péninsule Alf'abique et sur le Golfe Persique où des gisements encore inexploités seraient particulièremenL abondants. Ainsi deux raisons primordiales qui s'interpénètrent - car les moyens économiques sont des facteurs essentiels de la stratégie appellent les Américainsl en Orient où ils prennent contact avec l'Islam : 1°) une raison purement stratégique: dres- ser une barrj(~re devant l'expansion russe, 2°) une raison économique : extraire là où il se brouve le péLrole nécessaire à leur extraordinaire développement industriel (1). Les Britanniques étaienL jusqu'à la guerre . 1939-1945 les maîtres incontestés des pétroles orientaux. Ils ont compris qu'ils ne pouvaient s'opposer aux menées américaines, et que, au contraire, ils devaient s'entendre avec leurs alliés afin de se répartir les zones d'extraction non encore utilisées. '" En Iran, un accord est conclu en 1946; il traduit la coonération américaine : «la Compagnie Anglo:Iranian », contrôlée par l'Ami· raut,Ù britannique et qui exploite les pétroles au Sud de l'Iran vend pour vingt ans une parLie de sa production à la Standard Oil of NewJersey et à la Socony Vacuum. Un pipe-line de 30 millions de livret> sera construit vers III Médite,rranée où ce pétrole sera raffiné. Dans la Péninsule Arabique où les rése;rves seraient les plus fortes du monde, les AmériCains ont obtenu d'Ibn Seoud les concessions exclusives de l'Arabie Séoudite. La première exploitation date de 1938 (Standard Oil and ~exas). Pendant la dernière guerre, les U.S.A. Intensifient leu;rs exploitations : - l'Arabi an American Company (Aramco) POssède les meilleurs gisements dans le pays d'El Hasa dont les produits sont raffinés à Ras 'runara et exportés par le port d'El Katif crM entièreillent en quelques années. - une filiale de l'Aramco partage avec des Sociétés anglaises les pétil.'oles de la région de KOweit et des îles Bahrein où existe une importante raffinerie reliée à la côte arabique par un pipe-line sous-marin d'une trentaine de kilomètres. - enfin la Slandard Oil of Arabia exploite les gisements du Hedjaz et de l'Assir. Un gigantesque pipe-hne estprojeté qui traversera l'Arabie et la Transjordanie pour aboutir sur la côte médiLerranéenne. Il dépassera par sa longueur (3.000 kms) et par son débiL (40.000 tonnes par jour) t.OllS les auLres pipe-lines exist.ants. Grâce à ses sources d'or noir transformé en dollars, l'Arabie devient riche. Son souverain, le vieil Ibn Seoud, p;rotecteur des villes saint.es musulmanes, entretient. son trésor à la fois par les ressources du pélerinage et par les revenus des concessions (,2). Il lransforme son pays (électrification, i;rrigalion, lransports qui présent.ent un curieux mélange d'archaïsme et de mode,rnisme). Au cas où les U.S.A. seraient engagés dans un conflit en Eurasie, l'utilisation des pétroles arabes permeLtrait de réduire consiclé;rablement les lignes de ravitaillement de leurs corps expéditionnaires. Dans ce cadre, le pi pe-line projeté d'Arabie vers la MédiLenranée éviterait le dét.our assez long el vulnérollle par le Golfe Persique, Aden et Suez vers l'Europe Occidentale. En outre, les perspectives des destructions futures donnent à la dispersion des centres induskielA un caractère impératif. C. - Conséquences act'Hclles La recherche des possibilités économiques, la mise en valeur, et en particulier l'essor de 1'exploi tati on pétrolière accentuent l'imporLance stmtégique du Moyen-Orient. La route de la Méditerranée au Golfe Persique devient la seconde artère où circule l'or liquide, (après la route des Caraïf)es' verA les lJ .S.A.) ce qui accroît l'intérêt inte,enational de cette zone. Dans l'histoire de l'Orient et dans celle du Monde, de nouveaux chapitres s'ouvrent, un nouvel équilibre est recherehé. Du point de vue de l'IslB.m, la création rapide de foyers ind ustrielA et le développement intense cie courants que suivent hommes et m&.rchandises, idées et propagandes, peuvent amener dans les populations arabes du MoyenOrient de lentes mais profondes transforma( 1) par surcrolt les U.S.A. fI11i jJossèdent sur leur '.errltoire national cie trè.s importantes mines (le rl1arl10n vont créer l'imlustrie clu pétrole syntl1('1if[Ue, il l'exemllle cie l'Allemagne. (2) Ibn Seoufl perçoi t, en 1 9 \ 8, 21 cents !1ar lJaril cie pétrole: ce· qui fait actuellement 20 millions cie milliards par an et la production s'accroit sans cesse ! 50tions dans les assises de la vie soeiale musulmane. Toutefois il ne s'agit encore que d'un premier pas dans le changement de la structure traditionnelle; seule une minorité est atteinte. L'industrie du pétrole au Moyen-Orient donne un remarquable exemple d'association équilibrée entre l'Orient et l'Occident; le pays oriental fournit la matière première et la maind'œuvre banale, les Occidentaux apportent capitaux et technique et assurent les débonchés. Les bénéficiaires en sont surtout les Princes, actionnaires des trusts anglais et américains. L'influence économique prépondérante et quasi exclusive au Moyen-Orient est donc anglo-saxonne. Tandis que, outre-mer, la France vise des buts humanitaires et veut surtout améliorer le sort des hommes, les deux grandes puissances anglo-saxonnes cherchent principalement à at~ teindre des objectifs égoïstes et ne s'intéressent pas directement à l'élévation des conditions de vie des «natives»; c'est pour elles une conséquence et non une fin première de leur activité. Pour la Grande-Bretagne, on ne le l'épètera jamais assez; les contrôles de la route de Suez et du pétrole du Moyen-Orient sont d'impératives obligations: l'Angleterre dépend! du dehors. Pour les U.S.A. dont le contrôle financier et économique s'étend sur la majeure partie de la ter.re, le Moyen-Orient s'insère dans un dispositif mondial, dont les grandes communications forment le système circulatoire que le pétrole alimente et que jalonnent les bases pétrolières. Dans le goulet de voies stratégiques qui traverse d'Ouest en Est le Moyen-Orient, il y a une heureuse coïncidence des bases navales et aériennes avec les cenbres pétroliers. Ce facteur détermine en premier lieu l'implantation des bases américaines, car l'équipement économique peut offrir une solide infrastructure à des ambitions de domination politique. Quant à l'U.R.S.S. son désir traditionnel d'acces"ion aux mers chaudes et libres s'avive du besoin d'acquérir de nouvelles sources de pétrole. En vain pour le moment. La .France, elle, est partie prenante de pétrole brut dans les gIsements de l'Irak mais sa liberté d'action est très restreinte puisque forages, pipe-lines et ports d'exportation sont situés sur des terres qu'elle ne contrôle pas et parce qu'elle doit assurer le transport du précieux liquide au tl!'avers de la Méditerranée (1). Tous ces intérêts économiques axés sur le pétrole des pays arabes du Moyen-Orient font ressortir la nécessité pour les grandes puissan~ GGli d'avoir une politique musulmane orientale qui se concilie les sympathies des populations. Ce qui permet d'éclairel1" certaines attitudes et d'expliquer certaines frictions. Aux yeux des Anglais et des Américains chez qui l'idéal purilain se mêle à l'intérêt mercantile, la prospérité est le meilleur standard de vie des indigènes découleront normalement de la mise en valeur de leur pays. L'action étran~ gère sera d'autant mieux supportée qu'elle associe les intérêts des autochtones à ceux des - occidentaux, sans qu'il soit question d'action sociale directe. Il n'est pas interdit d'imaginer que la propagande communiste tentera d'éveiller la classe prolétaire, encore restreinte, en l'opposant auX chefs locaux bénéficiaires directs de l'industrialisation des pays arabes grâce au capitalisme occidental. Enfin dans l'hypothèse d'un conflit armé qui se ~éclanClherait entre l'U.R.S.S. et. les Anglo - américains, le théâtre d'opérations du Moyen-Orient paraît plus sensible que d'autres parce que: - les installations pétrolières sont extrêmement vulnérables aux moyens de destruc~ tions model1"nes (sans omettre les agents de ce que l'on appelle communément la cinquième colonne) ; - la supériorité des thalassocraties (U.S.A. et Grande-Bretagne) sur les entités continentales (U.R.S.S.) jouerait moins qu'ailleurs, dans un premier temps sans dout.e. Les événements ont cependant contraint les Britanniques à alléger leur appareil militaire dans les pays d'Orient et à le prolonger par un dispositif replié vers l'Afrique Occidentale. (1) En 1939 la France recevait de l'Irak P'fMoleum, 1,5 million de tonnes de pétrole brUt par l'ntermMiaire de la. Compagnie Française des PétrolEJS, ce qui correspondait au cinquième de la consommation française d'avant-guerre. 'l· ·.: w - 51- Caractères de l'action britannique Bien qu'elle évolue à la demande des événements, il est intéressant d'étudier la méthode ailglaise telle qu'elle fut généralement employée en Orient au cours de ces trente dernières années car elle s'oppose foncièrement à la méthode française aussi bien dans sa conception que dans la nature des moyens utilisés. On peut dire que, au Levant (comme en Afrique du Nord) la,France a toujours eu tendance à faire une politique du sentiment et à rechercher le prestige apparent. Elle est idéaliste. Prodigue en hommes, soldats et fonctionnaires, elle est assez avare des moyens financiers : ce qui n'est pas toujours une solution économique. Elle s'ingénie à développer généreusement l'instruction et à répandre la culture occidentale sans toujours en prévoir les effets. sur les populations qu'elle administre et contrôle. Désintéressée, elle protège les minorités. Profondément démoerate, elle transpose son humanité, outre-mer et tend à initier les masses à la pratique des institutions républicaines. Enfin elle sous-estime le nationalisme arabe, dans le même moment où sa faiblesse encourage des crises de xénophobie. Au contraire, l'Angleterre fonde toujours sa politique sur l'intérêt de l'Empire Britannique. Elle est réaliste. Elle pratique de strictes économies de personnel mais se montre prodigue de subsides financiers: la Livœ Sterling était et reste malgré tout un de ses moyens les plus efficaces; ses agents, civils et militaires, sont peu nombreux, mais spécialisés et durables. La mise en valeur des pays soumis à son influence est dominée par la rentabilité des entreprises (pétrole, irrigation, coton...) et par la sécurité des communications (bases navales et aériennes). Elle s'appuie sur la majorité arabe sans tenir ('ompte des minorités. Enfin la Grande-Bretagne demeure d'essence arist.ocratique et son gouvernement même travailliste, favorise les Princes Arabes et les Féodaux Bédouins, soutient les dynasties, édifie ou renforce les Royaumes. Il en résulte que l'action locale des services anglais différait radicalement de l'action des ~ervices f,rançais en pays d'Islam. Le contrôle par le renseignement et par la diplomatie a toujours écarté les Britanniques de l'administration directe et de l'ingérence intérieure dans la vie et les affaires des pays souniis à leur influence. Des moyens militaires réduits mais modernes assurent la liberté et la sécurité de leurs communications. La politique indigène anglaise étend partout un réseau dense de renseignements au service de quelques () t ficiers spécialisés mai s qui ns r;u,:o:ent pas de conSl-:'n'f'r l'espr't militaiœ bien que leurs séjours en Orient sàient longs. La situation matérielle qui leur est faite leur vaut un grand prestige au milieu de populations musulmanes sensibles à la marqup visible et ostentatoire de la force. Leur spécialisation très poussée leur donne une connaissance précise des choses et des gens de l'Islam Oriental mais diminue leur rendement et leur aptitude à situer leur action locale dans son cadre d'ensemble. Leur personnalité affirmée se colore d'une teinte d'aventure. On connaît le prestigieux Colonel 'Lawrence et quelques uns de ses successeurs fameux : Le Colonel Peake Pacha créateur de 1'« Amb Legion.» en Transjordanie et Clubb Pacha qui fonda «The Desert Palrol» sur le modèle de nos compagnies méharist.es du Levant, avant de succéder à Peake. En plus des informateurs indigènes, les services de renseignements anglais emploient à fond les excellents agents bénévoles que sont toujours les civils britanniques installés à. l'étrànger. Ils disposent des moyens de transmission les plus récents et leur's renseignements sont aussitôt exploités. Cette politique pratique une véritable diplomatie secrète. Elle s'appuie préventivement sur la Cavalerie de Saint-Georges ('1). Elle excelle à utiliser les ambitions, les particularismes et les méfiances locales ; elle oppose les uns aux autres chefs de tribus et chefs de clans; elle s'acquiert les sympathies des personnages religieux et des princes temporels elle inspire ( 1) Avant la révolte conIre les Turcs, en 1916 le Bureau Arabe du Caire verse 50.000 livres à Hussein, 10.000 à Abdallah et autant il Feyçal. Par la suite, le paiement des seuls chefs arabes s'élèvera il 200.000 souverains par mois. . Il Y il une dizaine d'années • .l'enlrelien de la Transjordanian Frontier Force revenait il 150.000 livres sterling. Actuellement, la Grande-Bretagne verse 500.000 livres sterling il la Transjordanie chaque trimestre, malgré la pression des U.S.A. qui désireraient que cesse l'alllllü financier accordé il Abdallah, qui l'utilise en majeure partie contre les Juifs de Palestine. -.IïlI "," -!., . Hij.'.".'." , i' ~ - 52 des conspirations, fomente des complots, ne recule pas devant les assassinats. Les fonctionnaires civils britanniques sont en nombre ;réduit. Comme leurs camarades militaires, ils occupent les posles essentiels dont ils demeurent titulaires pendant longtemps. Ils 1ais sen t aux indigènes des salisfactions d'amour-propre el, à cet effet, n'apparaissent jamais au premier plan mais agissent dans les ooulisses. La Transjordanie est caractéristique de cette situation; le contrôle anglais s'exerce unique~ ment de la capilale el eomprend essentiellement un Résident assisté de trois délégués; un fonctionnaire gère la politique, un autre la justice et un troisième le cadaslre. (La Transjordanie comple 400.000 habitants soil envil'on la moitié de la population du Commandement Agadir-Confins). L'aelion britannique répressive prend la forme de raids, de patrouilles, de représailles et de guérillas dont l'exemple le plus fameux est « la Révolte dans le Désert ». La promptitude de son action et la faiblesse relative de ses effeelifs - exception faite pom' la Palestine avant son évacuation - caractérisent l'inslrument militaire qui assure la sécurité et éventuellement la répression immédiate ('1). La R.A.F. constitue l'arm'ature essentielle du dispositif militaire. Des bases bien choisies, bien équipées, maitrisent les points vitaux: nœuds de communications, escales maritimes ou aé;riennes, forages, raffineries, ports de pétrole, centres économiques. aériennes, des garnisons permanentes et l'usage des voies de communications. Toutefois, au printemps 1948, le Parlement de Bagdad rejette le texte d'un nouvel accord qui prévoyait le maintien de bases à la disposition des Britanniques : ce refus n'a rien modifié à la situation de fait. Le modèle de l'Irak montre combien diffèrent les méthodes f;rançaises et britanniques. Toulefois en ce qui eoncerne l'Afrique du Nord, il faut penser que, à côté des troupes d'oceupation proprem'ent dites - troupes de souveraineté et des éléments de police locale, forces supplétives - la France entretient au Maghreb des troupes destinées à la défense de la Métropole ou à la sauvegarde de l'ordre en une zone quelconque de l'Union Française. En Transjordanie où le Général Glubb Pacha joue un rôle de conseiller militaire, 80 offieiers anglais sous le commandement du Brigadier-Général Lash encadrent une «Légion transjordanienne », disciplinée, instruite, moderne et forte de 20.000 hommes. Elle participe aux opérations de Palestine en 1948. A son sujet, un officier frança.is, le Capitaine Baudoin, observateur des Nations Unies, écrit en juillet de cette année : « La Légion Arabe traverse une crise sérieuse... En réalité, les cadres aussi bien anglais qu'arabes m'ont paru médiocres. Les Britanniques à part quelques rares exceptions sans doute, semblent incompétents, fatigués, ne parlent pas arabe et n'ont pas la manièlfe. Jouant les Lawrence au petit pied, heureux de leur avancement rapide, je les ai trouvés vaniteux, Derrière des retranc,hements s'abritent des escaçlrilles de l'Air-Control des éléments aéroportés ; des unités motorisées. Enfin des fo,rces supplétives indigènes, encadrées par des officiers anglais, assurent les liaisons et la police dans le bled. 1 L'Irak présente un exemple typique de la faible densité de l'occupation bl'itannique (2). Ce pays s'étend sur 370.000 kms 2, soit un peu moins de la superficie marocaine et compte 3 millions d'habitants, soit plus du tiers de la population du Maroc. Avant la guerre, il était tenu pal' quatre escadrilles, quatre groupes d'l'S. cadrons motorisés (A.M. et scout-cars) et quelques éléments supplétifs; au total 3.000 hommes de troupe. Après l'indépendance de l'Irak, le traité d'alliance anglo-irakien dB 1936 a permis aux Forces britanniques de conserver des bases (1) Il convient de noter que c'est au Moyen-Orient que' peu après 1914-18 l'armée lJritannique entreprit l'étude de : - la motorisation et la guerre moderne dans le désert. OrganIsation et emploi des unités lllind('es et motoriséeS ont été fixés par le règlement de 1927, modifié par les leçons tie l'expérience. Cet apprentissage préparera les BritanniqueS aux raids el aux campagnes d'Afrique du deuxième. conflit mondial où leurs unités spéciales telles Que le Long Hange pesert Group effectuèrent avec bonheur des reconnaissances à longue distance. . L'armée française d'Afrique de son côté fit l'expérience de la motorisation en pays tié;;ertiques dans les opérations de l'Anti-Atlas et dan;; la liaison Draa-Mauritanie (1934) sous les ordres du général Giraud et du colonel Trinquet. La Wermarcht ennn prépara méthodiquemenl et systématiquement la g'uerre blindée dans le désert par l'entrainrmen\ extrêmement poussé de l'Afrika-Korps dans les lanties cIe LUnebourg. (2) Les Ang-Iais ont toujours pratiqué une occupation militaire légère et entretenu une administration peu apparente tians les pays soumis à leur influence. Avant leur indépendanCe les Indes, peuplées de queqlues 400 milllons d'habitants, étaient tenues par: 50.000 militaires et 1.500 fonctionnaires civils. La domination hritannique, a su longtemPs s"accrocher Il une armature invisible, à l'encontre de la présence francaise qui aime s'extérioriser. - -.·53 ,brouillons, brutaux, énervés. Si l'Arak leur fournit une consolation facile, cela he rehausse pas leur prestige. Leur présence est de plus en plus discutée par leurs camarades arabes ». Dans d'autres états, des «Missions» d'Etat· Major et d'instruction assurent le contrôle des forces naLionales en Svrie et en A.rabie notamment. . Enfin, l'action des agents de renseignements et des autorités politiques est prolongée par les entreprises britanniques sur le plan économique : exploitation du pétrole, hydraulique, travaux publics... qui lient les pays du Moyen-Ûlrient à la Grande-Bretagne etconeilient leurs intérêts réciproques, sans qu'il soit question au sens exact du terme, d'une colonisation britannique. En conclusion, il ne faut comparer que ce qui est comparable ct, à tous les points de vue, il faut se garder de transposer les solutions moyen-orientales SUi!' le plan nord-africain. La politique française dans les Protectorats de Tunisie et du Maroc, et a fortiori dans les départements d'Algérie, est conservatoire. Elle tient compte de la réalité d'un peuplement français qui doit s'implanter de plus en plus p;r'ofondément au milieu de populations indigè- nes en constant accroissement démographique: ce qui vaut à la France des responsabilités considérables, autant qu'elle se propose de guider les éléments qu'elle a pris en charge vers un but élevé d'humaine culture tout en développant la solidarité. des intérêts matériels. La politique britannique au Moyen-Orient n'est donc pas parallèle à l'attitude française du Maghreb; Londres et Paris n'ont pas la même position en face de l'Islam. En dépit du traité de Dunkerque et des résolutions qui en découlent pour une action commune outre-mer il reste des agents anglais qui n'ont pas accepté l'alliance f;r'anco-anglaise et qui n'eilvisagént la politique britannique au Moyen-Orient qu'aux dépens de la France, comme il est des agents français qui n'ont pas accepté Fachoda et qui se froUent les mains devant tout incident, en Palestine ou ailleurs, qui servirait aux dépens des Anglais, d'abcès de flxation il l'extrémisme arabe. La vérité est que la politique britannique dans les pays du Moyen-Ol'ient est essentiellement, dictée par des considérations stratégiques et des intérêts économiques. II n'y a pas de peuplmuent anglais ni de colonisation britannique importantes dans ces régions. De ce fait les problèmes sont simplifiés et ne se posent pas du tout de la même façon que pour la France en Afrique du Nord. La nouvelle orientation de la politique impériale britannique La stratégie britannique est traditionnelle. ment impériale. Elle jOI~'l ~~ur la planète enlière. Dans la dernièl(l q-üc'r::'(' di~ connut des fortunes diverses pOlir tri,nnph'.ll' fin fi lenh'Jll avec l'aide des U.S.A. et. ;ln j'(I.ltS.S. L'unité. d'action en Europe, en Afrique et en Asie caractérisa sa conception finale. AujOlœd'hui un «Etat-Major combiné » anglo-américain dont le P.C. permanent est à Washington traite les problèmes communs aux ?eux grands pays anglo-saxons ; en particulier Il étudie le fonctionnement des bases et. des services en Méditerranée et au Moyen-Orient. Par leur situation, par les communications qui s'y c.roisent et les richesses qu'ils renferlIlent, les pays du Moyen-Orient et le Canal de Suez formaient en 1939-45 la zone centrale et ~a qharnière de l'immense théâtre d'opérations Interallié s'étendant des rives atlantiques aux atolls du Pacifique. De fait l'Histoire future expliquera sans doute que le grand renve.rse- ment stratégique de cette guerre a commencé dans les sables d'el Alamein. Renan avait prononcé des paroles prophétiques en déclarant à Ferdinand de Lesseps lors de sa réception à l'Académie Française : «Le grand mot : je suis venu vous apporter 'non la paix mais la guerre, a dû se présenter fréquemment à votre esprit. L'isthme coupé devient un détroit, c'est-à-dire un champ de bataille. Un seul Bospho,re avait suffi jusqu'ici aux embarras du monde. Vous en avez créé un second bien plus important que l'autre car il ne met pas' seulement en communications deux parties de mer intérieure; il sert de couloir de communications à toutes les grandes mers du globe. En eas de guenre maritime, il serait le suprême intérêt, le point pour l'occupation duquel tout le monde lutterait de vitesse. Vous aurez ainsi ,marqué la place des grandes batailles de l'ave-' nir ». Or, c'est grâce à la sympathie, ou tout au .J , .(.: -54moins à la neutralité passive sinon bienveillan. te, des populations arabes, que la guerre 19391945 a pu se dérouler dans le Moyen-Orient sans d'autre incident interne que la tentative épisodique de la révolte irakienne fomentée par Rachid Ali. Les communications vitales ont pu être assurées entre la Grande-Bretagne, les USA et l'U.R.S.S. Ceci confirme que de bons rapports avec les populations moyen-orientales sont nécessaires aux Anglais, et maintenant aux Américains si les uns et les autres veulent s'assurer des si. tuations favorables dans l'éventualité «des grandes batailles de l'Avenir» qui les opposeraient à l'U.R.S.S. sur ce théâtre. La physionohüe d'un tel conflit est difficile à imaginer en raison du secret qui voile les recheorches scientifiques et dans l'ignorance des possibilités de fabrication de guerre de l'un des adversaires éventuels. Bombardements intercontinentaux, armes microbiennes, explosifs nucléaires précédant, appuyant ou prolongeant les manœuvres de troupes amphibies, parachutées ou aérotransportées? Guerre de méridiens par la zone polaire arctique, guerre des parallèles dans les grandes plaines européennes ou sur les plateaux asiatiques? On ne sait. L'art de la guerre évolue avec les possibilités techniques. Sans données empiriques, l'antidpation est malaisée. " Toutefois en demeurant sur le plan de la tactique et des moyens actuellement connus et en se limitant au quadrilatère « Détroits-Caspienne-Isthme de Suez-Golfe Persique» on peut dire succintement ceci : 1 En ce qui concerne l'U.R.S.S. 0 L'U.R.S.S. n'a pas de marine importante et moderne. Elle devrait donc choisir des champs de bataille terrestres si elle prenait l'initiative d'un conflit armé. Elle bénéficie d'une situation privilégiée à cet égard, en tant qu'immense entité' continentale qui s'étend en ,Europe et en Asie avec de larges zones de couverture qu'elle peut occuper ou évacuer sans rien compromettre. Le Moyen-Orient est une zone d'opérations particulière qui pourrait lui apparaître assez favorable car,sa conquête mettrait en sérieuses difficultés les Anglo-Américains : - en interceptant les communications essentielles d'Oocident vers l'Etrême~Orient, et en occupant - ou détoruisant - leurs principaux carrefours, centres nerveux d'importance mondiale, . - en mettant la main sur les importantes sources de pétrole des pays arabes et persan~, nécessaires à la Royal Navy et à la Royal Air Force. Or, la frontière méridionale de la Russie d'Europe est à proximité relative : - du Golfe d'Alexàndrette, - de l'Isthme de Suez, - du Golfe Persique. De plus, la conquête de cette zone, avant que les Anglo-Américains n'aient pu l'o~cuper en force, éloignerait les grands centres econ~­ miques russes des bases ennemies et assureral~ ainsi une sorte de protection indirecte, ce qUl se prête à des opérations rapides, où la surprise peut jouer. On comprend l'intérêt que les Américains, à la suite des Anglais, portent à l'organisation de la Turquie qui entretient un million d'hommes sous les armes: le Gouvernement d'Ankara garde les Détroits; le plateau d'Anatolie couvre la Mer Rouge et commande l'accès à Alexand,rette. On devine les mobiles de l'émulation rus· so-américaine dans l'affaire de Palestine et on saisit les raisons de la rivalité des Anglo-Américains et des Russes dans les pays de ce MoyenOrient qui constitue pour les uns et pour les autres un glacis militaire essentiel et une zone d'influence politique fondamentale. 2 0 En ce quicon1cerne la Grande Bretagne La .route des Indes a changé d'aspect et la défense impériale de centre. Les enseignements du dernier conflit sur la vulnérabilité de la Mer Méditerranée, l'évacuation de l'Egypte et de la Palestine, l'indépendance des Indes et les effets possibles de la future balistique facilitant l'attaque brusquée sont autant de facteurs qui ont déterminé l'Etat-Major Impé.rial à réviser sa conception stratégique et à suspendre les mesures de désarmement. La guerre 1939-45 a en effet déjà démontré que, du fait de l'avion et du sous-,marin : - la Méditerranée avait cessé d'être une mer libre : il fallut chasser les foorces de l'Axe hors d'Afrique pour ré ouvrir cette grande artère maritime au trafic allié.; ce fut la très grande conséquence stratégique des victoires d'el Alamein et de Tunisie. - le Canal de Suez était à la merci des attaques aériennes. Il a été bombardé à de nombreuses reprises; par trois -fois son trafic fut interrompu pendant plus de huit jours. ri ------ _.-..:.=:...-._--~ .. -·-5. ---------. b~:.--~-. s _ LE MOYEN ORIENT et ts P(J.I.si~ilitis !tI'dtégiquu germano • nti>ponef " àlJ o'tbut de /(Jutoml1e /p42, .. nA" l'Axe et le Zone occ.upu r- fchdlt (d'l' e'l1J8ftllt'): 0 500 + t t +.,. X ri D E.s SOUDAN ArteLO· '"r:-GYPTIE"rt .. , ").0 "ç. " __ "1000 1 Jd~on ._-- -- ~- - - - ...--- -- - - --- - :: ---.-. -=-' -...:.-:::::------.-:..~"':::_""_=..:. .. =__==:'7 ~. __ ..::.._...::--_~~~_:~- 55 Hitler a cependant sous-évalué l'importance âu théâtre d'opérations moyen-oriental. Il n'a pas soutenu à fond l'offensive de Rommel qui, à el Alamein (septembre-novemhre '1942), s'était approché à 75 kilomètres d'Alexandrie. En Russie, il a dispersé ses efforts et n'a pas su - ou pas pu - exploiter la ma.rche sur le Caucase (été '1942) vers les champs de pétrole de Bakou et par la suite vers le Golfe Persique. De plus, il ne semble pas qu'une coordination stratégique ait jamais été envisagée entre l'Allemagne et le Japon qui, par la prise de Singapour ('15 févrie,r '1942) avait la maîtrise de la route d'Extrême-Orient. et dont les sous-marins ont pénétré en Mel' Rouge. (Voir croquis : Le Moyen-Orient et les possibilités stratégiques germano-nippones au début de l'automne '1942). Dans l'éventualité d'une nouvelle guerre mondiale l'Etat-Major anglais a décidé de se donner du champ et à cet effet de : - réorganiser la défense impériale en fonction des données nouvelles de l'Orient (évacuation de l'Egypte, de la Palestine et des Indes) et d'en reporter le centre de gravité en Afrique sur le Kenya en liaison avec l'Union Sud Africaine par la Rhodesia et avec la Nigéria par l'A.O.F. ; -." - renforcer la sécurit,é de la vieille route des Indes par le Cap, ce qu'il avait déjà eu la prévoyance de faire avant '1939, car le dévelop~ement de la puissance navale et de l'aéronautIque italiennes, l'intervention fasciste en Espagne et aux Baléares et la conquête de l'Ethiopie ayaient ouvert les yeux des dirigeants de l'EmpIre sur le danger de l'exclusivité de l'artère méditerranéenne; les partisans de 1'« Ecole du Cap» lui préfèrent la voie Sud-Atlantique plus longue mais plus sûre. En résnm'é l'Empire Britannique se resserre SUI' l'Afrique. , - il ne saurait êtll'e question d'abandonner d un conflit armé. Il n'en dem'eure pas moins qUe: - il ne saurait être question d'abandonner le Moyen-O.rient, mais encore faut-il adapter les tnesures militaires à la situation politique ç - quant à la route du Cap, c'est la route de remplacement de la route de Suez, mais bien qUe le deuxième conflit mondial ait déclassé cette dernière, en temps de paix Suez reprend la prédominance ('1). Pour s'e maintenir en Méditerranée Orientale et au Moven-Orient le Gouvernement de Londres devra plus que j'amais s'efforcer de cultiver et de conserver l'amitié des Musulmans. En effet, les relations internationales peuvent aujoul'd'hui revêtir les aspects plus nuancés que la paix ou la guerre nettement définies. C'est ainsi que l'on peut appeler «paix belliqueuse» la conjoncture actuelle où deux systèmes antagonistes se diputent l'hégémonie mondiale et jouent dangereusement avec le feu. Cette situation se manifeste par exemple en Europe Centrale et Orientale où les voies navigables sont fermées aux nations autres que l'U.R.S.S. et ses satellites, en fait depuis la défaite alle~nande et en droit depuis la conférence de Belgrade de l'été '1948. La pénékation indirecte de l'U.R.S.S. dans le bassin oriental de la Méditerranée et le Moyen-Orient sans qu'une confrontation sanglante soit pour cela nécessaire menacerait dangereusement le trafic maritime' de l'Angleterrre. En temps de paix, celle-ci a besoin du Canal pour alimenter son écononüe int.érieure et en tout temps, elle' exige les abondantes ressources pétrolières d'Orient. Or pou,r souple qu'elle soit, et parfois contradictoire, la pression soviétique sur ces régions se décèle if chaque occasion. C'est pourquoi, alors que le Gouvernement de Londres a demandé à celui de Washington d'assurer sa relève de part et d'autre des Détroits par une aide financière et para-militaire à la Grèce et à la Turquie et par une coopération active dans l' o.rganisation de l'Iran, il n'a ( 1) Le rapport du Conseil fi' Administration (lu Canal (le Sue,z en date du 8 juin 1948, exprime ce fait et (Ionne des jndications intéressantes sur 1.1 reprise (les courants normaux : « ... Le mouvement maritime du Canal s'est élevé à ~6.577.000 tonnes (le jauge nette avec 5.972 traversées. Ce tonnage dépasse de 6,3 % celui de 1938 et l'emporte même SUI' celui de 1937, le meilleur enregistré jusqu'alors . ...Dans la répartition de la jauge nette, entre les principales nations qui contribuent au trafic du Canal, la premiêre ulace revient comme toujours à la Grande-Bretagne avec 17.252.000 tonnes; sa part dans le mouvement maritime total s'est toutefois aIJaissée de 62,6 % en 1946 et 47,2 % en 1947, tandis que la part de la Marine Américaine paSSait de t 8,2 % à 20 %' Si l'on considère la répartition du trafic entre les diverses régions situées au-delà de Suez, il apparait lIue la PU"t des pays bordant le Golfe Persique dans les échanges effectués par le Canal s'est accrue de six dixièmes par rauport à 1946, formant ainsi près de, la moitié du trafic total des marchao(jises. L'augmentation est surtout maniJeste (Ians le sens Sud Nord où elle traduit le développement des envois (le pétrole depuis l'Iran, l'Arabie Séoudite, l'Etat de Koweit et les iles Bahrein, mais elle est appréciable également dans le sens Nord-Sud où elle témoigne des besoins accrus en mélaux ouvrés, machines et ciment. Les progrès faits depuis la guerre par le commerce des Etats-Unis se sont maintenus puisque, en 1947 comme en 1946, les échanges opérés entre ce pays et les régions situées au-delà de Suez prennent dans le trafic du Canal une part triule (le celle qu'ils formaient naguère. Les Etats- Unis conservent, (Ians le domaine de la production et des échanges une prépondérance incontestée qui continUe à faire d'eux, malgré leur éloignement géograuhique la seconde • nation dans le trafic du Canal de Suez ». ~-~- .-:-~- -~-" - -~~~--~~-~ ~~-~-=-~-=-== __ ..... -.. --="'--=_-_'::::::~,;-:::'::;;:": ~-_-..-...;;o.::._~ ~_ ~. -~-- -- •_--=---_.......- _-_ .... -_ -.. - _ _ - .~ - ~ - ,,~~_~ -> r. _.~ - ... _ ~ """'_ - d - --- _'" 56 pas renoncé loin de là à sa politique en Orient. Cette action est, fondée sur la sympathie agissante ou au moins le consentement passif des Arabes et sur la recherche d'une solution au différend anglo-égyptien. Les concessions faites aux Etats Arabes et l'attitude prise dans l'Affaire de Palestine correspondent ù. la volonté de s'assure.r l'amitié des chefs arabes orientaux. Les tentatives amorcées au Caire pour assurer une défense commune du Canal ont échoué jusqu'à maintenant. Les Britanniques ne se décideront à évacuer intégralement l'Egypte que lorsque leUl' dispo~ sitif de sécurité protégeant les voies de communication sera en place. Il 'semble bien que les Américains soient d'accord avec eux sur la néoessité de résoudre ce problème qui est lié pour les Anglais à ceux de la Palestine et des colonies italiennes. La situation de)neure cependant incertaine et les di.rigeants Anglais sont en présence de sérieuses difficultés. Des conceptions militaires traduisent ces préoccupations politiques, compte tenu de l'intervention américaine en Turquie et en Iran. Le nouveau dispositif en voie d'organisation Il s'agit moins de défendre le Canal luimême que l'Isthme de Suez «lieu de décision politico-stratégique, bastion d'une défense avancée de l'Inde et d'une défense immédiate du Proche-o,rient »; (André Siegfried). Il ne s'agit plus de tenir un axe, la l'uul,e de Suez, mais bien de protéger un volume (dans toutes les dimensions) : le Moyen-OriAnL Les Anglais n'oublient pas qUA ce sont des Musulmans en majorité Arabes qui habitent le Moyen-o,rient, ceci dirige lem ç,olitiq ue islamique. D'autre part ils sannt que la J0fense strntégique demande de la prOf(lndeuI' et s'organise à distance, ceci détermine Ieur nouveau disposi tif. Ce dispositif s'appuie sm : a) la zone des Etats alliés Irak-Transjordanie, flanc-gardée par la SYIl'ie où les Anglais sont présents ct couverte par la Turquie amie, fortement armée et sous influence américaine; b) la zone Soudan-Ouganda-Kenya, solidement tenue et en voie d'équipement, le G.Q.G. impérial s'installant ft Nairobi; c) la Cyrénaïque que la Grande-Bretagne espèrre bien garder sous son contrôle par l'intermédiaire de l'Emir des Senoussis, Sayed Idriss, et où un accord anglo-américain prévoit l'installation cie bases en cours cie réalisation. Pour assurer la protection des champs de pétrole pŒ'sans, il convient - en liaison avec les Américains - de tenir l'Iran pour empôcher l'adversaire éventuel d'y pénétrer. Enfin, «même si l'Angleterre abandonne l'Inde, il ne semble pas qu'elle doive formellement renoncerr à l'inclure politiquement et même lllililairement dans sa constellation ; .elle entreprendra de faire de tous les riverains de l'Océan Indien, sinon exactement des amis, (qu'est-ce que cela veut dire en politique.?) du moins des associés solidaires de son destin » (André Siegfried). Ainsi aux limites de l'Islam Oriental, de la Grande Sy,rie au Golfe Persique par les Détroits, un arc défensif anglo-amérieain couvre la route des Indes, protège les gisements de pétrole et s'oppose aux poussées de la Russie Soviétique. Un triangle de bases importantes encadre la zone vulnérable de l'Isthme de Suez au moyen de points d'appui aménagés en Irak-Transjolrclanie, en Lyhie et au Soudan. Le centre de gravité de la défense impériale britannique est rejeté au Sud du Canal. 1") POlir proté(Jer le Moyen-Orient et 1]Our couvrir le Canal lae Suez - au plus prèsl'Etat-Major impérial apporte tous ses soins à l'équipement des secteurs encadrant l'Ist;hme de Suez. a) Secteur Nord-Est de Suez. Les troupes britanniques sont repliées de leurs garnisons égyptiennes SUI1' le Canal où des «harraks» forment un vaste camp retranché. La Transjordanie dispose cie contingents encadrés par les Britanniques; le roi Abdallah défend indil1'eelement les intérêts anglais dans le conflit judéo-arabe de Palestine. En Irak, la magnifique base aéro-navale d'Habbanayah joue le rôle de sentinelle avancée, tandis que plus au Sud s'étend le camp immense de Shaibah dans le ChoH, el Arab à proximité de Bassorah et d'Abadan. Les stations de pompage des pipe-lines pourraient éventuellement faire office de petits postes. • S7 Les organisations para-militaires et les établissements de l'Anglo-Il'anian permettent l'installation de vé,ritables bases, tandis que les kméricainséquipent les Hauts-plateaux de l'Iran, lesquels se prêLent à l'aménagement de terrains d'aviation permettant d'atteindre les régions industrielles de l'U.R.S.S. Centrale. La défense de l'Arabie Séoudite et de la Syrie sont. pl'atiquement dans les mains des conseillers anglais. Chypre, enfin, vigie et relai qui surveille le bassin Oriental de la Méditerranée assure la liaison avec les terrains Grecs et 1\ l'CS d'une part et avec ceux d'Asie-Mineure d'autre part. Toute cett.e zone appartient dans son ensemble ft l'Islam Oriental. b) Secteur Ouest de l'Isthme de Suez. La notion Moyen-Orient se déforme et peut s'étendre à la Lybie. Depuis 1043, les Anglais occupent la TriPolitaine. Ils entendent y demeurer sous une fonne ou sous une autre,' car s;es bases remplacent celles qu'ils ont perdues en Egypte et en Palestine: - Tobrouk se substituerait à Alexandrie pour les bâtiments de la Royal-Navy ; - El Aden offre une excellente escale aux appareils de la Royal Air Force sur les routes d'Habbanayalh en MésopoUunie, de Shaibah sur le Golfe Persique et de Nai,robi au Kenya; - la base de Mehallah (Weelus Field) près de Tripoli est utilisée par les Américains comme rrelai vers le Moyen-Orient et l'Abyssinie. Le sort. des colonies italiennes n'est pas réglé et doit être décidé par l'O.N.U. Les Russes aVaient d'abord exp,rimé le désir d'être présents en Tripolitaine (comme à Suez et à Tanger) ; pUis maintenant (été 1948) ils soutiennent que l'Italie doit recouvrer toutes ses colonies non pas pour satisfaire le Gouvernem'ent de Rome 1l1ais pour chasser les Alliés de leurs positions africaines dans les anciens territoires italiens. Washington hésite entre le désir de ne pas 1l1écontf'nter 113s Halo-Américains des U.S.A. qui rejoignent leurs anciens compatriotes de la Péninsule et le souci de conserver de solides Points d'accrochage en MédiLerranée Oriental~, en liaison avec les Anglais. (La France souhaI~ terait naturellement conserver le Fezzan conquis Par la colonne Leclerc). Les Anglais, pour satisfaire leur dessein de delUeuroc en Cyrénaïque évoquent le vœu d~ Populations locales autochtones. Ils flattent a cet effet le nationalisme local et ils se sont asSUrés de la fidélité de l'Emir Idriss el Senoussi dont l'action religieuse est puissante. Ils en feraient. peut-être le souverain d'un nouvel état arabe indépendant mais allié. Tout ce secteur fait partie du Dar El Islam et assure la liaison entre l'Islam Ol'iental et l'Islam Maghrebin, où la France exerce son autorité. La Grande-Bretagne complète son action militaire 8n Cyrenaïque pEtr la même politique qu'en Orient: rec:herche des sympathies EM'nhes, appui généreusem'ent accordé aux princes et système de l'état autonome allié. c) Au Sud de Suez. Le secteur soudanais est fÛlrtement tenu, bien équipé en voies de communication. Les Anglais ne consentent pas à l'évacuer malgré le!! délilarches pressantes du Caire. 2°) Afin de se donner de l'espa.ee pour monter d'amples manœuvres stratégiques, l'EtatJMajor impérial transporte le eel~tre de sa défense dans l'Afrique Orientale qUI p,rolonge au Sud le Soudan Anglo-Egyptien, troisième secteur du dispositif protégeant le Moyen-Orient et Suez. Sous l'ardente impulsion d u Maréchal Montgomery et avec l'adhésion de l'opinion publique a'ngklÏse le \Var Office travaille il l'équipement rnilitaire de l'Afrique o,rientale (Colonies du Kenya et de l'Ouganda, territoire sous trusteeship du Tanganyka) en coopération avec le Colonial Office qui s'efforne, avec ténacité, mais non sans difficultés, de mettre en valeur les possibilités agl'inoles et les ressources industrielles de ces régions. Le P.C. Impérial s'installe il Nairobi dont l'aérodrome est doublé par le terrain de I\amnaJa. Les troupes britanniques qui ont évacué les Indes et la Palestine prennent garnison dans les pays les plus sains et s'emploient il les équiper en voies de communication. Le recll'lll,emenl de conlingents indigimes locaux est à l'étude afin de remplacer par une Armée Noire la splendide armée des Indes. La région des Grands Lacs africains apparaît à la fois comme un futur dominion, un très vaste réduit de résistance, une base de dépa;r·t et une zone de. réserve. Au risque de s'évader un instant des limites de cette étude, situons le problème oriental dans son cadre le plus général. L'ensemble ternaire britannique Irak-Transjordanie Lybie-CyréIiaïque Soudan-Kén va. il' :~ , ":,1 l'il, ",It 58 Ir est couvert au Nord, face aux avancées soviétiques, pair le dispositif! américain : Grèce, Turquie d'un côté, Iran de l'autre. Par les rives septentrionales de l'Afrique, cette zone se relie à l'Afrique du Nord Française où le Maroc a une situation essentielle, symétrique de la Péninsule Ibérique, - en équerre sur la Méditerranée Occidentale et l'Océan Atlantique, - à l'épanouissement des routes d'Europe Oecidentale . vers: - le Moyen-Orient et les Indes, - l'Afrique du Sud et le Cap, - l'Amérique du Sud. Il suffit de regarder une carle (voir le cro· qui ci-joint) pour se pénétrer de deux idées. simples mais fondamentales dont la de,rnière guerre a déjà démontré le bien-fondé : " '1°) L'Afrique du Nord prolonge la France en Afrique, ce qui permet d'échelonner en profondeur la défense stmtégique ; 20) L'Afrique Française occupe une position remarquable dans le canevas des grands courants atlantiques, méditerranéens et transafricains qui traveirsent. le nouveau monde occidental : ce qui donne à l'Union Française une valeur d'appoint considérable soit dans le cadre d'un large groupement économique pour la mise en valeur du continent africain, soit dans l'hypothèse d'une guer,re de coalition. Au Sud ce vastlB dispositif s'appuie sur le Centre Afrique. Là les élablissem'ents britanniques s'imbriquent entre les possessions françaises et le Congo Belge. Cependant les U.S.A. s'accrochent, au Liberia à l'Ouest, s'insinuent en Abyssinie à l'Est, s'introduisent au Congo au Centre el s'intéressent à l'Afrique Oecidentale (1). Leur expansion économique pourrait éventuellement servir à préparer de grandioses desseins politiques. Ceci démontre l'interdépendance des U.S.A., de la Grande-Bretagne et de la France en Afirique - comme en Europe Occidentale - jus,tifie l'interpénétration de leur action respe'ctive, et souligne la nécessité d'une collaboration économique, politique et stratégique. Dans un tel système les communications prennent une signification primordiale pour les échanges du t1emps de paix et POUir les manœuvres du temps de guerre. Leur canevas essentiel se dessine ainsi qu'il suit: . a) Un chemin de ronde aer18n survole sensiblement le grand boulevard maritime qui unit l'Atlantique aux Océans Indien et Pacifique par: \ Grêce-Turquie Chypre Gibraltar Malte 1 Habbanayah \ Bass,orah Karatchi Mehalla-El-Aden 1 Nairobi Le Cap D'Agadir à Beyrouth une· route terrestre partiellement doublée par des tronçons de chemin de fer, suit le littoral. Une rocade intérieure est amorcée en Afrique du Nord au Sud des Hauts-Plateaux. b) Des pénétrantes terrestres et aériennes traversent les continents africains et relient : - la Mer Rouge et le Soudan Anglo-Egyption au Golfe de Guiné~ par : Port Soudan-Khartoum-Abeche-Fort-LamyLagos (Nigeria) avec une variant'e vers la zone du Cap Vèrl par: Abeche-Niamey-Dakar. _ l'Océan Indien au Golfe de Guinée pair : Monbasa-Nairobi-Bangui-Douala (Ca m e roun) avec une variante parallèle plus au Sud par: Dar Es Salam-Albertville-Pointe-Noire (A. E.F.) Pendant la guerre 39·45 et depuis, ces rou· tes transversales ont pris une importance qu'elles n'avaient pas auparavant, mais leur utilisation aussi bien POUir le trafic terrestre que pour le transport aérien nécessite une infrastructure en bon état. L'axe essentiel est la transversale qui relie la Mer Rouge et le Nil au Golfe de Guinée par le Tchad. c) Ce 'canevas de communications s'appuie à l'Est sur la voie terrestre et aérienne du Cap au Caire et à l'Ouest sur les grandes voies atlantiques : . _ routes maritimes du Golfe de Guinée, du Centre Atlantique (Panama) et du Sud Atlantique (Cap de Bonne Espérance et, pour mémoire Cap Horn)'. (1) Conservations de MM. Stetinius et Bechard en 1948. ~7T'--1'ï~--;---::::i\-:-7--'ï"r--r7-~~~~""""""--r------_··l "- MOYEN- ORIENT les g.o.. ncfs tou ... t'l.t" 'l'\lc.'·c.Ot'atin&h~aux - et\. '114' , , - - - -• • • • • • • • • •S • • • • • •IZ.IU.!!!I••!!_L4L C_ &&bq -59- diagonales aériennes des Courriers Sud (de création française, c'est la Ligne Mermoz) : Paris-Dakar-Amé,rique du Sud!. Ainsi se dessine l'importance prise par l'Afrique au regard du Moyen-Orient et de l'Occident : clll'actéristique d'une ère où les problèmes se posent à l'échelle des continents et où un conflit pourrait opposer une Eurafrique d'influence occidentale à une Eurasie d'hégémonie communiste. De plus apparait la communauté d'intérêts qui unit les puissanèes garantes de notre civilisation qualifiée aujourd'hui d'occidentale et qui demain s'appeUera peut-être atlantique. Une coopé.ration s'impose à elles non seulement pour l'équipement économique du Continent Africain, mais encore pour l'Miucation de ses populations. Or sont en ,contact av,ec l'Islam - La France au Maghreb, balcon africain de la Méditerranée Occidentale; - La Grande-Bretagne et les U.S.A, au Moyen-Orient, soudure de l'Asie et de l'Afl'ique; - et ces trois puissances en Afrique Noire (au Nord d'une ligne Konakry-Dar Es Salam). En Afrique Noire, les ,populations musullUanes commenoent à être l'objet de progagandes xénophobes mais ne sont pas en mesure de faire entendre leur voix. En Afrique du Nord, sans qu'il offre pour l'avenir une certitude absolue d'immuable durée dans sa forme présente l'établissement français paraît stable et l'accord de l'Islam et de l'Occident non seulement souhaitable mais encore possible. C'est en Ol'ient que l'Islam est le plus actif et aussi le plus virulent. En dépit de la stabilité de sa pensée religieuse il ajoute aux données incertaines d'un m'ônde déséquilibré l'inconnue de son évolution dans une zone où les deux grands antagonistes du moment risquent de s'opposer. Le système stratégique et économique de l'Angleterre (et, on doit, aujourd':hui ajouter, des U.S.A.) au Moyen-O.rient ne peut donc être maintenu, alimenté et mis en œuvre avec efficacité qu'avec le consentement' des populations d'Orient, princes et peuples musulmans. L'or et la diplomatie des Anglo-Amérjcaim attirent la sympathie des dynasties, des gouvernements et des classes aisées. Les masses ne semblent pas très pel'méables à l'infiltration soviétique. Par contre, un nationalisme extrérnL'itf' et intransigeant commence à se- faire jour dans les éléments populaires xénophobes. Dans le domaine limité des grande., villes et des établissements industriels on assiste à la naissance di'un capitalisme indigène inféodé aux Anglo-Américains et au développement d'un prolétariat anti-occidentaI. Chez une minorité évoluée commence à germer le levain de la libération sociale qui va de pair avee la volonté d'une totale indépendance nationale. Les Alliés coopèrent sur le plan économique; les sociétés et les missions améa'icair,es se font nombreuses mais les Anglais conservent, dans l'ensemble et toutes choses égales, la direction politique et militaire. Londœs souhaiterait qu'un disposil.if politique homogène découlât des dispositions stratégiques. De là, les encouragements qu'il accorde à l'arabisme militaire au gré des événements : pal'l'ainage de la Ligue Arabe, appui donné à l'Emir Abdallah, etc... et de là également les concessions aux exigences des nationalismes locaux. • ,!1I" ,;.' -60 - CONCLUSION Que conclure de l'action britannique au Moyen-Orient en ce qui concerne l'Islam? 1°) A des fins égoïstes sans doute, l'AngleterDe a accéléré la progression des pays arabes orientaux vers le stade de la Nation autonome ou indépendante. Non sans difficultés extérieures ni sans incertitudes intérieures. • 2°) L'émancipation collective et la promotion politique de ces états semblent avoir été trop rapides; l'éducation individiuelle et l'évolution sociale trop lentes. Inévitablement il faut des siècles pour transformer individus et groupements humains. 3°) Toujours dans un but intéressé, depuis plus de trente ans, la Grande-Bretagne a facilité le développement de la solidarité politique islamique en encourageant le mouvement unitaire arabe. Mais la Ligue Arabe semble incapable de surmonter les divergences d'intérêt et de s'imposer au particularisme. Dans le conflit palestinien elle déçoit à la fois la Grande-Bretagne et les populations arabes du !Moyen-Orient. Elle engendre une amère déception chez les leaders des mouvements politiques d'Afrique du Nord quoiqu'ils en laissent paraître... 4°) En encouragant l'arabisme, l'Angleterre a indirectement provoqué une réaction antioccidentale, dont elle subit elle·même les effets. En définitive le bilan de cette action se solde au profit de la Grande-Bretagne par des succès «à terme ». On ne peut encore présumer du crédit ou du débit «au comptant» en ce qui concerne l'évolution générale de l'Islam et des rapports Orient-Occident. Que conclure de la nouvelle orientation de la défense impériale britannique? 1 0) D'une façon générale, la prédominance et l'extension des U.S,A., le péril de !'infiltration de l'U.R.S.S., le dé.clin et la faiblesse de l'Occident caractérisent le monde actuel où la Grande-Bretagne n'exerce plus son hégém'onie. 2°) Plusparticulièl'ement, le resserrement de la défense britannique Outre-Mer sur l'Afri· que marque le repli de l'Angleterre devant l'émancipation des peuples asiatiques et devant ]e danger soviétique. 3°) La solidarité anglo-américaine en Eu- l'asie, à l'Ouest de l'Elbe, en Méditerranée1 et au Moyen-Orient se prolongera sans doute en Afrique avec la collaboration de la France. Elle devrait' entraîner de la ,part des puissances occidentales intéressées une position commune à l'égard des populations musulmanes et des extrémistes arabes. La solidarité générale des grandes puissances occidentales pour assurer leur sécurité au-delà des mers apparaît comme une condition nécessaire à la stabilité de l'univers et au maintien de notre civilisation. Elle permettrait, aux états colonisateurs d'exercer leur mission auprès des peuples dont ils ont la charge ou la tutelle afin que «le fort et juste soient ensemble et que la paix soit, qui est le souverain bien» (Pascal). En tous cas, la politique de la Grande-Bre: tagne en Moyen-Ol'ienb tend à prouver que SI elle se ressaisit bien tardivement et que si son empirisme est parfois excessif, elle ne s'abandonne jamais. Son habileté et sa souplesse excellcmt dans les savantes Detraites. Le Gouvernement de Sa Majesté sait gue la nourrilure et la sécurité de son peuple dépendent de la bonne volonté de ses anciens vas· saux. Il a eu, tout ensemble, l'audace de pousser à l'extrêm'e les conséquences de son affaiblissement et l'habileté d'éviter les déchirures irréparables : - à l'intérieur l'énergie morale et le sens civique des Britanniques ont consenti à l'austArité de sacrifices inéluctables qu'un Etat fort, stable et respecté a su leur imposer équitablement; - à l'extérieur, leur réalisme s'est incliné devant di'humiliantes pert'es de prestige et de nécessaires abandons pour se diriger vers de nouvelles perspectives dans le sens de l'intérêt national. Mais la conviction que la Grande-Bretagne ne peut être réduite à un rôle secondaire demeure inébranlable. Il convient peut-être de méditer sur ce comportement d'une grande nation tout enUère tendue vers la volonté infl,exible de se redresser. RABAT, le 15 septembre 1948. _. ~ 2L r _Lb ES _tilL E2L,j!E E - BIBLIOGRAPHIE _._._ L -_ .... _-- g -, 1 Pour suivre l'évolution de la politique anglaise au Moyen-Orient~ el, d'une façon plus générale, pour étudier les problèmes d'Orient, lire: « L'Afrique el l'Asie» publiée par le Centre des Hautes Etudes d'Administ.ration Musulmane, 13, rue du Four, à Paris. La revue « Politique Elrangère » publiécpar le Centre de Politique Etrangère, 54, rue de Varennes à Paris. Les documents « Orient-Occident, » publiés par le Seerétariat Général de l'Information, 36, rue de Friedland, à Paris. L -.J La revue «'Middle East Journal» publiée par le Middle East Institute, à Wash;ngton D. C. (U.S.A.) ,r: -...i;~-HF-IiE··, ,1 Clef de voûte du nouvel Empire Britannique ~VANT.PROPOS====================================================~~ La 'présente étnde n'a d'autre but que d'attirer l'attention sur le p,rojet grandiose conçu par le Gouvernement britannique, qui, pour lancer sur des bases entièrement nouvel~es la délense de l'Empîre, nhésite pas à placer le Quartier Général sous l'Equateur,'au /{énya, dans un :pays où tout est à faire, \mais que sa position géographique désigne impérieusement comme centre vital du nouvel Empire. Dans ce domaine où tout renseignement a lune valeur militaire, le gouvernement britannique n'a communiqué que fort peu de détails sur les réalisations en cours. Ce n'est que progressivement que ce voile se lèvera et pour l'instant att,e ét'ude sans prétention se bornera à rechercher ce que doit être un P.C.I impérial, les raisons du ch'oix britannique, l'état actuel du pays, les projets d'avenir et la conclusion tentera de dégager un jugement d'ensemble sur les chances de réussite d'un tel projet. L,=== I. - =====11 LES EXIGENCES D'UN QUARTIER GÉNÉRAL MODERNE La deuxième guerre mondiale a montré combien les pays de l'Europe. Occidentale et les Iles Britanniques elles-mêmes étaient désormais vulnérables (même en face d'un adversaire affaibli) et il est 'dElvenu cOU/I"ant d'entendre proclampr qu~ désormais le continent européen n'est plus à la mesure des conflits atomiques, qui développe:l'ont encore l'espace dont a besoin la stratégi~ moderne pour manœuvrer : pour le moment la parade à la vitesse de la manœuvre adverse peut encore être trouvée dans la combinaison des deux facteurs espace et temps et il en sera ainsi tant que l'anéantissement de l'adversaire ne pourra être escompté en une seule attaque instantanée. Sans éliminer cette possibilité pour l'avenir, il est permis de supposer que nombre d'années seront né· cessaires pour obtenir ce résultat (1). Pour l'avenir immédiat, un gouvernement européen doit donc raisonnablement axer son système de défense sur une combinaison des facteurs espace et temps, adaptée à son cas particulier. Le problème est spécialement ardu pour les Etats de l'Europe Occidentale dont le territoire métropolitain exigu est à l'échelle d'une bataille et non d'une guerre. Pour ces pays qui n'ont pas, comme l'U.R.S.S., la chance de pouvoir conduire éventuellement leur manœuvre en repli sur leur propre sol, il faudra- se rabattre sur la solution psychologiquement tl'€S mauvaise de la «base d'outre-mer », moins exposée aux premiers coups. C'est l'étude des possibilités actuelles de ces « premiers coups » qui permettra de préciser les conditions qui seront exigées de ce quartier général, qui, pour la plupart des pays occidentaux, reste 'encore à déterminer, alors que le gouvernement de Londres, on le sait', vient de faire connaître sa décision de placer le sien à Nairobi, capitale d'une colonie de la Couronne: le Kénya. Les possibilités modernes de l'attaque brusquée La première idée est de soustraire le Quartier Général et la base principale d'opérations à une attaque lancée inopinément. Par voie de terre : un groupe d'armées du type motorisé désormais classique, précédé de ses ( 1) Il faut pour cela que soient résolus les deux' problèmes sur lesquels se penchent les chercheurs du monde entier : fabrication des bombes atomiques par un procédé simole et peu coûteux Ilermettant la production en série; propulsion avec une précision de l'ordre .du kilomètre à une distanCe permettant de battre l'ensemble du S'lobe à partir d'une po' siti 0 n uni que. 1 "., ..; •. , ' .. = - - __. __ >ü • 63 troupes aéroportées, aidé par son aviation d'appui peut en quelques jours pénétrer d'environ mille kilomètres chez l'adversaire non préparé. Par la voie des airs: une flotte de bombardiers chargés de bombes atomiques du modèle 1945 peut, en profitant de la surprise, dftruire en majeure partie, dès le premier jour, les villes de moyenne grandeur de l'adversaire à près de 5.000 kms de distance. Cependant la mer reste pour les pays d'outr p mer 'la seule voie permettant les transports de masse et, pour cette. raison, sa proximité est. toujours recherchée. Les qualités d'un quartier général mondial dans un conflit futur Un des premiers soucis sera, nous l'avans vu, Far la stratosphère: dès la fin de la précédente guerre, les agglomérations très importantes (capitales, chantiers navals, ports) étaient justiciables de la nouvelle artillerie à longue portée Ua bombe-fusée du type V 2 atteignait 500 kms et aucune parade ne pouvait lui être opposée sur les 4/5 de sa trajectoire car elle était inerte). Si l'on admet que les recherches sur les V 2 transatlantiques étaient fort près d'aboutir, là aussi c'est à 5.000 kms que l'engm ft étages pourra, dès le premier jour, porter ses coups (si, dC! moins, le problème de la précision à cette distance peut être résolu»), hors d'atteinte de la première attaque, soit sensiblement à 5.000 kms de l'adversaire, mais sans perdre de vue sa' raison d'êtlre qui est de commander. Il faut donc qu'il soit placé en position centrale, si possible au voisinage d'une base de concentration, et qu'il <lispose de puissants moyens de communications et télécommunications, il lui faut, enfin, des sources de ravitaillement en vivres et en carburants, toutes conditions qui militent en faveur d'une région de civilisation poussée et d'équipement très complet. La mer, qui a constitué pendant quelques années le meilleur fossé anti-chars, a vu son rôle se retrécir en fonction inverse du rayon d'action des avions. De nos jours, le « Channe'1 }) ne pœe plus qu'un problème de franchissement et la Méditerranée elle-même estl devenue bien étroite. Pratiquement, l'inventaire des possibilités d'un Empire fera apparaître un certain nombre de solutions dont chacune remplira bien certaines condItions, mais pas t.outes, et le choix définitif devra sacrifier tel ou tel point jugé initialement indispensable. de bien situer ce Q.G., en particulier de le placer '1 II. - LE CHOIX BRITANNIQUE Pour le Gouvernement Britannique le problè!he se posait au mom(Ont où, pour la deuxième fois en 150 ans, l'équilibre de l'Empire venait de se modifier complètement. En 17'16, la révolution, puis l'indépendance des treize colonies d'Amérique, avaiem rejeté l'Angleterre vers la route des Indes ; de même, en 1948, la disparition de l'Empire des Indes contraignait la Grande-Bretagne à se retourner vers le seul contInent où elle restait solidement implantée: l'Afrique; c'est là qu'elle jette les bas>~ (je son Troisième Empire. On ne peut même pas parler de choix. Le Canada et l'Australie appartiennent désormais Çj. la sphère affi;éricain~. Le Moyen-Orient est devenu zone de combat. Il reste l'Afrique. Et dans cette Afrique il faut bien laisser de côté ce qui n'est plus l'Empire, en particulier cette Egypte turbulente; il faut laisser de côté aussi cette Afrique du Sud qui a porté au pouvoir un farouche ennemi de la Grande-Bretagne. En définitive lel choix va porter entre les deux grands groupes coloniaux de l'Afrique Centrale : l'Afrique Occidentale Anglaise (Nigera-Gold Coast) et l'Afrique Orientale (Kenya-Ouganda-Tanganyika). ' L'Afrique Occidental~ est la mieux équipée. C'est eUe' qui, pendant la _dernière guerre, tendait ~ .. ... '1 la main à l'Amérique depuis Lagos avec l'escale de Freetown. Depuis elle possède à Kano l'aérodromel le plus moderne de l'Afrique Centrale pt toutes les Compagnies du monde : P.A.A., Air France, . KL.M., Sabena, viennent y poser leurs appareils. Les rout'es sont bonnes. en particulier au Nigeria où 6.000 kms sont praticables toute l'année. Pendant les hostilités ces routes ont été complétées par des pistes aménagées par la pose de plaques ou de grillage « Sommerfeld }) analogue à celui des pistes d'envol (J'une de ces pist'es re10ignait l'Afrique Orientale et doit être reconstruite en dur). La production agricole est relativement développée et doit faire l'objet d'améliorations, au titre du « Colonial Development and Welfare Act» de 1945. Un avantage précieux est la facilité des communications par mer avec la métropole ou avec les U.S.A., même en cas de guerre et de fermeture du Canal <le Suez. Et pourtant l'Afrique Occidentale n'a pas été choisie, La principale raison est quei la position est trop repliée : de Lagos on est trop loin du Moyen-Orient, trop loin de cette Egypte qu'il faut surveiller. Ce Quartier Général qU'on veut certes à l'abri, on ne le \"eut pas seulement défensif, il .... ...... i'i' i: •. ·•· 64 doit être le Cé;ntre vital d'où partiront les contreoffensives ultérieures, peut-~tre même d'où l'on attaquera les premiers. Il est peut être même une autl'e raison plus subtile et plus secrète parce qu'elle a trait, à l'action de la grande nation-sœur. Cs; n'est un secret pour personne que les Américains ont eux aussi leur politique africaine. Cette politique s'appuie sur le créditl et la pénétration commerciale de grandes sociétés qui travaillent en même temps pour elles et pour l'Etat Américain. Le premier maillon de la chaine qui va jusqu'en Arabie 'è11 passant par l'Ethiopie est voisin de )a Sierra-Leone: c'est le Libena, où, par exemple, l'aérodrome de Robertsfield vient d'être reconstruit, et muni d'un appareillage d::' radio-guidage des plus modernes. Et puisque les Américains s'installent, eux, en Afrique Occidentale, il est permis de penser que ce fait a pu contribuer à faire pencher la balance en faveur de l'Afrique Orientale anglaise, solution plus spécifiquement brit,annique et complémentaire puisque en tout état de cause le relais vers l'Ouest est assuré. Et dans cette Afrique Orientale qui comprend un mandat (Tanganyika), un protectorat (Ougan- III. - da) et une colonie (Kenya) c'est cette dt::rnière qui sera choisie, parce que Londr.es veut bâtir sur du solide. U:::, Maréchal Montgomery envoyé sur place en a ainsi décidé; le Quartier Général Impérial sera à Nairobi. Lorsque l'on considère un globe terrestre et lorsque l'on trace autour du Kenya les cercles désormais classiques de 5.000 et 10.000 km. de rayon qui déterminent sensiblement les limites d'action des bombardiers et de l'avion-photographe l'on est obligé de reconnaitre que la position est magnifiquement choisie. Du Kenya les bombardiers :i long rayon d'action atteignent oette immense « zone de contact » qui va de l'Afghanistan à la Grèce en passant par l'Iran, l'Irak, le Caucase et la Turquie. Les longs courriers peuvent atteindre d'un seul coup d'aile Londr's's (6.500 kms) et les ports avane;és de l'Empire: Singapour à 7.500 kms, l'Australie à 3.000 (7.000 de l'escale de l'Ile Ma:1riœj. Mais la position stratégique ne suffit pas. Encore faut-il qu'elle solt « viable ». En est-il ainsi? C'est maintenant qu'une présentation plus complète du Keny~ est nécessaire. LE KENYA Pour situer le Keny~ à- la surface de' notre planète il suffit de savoir qu'il se trouve sous l'E· quateur et sur le Méridien de Moscou. Ses dj.mensions sont sensiblement celles de la France. Un examen même superficiel de la carte fait apparaître que c'est un pays de hautes terres, où l'altitude' pourra compenser en partie la chaleur due à la latitude zéro. Cette habitabilité en fait une région relativement peuplée: près de quatre millions d'habitants (le lllOème de la France) ce qui donne une densité générale moyenne de'7 habitants au km ê . LA STRUCTUHE du pays présente, nous venons de le voir, un intérêt tout particulier. L'examen d'une carte hypsométriqJe montre que la courbe 1.000 englobe plus de la moitié du pays et que de puissantes chaînes de montagnes s'élèvent jusqu'à 5.240 mètres au Mont Kenya qui a donné son nom à la Colonie le 23 juillet 1920. Les terres basses qui s'étendent à l'Est comprennent d'abord, sur la côte, une bande de terres fertiles, bien irriguées et très peuplées; mais cette bande est étroite et n'atteint. par EndrOIts, qU'une quinzaine de kilomètres. Plus loin, vers l'intérieur, c'est la brousse, aux broussailles et aux arbres clairsemés, aux rares cours d'eau, souvent même asséchés ou à cours souterrain. Cette immense plaine est pratiquement inhabitée, mais le gibier y abonde et nombre de voyageurs y ont trouvé une véritable atmosphère de paradis terrestre, où les bêtes ne sont pas sauvages parce qu'elles ne con- naissent pas l'homme. Cette plaine désertique, dont la largeur croît dJ Sud au Nord, fait place plus à l'Ouest, aux Hautes Terres dont l'altitude moyenne est de 1.500 mètres et qui ne sont qu'une tOJte petite partie de lîmmense Haut Plateau qui parcourt le continent africain tout entier depuis l'Ethiopie jusqu'en Afrique du !Sud. Cette table millénaire a subi des fractures et des effondrements; d'où la présence des phénomènes volcaniques dont il ne reste que des cratères éteints et des champs de lave brûlés par le soleil et ce chapelet de lacs innombrables dont le plus grand est le lac Victoria-Nyanza, source du Nil blanc. Entre le lac et le Mont Kenya se tro;]ve une vallée d'effondrement extrêmement curieuse, la Rift Valley, qu·El.speth Huxley décrit de la façon suivante: « La Rift Valley est l'autre merveille du pays, crevasse géante à la surface de la terre qui s'étend, dit-on, depuis la vallée du Jourdain JUSqu'à l'extrême-sud dL: continent africain. Ad Kenya, la partie la plus grandiose de cette immense fissure est une vallée large de 60 -kilomètres, flanquée des deux côtés de hauts escarpements. De leur bord, on voit, très l.oin en bas, un paysage fantastIque: des 'cratères de volcans éteints s'élèvent, sillonnés et ravagés, sur un fond gris lavande; des petits lacs ronds étincellent comme des bijoux sertis dans des montures barbares. QJe1ques-uns de ces lacs sont entourés de deux anneaux de couleur: celui de l'extérieur, d'un blanc éclatant, est une plage de sable; celui de l'intérieur est rose tendre, ce s.ont des millfers de fla- - r - s s a \ , , \ \\ .... .\ _ r \ \........... .........\ 1 \ - ,, , , ....... --', ••• ,"~ "', " t ~--~ ~ - - -- .' 0 ... 'O\r ~ -'. - 1 ,......... - ." . ) " . "" .,'. ........... ..'" , -- '. • ,, '~ ,...... , ", 1 - -~ • 1 , ,.-.... 1 l '" , ,. -"'1", "'-~-----;----i~ • ,IG 1 - -I- - 1 • -r- 1 • , 1 1 ~ 1 ..... - I - 1 , 1 -1- - - _ ,- t...., l "1 ' ..... 1 , 1 l -:-.1. , , r ~ 1 . f -7---~-_/ 1 L__ .......~_ . l , 1 l l :_ -'\lI, - - - '-\ 1 I)J..--~,- - -1 l :_ , '_ 1 l , +-- ___ \ 1 '. • , 1 1 , , , ...' l' ,, \ .' \ , , \di 66 man<ls, perchés sur une patte, dans l'eau peu profonde. » Plus à l'Ouest s'étendent des forêts composées, suivant l'altitude, de bambous, de genêvriers ou de cèdres, puis <le grandes plaines à pâturages. LE CLIMAT découle directement de cette structure du sol. Le pays est sous l'équateur, certes, mais la tempéraLlre n'est très élevée que dans les plaines de l'Est. Elle s'atténue rapidement avec l'altitude. Vers 2.000 mètres, c'est-à-dire là où les Européens s'installent, la température atteint rarement 27", les nuits sont froides et le chauffage est, parfois, une nécessité. Plus haut encore l'on trouve les champs de neige du Kenya où il est possible, en toute saison, de faire du ski ou du patinage « sur la Ligne ». Les pr~cipitations, hormis les régions de haJtes altitudes, restent très inférieures à ce qu'elles sont habituellement en pays équatorial. Au lieu <les 5 mètres de Konakry. elles s'établissent ici en-dessous de 1 mètre, à peu près comme au Soudan et dans le bassin du Zambèze. Il en résulte que le climat, au lieu d'être du type éq~mtorial, est à peine tropical, ce qui a permis de très bonne heure l'implantation <'l'une population relativement nombreuse. cides répandus par avions ou hélicoptères, et enfin depuis quelques mois, par inoculation au bétail d'un nouveau vaccin dû au docteur L. P. Walls. Sous ces attaques répétées; la' maladie a reculé, mais elle est loin d'être eliminée. Les a.~tres maladies locales sont la PlSste dont des épidémies éclatent périodiquement et la lèpre qui atteint sensiblement 10 % de la population. La tube;rculo~e est tr-ès répandue (influence de la sous-alimentation). Quant aux maladies vénériennes, elles atteignent 60 % d.e 1<1 population. Une autre maladie extrêmement répandue esL l'infection pa,r 'les vers. On estime, dans l'ensemble, que 90 % <:le la population sont infectés par une ou plusieurs espèces de vers. Au Tanganyika, où la statistique a été tenue, 36 % des décès dans les hôpitaux sont dLls aux vers. Au total, et comme dans presque toute l'Afrique Centrale, la population est mal nourrie et dans ùn état sanitaire. déficient. C'est l'un des problèmes qui se posent aux autorités britanniques, et il est important, car, pour aller de l'avant, il faut s'appuyer sur une population nombreu"e et saine. CETTE POPULATION est extrêmement variée. Depuis la lointaine époque où les hommes préhistoriques se sont installés dans la Great Rift Valley, où ils ont laissé de nombreux vestiges, des mélanges et apports incessants se sont produits. La masse de la population est constituée par des noirs (3.825.000), de races très diverses, depuis le pygmée attardé et misérable, jusqu'au Massaï au physiqJe magnifique et largement nanti, en passant par les Turkanas, Souks et Sambourous, plus ou moins primitifs (un tiers de cette population vit sur les bords du Lac Victoria). En tant que Colonie, le Kenya est placé sous les ordres d'Un Gouverneur siégeant à Nairobi, mais ce gouverneur est assisté de deux conseils, auxquels participent, dans une certaine mesure, les autochtones: le Conseil exéirutif comprend 5 membres fonctionnaires et 3 membres privés; le Conseil législatif compren<:l, sous la présidence du Gouverneur: 11 membres ès-qualités; 9 membres fonctionnaires nommés; 11 membres européens élus; 5 membres hindous nommés; 1 membre arabe nommé; 2 membres africains nommés. On note immédiatement que ladministration est assurée d'avoir 21 voix sur 40 dans ce conseil Il s'agit donc d'un territoire où l'administration a les mains libres, où elle peut bâtir sans être à la merci du vote d\me assemblée et cet avantage n'est pas négligeable.. A Nairobi, les Anglais bâtissent sur du roc, et ils espèrent bien y rattacher ensllite les parties moins solides de l'Afrique Orientale. C'est, en effet, à Nairobi que se réunit périodiquement, sous li présidence <lu Gouverneur du Kenya, la Corniérenoe des Gouvernçurs d'Afrique Orientale: Kenya, Ouganda, Tanganiyka, maintenant doublée par le Conseil ECOIIlomique de l'Afrique Orientale, Et il faut y voir l'annonce de la prochaine étape .du projet britannique, qui sera la fusion adminIStrative des trois territoires, fusion quî se fait graduellement, malgré l'opposition acharnée amorcée au sein de l'O.N.U. par les délégations soviétiques. Cette opposition porte sur le Tanganyika qui n'est qu'un mandat, c'est le point v:ulnérable de la com- Ensuite, viennent les asiatiques <61.000), venus des Indes pour la plupart et ayant en main le commerce local. Enfin, des Arabes (20.000) se sontétablis sur la côte (comme à Zanzibar toute proche), o~ bien vivent en nomades dans les grandesétendues désertiques du Nord (Gallas) ou de l'Est (Somalis). Les colons anglais se sont installés dans les hàutes terres autour de Nairobi. Ils étaient 32.000 en 1946. . -- LA SITUATION SANITAIRE des autochtones a toujours été, jusqu'à maintenant, nettement mauvaise. Comme dans la majeure partie de l'Afrique, les déficiences alimentaires constituent la maladie la plus répandue. Le fléau qui frappe bêtes et gens est la maladœe du sommeil dont l'agent vecteur est la mouche tsé-tsé. La lutte a été entreprise avec vigueur; d'abord par des moyens accessoires: destructIOn systématique des broussailles, barrières d'arbres pour limiter le déplacement des essaims; puis, par action directe contre les mouches: nuages insec ti- Le statut de la colonie et les institutions r • -~----- 1 -67 i i i ~ _ . binaison. Mais l'union douanière Ouganda-Kenya est déjà réalisée et le gouvernement britannique s'efforce d'équiper fébrilement la «Colonie blanche» qui, elle, est une base de départ sonde. ùn plan d'équipement est, en effet, nécessaire, car les possibilités économiques du pays sont limitées. La vie économique jusqu'en 1946 Si les ressources minières existent, l'agriculture n'en a pas moins formé, jusqu'à maintenant, la base de l'économie. Cet~eI agricuUure est conduite différemment par les indigènes ou par les colons européens. lies cultures indigènes ont, au Kenya, le même caractère qu'elles ont dans toute l'Afrique; menées avec de petits moyens, elles ont toujours un rendement faible : Le maïs pousse facilement pourvu que la région soit assez humide. On estime les espaces cultivés à 760.000 ha et seul le coût élevé des transports empêche de faire du maïs une grande culture d'exportation. Le millet est 'cultivé là où le terrain ne se prête pas 1\ la culture du maïs (plus de 400.000 ha). Le riz est en progrès dans les provtnces côtières et dans la région du Nyanza, mais une imPortation de riz reste nécessaire. Le sésame est suffisamment cultivé pour permettre une exportation qui était, avant-guerre, de 4.000 tonnes de graines et d'environ 400.000 litres d'huile. Les farineux (petits pois et haricots) poussent aussi bien sur la côte que dans les hautes terres et un certain courant d'exportation existe vers l'Afrique du Sud. L'élevage, enfin, est prospère, malgré les mé. faits de la mouche tsé-tsé. Le dernier recensement de 1946 donnait, a'u total, 330.000 bêtes à cornes, 297.000 moutons et 15.000 porcs, ce qui, outre la Viande, assure l'exportation des sous-produiTs suivants: cuir, 1.650 tonnes; laine, 660 tonnes; beurre et fromage, 1.300 tonnes. Ces quantités comprennent, sans distinction, la production indigène et celle des colons. Les cultures spécifiquement ~uropée;nll1es sont : Le blé, cultivé dans les hautes terres où il couvre environ 20.000 ha; sa culture est en constante extension; Le café qui couvre plus de 40.000 ha et permet une exportatiOl} moyenne de 15.000 tonnes ~ar an, ce qui, en valeur, le place nettement en tete nes eXPortations ,1.700.000 ;Il en 1943); I.e thé qui a rapidement progressé: de 420 tonnes en 1930 à 1.400 tonnes à la veille de la guerre. C'est, en valeur, la deuxième exportation au pays «585.000 ~), à égalité avec le sisal; . ~ sisal, plante textile, qui a .touj?ur~ été cultIvé au Kenya. En 1915, la productlOn mdlgène per- •• mettait une exportation de 1.600 tonnes. A la veille de la guerre, elle atteignait 34.700 tonnes (valeur, 585.000 ;Il 'en 1943); Le sucre qui est destiné à la consommation locale et ne donne lieu à aucune exportation. Le pyrêthe, enfin, qui est un monopole du Kenya; celui-ci compte, parmi ses principaux clients, les U.S.A. no.ooo lb en 1946) et l'U.R.S.S. (20.000). Les ressources minières. D'une façon générale, le sous-sol de l'Afrique Orientale est riche en métaux précieux ou rares, mais la prospection est encore incomplète, et les problèmes de transport sont encore difficilès à résoudre. L'or a d'abord éfé trouvé par des prospecteurs isolés dans le Sud du Kavirondo, puis, de riches dépôts fluviaux ont été découverts dans la région de Kakanéégo, en 1931. La région aurifère a alors é:é partagée en 5 districts, 2 étant réservés aux petites compagnies et aux prospecteurs privés, 3 aux grandes compagnies. Cette découverte a fait passer la production de 850 ,onces à 48.000. L'argent est également prospecté. La production est environ de 16.000 onces. Le sel est exploité: 15.000 tonnes en 1943. Le carbonate de! soude et la soudel naturelle sont exploités dans la région du lac Maga·di: 58.000 . tonnes en 1943 (valeur, 300.000 ;Il environ). L'industrie, mis à part le traitement de certains produits agricoles déjà signalés, est parfaitement inexistante. Le commerce est celui d'une coldtiie à sa phase initiale: exploitation des produits du sol, importation de l'équipement et des produits manufacturés. Le trlble'1u des valeürs déclarées en douane pour 1943 le prouve nettement: Exportation: Café SJsal . 1.720.988 ~ . 585.859 }} Thé . Cuirs-peaux . . Or Carbonate de soude . . . 585.319 483.906 479.422 312.773 Importation : Cotonnades . . Carburants . . Charbon Machines Camions, tracteurs Produits chimiques Pneus . . . . . . . 3.095.014 1.470.058 687.316 556.870 555.224 313.526 248.097 }} » }} » }} }} :! 1 '; » » » » » (aü-delà de 1943, les statistiques donnent les renseignements bloqués pour le Kenya et l'Ouganda, par suite de l'union douanière des deux territoires). Les Icommunications sont relativement simples, parce que peu développées : Les voioes navigabl<es sont inexistantes au Ke- --.11 ;& .... .. .. ~ . KENYA " , Q 58.'0 \ K\I.IMANDJARO ~o 100 150 ~;""--"::;=---.l.'_..l-.-_~I_ iSO K!' x' • •• r 4iC , 69 nya, en dehors des lacs qui permettent de bonnes relations avec les pays voisins: services de vedettes à vapeur sur les lacs Victoria, Kioga, Albert, et sur les tronçons navigables du Nil. A ce sùjet, il paraît utile de signaler au passage que la {( route du Cap au Caire» est, en réalité, :une suite de tronçons parcourus sur l'eau, puis-sur terre, avec tous les inconvénients que représentent ces transbordements. l,es routes ont été commencée& en 1905 pour relier entre (~ux les postes militaires <Fort-HallNairobi, par exemple). A l'heure a'Ctuelle, 1.312 kms sont des routes dans toute l'acception du terme et praticables en toute saison. En outre, le gouvernement entretient 15.000 kms <le très bonnes pistes Qui sont, elles, impraticables en période de grosses pluies. La qualité de ces pistes, en particulier de certains tronçons de la route du Cap au Caire par la Vallée du Nil, était telle ,que, pendant les hostilités, l'Armée Britannique a estimé préférable, après réfection de la. Great Northern ROlld rejoignant la Rhodésie à Nairobi, de construire une piste NaIrobi - Addis-Abbeba ~ MassoJa qui, dans ses parties difficiles, a utilisé le prIncipe des pistes aériennes (revêtement de plaques métalliques ou en Sommerfeld). L'F:thiopie ayant tendance ~J, passer maintenant sous influence américaine, l'avenir de cette route nOlivelk est incertain. Le future réseau routier du Kenya semble cependant devoir s'étoffer sur l'ossature suivante: 'u.ne dorsale Nord-Sud Addis-Abbcba-Nairobi-Rhodhésie, une transversale Mombassa-iNairobi-Eldol'et qui se divise alors en deux branches, l'une vers Stanleyville, j'autre vers Julo et Karthoum. Nairobi serait ainsi le grand carrefour de l'Est africain. l,es ,chemins de f'er comprennent une seule ligne principale à voie métrique (l m. 07) Mombassa-Kampala (1.414 kms) sur laquelle se raccordent . 4 tronçons ouverts à la l~jrC'ulation : Nakuri-Kisummo, 210 kms; Tororo-Soroti, 160 kms; IV. - et 1 tronçon privé: Konzo-Lake-Magadi, 146 kms (pour les usines de soude). Ces lignes ou plutôt cette ligne a un débit tout à fait insuffisant, même dans l'état actuel fie développement de la colonie, pour assurer l'accès à la mer des produits agricoles. C'est donc l"Jn des premiers problèmes à traiter sur le plan <le développement. Les ports sont de minuscules ports de pêche égrenés le long de la côte. Mombassa est le seul qui soit digne de ce nom. Il possède probablement la plus belle rade de tou.te la côte Est de l'Afrique, mais son équipement est, actuellement, tout à fait insuffisant et le débarquement de bull-dozers lourds, par exemple, a été une opération très compliquée... Les liaisons aériennes sont développées et Nairobi voit passer les avions de presque toutes les compagnies mondiales. Les liaisons local,es s.ont réalisées par l'East Afr'Ï~an Airwa'ys autour de Nairobi. Il est à noter que la R.A.F. assure une liaison régulière Londres-Nairobi, avec escale à El Ader, en Cyrénaïque. Les liaisons télégraphiqu,:!s et radiotélégraphiques sont assurées à l'intérii.eur. par 4.500 kms de lignes télégraphiques et téléphonIques; vers l'ext,érileur, par le câblyj 'Mombassa-Zanzibar et raccordement vers la Mer Rouge, par la Station radio de Nairobi, et par fil vers Le Cap. Tel est donc le pays sur lequel le Maréchal Montgomery a porté son choix pour en faire le siège du Qu.artier Général Impérial. Il ne fait pas de doute que l'avantage de la situation géographique ne pourra être exploité qu'au prix d'un développement considérable du pays. Tel est le but des plans en cours de réalisation. LES PLANS DE DÉVELOPPEMENT EN COURS Historique des plans coloniaux La conception actuelle d'après laqu~lle le ?ouvernement de Londres se propose d'onenter l evolutian économique <le certains territoires coloniaux est relativement nouvelle. Jusqu'en 1935, en effet, la métropole, n'interVenait que très indirectement da?s, l~ develop.!?elllent économique des colonies qUI etaI;nt c~nsee~ prendre sur leurs revenus les fonds necessaIres a leur équipement. Cette politique d.on?-ait des réSultats peu satisfaisants: des terntOIres p'auyres Ou peu étendus restaient incapables de s eqUlper ~ Voi-Kaho, 148 kms; Nairobi-Nanyuki, 224 kms, • et leur développement était entravé; lorsqU'un GOLlverneur essayait d'aller de l'avant, le budget se trouvait alors en déficit. C'est l'existence de ces déficits oui fit créer, par une loi de 1929, un Fonds <le dé"veloppemel1Jt colonial destiné à financer divers projets de développement économique. A la veille de la guerre, le Fonds avait fourni 5 M. de ;Il de, crédits pendant que le Trésor, <le son côté, comblait 12 M. de ;Il de déficit. Mais c'est le Livl1d blanc du 20 février 194C qui proclame le changement radical de la politi- -.i;"âi 70que britannique en matière de finances coloniales: désormais, le Trésor consacrera, chaque année, 5 M. de JJ à l'aide aux gouvernements coloniaux et 500.000 JJ a~x recherches coloniales et les gouvernements sont invités à préparer des programmes à longue échéance: «.. .la guerre pourra retarder l'exécution de ces plans, mais il est. essentiel, pour réaliser des progrès constructifs vastes et cohérents, de réfléchir sans perdre de temps aux programmes à appliquer. }} Et le Livre blanc concluait: « L'objet premier est d'accroître la prospérité et le bonheur des peuples de l'Empire Britannique.)} La loi elle-même fut votée en juillet 1940 (CoLonial Development amd Welfare Ac·t de 1940). , Dans la pratique, le démarrage fut assez lent: en 1941 et 1942, les sommes allo~ées ne dépassèrent pas 2 M. 1/2 de JJ, puis,malgré la guerre, l.es efforts pour la mise sur pied de projets étudiés commencèrent à porter leurs fruits et, pour l'année 1944, l'allocation globale se monta à 4 M. de JJ, principalement en' laveur de la Jamaïque et de la SierraLeone. Un nouveau pas fut franchi le 7 février 1945 lorsque le Ministre des Colonies (Colonel Stanley) présenta le projet de ce qui serait le Colonial Development and Welfare Act de 1945, loi qui accorde ~n crédit global de 120 M. de JJ réparti sur 10 ans, de 1946 à 1956. La ventilation de ce crédit par territoire a été donnée, en novembre 1945, par le successeur travailliste du Colonel Stanley, Ml'. George HaIi, qui a précisé dans sa note d'envoi qu'il s'agissait plutôt d'un ordre de grandeur que d'une véritablt répartition. Les 120 M. de JJ sont ainsi partagés: 23 M. 1/2 pour les projets centraux et recher'ches; 85 M. 1/2 pour les allocations aux divers territoires; 11 M. en réserve. . Sur ce total des allocations, rAfriq~e Orieutale était inscrite pour 16.250.000 JJ ainsi réparties: Allocation générale Tanganyika Kenya Ouganda Zanzibar Somalie . . . . . . 3.500.000 5.250.000 3.500.000 2.500.000 750.000 750.000 Le Tanganyika vient en tête: c'est un manrlat envers lequel la Grande~Bretagne veut se montrer généreuse pour mieux se l'attacher. Mais l'Importance de l'allocation générale permet de renforcer considérablement l'allocatiOn de tel ou tel territoire. De plus, à ces crédits, il faut ajouter les efforts des « Compagnies de Développement ColoniaI)} qui draînent d'importants capitaux privés et aussi les crédits militaires qui ne sont pas publiés. Le plan économique se double, en effet, d'un plan stratégique. Le plan économique Dans le domaine économique, le plan vise à améliorer l'homme et la production ~gricole, tout au moins dans un premier stade qui demandera déjà plusieurs années d'efforts. L'homme de ces régions est, nous l'avons vu, généralement mal portant et mal nourri, et son instruction est complètement à faire. 1. - La santé sera apportée par les grands projets du Service d'Hygiène qui, indépendamment de la lutte contre la mouche tsé-tsé ,déjà signalée, prévoient la lutte contre les diverses maladies par la création d'un Centre d'Hygiène dans chaque district indigène. Il comprendra un hôpital, des dispensaires et, au minimum, un .médecin, une infirmière et un inspecteur sanitaire, personnage entièrement nouveau dont le rôle serait d'incul-' quel' des principes d'Hygiène aux .indigènes et de les conseiller pour la construction de leurs demeures (il est prévu des maisonnettes standard pour remplacer les cases). A l'heure actuelle, les résultats atteints sont les suivants: Hôpitaux: 3 hôpitaux européens: Nairobi, Mombasa, Kisumu; 6 grands hôpitaux indigènes; 29 petits; Personnel européen: 54 médecins; 50 infirmières; 12 inspecteurs. 2. - L'instruction s'y pratique depuis longtemps, mais la plupart des écoles africaines sont gérées par does missions non subventionnées, qui, n'ayant que de faibles moyens, obtiennent des résultats variables; ces écoles sont l'énorme majorité (2.700 environ) c.ontre 46 établissements subventionnés (11 écoles européennes, 14 indiennes, 7 arabes ou somalies, 14 africaines seulement). Comme 'l'a souligné un rapport du major Orde Browne~ rédigé après une tournée officielle en Afrique Orientale pour y etudier les conditions de travail, ces écoles négligent à peu près complètement la formation technique et. professionnelle. Or, c'est dans cette voie qu'il faut désormais pousser l'indigène; tout reste à faire dans ce domaine. 3. - La nourriture en suffisance, l'indigène ne peut l'espérer que dans une augmentation de la production agricole, qui actuellement, lui permet dans bien des cas seulement de subsister. La prodUiction agricole a toujours tenu, au Kenya, la première place dans la vie économique. Le Gouverneur l'a rappelé dans son rapport général de 1946: ~ « La terre est le principal atout matériel du Kenya; elle burnit un moyen de subsistance i\ la grande masse de la population; c'est le fondement sur lequel doivent être établis la prospérité de la colonie ainsi que le bien-être et le progrès de toUS ses habitants. )} "" ---- 'C -- • --=- - - - - - - . . - . . . r, i 71 Mais la nouvelle destinée du pa,ys exige encore bien davantage. Aussi la prody,ction sera intensifiée par tous les moyens: amélioration des méthodes de culture in<ligène, lutte contre l'érosion, irrigation, intro/juction de cultures n.ouvelles. C'est ici le moment de mentionner le fameux plan des Arachidr.\s, financé et dirigé par la Colonial Development CorPOl"atian; il vise à faire, <les hautes terres du Kenya, l'une des premières régions productrices d'arachides du monde et a déjà nécessité des invesLis~emerits considérables pOJr l'achat <le machines agricoles ultra modernes. Les conditions de climat sont excellentes, certaines terres conviennent parfaitement; le plan paraît donc réalisable, bien qu'il ait déjà fait, à Londres, l'objet d'attaques très /jures en raison des sacrifices fiüancièrs qu'il exige pour des résultats que l'opinion ne considère Pas encore comme certains. TI semble bien exact que le plan se déroule plus lentement que prévu et que, par contre, les dépenses engagées ont, elles, largement dépassé les prévisions. Quoi quïl en 8,oit, la partie engagée est trop Importante pOJr qu'il soit question de reculer'. C'est toute la nouvelle conception stratégique hritannique qui est en jeu. LE ,'PLAN STRATEGIQUE est, en effet, la pièce maîtresse de la combinaison. Il a pour but rIe faire du Kenya le camp retranché de l'Empire, le centre de résistance éventuel et aussi le pivot de la Puissance of΀nsive. Pour atteindre ce but, deux moyens: un effort. colossal d'éqJipement et une politique de tache d'huile destinée à protéger la base principale par des « glacis» aussi étendus que possible. L'effort d'équipement est naturellement secret, mais cependant plusieurs articles de revues anglaises, <:lont celui dù capitaine Norman Macmillan (Aeronautics June 1948), mentionnent ouvertement le regroupement des Forces Aériennes Stratégiques en AfriqJe. D'autres revues (L'Air) ont signalé les travaux importants effectués sur les aérodromes de Nairobi et de Kisumu, allongement des pistes et modernisation de l'équipement ra<:lioélectrique en particulier. Jusqu'à maintenant l'effort principal semble Porter sur les bases aériennes, mais des études très Poussées sont menées en vue de la réalisation <:le routes et même d'une ligne de chemin do fer à voie 'normale, cette dernière en collaboration pl'us ou - !noins nette avec les représentants des intérêts américains. Enfin et bien oue sortant des limites du KenYa, il est intéressant de citer le projet de barrage <le l'Ouganda. Ce barrage hydro-électrique doit Utili.ser les chutes Owen sur le Nil blanc à sa sortie du lac Victoria-Nyanza. Quatre turbo-alternateurs de 15 kw ont été commandés en Grande-Bretagne en oct,obre 1948. Cest travaux sont l'amorce d'un Plan d'équipement hydro-électrique destiné à supPléer les autres sources d'énergie défaillantes. . .__.'."'drt La politique de tache d'huile. Le Kenya a été choisi parce que, entre autres qualités, il présentait celle d'être un territoire solidement attaché à la Couronne, mais cela ne si· gnifie nullement que le gouvernement de Sa Majesté a abandonné l'espoir d'arrondir rapidement ce « pré carré» qui a besoin d'être couvert, en particulier en direction du Nord et de l'Est. . Sa première ambition sera vraisemblablement de faire l'unité administrative des trois territoires: Kenya, Ouganda, Tanganyika (ce dernier est régulièrement favorisé de façon P. gagner l'adhésion certaIne des habitants). Pour y parvenir en accord avec les traités, les britanniques devront trouver le moyen de combattre les arguments des délégations russes quant à l'interprétation de la Charte <:les Nations Unies. Mais un deüxième projet, qui se réalisera peutêtre avant le premier, aJ moins en partie, consiste à faire passer sous influence britannique les territoires voisins qui ne font pas partie ct;] Commonwealth: La Somalie Italienne serait "lne grave menace pour le KenYa si elle pouvait servir de base à une puissance hostile. Un pacte avec l'Italie ne semble pas devoir ètre considéré comme une gar~ntie suffisante et Londres verrait d'un oeil beaucoup plus favorable une Soinalie libre... sous- influence anglaise. VEthiop,ie, joue, elle aJssi, u.n rôle primorrUal. Pour s'assurer la maîtrise de l'Ogaden, les Britanniques appuyeraient les revendications du Négus sur l'Erythrée, trouveraient ainsi, en lui, un fidèle allié qui pourrait difficilement leur refuser l'accès de la route MassaoJa~Addis-·Abbeba-Nairobi.Mais, ici, les Américains ont aussi leur mot à dire, et si leur pénétration est seulement le l'üt d'entreprises "« privées », ils n'en ont pas moins devancé leurs concurrents. Pour neutraliser l'Egypte, qui reste « le pomt faible de l'isthme africain », la Grande-Bretagne pousse le Soudan vers l'indépendance et elle compte proposer ft ]a 'Cyrénaïque cette même indépendance, d'ailleurs promise, pendant la guerre, aux SenoJssis et à leur chef Idriss tout disposé à devenir l'allié <:le son libérateur. Une solutiOn analogue moins absolue peut-être, serait envisagée pour la Tripolitaine. L'ensemble de ces visées politiques, si elles aboutissent, doivent permettre de couvrir largement le Kenya contre une attaque brusquée, qui, dans ces conditions, pourrait partir aJ plus près des aérodr<?mes de Palestine, si, comme on peut .le présumer, l'adversaire y disposait de terrains d'enva] ou de rampes de lancement. Dans quelle mesure ce plan grandiose, qui est un début de transposition, en Afrique, de ce que les Russes ont réalisé en Sibérie, a des "èbanëës de réussir, c'est la question que l'on peut se poser au moment de conclure. • ~ri/ -72- v. ESSAI DE CRITIQUE Pour tenter de juger objectivement ce plan, britannique, il faut d'abord bien souligner ce qu'il n'est pas, ou, du moins, ce qu'il n'est pas encore: il ne vise pas à faire du Kenya un centre industr~el analogJe àux gigantesques combinats soviétiques. Dans le plan britannique, les centres industriels serélnt périphériques: Canada, Afrique du Sud, Australie, Grande-Bretagne. Le Kenya doit devenir le cerveau de l'ensemble et aussi une base d'opération puissante. Ainsi circonscrit, le plan appelle deux remarques principales: - dans l',ordre matériel: .u exi&"e du temps; - dans lordre politique: il rencontrera des oppositions sérieuses. ~~ plan ex,ige du temps, Si la création d'une infrastructure aenenne peut être réalisée dans des délais relativement brefs, le plan d'équipement pose fi tout instant des problèmes difficiles, parfois presque insolubles. C'est le cas des transports terrestres: Un cas typique est l'acheminement des tracteurs spéciaux reçus pour défoncer les nouvelles terres à arachides: le-"lr déchargement à Mombassa a demandé plusIeurs semaines, il a fallu ensuite' les démonter partiellement pour les acheminer par chemin de fer, finalèment le délai de mise en œuvre s'est chiffré par un certain nombre de mois. Il en ressort que l'aménagement du port de Mombassa et d'une voie ferrée a;- grand débit sont absolument indispensables. Ce sont des, travaux de longue haleine. Et cela, le Gouvernement Britannique le sait bIen, et c'est l'une des raisons pour lesq:.1elles il est obligé de jouer actuellement la carte européenne. C'est aussi parce qu'il a d'autres projets en vue pour un avenir plus ou moins lointam que nous assistons à de nombreux à-co:.1ps dans la marche des négociatlOns entre les partenaires du Pacte de Bruxelles. Il n'est jamais simple de mener une politique du moment et une politique à vues lointaines qui aient des éléments contradictoires. C'est le cas de la Grande-Bretagne qui essaie de mener une politique d'urgence basée sur la c'ommunauté d'intérêts de l'Europe Occidentale et une politiqu~ d'avenir axée sur le splendide isolement, pratiqué cette fois à l'échelle du Commonwealth. Il est évident que cette double politique sera une source supplémentaire d'opposition internatio~e • Le plan suscitera des oppositions sérir-uses. Un rapide tour d'horizon fera apparaître les griefs de chacun: L'U,R.S,S. s'y opposera partout, à l'O.N,U., dans le Moyen-Orient, aux traités de paix, et, enfin et surtout, par l'intermédiaire des partis communistes locaux. Mais à cela rien d'l'tonnant: Londres ne pouvait rien attendre d'autre de son adversaire éventuel. Les U.S.A. ne tiennent peut-être pas tellement à soutenir .les revendications italiennes, mais, par contre, veulent absolument étabfir leJr ligne de communications vers les pétroles du Moyen-Orient et convoitent, eux aussi, les bonnes grâces du Négus, devenant ainsi concurrents de leur meilleull allié. N'iront-ils pas plus loin? La propagande faite par certaines missions pourrait faire présumer l'intention des américains de lancer un vaste mO:.1ve.ment d'indépendance des noirs... sous la protection de la bannière étoilée. La Fra.nce, de son côté, étant donnée sa position de puissance coloniale en Afrique, ne verra pas sans inquiétude l'indépendance accordée à des populations turbJlentes aux frontières de son Empire. L'Italie, enfin, sera rejetée dans le camp des mécontents, ce qui pourra suffire à modifier l'équilibre de la péninsule, et ce qui contrecarre la politique française d'entente économiq . .le avec sa sœur latine. Tout cela fait beaucoup d'obstacles. Finalement, et tout en admirant sans réserve le courage avec lequel le peuple britannique s emploie à reforger la force du Commonwealth, l'on peut se demander si le gouvernement n'a pas entrepris une tâche qui dépasse les possibilités 'actuelles de la nation, 0:.1 plus exactement de la communauté des nati.ons britanniques, une tâche au cours de laquelle la Grande-Bretagne s'opposera inévitablement à des puissances qui. iféfendent la même forme de civilisation qu'elle. Et même si ce projet aboutit, il est fort douteux que le nouvel empire puisse atteindre un potentiel comparable à celui des 'U.S.A. ou de l'U.R.S.S. Seul un bloc eurafricain pourrait équilibrer ces puissantes poussées antagonistes qui mettent la paix et, peut-être, la planète elle-même en danger. L'occasion a été manquée déjà une fois, et il serait stérile de rechercher qui eri est le plus res... ponsable. . A un moment où la conjoncture européenne semble favorable à un rapprochement franco-britannique réel, peut-être sËrait-il encore temps d'y songer. Janvier 1949. Capitaine CONREAUX --------- Chronique de l'Islam ~. . . . . . . . . . .. . - . . - • 'II, , . '. . . . ._ _--.liÊ··ki: -- _.~- -'. - - - -_ - .......r_ ~_ ESSAI D'INTRODUCTION A L'ÉTUDE DES CONFRERIES RELIGIEUSES ISLAMIQUES Leur rôle social et politique. Les possibi lités ~'adaptation dans l'évolution actuelle des idées, notamment en Afrique du Nord en ce qui concerne les Anciens Combattants. D EPUIS l'expansion islamique qui mena les Arabes de l'Hindus à la Loire, depuis les invasions turco-mongoles qui intensifièvent en Asie cette expansion, il est certain qUe les idées dans le monde musulman ont subi Une notable -évolution. Les Arabes, lors de cett.e expansion ne révélèrent pas véritablement un nationàlisme capable de conduire la «Nation Arabe» à la conquête du monde ou même à son org~anisation. _ i..<es pl'e.miers grands Khans mongols, par contre tentèl'ent. de créer et d'organiser « La Nation' Mongole » : Il est vrai qu'é.clectiques ces Nhans laissaient, dans l'Etat, une place égale à toutes les religions. Ce n'est. qu'assez tar:dl que les descendants de Gengis Khan o:ptèrent définitivement en Chine pour le bouddhisme, et que Tamerlan choisit l'Islam comme base de son action politico-religieuse. L'expansion arabe fut. en réamé celle d'une nouvelle religion dont tous les membres, cro~a~t en un Dieu unique, étaient égaux. Ils con.sI?eraient ceux qui pratiquaient une autre relIgIOD cOmme des vassaux et vouaient Jes païens à la conversion ou à la mort,. En fait, les peuples qui embras~èrent l'I~l~­ Ulisme conservèrent leur particularIsme et fmIrent par l'adapter à l'Islam dans lequel apparul'~nt rapidement, en même t~m:ps que d~s separatismes politiques, des dIssIdences .. relIgieuses telles que le Khareclljisme, le. Ch.YIsn: e , les sectes de toutes sortes des phIlosophIes t~lles que le Soufisme, qui' ensanglantèr~nt.e! dIvisèrent le monde musulman, rompant 1ur,llte primitive des empires Ommeyade et AbbassIde. Les 'l'ures ottomans, dans le monde occidental, essayèrent de réforme,r cette unité, mais en 1920 Moustafa Kemal pacha, en el'éant, la république d'Ankara, détruisit les derniers vestiges du Khalifat en tant que pouvoir spirituel et temporel unificateur possible du m'onde musulman. Actuellement, certains rêveurs aspirent à rétablir l'ancien Khalifat des Ommeyades; d'autl'es, plus réalistes, luttent pour le développement des états musulmans existant et pour la création de nouvelles républiques partout où les Musulmans sont en nombre suffisant. Il ne faut pourtant pas se tromper dans l'examen de ce bouillonnement, de cette effervescence, réels dans le Proche-Üirient, en Egypte et aux Indes; ils font naître, jusqu'en Afl'ique du Nord, chez certains intellectuels, le désir d'une autonomie de Iplus en plus grande. Il y a là un besoin inné dans le subconscient du Musulman, lequel n'a jamais pu abandonner, en vérité, l'idée de l'état théocratique. Cependant, si la religion islamique est nettement universelle et si elle représente un bien indestructible pour tous les Musulmans du monde, les particularismes locaux sont, du point. de vue polit.ique, une réalité qui s'oppose à l'unification possible du monde musulman. Et les confréries religieuses musulmanes représentent un test de ce postulat. Il Que sont donc les confréries religieuses musulmanes? Leur apparition puis leur évolution peuvent être expliquées comme ci-après, mais avant d'entl'eprendre cet exposé, il convient de souligner que l'Islam ne possède pas 'II ", ,~ ,1 -76 originellement de culte organisé. Son principe diominant étant l'égalité entre tous les hommes il est toutefois curi,eux de constater avec MM. Depont et Coppolani que «L'Islamisme a ~ vu se créer sous forme de castes, non seulement une sorte de clergé, mais encore des ordres religieux ». Le Coran avait ouvert un grand domaine à l'interprétation et aux contreverses qui aboutirent d'une part, au schisme opposant le Sunnisme (orthodoxie) au Chyisme (séparation), d'autre part à des divergences d'opinion dans le rite dJ'où sortirent les quahre sectes : hanafite, chaféite. malékite et hanbalite, dites secte!'=orthodoxes. Cependant, le mouvement philosophique né en Svrie et en Perse et aboutissant au Soufisme, avait développé le mysticisme dans la religion. Enfin, les érudits s'occupèrent activement de l'étude du « Livre révélé », source de toute science et de toute vérité : ce furent les oulémas. Les khalifes, à la fois souverains et pontifes, en arrivèrent à déléguer à ces oulémas leurs attributions sace/l'dotales et judiciaires. La foule elle-même était heureuse de s'adresser à ces interprètes die «la loi ». C'est ainsi que se forma et s'affirma une sorte de sacerrdoce qui, en grandissant entrava plus d'une fois, par la fetoua, l'action menée par les pouvoirs établis. (La fetoua est l'ordonnance sacrée qui donne aux actes du pouvoir politique la sanction religieuse conforme au Coran, et pail' conséquent obligatoire pour tous). La hiérarchie des oulémas, fort complexe, comprend toute une série de fonctionnaires : mufti, cadi, iman, répOndant aux besoins du cuIte et de la justice, vivant en principe sur les produits des « habous », biens de main-~orrte qui servent également à l'entretien dies établissements religieux. A la Mecque, le pouvoir religieux est exercé par le Grand Chérif à la nOm'ination duquel le « cheikh ul Islam », qui était, le Chef de la I181igion en Turquie, donnait son approbation. Depuis la disparition du khalifat ottoman, sa désignation reste litigieuse. Enfin, au sommet de la hiérarchie, le khalife est le chef suprême de la religion, mais en fait, le Sultan du IMaroc ,est par exemple considéré par ses sujets comme un l"halife. D'ailleurs, depuis la disparition du Sultanat ottoman, la question de la nomination d'un khalife reste posée. Enfin les Mozabites, ainsi que certaines peuplades d'Ambie et· d'Afrique Noire reconnaissent comme khalife \l'Iman de Marcate. Il semblerait, que l'organisation que nous . 0;/ '. venons d'esquisser dans ses grandes lignes. devrait détenir en pays musulman tous les ressorts de la société. « Il n'en est rien. La véritable force réside dans une puissance à côté, dans un monde mystérieux, tiil"ant son prestige incomparable d'un pouvoir autrement grand que celui dies oulémas, puisqu'il émane aux yeux des croyants, de. la Divinifé elle-même ». , (Depont et Coppolani). Ge monde est constitué par des associations secrètes, des ordres de «derouioh» des confréries mystiques, autrement dit pail' des « khouans» (frères) qui, répandus du Gange à l'Atlantique, s'opposent très souvent aux oulémas, et sont, en sous-main, les véritables moteurs de la société musulmane. Certains diront que cette conception a bien vieilli. Voire. La situation dans tous les cas a évolué. « La formation de ces diiverrses sociétés t'ire sa primitive oriRine de la tendance du musulman à l'association, tendance ayant, elle-même, pour source la croyance religieuse qui prescr'it ·en les mettant en commun, de faire profite~ ses frères des biens que Dieu a donnés» (Depont et Coppolani). Il est inutile d'insist.er pour montrer qu'il y a là une véritable f,ormation sociale qui prépare les musulmans a~ous les développements actuels d'entr'aide SOCIale. Peu à peu ces sociétés se sont créé~s,. ~nt grandi et, en se m.ultipliant, se sont subdIVIsees en de nombreux rrumeaux qui sont apparus sous la forme de conf,réries, organisations d'ailleurs en .contradiÏction avec la parole du Prophète : « La Rahbaniîeta fi el Islam », « pas de vie monacale dans l'Islam' ». Et c'est pourquoi le pl us souvent, les confréries s'opposent aux oulémas, gardiens de l'orthodoxie. Or, la mystique musulmane, en dehors d~s Soufis dont ce n'est pas ici le lieu de définIr les diverses doctrines, comprend encore deux personnages : le «derouich» et le «chérif ». Le derouich est cet illuminé qui parcourt villes et campagnes, et qui passe pour recevoir, sans épreuves, la particule divine. Ail'rivé. d'un seul coup, et sans même qu'il s'en doute, à la sublimité du mysticisme, cet élu de Dieu est , partout vénéré. Le Chérif, de noblesse religieuse autjhentique puisqu'il desoend de la fille, du Prophète, est ce Musulman dont les prières, les bonnes œuvres et la vie ont fait également un vase d'élection; il a le privilège de voir Dieu et· le pouvoir d'opéil'er des miracles. C'est le chérif, devenu le «marabout» en Afrique du Nord, qui a joUé un si grandi rôl~ dans la vie politique du Maghreb. C'est lui qUI a préparé la conscience du Berbère à la péné- '.~. ',' " _ --...... -- -_ ... - --- 441 -,77 tration des confréries religieuses, lui a permis de développer sous Je manteau islamique son particularisme ancestral. Mais ces confréries ont contraint le plus souvent, ce marabout à abdiquer son indépendance pour s'affilier à eUes, de telle sorte qu'il n'existe presque plus aujourd'hui de marabouts indépendants, Cependant, ces hommes dont la descendance et la clientèle ont formé ce que nous appelons la tribu maraboutique, ont laissé dans la masse simpliste un tel souvenir de leurs œuvres, une telle reconnaissance de leurs bienfaits, une telle empreinte, que le nom de «marabout» fut Consell'vé à tous ceux qui se vouent à la vie mystique et contemplati~e, Ces personnages, sauf le derouich qui mène la vie errante, vivent généralement dans une « zaouîa », établissement qui tient' à la fois de la chapelle, .du couvent, de l'école et de J'auherge. Les pays d'Islam sont parsèmés de zaouias (tekié en Turquie), qui renferment généralement le tombeau d'un Saint. Ce culte, théologiquement contraire aux préceptes du Coran qui n'admet pas d'intermédiaire entre l'homme et Dieu, est cependant très populaire. ;, Il a comme principe la soumission aveugle de l'affilié au maître de la confrérie, au « cheikh» (maître spirituel). Ce cheikh est l~' délégué de Dieu sur la teI'l'e et la soumission des affiliés, des khouans (frères) est telle qu'ils sont «son bien et sa chose ». Il est facile de déduire pourquoi, les ordres religieux s'étant mulipliés à l'excès, la vie de la masse musulmane est toute ent'ière sous leur dlépendance. Ce sont leurs chefs qui, en réalité, dirigent les populations, soulèvent ou apaisent à leur volonté les khouans. La propagation de l'Islam en Afrique Noire est pour beaucoup le fait de ces khouans qui ont donné à l'islamisme Un renouveau de vitalité mystique. Ne voit-on Pas à l'heure actuelle les Ahmadia par exemple lancer aux Indes et en Afrique Noire le concept d'une fusion de l'Islam et du Christianisme, rejoignant en cela les Caodaïstes d'Indo-Chine qui irecherchent la fusion de ces deux religions et du Bouddhisme? Ne sait-on pas en Chine la tendance du Chen-Si et du Kan-Su à la formation d'un état autonome musulman? Ne connait-on pas l'action des Qadrin avec leur M~hdi au Soudan anglo-égyptien, avec le.ur ~opUl au Maroc celle des Senoussia de la ChIlle a 1Atlantique 'celle des Rajhmania et des Tidjania, tantôt favorables tantôt contraires à l'influence française ? Souv~nons-nous enc.ore q~e l\;f,essaJi, chef du P.P.A. Algérien fut, Jusqu a l age d~ dix-huit ans élève de la zaouïa des Derquoua a 'l'lemcen. ' Certes , l'idée de l'état théocratique fait il'êver nombre d'oulémas et d'intellectuels à la reconstitution du khalifat, mais il est hors de doute que les confréries représentent en fait des états dans l'état, reflètent le plus souvent des idées particularistes. Il est donc facile de comprendre de quel poids les confréries religieuses peuvent peser sur la politique d'un pays. Il est nécessaire de les connaître pour, selon la formule de Lyautey : «Savoir pour prévoir afin de pouvoir ». En Afrique du Nord, si l'on admet le concept précité il convient de différrncier les confiréries religieuses selon leur origine, purement arabe ou bien berbère. Il est à noter qu'en de nomhreux cas, certaines confrérips s'orientent de plus en plus vers des organisations réalistes et pratiques du noint de vue économique et commercial, nH1Îs il est nl'ohable rru'pn nolitique générale les confréries pUrpmf'l1t arabes auront Lendance à regardpl' vers l'Oripnt arabe, alors rrl]{~, celles plliPel1lp nt' }lerbèrps, auront plutôt tendance à soutenir les intérèts lOCAUX. Il suffH d'pl,udier l'hisfoirp nour s'pn convaincrt). Nous nourrons donc conelurp que Ips confréries religieuses islamiques· ont joué un rôle primordial dans le passé et que vraisemblablement elles seront encore appelées à jouer un irôle important. Les intellectuels musulmans, les évolUés, peuvent se targuer de leur instruction à l'européenne; il sera difficile de modifier rapidement et complètement le subconscient de la masse musulmane. Les apparences ne doivent pas cacher la vérité. De toute façon reste le besoin d'association, inné chez les Musulmans. T--ies ordres fondamentaux sont au nombre de cinq : les «qadrin» aux doctrines humanitaires, les «khelouatia» comtemplatifs et extatiques, les «chedelia» spiritualistes, les «naqechabendia» éclectiques, les « saharaouardia » aux doctrines proches du panthéisme. Ces ordres fondamentaux ont donné naissance à des subdivisions Imultiples ; les Unes se continuenf, d'aul!l'es ont. disparu, d'autres enfin peuvent à nouveau surgir. En Algérie les subdivisions les plus connues sont: les Rahmania (138.100 adeptes), les Derqaoua (27.300), les Taybia (27.300), les Chad8. lin, (20.800), les Qadria (15.400), les Tidjamn (10.600), les Benalioua (8.000), les Aïssaoua (3.500), les Ammarja (3.000). Le recensement total d'avril 1930 donna.it en Algérie un chiffre approximatif de 250.000 khouans pour les t.er!l'itoires du Nord, et de 195.000 pour les territoires du Sud. En vain, oulémas et marabouts ont lutté pour reprendre leur autorité, en vain le Wahabisme cherche à ramener l'Islam à sa pureté ,1 ," -- =--~ -~..,..- --~"""-"':' - - ~~,..,~.~-~ - ~~-=- -~ ~_. - ~~. ~ -78 primitive, en vain le Babisme apporta en Orient ses réformes sévères et ses théories libérales; le mysticisme des confréries est entré dans le subconscient de la masse musulmane dont le besoin d'association reste aussi grand que jadis. Et il faut bien le reconnaître, les confréries plus ou moins souterraines, ont pris une influence de plus en plus grande à mesure que d1isparaissaient les grandes familles, premiers intennédiaires' entre les Musulmans el, nous. Le khouan, toujours craintif et obéissant, vit au milieu de nous dans une espèce de compromis entre le désir et la crainte, dans un temps de transition,en un complexe d'inquiétude sur la marche des événements. -Il est déterminé d'ailleurs à se ranger du côté du plus fort, à condition qu'il soit convaincu de cette force. L'autorité est certes beaucoup, mais à notre avis, ce n'est que par une action sociale profonde et bien comprise que nous arriverons à pénétrer réellement la masse musulmane, naturellement en respectant complètement sa religion. . Il sera d'ailleurs très difficile et certainement très long d'arriver en terre d'Islam, à une conception séparant non seulement l'Eglise de l'Etat, mais encore le religieux du temporel. Quoique les confréries aient vu apparemment diminuer leur influence, elles n'en continuent pas moins à exister, tellement fut grande leur empreinte sur la masse. Les négliger serait une faute. III C'est que les confréries religieuses ont eu non seulement un rôle politique, mais encore, elles ont rempli dans. le passé un rôle social des plus importants. Depuis l'expansion islamique, dans la précarité de la sécurité et des transports, dans le besoin de trouver çà et là des hàvres de paix, les zaouia, chapelles et .auberges ont servi aux afflliés de centres de groupement, de refuges, d'entrepôts pour le transit des marchandises. Cette situation fit que le Chef (moqaddem) de la zaouia, déjà collecteur des dîmes, et trésorier de la confrérie, a pris de plus en plus une influence économique. D'autre part, ·ces derniers temps, depuis 1919 notamment, le spirituel et le temporel se sont, encore plus que par le passé, intimement unis dians les confré,ries, en vue de l'exploitation de l'un par l'autre. C'esl, ainsi que ces associations s'éloignent de plus en plus du mysticisme originel pour devenir des coalitions d'intérêts, en même temps que leurs dirigeants s'efforcent de donner à leur politique l'aspect d'un conservatisme avisé et prudent. Les confréries qui étaient à l'origine de véritables associations d'entr'aide mutuelle, sont deVienues beaucoup plus réalistes et pratiques dans le diéveloppement de leurs intérêts personnels. C'est ainsi que nous voyons par exemple les Ticljania du Sud-Constantinois prospérer dans le con1'lnerce des dattes .et les Mourides d'AhmadOll Bamba au Sénégal devenir une véritable société commerciale. L'entr'aide continue toutefois il se manifester,· et nous voyons par exemple à Tombouctou les circoncis de la même année se soutenir mutuellement durant leur vie et se réunir pour construire la m'aison des jeunes mariés, au moment de l'union de l'un (V'entre eux. Il n'en reste pas moins vrai que la zaouia reste le centire de l'action sociale, non seulement chez les affiliés, mais encore chez les habitants de la région dans laquelle elle est située. Rappelons d'ailleurs que le marabout local peut encore avoir une gros1se influence pour faire pénétrer les idées dans la masse et qu'en tout cas son opposition ,.pourra être néfaste. IV Il est à considérer de quelle manière nous pouvons influencer les confréries religieuses Inusulmanes. Il est assez délicat de fournir des précisions à ce sujet. Rappelons tout d'abord que la confrérie, cl'origine assez récente en Afrique du Nord, s'est toujours heurtée au maraboutisme local avec lequel elle a fini le plus souvent par se confondre. Ces marabouts, investis de la baraka héréditaire, ont un prestige personnel que leurs descendants n'ont pas toujours. De là vient parfois la décroissance rapide ou la stagnation d'un ordre, l'apparition d'une nouvelle subdivision quand surgit un personnage sachant attirer la mass1e. Rappelons encore que les confréries et le maraboutisme s'opposent le plus! souvent aux oulémas, défenseurs de la pure orthodoxie. Souvenons-nous aussi que dans les milieux int-ellectuels musulmans, il existe depuis quelques années, une hostilité sans cesse croissante entre les confréries religieu' ses : et cela est vrai pour le monde islamique tout entier. Confréries et IMaraboutisme sont. aux yeux des étudiants issus tant de nos médersas que des universités d'Al Ahgar et de Djemaa Zitouna, des végétations parasitaires que la jeunesse cultivée ambitionne d'éloigner du véritable Islam. Ajoutons qu'il est très difflcile à des Européens d'origine d'aborder la question des confréries avec des Musulmans. Ces derniers ont une espèce de honte à en parler. La vérité est donc difflcile à connaître, et Ilgir à ce sujet risquerait d'aller à l'encontre du but poursuivi. .' ~ '... _~_.".'., - 19 Comment donc agir sur les confréries religieuses au mieux des intérêts français ? MM. Depont et Coppolani avaient proposé Bn 18m un programme d'action pouvant être résumé dans les conclusions générales suivantes : 1 ° - « Rapports avec les confréries sans distinction de doctrines en vue de les placer sous notre tutelle et de faire de leurs dirigeants des imans non rétribués. 2° - « Rapports avec la masse indigène et pénétration des esprits en opérant une sorte de main-mise sur les zaouias existantes et en tolérant, partout où le besoin s'en fait sentir, la .construction d'établissements similaires, afin de les réunir progressivement au domaine de l'Etat et, de leur restituer leur triple caractère de culte, d'instruction el de bienfaisance. 30 - « Mise en œuvre de l'action des confréries religieuses qui ont des ramifications à l'extérieur, pour le rétablissement de nos relations politiques et commerciales avec le Soudan orientâl et occidental et la pé'nétration de nos idées civilisatrices dans les autres pays de l'Islam ». MM. Depopt et Coppolani ajoutaient que l'œuvre à entireprendre serait longue et laborieuse. L'on sait de quelle manière Coppolani plus tard, mena son œuvre pacificatrice en Mauritanie où il trouva d'ailleurs la mort, et comment agit son beau-frère, le Colonel Bremond, d'abord chargé de mission au Hedjaz, puis Haut-Commissai,re en Arménie et en Cilicie. Il est certain que depuis 1897 les temps ont changé. Les Musulmans d'Algérie sont devenus citoyens français; ils ont des représentants élus à ,l'Assembliée Nationale et à l'Assemblée de l'Union Française. Une Assemblée Algérienne a vu le jour. Dans tous les pays musulmans, des réactions violentes se sont produites à la suite des dernières guerres mondiales; les quatorze points du Président Wilson et la Chartre de l'Atlantj~ Que, ont fait réagir les intellectuels, suivi~ ~a:­ fois par la masse, contre les occupants d orIgIne européenne pour l'obtentic)ll de d.roits politiqUes et 'de .plus de liberté. Notre rôle actuel est de m'ett,re au point' le fédérâlisme de l'Union française afin de constituer un tout cohérent ét harmonieux bien français dans ses tendances générales. Afin de remplir au mieux cette mission: il faut bien reconnaître que, dans cette actIOn particuliè;re, les confréries religieuses nord-afti..: cain es constituent encore des forces avec lesquelles nous devons compter. Si, pour la nIupart elles semblent avoir abouti à un équilibre stable, nous ne devons Das pour autant sousestimer leur influence, sans exagérer cependant leurs possibilités. Et notre conclusion sera qu'il convient de suivre leur activité danSi le domaine politique et social, et de tirer parti de l'esprit d'association des Musulmans, de leur besoin inné de solidarité, enfin de proqter de l'existence des zaouias au plus grand bénéfice de notre influence profonde. V Or, il existe une véritahle confrérie nouvelle chez les Musulmans français : c'est celle des Anciens Combattants el. anciens militaires en général. Tous ceux qui ont servi dans l'armée ont gardé une discipline et une foi en la France toujours vivace malgré les aigreurs et les désappointements chis< aux situations matérielles d'après-guerre. Les décorations, nensions et retraites sont d'ailleurs un lien matériel entre eux ct la Métropole. Ajoutons que nomhre d'entre eux ont servi ouhremer. ont même contrihué à l'occupation des territoires ennemis : leur contact avec diverses populations européennes et asiatiques a certainement contribué à la formation d'un esprit différent de celui qu'ils auraient eu s'ils avaient uniquement conse.rvé l'antique formation tribale. Notons au passage qu'à Guelma les Ammaria on cherché à grouper surtout les anciens soldats. Dans cette nouvelle confrérie, les zaouias même existent : ce sont les «cliar el askri» (maisons du soldat) des «Amitiés Africaines ». Avant la derniè,re guerre mondiale, les Amitiés Africaines, créées par le Maréchal Franchet d'Esperey avaient pour but d'assurer ft la libération du service militaire, la liaison entre l'ancien et son régiment. Cet t e mission était facilitée pail' le fait que les régiments nord-africains avaient une portion centrale stable, une zone de recrutement déterminée. Les libérés, engagés le plus souvent dans le régiment du père, du frère ou de l'oncle, revenaient dans la zone de recrutement qui était en même temps leur züne d'habitat. La liaison était ainsi facile entre eux et le régiment; celui-ci pouvait sans grande difficult.é les suivre, les conseiller, les aider. Ce régime était facilité par le fait qu'à ce moment, il n'était pas question des familles pour diverses ;raisons. Or, à l'heure présente, en raison de l'évolu, .tionâct.uelle, les anciens soldats musulmans ont lès même droits et devoirs que les anciens soldais d'origine française. Les familles musulma-nes plus évoluées remontent au grand jour et ;réclament les mêmes privilèges sociaux que les familles européennes. D'autre part l'organisation militaire actuelle ne donn~ plus aux ,régiments les mêmes privilèges et fâcilités qu'autrefois. Dans c~s ?onditions, pour remplir efficacement leur mISSIOn, les Amitiés Africaines doivent se réserver, si elles veulent faire de ; iî2 .-ïËe -80leurs diar-el-askri des centres d'attraction pour les anciens militaires musulmans et leurs familles. Le Dar-el-askri peut devenir pour la nouvelle confrérie une véritable zaouia et prendre pour ses membres le double caract.ère d'un centre d'instruction prodiguant conseils et renseignements de toute nature. Déjà, la Direction de la Santé publique au Gouvernement Général lance dans le bled des camions médicaux à l'usage des ruraux. Ne serait-il pas possible que ces postes médicaux mobiles fréquentent à date fixe les diar-el-askri, attirant la clientèle des anciens soldats, de leurs familles et. de celles des militaires sous les drapeaux. Il y aurait là un moyen de pénétration remait'quable chez nos anciens soldats, moyen qui contribuerait à les réunir dans! cette grande confrérie qui existe en fait mais qu'il convient de réaliser ouvertement et efficacement. Ces stations médicales. pourraient être accompagnées suivant le cas pal' des agents du Service Social des Armées, de la Croix Rouge, de l'Entr'aide française, de la Fédération des Anciens Combattants, qui subviendraient à tous les besoins moraux et sociaux et feraient des diar-el-askri ou des établissements similaires, des zaouias, chères aux Musulmans. La Direction des Anciens Combattants au Gouvernement Général songereait, paraît-il, à installer dans les diar.el-askri des organismes chargés de mettre à jour les dossiers de retrai· tes et de pensions. Ce serait une utile manifestation dans le sens' que nous préconisons. En étant tout à fait objectif et nullement sectaire, constatons que l'ancienne Légion des Combattants de l'Etat de Vichy avait beaucoup plu à nos Musulmans par son organisation, ses défilés spectaculaires, et que pendant la cam,pagne de Tunisie, les anciens soldats du Cons- tantinois groupés aut.our des gendarmeries et des diar-el-askri ont largement contribué à la surveillance et à la sécurité du territoire. Les défilés du 11 novembre 1948, pal' l'afflux des anciens combattants musulmans ont bien montré qu'il existait· là une association réelle, une nouvelle confrérie à laque~lle ne manquent que des directives pour qu'elle de· vienne un groupement engagé de façon dura· ble dans la voie française. A l'heure actuelle, le Gouvernement de la République et le Gouvernement Général de l'Algérie ont intérêt à développer l'esprit d'union chez nos camarades, anciens combattants musulmans. Un grand pas a déjà été franchi le 11 novembre dernier; il s'agit de continuer l'effort. Et puisque l'esprit mystique d'association, l'esprit de confrérie existe chez nos 'Musulmans, pourquoi ne Ipas satisfaire ce~t~ tendance en développant la nouvelle confrerIe des anciens soldats autour des diar-el-askri, zaouias toutes désignées des concrétisations nouvelles. Rien n'empêcherait les autres corporations d'agir de même et nous aurions ainsi, non pas des syndicats, mais des associations unies pour l'entr'aide mutuelle dans le sein de l'Union Française. Au Maroc et en Tunisie, la question est plus délicate en raison de l'existence des protectorats, mais les réserves militaires sont uniquement du ressort de la France; les pensions et retraites sont payées par la France. Une association des anciens soldats peut ainsi exister sans r.éaction grave de la ,part des COUl'S chérifienne et tunisienne. A l '~.eure actuelle, cette réalisation serait en tout cas une œuvre humaine et bien française. Alger, 17 novembre 1948. Le Général P. J. ANDRE (C.R.) LE PROBLÈME MUSULMAN en U. R. S. S. 1. - Inhoduction Depuis l'énoncé des immortels principes de 1789 jusqu'à la proclamation de la Charte de l'Atlantique en passant par la déclaration du Président \Vilson affirmant, à la fin de la première guerre mondiale que les peuples devaient pouvoir disposer d'eux - mêmes, les idées de démocratie et d"indépendance n'ont cessé de se répandre à travers le monde. Les facilités et la rapidité sans cesse accrues des déplacements et des communications, d'une part, les progrès de la Radio et de la P.resse d'autre part, ont favorisé et accéléré la pénétration de ces idéologies nouvelles jusqu'au sein des peuples et des groupements éthniques les moins évolués, quelles que soient leur situation géographique et leur dispersion à la surface du globe. Le Monde musulman, groupant quelque 300 millions d'individus, répartis du Pacifique à l'Atlantique et de la pointe de l'Arabie aux lisières méridionales de la Sibérie, n'est pas resté étranger à cette évolution, et la fin de la deuxième guerre mondiale l'a trouvé en pleine fermentation. L'activité de la Ligue 'Arabe, la naissance et le développement des nationalismes NordAfricains, les efforts couronnés de succès développés par l'Egypte, la Syrie, le Liban et le Pakistan en vue d'obtenir leur indépendance, le conflit. Hollando-Indonésien et la lutte judéoarabe en Palestine, sont autant de manifestations des nouvelles aspirations du Monde Islamique. Ces événements Gui iNtéressent au Dl'emier chef les nations occidentales puisqu'ils ont affecté leurs zones d'influence, sont généralement connus du publie. Mais celui-ci a tendance à.oublier que près de 30 millions?e Musulmans vIvent en U.R.S.s. et qu'ils representent 10 % du Monde Islamique et 15 % de la population totale de la Russie sioviélique. , ~..Ja reprise du pélerinage à la Mecque, aulorisee ~n 1~45 par le gouvernement soviétique, la n?mmatlOn ~e Musulmans pratiquants à cerl~ms pos~e,s dIplomatiques et la présence de plusIeurs delegatlOns musulmanes soviétiques il la Conférence Panasiatique de New-Delhi en 1947 ont rappelé au gmnd public, l'existence de ce monde oublié. Or, si cette masse islamique est soumise à un ~égime politique et économique différent de celUI des autres adeptes du Prophète, elle leur resrle unie par les biens de l'esprit: l'Islam tout enlie)' reste fidèle il ses traditions religieuses et culturelle? et s'intéresse à tout ce qui concerne une partIe quelconque du monde musulman. Au travers du rideau de fer l'osmose spirituelle est inévitable : la Russ\ie Soviétique le sait 'et comprend l'avantage qu'elle peut en tirer en la dirigeant il son profit; il s'agit pour cela de faire de l'Islam Soviétique le pôle d'attraction des peuples m'usulmans du Proche et du \MoyenOrient. Le succès· de l'entreprise dépend en dernière analyse de la compatibilité, entre la Religion musulmane et cette autre religion qu'est l'idéologie communiste. * ** L'o,~ se p~o,pose ici de do~mer un bref aperçu de 1 evolutlOn de la questIon musulmane en U.R.S.S. et d'étudier les m-éthodes appliquées par le Gouvernement soviétique en vue de l'assimilation des musulmans et de l'utilisation du puissant instrument d'influence qu'ils représentent. ,(1 5~ ri; -82i' 2. - Pénét'ration dei l'isiam en Russie L'Islam, né en Arabie en 6.22 de notre ère, s'est rapidement propagé dans le Proche et le Moyen-Orient et dès le début du VIII" siècle, il f~anchissailles fronW'res de l'actuel tenitoire russe. Son expansion sur ce territoire devait se poursuivre jusqu'au XIX· siècle et aboutir à la siluation d'aujourd'hui, dans laquelle les Musulmans occupent : le Caucase (1), le Turkestan Russe (2), la RènubliquB Socialiste Soviètique du KazElkhstfln (3), 1ft Région de KazanOufa (4) et la Crimée P'1 Russie d'Europe. 1 * ** La .pénétration de l'Islam en territoire russe s'est. effeduée par deux voies bien .distinctes : l'Iran el le Turkeslan d'une part, la Volga d'autre part: a) Au VII' siècle, le Turkestan Russe, placé ElU cane four des l'outes reliant le Proche Orient Byzantin à la Chine et la Baltique à l'Inde élait le cenlre d'une brillante civilisation, gréco-iranienne de forme et bouddhiste de religion. Dès l'an 705 une première armée arabe y pénétrait; elle en était chassée en 728 mais en 751, une nouvelle armée conquéJrait le pays. Dès lors le bouddhisme faisait place à l'Islam, qui se superposait à la culture iranienne. En 875, une dynastie indigène tadjike chasse les vicerois arabes; au XI" siècle, elle cède à son tour la place aux nomades turcs qui p,ériodiquement submergent le pays. Dès lors l'influence turque prédomine, la culture iranienne cède le pas à une nouvelle culture turco-arabe et du point de vue religieux le Turkestan devient l'un des centres culturels musulmans les plus import.ants au monde et il gardera. cette position privilégiée jusqu'à nos jours\' Il fut notamment le point de départ des missionnaires qui, petit à petit, conve.rtirent à l'Islam les populations de l'aeluel Kazakjhstan. b) Dès l'an 20 de l'ère musulmane (5), une armée arabe pénètre en Transcaucasie, occupe et convm'tit à l'Islam le royaume Irano-Turc de Chirvan (6) qui devait rest,er à t'ravers les âges un fove,r de culture islamique et une base de pénétr'ation vers la Russie d'Europe. A partir du IXe siècle en effet, les marchands arabes, utilisant cette voie atteignent le cours de la. Volga et le remontent jusqu'à son confluent avec la Kama. Là s'étend le royaum'e de la « Grande-Bulgarie» qui eSlt converti à l'Islam au X" siècle. Dès lors se créait, en pleine Russie d'Europe, un centre de culture musulmane qui ne devait pas périr malgré, la destruc-. tion du royaume bulgare par les Mongols. En effet, de 1219 à 1258, les hordes TurcoMongoles sous les ordres de Gengis K~hn et de ses successeurs submergent l'Asie Centrale, la Russie d'Europe et le Moyen-Orient. En Russie tous les tenritoires convertis à l'Islam sont occupés, mais placés au contact d'une civilisation supérieure, les Mongols païens, ne la détruisent pas : ils se convertissent à leur tour et l'Islam Russe sort grandi de cette terrible épreuve, enrichi notamment de la notion de discipline et de celle de fraternité panturque qui lui faisaient toLalem'ent défaut. L'empire Mongol fut constitué en dmlX Khanats autonomes., vassaux théoriques du grand KhAn Mongol : Le Khanat (~e Qiptc.hak ou «Horde d'Or» olli s'étendAit sur toute lEl Russie Méridionale pt Centrale jusqu'au DanUbe et aux frontières de la Pologne. Le Khanat de Djagataï qui comprenait' toute l'Asie Centrale des Monts Altaï à la Caspienne et de l'Oural au Pamir. Le premier eût à soutenir des luttes incessantes contre ses vassaux russes; très affaibli, il se divisait au XV· siècle en plusieurs Khanats autonomes : Le Khamat (j)e Criiffiiée, qui s'étendait d'abOit'd des frontières de la Pologne à la plaine du Kouban, devait perdre successivement toutes ses possessions continentales et être finalement annexé par la Russie en 1783, Le Khanat de Kazan, sur l'emplacement de l'ancien royaume de la grande Bulgarie. Il devait être annexé à la Russie en 1552 par les Armées d 'Ivan-le-Terrible. Dans le Khanat de Djagataï, la domination tMongole fut plus nominale que réelle; les tribus turkm'enes notamment luttèrent ,plus d'un (1) La R.S.S. cl'Azerbeidjan, la R.S. Autonome de Nakltchevan en Arménie, les R.S. Autonomes du Daghestan, de l'Ossetie clu Nord, rie Kabarda et d'Abkhazie, les Régions AUtonomes d'Ossetie du Sucl, cl' Acligues et cles Tcherkesses. (2) R.S.S. cl'Uzbekistan, du Turkmenistan, du Tadjikistan et de ·la Kirghizie. (3) Immense territoire qui s'étend de la Volga aux frontières ·de Chine et de Mongo.lie d'une part, de 'la Sibérie à la Mer Caspienne, à la Mer d'Aral et au laC Baïkal d'autre part. (4) R. S. Autonomes de Tatarie, de Bachkirie. des oudmourtes does Mariis, des Tchouvaches. (5) 642 de notre ère. (6) l'actuel AcJzerbeicJjan Russe. ~ ~ '::' """-J t :3 tG ~ t.) ~ ~ ~ ~ ~ .1 ~~ 1 ;~ ~V) ~V) cz::~ uR:: f-.,: ~ E3 '.) ~ ~ ~ V') ~ '. ~ ~ ~ s:: QI ~. ~ ~ 0 ~ V ",, ,, \ If 1 1 • im n 84siècle pour la suprématie; unifiées par un turc natif de Samarkand nommé Tam,erlan, elles formèJf'ent un empire immense (1) qui, à la mort de son fondateur, se retrécit, à l'échelle du Turkestan actuel. A la fin du XV' siècle, profitant de la décadence politique de l'Empire de Tamerlan, les Uzbeks de la Sibérie Centrale, déjà musulmans, 3. - a) La prise de Kazan en 1552 marque le déhll! de l'ère des conquêtes qui devaient se poursuivre sans interruption jusqu'à l'époque moderne. h) En 1774, c'est l'annexion des anciennes possessions tu,rques du littoral de la Mer d'Azov et du Caucase SeptPlltrionai. En 1783 c'est l'annexion du Khanat de Crimée qui ouvre à la colonisation russe les steppes du bas Dniepr. En quelques décades~outes ces régions sont entièrement colonisées : les nomades Mahométans en sont chassés et il ne subsiste plus qu'un noyau musulman tatar sédentaire en Crimée. c) De n32 à 1864 la Russie intervient au Caucase dont elle protège, souvent sur leuirs ,L~s A la mort de son fondateur, cet empire se divise à son tour en trois principautés rivales et à la fin du XIXe siècle le Monde Islamique de l'Asie Centrale, en pleine décadence politique était prêt pOUir subir la dominaLion russe. Conquête Russe Bien que cela puisse paraître paradoxal, en Orient, la Russie ne fit jamais que des guerres défensives et c'est pour protéger les populations sédentaires chrétiennes des' razzias des nomades mahométans que les koupes russes furent amenées peu à peu jusqu'aux frontières de la Turquie, de l'Iran et de la Chine. 4. - arrivent SUif le Syr DEtriâ-et fondent l'Empire Uzbek qui ènglobait le Turkestan et le Khorassam. demandes, les populations contre les nomades Itnontagnards ou contre les invasions persanes. Partout, à la suite de ces interventions, c'est le protectorat, puis l'annexion. La colonisation, surtout agricole, suit de près les élirmées mais tandis qu'elle est très dense dans les p~aines situées au Nord de la chaine du Cauease où les colons russes absorbent entièrement la population autochtone, elle n'est que très diluée dans les régions montagneuses où les nomades musulmans opposent une résistance farouche il toute tentative de pénétration (2). d) La colonisation de (Asie Centrale a débuté dès le XVII' siècle, par l'installation de nombreux colons russes dans les sleppes facilem'ent cultivables et peu peuplées, situées au Sud de l'Oural, aux confins des pays Bachkir. Elle a été suivie, au XVIIIe siècle par l'occupation de toute la région comprise entre les monts Oural et. l'Altaï et, dans la deuxième moitié du XIX' siècle, par l'occupation du Turkestan, mais là comme dans les montagnes du Caucase le nombre des colons russes reste très faible par rapp~rt à celui des autochtones. Musulmans en Russie so'us le régime des Tsars Ainsi, à la fin du XIX~ siècle la Russie avait achevé la conquête des territoires, musulrnans situés à l'intérieur de ses frontières actuelles; son inuervention faite souvent à la demande des autochton(~s attaqués par les tribus nomades ou par les armées étrangères, n'en était pas moins suivie par l'annexion des territoires secourus malgré les résistances acharnées opposées pa~ certaines tribus et notamment par les nomades du Caucase et du Kazakhstan. La colonisation, surtout agricole, suivant de près les armées russes, fut parfois très dense : ce fut le cas notamment en Crimée, dans les plaines du Kouban et du Terck au Nord du Caucase et dans les' sleppes du Kazakhstan. Dans les montagnes du Caucase et au Turkestan, au contraire, ,la proportion de colons russes est restée très faible. Nulle pa,rt d'ailleurs cette colonisation ne fut acceptée sans réticence et, à la veille de la révolution de 1917, un sentiment national, antiru~se à des degirés variés, avait gagné les différentes couches de la population musulmane. (1) fi englobait le Khorezn, le Kazakhstan, 'la Perse, l'Arghamstan, la Transcaucasie' et l'Anabolie. (2) En tgt t les colons russes de l'Azerb'eidjan ne constitualen\ lfl6 g,5 % de la population. • ttoscoue ~ Hinorifé l'1usu',,",,,,e. ~ T U TisET RA" 1 ,., D E " • •1 -86Les nomades de Kirghizie, du Kazakhstan, de la Turkmenie et du Daghestan, restés au stade féodal et d'un niveau culturel médiocre, privés de leurs terrains de parcours par les colons russes sédentaires, leur montraient une hostilité de plus en plus accusé.e et ne tardaient pas à réclamer leur autonomie. Vis-à-vis de l'élite intellectuelle, le régime tsariste faisait preuve d'un grand libéralisme racial, et s'efforçait, par ce moyen, d'attirer à lui et de russifier la noblesse musulmane. Mais le résultat obtenu fut absolument inverse de celui qui était recherché : les intellectuels musulmans comprirent le danger que cette politique présentait pour l'existence même de l'Islam. Par réaction, se formait une opposition, essentiellement religieuse d'abord, politique ensuite: des partis nationaux se créaient, d'aspirations généralement modérées et conformes aux idéaux des milieux russes avancés. Lors du Congrès 5. - de Lausanne en 1916 où étaient représentés tous les groupements islamiques dé la Russie, les revendications musulmanes étaient formulées ouvertement : les Uzbeks et les Turkmènes exigeaient l'indépendance complète, les l\irg1hizes demandaient l'autonomie et l'égalité des droits avec les Russes, les Tatars de Kazan l'autonomie nationale et culturelle et l'égalité des doits civiques et politiques tandis que les montagnards du Caucase priaient lies puissances occidentales « de les libérer du joug moscovit·~ ~. L'unité des revendications exprimées était donc loin d'être réalisée; le Congrés de Lausanne n'en mettait pas moins en lumière le désir d'autonomie des Musulmans de Russie. La chute du gouvernement tsariste et l'avBnement du gouvernement provisoire allaient leur donner une occasion unique de réaliser leurs aspirations. Le Mo·nde Musulman Rasse· pendant la période révolutionnaire (1'917-1921) Durant cette période; le gouvernement soviétique en lutte aux attaques des armées contre-révolutionnaires, fait preuve du plus large libéralisme vis-à-vis de ses citoyens musulmans. Il leur promet (1) l'autonomie poussée au besoin jusqu'à l'indépendance complète, la liberté totale dans les domaines religieux et culturel, et l'égalité absolue des droits avec les Russes. Il fait appel à tous les camarades frères m.usulmans pour qu'ils participent au gouvernement nouveau , formé d'hommes libres et d'ouvriers. Ces promesses se concrétisent d'ailleurs par des mesures favorables au monde islamique : décolonisation et restitution des terres aux indigènes, consécration de la valeur pédagogique des langues locales, rénovation des vieilles corporations de métiers islamiques, restitution à l'Eglise musulmane de tous ses anciens privilèges et notamment celui de l'enseignem.ent et celui de la création d'associations culturelles. De leur côté, sans attendre la promulgation du décret qui leur accorde toutes ces libertés, les groupements éthniques· musulmans de Russie amorcent l'action en vue de la réalisation de leurs aspirations. En mai 1917 un Congrés réunissait à Moscou les représentants de tous les groupements : les partisans du fédéralisme y triomphaient aisément des séparatistes. Et s'uccessivement les Tatars de Crimée, ceux de Kazan, les Caucasiens du Nord, les Kirghizes du Kazakstan, et les peuples du Turkestan s'érigent en Républiques autonomes au sein de la Russie. Mais très rapidement, devant l'état chaotique qui suivit la chute du go.uvernement provisoire en octobre 1917, les Musulmans s'orientèrent franchement vers l'action révolutionnaire et nationaliste qui devait aboutir à la naissance d'états indépendants. Leur existence sera d'ailleurs de courte du~ée : débarrassé: des dernières forces blanches, le Gouvernement Soviétique se retournera. contre les nouvelles républiques et les intégrera. de force à la Russie. (1) Décret dn 2-11-17. ( -87- ,6. Période de 1920 à 1928 Les dissidents ainsi ramenés au sein de la Fédération Soviétique, le pouvoir central désormais raffermi, entreprend leur assimilation définitive. Il s'agit: - SUl!' le plan social, de lutter contre les restes de la féodalité, en vue de l'intégration des groupements musulmans dans l'économie moderne. - sur le plan poliLique, de lutter contre deux tendances opposées qui se manifestent <:jhez les 'Musulmans et qui sont touLes deux contraires à l'idéologie soviétique : - le panarabisme, hosLile à toute évolution eL tendant à la réunion de tous les musulmans du monde sans distinction de nationalités, en une m'ôme nation : la Na Lion Musulmane. - le panlouranisme, progressiste mais orienLé vers la créaLion d'une_ grande Fédération Orien Laie Musulmane S01lS l'égide Turque. Dans ce but, la principale activité du gouve,rnemenL de l'Union sera orientée vers la conquête idéologique des masses indigènes : de puissants parLis communistes locaux seront 7. - Il .' D'e 19:28 à 1'938 C'est l'époque dramatique de l'Islam soviétique. Le pantouranisme que le gouvernement -li tenté de dompter, se révèle plus vivace que jamais; « les nationalistes musulmans, liés avec la bourgeoisie russe anti-i'évolutionnaiœ ont réussi à contaminer les rpartis communistes locaux et la religion musulmane est considérée comme la source et le véhicule de l'idéologie nationaliste et contre-révolutionnaire ». C'est donc à la religion que le gouvernement centml va s'attaquer en premier lieu : il ferIne les mosquées, les universités, les écoles et 8. - créés chez les Musulmans et ils seront en fait déLenteurs du pouvoir exécutif. L'Etat se confondra avec le parLi communisLe, chaque sujet dépendra directement du chef de la cellule locale qui se,ra également le chef religieux. Cette organisation qui, théoriquement devait êLre en accord parfait avec l'idéologie musulmane, ne puL Loutefois êLre réalisée. Les padis communistes locaux constitués trop hâtivement, glissèrent en effetbrop souvent «vers un naLionalisme chauvin qui les entrainait vers le pantouranisme ». !EL une épuration sévère des cadres effectuée en 192.2 ne suffit pas à rétablir la situalion. ' Sur le plan religieux, la tendance du Pouvoir Central était de laisser à la I!'eligion musulmane une liherté relative; mais l'existence, clans le elergé d'associations contre-révolutionnaires, le contraignait bientôt à entreprendre la lutte contre l'Islam: expositions anti-it'eligieuses, attaques contre les fêles eL traditions -islamiques se sllcr;l,'dent jusqu'en 1928, date à laquelle s'ouvre le conflit décisif entre l'Islam et le pouvoir soviétique. les imprimeries musulmanes, il juge et condamne sévèrement les dirigeants des partis communistes soupçonnés d'être favorables au nati onali sme. Des mesures d'une telle énergie parviennent à briser le pantoUiranisme, mais le but essentiel de la lutte menée par les Russes n'est pas atteint. La religion musulmane en effet a su s'adapter avec une grande souplesse à la sil'uatiol1 ; elle s'est modernisée tout en conservant toute son intégrité. Elle sort incontestablement renforcée de cette lutte. De 1938 à 1'941 Le pantouranisme pratiquen~ent éliminé, le Gouvel!'nement Soviétique, conscIent de la menace qui pèse sur l'Europe, adopte vis-à-vis de l'Islam une politique plus libé~alé. et acco~de certaines satisfactions aux aspIratIOns natronales des allogènes. Il s'applique à prouver aux Musulmans -qu'il n'y a aucune contradiction irréductible entre la réalisation du soc.ialisme et le développement de la culture nationale et fait à l'Islam de substantielles concessions : le culte des ancêtres est remis à l'honneur, les persécutions contre le clergé et la religion cessent, les communautés religieuses obtiennent l'autorisation de construire et d'entretenir des mosquées aux frais de l'Etat. l' :,,' 1" 88 De son côté l'Islam fait les concessions qu'impose le tl'iomphe du Communisme. Sa doctrine nouvelle admet qu'il n'existe pas de différence fondamentale entre le socialisme et l'Islam et que le Coran est én Iplein accord avec '9. - Leti '9uerr'egermano-russe La deuxième guerre mondiale devait prouver la sagesse de la nouvelle orientation pro. musulmane du Gouvernement Soviéti.quc. Er. effet, malgré une intense propagande exercée par l~s pays de l'Axe (1), l'attit.ude des l\Iu3UJmans soviétiques, en dehors de quelques défaillances spectaculaires (2) a été celle d'un loyalisme fidèle au régime et les troupes musulmanes ont combattu avec autant d'abnégation et de patrioLisme que les armées russes. 10. - le programme du Parti communiste. Ainsi gl'!lce à des concessions réciproques, l'on arrive il un modus vivendi et il la veille de la deuxième guerre mondiale, l'Islanl soviétique . est en plein épanouissement. Dès la fin de la guerre, le Gouvernement de Moscou,pri t diverses mesures pour sanctionner l'attitude des Musulmans : d'un côté, il accordait de multiples avantages à l'Eglise islamique, de l'autre, il entrepl'enait une repression impitoyable : démembrement de la République TcheLchène -et déportation massive en Sibérie de ses habitants, coupables de haute trahison. La situation actuelle des Musulmans en U. R.S.S. Les Musulmans d'U.R.S.S. sont répartis en : six républiques fédél'ées (3), neuf républiques autochtones (4) et cinq régions autonomes (5). Les républiques fédérées musulmanes sont les ~'égions placées à la périphérie de l'Union et dans lesquelles vit une population indigène majoritaire. Chacune d'elle possède Sil Constitution, son Parlement dénommé Soviet-Suprème, ses forces armées, ses ministères; elle a le droit d'entrer en relation directe avec les pays étrangers et, théOl'iquement celui de se S'éparer de l'Union à tout moment. Sa souveraineté n'est limitée que par l'abandon volontaire de ses droits sur des questions intéressant l'ensemble de l'Union (6) ; elle possède sa législation propre conforme il celle de l'Union, sa citoyenneté propre et sa langue officielle est. la langue nationale; elle traite entièrement toutes les questions purement locales. Les républiques et les Dégions autonomes sont constituées par des groupes ethniques vivant au sein de la Russie proprement dite (R.S.F.S.R.) ou d'une république fédérée. Au point de vue des principes d'administration les l'épubliques et les réFiÎons autonomes ne diffèrent pas des républiques fédérées dont elles dépendent comme celles-ci dépenden t de l'Union. Elles ont leur constitution, leur Soviet· Suprême, leurs ,législation, leur juridiction, -leurs écoles et leur langue nationale, mais elles n'ont. aucun contact direct avec le monde extérieur et ne peuvent pas se sépal'er de la République Fédérée ou de l'Union. Telle est la théorie : en fait la souverain.eté des républiques et des régions musulmanes se trouve fortement limitée par une série de mesures tendant à les placer sous la dépendance politique, économique et culturelle de l'Union. C'est ainsi que l'inbroduction dans chaqùe république ou région d'a!phabets différents et l'orientation de leur culture dans des sens divers et souvent opposés, créaient un morcellement linguistique et eult,urel de l'Islam russe, destiné à faire échec il l'action unificatrice traditionnellement. menée pair les centres culturels islamiques de Kazan eL Samarkand. Du point de vue économique, les républiques fédérées solidement intégrées dans le IV· plan quinquennal russe ne peuvent en fait se séparer de l'Union sans se vouer à une ruine immédiate et totale. De plus, l'industrialisation poussée à outrance (7) de la Transcaucasie et (1) Par l'intermédiaire ries Musulmans émigrés, pour Iii plupart hommes politiques qui avaient joué un rOle durant la brève période des Républiques musulmanes. (2) Pendant la brève occupation du Caucase par les ,\.lIe man ris, les montagnarcls Tchetchènes se ,sont révoltés et ont rejoint les forces allemandes. (3) Azerbeicljan, UzlJelüstan, Tadjikistan, Turkmenistan. Kir,g'hizie et Kazakstan. (4) Tatari~, Bachkérie" Kaharda, Dag-hestan, Ossetie dU Nord; AbklJasie, Acljarie, Nakitchevan et Karakalpakie. (5) Nag'orno-Karabah, Gorno-B'adakstan, Adig-hé, Tcherkessie et Ossélie du Sud. (G) Relations internationales, gnerre. et paix, déf.ense na,tionale de l'U.R.S.S., économie générale de l'U.R.S.S., législ.lHon du travall, lois ,sur ,la citoyenneté, etc... (7) notamment pendant la deuxième guerre mondiale. ..... l , $ ,I!II!I! -89du Tur.kestan et la collectivisation agricole (1), ont Pl'ovoqué de vastes mouvements de population, d'où un vaste brassage de races et la disparition quasi-totale des groupes musulmans ethniquell1'ent purs. Ces transformations économiques bouleversaient au~si d'une façon radicale la structure sociale de l'ancienne sociélté muslulmane, féodale ou patriarche et faisaient naître un prolbtal'iat industriel sans attache avec le passé et perméable aux doctrines gouvernementales. Eduquée et entrainée par les émigrés venus de l'Ouest, cette m'asse devient bientôt une pépinière de cadres pour le Parti. En outre quoique chaque république fédérée possède sa langue nationale, le Russe mieux adapté à la civilisation moderne reste la langue officielle de l'Union. Grâce à un usage adroit de la radio, du cinéma, des journaux, des livres et - des conférences pubIiql,les, elle fait reculer lentement les langues orientales et contrilme, avec l'idéologie communiste, à réaliser plus étroitement l'union des Musulmans avec les peuples de l'Union Soviétique. En dehors de ce droit constitutionnel, le Gouvernenient de IMoscou a accordé aux Musulmans des faveuirS spéciales telle que: autorisation de l'enseignement coranique, reconnaissance de la personnalilé civile aux associations et congrégations religieuses, autorisation de publier des revues, entretien et restauration aux frais de l'Etat des mouvements historiques, etc... De plus, en 1945, le pélerinage à la Mecque et le péle,rinage aux sanctuaires, de l'IraJl ont été rétablis. On prête également au Gouvernement soviétique l'intention d'ouvrir ses frontières aux Musulmans étrangers désireux de se rendre aux sanctuaires du Turkestan. Ainsi, apiI'ès vingt ans d'absence, l'Islam russe reprend contact avec la grande communauté musulmane. * ** A l'intérieur des républiques fédérées, il est certain que le bouleversement social de ces dernières années a entrainé un détachement de l'Islam dans le monde ouvrier, et dans les couches les m'oins évoluées de la population. Par contre, les peuples anciennement convertis et l'é,lite intellectuelle restent fidèles à leur religion, mais la doctrine actuelle de l'Islam soviétique s'oriente nettement vers une entente, voire une collaboration idéologique avec le Communisme. Au Congrés Musulman réuni à Bakou en 1942, les délégués piI'ésents ont fait ressortir les similitudes apparentes des deux doctrines : le «socialisme» du Coran, le rapprochement entre le pouvoir et le peuple, l'absence de classes dans la société musulmane, l'internationalisation de l'Islam, etc... La Constitution de 1938 reconnait à tous les citoyens la liberté de pratiquer les cultes et de se livrer à la propagande reljgieuse. (1) remplacement des ancienn€s exploitations familiales par les Kolkhozes; suppression du nomadisme. Le Parti Communiste enfin, avec ses puissantes o;rganisations locales, continue son action. Partout il se superpose à l'appareil administratif de l'Etat, attire à lui la classe ouvrière et, fait naître en elle, à côté du ·sentiment national ou régional, un «patriotisme soviétique » qui fait de l'Union, malgré son extrême variété, un bloc unifoiI'me et solide. 11 , ~·t!>: l;,' ':' i:; ~r.~~ , ," '-90- CONCLUSIIO'N ~ Ainsi, p~r une habile politique d'opportunisme, le Gouvernem'ent de Moscou a su intégrer progressivement la masse musulmane dans la communauté soviétique, et faire disparaît're . les . tendances séparatistes des groupements allogènes. En ce qui concerne l'Eglise musulmane, il a su, suivant la doctrine marxiste telle que le bol~hevisme stalinien l'interprète, lui donner une orientation. favorable à la classe dirigeante, c'est-à-dire au Parti Communiste. L'assimilation de l'Islam' ainsi effectué, le Gouvernement Soviétique entreprend! d'en faire un instrument de propagande extérieure, dirigée sur les territoires musulmans limitrophes de l'V.n.S.s. : Mongolie, Chine, Afghanistan, Inde et Iran. Il disposera pour cette propagande du puissant argument que constitue sa réussi te économique et culturelle dans les groupements musulm'ans de l'Union. Les déplacements des Musulmans à travers les frontières russes à l'occasion des pélerinages de la Mecque, de l'Iran et du Turkestan, l'échange de représentants diplomatiqu'es avec les pays voisins, seront les moyens dont usera le Gouvernement Russe pour mener cette propagande. Nul doute qu'elle porte ses fruits. Quels résultats seront· obtenus? Il est encore trop t'ôt pour avancer une réponse à cette question. Il n'en reste pas moins que d'une part des similitudes existent entre les idéologies communistes et musulmanes et que d'autre part le Gouvernement de 'Moscou sait les exploiter habilem'ent. Il appartient en définitive aux pays occidentaux de s'opposer par une politique appropriée à l'expansion de l'idéologie communiste dans les pays musulmans situés dans leurs . zones d'influence. ~~ , •• ' 1 "'P'If'." LA REVUE D'ÉTUDES MILITAIRES... OFFICIERS... Préparation à l'E.M.I.A. de Coetquidan et à l'Ecole d'Administration - Cours d' 1nstruction générale. 1 14, Place Bel-Air - CASABLANCA ),t" i .. ·1 1 " ••. SOUS-OFFIERS - - - - - - - - - - - - - - - - . Préparation à l'Ecole Supérieure de Guerre, au cours d'Etatp e_'r_ieu_r_e_d_e_1'_ln_te_n_da_n_ce_. __ M_ai_or_,_à_I'_Ec_o_le_S_u_ 1 • •• 1 A-ÉRIENNES ET NAVALES La pa.ge ... Bouche cousue ..., I----~n~§ ,,~ ~ \ ~ Mlf'. __ pvv. 1\1 - ~\ lllllJ.Ll]1'IJ WU ' W' __. ~ )~~ ~ ~ ~ i! /' (1 f~ p, ~ ~~ ~ ~ <1T~ Espion deçu..· ,A ,Il n'est pasde petites indiscrètions, Leur somme renseigne L'espion- _H'_~~ ... de ·1 a ~71=~ra- er GUlSi de c:.el1e.6 que tu c:.roi" connoitre... Méf"iE :.-'Î'oi surtout cie eeux qui te Clue~l'lonnent ..• _ _" - " _ -.- __ oP s. lV.[ . ./ 'Esnion .1. r _ q . 1 il -- -----.-.. J g __"J "".~~-----------II!!!I!_-_. Nous reproduisons ci-dessous un article empl'lunté il, la R,evue « Les Problèmes f:conomiques ») Dans l'introdUiction de cet article, publié dans le n° 37 de la Revue « Politique », l'auteur M. EmmaIllUél HA'MEL, note que le problème de la ProduçtivÏJt1é en France laisse loiIIJ derrière lui, en importance, les phénomènes monétailjes et financiers qui obsèdent actuellem~t Ies 'esprits. Ceux~~i, dit-il, sont bien moms la cause que la conséquence de la situation économique présJCnte. Au surplus, dans une· per,spective d'avenir, le f'lliotJeur prod1uctivité ~tt l'équipement qui le <10ndition~e commanderont ailtant les capacités commenciales de la Fran~ que l'évolution du pouvoir d'achat réel des Français. -------------- LA FAIBLESSE DE LA PRODUCTIVITE EN FRANCE L'effort de guerre réalisé ANS le cadre de la pol~tique de, réé,q, uipe~ ment, qui fut, au mOIns verbalement SI l'on s'en véfère aux déclarations officielles, une des préoccupations des gouvernements successifs de la IVème République, un double effort a été fait. D « D'abord une certaine part des .crédits à nous consentis pa; les gouvernements étrangers a été consacrée à l'achat de !:;liens d'équipement et de matériel moderne. C'est ainsi que, d'après les chiffres donnés par le Secrétaire d'Etat aux Affaires économiques, le 24 juin 1948, au (Palais du Luxembourg nous avons importé, depuis août 1944, pour 1.170 'millions de dollars de matériels dont 780 millions sont venus des Etats-Unis d'Amérique; 43 % de ce que nO;]8 av,ons acheté aux U.S.A., dePuis la Libération, a donc été consacré aux achats de biens d'équipement. « Mais il faut noter que les trois-quarts de ce montant s'appliquent à des biens d'équi.pement non Productifs en l'occurence locomotives, wagons et navires. S~ul, le dernier quart a été affecté à des 1ll0Yens de pl'oduction et encore, par manque de doctrine: la plus large part de ces. éqaipeme~ts Productifs n'a pas été le mieux adaptee a l'accrOlssement de la productivité. « A côté de cet effort, en apparence méritOlre pour consacrer une part relativement importallt~ de nos crédits extérieurs à l'achat de matériel d'éq.uipement, oz: doit également inscrire l'augmentatlOn progresSIve (au moins en valeur absolue car il fa!!t ~ussi tenir compte de la diminution des' prix expnmes en francs dépréciés), de la production française d'éq;]ipement et de machines-outils. En 1946, .la val~u~ globale de cette production repré_ sentaIt 40 mIllIards de francs 1938, en 1947, 45 milliards, en 1948, elle représentera 49 milliards. « Pour résumer l'accroissement de cette activité d'équipement, 11'0n a pu donner les chiffres ,officiels suivants: l'indice <l'activité des industries d'équipement est à l'indice 150 par rapport à 1938 alors que l'indice général de la proQ.uction indus~ trielle en 1948, ne dépasse pas 110 (:70 de 1938. L'on sait aussi que la politique suivie en matière de répartition de charbon, qJi a systématiquement favorisé les industries lourdes telles que la sidérurgie, nous a permis d'atteindre une producti.on mensuelle d'acier de 640.000 tonnes contre 510.000 tonnes en 1938. Enfin, s'il faut en croire les indications don~ nées par la commission du bilan national, le total des investissements a représenté, pour 1947, plus de 20 % ct;] revenu national, a1o'rs qu'avant-guerre dans une année moyenne, l'effort d'investissement ne correspondait pas à plus de 14 % ». -9H- Considérations sur le niveau relatif des prix français « Serait-ce dire que tout ce qui devait et pouvait être fait pour moderniser et rééquiper l'industrie française a été accompli? Certes non, car pour mesurer la valeur réelle des résultats obtenus, il importe de bien distinguer, d'une' part, la différence essentielle et fondamentale entre l'accroissement de la prod~lction et l'augmentation de la productivité, d'autre part, de connaître la part faite dans les biens d'équipements aux biens d'équipements consommables (les locomotives, par exemple) et aux biens d'équipements productifs (les machines-.outilsJ. « D'une étude de haute valeur faite par M. Gargominy, conseiller républicain populaire de l'Aisne il re3sort, avec une indisc;Jtable précision, que les prix français sont trop élevés. Ils l'étaient à~jà avant guerre; et l'écart s'est encore profondement accentué 2" notre détriment depuis la guerre. Alors qu'en 1938, pour un dollar, .on acquerrait aux U.S.A. 2.000 unités, .on en obtenait 1.069 en Grande-Bretagne et, en France, 684... « Une autre constatation s'impose. S'il est vrai que les prix français dans leur ensemble sont trop élevés, il faut savoir, et c'est ;un fait d'une grancie importance, que les prix de nos denrées alimentaires de première nécessité sont à. peu près à parité avec les prix pratiqués à l'étranger. Le pain coûte, à Paris, 26 francs le kilo, à Stockholm, 64 francs, à Montréal, 41 francs, à New-York, 47 francs. Le lait coûte, 8. Paris, 26 francs le litre, à Stockholm, 22 francs, à Montréal, 39 francs, à New-York, 77 francs. Le bœuf de première qualité coûte 500 francs le kilo à Paris, 200 francs à Stockholm, 325 francs à Montréal, 345 francs à New-York (aux cours actuels des changes). « Si les prix mondiaux des denrées alimentaires de première nécessité sont 2, parité avec les nôtres, comment rompre le fameux cerc1e vicieux, les denrées alimentaires entrant pour 75 % minimum dans les salaires, qui pèsent lourdement sur les prix de revient industriels, lesquels font des produits trop chers pour l'exportation, trop chers aussi pour l'agricèllture qui doit s'équiper et ache- ter des engrais? Puisque les prix des denrées alimentaires sont, en France, ~\ peu près à parité avec l'étranger, l'importat,ion ne peut les faire baissier que dans des proportions très réduites. C'est donc vers une augmentation du revenu du salaire qu'il faut tendre. Or, l'.on sait que l'ouvrier français gagne moins que celui de Suède, du Canada, des U.S.A. Quand le salaire mensuel ci'un . manœuvre parisien est de 11.150 francs, celui d'un manœuvre de Stockholm est de 2] .000 francs, de Montréal, 23.000 francs, de New-York, 30.000 francs. « Mais l'augmentation du revenu du salaire n'est possible que par:Jn accroissement de la productIvité, lequel ne peut être obtenu que par la normalisation, l'organisation rationnelle du travail et l'équipement moderne de nos industries... .. «'Pour illustrer, par quelques chiffres, cette démonstration qui pourrait, de prime abord, apparaître illusoire, il suffira de donner quelques exemples qui prouvent que, dans certains pays les prix de divers produits finis s.ont bien moins élevés que les nôtres, grâce il, la normalisation, à . l'organisation rationnelle du travail et à l'équipement. . .1 « Un tracteur de 20/30 CV aux U.S.A. coûte 300.000 francs, alors que le tracteur Renault, de même force, en France, coûte 600.000 francs. Le prix au kilo d'une locomotive est, en France, de 175 francs, et aux U.S.A. de 112 francs. La tôle ordinaire revient, à la tonne, à 8.581 francs en France, 7.850 francs en Grande-Bretagne et 6.600 francs a:Jx U.S.A. Et la qualité de la tôle française est nettement inférieure à celle des tôles étrangères. Le courant-lumière oui vaut 16 francs le kwh. à Paris, vaut 9 francs ~, Stockholm, 8 francs à Montréal et de 4 à 5 francs à New-York. « Ces chiffres indiqués par MM. Armengaud et Gargominy, en même temps qu'ils éclairent la voie à suivre, nous amènent à essayer de déterminer pourquoi la production nati.onale française n'atteint pas le niveau nécessaire et, d'autre part, est grevée de charges trop élevées.» Pourquoi les prix de revient en France sont trop élevés I,i « ThéoriQ'~lement, le prix de revient dépend de la matière mise en œuvre, de "énergie nécessaire, de la main-d'œuvre incorporée au stade matières premières et transformation, y compris les charges sociales, enfin, des frais généraux de production, y c.ompris les agios, lés charges financières et l'amortissement de l'outillage. Le prix de revient ainsi déterminé, il faut, pour connaître le prix de vente, ajouter les charges fiscales, c'està-dire, la part de l'Etat, le bénéfice des producteurs et, enfin, le coût de <1istribution. « Si nous faisons cette analyse du prix de revient, Que constatons-nous? Qu'un immense effort est à faire, car la France n'a pas su s'adapter aux nécessités économiques et techniques de l'évolution du monde moderne. « La main-d'œuvre dépend, dans une large mesure de la population et de sa répartition. Il est inutile d'insister sur le vieillissement bien connu de notre peuple. Mais, il y a 'un autre aspect de la question: la populàtion française est-elle bien répartie? Il Y a 50 ans, il y avait, en France, troiS groupes d'importance égale comprenant chacun le tiers de la population: les producteurs agricoles, les producteurs industriels, et un troisième tiers appartenant à des professions diverses. Depuis 50 ans, cette proportion est restée 2. peu près la même, avec une légère tendance à l'augmentation du nombre des improductifs. Dans d'autres pays, comme la Grande-Bretagne, les U.S.A., l'Allemagne, la !Siuisse, l'U.R.S.S., on constate une évolution très différente. On y a vu régulièrement augmenter le nombre des producteurs industriels, tandis que décroissait le nombre des pr.oducteurs agricoles, alors qu'en même temps, la production agricole croissait. Les pays très évolués comme les Etats-Unis ont actuellement 18 % de leur population occupée à des activités agricoles, 50 % à des activités industrielles, moins de 30 % à d'autres activités. En bref, on constate que la courbe fran- -~._~~- _... _- - - ---- ~ 99 çaise de l'évolution de la population active est en sens entièrement contraire de celles des autres pays industriels évolués e,t se rapproche, au contraIre, de celle des pays qui n'évolûEnt pas et qans lesquels le standard de VIe s'avère de plus en plus faIble. Le circuit de la distribution représente, en Allemagne, 9 % de la population active; en Angleterre, pays commerçant traditionnel, environ 15 %, aux Etats-Unis 10 % et, en France, alors qll'il était de 15 (;0, avant la guerre, le pourcentage est passé à 22 % de la population active. L'Administration française en emploie 8 %, tandis qu'aux Etats-Unis où la bureaucratie a dû, elle aûssi, beaucoup augmenter, la proportion ne dépasse pas 3,5 %. ({ On sait que le potentiel énergétique d'une nation est, au XX" sIècle, l'un des facteurs essentiels <:le sa puissance. Or, la France, la Grande. Bretagne, les Etats-Unis, l'Allemagne, vers 1900, avalent à peu près la même puissance énergétique par habitant. Mais l'évolution de ces différents pays a été telle qu'aujourd'hûi chaque producteur américain a, à sa disposition, 6 fOlS plus d'énergie qU'un producteur français. Chaque producteur anglaisou allemand dispose de deux fois et demi plus d'énergie qu'un français. Le Sûisse peut se servir de trois fois plus d'énergie que le Français, le Canadien de huit fois plus. Ce qui ESt encore plus grave, c'est ,aue l'énerg.ie est, en France, infiniment plus chère qLit dans les autres pays industriels, créant amsi une charge complémentaire pour le prix de revient Aux U.S.A., le prix moyen de 100 kilowatts-heure, représente le prix d'une fieure dr> travail, en France, entre 8 heures de travail minimum el 16 heures de travail maximum. Il n est pas étonnant, dans ces conditions, que la quantité d'énergie, utilIsée dans toutes les industries de transformati.on soit excessivement faible et que les prod\lcteurs français n'aient pas à leur disposition le nombre de chevaux-moteurs dont ils auraient normalement besoin pOûr produir~ dans des condItions normales grâce à des machines puissantes à gran<i rendement. {( Al.ors que les territoires franç,ais d'outre-mer possèdent, on le sait, des richesses minières importantes, c'est à peine si nous commençons à les exploiter, et comme le sous-sol de la métropole n'est pas assez riche, loin de là, pour suffire à p,ourvoir à l'approvisionnement en matières premières de nos industries, il nous faut recourir. à l'importatlon. Nous achetons donc 8, l'étranger des quantités considérables de plomb, cuivre, métaux non ferl'CclX, des fibres textiles, des corps gras, du charbon, du pétrole. Les dévaluations ,successives ont amputé la valeur d'achat du franc dans de telles proportions que ces importations ? des prix relativement très élevés provoquent un renchérissement de nos prix intérieurs. Mais il y a plus: les matières premières que nous produisons nous-mêmes sont, à la base, plus chères que dans d'autr~s pays. En France, une tonne de, charbon coûte 30 heures de mï.lleûr à la mine. En Allemagne, elle en coûte 10, en Angleterre, de 10 a 12, aux EtatsUnis, 3. La charge du prix de revient est donc tell. que, d'une part, la rémunération du personnel n',est pas satisfaisante et que, d'autre part, ce prIX eleVé. à la production entraîna,- par v.oie de conséquence, un renchérissement général du coût de la Vie. {( Enfm quant à notre équipement industriel, s~ nous p~enons pour champ d'étud~ l'.industrie SIdérurgique, nous constatons que les eqUlpements, sauf exception, datent de trente à quarante ans. L'âge moyen de notre parc de machines-outils aptrente ou trente-cinq ans, presque sans machines dite::; ({ de production» ou ({ d'opération », alors qûe l'âge moyen, dans des pays comme les Etats-Unis et l'Allemagne, est de l'ordre de dix ans, avec des machmes-outils équipées pour une production déterminée parfaitement spécialisée, et, par conséquent, dont la rapidité de production n'a pas de commune mesure avec la nôtre. Cette situation ne tient pas 'à la répartition des entreprises entre les différents pays, comme on l'a prétendu volontiers. Ce n'est pas tant le gigantisme de certaines entreprises qui crée la différence é1l1re la F'tance et les Etats-Unis, mais un autre facteur: la spécialisation. En 1944, aux Etats-Unis, il y avait 230 haclts-fourneaux allumés et, en 1938, en France, 86. Pour un nombre de hauts-fourneaux américains à peine trois fois supérieur à celui existant en l"rance, la production était quinze fois plus élevée. Ce qui veut dire que chaque haut-foûrneau uméncain avait une capacité moyenne de production cinq fOlS supérieure à la capacité d'un haufourneau français. Pour l'aluminium, dix-sept entreprises françaises prodJisaient 45.000 tonne'3. tanàis que le même nombre d'\:ntreprises, aux Etats-UEis, produisaient 776.000 tonnes, soit quinze fois plus. En ce qui concerne les machines-outils, en France 218 constructeurs, dont près de 180 sont des artisans, produisent au total 8.000 machines-outlls par an. Aux Etats-Unis, 210 entreprises, c'est-à-dire 'le même nombre, arrivent à en produire 307.000, c'est-à-dire près de quarante fOll, plus. POJr les machines agricoles qui intéressent l'ensemble de la population agricole, il y a, en France, deux fois plus d'usines au'aux Etats-Unis soit 750 usines pour 347 aux Etats-Unis. La pro~ duction française était, en 1938, l'équivalent de 35 millions de dollars, et, aux Etats-Uais, de 1.500 millions de dollars. Par conséquent, le rapport est de 1 à 40. Il est évident que, dans ces condit.ions du fait de la diversité des types, de l'incapacité de constr;û~ti?n ~es séries, du fait aussi d'un manque de speCIalIsatIOn et d'un mauvais équipement nos prix de revient sont excessifs. prochl~ ({ Pour produire une tonne d'acier, il faut aux Etats-Unis, vingt-quatre heures de travail d'un ouvr~er; en France, il en faut quarante-huit. En ce qU! concerne les. constructions navales, pOûr un meme tonnage, Il faut exactement trois fois et demi plus d'heures de travail en France qu'aux EtatsUnis, ou deux fois et demi plus qu'en, Angleterrepourtant les moyens techniques de l'Angleterre né sont pas tellement différents des nôtres. Pour les tracteurs, un tracteûr de vingt chevaux c.oûtait en 1938, 650 heures de travail aux Etats-Unis ïi en coûte 6.000 en France. Le rapport est de 1 à' 10 Un ouvrier américain manutentionne par jour 25 to~mes de c~arbon sur le carreau -de la mine. L'ouVrIer françaIS n'en manutentionnait que deux ton~es et denne en France en 19'38, et n'en manûtenbonne que deux tonnes à peine aujourd'hui. Une tonne de fonte est partout la même, réserve faite de la qualité. Or, du fait de l'organisation et de l'équipe~ent des fonderies américaines, allemandes et anglal.ses, la production de ces trois pays est, par OUVrIer et par an, de deux tonnes <l.ix alors qu'en France elle n'est que d'une tonne dix: Dans l'industrie aut?mobile, on constate qu'avant la guerre un ouvrIer français produisait deux voitures par an, alors qu'en Amérique Un ouvrier en produisait huit et en Allemagne quatre. 1 " {( Même si nous arrivons, en Fi~nce, à incor- ,., . .-.J;:- p.orer parfois, dans le prix d'un produit fini, la même proportion de salaire qu'à l'étranger, il nous faut deux à trois fois plus d'ouvriers, par suite de l'insuffisance de nos équipements industriels et de leur mauvais emploi. Et voilà ce qui explique la situation médiocre des salaires français. Cette in. sJffisance de l'équipement n'a malheureusement pas seulement des conséquences d'ordre individuel sur le standard de vie de chaque Français, elle entraîne aussi un abaissement global du revenu national. {{ Alors qu'en France la production par travaIlleur représentait 300 dollars-or en 1913, elle n'atteint plus en 1946 que 250 dollars-or. Aux Etats-Unis, au contraire, de 1914 il, 1946, la production par travailleur est passée de 1.000 dollars-or à 2.300. Aussi ne peut-on, à juste titre, s'étonner que la part des sommes consacrées chaque année 100aux investissements diminue sans cesse en Franc:~ depuis 1913. En 1913, le budget français dépassait à peine quatre milliards de francs-or et trois milli.ards de francs-or étaient consacrés aux investissements privés nOJveaux. Le pourcentage des investissements productifs par rapp.ort aux âêpenses budgétaires était donc de 75 %. Aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne, cette proportion est restée sensiblement la même. En France, au contraire, on a vu sans- cesse baisser l'importance des investissements jusqu'en 1938. Le rapport des investissements par r:1pport au budget national était ainsi avant la dernière guerre tombé à 4,5 Si;. En 1947, c'est fi, peine 10 (;10 du total du revenu national qui était consacré aux investissements. Encore ne doit-on pas o~lblier, bien que la chose soit connue de tous. l'insuffisance des sommes investies dans les territoires d'Outre-mer.}) CONCLUSION {{ Pour reàresser l'économie française, mettre un terme aux erreurs et aJX conséquences qui risquent d'être tragiques d'une politique éc.onomique à la petite semaine dont nous constatons aujourd'hui les funestes effets pour le bien-être de chaque famille française et pour l'indépendance nationale, il importe d'orienter notre effort dans quatre directiGns: {{ 1 D'abord, utiliser au mieux l'outillage national en y mtroduisant les améliorations de détail qui changeront son rendement, et, en même temps, spécialiser, standardiser, voire même concentrer, lorsque cela est nécessaire, les entreprises malgré leurs résistances; 0 « 2" Economiser les matières premières et avoir enfin une politique de l'énergie sachant arbitrer fuel, charbon, électricité et rechercher effec. tivement le pétrole; {{ 3" Transformer l'esprit de notre système fis~ cal de telle sorte qu'au lieu d'être une entrave, il devienne, comme l'a dit M. Armengaud, un moteur; Il « 4" Enfin, tant qu'i} y aura un certain nombre de matières premières à répartir, modifier les critériums de répartition actuellement utilisés de, manière à encourager les meilleurs et cesser d'entretenir les incapables, c'est-à-dire abandonner toutes références au passé et fonder la répartition sut des facteurs tels que la productivité, l'exportation, les investissements iproductifs réalisés" etc... }). "L - - - - - - - - - - - - -_ _1111 _ qor/./ ....marocal'/z./ 1. - LE MAnOC ES'l' UNE ILE Au début cI'une étude sur les ports marocains, on est tenLé cIe rappeler les mots cIe l'Amiral de Penfentenyo : « Le Maroc est une ilf; ». entre les vocations .contradictoires. Nous verrons au contraire comment les port,s mal'ocains ont fait cIe ce «Melliug-pot» unt' plaque tournante cIe l'Empire Français. 3. - Celte boutade, si nous l'envisageons sous l'angle des relalions commerciales, n'est pas paradoxale. Pour les Arabes, l'Afrique du Nord est le Djezi,rab-el-Moghreb, l'île du Couchant: Qu'est clone le Saihara, sinon une mer immense, avec ses routt's dirigeant le trafic vers de vériLabies ports, ses îles et même ses pir,at~s, ? .. La ville-frontière d'Oujda n'est en reaiIte que 1'« a;rrière-port» d'Oran et de Nemours. Rappelons enfin que de la chute des Mérinide~ à l'établissement du Protectorat, le Maroc a vecu dans un isolement presque complet : le Ministre des Affaires Etrangères était «l'Ouzir el Hahr le Vizir de la Me;r ». C'est dire que dès cette 'époque les contacts avec l'ext.érieur étaient uniquement maritimes. 3. - Ce pays si bien placé, la nature n'a pas favorisé ses relations avec la mer. Ses 450 kms de côtes méditerranéennes relativement bien cIécoupées et p.r'otégées sont coupées de leur arrière-pays par le Rif. Il est tourné surtout vers l'Océan qui lui offre 850 kilomètres de côtes hostiles : une barrière sans un abri naturel. Seuls les estuai;res cIu Sebou et du Bou-Regreg peuvent, suppléer au rrnanque de rades. La houle, venue du fond cl.€ l'Atlantique mourir sur la plate-formè continentale provoque uné barre redoutable qui, beaucoup plus que le régime des vents, a fait la mauvaise ;réputation de la «.côte de fer» parmi des générations de marins. 4. -- PLAN DE L'ETUDE SITUATION DU MAROC CeUe «île» fi dans le monde une position, sinon privilégiée, du moins ~eT~1arqua?le. B~,i­ B"née par l'Atlantique et la M~dIterranee, ~eh~e Il l'Espagne plutôt que sépalflee ,par le DetrOIt cIe Gibraltar, elle est le point où l'Orie~t Musulman se mêle à l'Occident Chrétien, où le Pays Noir rejoint l'Europe, où l'Amérique ahorde le continent africain. Il n'entre pas dans notre sujet de dire la division morale du Mail'oc l LE MAROC ET LA MER De ces éléments en somme contradictoires, situation favorable - difficultés d'accès _ découle l'importance et la complexité des questions que :pose au Maroc l'établissement des ports. Notre but est p;récisément d'étudier comment le Maroc, pour profiter des avantages que lui conférait sa situation a su vaincre les défenses que lui opposait la mer. Nous diviserons notre étude de la façon suivante: AVANT-PROPOS : Les ports marocains jusqu'au Protectorat. II'e PARTI E : La construction des ports marocains. 1pne PARTI E : Les conditions nouvelles nées de la guerre. Illme PARTI E : Les problèmes de l'après-guerre. CONCLUSION : Vers une décentralisation. J ~------------- l' - 102- Avant-propos Les ports marocains jusqu'au Protectorat 5. - 1~ ,\., L'EPOQUE PREMUSULMANE Le premiel' peuple de navigateurs que nous connaissions, les Phéniciens, installent au Nord du Maroc quelques porls q'escale sur la route de Gadir (Cadix) : lels Russadir (Melilla), et peul-êlre Liksh (Larache), à l'embouchure du Loukkos. Les Car~haginois leui/.' succèdent, et fondent de véritables colonies : Liksh semble la plus imporlante mais Hannon fonde ThymiaI,erion (sur le Sebou) et Karikon Teichos (au Cap Cantin ou à Mogador ?) et surtout 4 comptoirs sur la côte du Sous, entre Agadir et l'Oued Noun. Nous ne sommes guè.re renseignés sur la colonisation punique mais il semble que ces ports n'aient pas créé) avec l'intérieur de véritables courants commerciaux. L'influence romaine ne s'étendra pas si loin au Sud, mais elle sera plus profonde. A part Tingis (Tanger) la capitale, leurs ports sont installés sur les rivières Lixus sur le Loukkos, Banasa et Tamudida sur le Sebou, Seyllah Colonna, puis Chellah sur le Bou-Regreg. Le commerce y est actif, comme en témoignent à Lixüs des vestiges de silos à huile et à blé. 6. - LES DEBUTS DE L'ERE MUSULMANE La conquête musulmane anéantit ces cent,l'es : pendant quelques siècles, l'efforl du Maroc fut orienté beaucoup plus vers l'Algérie ou vers l'Espagne que vers la mer. Ainsi au XII' siècle, Mehdia, appelée alors El Mamoura, fut le point d'embarquement des expéditions Almohades vers l'Espagne, cependant qu'on créait à Salé un port sur la l'ive droite du Bou-Regreg. Ce n'est qu'au cours du XVe siècle que El Mamoura et surt.out Salé deviennent des places de commerce importantes, en relation avec l'Algérie, les Républiques. d'Italie, la France et l'Angleterre. En même temps, nouvelle forme de Guenre Sainte, la piraterie commence à se développer sur quelques ipoints de la côte, provoquant dès la fin du XVe siècle des interventions espagnoles et port'ugaises. L'histoire des ports du Nord, soumis à l'influence des Espagnols qui poursuivent leur revanche devient alors très compliquée; il sel'ait sans intérêt de savoir combien de fois Ceuta, IMelilIa ou Tanger changeront de maître. 7. - LES PORTUGAIS Dans le Sud, au contraire, les Portugais, désireux de jalonner leur route des Indes, profilent de la faIblesse des Ouallassides pour s'installer solidement. De 1500 à 1.515, ils étendent leur dominalion sur la eôte entre CasabIanca et Agadir. Ils se borneront à piller l'arrièl'(~~ pays sans avoie le loisir de développer le eommerce des ports qu'ils occupent; mais pOUl' se défendre des attaques de l'intérieur, ils é1éveront des forUfieations remarquables qui témoignent encore de leur passage. En 1541, les les Saadiens les chassent d'Agadir. Ils évacuent alors, Safi et Azemmoua." mais resteront à CasaIJlanca et Mazagan jusqu'au milieu du XVI Il' siècle. 8. - LES PIRATES BARBARESQUES Au XVI' siècle, l'activité des pirales barbaresques devient importante : leur centre principal est El Mamoura ; le renégdt anglais Hêlinwaiing y commande mw '(;riLabh~ fll)t,t(~ qui provoque en 1614 l'occupatiOll espflgnül? C'est alors, grâce aux Andalous réfugié,: d'Espagne, que la piraterie prend à Salé son plein développement. La fondat,ion, à partir de 1627, des Républiques Morisques du Bou-Regreg, rend les coesaires indépendants du Maghzen et leur permet de se livrer tranquillement cl la course sans en verser le produit' au Sultan. En même temps, les commerçants de la ville pratiquent un commerce fructueux avec les puissances dont on chasse les, vaissea~lx marchands. « La guerre de deux puissances, disentils, ne doit, interrompre ni troubler le cours des transactions privées entre leurs citoyens ». C'est ainsi qu'une année plus de 100 bâtiments anglais viennent chez eux charger des marchandises et qu'à la même époque ils capturent 6.000 Chrétiens en six ans. Les puissances européennes ne manqueront pas d'intervenir à plusieurs a.'eprises en bombardant Salé. IMais la piraterie ne cessera que lorsque le Sultan Moulay Mohammed aura supprimé son but principal. En 1767, en effet, il autorise l'échange des captifs. -- -~~---_ ... ~- - 103 - n. - LE SUL'I'AN MOULAY MOHAMMED sel' au Maroc et la position centrale de ces deux po.rts est particulièrement favorable à leur pénétration. Mazagan offre un abri naturel qui permettait. un trafic plus facile. A Casablanca cependant, on commence dès 1906 les travaux du port. C'est à la suite de l'assassinat de 9 ouvriers de la Compagnie Schneider que les Francais doivent l'année suivante envoyer un corpso expéditionnaire sous la protection 'duquel les Européens s'installent de plus en plus nomhreux. Ce Sultan s'était déjà att'aché·à la réorganisation du t'rafic maritime. Depuis l'occupalion portugaise, Safi et Agadir avaient. connu, avec des fortunes dive.rses, une activité comtnerciale cerlaine. Safi, après avoir exporté au XVII" siècle beaucoup de blé, et d'orge de la ni'~g,jon de Mar.rakech avait été fermé en 1i18. 11 le donne en monopole à un société danoise (1ït>i). Le port d'Agadir avait toujours été le déhouché du SOUS, pt des caravanes venant de rrombouctou; des bâtiments de toutes les nations venaient y chercher du sucre, de l'or et des ivoires. Moulay IMohammed, pour des motifs surtout. politiques le fe.rme en 1ÎÎ3 au commerce étranger et oblige ses commerçants à s'étahlir à Mogador qu'il avait, créé dix ans auparavant. Ainsi, jusqu'au XX- siècle, Agadir restera un village de pêcheurs, Safi végétera tandis que Mogado.r, les remplaçant l'un et l'auIre, deviendra le premier port du Maroc. 10. - 11. -- LES PORTS EN 191.8 Ainsi, à l'époque de la signat.ure du traité de Protectorat, 5 ports sont capables d'assure~' un trafic sérieux ; Tanger, la capitale diplomatique, Casablanca, Mazagan, Safi et Mogador. Ce sont en réalit.é des rades foraines mal protégées où m'ouillent les ca.rgos, pendant que des « barcasses» font la navette avec la teiTe pour débarquer passa:gers et marchandises. Souvent, le mauvais temps empêCjhe les opérations pendant de longs jours; quelquefois même, la tempête oblige les bâtiments à dérader. A cette époque, Fédala et Agadi.r sont des misérables villages de pêcheurs ; quant aux estuaires du Sebou et du Bou-Regreg ils sont encombrés par le sable. On admettra aisément qu'à l'arrivée du Maréchal Lyautey le problème des ports ait été l'un des plus' urgents et des plus délicats à résoud.re. LE DEBUT DE L'ERE MODERNE C'est encore sous le premier règne de Moulay Mohammed que Mazagan et Casablanca sont évacués par les Portugais. Mais il faudra attend.re la fin du XIX- siècle pour voir ces ports s'ouvrir au commerce et éclipser Mogador. A la suite de la conférence de Madrid, les puissances européennes commencent il sïn~éres 1re PARTIE La construction des ports marocains 12. - CONSTRUIRE UN GRAND PORT A la fin du siècle dernier, la France avait fait l'expérience malheureu~e. du plan Freycinet; on avait réparti 800 mIllIons (1) parmI iO ports au lieu de concentrer les effo.rts sur 5 ou 6 ceritres judicieusement choisis qu'on aurait ainsi rendus capables de concurrencer Hambourg, Anvers ou Londres. Il s'a.gissait au Maroc de ne pas tombe.r dans la meme erreur. L'on fut d'accord pour construire un seul g~~nd Port et arilénager les autres, en vue de faClht~r la pénétration économique et assurer le l'aVItaillement. des eolonnes militaires en attendant ln constitution du réseau ferré et routier. La discussion «une véritable bataille », dit. M. Célerier, p~rta SUl' l'emplacement à choisir pour Ce grand port. L_· 13. ~ CHOIX DE CASABLANCA En 1913, trois points de la côte marocaine répondaient aux conditions qu'on exigeait du grand port à construire : être à peu près à égale dist.ance de Pès et de Marrakech et servir de. débouché à la cha~uia à laquelle on supposmt de grandes ressources ag.ricoles. C'était 'Mazagan, dont la rade profitait de la protection d'un éperon rocheux; Casablanca où les travaux avaient commencé dès 1906, et Fédala où la Compagnie Hersent. avait mis à l'étude l'étaL blissement d'un grand port. Avant de se décicle.r, Lyautey demanda à une commission, présidée par M. Guerard, Ins- 1 ...... ( 1) de fl'ancs-ol'. _ pecteur général des Ponts-et-C:haussées, de lui indiquer quel point de la côte atlantique convenait. le mieux, au double point de vue des avantages économiques et de la faculté de construction. L'enquête à laquelle M. Delure, nommé Directeur des Travaux publics, prit la part la plus active, conclut en faveur de Casablanca pour des raisons économiques; on estimait les difficultés techniques de la construction aussi considérables sur n'importe quel point de la côte. 14. - 'II '1.' Il\CONVENIENTS DE CASABLANCA En fait, de nombreux techniciens, et surLout les marins qui avaient fréquenté le mouillage de Casablanca depuis quelques anné~s, étaient d'un avis opposé: on ne pOUVaIt, d'après eux, choisir un endroit plus dangereusement, exposé il l'action de la houle. Les événements leur donnaient des arguments de poids. En 1909, la mer emporte 50 mètres de la jetée en construction; en 191 0 un raz de marée t'avage les terre-pleins. En 1912, un remorqueur et 9 barcasses sont détruits par un ouragan. En 1913, cinq voiliers sont jetés à la côte, trois navires sont détruits à l'ent,rée du port. On comprend qu'à cette époque, le Directeur du Service Hydrographique de la Marine ait cr~ pouvoir donner un avis aussi formel que celm-cl « On peut affirmer, contrairement il ce qui « a été dit parfois, qu'il est impossible de créer « sur le littoral occidental du Maroc, un port « qui soit accessible aux navires par tous les « temps ; il faudrait, polir dépasser la ligne des « brisants qui se forment dans les tempêtes, « prévoiil' des jetées, par des profondeurs et à « des distances telles que ces ouvrages seraient « irréalisables. « Quelque puissant· que soit l'effort, que « l'on fasse, les raz de marée rendent impossi« hie, en certains cas, tout~ entrée ou sortie des « navires. « LOil'squ'on a observé la violence des bri« sants de la côte, il paraît hardi de tracer un « port aussi vastle que celui dont le plan aéLé « adopté pour Casablanca et, dont la jetée exté« rieure serait établie par des profondeurs de « 20 mètres à haute mer (1) ». Il est facile, trente ans plus tard, de sourire d'une prise de position aussi catégorique. Il faut avoir pratiqué le port de Casablanca certaines nuits d'hiver où l'un après l'autre les hàt,îm'ents amarrés à la jetée Delure rompent leurs amarres e~ qhassent sur leurs ancres, pour savoir que si Casablanca est devenu un très grand' port., il n'est pas toujours un mouillage très sain. .-:..' 104 15. - IN'l'ERETS FINANCIERS Mais Casablanca était la ville où les intérêts français avaient pris le plus grand développement. Depuis une dizaine d'années, près de dix mille européens s'y étaient installés, y avaient, acquis des terrains et créé des commerces qui prospéraient grâce il la présence des troupes françaises. Les intérêts financiers investis étaient considérables et leurs propriétaires ne se laissaient pas toujours oublier. 16. - DECISION Dl; GENEHALLYAlJ'rEY Cependant, le Général Lyautey, qui, nous dit-il (2), était « on ne peut moins convaincu de l'opportunilé et de la possibilité du port de Casablanca », avait éLé eonverti pm.' M, Delm'c. Peu de temps avant l'adjudication des travaux, il fit un voyage en France au i~ours duquel l'opposition s'acharna contre le projet. M. Celeriel' raconte que le 25 mars '19'13, jour de la signature, M. Delu.re attendait à Rabat l'arrivée du Résident. Celui-ci, bloqué li Casablanca sur le bàl,iment qui le ramenait au Maroc et impressionné par la violence des éléments, lu! télégraphiait encore : « Etes-vous bien sûr, Delure, qu'on puisse construire ici un grand port'? » En fait, Casablanca fut choisi, parce qu'il était le centre de la vie commerciale du Maroc et parce que Delure avec toute sa foi de technicien, certifiait qu'on pouvait, y construire un port. Mais cette décision, dans laquelle tenait tout l'aveni.r du Maroc, il faut en laisser l'honneur à Lyautey. 17. - CASABLANCA COMPARE A FEDALA ET MAZAGAN Maintenant, que le présent est là, qui exalte· son jugement, -il nous sera plus facile d'analyser quelques points du problème. II est incontestable qu'un effort financier énorme a dû être consenti. En 1932, M. Eyquem (3) l'estimait à près de 1.'100 millions de francs de l'époque. Or, on disposait à Mazagan d'un épi .rocheux, lon.g de 4 kilomètres, qui aurait diminué les ~ra~s neeessaires à la construction de la grande Jete~ dans des proportions qu'on estimera aisément 51 l'on sait qu'en 1948 un mètre de jetée Delure revient à 1 million de francs. De même les deuX ;rochers qui protègent la petite rade de Fédala permettaient d'y construire rapidement et à peu ( 1) Revue g'énérale des Sciences, 19 12, (2) Paroles d'action !J. nô. (3) Les ports de la zone française du Maroc. - 105- de frais un excellent port moyen. Les réalisations actuelles assurent facilement un trafic annuel de 120.000 tonnes et n'ont coûté que 35 millions d'avant-guerre à construire. Mais ces sites ne présentent pas, au même till'e que celui de Casablanca, une disposition avantageuse des fonds sous-marins. Pour permettre à un navire l'entrée du port :par tous les temps, il fallait que la digue dépasse la ligne des fonds de 17 mètres. Les plus grosses houles atteignent en effet jusqu'à 10 mètres de creux""" et des .rouleaux peuvent' alors se former dans les fonds de 17 mètres, Il faudrait, à Fédala ou Mazagan, qhercher cette ligne plusieurs kilomètres au large. De plus, ces rades sont bordées par des plages de sahle qui offrent le double inconvénient d'être peu favorables il l'établissement de ter.re-pleins ou de môles et d'obliger iL des dragages ;pour luWer contre un ensablement qui peut devenir catastrophique. Il faut en effet qu'un grand port soit creusé maintenant iL des nrofondeurs de 9 iL 12 mètres, nécessaires aux hlîtiments mode.rnes. A Casablanca, au contraire, cette ligne des fonds de 17 mètres est située parallèlement au rivage, iL environ 2.000 mètres. La côte est ro(~heuse, sans traces de sable, et descend en pente douce vers la mell.', Toutes conditions favorables iL la construction de môles, solidement addossés iL de larges terre-pleins et au développement sans entrave du port par simple prolongement de la Jetée principale. 18. - REALISATION DU PORT DE CASABLANCA Notre propos n'est pas d'étudier les di!fir:uHés techniques soulevées pair la constructIon d'une telle jetée; efforçons-nous seulement d'indiquer le schéma du projet adopté et les étapes de sa réalisation. Les travaux commencés en 1906 avaient pour huI, de gagner sur la mer un petit port de 10 hectares destinés iL servir de bassin iL barcasses. On décida de te.rminer ce bassin pour disposer aussitôt que possible d'un plan d'eau abrité, et de le protéger par une grande jetée bâtie en pleine mer et qui deviendrait ~'axe du futur port. Orienté,e au Nord-Est, pUIS au N. 63° E., cette jetée serait ainsi pa;rallèle au rivage et atteindrait rapidement les fonds de 17 lllètres. Il suffirait de lancer d'Aïn-\Mazi une jetée transversale perpendiculaire pour délimiter un vaste plan d'eau à l'intérieur duquel on Const,ruirait des môles gagnés sur la mer. C'est le projet qui fut réalisé. La guerre de L '1914 ralentit les travaux sans les interrompre « Un chantier au travail. vaut un bataJiion », disait Lyautrey. En 1918, la Jetée Delure (i) avait 900 mètres et le port inté.rieur était assez Il'ianeé pour permettre le déchargement des harcasses. Au début de 1923, elle atteignait le Point : '1000 m. et les paquebots accostaient le quai eonstruit iL l'enracinement. En 1925, on COlllmença la jetée transversale qui, bien abritée de la houle avança rapidement. Au fur et iL mesure (/l' la construction le développement économi. que du Ma.roc justifiait la nécessité d'un tel port. Ainsi, en 19.27, un an après la mise en service du Quai des Phosphates, muni des perfectionnrments les plus modernes, les exportations de phosphates dépassaient le million de tonnes. En 1033, le môle de comme.rce était mis en service; en 1037, enfin, on terminait la constrllf'. lion d'une Halle aux poissons sur le Môle Chaix. w. - CASABLANCA EN 1937 Ainsi, iL la veille de la deuxième guerre mondiale, le' port de Casablanca a-t-il sensible. ment atteint sa physio'nomie actuelle. Un plan d'eau de '140 hecta.res environ (autant que le port. du Havre (2)), enserré entre deux jetées de 2.450 pt 1.550 mètres - un port de pêche, limité par l'épi Vrigneau et le Môle Chaix (Halle aux Poissons), Le Môle de commerce avec son im'Inense dock-silo capable d'emmagasiner 30.000 tonnes de céréales et d'en charger 400 par heu;re, avec ses nombreux magasins, ses gares maritimes. La jetée transversale spécialisée dans l'embarquement des pondéreux. A l'extrémité Nord, le poste des Phosphates, capable de stocker 150.000 tonnes et de chalrger 13.000 tonnes en 1!Il jour. Au milieu, le poste charhonnier et Ir parc à minerais, complétés iL l'enracinement de la jetée I)ar un parc iL combustibles liquides. Toutes ces installations remarquablement conçues, ces 1.600 mètres de quais accostables iL des hàtimentsc<1lant cIe 0 mètres iL '10 mètres, font de Casablanca le grand pŒ'~ qu'on avait voulu qu'il fût. Vingt-cinq ,ans après la cJ.écision de Lyautey qui lui. avait donné naissance, il se classe au 7me rang des ports français pour le tonnage des marchandises manipulées (de 2 m. 5 iL 3 m. de tonnes), au 5me rang des ports de pêche (de 12 iL 17.000 tonnes de poissons débarqués par an). Ce port, p~ur lequel on a dépensé 80 % des crédits consacrés iL la <construction des ports, i Nom donné)à la grande jetée, en l'honneur du grand technicien qui l'uvui t conçue et fait réaliser. (1) (2) En 1932. _ ,1 -·.106aceapare TI % du trafic marocain. C'est pour la politique de eoncentralion portuaire un succès incontestable. Est-ce à dire qu'au cours de ces 25 ans, on ait négligé les autres points de la côte ? 20. - AGADIR, MAZAGAN ET MOGADOR. Le programme de 1913 comportait la .remise en état des ports déjà existants. Ainsi, au cours de la guerre de HH4, on com'mença la construclion de petits bassins à Mazagan et Mogador. A Agadir, le Génie Militaire construisit un appontement et une jetée d'environ 200 mètres. On ne poussa pas plus loin ces travaux qui en firent des ports il barcasses, remplissant parfaitement le rôle qu'on leur demandait. Trois autres poris méritèrent des installations plus poussées. Fédala, parcr qu'il sut se spécialiser dans l'importation du pétrole, Safi, parce qu'on en fit le déhouohé des phosphates de Louis-Gentil, PortLyaute~~ enfin parer que pOirt de rivière. 21. - FEDALA La construction et l'aménagement du port cie Féclala furent conoédés en 1914 à la Compagnie Franco-Marocaine cie Féclala, fondée par M. Hersent. L'ahri naturel existant, constitué par deux ilôts de 15 mètreS' cie hauteur fut complété pair la construction d'une cligue qui les relia à la terre; les concessîonnaires tentèrent ensuite cie lancer de l'ilôt clu large une jetée Est-Ouest destinée à jouer le même rôle que la Jetée Delure à Casahlanca. S'apercevant. qu'il faudrait la p.rolonger largement avant d'obtenir une protection sérieuse, ils se bornèrent à construire deux épis qui formèrent un petit port. Ce n'est qu'en 1930 que la Compagnie obtînt la f'oncession cie nouveaux travaux destinés à faire .>-. cie Férlala un grand port nétrolier. Deux nouvelles jetées, au large des épis furent construites pour protéger le nouveau port; eUes eurent, de plus, l'avantage de limiter l'ensahlement provoqué par la proximité de la plage. Trois postes d'accostage furent aménagés, dont l'un fut nreusé à 8 m. 50 pour les gros pétroliers. Les deux ronhers fUirent réservés au stockage des pétroles. Ce programme fut l'éalisé en 1933, en même temps qu'on construisait un port de pêche ave.(' halle aux poissons et poste d'accostage pour sardiniers et chalutiers. Malgré la rivalité de Casablanca qui avait f'~'einé au maximum la concession des nouveaux travaux, Fédala importait avant guerre 90.000 tOnnes environ de combustibles liquides par cabotage sur les côtes marocaines. La pêche y alimentait six usinè'S de conserves et deux ateliers de salaison. Sa plage enfin, une des plus helles du Maroc, en faisait un lieu devillégiature apprécié. 2. - SAFI On s'était contenté, à Safi, de remettre tn état au cours des premières années du Protectorat, le Warf construit en 1908 par la Compagnie MaiI'Ocaine. Ce n'est qu'en Hl20 qu'oll décida la construction, nettement plus au Nord. d'un port à harcasses dont les travaux furent adjugés à un groupe composé de MM. Schneider, Hersent, de la Compagnie Marocaine et dl' la Société Générale d'Entreprise au Maroc. Ce pelit pod fut terminé en 1925, mais on continua la construction jusqu'à 1500 mètres, de la jetée extérieure qui constituait l'amorce d'un grand port. La disposition des fonds y était en effet plus favorable encore qu'à Casablanca; à 400 mètres du rivage on atteint les fonds de fO mètres, ce qui réduit au minimum le prix de revient des terre-pleins. Le port' fut fermé par une jetée transversale· (1930); en 1932, il fut concédé à l'Office Chérifien des Phosphates qui entreprit l'installation d'un quai d'emharquement des phosphates destiné à évacuer la production de Louis-Gentil et qui fut mis en sr~>­ vice en 1936. A cet.te époque, Safi Rtait devenu un port moderne: 70 hectares abrités, 400 mètres de quais acc.ostables à 9 m. Le Quai des Phosphates. sur un terre-plein de la jetée transversale et perpendiculairement, le Quai des Marchandise", avec ses magasins et le poste de stockage des phosphates (240.000 tonnes de capacité). L'ancien port à baroasses fut réservé à la pê0he qui prit, les dernières années avant la guerre, un essort considérable. En 1939, 15.000 tonnes de sardines étaient débarquées à Safi et travaillées dans 1.2 usines de conserves. Ce port se classe alors au deuxième rang des pOirts marocains, tant pOlir la nêche que pour .le trafic total (460.000 t. en 1930 dont 31.5..000 de phosphates). 23. -"' LES PORTS De NORD Il existait, au Nord, du Maroc, deux fleuves dont les embouchures avaient toujours été, au cours de. l'histoire des sites maritimes. Seul le po.rt de Rabat, sur le Bou-Regreg, avait conservé une activité commerciale, bien affaiblie cependant par lin ensablement progressif. Sur le Sebou, à 17 kilomètres de Mehclya, la bas.e militaire de Kénitra fonctionnait depuis 19H, et elIe avait éLé ouverte au commerce le 1er janvier HH3 ; un appontement avait été cOnstruit par le Génie et les kansports fluviaux rem?,n~ lai.ent jusqu'à 70 kilomètres en amont (SoCIete Omnium de Transport au Maroc). En 1917, on accorda la concession des ports du Sebou et du Bou-Regreg à la société des pOl'ts marocains de Mehdva-Kenitra et Rabat-Salé. Au lieu de s'en teni,r à la politique de concenlwüion port.uaire qui avait si bien réussi à Casablanca, le Gouvernement céda aux instanl'es de la Chambre de Commerce de Rabat. A ;30 kilomètres de Port-Lyautey et à 92 kilomèt.res de . Casablanca on dépensa des millions pour améliorer le cours du Bou-Reg,neg et construire des quais, alors qu'il n'y avait aucune raison d'y prévoir un trafic intéressant. L 24. - PORT-LYAUTEY Sur le Sehou, la construction des quais qui devaient remplacer l'appontement du Gé'nie, ne Iwésentait aucune difficulté. En ~933, ~ort­ Lyautey possédait 774 mè~res de, quaIs mU~I~ de (J'rues un dock-silo à céreales d une capaCIte de 6.000 'tonnes, et un lotissement pétrolier imporLant. Le véritable problème fut de permettre la rent/rée et, la remontée du fleuve à des bâtiments de plus en plus importants. Avant les travaux, le Sebou se jetait dans l'Océan entre deux ,plages de sable, qui, sous ' .. l'action ' des courants et des marees se reJOIgnaient en un bouchon découvrant presque à marée basse. La houle y formait une barre dangeiI'euse et le fleuve traversait) ce seuil en un chenal assez' fluctuant, que les bâtim'ents devaient emprunter à une marée propice. Il e~t évident que le moindre mauvais temps rendaIt cette opération pour le moins .has,ardeuse. ,L'enLrée du Sebou était alors conSIgnee de 90 a 110 jours pal' an. " Il s'agissait de percer dans cebou?hon ~e sable une véritable brèche ; pour obtemr ce r.esulLat, sans des dragages impossibles au milieu de la hanre on utilisa la force vive du volume d'eau de la' mer introduit à chaque marée, très supérieur au volume d'eau douce débit·é par le fleuve. Deux jetées parallèles de plus ,de 1.800 mètres allèrent, chercher ce flot de mareeau lal'ge et le canalisèrent de façon à lui donner son lllaxinHim d'efficacité. En novembre 1926, avant même que les. jetées ne fussent terminé:s, les fonds passèrent brusquement de 1 m. 70.a 3 m. 20. Le fleuve avait r.éussi à percer le seUll de la baiI're. Depuis cette date, le jeu norn~.al des mal'ées, aidé par des dragages de peu d Importance 107 a entretenu constamment à l'embouchure du Sebou des profondeurs de 4 mètres. On s'attaciha, par la suite, à régulariser le cours infétieur du Sebou entre 'Mehdya et PortLyautey. Par des épis judicieusement placés pour diminuer la largeur du chenal, et par la construction d'une digue à la hauteur de l'anse des Chal)pentiers, on réussit, à creuser les hauts fonds du Seuil des Abattoi.rs et du Seuil des cheminées sans l'aide de la drague. Des travaux eomplémenVaires adoucirent certains angles du chenal qui limitaient la longueur des bâtiments admis. En 1933, l'accès du pod ne fut consigné que 15 jours et les mouvements des navires s'élevèrent à 1-.100 rentrées et sorties. Cependant, on ne pouvait encore admett~'e de bâtiments d'un tirant d'eau supérieur à 4 m. 50 (ou 5 m. 50 suivant la marée) ou d'une longueur supérieure à 110 mètres. Il était tout naturel de songer à doubler Port-Lyautey par un avant-poiI't qui aurait rempli le rôle que joue le V:erdon par rapport à Bordeaux, ou le Havre par rapport à Rouen. L'emplacement pré,vu était l'anse des Charpentiers, située à 4 km. en amont de la jetée Sud, mais les impol'tants travaux projetés ne furent pas réalisés il cause de la crise de 1932 et de l';h.ostilité de Casablanca. Malgré ces limitations, Port-Lyautey connaissait avant la guerre une activité qui en fit longtemps le deuxième port du Maroc. Son trafic oscillait entre 200 et, 250.000 t. par an après avoir connu entre 1930 et 33 un maximum ('1) provoqué, par l'équipement du Nord Marocain, et particulièrement, la construction des villes de Fès et Meknès. A partIes matériaux de construction, il recevait surtout des combustibles (cha.rbons et pékoles) dont la moitié par cahotage en provenance de Fédala. Il exportait surLout des produits agricoles et un peu de minera i de plomb ·en prevenance d'Aouli. 25. - LE POINT EN '1939 Ainsi, après une période de construction, l'évolution des ports marocains en était, à la veille de la dernière ciI'ise mondiale, à sa période d'utilisation. Il est intéressant de résumer en quelques mots la situation respective de ces ports avant que la guerre ne vienne y apporter de nouveaux éléments de transformation. 1. - CASALANCA, «poumon du Maroc », accapal'e les 3/4 du t,rafic marocain, tant à l'importation (produits de toutes sortes), qu'à l'ex(1) 383.000 tonnes en 1931. porlation (phosphates, minerais, céréales). Il est de loin la place de commerce la plus puissanIe, le seul porI de voyageurs, le premier port de pêche. 2. - SAFI, port spécialisé dans l'exportation des phosphates, expode également des céréales el, se lourne de plus en plus vers la pêche. 3. - PORT-LYAUTEY, port régional du 108 Maroc du Nord, tant à l'importation qu'à l'exportation. 4. - FEDALA, port spécialisé dans l'importation nt l'exportation des combustibles liquides. 5. -AGADIR, MOGADOR, MAZAGAN, restés des ports à barcasses font un trafic d'importance locale. lime PARTIE , Les conditions nouvelles nees de la guerre Avant d'envisager l'avenir cie ces ports au seuil cie l'après-guerre, il est nécessaire de signaler les répercussions provoquées par la gu:rre, tant au point de vue économique qu'au pçnnt de vue teehnique. 26. ' - EVOLCTION DE L'AGRICULTURE Le Maroc est un pays essentiellement agricole, a-t-on coulume cie cIire. 'Mais sa récolte en céréales, pa,rce que produite en majeure ,partie par les indigènes, est gravement influencée par les circonstances a l,mos p,'h:ériques. Pour des raisons diverses, dont la principale est l'accroissement considérable de la population, cetie récolte qui fournissait avant la guell're un élém~nt important à l'exportation (6 mHlions d~ qu!nLaux en 1946), est devenue en moyenne a peme suffisante pour nourrir la population. Pendant l'hiver '1945-46, il a fallu importer plus de 600.000 tonnes de cérérules pal!' deux ports spécialement conçus pour l'exportation. Il serait exagéré de classer le Maroc parmi les p~ys importateurs de oéréales ; il n'en faut pas moms le rayer maintenant de liste des exportatem's de blé. la Les eultures maraîch{~res, les agrumes, les fruits de toute nature donnent au contraire des récoltes largemenL excédentaires. Le marché dc la Mélropole, et même de pays européens comme l'Angleterre, un peu réticents avant guerre, sont llwinl,enant largement ouverts. Lesexportations d'agrumes en parrticulier ont triplé de 1938 àHJ47. 27. - LES PHOSPHATES En 1938, le IMaroc expédiait dans tous les coins du monde 1 million 500.000 tonnes de phosphates. Il en exporte maintenant près de ;3 millions, et l'importance des lléserves permet d'envisager sans difficulté une production de 4 millions de tonnes. Les gisements' de Louis, Gentil en évacuent de 600 à 700.000 tonnes'par chemin de fer, sur Safi. Ceux de Kourihga sUrI' Casablanca (f:nviron 2 millions de tonnes). La facilité de 'l'exploitation et l'excellente qualité du lninerai (75 % de phosphates tricalciques) assurent aux phosphates marocains sur le marché mondial une prépondérance que seuls les phosphates américains (Floride et CAiroline) peuvent menacer. Les clients, à part ,l'Australie et l'Afrique du Sud, sont surtout des pays europé,ens dont l'agriculture après six années de guerre a grand hpsoin d'eng,~ais. Ainsi, gràee aux phosphates, le tonnage des exportation~ marocaines est très largement supérieur à celm des importations; la guerre n'a "fait qu'accentuer cette tendance. Il n'y a pas au Maroc, et sull'!out à Casablanca, de « problème du fret de retour ». 28. ---'-- LA PECHE La pêche est devenue depuis la guerre un des éléments les plus importants de la prospérité économique du Maroc. Une étude l'écente de M. Furneslin, Diredeur d€ l'Omee Scentifique des Pêches du Maroc en donne les raisons : gd'âce à l'existence du courant froid des Canaries qui baigne les llégions situées au Sud du Cap Cantin, les côtes marocaines, surtout entre Safi et Agadir, sont extrêmement favorables à la pêche à la sardine. Ainsi, la pê,che et ses industries (conserves, salaisons) actives avant la guerre à Casablanca et à Fédala, a-t-eMe tendance à se concentrer maintenant dans les ports du Sud. Safi est devenu le premier port sardinier de l'Union Française, et Agadir ne , '"..,; '.lL··· .~..:.:." , !I!!!!!!l!! j --I!El!!!!!!! -........ J =00 ........ _"" ~ - - - - - - -... . . . . . . . - - - tar'dera pas à le èoncurrencer sél'ieusemenL 011 récolte actuellement 50.000 tonnes de poissons par an au Maroc. D'après les conclusions de M. Furnestin, on pense atteindre dans quelques années le chiffre de 250.00 tonnes, et le Maroc inondera le monde de ses conse,rves de poisson. 2~). - CONCLUSION De cette brève étude, trois faits essentiels se dég1agent : 0 le Maroc n'exporte plus de céréales; il peut même être obligé. d'en importer. Mais il -développe ses exportations d'agrumes; 1 ) 2°) l'exportation des phosphates à doublé; 3°) la pêche et ses industries tend à abandonner Casablanca et Fédala pour se développer prodigieusement à Safi et à Agadir. 30. - lM PORTANGE DE CASABLANCA PENDANT LA GUERRE. La guerre a également contribué à l'évolution des ports marocains par deS' changements d'ordre technique. Casablanca fut pendant toute la durée des hostilités, la plus importante, sinon la seule porte d'entrée et de sortie du Màroc (1). En 1939-40 il fut l'un des principaux centres de rassemblement des convois alHés. Entre l'Armistice et le.d1ébarquein!'lnt du '8 novembre 1942, Casablanca n'eut qu'un trafic réduit, el, uniquement dirigé vers la France ou ses colonies. Cependant, une escadre était basée Bn A.O.F. et au Ma.roc, et pour l'entretenir l'industrie des constructions navales dut s'adapter à des trava.ux auxquels eHe n'était pas préparée. Avec l'aide des techniciens de la Marine, les 'chan tiers privés. réussirent à assurer pendant cinq ans les r<:\pa.rations qui leur é,taient dema~­ dées, sur des petites unités comme sur des crûlseurs. C'est à cette collaboration avec la Marine Nationale qu'il faut attribuer l'essor des constructions navales à Casablanca (2). Au lendemain du débarquement allié, une vingtaine d'épaves encombrèrent le pOiI't e~ l'avant-port. A part le paquebot ~ Porthos », qUI resta longtemps chaîné à l'extrémité du Môle de commerce aucune ne gêna sérieusement le trafic miIitai~e qui fut considérable. Pendant trois ans Casabilanca fut à nouveau un des nœuds essentiels du svstème de convois alliés. On estil1le qu'en 1943 et 1944, 12 milli?nsde, tonnes' de matériel de gue.rre y furent debarquees. 109 31. - LES AUTRES PORTS Il était naturel que Casablanca attirât ainsi le trafic grâce à sa grande facilité d'exploitation et la grande quantité de gros bâtiments qu'il pouvait abriter. A part. Safi, qui dépasse dès HH4 son trafic d'avant-guerre, les aukes ports du Maroc sont délaissés. Les convois sont composés en majeure partie de Liberty Ships qui ne peuvent pénétrer dans le Sebou ni - il plus forte raison - dans le Bou-Regreg. Fait. plus grave, puisqu'on n'y voyait pas une utilité imnH\diate, on négligea de poult'suivre les dragages pourtant nécessaires dans ces ports de rivière. Ainsi, au lendemain de la guerre, Rabat rt Port-Lyautey se trouvaient cons,idé,rablement Pllsahlés. 32. - AUGMENTATION DU TONNAGE De toutes façlons, lm entretien atl,enLif du chenal n'aurait pas suffi à éviter il ces ports les conséquencf~s de la guerre. Les flottes marchandes d'avant-guerre étaient, surtout en France, composées de cargos d'un tonnage eL d'un tkant, d'eau faibles (inférieur à 4.000 t. et il 4 m. 50). Au cours de - la guerre, ces cargos furent torpillés, sabordés ou vieillis par un usage intensif, et on les remplaça uniquement par des Liberty ou des VicLory Ships dont les ca,radéristiques sont presque doubl-es (3). Cette augmentation du tonnage moyen, dès avant la guerre, semblait faLale. La guerre nous fit passer sans transition du cargo de 4.000 tonnes au cargo de 10.000 t.onnes. Une évolution semblable joua contre Fédala. Ce port était fait pour recevoilI' des pétroliers de 16.000 tonnes de déplacement et de 8 m. 50 de tirant d'eau. La plupart des pétroliers dépas,se maintenant 18.000 -tonnes et ils doivent s'aUéger à Casahlanca pour pouvoir rentrer à Fédala. 33. - TENDANCES ACTUELLES Ainsi, tout concourt à iI'enforcer la situation déjà prépondérante de Casablanca, et à favoriser le développement de Safi, les seuls ports marocains que ne gêne pas l'augmenLa(1) Sauf Safi pour les phOSPhates. (2) En 1045, l'Il1(lustrie de Casahlanca a réparé les hâtimenls suivants : Le cuirassé « Richelieu », le porte-avions « Béarn », 3 croiseurs, 10 autres hâtiments de guerre 'et 8 navires. de commerce. (:3) Port en lourd; 10.500 tonnes, tirant d'eau en charge 8 m, a. Long'. 135 m. pour le Liberty onlinaire. tion des tonnages. Le tableau de la page 111 nous présente clairement l'influence de la guerre et les tendances actuelles. 1) - Augmentation de 65 % sur le trafic de Casablanca, à l'expol'tation comme à l'importation. % sur le trafic de Safi, portant uniquement, sur l'exportation. '2) - Augmentation de 100 :3) - Baisse sens1ihle du trafic de Fédala. 4) - Légère reprise de Port-Lyautey après une réduction de pirès de 90 % du trafic. 110 5) - Disparition presque complète de Mazagan, Mogador et Rabat. 6) - Point d'interrogation à Agadir. Ces constatations nous invitent à creuser particulièrement tl'ois problèmes. Laissant de côté Safi, où aucune difficulté technique ne peut entraver un développement désormais assuré, abandonnant Rabat, Mazagan et Mogador ù une décadence qu'il serait vain de penser ralentir, nous étudierons Casablanca et Fédata en un groupe maintenant difficUe à dissociet, nous chercherons un remède à l'asphyxie de Port-Lyautey, nous tenterons de lever l'incertitude qui pèse sur l'avenir d'Agadir (1). Il pne PARTI E Les problèmes de l'après-guerre A - 1. - CASABLANCA-FEDALA INTRODUCTION En 1939,.lIll trafic de 2.906.200 tonnes, en 1047 , lin trafic de 4.162.000 tonnes. Tel est l'acciroissement des charges du port de CasabIanca pendant une période au cours de laquelle aucune amélioration n'a pu être apportée aux installations déjà existantes. Ce port, dont la eonception avait parue trop grandiose est maintenant perpétuellement encombré. Casablanca qui avait fait pendant la guerre l'admiration des techniciens alliés risquerait de voir le trafic se détourner de lui si de puissants facteurs n'en faisaient, en réalité, la principale porte du Maroc. Nous nous proposons d'étudier trois de ces facteurs : développement industriel prodigieux de la région de Casablanca-Fédala ; création à Oukacha d'un immense lotissement pétrolier ; fonction commerciale de la place de Casablanca. Nous verrons ensuite quels moyens sont à mettre en œuvre pour faire face à un trafic qui, de ce fait, ne peut manquer de s'accroître. 2. - DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL La guerre, en coupant le Maroc de la Métropole, l'a obligé à utiliser ses propres ressources et à créer une industrie dont il n'avait jusqu'alors que pressenti le besoin. Ce dévelop- pement, industriel a été très amplifié à partir de 1945, Ipar l'afflux des capitaux venus aU Maroc ohercher un refuge contre la fiscalité éCirasante et la législation autoritaire de la Métropole. Il était naturel que la capitale cOllunerciaJe du Maroc en devienne également la capitale industrielle; la vocation des grands ports est d'attirer certaines induswies, telles que les constructions navales et surtout les industries de transformation. Les produits reçus, qu'ils soient deslinés à l'importation ou â l'exportation, sont en général des matières pil'ernières qu'il convient de traiter pour les expédier sous un moindre volume. Il est tout indiqué de le faire à proximité d'un porb qui reçoit directement le charbon. Ainsi, Marseille tl'ansforme l'arachide du Sénégal en huile et savon; ainsi, Port-Jérom e raffine le pétrole reçu du Havre. De même, Casahlanca traite la totalité du sucre nécessaire à la consommation locale : (Compagnie Sucrière Marocaine). Les huileries et savonneries de Marseille y ont des succursales importantes qui continuent de se développer parallèlement aux exploitations marocaines. ( 1) Pour ne Das alourdir cetloe étude, nous laissero n<; de l'ôté l'étude du Dort de Nemours, qni, bien qu'alimenté en grande partie par les minerais du Maroc Oriental. n'est pa,; encore un port marocain. , •• 1 _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _- - - - - - - - -...... 1. . d~ Influence' la guerre sur le trafic des ports marocains 19 39 Exp orto Import. 1946 TOTAL Import. 1947 1 1 TOTAL Export. Import. Export. TOTAL 1 -722.700 2.1 80.000 2.906.200 1 1 -26.000 4 33.000 3.037.200 4.162.000 697.9681 26.400 796.800 823.200 35.093 26.400 30.0001 56.400 79.200 9.600 88.800 1 SAFI ................ 654.418 dt 600.760 43.550 1 1 243.000 PORT-LYAUTEY .... 21.553 1 13.560 - -- - -_. 1.125.000 1 ph. ph. 1 29.000 1 3.948.802 ph. 1 459.000 dt 315.000r -114.000.1· 2.847.327 1.09.5.47;; dt 2.249.000 CASABLANCA ...... - - - -1 1 92.000 1 30.000 122.000 FEDALA ............ 107.146 21.800 \ -- 1 1 2.056 32.883 128.946\ 34.939 AGADIR o ••••••• 0·0 45.111· •• 4.9911 1 -10 il 30.000 110 à 50.000 59 à 80.000 MOGADOR .......... 10.803 50.102 1_- --- 1 5.991 16.322 1 --' --_. --- 10 à 30.000 1 40 à 70.000 50 à 100.000 1 50.000 / .\ 1 MAZAGAN .......... 11.082 2.740 -22.000 i 1 72.0ÙO 1 13.822 l - RABAT .............. - - - I --_. 1 ---- I : 1.uJO.OOO env. 1 2.9 DO 00(' l'V 4.0lio.ooo env. l 1,;i3·!.720 TOTAL .............. • "'-'--,-:";- - ..... 3.:"'30.82'" 4.885.547 1 1.257.000 3.87::I.40C 5.130.400 - 112- Une industrie textile a pris naissance, orientée vers une fabrication qui utilise, soit les laines marocaines, soit surtout des cotons ou des laines d'importation, de qualité supérieure. Ajoutons que l'usine des, superphosphates fournil en engrais l'agriculture marocaine et qu'une usine d'agglomérés de manganèse traite les minerais d'Imini avant leur exportation. Casablanca est organisé pour transformer les prôduits fournis par l'agriculture ou par la pêche. Cette industrie suffit aux besoins locaux et travaillfl largement pour l'exportation. Citons les minoteries et les usines de pâtes alimentaires, l'importante Brasserie de la Cigogne, les fabriques' de jus 'de fruits, et surlout les conserveries de poisson (18 usines), de légumes et de confitures. Rappelons enfin que Casablanca possède la plus grande usine thril"mique du Maroc, la seule cimenterie, et que ces établissements d'une extrême importance dans l'équipement industriel du pays sont en voie d'agrandissement pour répondre aux besoins sans cesse accrus. Nous avons déjà signalé l'extension prise par les chantiers de consl,l'uctions navales qui s'orientent maintenant vers la construction de petits bâtiments en bois. 'A part ces ateliers situés dans le port autour de la Darse de la Marine, la presque totalité dies usines se trouve dans le quartie.r des Roohes Noires et d'Aïn-Sebaa. Cette banlieue industrielle dont la limite extrême est marqué.e maintenant par les lotissements pétroliers d'Oukacha (voir § 3) s'étend constamment et il faut prévoir qu'elle atteindra un jour celle de Fédala surgie en moins de deux ans le long de la route de Casablanca. Ainsi, gràce au développement industriel considérable de la région Casablanca-Fédala, ees deux :ports se trouveraient soudés en un groupe dont la jetée Delure, prolongée su.r une dizaine de kilomètres, serait la directrice commune. On conçoit qu'il devienne difficile de dissocier les problèmes qui les concernent. La question du pétrole, en particulier, doit être étudiée en fonction de ce que M. le ContreAmiral Barjot a baptisé : le «combinat» Casablanca-Fédala. 3. - LE PROBLEME DiES CARBURANTS. On sait qu'avant la guerre Fédala était le grandporl d'importation et de stockage du pétrole au Maroc. Un règlement intocdisait, pour des raisons de sécurité, les déchargements des produits blancs (1) à Casablanca et on y stockait surtout du mazout destiné au ravitaille- ment des navires. Fédala importait alors annuellement 90.000 tonnes de combustibles liquides, et Casablanca 70.000. Or, en 1947, Fédala n'entre plus que pour le quart dans les importations de pétrole. C'est que pendant la gue.rre, les Alliés avaient installé à Casablanca un pipe-line flottant qui reliait' les réservoirs de la Shell aU poste d'amarrage des pétroliers de l'extél'ieur de la jetée transversale. On continua, par la suite. d'utiliser ce poste pour le déchargenient (ou simplement l'allègement) des pétroliers trop gros pou.r entrer à Fédala. Diverses compagnies furent par la suiLe autorisées à entreprendre dans la région d'Aïn-Sebaa-Oukacha, la construcLion de parcs de stockage très importants. La capacité totale de ce lotissement pétrolier doit atteindre 1/2 million de mèt.res cubes (2), e'èstà-dire qu'ellp dépassera très largement la consommation d'une année, pourtant double de eelle d'avant-guerre. Avec ses 46.000 m3 de capaeilé totale Fédala paraît bien petit. Faut-il admettre que du jour où Sieront terminés les lotissements d'Oukacha ce port sera délaissé au profit de Casablanca ? Il est certain qu'il serait difficile d'améliorer . Fédala pour y permettre l'entrée des gros «tanks steame.rs ». SI l'on voulait obtenir des fonds supérieurs aux 8 m. 50 actuels, on serait conduit fi des travaux de déroctage très importants. De plus, le bassin d'évitage actuel est trop réduit; on serail obligé de faire un nouveàU pod. tourné vers l'Est, alo.rs que l'évolution actuelle de Fédala le pousse plutôt à se développer vers l'Ouest. D'après M. le Contre-Amiral Barjot « la: « solution paraît être de compléter Oukacha «par une raffinerie .recevant à la fois du pé« trole brut du Vénézuala el d'Arabie, le MaroC « se trouvan t précisément à égale distance en«tre ces deux pays pil'oducteurs du pétrole Sauf [Jollr les iJesoins de l'Armée. (2) Produits noirs .: Parcs de la Marine Nationale (doiveni être achevés enlü48) 266.000 m3 Produits blancs : Parcs existant actull311ement .. . . . . . . . . . . . . .. 30.000 » Constructions en cours : Shell . ,,9.000 » Berre . 21.000 » Marine Nationale . 22.000 » 8.000 » Armée . ( 1) tl0.000 m3 Projets en cours li : Standard , . 51.000 » Oukacha : Cill3 Mar. des CarOur. 15.000 » Anglo-lranian . 15.000 » SocIété Française de Distribut. 2 5.000 » soit 266.000 m3 de produits noIrs et 216.000 m3 de produits plancs. 10.600 m:J: • • • ulOlldial ». Dans cette éventualité, Casablanca serait, utilisé pour l'importation du pérole brut et Fédala pourrait se spécialiser dans la réexp()J'tation pal' cabotage des produits raffinés. Ce rôle ne l'empêcherait pas de devenir le port, de plaisance nécessaire pour compléter les installalions balnéaires du «Deauville marocain ». 4. - • • > LA FONCTION COMMERCIALE. GENERALITES {in port est une place de commerce. La possibilité d'y stocker des marohandises créera Lill marché plus ou moins import.ant selon sa capacité d'entrepôt, le cl'édit existant sur la • 113 place et les qualités de ses négociants. Certains centres, particulièrement bien placés sur les routes mondiales, sont. ainsi devenus des ports de transit et cette fonchon commerciale peut. même exister sans hinterland immédiat à desservir. Rotterdam n'est pas le port. de la Hol· lande, mais le port mondial des produits exotiques. Le Havre est le grand marché du café et du coton. Casablanca, nous l'avons vu, est depuis longtemps la capitale commerciale du Maroc. Est-il susceptible de devenir un jour, comme le Havre ou Rotterdam, un grand centre de transit international qui justifie un développement considérable des installations du port ? .l~ HARDe ET LES ROUTE5 I1ARITII1ES nOt/D/ALES. rm:-------."ro-'---------~~ _--_=--:::------ - -==.~ --~- --_----_==-::---:::::::~-_-~, --=.-~-=-- ---- _-:::.::::.. - - -- - - - "" ~ --- __-~_-.. ~~ ~ ~ ~- _A - '-~ - _ ~""~ - -...-- - - ...... -"'- ~ ~ -~ -----=----;:::--:-==-=~-=- - . -... =--- _--:::-- 114 5. SITUATION DE CASABLANCA La situation de Casablanca sur les routes mondiales est bonne; elle n'est pas parfaite. Les bâtiments venant d'Amérique du Nord ou du Sud à destination des pays méditerranéens sont obligés de passer par le détroit de Gibraltar, donc, à proximité. Ceux qui vont d'Europe vers la côte Ouest. d'Afrique, de la Manche ou de la Mer du Nord vers l'Amélrique du Sud passent: quelques milles au large. Mais aucun n'est obligé d'y séjourner. Casablanca n'est pas une escale privilégiée, au même titre que GibralLar, Suez ou Singapour, véritables nœuds de routes mondiales. Il convient donc id/attirer ces bâtiments, soit par l'existence d'industries de transforma- . tions capables d'augmenter la valeur des marchandises transportées, soit par la puissance commerciale de la place. A l'échelle du Maroc, les finances casablancaises sont puissantes; mais, comme c'est le cas dans les villes jeunes et dynamiques, le commerce n'est nasloin de la spéculation, ce qui rend le crédit cher. Les frais de st,ockage, de transit, sont élevés, le port et les magasins encombrés. Casablanca n'est pas un port favorable à un commerce de redistribution qui réclame un crédit bon marché, des magasins et des entrepôts immenses, . des négociants possédant nar bradition familialp la routine nécessaire à l'exercice d'un méliAr ('(Imnlexe. ., l' , t." 6. ~ valeur. Celui qu'on fabrique de l'autre coté de la barrière douanière ne paie le même pourcentage que sur la valeur de la matière première impo.rlée. Si ce produit est exporté, Je syst(~me du drawback permet de récupérer les tqxes perçues à l'entrée de la matière première. Sur le marché local, lesma11chandises en provenanee de la zone fil:'anche seraient donc sensiblement plus chères que celles des autres usines. Il semble donc que la meilleure solution soit, de développer à Casablanca des industries de transformation qui ütilisent les mat,ipres premières passant. à proximité et dont les produits soient susceptibles de débouchés assurés. Ainsi, l'arachide et le cacao de la côte Ouest d'Af'.rique, la canne à sucre, des Antilles pourraient être traités au Maroc pour alimenter toute l'Afrique du Nord en huile, savon, chocolal. et sucre dont elle fait une grande consommation. Une industrie textile, ul:!ilisant le coton du Brésil, ou même du Niger, fournirait les énormes qua,ntités de _cotonnades nécessaires IlUX indigènes. La plupart de ces industries exist.~nt déjà et prennent depuis la guerre la grande extension que nous avons signalée. Casablanca, malgré cert.ains défauts de son organisation commerciale, et sans qu'il soit besoin d'yc,réer une zone franche, est donc en bonne voié d'attirer par ses industries une part'ie du trafic qui passe à proximité du Maroc. Il est donc nécessaire de prévoir un développement du port. en rapport avec l'accroissement considérable du trafic qui doit en résulter. ZONE FRANCHE 7, .' r:es caractfœisf.ÏauAs : crénith'on ehpr. c:;npculation, frais dA transit tron élevés, nA sont pas non nI us favorables à l'établissement, p,roposé dès 1937, d'une zone franiCh:e, fi Casablanca. On sait qu'une zone franche est une enceinte fi l'i.ntérieur de laquelle toutes les opérations : débarquement, transformation éventuelle rembarquement, peuvent être effectuées sans' intervention de la douane. On espère Ciréer en quelque sorte artificiellement un commerce de transit dont bé,néficiéraient le port èt les llégoc18nts de Casablanca. Si l'on envisageait la création, à l'imérieur -de cette zone franche, d'infhls~ri.f)s de transformation, ce qui d'aill~urs n'est pas possible dans l'état actuel du port, les usines qui béné.fici(mt dt! régime du «Drawback» leur feraient Ulle concurrence contre laquelle on serait désarmé. TJh produit. fabriqué à l'intérieur de la zone franche devrait, pour être vendu i1\l Maroc, payer une -taxe- conespondant à-12, :) % de sa . ~ TRAVAUX EN COURS ,Nous avons vu que le développement du port de Casablanca devait se faire tout naturellementpar la construction de môles parallèles à l'abri d'e la jetée Delure. Les travaux décidés et actuellement en cours sont les suivants : t 0) Prolongement de la jetée Delure du point 2.700 m. au. point 3.600 m. Ces 900 m. sont déjà exécutés jusqu'à une profondeur d'environ t m'ètre. La partie supérieure reste à faire. 2°) Elargissement du môle Chaix. Construction à côté .de la halle aux poissons d'une usine à glace, d'un entrepôt frigorifique et- d'un quai d'embarquement des marchandises périssables. Cette installation doit être l'aboutissement d'une «chaîne de froid» destinée à amener dans les meilleures conditions sur des cargos spécialisés les fruits (et surtout les agrumes),les pil'imeurs, etmêmè les viandes' destinés' à ·l'ex· 1 ,,-y .. PORT DE CASRBLAnCA ....-",,- . - ~ . .... "." .... ':,.. <'• \\ \\ A"~~~~ PI"'Q.t '. d~".'i~l;1jit", du po,.' \:l'Jill,) . .'\\ . , . . <\.; .\ \ \ .'. .\ \ \ . .\ \ . \ .\ \ '. '. . '. \ \ MEDINA ) 1 \ , .. ....... ;..:;. .. '" ' ...";.. .......~ ... , .... """ .\ .\ \, ,, \ , .. \ \ \ '\ " / ~~ ,; , ROCHES nOiAES ~\' \ ). \ .:- ...... .... ............". '. \\ '.\ '. ,~\ . '. '. \. \, '~~~ .\ . . \ --""'. ' '~, \. \ \ _.",.",.- .. "'~\ '. \ . "" \\ '\.., \\ '\ '. \ \~\ .\. '. - 115 - portation (1). On prévoit qu'à ,partir de 1955 l'agriculture marocaine sera en mesure de fournir à l'export.ation 35.000 tonnes par mois au cours de la période de pointe (1er novembre-30 juin). Les am'énagements du Môle Chaix pourront faire face à ce trafic. 3 0 ) Remblaiement du fond de la Daa:-se Delpit . pour y aménager un parc à minerai d'une capacit:e' de 300.000 tonnes et préparer la eonst.ruction du nouveau môle. Il est question de réserver ce môle à la Zone Fran Qhe. Les tl'avaux actuellement en cours apparaissent, donc modestes. Trois chantiers, dont aucun ne travaille à plein, alors que le port de Casablanca souffre depuis un an d'un encom- . bremenl chronique qui lui fait le plus grand tort. Le manque de crédit est ce;rtes le grand responsable, et nous avons déjà signalé le coût élevé d'un mètre de jetée Delure. N'est-il pas permis de rechercher d'autres causes? 8. - LES PREMIERS PROJETS D'EXTENSION Dès 1939, la Marine Nationale avait compris la nécessité de faÏl'e de Casablanca, à michemin entre Brest et Dakar une base d'opérations pour le temps de guerre. En particulier, l'absence d'une forme de radoub - seul un vieux dock flottant de 5.000 tonnes de..;sert le port - était une lacune grave dans l'infrastructure des bases françaises. Les divers projets établis entre 1939 et 1942 par la marine, en accord avec le Protectorat, prévoyaient la constitution dans le quartier des Roches Noires d'une sort,e d'arsenal, la construction d'une grande forme de radoub (2) et la participation budgétaire de la Marine à la construction d'une nouvelle jetée transversale partant des Roches Noires (3). De cet arsenal, seul fut réalisé le grand parc à mazout d'Aïn-Sebaa. L'utilisation de Casablanca à partir de n'ovembre 1942 comme base alliée, obligea de parer au plus pressé, et; nous avons vu plus haut que les ateliers de repar~­ tions, au lieu de se développe!' au Ruches·Noll'es, comme il était logique, sc tr(lUVf~reI1t étouffés au fond du :port de pèche taudis que la Marine continuait d'utiliser la jetée Delure pour l'amarrage de ses unités. 9. - PROJETS D'APR~S -GtiERRE En 1946 l'Administration des Travaux Publics comme~ça, ou plutôt, reprit, les travaux de la jetée Delure, le mMe Chaix et le fond de Darse Delpit (4). Au début de 'lP47, pour parer au remplacement, du doc{ dE; b.OOO tonnes, elle proposait la construction, à l'èmplacement de la Darse de la 'Marine, d'une forlIl·Cl ·de radoub de 163 mètres, capable de recevoir tous les bàtiments de commerce fréquentant le port. Ce projet, à côté d'avantages certains : solution i 111médiate de la question - existence de chantiers il p,roximité' - offrait, de sérieux inconvénients: danger d'embouteillage du port de pêche, difficult,ésd'accès - impossibilité de prévoir un lJuai d'achèvement à flot - situation excentri· que par rapport, au quartier industriel, etc... Les Compagnies de Navigation Chérifiennes et la S.A.G.A. intéressées au projet puisqu'elles devaient participer au financement, estimaient suffisante une longueur de 105 mètres qui permettait, le carénage de tous les bàtiments chérifiens (sauf le «Kouribga» et le «n jerada »). La Marine nationale de son côté insistait sur les inconvénients que nous venons de signaler et tout en admettant la construction d'une cale de 105 mètres pour parer au plus pressé, demandait qu'on établisse les projets d'une forme de radoub de 220 mètres dans le quartier des Roches Noires (P,eojet d'Avant.-Port du 11 juin 1947 (5»). '10. SITUATION ACTUELLE Au cours de nombreuses commissions on Lenta de concilier lès trois thèses en présence. La Marine finit par admetre une longueur de 125 mètres permettant le carénage des «Djérrada» et «Kouribga », puis ,135 mètres (Libert,yShips) et enfin HO mètres (cargos en construc(1) Cf. Journal cIe la Marine Marchande (lu pag'e 2.cJ 81. 18-12-47, (2) 2 demi-forme~ de 142 m. et de 198 m. séparées par une porte centrale dont l'enlèvl())llent permet d'obtenir une forme de 340 m. (3) Voir plan ci-joint. (4) san~ compter le renflouement du Saint-Blaise. et la réparation de l'angle Norcl-Ouest du MOle de Commerce (actuellement terminée). (5) Ce projet comporte: 450 m. de l'allongement de la jetée Dl()lure. 20 - Avec les crédits ainsi économisés, construction (['une jetée 1.000 mètres à l'Est de la jetée transversale, c'est-à-dire 300 m. plus à l'Ouest que celle prévue dans le projet de 1947. 30 - Elargissement çle la jetée, transversale actuelle, construction d'un nouveau MOle séparant deux bassins. Le Bassin Ouest au fond duquel serait construite une forml() de radoub de 220 m. serait réservé au Port de Commerce. Le Bassin Est serait réservé a la Marine Nationale qui pourrait ainsi laisser 11 III Marine Marchande les postes qu'elle s'est réservés à la jl()tée Delure. 10 • Réduction il Il - 116- üon du type « Aquitaine » destiné aux lignes d'Afrique du Nord). Il semble bien qu'un compromis doive s'établir aux environs· de cette longueur, mais à cette date (mai 1948), rien de définitif n'a encore été décidé (1). Celle polémique, ce véritable mare,handage, peuvent paraîte futiles. En réalité, ils «cristallisent» la lutte engagée de tout temps à Casahlanca entre les partisans du «rendement immédial» et les hommes qui tentent, comme le fiL M. Delure, de bàtir ,pour l'avenir. Aujourd'hui, comme en 1913, l'évolution du grand port marocain paraît arrivée à un tournant décisif. Il nous faut, pour prendre parti en cette nffaire, tenter de dégagea' les élénwnts essentiels du prohlèmr. H. - ENCOMBREMENT DU PORT DE CASABLANCA - LES CAUSES Certes, le port de Casablanca est encombré; rnais il convient de ne pas se laisser impressionner par les chiffres : des 4 millions de tonnes manipulées actuellement, il faut retirer .'2,6 millions de pho~phates, de minerai~ ou de eharbon dont l'embarquement, localisé le long de la jetée transversale, sur un môle, est bien organisé et rapide. L'encombrement se produit fUI môle du commerce où se fait le reste du trafic, soit environ 1 m. 4 tonnes de marchandises diverses. Ce môle est pourtant parfaitement outillé et, nous dit M. Bars, 'Directeur du Port de Casablanca, pourrait aSSUil'er un trafic supérieur. Au cours des mois qui suivirent le débarquement allié, le tonnage manipulé mensuellement sur le môle seul a dépassé 400.000 tonnes. Mais le matériel débarqué alors ne séjournait pas dans le port, il était immédiatement dirigé', sans formaliés douanières, vers des camps de répaM,ition. A l'heure actuelle, ce ne sont ipas surtout I~s quais qui sont encombrés, ce sont les magasms et les terre-pleins. Pour dégager les quais, il suffirait de Il'établir le travail de nuit, ce qui permettrait de déQliarger les bâtiments dans les mêmes eonditions qu'avant-guerre. Pour débloquer les magasins et les terre-pleins, il faudrait remédier à la pénuil'ie et la mauvaise organisation des magasins, à l'insuffisance du personnel douanier, et bien souvent lutter contre la négligence de commerçants qui omettent de retirer leurs marchandises. 12. - LES REMEDiES Une action énergique est d'ailleurs entreprise pour permettre une utilisation efficace du Môle de Commerce et mettre fin à ce désordre qui porte un sérieux préjudice au port de Casablanca (2). Une fois obtenu un résultat au 'Môle de Commerce et. lorsque le Môle Chaix, indispensable POUil' assurer l'embarquement rapide des marchandises Ipérissables aura été mis en service, Casablanca doit être capable d'assurer sans peine le trafic act.uel. Tels sont à notre avis les deux points imporlant.s à régler de toute urgence, la construclion d'un môle dans le fond de dalrse Delpit d même d'un parc à minerais ne semblant pns immédiatement nécessaire. Par contre, le prodigieux accroissement de l'agglomération industrielle Casablanca-Fédala, qui ne peut que se mainhmir au moins au rythme actuel, et les besoins de la Défense Nntionale imposent de démarrer dès à pil'ésent. ln construction de l'avant-port. Pourquoi relClrdel' (,oDs!nmment une dépense qu'on sera obligé de faire plus tard? Pourquoi tenter d'évite,r cettp dépense en conslruisant dans un endroit incommode une cale sèche dont on admet dès il présent qu'elle ne correspond pas aux besoins cIe l'avenir ? 13. - LE PROBLEME DE LA FORME DE RADOUB En faveur de cette cale sèche, on invoquf' l'argument de la «solution immècliate ». Or, M. Bars (3) estime à 2 ans et demi le temps nécessaire à sa construction; d'après la Compagnie Schneider, la cale des Roches Noires pourrait êtreentre,prise en même temps que la jetée transversale et leur construction, simultanée exigerait environ 'B ans. Il y a bientôt dix ans qu'on a constaté la nécessité d'une cale il Casablanca; cette néces<.:;ité est maintenant moins urgente qu'au cours de la guelTe, où l'on s'est contenté du. vieux dock qui est bien cnpfIble de rendre des services trois ans encore. On gain de temps de six mois, alors qu'on vient d'en perdre 18 en discussions, ne saurait ètrr invoqué en faveur d'un choix qui engage à tel point l'avenir. Reste la question financière : la cale de la Darse Portugaise coûterait moins cher que l'avant-port (mais elle ne le remplace pas). Sur(1 ),.L'accord a été réalisé en juin 1048 snI' une lonpleUl' de 140 m. (2) Une oremière Commission s'est réunie le 22 mai il Rallat pour étudier les mesures à prendre. (:n Journal de' la Marine Marchande du 18-1'l.-1017, page 2.0G8. - 117- tout le financement en serait fourni en grande partie par des compagnies privées. Mais on peut supposer que le budget de la Défense Nationale ('1) participerait à la construction de la cale des Roches~Noires dont nous avons déjà signalé l'j mpnr(ance stratégique. 14·. - REFLEXIONS Il semhle qu'on puisse faire les remarques su ivantes. La politique des Travaux Publics consiste il éparpiller les travaux en trois chantiers : MJJle Chaix; allongement de la Jetée Delure: nouveau parc à mine,rais. Le premier de ces chanlirrs répond il un besoin urgent. Le deuxième ne sert à rien si l'on n'entreprend pas en même' temps une nouvelle jetée transversale. Le Iroisième n'est pas indispensable puisque les l'X porta lions de minerai (2) n'ont pas encore repris la cadence d'avant-guerre. De plus, par le projet de cale sèche en Darse Portugaise, (~elle politique sacrifie l'avenir à un « plus pressé » illusoire. {Tn pll'ogramme raisonnable me paraît pouVoir Atre établi sur les bases suivantes : 1 Parer au «plus pressé» réel en mettant de l'ordre dans l'organisation du port et en poussant activement la construction du quai à matières périssables (Môle Chaix), qui sera hientôt indispensable. 20 Prévoir un avenir inéluctable en commençant dès à présent la réalisation du Projet Marine du 11 juin 1947 (Avant-port réduit et fOirme de radoub de 220 m.) 0 15. - CONCLUSION Avant de nous pencher sur les autres probU-mes portuaires que soulève l'évolution du B - '}laroc, arrêtons quelques IIls!onlsllot!'C ré.. conclasion il l'airl.icle que nous l~j\juns plus haut: « « « « « « « Lorsqu'on contemple du hallt de la t\'rrasse des silos l'ensemble du porI, l'un des traits qui frappe le plus est la simpEcité d(~ ses lignes; on a l'impression que les ingénieurs, qui ont ici taillé dans le neuf, n'onl été dérangés dans leur conception palt' aucun obstacle. « « « « « « Ils n'ont pas cu il tenir f'ompte, comn1P dans d'autres parIs, de divers accidents du rivage, d'un flot, d'un récif malencontreusement disposé. Ils n'ont pas été gênés par milif' commissions d'où les projets sortent souvent défigurés el, vidés de leur subslance... « On pourrai L appliquer assez j usLemen t il « propos du port de Casablanca, ce que Descar« tes, il y a quelques 310 ans éerivail dans son « discours de la méthode : « Ainsi, voit-on que les hütiments qu'un « seul architeete a enLrepris et aehevés ont COll« turne d'êLre plus beaux et. mieux ordonnés qlw « ceux que plusieulrs ont tflché de raccommo« der en faisant servir de vieilles murailles qui « avaient été bâties à d'autres fins ... ». L'archiLeete initial a passé, la main, eL nous en sommes maintenant à l'ère des commissions. Espérons qu'elles n'enIèveront pas au port «ra simplicité de ses lignes» et qu'à la conception hardie de M. D(~lure, d'une géométrie si féconde en développements futurs, elles ne substitueront pas une conception étriquée, un «raccommodage » indigne de ce grand port matérialisant ainsi ce refus inconscient d'envisager l'avenir qui semble la marque d'une partie des élites du Maroc d'aujourd'hui. PORT-LYAUTEY-MEHDYA Nous avons vu que dès '1932 on avait envisagé de remédie~' il la faiblesse des calaisons admissibles il Port-Lyautey, en créant à Meh~ dya un avant.-port e~ eau plus profonde.; qu'.à la suite de la guerre, la situation n'avmt faIt qu'empirer; qu'en 1946, le trafic de ce port. était devenu presque nul. Avant de ieechercher s'il esL possible d'aménager à l':mbo~?hu~e dl~ Sebou un port modèrne, il conVIent d et~dler. s~ la, création de ce port répond à une necessIte économique. 1 16. ~ ARRIERE-PAYS DE PORT.LYAUTEY PorL-Lyauley est. le débouché normal du Maroc du Nord; son hinte,rland immédiat est constitué par le bassin du Sebou, le plus grand et le plus fertile du Maroc. De Port-Lyautey rayonnent 4 axes de pénétration. Le principal Cl) Dans l'accord MarilH'-Prolectol'al du Il :lnil Iql~ la Marine p:lrticipait pOlir moitié aux d0nenses de l'avant-pon, pOUl' les :J! '1 ml x d'lnenses cIe, la forme cie Radoub. (:!) ~alJr les phosphates, bien entendu. 1 - 118- est la ligne de chemin de fer d'Oujda qui dessert les centres suivants : _ Sidi-Slimane, autour duquel plus de .5.000 hectares plantés en agrumes produisent les 2/3 des agrumes du Maroc (soit environ 20.000 tonnes par an). _ Petitjean, où l'exploitation du pétrole n'a pas jusqu'à présent donne les .résultats qu'on escomptait, mais auquel des sondages récents ont donné un regain d'activité et l'espoir d'un développement appréciable. _ Meknès et Fès, les deux grandes villes du Nord marocain, autour desquelles g'éténd la région du Maroc la plus dense en exploitations agricoles : Zone de culture des céréales en direction de Taza et de Khémisset, vignobles de 'Meknès, arbres fruitiers d'EI-Hajeb et de Sefrou. _ De Meknès descend ensuite la route de Ksar-cl-Souk qui fait du Tafilalet la limite extrême de l'influence de Port-Lyautey et qui dessert : Azrou, centre d'élevage, et Midelt par où arrive le plomb de la mine d'AûlIli. \' ~, Deux axes secondaires, plus courts, mais d'une importance appréciable. Celui des Zemmours : Port-Lyautey, 'l'iflet, Khémisset (liège de la forêt de la Mamora). Et celui du Rharb : Port-Ly.autey, Souk-el-Arba, Ouezzane (céréales, primeurs, agrumes et le tiers des oliviers du Maroc). Cet arrière-pays, si vaste, puisqu'entre Ouezzane, Taza et Rissani il couve une superfieie superieure au cinquième de la France (120.000 km2) et surtout si riche au point de vue agricole, constitue pour Port-Lyautey un débouché de .premier ordre. Laissons de côté les céréales dont on exportait avant la guerre des quantités importantes (1), et qui, pas plus qu'à Casablanca, n'ont de chances de redevenir une marchandise d'ex<portation. Il n'en est pas moins certain que toutes les marchandises destinées aux grandes exploit~tions agricoles et aux villes de Meknès et de Fès doivent normalement être importées par ce port. Mais surtout Port-Lyautey doit se spécialiser dans les exportations des agrumes et des primeurs du Rharb pour lesquelles la rapiddté du transport est d'une si grande importance. Ces cultures sont assurees de prendre, dans les années qui viennent, une grande extension. On escompte qu'en 1955, la région de Sidi-Slimane pourra fournir à l'exportation environ 100.000 tonnes d'agrumes; les 130 kilomètres de chemin de fer nécessaires pour les envoyer à Casablanca sont une charge supplémentaire qui désavantagera les producteurs marocains lorsqu'il faudra lutter pour la conquête des marchés européens (2). 17. - CONCliRRJENCE DE LARACHE Ajoutons, en faveur de la remise en état de Port-Lyautey, que, lorsque la vie économique sera redevenue nomale, ce Nord-Marocain si riche aura tendance à chercher en zone espagnole le débouché qu'il ne pourra trouver en zone française. Le port de Larache pourra alors devenir pour Port-Lyautey un coneurrent sérieux. 18. - TRAFIC POSSIBLE En nous basant sur les ehiffres de 1937, époque à laquelle la consti'uction de Meknès et de Fès était terminée, nous ~pouvons, sans trop d'imprudenee, estimer approximativement le trafie susceptible d'être manipulé à Port-Lyautey en 1955. Par suite de la mécanisation de l'agriculture, les 45.000 tonnes d~ pétrole importées en 1937 peuvent devenir 75.000 tonnes, évidemment en provenance de Fédala (3). IEn conservant les chiffres de 1937 : 25.000 tonnes de eharbon et 50.000 tonnes de marchandises diverses (sucre, ciment, matériaux de construction, etc... ) nous a.rrivons au chiffre de 150.000 tonnes pour les im portations. Pour les exportations, nous arrivons à 200.000 tonnes ainsi réparties: agrumes, 100.000 Lomies; produi ts agricoles, 50.000; plomb d'Aouli, 20.000 tonnes; divers, 30.000 tonnes. On peut estimer à 350.000 tonnes le trafic que Port-Lyautey doit être en état d'assurer dans quelques années. Que faut-il pour le rendre capable d'assurer cette mission ? 19. - ETAT ACTUEL Nous avons déjà signalé que les dragages d'entretien avaient été supprimés au cours de la guerre. Or, le chenal, à la hauteur des jetées, n'est creusé qu'à proximité de la jetée Sud. La (1) 38.700 tonne$ en j937, $oit plus du tiers des ex{}ortations de port-Lyautey. (2) On peut estimer à une centainè de millions de rrancs par an loe prix du transport vers Casahlanca des 350.000 tonnes de marchandi$es que Port'Lyautey e$t sU$ceptible de manipuJer annuellement. (3) Le pétrole de Petitjean, même si la prolluction devient considérable, ne sera jamais un article d'exportation. Il alimen' tera sur place une usine Thermique d'EnergIe Electrique. PORT- LYAUTEY A",. Mi ; ....... "... ..- Ct'JUll dujel>t'Ju. EChelle s r ':0 ~~ .. \ , ,/ ,, rt , l ..." , , ,, 1 ,.., 1 / ,/ 1 !Arp_lo",..." ~" ,1 _ t••d· ,1 ........... ,,. ,, .... 1 1 ....i l \1'" ~,. .<'...t..~ .\ : . ,t..~~ .../ _~s L,.1..\ ............,............. _~s···· - . .. ';.:..... "~'6 ::: ::':::.::.> ".......... 'P/dn :: " ... .,~.: cie Po,.l4 Lr...,uffY-4 t"hol1lo- , D If. .. ~ ft , 3•• S Il.. li , ••• . ;.",. ~..,,';.~. ••• __ .-'",5 ..~. ,.r··· . / .•• :.~~::.~~:::; ,.' .,,' •••..... 0" o •. ~...... o ~. ME H DIA .. - 120- jetée Nord au contraire, est flanquée d'un banc ete sable qui se désag-rège sous l'adion du eourant ; d'où la reconstitution progressive du « bouc,hon » de sable qui existait antérieurement auX travaux à la hauteur de la barre. C'est ainsi que les tirants d'eau admissibles à l'entrée des jetées ont été réduits de 1 mètre par rapport à l'avant-guerre. En 1948, on ne pouvait admettre que des bâtiments calant de 3 m. 60 à 4 m. 60, suivant les marées (au lieu de 4 m. 50 à 5 m. 50). Par contre, les conditions dans le reste du chenal sont restées les mêrnes qu'avant la guerre. L'idéal serait de supprimer la source du mal, c'est-à-dire de draguer le banc de sable de la jetée Nord. Si l'on n'entreprend pas ce travail de base on sera obligé d'effectuer const.amment ries d,ragages d'entretien. Les seuls dragages actuellement en cours sont ceux de'sUnés à obtenir sur la barre les profondeurs d'avant-guerre. On n'envisage pas la suppression du banc de sa hie. 20. __ POSSIBILITES D'UN AVANT-POHT Ce ne sont pas ces travaux qui feront de Port-Lyautey un POll't moderne : «D'ici quelques années, Port-Lyautey, sans avant-port. est condamné à disparaître» (1). Est-il donc possible de faire de Mehdia un port accessible aux Liberty Ships qui calent 8 m. 30 en pleine charge? On ne peut répondre à cette question d'une façon définitive. Rien n'est impossible au technicien si on lui fournit le,s moyens matériels et financie,rs. Il semble que, dans le cas qui nous occupe, les moyens à fournir soient hors de proportion avec le but à atteindre et le trafic pscompté. Car la marée, seul outil gratuit mis il la disposition du technicien pour obwnir le ereusement du chenal et le percement de la harre, n'a pas au \Maroc une ihauwur suffisante pour fournir de gros volumes d'eau. Elle dépasse à peine 3 mètres au lieu de 7 mètres qui ont permis le creusement du chenal de la Seine ou de la Clyde. l,ll'l '21. - l·, Il semble cependant qu'on pourrait, sans travaux excessifs, obtenir des calaisons de 6 m. à 6 m. 50, largement suffisantes pour assurer le trafic spécialisé qu'on attend de Mehdya. C'est qu'en réalité les Liberty-Ships ne sont pas adaptés au t.ransport des primeurs et des fruit p. Par contre la S.A.G.A. (2) vient de mettre en service sur les lignes d'Afrique du Nord 6 cargos du type «Algérien», cargos rapides de 6.640 T. de déplacement et de 5 m. 83 de tirant d'eau (3), dont une partie des cales est conditionnée pour i: i 1: t POLITIQUE DE LA RECONSTITUTION DE LA MARINE MARCHANDE le transport des denrées périssables. Une dizai· ne de ces cargos doivent être construits en France en attendant qu'on réalise la flotte des cargos fruitiers rendue nécessaire par l'accroissement de la production de primeurs et d'agrumes du Maroc. Rien n'empêche de prévoir pour eux des caractéristiques telles qu'ils puissent pratiquer le port de Mehdya. Happelons à cette occasion que la Compagnie Paquet avait, dès HH4, eonstitué une flotte de bâtiments spécialement destinés à la remontée du Sebou. Alors que not.re flotte marchande toute entière est à reconstit.uer, alors que le Maroc cherche à augmenter sa petite flotte de cargos (4), il paraît indiqué d'orienter les constructions ou les acquisitions vers des bâtiments capables de pratiquer des ports plus petits que Marseille ou Casablanca (ils ne manquent ni en France ni au Maroc...) au lieu d'acheter des Liberty-Sh.ips dont les ;conditions d'emploi et d'entretien se sont révélés déplorables à plus d'un titre. 22. - PHOGRAMtME A ETABLIR Si l'on ne vè'ut pas que Port-Lyaut.ey meure, et un tel recul d'une position française est en ce pays un peu une désertion, si l'on veut que le Sebou redevienne la porte du Nord-Marocain, , il est temps de déeide,r de la politique à suivre. Il n'y a actuellement en cours à Port-Lyautey que des dragages de peu d'importance et la construction d'un appontement pour les chalu· tiers. Il faudrait prévoir la construction d'au nioins 250 m. de quai à 6 m., le dragage d'un bassin, d'évolution, l'installation d'un petit entrepût frigorifique pour les primeurs. La réali· sàtioh de ce programme, qui ne semble pas disproportionné à un port destiné à mani puler 350.000 tonnes par an doit aller de pair avec une politique judicieuse de constructions nanavales. 23. - CONCLUSION La suppression de la Compagnie des Pods du Nord a été, paraît-il, un bien. Elle a eepen' dant coïncidé avec la disparition presque totale die ces deux ports. Il manque maintenant it Porl,-Lyauteyun organisme capable de vaincre l'hostilité de la Chambre de Commeree de Ca·· sablanca, jalouse des moindres tonnes de fret et de le sortir de l'oubli où le tient l'administration des Travaux Publics. (1) Session de janvier-févri:er 1946 du conseil de Gou' vernement. (2) Société Anonyme de Gérance et ct' Armement. (3) En pleine charg-e. (4) A noter l'acquisitiOn récente par la Société Les Cargo, Fruitiers Chérifiens d'une corvette destinée au transport ,1c5 primeurs. rd _\. -'121 C - Il Y a des siècles que le Sous passe pOUL' une région fabuleusement riche, un Eldorado. Avant le Protectorat, Foucault le décrivait comme un paradis terrestl'e,et plus tard les frères Mannesman en feront un «nouveau Klondyke ». Tous les dix ans mantenant une poussée de spéculation sUL'vient ; on parle d'y construine un chemin de fer , de faire d'Agadir un port immense. Depuis la dernière guerre, ces SIgnes se mamfestent à nouveau. On achète du terrain, on bâtit des usines. De nouvelles raisons de croire en l'avenir d'Agadir se seraient-elles révélées, ? Et faut-il penser que ce port va prendre enfm l'immense développement qu'on lui prédit. tous les dix ans ? C'est ce que nous allons essayer de découvrir. " 24. - ARRIERE-PAYS D'AGADIR Le bassin du Sous, qui constitue l'arrière pays di'Agadir, est assez peu étendu. Lim~té au Nord par le Haut-Atlas, à l'Est par l~ SIroua, au Sud par l'Anti-Atlas, il ne commumque ave~ l'extérieur que le long de la ?ôte ; c'est pourqUOI Agadir, délaissé par le chemm de fer, est d~venu un véritable port. routier. Les routes constIt~e~t en effet les seules liaisons au Sud avec TlznÜ et la Maurit.anie, au Nord avec Mogador, à l'Est avec Marrakech par le Tizi n'Test ~u Ouarzazate par le Sud du Siroua. Les trois principales ressources sur lesquelles on fonde actuellement, l'avenir d'Agadir sont les riQhesses minières, les richesses agricoles, la pêche. 25. - LES MINES On a toujours prêté aù Sous des richess~s minières extraordinaires. Un voyageUL' françaIS écrivait en 1860 : «l'or étincelle au Sous dan~ le lit dies rivières» et les frères Mannesman qUI y avaient créé un 'fief allemand s'étaient e,fforcés de magnifier l'importance ?e leurs decouvertes pour justifier les prétentIOJ.ls allemandes Sur le Sous. La réalit.é, s'est montree malheureusement inf.érieure à la légende. Dans le Sous même, bien peu de choses. Du .fer, pas en~ore exploité mais qui peut le devemr (~uarzemme, Tachilla, Tidsi, Agadir, etc...) d.u ,CUIvre, c.onnu depuis longtemps par les i~dI9tmes malS en qUantité faible. Seule l'explOItatIOn du manganèse de Tasdrent encore en recherche, est susceptibl~ de donn~lr une production intéressante. AGADIR Il faut franchir le Siroua pour trouver des exploilaLions sérieuses. Les gisements d'Imini et de 'l'iouine ont fourni en '1947, 39.000 tonnes de manganèse et l'on estime que les réserves permettraient de pousser la pl'oduction à 800.000 tonnes annuelles. Les mines de Bou-Azzer produisent de 2.000 à 6.000 tonnes de cobalt par an, selon les débouchés. Ces minerais sont exploités par la route du 'l'ic:hka sur 'Marrakech et Casablanca. . Signalons enfin que le résultat de prospections récentes laisse prévoir une zone de grande richesse minéralogique au Sud et à l'Est de l'Anti-Atlas, de la vallée du Draa jusqu'au Guir. Ainsi, le sous-sol du Sud-Marocain est-il encor~ peu exploité. Une incertitude pèse sur les mIlles du D.raa. Quant à celles d'Imini les seules dont l'importance soit incontestable leur évacuation pose un problème que nous ét~die­ l'ons plus loin en détail. ,26. '- L'AGRICULTURE . Une semblable incertitude pèse sUL' l'avenir agrICole du Sous. On n'y cultive actuellement que pe~ ~e chose. Beaucoup d'amandiers, quelques olIvIers, quelques bananiers exploités par les indigènes. On a proposé, sans grande énergie, d'y reprendre la culture cliu coton et de la canne à sucre florissante jusqu'au XVIe siècle. Depuis quelques années des Européens se sont installés dans le pays ; ayant les moyens de creuser des puits profonds, ils pompent direcLements la nappe phréatique et peuvent ainsi obtenill' des cultures irriguées - primeUL's et agrumes - extrêmement précoces et de bonne qualité. Dans ce domaine on peut espérer obtenir des résultat.s aussi intéressants que dans le ~~ar~ lorsque le problème de l'irrigation aura ete resolu sur une grande échelle. 27. - LA PECHE C'est en réalité l'industrie de la pêche qui doit faire ~'Agadir un grand port. Les parages du Cap Ghlr, les côtes de Mauritanie de l'Oued Noun jusqu'à Port-Etienne ont to~jours été réputés pour leUL' richesse ichtyologique. Depuis longtemps les marins indigènes pêchaient le Tass~rgal, mais ju~qu'à la g~erre, les EUL'opéens (Bretons, PortugaIS) ne frequentaient Agadir que comme une relâche éventuelle. Après l'ar- 1 1 1 -122Illislice de '1940, la pénurie alimentaire qui régnait dans la Métropole provoqua un véritable «rush» vers Agadir où l'on vit. s'installer à la hàle plus de .],0 usines de salaisons et' de~ûmAge. T}ne madrague fut élahlie à Bou Irdem, quelques dix milles au Nord. Lorsque ces conditions !le ,venfe exceptionnelles disparurent, ces lIsilJPs, montées sud.out dans un but de sl'é(~lIlation, périclitèrent. II fallut attendre les R.nnée., dernières pour voir s'installer à Agadir de"" usines sérieuses, en général filiales de maisons françaises. Elles sont maintenant plus nomhreuses llu'à Casablanca (une vingtaine). Le point faible dl" l'aménagement d'Agadir est le manque de glace. Une pet.ite fabrique en fournit environ RaO ldlos par jour. ce qui suffit à peine aux hl"soins locaux. Nous avons nolé plus haut la situation pxceplionnelle d'Agadir au point. de vue die la pêche. Le 'l'assergal, impropre à la mise en conserve, est utilisé pour léL consommation locale; l'anchois el surtout la sardine alimentent l'industrie. La sardine, en part'iculier, se pêche entre le Cap Ghir et l'Oued Massa dans des conditions aussi remarquables qu'au large de Safi. Le thon, qu'on trouve en abondance sur la côte du Rio de Oro, est ,pêqhé pal' des chalutiers dont beaucoup sont déjà basés sur Agadir. Dès maintenant, la production en augmentation atteint 9.000 tonnes, autant que Casablanca, et tout laisse pré,voir qu'Agadir deviendra un «Safi » multiplié par quatre (1). 28. - LE PORT ACTUEL Pour abriter les bâtiments de pêche et les quelques caboteurs qui le fréquentent actuellement, Agadir dispose des installations réaJisées à 20 ans d'intervalle. En 1917-18, le Génie Militaire avait construit 200 m. d'une jetée orientée au Sud, à la suite de quoi les travaux avaient été interrompus. En 1936, lorsqu'on eut un peu prospecté les possibilités de l'arrièil'e-pays, on reprit la construction de la jetée et l'on commença l'aménagement d'un pelit port, tous travaux qui furentl1lis en veilleuse au cours de la g'uerrr. Agadir esl dOlk resté un port à barcasses, c'esl-à-dire que les cargos, même die moyen tonnage, ne peuvent décharger à quaj leurs marchandises. Il n'existe que 50 m. de quai accoslable sur la jetée, 3 appontements floHants pour les bâtiments de pêche et un épi de 450 mètres non accostable, orienté au. S.-W. et qui limite avec la jetée un bassin abrité de 6 hectares :envirol1; Pour améliorer cette situation, les réalisations immédiates inscrites dans le programmp d'agrandissement du port comportent l'aménagement. de Z50 m. de quai de rive à 3 m., IR construction/ d'ùn quai à6 m. du point 2iü m. au point 396 m. de la jetée, le prolongement d~' la jelée jusqu'à 790 m., la construction d'UIlP halle aux poissons avec installations fll"igorifiques. Ces travaux ne feront encore d'Agadir qu'un petit port de pêcheurs. Pour en faire un g.rand port de pêche, un pori' à primeurs et à pondéreux, trois projets t'rlès différents sont présentés. 29. - PROJE'r DES 'l'RAVAUX PUBLICS Celui des Travaux Publics, vieux déjà d'UlH' dizaine d'années, consiste à prolonger sur environ 1.000 mètres la grande jetée dans UIlP direction non encore précisée, Ipais sensiblement Sud-Est, de fermer le plan d'eau ainsi délimité par une jetée Est-Ouest partant de la plage à la hauteur de l'Hôtel Marharba. A l'intérieur, on bâtirait un môle qui délimiterait 2 bassins creusés à environ 6 mètres. II semble qu'on veuille reproduire ainsi la disposition des ouvrages' qui fut une réussite à Casablanca. Mais les conditions ne sont pas les mêmes. On reproche en effet, à ce proJet les inconvénients suivants : 1. - La .faible profondeur. La ligne des fonds de 10 mètres passe à 1.000 mètres de la plage, c'est-à-dire très près de l'extrémité prévue pour la grande jetée. En outre, la disposition de cette jetée rendra difficile la manœuvre des bâtiments rentrant dànsle port. II leur faudra s'approcher dangereusement de lacôtr pour se pré'senter correctement dans les passes. 2. - On à été obligé d'arrêter les travaux sur la jetée parce qu'elle s'ensable au fur et à mesure qu'on la prolonge. Les observations de 1'« Eveillé » en 194 i, ont permis de constater que cet ensablement est dû, non pas au coura nt mais à l'action de la houle ju Sud-Ouest qui sI' réfléchit derrière la jetée sur la côte et ramènp le sable de la plage. On risque donc. "i' on prolonge ('ette jetée parallèlement à la ('flfe de construire' un port ensablé. 3. ,- La' cons!il:'llc1ion de môles il l'endroit prévu fera disparaître le plnnd'e'au abrité par la jetée., On ne disposera pas d'un àvant-port susceptible d'abriter IfS h·Hi.ment.;; alt<mdant leur rentrée dans le port. . (1) ports. Vo.ir C. A. Barjot.. Essai, ~lIr le (]()\,eloppement des . -----...-- ----p ~_eœ:_.:se_ ---:--- _ _Projet des r,.d.V~UX nb/les (4MP A LI &ERT . rl!' fi........ . .., . .~;._.. ::..~. \ , .. . ,, , , .. " '. \ ....... "oi''''-. '. " " " ---.'- ' . , .. , ........ '\ '\ . \. '. " '\ .., ....• -. '. -. " . ... .. .. ... ... _":'<:':~,~.~.'.. . . . .\.\ " ...., 1 1 1 1 • 1 .10: ,,,• ,, 1 1 1 ...... .. .... ,--1 '0_... ~ -- .\" ~.., • '. '\ •20· , .... ~ .... .. " -- --.... " - ..•...., ~-=-=- ~\., --::::-:;:;:;;;:~o •••• ~ ~,,\ .._. .... '\.',........ . .., ~~ \. : ~~., .... '.._-. '- --- .-.- --.. '-'''. '. '. , , , '. " " \ ., .'_'" . .... .... .' . • ..!., '. ...; 1 , ............... 1.! ..• p. -1234. ~ Ce projet supplimeraJt l~ pl1:l8'e neluelle, gâterait le point de vlle ?e l'Ht)~el Marbarba et dirigerait la croissance mdustrlClli~ vers les quartiers résidentiels, ce qui risque de compro-mettre l'avenilr touristique d'Agadir. :30. -- LE PROJET DE LA MARINE Pour éviter ces inconvénients, deux contreprojets ont été établis. Cel~i de. la IMari~le CO?siste à construire, perpendICulaIrement a la Jetée, arrêtée à sa longueur actuelle, un môle d'environ 800 mètil'es. D'après les conclusions de la mission hydrographique de 1'« Eveillé » cet~e OI:ientation éviterait l'ensablement. ne l'extremité de ce môle on lancerait une nouvelle jetéeabri qui suivrait sensiblement .la lign.e des fonds de 17 mètres. La jetée actuelle seraIt liransformée en un large môle affecé à l'embarquement des primeurs; le bassin créé à l'ex.téri~ur, ra; des fonds de 13 à 14 mètres seraIt l'eserve a l'embal!.'quement des minera.is et u.n a~ant-port hien protégé se développeraIt en dII'ectlOn de la plage. Le port de pêche resterait situé à l'Est et serait limité par une jetée parallèle à l'épi. 31. ~ PROJET ECOCHARD Le projet de l'Urbanisme, présenté par M. Ecochard en faisant pal!.'tir les nouveaux ouvrages de' pr6tection de la pointe Arhesdis déplace plus ,hardiment vers le ~ord le. centre de gravit:é du port. Il permettraIt de dIs~oser en plus d'un bassin en eau profonde, de t~es .vastes terre-pleins situésàl;'aplomb du quartIer mdustrie!. Ces derniers projets, oppose-t-on,. coûteraient forLcher. Il e~tcertain que le proJet Ecochal'di suppose la construction de vastes. terrepleins. Mais le projet des Travaux Pubhc~ ne p'araît pas moins onéreux; l.a surface pre~ue pour les môles et les terre7plems est au. moms équivalente (il faut chercher d,eux fOlS plus loin du rivage les fonds de 10 metr~s). De plus, les dl'llgages nécessaires pour obten~r des fonds suffisants et pour éviter l'obstructlOn du port risquent de se révéler très importants. Des expériences sur maquette so~t en .cours au Laboratoil!.'e de M. Jean Laurent I l MaIsonsAlfort. Elles permettront de départager les deux thèses en présence. Quelque soit, d'ailleurs le projet ~dopté, sa réalisation nécessitera de longs et couteux, tra~ Vaux. Il convient donc di'étudier de plus p,l'es S,i le trafic qu'on peut raisonnablement esperer a Agadir justifie des travaux d'une telle ampleur. 32. ~ LE FRET DE RETOUR Pour qu'un grand port se justifie à Agadir, où le courant d'impol!.'tation ne sera sans doute jamais considérable, il faut que les bâtiments soient assurés d'y trouver un fret de retour semblable aux phosphates qui font la fortune de Casqblanca. La pêche, qui prendra à n'en pas douter un développement considérable, n'est pas capable de procu.rer un fret intéressant. On Tif' peut tout de même pas espérer ql!.'Agadir exporte plus de taO.OOO tonnes de conserves par an. Ce qui est considérable pour l'industrie ne présente qu'un faible tonnage pour un port. De même, la production des p.rimeurs, si elle atteint un jour celle du Rharb, ne dépassera guère 30 ou 50.000 tonnes que 150 miètres de quais bien outillés suffisent à évacuer. On a pu penser que les minerais, et surtout le manganèse étaient susceptibles de jouer ce rôle du fret de retour. Les gisements d'Imini dont les réserves sont considérables, sont capables de produire 800.000 tonnes par an si leur déblocage est assuré dans de bonnes conditions. Pour l'apporte.r à la gare de Marrakecth, il faut faire subir au minerai un transport de '160 kms en camion, et passer le col du Tichka, à 2.300 mètres d'altitude. D'où un prix de revient considérable et naturellement la limitation de 'ln production. Depuis bientôt vingt ans on chel'che une solution' à ce problème. Dans le cas où Casablanca resterait le débouché d'Imini, (il y existe d'ailleur$ déjà à l'usine d'aggloméJ'és nécessaires pour traiter le minerai avant exportation) il faudrait prolonger le chemin de fel' au-delà de Marl'llkech, jusqu'au pied de l'Atlas. La production serait acheminée, soit par un tunnel de 8 kms environ. 33. ~ LES PROJETS DE CHEMIN DE FER Si l'on décidait de faire d'Agadir le port d'embarquement du manganèse, il faudrait eonstl'uire une voie ferr.ée de 250 kms dont le tracé suivrait sensiblement la route AgadirOuarzazate. Cette ligne devrait contourner le Siroua par le Sud pour aboutir à Imini situé à 1.500 mètres d'altitude. La plus grande partie du trajet se ferait donc en région montagneuse. A notre époque, où obtenir la moindre tonne d'acier représente un tour de force, on conçoit qu'une telle _entrepl'ise ne puisse être réalisé~ qu'à u~ prix de .« ~narché noir»; on rif'que d'y engloutIr des milhards. Aurait-il été e\nstruit avant la guerre dans des conditions normales , f f_. --~~ .. ~_._--------'~-~-~--..----~- -----'"--_. _ _ . _ _ ~ . . "",'Ti ---"~""-- 124 ce chemin de fer n'aurait Ipl'obablemenl pas été renlable. La ligne ne dessert aucun centre important, et à part le manganèse, les seuls produits transportés seraient quelques tonnes de primeurs qui peuvent parfaitement s'accommoder du transport routier. Le manganèse, lui-même, n'est pas un fret absolument assuré. Son prix de revient est le double du prix pratiqué sur le maro:hé international et la Fl'Ilnce ne l'achète acluellement qu'à cause du manque de devises. La cOQslruction d'une voie ferrée qu'il faudra essayer d'amortir, n'abaissera pas sensiblement ce prix de revient, et lorsque les conditions economiques seront redevenues normales, rien ne prouve qu'on trouve des débouchés pour une production voisine d'un million dt' tonnes. Les seules considérations qui puissenl pousser à la construction d'un chemin 'de fer dans le Sud-Marocain sont d'un ordre skatégique. La voie unique Marrakech-Tunis s'est révélée nettement insuffisante au cours de la guerre, et il semble judicieux de la doubler au Sud de l'AUas par une ligne moins dangereusement exposée. lM. le Contre-Amiral Bal'jot, se basant sur des découverles récentes de minerais dans la vallée du Draa propose un tracé plus au Sud qui contournerait l'obstacle de l'Anti-Atlas. Rejoignant le Médit,erranée-Niger du côté de ColombBéchard, il passeraIt. par Tiznit, Akkn, la 'lRllée du Drua,.le sud du TafIl'lle\, et drainerait ail passage les minerais du Sud·l\1ar(lcain (1). On ne pourrait entreprendre cette ligne de 900 kms que dans l'intention délibérée de faire d'Agadir la très importante base navale et aéro-navale que sa situation géographique le destine à devenir. Il semble qu'il ait paru périlleux d'entreprendre maintenant des travaux d'une telle envergure et qu'on ait renoncé à faire d'Agadir le port du manganèse. Onévacue;ra la production d'Imini par Marrakech; la réalisation d'un téléférique a été reconnue irréalisable sur de lelles distances; mais le principe d'un tunnel routier de 8 km., moins coûteux malgré les difficultés, a -été adopté. 34. - PERSPECTIVES D'AVENIR Si l'espoil' d'attirer à Agadir le manganèse d'Imini doit. être abandonné, il n'en faut pas nonclure que ce port soit destiné à végéter. L'industrie de la pêche, l'exportation des primeurs et de quelques minerais, l'activité, tourisl,igue remarquable qui en a fait déjà une base importanle de l'aéronautjque navale, tels sont les éléments raisonnables de sa réussite future. Il est à craindre seuleme:nl que la spéculation forcenée qui règne depuis quelque temps dans ceUe région ne diminue ces chances de succès. 35. - CONCLUSION Pour favoriser le dévelop,pement d'Agadir avec les moyens limités dont dispose acluellement, le Maroc, il paraît raisonnable d'aménager ail maximum le port de pêche, tout en laissant la possibilité d'accroître le port suivant le plan Marine. Ce plan, assez harmonieusement établi, utilise judicieusement des ouvrages déjà existants et n'oblige pas à la construction d'immenses terre-pleins, inutiles dans un port au trafic bien spécialisé. Lorsque la pêche aura Ipris l'e~· t.ension considérable escomptée, il sera plu,. facile de réaliser ces travaux, rendus alors nI!eessaires par l'extension des cultures irriguées et la mise en valeur de mines rapprochées : manganèse de Tasdremt, fer du Sous par exemple. Sans nous laisser ent.raîner à des projets trop coùleux, ayons confiance en l'avenir d'A_ gadir, qui sera demain peut-être le plus grand: port de pêche de rVnion Française. ( 1) Sauf le manganèse d'Imln1. - 125- CONCLUSION Vers une décentralisation S'il nous fallait analyser en quelques mots l'évolution des ports marocains, telle qu'elle se dégage des pages qui préeèdent, nous la résumerions en trois pédiodes : 10) 1912.1913. - Période d'études ;très courte terminée par une décision judicieuse et l'établissement d'un programme. : . 20) 1913-1937. - Période de réalisations au cours de laquelle les ports du Maroc moyennant certaines modifieations du progr amme, sont construits tels que nous les COIl~ naissons maintenant. 1if, Il! i 1 30) 1937-1946. - Période d'utilisati on intensive. Les conditions économiques Pl techniques évoluent tandis que les ports sont arrêtés dans leur extension. Après 1946, un nouveau cycle commence. Nous en. sommes à la période des études, des projets, des discussions. Il est temps de la clore pal' une décision qui permette l'ouverture qe la période des réalisations. Quels sont les éléments d'une telle décision··? Cette étude nous a fait sentir combien, dans un pavs aussi maritime que le Maroc, l'existence 1~1ê.me des ports était profondément liée à la vie économique. Il serait vain de tirer des conclusions sur l'avenir de ces ports sans les haser sur les faits économiques essentiels qui caractérisent l'économie marocaine de 1948. C'est ainsi que nous avo?s. constaté l,a croissance industrielle extraordmaIre de la region de Casablanca et le véritable étouffement subi de o.e fait par d'autres por~s moi~s ,favo~ ,pisés. A côté de cette puissance mdustrIelle qUI s'étend chaque année; nous avons ~~t~ l'i~por­ tance nouvelle prise par deux actIvüe~. econ~­ ll1iques : la pêcihe, devenue la deuxlem~. rIchesse du Mal1'oc avant d'en être la premlere ; l'exportation des primeurs et des ~grumes. en passe de i1'emplacer complètement 1exportatIon ùes céréales. Ce sont ces faits économiques qui doivent Drienter l'évolution des ports mar~cains. EsSayons de montrer dans ses grandes lIgnes, comU1entcetteévolution peut.être dirigée vers une ~ertaine décentralisation. . Malgré l~s inconvénients stratégiques, politIques et SOCIaux de cette concentration indust~ielle et. hun~~iT,Ie au milieu d'un pays par aIlleurs SI arrlere, on ne peut empêcher Casab~anca de. 'poursuivre .son dévelolPpement de vIlle-cr.'unpIOn. Les crIses économiques auxquelles le Maroc doit sans nul doute se préparer risquent de l'interrompre, non de l'arrêter. Il faut donc s'attendre à voir· dans un délai assez rapproché, le trafic de Cas~blanca dépasser 5 millions de tonnes. La nécessité de consacrer le port de commerce en entier à ce trafic considérable déterminera la ·construction d'UI; av~nt-port, ,réservé, probablement aux pétroliers et a la Marme NatIOnale, quelque soit d'ailleurs l'emplacement choisi pour la construction d'Ulie cale sèche. De plus, la concentration dans la région d'Oukacha de stocks énormes de pétrole provoquera probablement l'installation d'une raffinerie dont les produits seront expédiés dans tout le Maroc, par le port, de Fédala, devenu ainsi une annexe de Casablanca. Une telle extension de la région Casablanca-Fédala, n'est pa~ ~ne prévision ut.opique ; il faut plutot la conSIderer comme un minimum Mais à côté de ce « combinat. » puissant Ol~ peut es~ayer ~e créer des cenkes indust~iels secondaIres. C est aupJ:1~~ .des autres ports du Maroc que ces centres s etabliront tout naturellement. Ces ports eux-mêmes ne .résisteront à :1 J. i i r li1· ..\l - 126 l'attraction de Casablanca qu'à ('ond ilion de se spécialiser. Sali a déjà trouvé sa voie el sa richesse dans l'exporlation des p,hosphates et dans l'induslrie de la pèche. Agadi r deviendra le plus graml cmll,re de pêche de l'Union Française s'il esl dolé d'un porL adaplé il ses besoins. P()rl-/~yauley enfin doit lutter pour oblenir son avanl-port de Mehdya, ee qui lui permettra de devenir le principal exportateur d'agrumes du Maroc. . _. _~_ Telles sont les perspectives d'avenir Pour en faire des réalités, il faui résoudre les problèmes économiques, techniques, stratégiques, dont dépendenl la naissance eL la vie de,; ports. Il manque l'organisme capable de pre 0 dl'(' il sa ('harge l'étude de ce~ problèmes compl(·xes, de déeider pn connaissanee de cause, de surveillpr la mise Hl œuvre d~s rnoyens dont (i13posent les porls. Il manque, p,n un mot, une Oieedion (ks PorLs, dont les all.rihuLi')lls et les responsahilités seraient eerles aussi grandf~s qUI: eelle;:;; de hien d'autres direelions existant aetuellemeut Ainsi, serait réalisé au Maroc. une infraslrudurp de porls conforme aux possibilités économiques el au brillant aven il' de ce pays . Chronique sportive li c;-tJa\tJtPt o~, ~'A 'rs DE 'rE~'f"tS DES 'r~ tJt~ NOVEMBRE 1948 A UTOUR du petit club de l'O.M. rajeuni, repeint de couleurs fraîches, un ensemble remarquable de concurrents s'est réuni cette année. Le meilleur que nous ayions vu depuis trois ans. Il ~mble que le lot des habitués des épreuves militaires mar,ocaines se soit amélioré. Les Officiers Supérieurs se maintiennent, au prix d'efforts sans nul doute méritoires; les jeunes progressent. Quelques figures nouvelles et de classe: trois ou quatre aviateurs athlétiques et souples, deux ou trois. marins combatifs, ardents et volubiles et, fait assez rare pour être noté, un de::Jxième classe de grand talent. Bref, la Jutte devint rapidement -sévère rtans les simples. Aux Quarts de finale, le Capitaine Bay comptait encore sur la solidité de son poignet et le Lieuteliant Pichon sur la force destructive de Son coup droit massue; le Commalll.!ant Dubois mettait au point un revers croisé américain, le Lieutenant de Saxce un service canon fort élégant, le caval!er Matton des amorties traîtresses, le Lie:,Itenant de vaisseau Portalier jetait s.on' cœur par deot'lsus le filet, le Médecin-Capitaine B~rgé montrait que sa nonchalance n'était qu'une femte. Mais, après des parties' superbel' dont les plus remarquables furent sans doute celles qui opposè- Matton à Berge et Matton encore à Saxce, le Lieutenant Pichon et le 2ème Classe du 12ème R.C.A. en vinrent aux mains dans une ultime explication. Sortant par surprise :un revers rapide et très croisé qu',on ne lui conllaissait pas, le Lieutenant Pichon, dont la régularité des victoires consacre décidément la supériorité vînt très nettement à bout de Matton après une série ti'échanges de la meilleure facture. En double, le dernier acte se joua entre le Capitaine Bayet le Commandant Dubois, d'une part, et les Colonels d'Arc et de Segonzs.c, d'autre part, La science, le cœur et l'expérience étaiént, sans c.onteste, dans le camp des colonels, Ils f:ûrent hélas, trahis par leurs jambes et, aux dernièr€~ lueurs du jour, l'équipe de Fès remporta un succès complet. On remarqua beaucoup, au cours de ces plaisant€\s journées, l'effort massilf, perçant, fourni par la Cavalerie, Et, en effet, Pichon; Matton, Bay, Segonzac, d'Arc... Y a-t-il qûelque philosophie à tirer de cette constatation? Faut-il vOlr quelque rapport entre remploi du cheval, l écemment défunt d'ailleurs, ou de la chenille et le maniement de la balle de tennis? La question mérite d'être mise à l'étude; nous nou~ proposons tie le faire prochainement. ................................ , •• :• " MESSAGE " : DES FORCES ARMÉES. : • • • Lien des esprits, facteur d'unité et de cohésion, source d'impulsion et de travail. Message est la revue rigoureusement indépendnte dans laquelle chaque officier peut exposer librement ses idées. Lire Message c'est être assuré d'être informé de tous les problèmes qui touchent à la rénovation de l'Armée Française. ••• • • ••• •• •• 20, rue Delambre - Paris XIVo c.c.P. - Paris 5170-70 Six mois - 6 numéros : 350 francs. . •• :• : ••• : • • • • •• •• •• •• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 1• • • • • • • • • • • • • • Chronique militaire, 2 . ORD'RE DU REGIMENT N. 328 du 3" R.E.I. Dans la nuit du 25 au 26 juillet 1948, le poste de Phu Tong Hoa, tenu par la 2">0 Compagnie du 1p, Bataillon, a été attaqué par des milliers de rebelles qui avaient reçu la mission de s'emparer coûte que coûte du poste. L'attaque débuta à 19 heures 30 par un violent tir d'artillerie et d'armes lourdes qui dura jusqu'à 21 heures. Le Capitaine CARDINAL, Commandant la 2m ' Compagnie, fut mortellement blessé par un éclat d'obus. Couché sur un brancard il conserva le plus grand calme et continua à donner ses ordres. Il devait mourir à 22 heures. Le Lieutenant CHARLOTTON fut mortellement blessé peu de temps après. A 21 heures, une sonnerie de trompe : c'est le signal de l'assaut. Par vagues successives, les rebelles passèrent à l'abordage, s'ouvrant des brêches au coupe-coupe. Ils s'emparèrent d'un blockhaus, puis tr~s rapidement, de la moitié du. ~oste. L~ Sou.s-Lleutenant BEVALOT, seul Officier reste valide, contre-attaque à trois reprises. Le S.ergent FOUR"R 1ER barricadé dans son magasin, lance sans arrêt' des grenades. Une grenade éc}ate dans I,e poste radio; tout le monde est tue ou blesse. Un Légionnai re reprend imm~diatement la. ~Iace de son camarade et continue a assurer la liaison. Un furieux corps à corps s'engage à l'intérieur du poste. Un Caporal et quatre Légionnaires sortent du poste et contre-attaquent vigoureusement. A 22 heures 30, les rebelles décrochent, emportant la plus grande partie de leurs cadavres. Le 26 au matin, lorsque le jour se lève, dans la cour du poste gisent emmêlés 22 Officiers, Sous-Officiers, Caporaux, Légionnaires de la 2"" Compagnie, 62 cadavres V.M. dont 40 à l'intérieur de l'enceinte; 33 Légionnaires sont blessés. Le 28 dans la journée, le poste est de nouveau attaqué, et lorsque le 28 au soi r la colonne de secours commandée par le Lieutenant-Colonel SIMON atteint le poste, elle est accueillie de vigoureux « hourrah ». Il reste une trentaine d'hommes valides. A l'intérieur de la cour, un poste de Dolice de 10 hommes, en épaulettes, képi blanc et' ceinture bleue, présente les armes d'une facon impeccable. " Une fois de plus le 3">0 Régiment Etranger n'a pas failli à la vieille tradition de ses Anciens. La 2 mp Compagnie s'est magnifiquement bat- tue. Inclinons-nous respectueusement devant ses Morts et prenons dans leur exemple un puissant réconfort pour nos combats futurs. S.P. 50.540, le 13 août 1948 Le Leutenant-Colonel SI MON Commandant le 3 m ' Régment Etranger d" nfantere. r' ,," :~ t!k',· Il ii . - 134- CITATION A L'ORDRE DE L'ARMEE DU l or REGIMENT DE TIRAILLEURS 'MAROCAINS « Régiment d'élite dont la valeur s'est manifestée avec éclat au cours· de la période du 14 au. .31 mai 1940. Attaqué les 14 et 15 mai à Gembloux (Belgique) par d'importantes forces blindées ennemies, appuyées par une puissante aviation de bombardement en piqué, le le' R.T.M. sous les ordres du Lieutenant-Colonel BOCAT, a résisté victorieusement aux attaques répétées de l'ennemi, maintenu intégralement ses positions et infligé à l'adversaire de lourdes pertes. Du 16 au 21 mei au cours du mouvement de repli ordonné par l'autorité supérieure, le l or R.T.M. soutint, au prix d'efforts surhumains, des combats très durs et ne laissa jamais entamer ses positions grâce à son esprit de sacrifice et à sa valeur offensive qui se manife:sta, sans défaillance, notamment le 16 mai à Marbais, où ses contre-attaques, poussées parfois jusqu'au corps à corps, stoppèrent le mouvement offensif de l'adversaire. Du 21 au 31 mai, ce magnifique régiment, précédemment très éprouvé et sérieusement amoindri dans ses effectifs, tint ferme sur les positions de Pont à Vendin, de Carvin et enfin, de Lille (Faubourg de Canteleu) où ses derniers éléments, groupés avec ce qui restait de la 1ère D.M. et des éléments de Divisions voisines, autour du Commandant de la 1ère D.M., continuèrent pendant quatre jours, une résistance sans espoir afin d'interdire à l'ennemi la route de Lille à Armentières et de permettre, par son sacrifice, l'embarquement à Dunkerque, des forces alliées qui se repliaient sur l'Angleterre. » 1 La présente Citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec Palme. Paris, le 15 novembre 1948. Signé: MAX LEJEUNE. t LA PISTE ET LE BORDJ DE L'OUKAïMEDEM N des charmes les plus originaux de Marrakech, la capitale du Sud du Maroc réside dans le contraste saisissant entre sa vaste palmeraie évocatrice de soleil et de chaleur et le cirque des hautes montagnes de l'Atlas qui l'entoure, aux cimes déchiquetées et couvertes de neiges éternelles culminant à plus de 4.000 mètres, Il y a longtemps que Marrakech a acquis en matière de tourisme une place de premier plan; mais jusqu'à présent la curiosité du voyageur n'a pu l'amener à connaître le Haut-Atlas dont l'accp-s n'était possible à grand peine que par les seuls spécialistes. Et cependant ce massif est susceptible d'offrir en été un changement d'air très appréciable aux ardeurs torrides du soleil et d'apporter En hiver aux amateurs, l'attrait de la pratique des sports d'hiver. Parmi les sites les plus à même de procurer ces inestimables avantages, le djebel Oukaimedem a été reconnu depuis longtemps comme un des meilleurs par ses champs de neige et la gamme de ses pentes. Il ne se trouve à vol d'oiseau qu'à une cinquantaine de kilomètres de Marrakech et certains y ont vu les meilleurs champs de neige de l'Afrique du Nord. Aussi dès 1936, le Club Alpin a établi un refuge: le ({ Refuge du Capitaine Grudler}) et l'Armée y a installé une petite école de Haute Montagne. Mais jusqu'en 1947, la seule voie d'accès utilisable consistait à quitter à Asni la route de Marrakech à Taroudant' pour accéder par des sentiers de montagne à Iferkhane puis à l'Oukaimedem. Ce qui représentait de l'ordre de 9 heures d'un Voyage difficile dont 1 heure 'en automobile et ? heures à pied ou à dos de mulet. Déjà ~ant 1939, le souci de la pénétration à l'intérieur du massif du Haut-Atlas avait conduit les pouvoirs publics à construire, à partir de Tanahout sur la route de Taroudant, une route s'éle~ Vant progressivement jusqu'à Sidi Farès (AIt. 1.700 ~ètres), point où s'était établie une station d'estIvage pO'lr les habitants de Marrakech. C'est la Prolongation de cette route par une piste de 19 km. de longueur en pleine montagne qui devait perll1ettre l'accès le plus facile du centre de l'Oukaïll1edem. U LES PROJETS Dès 1944 cette prolongation fut envisagée par l'Autorité mÜitaire' c'est en 1947 et en 1948 qu'elle a Pu être réalisé gr'âce à une c~ll~boration.~nt~ère et étroite entre les autorités cIvIles et mIlItaIres ~u Maroc. L'Armée fournissait la main .d'œuvre, loutillage et les engins mécaniques taf!.dIs q~e le Gouvernement du Protectorat supportaIt le reglell1ent des dépenses. La nouvell~ piste de Sidi Farès à l'Oukaïme- d~m empru~t~It d'~bo~d sur 1 km. le tracé de la ste . de SI~h Fa:re~ a la maison forestière de 10unk31' pUIS sUIva~t sur 5 km. une autre piste w amorcee~ ~~r le s~~vI~e des Eaux et Forêts; celle-ci fl;'t r~ctlf1e~, am,elloree e~ prolongée sur plusieurs kIlometres J~sqU au c~l d~t de la Sardine (altitudr 2.200 m,) qu elle ~tteIgnaIt en décrivant de nombreux lacets. Enfm sur 13 km., les plus difficiles du parc?ur~, l~ plateforme de la piste était' entièrement a realIser. Le tracé étudié passant par le col du Taureau et ~e. plate~u des AH Lekkak n'avait pas ~e. pente s.u~ene~re a 6 .mais il présentaIt de seneuses dIffIcultes ,de realIsation, particulièrement dans la traversee de plusieurs barres rocheuses a?Solument verticales formant falaises. . .La: mIse en valeur de l'Oukaïmedem ne se lImItaIt pas pour le Commandement à la seule :0 136 ouverture de cette piste. Il fallait en outre construire sur le plateau supérieur, à l'altitude de 2.700 mètres environ, des installations pouvant pèrmet'"" tre à des détachements de subsister et de recevoir une instruction de Haute-Montagne. A cet effet, il fut prévu que dans un premier temps, l'ancienne et modeste installation militaire serait transformée et agrandie en vue de former un premier bordj d'une contenance d'environ 40 hommes. Cette réalisation devait être achevée dans les moindres délais et de toutes manières elle devait être utilisable au cours de l'hiver 1947-1948. Ensuite dans un deuxièm9 temps serait entreprise la construction d'un autre bordj plus important, amorce d'un futur centre de Haute-Montagne. LA REALISAnON Les conditions climatériques ne permettaient l€s travaux à l'altitude considérée qu'à la belle saison, après la fonte des neiges, c'est-à-dire de juin à novembre. L'exécution <lu pr.ogramme prévu tant pour l'ouverture de la piste que pour la construction des bordjs fut donc répartie sur les deux étés de 1947 et 1948. En 1947 on attaqua les travaux de la piste dès le mois de juin et on commença simultanément 3,UX deux extrémités; d'une part sur le plateau en descendant et d'autre part en remontant à partir de Sidi Farès. Pendant six mois, goumiers, légionnaires, tirailleurs et sapeurs de la compagnie 3116 ri.valisèrent d'entrain pour s'efforcer d'ouvrir une première piste « jeepable }) avant l'hiver ; ce qui semblait une véritable gageure. La plus grande partie de la piste devait en effet être taillée à l'explosif dans une roche dure et compacte (granit, schiste, grès) et le franchissementJ de la principale falaise abrupte sur plus de 800 mètres de long et 50 mètres de haut laissait sceptiques les augures quant aux chances d'aboutir avant l'hiver. Le travail demandait en effet à cet endroit des qualités d'alpinistes et les travailleurs devaient être constamment encordés. A ces difficultés techniques ne se limitaient pas les obstacles à vaincre pour aboutir. Il fallait encore organiser des bivouacs, des ateliers de chantiers, des dépôts de matériel, des garages, etc... le tout en pleine montagne, là où les surfaces relativement horizontales sont très rares et très (exiguës. Il était nécessaire en outre de surmonter la fatigue due à l'altitude, au brouillard, à la fraîcheur des nuits, à l'ardeur du soleil, il fallait adapter à la montagne de nombreux travailleurs originaires de la plaine, il importait enfin de ne pas se laisser décourager par les incidents contraires, ceux notamment dus aux orages particulièrement violents, éboulant les chantiers en cours, enlevant les tentes, ruinant les abris et détériorant les affaires personnelles. GrâcE' à l'opiniâtreté et à la ténacité de tous, et à l'ardeur au travail des sapeurs chargés des tâches leslplus dllil',ficiles, ce qui semblait une gageure - l'ouverture d'une piste « jeepable )} avant l'hiver - fut néanmoins tenu et le 23 décembre 1947, le Général Carpentier, Commandant Supérieur des Troupes du Maroc, accompagné du Général Delaleu, Commandant Supérieur et Directeur Régional du Génie au Maroc, et denombreuses autorités civiles et militaires ainsi que des principaux artisans de cette réussite, pouvait inaugurer la piste d'accès à l'Oukaimedem avec une imposante colonne de Jeeps. Certes, cette piste était encore bien précaire; les camions pouvaient à peine dépasser Sidi Farès, arrêtés qu'ils étaient au bout de 3 kilomètres par des virages en épingle à cheveux; les camionnettes avaient accès par une piste escarpée de 3 m. 50 de large jusqu'au col du Taureau encore distant de 9 km. du plateau de l'Oukaimedem où l'on parvenait par une piste se retrécissant à 2 m. 50 seulement et n'admettant plus que les seules Jeeps sur un tracé impressionnant par son escarpement en' de nombreux points. Pour arriver à ce résultat, il avait fallu au cours de l'été 1947 remuer quelques 48.000 m3 de déblais dont 30.000 m3 de rochers ; 14 groupes compresseurs Spiros et Schram avaient été mis en œuvre dans des conditions difficiles, ta,pt à cause du terrain escarpé, qu'en raison de l'altitude qui diminuait les rendements des moteurs dans des proportions très appréciables. Simultanément on procéda à la transformation de l'installation ancienne en un premier bordj ,d'une contenance de 40 hommes. L'approvisionnement du chantier ne pouvait être fait qu'à dos de mulets et présentait de ce fait une lourde sujétion. Elle put néanmoins être surmontée dans des conditions satisfaisantes, si bien que le bordj fut prêt pour le saison d'hiver 1947-1948. Grâce à ces réalisations les championnats de Ski de l'Afrique du Nord purent être organisés en Mars 1948 à l'Oukaimedem dans des conditions techniques très supérieures à celles des années précédentes. Ils. ont notablement contribué à faire mieux connaître ce site unique du Haut-Atlas qui fait l'admiration de tous. En 1948 il fallait poursuivre l'œuvre si bien commencée, et s'il n'était pas encore possible de prétendr.e' l'achever il était nécessaire aussi bien 2 """_:_C,j,'""';:....~-:-._~.:.- __-...:.:.-':?":-_---_- ""':""_...... _ "'";- , , ,",--"" / ,, . , , / Il; " 1 ,,' , ' , ... t''' , , " .," . ,.#).. " " \ '" _ _D_' A((:...::.È~0~A---=L~' _0U_K_ Aï_ME~DL_N - (chelle: 1/.. . • .. oLI_=c~~-~~~ ~__ "'1(",. :.......!:,~._..::,c.... .....211(... ii - 137 de rendre plus facile le premier accès à l'Oukaimedem qui avait été ouvert l'année précédente que de compléter les installations matérielles à utiliser pendant l'hiver. Il fallait donc : élargir et améliorer la piste pour lui donner une bonne viabilité jusqu'au plateau supérieur, construire un nouveau bordj pouvant recevoir 40 stagiaires en plus d'un cadre permanent de 25 hommes. Tâche considérable pour une seule saison et qui demandait une fois encore un très gros effort. Dès que les conditions atmosphériques le permirent, en Juin 1948, tirailleurs, légionnaires, goumiers et sapeurs, reprirent le chemin de la montagne et se rsmirent à l'œuvre sans perdre une minute. L'amélioration de la piste devait commencer même en certains points avant Sidi-Farès. Elle devait comporter l'élargissement des virages en épingle à cheveux situés entre Sidi-Farès et le Col de la Sardine, et au delà l'élargissement devait se faire sur toute la longueur jusqu'au sommet, Ip but étant de faire une plateforme de 4 m. de largeur minimum. Il fallait enfin procéder à de nombreux travaux locaux tels que: empierrements partiels, implantation de garages, assainissements, captages de sources, radiers, etc... travaux d'autant plus nécessaires qu'à leur défaut la piste serait transformée en cloaque à la fonte des neiges. Le travail fut conduit en remontant la piste; s'il était techniquement beaucoup moins difficile que celui de 1947, il comporta néanmoins l'abatl!ge !:e quelques 30.000 m3 de déblais dont 20.000 m3 de rochers et 7 compresseurs furent encore en œuvre. Mais ce travail pourtant considérable en luimême était relativement plus simple que celui qui consistait à construire en 120 jours un bordj suffi" samment confortable. Il fallait en effet pour aboutir vaincre toutes sortes de difficultés non seulement pour se procurer les matériaux ~éces~aiz:es, mais encore et surtout pour les achemmer a pIed d'œuvre sur une piste encoœ à peine « Jeepable » et coupée de nombreux chantiers d'élargissement en plein travail. Grâce à l'activité et au dévouement <!e tous le programme tracé fut' réalisé avant les pr~mières chutes de neige. Dès le 20 Octobre les camIOI!S de 6 tonnes accédaient au plateau même de l'Oukaimedem et avant de rejoindre leur garnison, il la fin de Novembre, les sapeurs du 31" Régiment Ad~ Géni~ :wai'3nt fait surgir du sol un nouveau batIment a étage de 327 m2 de surface couverte et de 12 m. de haut, prêt pour accueilliz: confortablem~nt .le!" stagiaires de la saison d'hIver 1948-1949 ! batIment . s'ajoutant à l'ancien bordj d0I?-t les ~n:e~agements extérieurs et intérieurs avalent ete egalement considérablement améliorés. r, Ainsi que M. Anxionnaz, alors Président de la Commission de l'Armée de l'Assemblée Nationale, a pu s'en rendre -compte en visitant l'Oukaimedem au cou~s d'une inspection récente, la collaboration « Ar.~ee-Nation }) s'exerçant dans les meilleures condItIOns. de mu~u~lle .compréhension, a abouti à une !Ua~~Ifique :r:e~l1satIOn pour le plus grand bien des mterets supeneurs du pays. Dès aujourd'hui, en effet, il faut à peine 2 heures à une voiture de tourisme pour se rendre de Marrakech à l'Oukaimedem. Un nouveau centre de tourisme et de sports. d'hiver est ouvert, qui sera un des plus beaux smon le plus beau de toute l'Afrique du Nord. Déjà de nombreuses demandes d'.au~orisation.de .~ât~r ont été déposées; à bref delai le bord] mIlltalre ne sera plus isolé mais figurera en bonne place dans l'agglomération des chalets d'estivage et des hôtels modernes de la nouvelle station. La route de l'Oukaimedem ouverte après deux « saisons }) d'efforts .opiniâtres vient ajouter une maIlle de. p!us, au :eseau déjà si étendu que le Maroc do.lt a 1Armee et le bordj militaire est 1:1 cellul~ mere ?'une nO\lvelle agglomération s'aJoutant a tant d autres nees de la même manière. Les crues de l'oued Sebou . et les inondations de la plaine du Rharb u fait de son relief et de son climat, l'Afrique du Nord Française n'est pas arrosée à proprement parler par de grands fleuves. Les plus importants de ceux-ci sont l'Oum er Rebia et l'Oued Sebou. Ce dernier, par son bassin de l'ordre de 40.000 km 2 , sa longueur de 600 km. et son débit moyen d'environ 700 m 3 /s. est un cours d'eau comparable à la Garonne (longueur 720 km., débit moyen 700 m 3 /s.>. D Le Sebou naît dans le Moyen-Atlas et en draine sensiblement tout le versant N.-O. avant de recevoir son principal affluent l'Ouergha qui recuei.'le toutes les eaux s'écourant sur le versant Sud du Rif. J·usqu'à son entrée dans la plaine du Rharb, <l.ans la région de Petitjean, le Sebou est un fleuve à profil en long assez accentué, ce qui lui confère un caractère torrentiel; dans le Rharb, au contraire, il accuse :une pente beaucoup plus douce et il serpente en d'interminables méandres avant d'atteindre l'Océan à Port-Lyautey (fig. 1). La plaine du Rharb est une création du Sebou et représente l'accumulation, au cours des siècles, des débris arrachés à la montagne par le fleuve et ses affuents. Aujourd'hui encore, le ralentissement des eaux arrivant dans la plaine favorise des dé- pôts qui s'accroissent d'année en ~mnée. De plus, à chaque crue, les eaux plus chargées encore de matières solides les déposent de part et d'autre des berges en cas de débordement, si' bien qu'en définitive, dans l'immense plaine du B.harb, les points hauts sont constitués par les cours d'eau entre lesquels subsistent des points bas ou « Merlijas}) plu.s ou moins marécageux, selon la saison. Ce dépôt d'alluvions a entraîné ün phénomène d'endiguement naturel du cours d'eau qui déposant toujours au même endroit tend à haus~er constamment le niveau de son lit. Ainsi les berges du Sebou dominent les zones environnantes, ce qui donne à ses débordem~nts un caractère catastrophique dans le Rharb. Les eaux recouvrent alors des surfaces énormes, plus de 150.000 hectares en 1941, et, de même que sur la mer, la vue s'étend à l'infini sur une surface liquide d'où émergent les habitations, les arbres et aussi les berges du fleuve, elles-mêmes encore dominées par les ponts qui constituent les points les plus hauts du paysage. Les eaux débordées s'accumulent dans les bas-fonds pendant des mois où vont vagabonder à des distances considérables suivant des trajets atteignant jusqu'à 120 km. avant de trouver un exutoire. .~ ~~ \1) ~. ~ ~ . ~ ~ i x e- ~ .~ i~ l) " .. • 0 .. 0 • ..,0 ""'r: 0- .~ c.... ~ QI .s:. v 1JI - 139- Processus des crues Le bassin àu Seboll comprend les régions où les pluies sont les plus abondantes au Maroc. El.: les atteignent leur maximum - 1.200 mm. par an sur les versants Sud du Rif (Zouml); elles varient entre 600 et 800 mm. dans fe Moyen-Atlas et la rp.gion {}e Fès-Taza; enfin, elles sont encore de 800 mm. par an dans le Rharb. Or, ces pluies t.ombent presque exclusivement en hiver et se caractérisent par une extrême VIOlence dans le bassin àe l'Ouergha - on y a enregistré des chutes de 145 mm. en 5 he';Jres - particulièrement entre le 15 janvier et le 15 mar-s. Enfin, le haut bassin du !Sebou culmine à 3.000 m. <lans le Moyen-Atlas, et à 2.500 m. dans le Rif, si bien, qu'en hiver, une notable proportion des précipitations atmosphériques s'y accumulent sous forme de neige. C'est lorsque les pluies sont les plus violentes et abondantes et qu'elles coïncident avec ,un adoucissement de la température, entraînant une fonte des neiges, qu'il se produit une crue dont l'importance est proportionnelle i'l. celle des pluies. En effet, les terrams sur lesquels tombent ces pluies sont presque complètement déboisés et dénudés, dans le Rif particulièrement, si bien Que le sol ne retient qu',;Jne très faible proportion des eaux qui ruissellent presque entièrement. Du fait qu'i'l <lraîne la zone de pluviosité maximum, elle-même constituée par les versants du RH exposés au Sud et où, par conséquent, la fonte des neiges est plus grande, et du fait aussi <le son profil plJs accentué, c'est presque toujours l'Ouergha qui entre le premier en crue et de la manière la plus brutale. Dans le haut bassin du Sebou, en effet, le déboisement est moins complet, les pluies, en général, moins abondantes, le versant n'est nas exposé au Sud et, enfin, le profil d,u fleuve est moins en pente, si bien que ses crues sont plus lentes et plus progressives. En cas ÙB cr'Jes simultanées des deux cours d'eau, les maxima de celles-ci se produisent toujours avec un certain décalage <lans le temps. Si on les observe à l'endroit de leur confluent, à Magrouna, on constate l'arrivée, en premier lieu, de la crue de l'Ouergha, toujours plu::: violente, mais. en général de durée relativement c.ourte - 2 à. 3 JOJrs (fig. 2) .. Si cette crue se produit seule, elle n'a pas de conséquences trop grave:; en aval; mais si elle concorde avec une crue, rr:ême faible, du Sebou, les conséquences peuvent être très sérieuses. En cas de crue simultanée des deux fleuves celle du Sebou arrive au confluent avec un retard de ~ à 3 jours (fig. 2) ; elle se fait plus lentement, maIS duIt: plus longtemps et, en tous les cas, prolonge dans le temps celle de son affluent pour toutes les zones situées à l'aval. Crues antérieures L'on n'a pas de renseignements sur les. crues qui ont,pu se produire au cours <le l'histoire ayant l'arrivée des Français. T,outefois, les caractéristiques du fleuve et la répartition de la population montrent qu'elles ont dû être fréquentes, et qu'en tous les cas elles ont été ,un obstacle à l'utilisation de la fertilité des alluvions de la plaine du Rharh Les premiers renseignements sur les débits du Sebou et de l'Ouergha datent de 1914, mais, jusqu'en 1927 ils sont restés très sommaires; ils permettent c~pendant <l'établir que, pendant cette époque, la durée des crues n'a jamais'dépassé 48 heures. C'est en 1927 que l'on observa,pDur la première fois, une crue qui fut très soudaine et occasionna des dégâts importants. De nouvelles crues d'importance moyenne furent enregistrées en janvier-févrie: 1~30, décembre 1933 et décembre 1937. Mais, en fevner 1940 et en février 1~41,. eur~n~ lieu les crues. les plus imp.ortantes qUI aIent ete encore observées, tant par leur Intensité que par leur durée. , En 1941, le. débit m~suré 'par l'Ouergha, à M Jara, a attemt le chIffre Impressionnant de 6.QOO m 3/s. (fig. 2) - (débit moyen do;} Rhône 2200 m 3/s) - et des <lébordements eurent lieu pe~d~nt une centaine d'heures, déversant un volume d'eau évalué à 300 millions de m3. Au cours de toutes les crues connues le rôle prépondérant ~. été j~ué par l'Ouergha, ta~<lis que le Sehou res.talt r~latlvement bas. Cela résulte du processus decnt Cl-dessus. En février 1942, cependant, le Sebou eut une part relativement beaucoup plus importante dans la crue et atte~gnit à Abd-el-Aziz, le <lébit absoI;}ment exceptionnel p~ur lui de 1.200 m 3 (fig. 3). mllll~ boOo. ,.., ~'OOO , f\ 1 i• 1 \ ·•• CRUE de 1941 1 , 5"000 ! Débits 1 i0' , :, iÏ i i i QéBOU dV<3"t Leul' con/ruent . j\ .. i .: ii . l .1, ~, 4000 )000 : 1 , i i i i i• ,i l ., i ,.,\. 1 · R • 1 2,000 i i 1:~oo • , ."". '. . ", '. i i 2.32.0 ii i: ' !\J•i '\8 1 < '1 ~ , -1 'lolo , 97' 16 , 'i " .,...,.i -'1000 01 de '/OU~RGIiA ~f: 0/11 J .' F~: a - f"/~ 3 _ de _ SEBOU - ~ - --~ - -- ---'- 141-' J ch:'m8 inolùrudFd [, Oued -----=---- le. inétnsilllS et la duree dts pr/ncif<9fes crues d~ ci460rdfllt'lenls o'dns ~t6 haU!WI'$ l'epreStnteml: Les dâ&~ts llthzints p." l'Bp<td iveme",t à KKEMICHETeI: à ABD EL AZI~. Le l' OUERGHA al:. le Connues fiIfARB, SEBOU _ ld l.,·~eu,· dll.5 rcc1'II.,~lG:S est propol.lioMalLa 8 l. dur«t ok, de(,ol'dalnen/;s. z 00 Ou. Ou. ~OOO lli9 Ou. Ou. -15'00 '1.100 --1000 8so Soo " , < ., 1 1 1 l 30h. iO h. Die 01927 La crue de Janvier 1948 La crue de janvier 1948 correspond à un grossIssement pxtrêmement violent de l'Ouergha, - le plus important qui soit connu et qui emporta même les appareils de mesure à\l pont de Khémichet, c suivi d'une légère montée des eaux du Sebou. Elle débuta le 26 Janvier, et, dans la matinée, Fès-el-Bali annonçait une violente crue de l'Ouergha, Cependant, le Haut-sebou paraissant rester calme, on pouvait penser que les i~lOnda:ions à craIndre se 1i.miteraient à la VaUee meme de l'Ouergha sans menacer le Rharb, et. de fait, le soir même, la basse vallée de l'Ouergha, dans la région de Djorf-el-Mellah était sous les eaux. Dans la nuit du 26 au 27 janvier, le flot progressant atteignait, il, Magrouna, le confluent d~ Sebou et de l'Ouergha et le niveau des eaux ?e~ p'assant la hauteur des digues, déjouant les espOlr~, c!6mmençait à inonder la plaine entr~ Magrouna et lSouk-el-Djemaa des Aoufat, Sur la rIve gauche, les eau~ ,att~ig~aient la route de Petitjean à Mechrabel-KsIrI, 'amSI que ~a voie ferrée rte Tanger-Fès, dont le leger r~mblaI formait barrage. Le volume des eaux groSSIssant sans cesse se déversait d'ah~rd par-des~us la voie ferrée. dans la mer<1ja ŒIDJouad~ Belll-Assen et Kbiral, puis emportait le remblaI et le ballast sur de longues distances. For,t heure~sement, le ~eboCl n'apportait simultanement quune crue très faible, évitant ainsi des catastrophes beaucoup plus importantes, Néanmoins, la. localité Ide Mechra-bel-Ksiri, protégée par une dIgue, n'échappait à une catastrophe qu'à moIns de 10 cm. près dans la hauteur des eaux. . Le 28,au matin, la crùeatteignait son ma:inmum au confluent de l'Ouergha et du Sebou, mais le yot .allant de l'avant atteignait Si Allal Tazi le meme JOur sub~ergeant. en de nombre!~x: points, les deux ro~tes, 9- Ul longent le fleuve, de part et d'autre, PUIS, s ecoulant sur la rive droite; éOupaitla __ "i "- route de Rabat à Tanger et remplissait les deux merdjas Bou Kharja et Merktane; pour cette dernière, la vidange dura près de deux mois. Le 29, la décrue commença à se faire sentir à partir du confluent à Magrouna, mais le flot s'écoulant vers l'aval continuait à submerger des terres nouvelles. C'est ainsi que, sur la rive gauche, 'les eaux Uébordé~s, colleQtées par l':Ouetl Beth, venaient se rassembler dans la région d'El Mograne, coupant à nouveau la circulation sur la route de Rabat à Tanger, à la fois au Nord et au Sud d'EI-Mograne. Le 30 et le 31, le flot finissait de s'écouler et li.bérait peu fl, peu les terres submergées. Seules, les merdjas restaient encore remplies pour un temps assez long dépassant plusieurs mois pour certaines: Le bilan de la crue (fig. 4) se traduisait par l'inondation d'une surface de 100.000 hectares, correspondant au débordement de quelques 200 millions de m 3 d'eau pendant une durée qui fut de 49 heures à Tazi. Fort heureusement, le flot passa suffisamment vite pour que les dégâts occasionnés aux cultures ne soient pas uréparables et se limitent seulement 142à des diminutions plus ou moins grandes des rendements espérés. Sur toute la zone inondée, les douars indigènes ainsi que les immeubles de toute nature servant aux logements ou à des exploitations rurales furent durement épro~vés. Grâce, notamment, à l'envoi de toute urgence de plusieurs équipes de Sapeurs du 31ème Régiment du Génie, munis de bateaux et du matériel convenable, toutes les personnes en danger purent être s·ecounElS et évacuées à temps. De plus, les Sapeurs contribuèrent en même temps, dans une large mesure, au ravitaillement des populations des fermes et douars isolés par les eaux et sans relation avec l'extérieur pendant pluRieurs jours. 1 1 A l'exception du remblai de ra voie ferrée du Tanger-Fès, emporté sur une longue distance, il n'y eut pas de dégâts importants aux Travaux PubUes, cependant, les communications routières et ferroviaires avec la zone Nord du Maroc, furent interrompues pendant une semaine, ce qui ne fut pas sans causer un préjudice série~x à l'économie locale. Protection contre lês crues Pour se protéger contre les crues du Sebou et éviter les inondations périodiques du Rharb, on a envisagé deux sortes de mesures : les unes destinées ft, faciliter l'écoulement des eaux vers l'aval; les autres ayant pour but de retenir les eaux en amont. Pour faciliter l'écoulement des eaux vers l'aval, il faudrait augmenter la pente du lit du fleuve. On y parviendrait, dans une certaine mesure, en rectifiant ses méandres, comme cela a été faH pour le Rhin, Cependant, il ne semble pas que le profit serait en rapport avec la grandeur du travail, en raison du caractère extrêmement plat de la plaine du Rharb. De plus, il est à craindre qu'une amélioration éventuelle dans la région de Ksirl entraîne des inondations plus importantes dans la zone aval. Dans cette ,ordre d'idées, il est à remarquer, cependant, que les travaux actuellement en cours pour assécher la merdja Marklane, au Nord de Tazi, auront pour effet de favoriser l'écoulement rapide vers la mer, par l'Oued Segmeth, des eaux débordées dans cette région (fig. 4). Par contre, la retenue des eaux fi; l'amont par d'importants barrages semble devoir être beaucoup plus intéressante, On avait pensé, il y a une vingtaine d'années, réaliser deux' ouvrages gigantesques d'une capacité de 3 à 4 milliards de m 3 , situés, respectivement, à Melaina, sur le Sebou, en aval de Fès et à M'Jara, sur l'Ouergha. 'Ma'is l'examen approfondi des terrains sur lesquels de- vaient être édifiés ces ouvrages montra qu'à M'Jara, ils étaient peu favorables à un tel projet; aussi celui-ci fut-il abandonné avant même que l'on eût abordé le problème de son financement, et les études ne sont-elles poursuivies, actuellement, que pour le barrage de Melaina <lont -la réalisation pa-. raît possible. Ces études ont été interrompues par la guerre et reprises depuis sur des bases nouvelles avec, comme double but, non seulement de retenir les eaux en cas de crue, mais encore de distribuer cette eau ultérieurement pour l'irrigation du Rharb. Il semble Q.ue des réservoirs d'une ,capacito de un milliard de m 3 au total pourraient permettre d'atteindre ce double but. Actuellement, des sondages sont également en cours à Qurtzagh, sur l'Ouergha, afin de préparer la construction d'un autre barrage en cet endroit rétréci du lit du fleuve; il semble que cet ouvra~ pourrait être entrepris dès que le problème de son financement sera résolu. A ce jour, seul l'Oued Beth, deuxième affluent du Sebou dans l'ordre d'importance, a fait l'objet d'une régularisation par la construction du barra.ge d'El Kansera, à quelques kilomètres au S~d de Siidi Slimane, Nonobstant ces travaux, un service de surveillance du fleuve et de ses affluents fonctionne depuis plusieurs années; il permet de prévoir les crues avec une avance de 36 heures à Ksiri et de 48 heures à Kazi, ce qui permet d'alerter en temps utile les populations menacées. • ----- 80v --- . SeLham. J 1 • ~-.r fig 4-. Inondlafions de fa pLaine du RHARB en 19'18 ~ch~mcl.. èpp,·oximal:if de~ .zones inoYldees Lchd1.e ~ -t0I_ _1 .z,ont!S ~nondÙs. --3+~_M-3t_-.;4~""---..:j~ Km. 1 1 • ._. -Jj - 144- Conclusion En définitJve, les crues du Sebou dans le Rharb se caractérisent par une extrême brutalité, imputable presque exclusivement à son affluent 1'0uergha. Mais si les surfaces inondées sont très grandes et peuvent atteindre les deux tiers de la riche plaine dei Rharb, leur faible durée fait, qu'en général, si elles causent de sérieux dommages, elle<; n'ont pas eu, jusqu'& présent, de (~onséq'uences abwlument catastrophiques. Les remèdes à y apporter résidf'nt presque entièrement dans la régularisation de l'amont du Sebou, et surtout de l'Ouergha, par des barrages qui seraient susceptibles, en outre, de constituer une réserve d'eau précieuse à, distribuer à la saison sèche. Il serait particulièrement désirable pour la prospérité du pays, qu'ils puissent être réalisés prochainement. • 1 'zn - ---- ---- -- -------- ème Le 2 R. T.M. pendant les opérations de Mai 1944 en ITALIE PREMIERE PARTIE vu.: 1 BUT ET MISSION. Dans le cadre de l'attaque alliée déclenchée sur le front d'Italie, llel 11 mai 1944, la 4ème D.M.M. avait veçu pour mission, en liant son mouvement avec la 2ème n.I.M. qui s'rlmparait dies hauts du tie'rrain, de prenare le Col de Crisano, puis de se raba,ttre. v,eJrs le Sud pour .conquérir la ligne de crêtes C~schit~-Reanni, ensuitè exploiter vers l'Ouest. VEC deux Régiments en ligne, (6ème KT.M. au Nord, 2ème R.T.M. au Sud), la 4éme D.M.M. avait dosé comme suit les efforts: au 6ème KT.M., disposant de ses trois bataillons échelonnés en profondeur, un fmnt d'attaque de 600 m., mais la charge de s'emparer de la crête d~ Feuci pour permettre au 2ème KT.M. son attaque ultérieure. Au 2ème K T.M., la mission de conquérir les cr~tes Ceschitc:335-Reanni avec en ligne deux bataIllons orgamques (plus 1 bataillon du 4~me KT.T. c~arg~ de s'emparer du Siola), et, en reserve, 1 bataIllon gre~ vé d'une interdiction d'emploI. Front: 3. km., appUI d'arti.llerie, pas de préparatiOn. Devant le 2ème R.T.M., d'ab:ord la position de résistance ennemie sur un glacIs descendant JU~­ que dans le ravin d~ Rivo Grande, aux parOlS abruptes. Puis, la remontée, ,par d~s pez:t~s <!e l'ordre moyen de 11,5' %, sur l~ Ceschlto 5d.emvelee moyenne, 350 m.), premier objectIf du RegIment. Si l'on y parvient, deux .objectifs plus loin· tains: le débouché vers la plame de l'Ausente, la montagne au delà. Un tel dispositif linéaire, l',empl.oi ~es ~e~x prévus à l'horaire, l'absence de reserves ~rr;t~~dIa­ tement utilisables excluai.ent toute p.osslbI~Ite ~e manœuvre. Il fallait, 0:.1 bIen se con~enter d ~n raIe passif de rideau, ou bien foncer bIlle en tet~. L~ 2ème KT.M. sollicita l'honneur d.e foncer, qUI lUI f)..lt accordé. De toute son ardeur, Il Y alla. On ver· ra que ce ne fut pas inutile. A II. - MOUVEMENTS 'PREPARATOIRES. . Avant l'a~taque du 11 m~i .44, le 2ème KT.M. tle.1?-t le Sous>'iecte~r du GarIglIano, avec trois bataIllons en lIgne; du Sud au Nord: II/2ème KT.M., quartier Sujo. I12èrr:e KT.M. et CM, quartier Rotondo-Nata.· III/2eme KT.M., quartier Fuga-Furlito. Dans Ip;s nuits du 9/10 et du 10/11, le dispositif ~s~ resserre po';!r pert;Iettre l'entrée en ligne des elements charges de 1attaque de rupture, savoir: le II/2ème R.T.~. est relevé par le III/4ème KT.T. et passe en reserve de Hégiment sur le Rotondo, , le l/2ème R.T.~. se resserre sllr sa droite pOUl' faIre place au Ij4eme R.T.T. sur le Nata, le I~I/2ème K:r.M. se resserre sur son centre pour, faIre place ~. une partie du l'2ème KT.M. sur sa ga~che et ft une partie du 1I6ème KT.M sur sa drOlte. . III. - ATTAQUE DE RUPTURE. Le 11 mai: à 23 h., les III/2ème KT.M., I12ème KT.M., et I14eme R.T.T. se portent sur les pentes Ouest des cro~pe~ Nata-Furlito, en base de départ Mouvement ~eussI pour les I14ème KT.T. et I12èm~ KT.M., par~Iell.emen~ enrayé pour le IIII2ème R T.M. ~ont_ 1actlOn depend de celle du I/6ème R T' M., lUI-mem2 stoppé presquê dès le début. " d ,._~;.- - 146 Le 12 mai, à 5 h., démarre l'attaque de rupture Les trois bataillons du Régiment en première ligne se lancent à l'assaut avec fougue, mais sont arrêtés sur la ligne principale de résistance ennemie par des feux croisés d'armes automatiques sous casemates, derrière des champs de mines. L'avance totale réalisée atteint en moyenne 1 km. de profondeur devant les deux bataillons de gauche, 400 m. devant celui de droite. Dans l'après-midi, l'ennemi lance un violent retour .offensif puissamment accompagné d'artillerie et de mortiers. Il est contenu, puis rejeté avec de lourdes pertes sur le Siola. Le 13 ma,i, le Régiment continue à fixer l'ennemi en le harcelant, pendant que reprend l'attaque aux ailes. Liant son mouvement aux leurs, il porte au N. E. de Castelforte dans la nuit du 13 aû 14 une Compagnie qui assurera la liaison entre le 6ème RT.M. sur le Ceschito et le 4ème RT.T. sur le Siala, nettoyera le Riva' Grande et fermera la nasse, Dans la journée du 14, avec l'aide de 4 T.D. pour lesquels un chemin d'accès a été aménagé en pleine montagne par le 1er Bataillon <Capitaine Diebold) et la Compagnie du Génie 82/2 (Lieutenant Brennier), véritabl,e tour de force réalisé au cours de la nuit, la position est prise à revers et nettoyée. En ces trois j.ours, l'ennemi a abandonné plus de 200 prisonniers, des armes· et du matériel en qûantité, dont au moins 7 lance· flammes fixes repérés sur le terrain. Les champs de mines sont délimités et les morts inhumés ou enlevés. IV. - EXPLOITATION. Dès le 13 au soir, le II/2ème RT.M., Bataillon de réserve du Régiment est affecté au Groupement Bondis nouvellement f,ormé. Il se porte, d'abord, sur Crisano, où il reçoit l'ordre de foncer le plus rapidement possible vers le plateau de VaUocia qu'il aperçoit à l'horizon. Le 14, vers Cardito, il prend contact avec des chars alleman<is patrouillant sur la route Auson,ia-Castelforte, entre lesquels il se faufile, ramasse quelques prisonniers et se porte au pied de la montagne. Le 15, au lever du jour, il se lance à l'escalade de la falaise du Famm~a. A mi-pente, la section d'éclaireurs skieurs du 2ème Bat,aillon se heurte à des guetteûrs ennemis, en tue quelques-uns à l'arme blanche et en capture deux sans avoir tiré un coup de feu ni donné l'éveil. Avec un élan magnifique, l'AspiraI:lt EstabIle entraîne sa Section d'éclaireurs et file vers le sommet suivi de la 8ème Compagnie. La côte 1.038 est débordée par la droite; la résistance ennemie qui s'y trouvait est surprise, se défend oravement à courte distance, mais finit par tomber, livrant à la S.E.S.l2 et ~. la Compagnie cent-vingt captifs, dont un Herr Mayor, 2 lieutenants, 1 Aspirant, 1 Feldwebel. Mille mètres de dénivelée en falaise grimpés au pas de course, l'arme prête; le guetteur ennemi, surpris, la résistance à la lèvre du plateau submergée, effort splendide,' mais résultat magnifique, c",r il nous livre toute la partie N.ord du Massif des Monts Aurunci, en ouvre la port~, à la Division de Montagne (1) et per\net à la 3ème nI.A. d'amorcer le débordement des résistances d'Ausonia-Esperia. Cette opération si vivement menée, si bien réussie, met le Batailon Grimal (II/2ème RT.MJ en joie. Cependant, le reste du Régiment, traversant par des sentiers épouvantables le massif entre Garigliano et Aus,elnte, vient rejoindre le Groupement 1 Bondis sur le Vallocia, non sans abandonner au passage le II2ème RT.M. envoyé en réserve de main-d'œuvre à Spigno. Le 18, il se porte sur de noûveaux objectifs: Vaccaro-Fumone, pour le IIII2ème R.Ti.M., San Martino pour le II/2ème R.T.M. L'embouteillage de l'unique piste muletière ne lui permet pas d'arriver à temps pour sauter le soir même sur le Coronella et le Pota dont la prise permettrait de menacer directement Pic,o. Ce sera pour demain. Mais, le lendemain, le boche attaque: le IIII2ème RT.M. sO:1tient les goumiers, le II/2ème RT.M. est relevé par des éléments de la 3ème nI.A. et, dans la nuit <iu 19 au 20, l'ordre arrive d'un changement de direction. On se redresse donc vers le N.-O. Et ce sont de nouvelles et interminables marches en montagne, vers Valle du Lago, puis la région Est de Monticelli di San Onofrio, débordant chaque fois par les hauts les défenseurs allemands arrivant en camions par les routes de vallées. Pour le 21, le 1er objectif est la ligne de hauteurs surplombant au S:1d la route Pico-Itri, le 2ème objectif celle qui la flanque au Nord. Il y a entre les deux un carrefour particulièrement vital pour l'ennemi, qui lui permet ses rqcades, ses envois de renforts en camions, ses mouvements de chars, ses ma'nœuvres d'artillerie- automotrice. Il a Cû le temps d'y jeter du monde, et nous le fera bien VOlr. V. - 1 1 NOrJVELLE ATTAQUE nE RUPTURE. De 9 h. à 15 h., le IIIJ2ème RT.M. progressent difficilement en direction des cotes 466-480, finit par se heurter à une ligne continue, subit de lourdes pertes et se voit finalement cloué au sol à environ 1.000 m. de l'objectif. Un combat de rupture est rapidement <:Iécidé par le Commandant de Groupement et orchestré pour 18 h. 05 après 15 minutes de préparati.on d'artillerie et de mortiers, de protection par fumigènes et ALeA. On attaquera avec 2 Compagnies dans le compartiment de terrain 480 - Castello - Mont « Pelé» - Calcarato, prêt à exploiter après rupture en direction du col 416. Ainsi fut fait. Mais les Commandants de Compagnie n'avaient pas de cartes; un des porteurs d'ordres n'est pas arrivé à temps près de Son Capitaine. Les tirailleurs démarrèrent avec fougue. mais les deux Compagnies se portèrent sur la mê· me croupe, effectivement pelée, d'où un flanc découvert. En .outre, dès le départ, l'un des deux capitaines fût tué d'une balle au front et l'un des postes radio mis hors service. De puissants barrages d'artillerie et de mortiers allemands vinrenf augmenter la difficulté. Vers 19 h., l'unique renseignement reçu sur la situation, émanant <:lu seul poste radio intact servi par un opérateur très ému, signalait ce décès, l'attaque clouée par des feux de mitrailleuses, les deux Compagnies mêlées réduites à un groupe de 50 hommes encerclés par l'ennemi, les munitions épuisées. Le Chef de Bataillon engage alors sa dernière Compagnie, cependant que le Commandant du Sous-Groupement fait avancer en position d'attente le II/2ème R.T.M. tenu en réserve. Il apprend que la jonction est réalisée, après quoi la radio reste définitivement muette, et la nuit de Mai finit par tomber sur l'anxiété du P.C., tandis (1) L(J 3 m • G.T.M .• placé il la g-auche (lu II/2° R,T.M,. a déhouché en méme temps que lui des haut.eurs du Crisano le 13 à 12 heures. 1 • 1 • 1 1 1 '--,: ..- - - - - - ; . . - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -........- - -_ _...ol.... -" f,,:.' que les bruits de combat s'estompent et paraissent s'éloigner. L'arrivée des premiers blessés, des premiers prisonniers jettera les premièr,es lueurs sur cette obscurité. De leurs renseignements fragmentaires déjà anciens, ressort' cependant que les unité; dissociées et mélangées,· subsistent, bien qu'éprou: vées; qu'on tient, qu'on se reforme, et surtout que l'objectif est atteint (2). ' IPeu à peu, on saura qu'il l'avait été tout de suite grâce à l'élan magnifique des élémentsâ'assaut; qu'on avait tenu sous le feu, repoussé l'es c0!1tre-attaques, et que, finalement, l'ennemi avait fu~. On apprendra le lendemain que plus d'une eentaIlle d'hommes, glissant verS la vallée sous notre menace, ~vait ~té se rendre à une unité voisine, toute raVIe de l'aubaine, alors que nos tirailleurs n'en ont capturé que 35. Les difficultés du terrain, la nuit sans lune, les défaillances des appareils radio ont refusé au III/2ème RT.M. la joie de cueillir les fruits complets de sa victoire. Au prix de lourdes pertes, il avait conquis le terrain, mais n'avait pu ni ramasser les dépouilles rie l'ennemi, ni signaler aux camarades prêts ft s'enfoncer dans la brèche, que celle-ci était faite. Les' automoteurs, les mortiers quelques tireurs allemands donneront encore touté la nuit l'impression que cela tient. Pour pouvoir exploiter, il aurait fallu, comme Josué, arrêter le soleil. VI. ~ EXPLOITATION LOCALE. C'est le 'endemain 22 qu'après étude de la situation au cours de la nuit, et compte tenu des patrouilles lancées au petit jour, on commence à ressentir l'impression d'un repli chez l'ennemi.. Une attaque avec préparation d'artillerie doit être déclenchée, devant la gauche à 15 h~, par nous à 16 h. Un tel baroud est-il indispensable? Le Commandant Grimal s'offre à s'en assurer. Il enverra sa S.E..s. sur le Castello, prêt à suivre le mouvement en engageant progressivement son bataillon. Il est 11 h. 30. Le délai laissé pour transmettre les ordres, déclencher les patrouilleùrswavoir: leurs rens.eignements, est bien court. Il sera cependant s.uffIsant. pour éviter une perte de temps, un inutIle gaspIllage de munitions et une grosse fatigue aux mulets qui les transportent. Le terrain est terriblement dur, le ravin à pic, la remontée harassante. Des chars ennemis patrouillent sur la route, où le barrage s'abat entre chacun de Jeurs passages. N'importe. Establie passe avec sa S.E.S., suivi de la 'Compagnie Schneider, puis de la Compagnie o.outal, refoulant quelques ti~eurs isolés, mais poursuivie par des conceI!tratJOns de feux de mortiers. Le Castello est pns, mais le Capitaine Schneider est tué ses 4 chefs de section blessés. Le Lieutenant Gout~l reste s~ul .~our deux Compagnies, 3 de ses chefs de sectIon egalement tués ou blessés. Et les tirs continuent, toute la nuit, impitoyablement, à écraser ce piton. dont .le jumeau, juste en face, est toujours aux maIllS du Boche. Et les chars allemands continuant à s'en donner R cœur-joie, de mitrailler nos tirailleurs isolés sur leur caillou, impunément, car nos chars à nous devant arriver dès que la mute sera dégagée, nous ne posons pas de mi'lcs pour leur laisser la voie libre. Au petit jour, un Régiment voisin dOlt relever nos hommes. Il n'arrivera qu'après-midi. Doit. 148on se replier? On se repliera quelques instants. mais seulement pour revenir plus en force, s'ins. taller tout de bon sur le terrain, ramasser les morts, évac~er les blessés et livrer une position sûre aux camarades relevant. On a perdu 108 hommes et presque tous les cadres, mais le II/2èm~ RT.M. ne recule pas. Sacrifice inutile? Non. La route est dégagée; nos chars passer.ont, l'ennemi cède. Demain, nous pourrons repartir dans la montagne, pour un nouveau débordement par les hauts, pour une na~vel­ le menace qui entraînera chez l'ennemi un nouveau repli. Et l'on repart, le lendemain, 23, cap au Nort}Ouest, une fois de plus. Le III/2ème RT.M., les goums assurent la c.ouverture; le II/2ème RT.M. et la fidèle C.M., q~i a tiré pour SOn appui à en faire éclater ses tubes, suivront dans leur sillage. Il s'agit de flanquer la manœuvre de la Division vosine, par la progression et par la menace. Celles-ci, cette fois, suffiront. L'adversaire, déjà débordé par ailleurs, ne se hasarde plus sur les crêtes. On ne lui en a pas laissé le temps. Le mouvement continuera les 24, 25 et 26 par ColIi San Martino, Cima Alta, . Colle Santa Lucia, Monte Calvilli, Monte Rotondo. VII. ~ LA MANŒUVRE SUR AXE ROUTIER. C'est, qu'entre temps, le Bataillon Diebold (I/2ème R.T.M,) ne restait pas inactif. Nous l'avions laissé en réserve de main-<l'œuvre, prêt à entamer des trava'ux de piste. Mais la progression fut trop rapide pour permettre d'établir des pistes. Quatre jours durant, le 17, le lB, le 19 et le 20, il a poussé derrière les combattants, prêt à travailler pour eux, dépassé par leur avance. Le 21, . mis à la disposition du Groupement Louchet, il engage une Compagnie devant le carrefour des routes Pico-Itri et Pico-Lenola. Le 22, son journal de marche dit très simplement: « Les 3ème et 4ème Compagnies s'emparent de Lenola ». Ce qu'il ne dit pas, c'est qu'elles y capturent 265 prisonniers dont 9 officiers, après une manœuvre qui' arracha des cris d'admiration aux cavaliers blindés, ses témoins. Il faut entEmdre le respect avec lequel ceux-ci parlent du « petit 'barbu », le capitaine Vanuxem, qui mena le jeu. Même simplicité dans l'exposé des faits du 23: « Le Bataillon est regroupé à Lenola et va prendre position i"t. 5 km. au Sud de VaIIecorsa », et du 24: « Lè Bataillon arrivé ~. proximité de VaIIecOtl''la, la 2ème Compagnie est refoulée 'au village tenu par l'ennemi après avoir fait prisonniers 1 lieutenant Commandant de Compagnie et 10 hommes ». Mais, le 25: « Le Bataillon attaque le village deVallE-<lorsa à.. 5 h. 20. Les objectifs sont atteints à 7 h. 30 ». Un pareil compte rendu est presque inexact . par sa sobriété même. II ne donne pas, en tous cas, la physionomie des combats. L'ennemi existe, il se défend, il contre-attaque. Les villages sont armés, et l'on y lutte, par moments, maison par maison. La route est jonchée de matériel, dépôts (2) Voir page t51 ci-apl'ès le récit détaillé.de cette opération. 1 - ------de munitions, voire même canons partiellement démolis, abandonnés. Chaque phase est marquée par un combat, qui vaut une relation à part (3). Le 25, après avoir repris sa progression avec l'appui de chars en direction de Cast,ro dei VoIci, le I12ème R.T M. est stoppé par un violent tir d'artillerie. Il n'en porte pas moins ses élémentsavancés à hauteur du carrefour Sud-Ouest de cette localité, dont la conservation va jouer un tel rôle. VIII. - LA DEFENSE nu CARREFOUR CLEF. Le 26, en effet, artillerie et mortiers ennemis s'acharnent sur la 1ère Compagnie, qui garde ce carrefour, lui bant ou blessant plus de 40 hommes dans la journée, incendiant un de ses chars d'appui. Le Lieutenant Bayon, qui la commande, demande s'il peut la replier de quelques centaines de mètres, la retirer du nid à obus. Non, il faut qu'elle tienne. Il tiendra. Guettant et patrouillant, réconfortant ses hommes. il se cramp.onne, cependant qJe le groupement blindé Louchet, puis les motorisés de la Division, défilent toute la nuit à 300 mètres du Boche, par la piste et la route d'Amaseno. Au petit, jour, l'Allemand, soutenu par son artjJlerie et des armes automatiques en protection de ses flancs sur les pentes du Lupino, attaque cette poignée de gens épuisés. Il est refoulé, et le monotone défilé des véhicelles continue. Mais il va faire clair, il faut se donner du champ. Et Bayon lance de nouveJles patrouilles, en direction du eol et de Castro dei VoIci. Elles sont bloquées ou dispersées par les feuxi des mitrailleuses. On recommence, cette fois avec des chars. Le Commandant du détachement blindé prescrit de disposer des tirailleurs couchés sur les superstructures des chars, 3 SJr chacun des 3 engins qu'il enVoie. Bayon s'élève contre cette manœuvre, qu'il juge dangereuse et vaine. C'est un ordre. Soit: il ira donc lui-même; et il assistera, impuissant, au massacre de ses tirailleurs (sur 9 hommes, 2 tués, 4 blessés) par les mitrailleuses qui laissent passer les chars et n'ouvrent le feu qu'à leur ret.oelr, bien abritées qu'elles sont dans leurs casemates. C'est miracle s'il échappe à ce tir trop ajusté, ce qui lui permet d'abriter les blessés dans un fossé de la route et de les brancarder en personne avec ses deux tirailleurs valides jusque dans nos lignes. L'ennemI est mordant, certes; mais, il faut en finir. Chars et tank-destroyers sout envoyés pour tirer à vue directe sur les armes <lont on a pu, au moins appr.oximativement, repérer les elJlplacements. Dans l'après-midi, une section de la 3ème Compagnie, en 2ème échelon, mana:uvrant par les hauts, va fouiller les pentes du Lupmo et y t~ouve <les cadayres ennemis et des casemates tout recem'ment abl,ndonnées farcies encore d'armes et de matériel. L'Allema~d a cédé. Les efforts d,u I12ème R.T.M., muins spedaculaires que les jour,s précédents ont néanmoins permis la manœuvre d~ la Division, qui accroche de nouveau l'enr~emi à, 2~ km. de là S'JI' deu)è nouveaux axes routlers, celU\ deProssedi et celui de Carpineto. IX. NOUVELLE ROUTIER. , MANŒUVRE SUR AXE Le groupement blindé Lou.chet, s'est porté, ,lui, .3. l'extrême gauche. Cette fOll~, c e~t le II/~eme ~.T.M. qu'il emmènera comme 'bat~Illo.n .porte, e!. ' Ce' BataJUàn'Grimal'sera -l'âme' de "la manœuvre, ~ --- - 149sur Carpineto et Montelanioo, comme le Bataillon Diebold l'avait été sur Lenola et ValleQOrsa. Les Allemands crochent dur, ils sont en nombre. Une cart~ prise sur ~n .officier .indiquera qu'ils avaient en lIgne 3 bataIllons, sur plusi€'urs posTiions succeSSlVes. Cette fois, ils tenaient les sommets. Il a fallu manœuvrer, cogner, tourner, avec un fond de tableau immense et des effectifs réduits. ,Sil Carpineto a été enlevé facilement,' en rev(tnche les couverts de la sortie ;Nord ont offert à ,l'ennemi un te.rr(tin des plus favorables pour la <lefense et c est a 1.200 m. du village que nos fira~lleurs se sont heurtés à un premier et très solIde bouchon. Avant-garde, chars, tanks-destroye~s, ont, eté bl?qués net sous le feu d'un adversaI~e c?nace qUI a tenté de détruire sur place no" blmdes. La Compagnie Ven Œème <lu II/2ème R.T.M.!, qui faisait le lahm sur les pentes Est du' PerentIle, s'apercçvant des infiltrati.ons ennemies ve:s I,10~ char.s, et surp~enant ,un artilleur boche casque ct un mICro en tr~m de regler des tirs. saute à la gorge de J'adversaIre, l'oblige à lui faire face et le pren<l, s,ous les tirs de sa base de feux. Puis, par Ulle sene de petits débordements successifs er: ,festons tout au long de la rOJte, elle force là reslstance ,alle!1l.ande à lâcher pied, lui .occasionnant de tres seneuses pertes constatées par la suite par nos blindés. . :Pa;allèl,ement, la. 7ème Compagnie et la SettIon <l.Eclalreurs Sk~eurs du Bataillon enfilaient re~pectIve1?ent les crètes plus à l'Ouest, cette derm~re ~ttelgnant et enlevant le piton même du PerentIle (1.021) contre un ennemi très supérieur en nombre, qu'elle refoule en occJpant la croupe 880 (4). ~ ~ km. 50.0 dans I:Est, la 5ème Compagnie (CapItame Leyzm) sautaIt en mêmE; temps sur le Cat~Uo, dont, les pe.ntes Sud étaient fortement occupe~s par 1ennemI, et consommait la manœuvre de debordement <lu bouchon de la vallée ~l est déjà 17 h. Les élements blindés' vont ten~er ne r~prendre la, pro~~ession sur la route, mai.s Il le~r faut un SOu!len d mfanterie. Grimal engage la 8eme ~omI?agme (~outa), et la progreSsIOn repren<l ,1Jsqu ~ la b.z:eche de la, route, que nos sapeurs vont rerarer a la tombée de la nuit sous le f~u des mtraI!1euses ennemies, protégés par une sectIon de la 8eme Compagnie. . C~tte dernière nu~t de mai se passe à la réparatIOn des destructIOn~ ~ur la route et à la reprIse du contact. Au petIt Jour, la 5ème qui talonne le Boche, occupe la Vetica; tout le Bataillon reprend son n;t0elvemen,t vers Moutelanico, se heurtant progressIvement fi, .une posftion organisée à 1.800 m.au Sud de ce, VIllage, mais déjà' débordée p~r .la ?eme C.ompagme. qui atteint le Prunio ver., n;ldl. L ennemI reaglt vlgoUr~Usemcnt par ses tirs ct armes automatIqUeS, de mmes, j'artillerie et de c~~r~. Il, nous faut faire ~nte.z:vemr notre artillene, ~pr~s une courte, malS VIOlente préparation uos tlraII~eurs montent à l'attaque du village d' la ~rOlte a la gaJche, et parviennent au pied' dee m~Is~ns. 1;a s~ctIOn ~ecœur se bat dans les cou~ lOIrs, malS ler:nen;tI est trop cramponné, trop ~lOmb.z:eux, barn cade dans les maisons. Les T D mtervle~nent ,a;J canon, à vue, <lirecte, ce qui permet ft la 8eme Compagnie de reprendre sa progreSSIOn par la gauche, mais à tritvers de très so(3) Voir page 152 ci-après, le réci!'<létalllé tle 'cette opératIOn, l'crI! par le Capitaine DIEBOl,D et le Li,eutenant nrCHARD. " . . . ,_' iil (4), VOir page 153 ci;après, le récit détaillé de cette OIlé,' ratIOn, "tcrlt 'parle Commandant-GRIM'AL.' ' --.......-.l1J~; -.... 1.-50 -.. Iidë$J:6l't;ilanisatibns.: Lac nuit"tombe. Une·..fusée' rou" ge:' .SHetl'ee."Le hoche vient ..d'évacuer. ,A 22 h.,la 8ême 's,. pris :la' place de son adversaire et parvient iFla· sortie Nord. ,une' nouvelle nuit doit êtz;e consacrée:· àla réparation. des destructions. Le lende~ mâin m·Min, '2 juin,lemO'uvement en' avant re. prend; la8èmeCompagnie va oQcuper le piton du Trojano 'et la 6èmé atteint le village de Garignam; Le II/2èmeH.T.M. est alors relevé par les éléments 'm6torisés de la 3ème nI.A, qui, devant la route ilhfin libre, prennent la poursuite à leur compte, sur· des roulettes. nombrer .nLde, rarnasserii·enfin upe ,aVapCl\de70 km, Par son action dans la rnontagn~, il ·!J.con.,. tribué à ouvrir àIlos 'blindés la route de ,Rome, dont il a fait sauter le dernier bouchon. . ' ; Au passif, il pleure 742 pertes, dont 146décédés. Parmi èeûx-ci, les. Càpitaines Lenoble,BlI.. choud, Schneider, les Lieutenants Testu,'Prigent, Abderrahmane, Thami,les Chefs de Sect1.on Lot'enzi, Lafuente, Malicheco, Lartigue; Riflet, Sérrès, la plupart tués par balles ou ayant sautés sur des mines, c',est-à.ctire en tête de leurs hommes. Qu'ils dorment en. paix. Leur'sacrifice n'aura pas été vain. Leûr exemple sera suivi, leur mémoire nous reste chèr,e. . Dans le souverùr comme dans l'action, le2ème R.T.M. reste fidèle à sa devise: « FAIS CE QUE TU· FAIS ». P. C., le 7 juin 1944. Le Colonel BUOT de l'EPINE, Commandant le 2ème R.T.M. CONCL,USION Cette premiére phase est terminée; le Régiinent a, à son actif, plusieurs sommets conquis, 5 villages enlevés dont 4 de haute lutte, plusieurs cen· taines de cadavres ennemis, 720 prisonniers, du matériel de guerre qu'il n'a eu le temps ni de dé- o R.lQ.~~ . ) ~.' , z 151 _ . . DEUXIEME PARTIE QUELQUES OPÉRATIONS LOCALES BIEN MENÉES 1. - VENLF:VEMENT DE LA COTE 466 :rAR LA 2~me KT.M. (21 MAI Hème COMPAGNIE nu 1944). 1 1 1 1 Le 20 mai' 1944, après neuf jours d'attaque et d'avance ininterr,ompues le 3ème Bataillon du 2ème RT.M., atteint les hauteurs de Monticelli et d'Onofro, déjà tenues par les supplétifs du. lIème Tabor. Il passe une journée calme, troublee. seulement par quelques tirs d'artillerie ennemIe. A la tombée de ]30 nuit, les Compagnies I;elèvent les Goums en vue de partir le lendemain matin dè bonne heure à l'attaque du Pastenesse, massif dominant la route d'Itri à Pico, ft l'aplomb de SOn carrefour avec le chemin de Pastena. La lIème Compagnie, commandée par le Capitaine Collinet, est À, la gauche du dispositif, e~ lIaison, il l'Est avec des éléments du 1er RT.M., a l'Ouest avec la 10ème du Capitaine .Jezeq'.lel. Elle reçoit au départ son objectif: la cote. 466. Su: la ,carte un point anonyme, sur le terram url{ pIton boisé, régulièrement conique, Que rien ne distingu~ de ceux qui l'entourent dans ce pays mouvemente où les pitons succèdent a'.lX pitons à perte de vu~, séparés par des coupures importantes, aux fourres touffus. Encouragée par la progression relativement facile des derniers jours, mis en confiance par les renseignements optimistes des goumiers, la .~om­ pagnie s'apprète, loin de se douter que. 466 deSlgl:1:e le haut lieu où se manifestera l'admIrable espnt combatif qui l'anime, où ,elle au~a à. accept~r le sacrifice total a'Jquel elle s'est preparee depUIs de longs mois. .. l' . Les sections occupent un sommet bOIse, re le par une vallée assez profonde à une hauteur couronnée par une maison q!!i ma~qu.e 466. . Vers 6 h. du matin, le CapItame <?ollmet ,envoie une patrouille lointaine, c.ommandee I?ar 1 As~ pirant Brochon, pour reconnaître le terram et, SI Possible faire des prisonniers. . . Les' deux groupes réd'Jits, dévalent du PIt?n sans incidents. En remontant la pente . opp,os~e ils rencontrent deux boches apeures,. qu'Ils cueIllent sans difficulté. Mis en garde pll:r cette re.ncontre, Ils cement discrètement la mll:lson, se gl~s. sent jusqu'à elle, avec mille precautIOns, bondI,)sent en tirant quelques rafales ~e F. M. Un ~o~s~ .officier et sept allemands, surprIS par la raPld~~~ de l'action, sortent effarés, en levapt l~s bra~, ~e~ ont été abandonnés par la Compagme,. mam nant repliée, et prétendent n'avoir pu faIre autre~ lllent que <:le se rendre. La pa.troUIlle r.egag~e 1 P. Cc de la Compagnie, satisfaIte des dIX pnso~­ niers et de la mitrailleuse lourde avec ses mumtions qu'elle ramène. Dès son retour, le Capitaine décide de faire mouvement en direction de l'objectif. A h . lit heures, la Compagnie s'ébranle, elle atteint la maison sans difficulté, la dépass~. A droite et à gauche s'enfonc-ent des vastes ravins; la 10ème Compagnie, que l'on voyait au départ, n'apparaît plus mais 466 se découvre au delà d'un autre thalweg, également important et très couvert auquel con,duit une succession de terrasses boisées descendant en pente dO'Jce. Chacun déjà sent le but à portée de la main. Tout est pour le mieux. Après un temps d'arrêt, regroupement, reprise de direction, le Capitaine donne à nouveau l'ordre de départ. Mais, vers la droite, très près, des coups de feu retentissent, venant du ravin, il en faut plus pour stopper la llème Compagnie. On continue à avancer, l'œil éveillé. Aux prochaines rafales, les tireurs ennemis sont repérés. Le gW.lpe d'extrême-droite enlevé Ipar le Sergent Mohamect ben Moha, un intrépide gaillard barbu, fonce sur trOis tireurs boches auxquels la rapidité de la riposte ne laisse pas le temps de se ressaisir, et les abat à bout portant sur leur pièce. L'un d'eux, atrocement blessé à la face, s'écroule en poussant un hurlement; il a le réflexe, avant d'expirer, de sor. tir '.lne glace .de sa poche pour regarder sa machoire emportée. Presqu'aussitôt, les mitrailleuses allemandes se mettent à crépiter, elles sont à 40 m. environ des éléments de tête sur la droite. Le Sergent-Chef Kotzinski, Chef de la 3èmelSectlon, et quatre tiraille.lrs tombent mortellement frappés Sous la protection des mitrailleuses et des mortiers de 60 mm., dans un échange violent de grenades à main et à fusil, chacun tente de se porter en avant. Rien à faire, il faut momentanément s'arrêter, s'enterrer. Mais le Capitaine Collinet n'est pas hommè à abandonner la partie. Il essaye de faire déborder la résistance sur la gauche par la Section Brochon. La tentative échoue: bloqués par un violent tir d'artillerie, l'Aspirant, le Sergent Zindy, 6 tirailleurs, sont grièvement blessés, un autre tué. Le Sergent Exposito, toutefois, parvient à. amener son groupe à une centaine de mètres à gauche du gros de la c.ompagnie, jusq'.l'à une maison, d'ml il a d'excellentes vues sur 466. De là, il tirera toute la journée, comme des lapins, les boches qui descendent, de la hauteur, pour aller à l'attaque de nos terrasses. Par la droite, maintenant, c'est au tour de la 2ème Section de bondir (le Sergent-Chef Perrin a remplacé le Sergent-ChefKotzinskil. Magnifiques d'enthousiasme et de bravoure, les tirailleurs dévalent les terrasses. Follement excités, tO'~IS veulent monter fl, l'assaut; un marocain pourvoyeur de mortier, abandonne, sans rien dire, - 152- son gilet à munitions à côté de sa pièce pour foncer avec les v,oltigeurs. Ils parviennent jusqu'au fond du ravin, mais sont à nouveau stoppés. D~ part et d'autre, les liaisons avec les voisins sont depuis longtemps perdues. Le 536, qui relie le Capitaine avec le Commandant de Susbielle, Chef dlu 3ème Bataillon, ne fonctionne plus. Les tirs d'artillerie ennemie s'abattent de plus en plus nombreux, alors qu'il est imp.ossible d.e demander une riposte amie. La situation est grave. Pourtant, personne ne songe à s'inquiéter, il y a bien trop à faire à guetter les mouvements du boche, à parer à ses tentatives d'infiltration, à riposter par d'autres tentatives encore plus hardies sanctionnées par des rafales de mitrailleuse 0.1 des c.oups de mains, pour penser à .se décourager. Il faut rester tendu dans la volonté de vaincre et la l1ème s'y entend. Vers 18 heures, la gauche du Secteur, qui avait été, jusqu'à ce momentlà, plus calme, s'agite. On a l'impression que l'ennemi tente une manoeuvre d'encerclement. Le groupe Exposito est obligé d'abanrlonner sa maison pour rejoindre le reste de la Compagnie. Mais, à ce moment, des rafales nombreuses et p}.1S lointaines détournent l'attention de tous. L'oeil exercé des Marocains n'a pas été long à reconnaître les « Sahab 10ème» qui montent 8. l'attaque. De l'un à l'autre, la bonne nouveTle se répand, soulevant instantanément un renouveau d'enthousiasme. De toute la force de leurs mitrailleuses, de le'.1rs mortiers, les gars de la l1ème appuient la progression de leurs camarades. Vengeance suprême, le Caporal-Chef Rapp retourne contre les résistances, une mitrailleuse allema.nde restée sur place le matin, à côté des cadavres de s'es servants légit'imes... L'attaque de la 10ème a dû réussir, les tirs d'armes automatiques ont peu à peu dimill'Jer d'intensité, ont peu après cessé. Vers 19 heures 15, le Chef Perrin peut amener une patrouille fouiller deux maisons situées dans le fond du ravin, et non vues des positions de la Compagnie. Il en revient rapidement, ramenant des blessés de la 2ème Section parvenus jusque là, et n'ayant tro'.1vé Que des civils et des cadavres allemands. Hélas, le Capitaine n'a pas le temps de so réjouir de cette heureuse nouvelle, une rafale d'artillerie, la dernière qui s'abat sur la Compag'nie, lui fr;acasse l'épaule. Le Lieutenant Chebll et plusieurs tirailleurs sont blessés. Quoique sérieusement touché et ayant perdu beauc.oup de sang, le Capitaine Collinet trouve la force de donner ses derniers ordres, et s'en va en criant « La llème Compagnie restera toujours la l1ème Compagnie ». Peu après, l'objectif est atteint sans autres incidents.. Au passage, gradès et tiraillew's peuvent voir sur le terrain le résultat de ieurs prouesses. Les cadavres allemands jonchent le, sol; un boche, frappé d'une balle au front, renversé sur le dos au pîed d'un arbre, un autre à plat ventre, fauché dans sa course, un troisième effondré SO'JS sa mitrailleuse, bien d'autres.... ....Spectacle impressionnant: faee à face, à un mètre l'un de l'autre, deux cadavres, l'un allemand. l'autre français, morts après une lutte corps à corps, prouvent l'ardeur et la passion des deux adversaires en présence. LES GLORIEUX MORT18J DE LA l1ème COMPAGNIE SONT BIEN VENGES : LEUR SACRIFICE N' AURA PAS ETE INUTILE. 2. - PRISE DE LENOLA PAR LE 1er BATAILLON (22 'MAI 1944). Aussitôt après l'occ1Jpation du carrefour des routes Itri-Pico et Itri-Lenola par la 2ème Compagnie, le 22 mai, à 05 h. 30, des éléments de reconnaissance du 4ème R.S.M. ont été poussés en direction : de PICO; de LENOLA. La reconnaissance vers ;Pico est arrêtée par les destructions réalisées par l'ennemi sur la route. Au contraire, la reconnaissance en direction de Lenola, forte d'environ Un peloton' de Sherman américains, un peloton de T.D., un peloton de reconnaissance et un peloton de chars légers du 4ème R.S.M., arrive jusqu'à 800 m. environ du village S'JI' la route appuyée au flanc Ouest de la Vallée. Le village, perché, dans un col à l'Est de la bifurcation des routes de Vallecorsa et Fondi, se présente en trois éléments: le noyau, aux maisons serrées et étagées sur la pente, se trouv·e à l'Est masqué très longtemps aux arrivants par un mouvement de terrain situé fi, l'Est de la valiée. La partie centrale, dominée par le Sanctuaire de Lenola, n'~st. faite que de la rue principale du villa· ge. La partie galJche Ouest, enfin, n'.offre que quelques maisons dispersées, sur la pente, au-dessous d'une chapelle: celle-ci coiffe une croupe ronde qu'un col coupé de murettes et de pins parasols rattache au sommet dU sanctuaire. Au pied de cette croupe, la raJte bifurque: Lenola-Vallecorsa d'un côté, F.ondi de l'autre. Les éléments blindés ayant été accueillis à 800 m. du village par quelques coups de canon-antt-chars (un médium incendié), le Commamlant Dodelier demande l'envoi d'une Unité d'Infanterie. La 4ème Compagnie (Capitaine Pollin) embarque à 12 h. et débarque sans incident. Presqu'aussitôt s.oumise à '.ln bombardement violent (canons-automoteurs vraisemblablement), elle peut cependant gagner une. base de départ à la hauteur des blindés de tête. . L'idée de' manoeuvre du Commandant de Çompagnie est la suivante: éviter d'aborder le noyau du village et pénétrer à L,enola par le carrefour des routes Lenola-Fondi, la Chapelle OJest du village, puis le sanctuaire. Les positions de pièces anE-chars déjà reconnues, seraient tournées du même coup. Sous la protection d'une base de feu installée sur les pentes Est de la vallée (mitrailleuses et mortiers) et du tir des T.D. et chars légers, les = Q p. ..3&& + 1 1 1tz ~" n -z...7:--_ _- . I1· ~ïttr__ 24 .i Sections de Voltigeurs atteignent à peu près sans perte, par dcs itinéraires défilés (fossés, murettes, haies). la Chapelle Oclest de Lenola où liaison est prise avec les éléments clu 6ème RT.M.. Débordés. les Allemands se rendent en grand nombre: 146 prisonniers sont faits et les 4 pièces antichars ayant arrêté les éléments blindés tombent entre nos mains: deux 47 italiens, dont un détruit, deux 75 P.A.K., dont un mis hors d'usage par un coup au but des T.D. Durant la progression, se sont révélées diverses résistance:; de la partie médiane du village et, surtout, dans les mais.ons et terrasses au voisinage immédiat dcl sanctuaire. Le débouché de la 4ème Compagnie de la Chapelle vers le Sanctuaire est rendu impossible par des tirs ajustés d'armes automatiques ou de fusils partant du monastère transforme en ouvrage fortifié. Malgré les murettes et terrasses, aucune progression n'est permise. Le Lieutenant Bartoli, blessé d'une oalle à l'épaule, installe lapidement sa section à !.'abri de ces tirs meclrtners, gagne le poste de secom"s, rend compte de la situation au Commandant Dodelier, se fait soigner et revient vérifier, sous le feu, le travail de ses groupes Dès le début de l'opération, sentant l'importance des effectifs engagés par l'ennemi et sa volonte de résistance, le Commandant Dodelier avait fait appel à une nouvelle unité du I/2ème RT.M. (3ème Compagnie) qui, embarquee en camio]1s près de la Ferme Saint-Nicolas, arrive vers 16 h. 30 en vue de Lenola. Rapidement mis au. courant de la situation le Capitaine Vanuxem, Commandant l'Unité, dé~ide de gagner par la va)lée, en profitant des nombreuses murettes et terrasses plantées d'arbres, la partie médiane du village. De là, après une préparati.on violente de T.D. et de chars, déclanchée par fusée, l'assaut sera donné au Sanctuaire. , La base cle départ de l'attaque (maisons bordant la route principale) est .atteinte sans perte.; et, à 19 heures environ, après un tir remarquable de densité et de précision des éléments blindés, sous la protection des feux de la 4ème Compagnie, la 3ème d'un élan magnifique, enlève, à la grenade, les rési~tances extérieures au Sanctuaire. Malgré le tir de soldats allemands postés au 1er étage, Chapelle et Couvent sont atteints aussitôt et la garnison ennemie se rend: 100 sous-officiers ou hommes de troupe et 6 off,iciers dont un Commandant. Le bilan des opérations est finalement le selivant· 256 sous-officiers et hommes de troupe, 9 offici~rs sont faits prisonniers. Le 2ème Batail~on du 267ème I.R disparaît pratiquement en entIer. Nos pertes sont relativement faibles: Tués Officiers . . Sous-officiers Français Sous-offi.ciers Marocains . Hommes de troupe Français Hommes de troupe Marocains Blessés 1 2 1 1 3 7 16 9 22 153 OfficIers, Gradés et Hommes du Détachement blindé ne cachent pas leur profonde admiration pour les fantassins et, en particulier « le petit barbu}) '(Capitaine Vanuxem) qui a enlevé l'unité d'assaut. Et les I<'rançais connaissent un avant-goût des JOies qui les attendent en France, les Religieuses appartiennent à un ordre français. Des « mots français}) célèbrent la gLoire de nos armes et des cantiques en notre langue accompagnent le lendemain la messe, célébrée au Sanctuaire, à la mémoire de nos morts. Le Capitaine Diebold, Commandant le I/2ème R.T.M. Le Lieutenant Richard, Officier. 3. -- OPERATION MENEE PAR LA SECTION D'ECLAIREfTRS-SKIEURS nu 2'ème BATAILLON DU 2ème R. T.M. LES 30 ET 31 MAI 1944. La S.E.S., aguerrie par de nombreuses patrouil. les exécutées a'el cours des deux précédents séjours du 2ème Bataillon en ligne devant Terelle et dans la tête de pont du Garigliano, se présentait, le 11 mai, jour de l'attaque, comme une unité légère, souple, manœuvrière et surtout rapide. La première opération offensive fut un succès complet. Le 15 mai, partie de la vallée d'Ausonia, elle sautait rl~eln bond sur la crète 1.038, clé du massif du Famera, surprenant totalement l'ennemi et lui faisant 80 prisonniers dont le Chef de Bataillon, Commanrlant la défense du massif. Elle n'en est donc pas à Scon coup d'essai. Les hommes sont presque tous des montagnards et ceux qui ne le sont pas ont appris, par un entraînement sérieux, à connaître la montagne. Le Chef de la S.E.S., l'Aspirant Establie, à 23 ans. Il est robuste et sportif, calme et réfléchi. 3pn c.ommalldement ferme, sa bravO'elre au feu l'ont fait apprécier de tous et ses hommes ont toute confiance en lui. Le 30 mai 1944, la S.E.S. du 2ème Bataillon reçoit la mission de flanc-garder le Bataillon sur sa gauche pendant. qu'il progresse dans la vallée de Carpineto-Montelanico en tête du Gr,oupement blindé que commande le Général Louchet. Elle doit dans le courant de la nuit du 30 au 31 mai. avance; par les sommets d'Acqua Mezzevalle, Fianco deI Crocl, Matreagne et Valle Cuglia, de façon à occuper au jour le Monte Perentile qui, à 1.021 mètres, domine la vallée à droite, et offre des vues Sur le panorama s'étendant vers l'Ouest. De ce côté, aucune liaison( les troupes Américaines ont été dépassées et les Goums ne sont pas encore signalés. Vers l'Est de la vallée, la liaison existe par radio avec la 7ème Compagnie qui doit progresser Sur les pentes du mouvement de terrain. ,. ~, 1 :i ;~l! .' : L'ennemi a décroché, vers 15 heures, du col don. nant accès Selr la vallée après avoIr fait sauter un pont. On ne sait où il est, mais, en tout état de cause, les précausions d'usage doivent être prises. La montée est lente et pénible dans l'obscurité sous l'ombre epaissie des bois de châtaigners. Au 1 L 'l " ~-=-=---~~=--=-- - - -~- ~. --,=- ...=._-- - - ;:--.:: ~------~~~ --- -:;..~-:.~.- - ~.-".""'-'----- bout de trois heures de marche, les voltigeurs de tête, tous fins limiers et habiles chercheurs de piste, tombent sur un abri abandonné où gisent des grenades allemandes et une boîte de conserve fraîchement ouverte. Cet in<1iee de la présence ennemie met la Section en éveil et la progression se fait pl1cls lente, silencieuse, attentive. Quelques minutes après, le soleil étant complètt:ment levé, la S.E.S. s'arrête un peu au Nord de Valle Cuglia, en un point d'où la vue s'étend sur l'objectif R, atteindre et ses avancées. Le Perentile apparait à gauche comme le piton terminal d'une ligne de hauteurs dénu<1ées. A droite, ILme ligne de crête boisée conduit au piton 951, plus proche. Les deux lignes distantes entre elles d'environ 300 m. sont séparées par un ravin peu pr.ofond parsemé de huttes et lui-même boisé. A peine arrêtés, les éclaireurs de pointe dont l'œil est exercé, signalent un groupe de travailleurs sur 951,un autre sur le Perentile où quelques hommes puisent de l'eau dans une citerne. Le Chef de Section examine attentivement à la jumelle et aperçoit deux hommes courant vers le groupe de travailleurs de 951 en faisant de grands gestes. Ceux-ci disparaissent dans les rochers. La boîte de conserve rencontrée était sans nul doute le « casse-croûte }) de deux gUr)tteurs placés là pour alerter l'ennemi. Qclelques secondes après, un homme se <lirige vers le Perentile d'où les travailleurs disparaissent. Des huttes, sortent de petits groupes qui se dirigent rapidement, les uns vers le Perentile, les aufres vers 951. Voilà donc l'ennemi sur ses gardes, l'occupation du point fixe ne se fera pas sans coup férir; chacun se prépare à combattre. La prise de 951, apparaissant comme indispensable pour que l'on pujsse occuper le Perentile et s'y maintenir, le groupe diJ Caporal-Chef Cevaer, renforcé par quelques hommes du groupe de Commandement reçoit la mission de déborder cette crête par l'Est, pendant que les 2 autres groupes s'apprêtent à intervenir, par leurs feux sur le ravin et les résistances qui se révèleront. L'Aspirant Establie part avec le groupe pour diriger la manœuvre. La progression du groJpe est stoppée à 6 h. 10, dès son arrivée sur la face Est de 951, par le tir des mitrailleuses lourdes· ennemies placées sur la crête du Rappatalla, invisibles jusqu'ici et distantes de 1.200 mètres, Les armes automatiques installées sur le Perentile ouvrent aussi le feu sur le groupe Ce~ vaer. Une avance plus poussée deviendrait mortellement <1angereuse et c'est bien dommage car les résistances allemandes sont presque à portée de grenades. Il faut attendre une circonstance plus favorable poùr bondir sur l'adversaire. Le Caporal-Chef Cevaer profite d'un c.ontre-temps pour prendre sous le tir de son FI.M. les armes qui se dévoilent sur le Perentile et commence 8, harceler au fusil l'intérieur des murettes Q'J'il surplomoe. Tout à coup, un voltigeur signale l'ariivée d'éléments ennemis dans le dos du groupe. C'est un parti ennemi que la 7ème Compagnîe a mis en fuite; il Se replle sur le Perentile et est surpris de trouver un obstacle inattendu sur son passage. Cependant, P a entendu les ri"ançais tirer, s'arrête et les prend sous son feJ. ...., ~ -~ - - - ~- - .:; ----.. -- -~ - , - -,-;.-- -~~ ....-.._---~_._-..;- --- --- -- - --- - - -- -------;;...~- -- - 154Le groupe Cevaer est obligé de se couvrir face à cette nouvelle direction et le voilà momentanément immobilisé. Cependant, l'Aspirant Establie réussit à se dégager en rampant et retrouve le reste de sa section. Il lance alors une nouvelle action pour déborder le Ferentile par ses pentes Ouest. Parti avec le groupe du Sergent Vaslon, il s'avance jusqu'au piton 1.010, avancée Sud-Est dcl IPerentile, d'où il tire sur les résistances de ce mont et sur celles de 951, Mais il est lui-même, à ce moment-là, pris sous le feu, à la fois d'armes ennemies installées sur le Rappatella, et d'armes venues se placer aux environs de la cote 1.014, c'est-à-dire derrière lui et le surplombant. La situation est alors grave, le Chef de Section ne pouvant plus bouger. Mais le sergent Serres,Socls-Officier adjoint qui est resté avec le 3ème groupe en base de feux prend alors une initiative hardie qui va changer la face du combat. De sa position, située entre 933 et 1.014, il réussit en passant par 933 et 1.024 fi, s'infiltrer avec le groupe du Caporal-Chef Rico jusqu'à une position d'où il domine lui-même toute la situation. Il ouvre le feu sur 1.014 et, dès lèS premières rafales, l'ennemi, ne se sentant plus en sécurité, dévale les pentes du Perentile pour se perdre dans le bois. Le Sergent Serres est blessé d'une balle à la jambe, mais il continue à combattre et prend aussitôt sous son feu les résistances de 951. Les Allemands cachés derrière les murettes à ciel ouvert comméncent à recevoir le tir précis des tireurs du groupe Rico qui, ajouté à celui du groupe Cevaer, lef. oblige bientôt à battre en retraite. Et l',on vit s'enfuir en courant à travers les rochers et les taillis une soixantaine d'ennemis. Le groupe Cevaer harcèle les fuyards et leur cause de grosses pertes. Il est environ 9 h. 30. Les résistances -de 951 étant réduites, les trois groupes reportent leurs f~ux sur le Perentile, le groupe naguère bloqué à 1.010 avance pour s'emparer du Perentile qui est occupé à, 10 h. 15. Les éléments ennemis qui fixèrent le groupe Cevaer par derrière s'étant également dissipés, le&E.S. devient libre de sès m,quvements et peut s'installer sur le Perentile et la cote 951 conquis de haute lutte. Dès maintenant, les pertes infligées à l'ennemi peuvent être considérées comme infiniment supérieures à celles de la S.E.S. qui n'a eu qu'un blessé. Sans perdre de temps, les trois groupes font face au Rappatella, à l'Ouest et à l'Est de/façon à pouvoir remplir la mission de protection qJi leur a été donnée et ils attaquent de nouveau par leurs feux les groupes ennemis qui sont encore en plein repli. L'Aspirant Establie envoie alors un agent de liaison à la 7ème Compagnie. . Vers 14 h. 30, une patrouil,le allemande de cinq hommes s'avance sur les pentes Nord de 951. Le guett~ur la laisse approcher jusqu'à 20 mètres de lui et la reçoit à coup de grenades. Les Allemands ripostent à la mitraillette. C'est alors que le Capo- L~_LZQLX1 l'al adjoint du groupe Cevaer, « Naceur. ben H~­ mou », légendaire pour sa bravoure ma~ntes f?IS prouvée, se précipite seul sur les ennemIS et vI<le sur eux un chargeur de mitraillette. Quatre Allemands tombent trois meurent, le quatrième est blessé, le cinquième se rend. Ce dernier, qui est un Polonais hâve et maigre, assure que le détachement dont il fait partie était chargé de tenir le Perentile et 951 et qu'il se composait d'environ 120 hommes. Ce combat, si heureusement terminé, est donc pour la S.E.S. un magnifique succès. Lè nettoyage des la suite, de ramasser tolets Mai~ser et des parmi lesquelles des abris allemands, p~rmet, p~r 2 mitrailleuses legeres, 5 pISmunitions en grand nomb~e cartouches de F.M. françaIS. 155 La prise du Perentile par la S.E.S. <lu 2ème Bataillon méritait d'être relatée. Elle illustre, en effet, parfaitement ce que peut faire une section commandée par un chef énergique, sachant combi.ner l'efficacité de ses feux et la rapidité de ses mouvements. Il faut aj.outer que la prise d~ Perentile libén le Chef de Bataillon de tout souci sur sa gauche et lui facilita la réussite de la manœuvre entrepri.se dans la vallée du Nord-Ouest du village de Carpineto. Le Chef de Bataillon GRIMAL, Commanctant le II/2ème RT.M. (Novembre 1948) __. L _, - 1... (Juillet 1944) ... ... Quelque part dans le Nord de l'Angleterre. l'aérodrome de T. ... Sur des hectares et des hectares de terrain herbeux de larges pistes se croisent et semblent ne jamais vouloir prendre fin. Curieux dessin. Au bord des pistes, vers l'extérieur, de larges boucles goudronnées, marquent l'emplacement des appareils. Combien y en a-t-il en ce soir de juillet, prêts à prendre leur essor, en groupe ou isolément vers les objectifs de l'Allemagne ou vers les minuscules terrains de parachutage de l'Europe de l'Ouest et de la Pologne. " est 20 heures, nous sommes là deux équipes : « Gavin» et « Guy». En tout six -hommes quatre Français, un Américain, un Anglais, tous officiers. Notre mission. Très simple. Aller dans un département dont personne n'a plus de nouvelles depuis mars. On croit savoir que la Résistance s'organise de nouveau mais l'action de la Gestapo a été tellement brutale en février que les nôtres, méfiants par expérience, ne donnent plus signe de vie. Les équipes sont prêtes, gonflées à bloc. Les préparatifs matériels ont été poussés avec une minutie pour laquelle il faut rendre hommage à nos amis britanniques. Les postes de radio ont été vérifiés deux jours avant, les documents sont soigneusements répartis, les armes sont chargées. Nos deux sous-lieutenants 'radiotélégraphistes, le capitaine anglais et le capitaine américain n'ont jamais vu le feu. 21 h. 30. - Tranquilles, nous attendons le signal du départ. Au même instant l'antenne de la B.B.C. passe le message déjà donné à 13 h. 30 et à 19 h. 30... Et maintenant voici quelques messages personnels. Réduisez vos postes, s'il y a ' lieu... « Le Hamac est le lit du matelot» « Le Hamac est le lit du matelot, » Je dis deux fois. 22 h. 00. - Un sergent américain nous invite à le suivre. Nos parachutes sont prêts. Aidés par des G.I., nous voilà harnachés au point de ne pouvoir nous déplacer qu'avec difficulté. En plus du poids et de l'encombrement représentés par le parachute, nous avons chacun environ quinze kilos sur le dos (armes, munitions, documents, vivres pour 48 heures, cigarettes pour ceux qui nous recevront... , etc ... ). 22 h. 45. - Nous nous remémorons les dernières instructions reçues. A partir d'à présent, il faudra presque toujours travailler sans rien écrire, la mémoire est mise à une rude épreuve... « Soyez prudents à l'atterrissage. Le terrain a déjà servi une fois. Peut-être est-il brûlé. Au sol, pliez vo.tre parachute et attendez sur place, prêts à vous défendre... En principe, vous devez trouver « Jacques », sil n'est pas là vous trouverez « Barbier» qui s'appelle également « Jean ». Présentez-vous comme de la part de « Jo ».. , Une fois en lieu sûr, recherchez vos liaisons. Vous aurez environ 120 kilomètres à faire pour vous rendre dans votre zone d'action. Le pays est surveillé par la Gestapo. Vous êtes sur les arrières de la 7 m • Armée allemande. La Fold-gendarmerie et les S.S. sont très actifs - Il 23 h. 00. Deux magnifiques Plymouth nous conduisent par ces larges pistes noires et luisantes qui font penser à des autostrades, vers notre avion ... C'est un quadrimoteur « Liberator ». " est là parmi tant d'autres, sagement au repos enfermé dans sa boucle, cercle noir tangent à la piste. 23 h. 15. - L'embarquement est terminé : une équipe par avion. Les deux appareils se suivront à dix minutes. 23 h. 00. - Les moteurs sont lancés. Tout I\appareil tremble et semble impatient. A travers le hublot nous faisons un dernier geste d'au-re- 4L~-= voir aux officiers du service qui nous ont accompa'Jnés depuj.;s Londres. L'équipagel s'installe. Avec nous, demeure un sergent qui sera chargé de faire les commandements au moment du saut. Ecouteurs aux orei Iles, il est en liaison avec le lieu'tenant-pilote, à même dé nous prévenir de tous les incidents. Notre mission pourra-t-elle s'effectuer ? .... . Serons-nous obligés de rentrer comme cette autre équipe que nous avons rencontrée tout à l'heure au Mess? Partie la veille, elle est revenue, deux fermes étaient en feu à proximité de sa zone de parachutage. Nous apprendrons d'ailleurs par la suite, qu'au deuxième voyage, deux des membres de l'équipe sur trois, seront gravement blessés parce qu'ayant été lachés à une trop basse altitude. Ce sont là les risques du métier, connus et acceptés. Il y a aussi autre chose qui nous étreint bien davantage ... Arriver en France, de cette manière, après quatre années d'absence. Arriver en uniforme dans une zone où l'ennemi est bien installé; zone que ses colonnes traversent jour et nuit pour aller vers la tête de pont. Précéder dans ces campagnes, l'Armée de la Libération. Apporter aux combattants les armes, aux populations l'espoir d'une délivrance que nous savons prochaine. Enfin combattre de nouveau, lutter, ruser, échapper aux filets de la Gestapo et autres milices. 23 h. 40. - Le vombrissement des moteurs du Liberator est assourdissant, il faut presque crier pour s'entendre. Nous nous tenons vers l'avant de l'appareil pour faciliter le départ. En plus de l'équipe, l'avion emporte sous les ailes dans les soutes à bombes, quinze containers, soit plus de deux tonnes d'armes, de munitions. d'explosifs, et une dizaine de paniers qui seront jetés derrière les hommes. - III - 23 h. 45. - L'appareil vire, s'engage sur la piste, nous allons à toute vitesse... « Off » dit le sergent, l'appareil a quitté la piste. La nuit arrive sur le terrain, nos montres sont à l'heure de l'Europe Centrale; en ce début de juillet dans ces pays aux confins de l'Angleterre et de l'Ecosse il fait clair très tard. Par ailleurs nous sommes au 17° jour de' la lune, auxiliaire précieux pour l'équipage. Un tour au-dessus du terrain, le Liberator prendde l'altitudeet le voil.à qui pique plein sud. Nous sommes au-dessus d'une mer de nuages. " n'y a pas un souffle de vent, Dieu soit loué, nous ne serons pas trainés par nos parachutes à l'arrivée au sol. eA-g. "~_:; 157 . 0 h. 45. - Nous abordons la Manche. TouJours pas de vent, le clair de lune est magnifique. Soudain des rafales, toutes les armes de bord tirent... « Ce n'est rien dit le sergent, rafales de vérification »... 1 h. 00. - La nuit est tombée, voilà qu'en approchant. de la France, les nuages s'épaississent, le clair de lune est moins brillant. Pas de c~ance p?~r ~'équipage..Mon camarade, le capitame amencam Willam Dreux, le sous-lieutenant radio, le ser.gent au casque de cui r fument ciga~ettes ~ur cigarettes. Assis à même le plancher, Je ref~ls. ~ar la .pensée tout le chemin qui m'a condUit ICI depUIS le mois d'août 1939. Les quelques journées d'offensive en septembre .1 ?3~. Les travaux de l'hiver sur la ligne de fort~flcatlons au sud de Maubeuge. Deux mois de sta~lon~em~nt au nord de Saint-Quentin. Le 10 mal. ~ entree en Belgique sous les acclamations. La nUit. du 1lImai entre Namur et Gembl oux. Le 12 . . , ma~ et es Jour~ suivants avec leur cortège de deceptlons, de fatigue, de misère ' cette Impres. . d' , sl~n ecrasement, ce tourbillon qui par Charleroi, Mons, Valencienne, Lille, nous jettera sur la p!age de Bray-Dunes pour protéger les opérations d embarquement. Le 4 juin pris au piège, sur le môle Est du ~ort e ~Iul nkerq~e. Plus de bateaux, les Boches 1 ans a VI e, plUSieurs dizaines de milliers d'hommes sur la plage. Le camp provisoire entre Rosendael, le canal de Bergues et la mer • La co1 • • onn; Intermmable filant à pied vers la Belgique et et puis... l'évasion ré ussle... . l' 1 Allemagne... . . occasIon qUI passe saisie au cheveux d 1 l'b ' , '" e nouveau alerte, 1 espoir et la résolution d battre. e comLes longues journées, les interminablec: '1- d~ marche, les cours d'eau aux ponts détr ~t nUI' s m Il t ' . , UI S es e ,e une penpeties d'une aventure qui c~mmencee aux environs de Bergues me co d 't ' 1 /' d d' n UJ a a.lgnQe e. emarcation en passant par Cambrai Samt- uentm, Maubeuge la Belgique (' .' ImpOSSI' bl e d e passer en Angleterre) de nouvea M u au beuge, Guise, Reims, Charlons-sur-Marne V't ' 1 ry Brie nne- 1e- ChAt a eau, A uxerre, Moulin-sur-Allier: l' Puis . deux ans de Maroc '" et d e nouveau befp~lr tr~nd. f?rme, il devient réalité. Les Die~ e s e a unlSle, au Sud-Ouest de Pont du F h L'h' a s. Iver avec ses pluies, pas de relève. Le printemps et l'offensive victorieuse qui nous amène au Djebel Zaghouan. Le défilé de la Victoire le 20 mai Gambetta à Tunis. ' avenue 1 ... Et maintenant me voilà enfermé dans ce '1 0 "' \ ;'j Uberator qui de toute la puissance de ses quatre moteurs fait, à quelques 400 kms-heure, route vers le terrain « Hamac ». 1 h. 45. - «Garçons, dit le sergent, le pilote me donne l'ordre d' ouvri r la trappe, nouS approchons de la zone de dropping ». Un courant d'air froid s'engouffre dans l'appareil. Nous nous disposons pour le saut assis au bord du trou béant. Le temps est de plus en plus couvert, le clair de lune si brillant au départ est ici très terne. Le pilote cherche le terrain. Qui di ra jamais avec assez de force le mérite de ces équipages dont le travai 1 consistait à trouver dans la nuit un terrain minuscule, un simple champ de chez nous, situé par mesure de sécurité à l'écart des agglomérations et des routes. Les aviateurs savent bien que les meilleurs points de repères sont les cours d'eau. Mais les lois de la géographie font que dans nos régions, cours d'eau, agglomérations et routes sont en étroite dépendance. 1/ fallait dans notre cas que pilote et navigateurs se contentent de minces rivières, de bois plus ou moins étendus et peu visibles la nuit. 2 h. 00. - L'avion perd de l'altitude, puis reprend son vol horizontal vers 700 pieds (220 mètres~. Le moment de sauter approche. Depuis 20 minutes, personne ne dit mot. Nous sommes parfaitement calmes, perdus dans nos pensées. Si .ce n'étaient nos armes que nous savons avoir chargées, il y a quelques heures, nous pourrions croire que nous allons faire un saut d'entraÎnement. Là-dessus, la voix du sergent nous ramène à la réalité... « Boys, le pilote vous souhaite bonne chance ». D'un signe de la main, nous esquissons un remerciement. La voix de William Dreux: « Félicitations au pilote, votre avion est assez confortable mais dites lui que nous aimerions mieux être à l'extérieur ». Brusquement arrivent les commandements : « Boys, préparez-vous ». « Numéro un, sautez » « Numéro deux, sautez » « Numéro trois, sautez ». " est exactement 2 heures 15. Chute dans le vide. Bourrasque due au déplacement d'air-créé par les hélices. Léger choc; quelqu'un vous tire par les épaules. A proximité l'!avion qui rapidement s'éloigne. Au sol trois lampes, torches de balisage qui s'éteignent aussitôt. Tout se passe comme pour un simple exercice. A deux cents mètres entre ciel et terre, on distingue très mal notre zone de chute. Il y a un 158léger vent. Le sol va rapidement arriver. Le voilà qui arrive à une vitesse qui me paraît vertigineuse. Des arbres me dépassent dans cette étrange course. Un choc très brutal, suivi d'une cabriole à vous démolir les vertèbres. Vite le parachute est débouclé. Je ne sens plus mes jambes. Prudemment j~ me relève et fais jouer mes articulations. Rien de cassé. Suivent les opérations apprises à l'entraîne" ment : pliage du parachute, vérification du matériel, puis l'arme à la main, à plat ventre, chacun attend à l'endroit où il est tombé. Pendant ce temps l'avion exécute un deuxième passage et largue les containers et les paniers. Au-dessus de ma tête je vois s'épanouir les pépins. Les lourds containers viennent s'écraser sur les haies et dans les vergers. 2 h. 30. -/ Toujours le silence. 2 h. 40. - Un vrombissement de moteurs. Le deuxième avion arrive. Je vois distinctement dans le champ voisin à environ 80 à 100 mètres s'allumer les torches de balisage. De nouveaux parachutes dans le ciel. Le vent a augmenté de vitesse, il va y avoir de la dispersion. - V2 h. 50. - A trente mètres une ombre fran- chit la haie. « Qui vive »... « Franc~ ». « Ah c'est vous, ... comme nous sommes contents, ... êtes-vous blessés... non, tant mieux quelle chance... Venez... Restez au pied de cette clôture... Ne vous inquiétez pas, nous allons ramasser le matériel. » 3 h. 00. - Nous voilà réunis. Le capitaine William Dreux se frotte les mains avec énergie. Né de père français, il exulte... et dit : «C'est curieux, (féprouver ce sentiment de force et de sécurité que me donne la réussite de notre parachutage. Vous allez penser que j'exagère, mais il y a quelques instants, lorsque j'ai pris contact avec le sol, je me suis dit : eh bien, maintenant que les boches se présentent, et s'ils viennent ave~ une section au complet, j'en fais mon affaire... » Bref colloque avec le chef du Comité de réception. Jacques est là, Barbier aussi. Le matériel s'entasse contre la haie. Des jeunes de 16 à 20 ans, mitraillettes en bandoulière, traînent containers et paniers. Leur chef direct est Eugène, jeune vétérinaire du canton. A envi ron 600 à 800 mètres de là on entend le bruit fait par une colonne en marche. Renseignements pris, c'est une formation de fantassins allemands qui gagnent la tête de pont. Sous la conduite de Jacques nous gagnons à un quart d'heure de marche un refuge, une maison sûre, selon l'expression consacrée. Barhier reste avec Eugène et les vingt jeunes gens. Avant que le jour ne se lève, tout le matériel est camouflé, les parachutes sont brûlés, les courroies et les boucles métalliques sont enfouies. Il ne reste absolument aucune trace. ... Une bonne soupe chaude nous attend clans une grange attenante au logement du facteur rural de la commune. 13 h. 30. - Jacques nous dit « Lorsque le ,message est passé pour la première fois, j'étais à 85 kilomètres d'ici. J'ai eu peur qUel Barbier ne soit pas au Rendez-Vous, aussi quelle course à perdre haleine, en évitant tous les grands itinéraires. Sur les routes, il n'y a plus que la Gestapo, les S.S et nous à bicyclette. Aussi, il faut se méfier jour et nuit. Les boches tirent sans faire de sommations. '" Vous êtes venus en uniforme, quel plaisir pour nous de voir une autre teinte que le vert, mais dès demain il faut que vous soyez en civil. La région est battue par la Gestapo d'une manière méthodique et implacable. A Rennes, il y a trois cent vingt bandits de la milice. Méfiez-vous il y a aussi d'innocents ramasseurs d'œufs, volailles et beurre soit disant venus de la région parisienne, qui sont des indicateurs. En conclusion, soyez toujours très prudents. Mais rassurez-vous, le travai 1 se fait tout de même. Encore une opération réussie. Voilà des mois que nous menons cette vie. Barbier a été condam- 159né à mort par contumace il y a quelques semaines. Marié, père de deux enfants, il n'a pas vu . les siens depuis deux ans. Sa femme a été obligée de divorcer pour donner le change aux boches et à la milice. » 6 h. 30. - Le poste radio est en batterie. Tout de suite un message. « Equipes Garin-Guy - Bien arrivées - Stop. Premières liaisons effectuées - Stop. Matériel perdu un panier - Stop. Poste radio équipe Guy hors d'usage _ Stop. Moral excelent - Fin . - VI - Pendant les jours qui suivront nous aurons l'occasion d'apprécier Jacques, Barbier, Eugène. et tous les autres dont les noms s'estompent aujourd'hui dans la mémoire et qui ont joué un rôle obscur, dangereux, mais dont l'utilité n'est plus à démontrer. Nous serons en liais0n aussi avec Tanguy, condamné six fois à mort par contumace, à qui lors de son dernier procès il était reproché d'avoir commis 74 attentats. Nos agents de liaison, jeunes gens et jeunes filles sillonneront le pays, parcourant allègrement à bicyclette 80, J 00 et jusququ'à J 50 kilomètres dans une journée, portant des ordres ou tout simplement de l'explosif « Plastic » dans une petite valise arrimée au porte-bagage. Que de dévouements, n'avons-nous connus et aussi malheureusement des pertes; ainsi. Eu~ gène sera assassiné huit jours après dans sa propre maison par la Gestapo... Mais tout ceci est une aùtre histoire comme disait Kippling, qui commencée sur le terrain Hamac se terminera le J 4 août avec la chute de Saint-Malo. Chef de Bataillon : J. Carbuccia. * ..... Le 4 ème ~ _. .... _. ~ . J o < _ ~-~~~-~--:.;----:-- R. T. M. a exploré les profondeurs du Fruighato L ES minarets de la Médina et en contrebas les étendues vertes et blanches dee la ville nouvelle et de la pépinière, n'apparai'ssent déjà plus qu'bu hasard d~s dienniers lacets de 10 route. Deux Dodge chargés d'un matériel hétéroclite emmènent nos vint.;Jt-trois volontaires, spéléologues d'occasion recrutés ,~ar le serge/nt Tousset ; le Fruighato. but de l'expédition, va connaître leur ci.l1quième assaut, tenté en force celui-là parce qu'on le veut décisif. Le gouffre d'ori!gline ka1rstique, si'gnalé par M. Casteret comme le plus profond d'Afrique du Nord, étend ses vastes carvités sous l'a'rête généreusement gonflée du Messaoud ; il n'aencorè .jamoils été entièrement exploré et hante depuis longtemps nos imaginations. Comme por miracle, toutes les facilités ont été obtenues du Régiment : matéri·el de trclnSmissions, fil et radio avec une boÎtel de télécommande, lampes torche:s et frontales, cord/ages, canot de fortune. véhiculles. Rivalité die zèle entre Service auto-tronsmi!ssions et magasin du matériel, pour assurer aux équipes de fond la plus grande sécurité ! Dès 8 heures du matin, nos hommes sont à pied d'œuvre. Le 284 en station prend le premier contact la~ec le P.c. Colonel de Taza' et conservera avec lui pendant toute la durée de l'expédition une liaison constante. Les vétérans 'se reconnaissent ô leur exubérance; les néophytes, plus silencieux, luttent contre' l'appréhension faite de tout l'inconnu que comporte pour eux cette première descente; chacun néanmoins s'affaire autour du matériel qui correspond à sa mission particulière. Moins d'une heure y suffit et déjà ('élément de pointe du sergent Tousset s'engaQie d<:ms la descente. L'entrée du Fruighato est vraiment impressionnante avec son vaste puit~ à ciel ouvert de l l 3 mètreS' de profondeu'r et dei 30 à 50 mètres de diamètre, écl:O'iré d'une, lumière diffuse qui ajoute encor.e à 110 sensation de mystère qui saisit dès l'abord. Cette première partié du trajet 's'effectue rapidement sans histoire, les équipes utilisant les barreaux jadis scellés à la paroi et qu.i pe.rmettaient alors d'aborder sans risques le' fond du puits. Aujourd'hui il fout savoir 'souvent glisser sans t'rOp appuyer le long: de cette ferraill,e branlante, parfois aussi, franchir <fun bond osé les dangereux vides de cette échelle démantelée. 1 Le pied' n'est pas toujours assuré de sa prise. Pourtant, napide et silencieuse, la pe,tite troupe, après Uin dernier saut de quelque 3 mètres, atteint 101 première halte de cette étrangerandonnée. D'abord fortement incliné, puis sous une pente plus douce, se présent,e l;/jne sorte de récE:iptacle de sable et de débris de' roches mêlés, produits cD'érosion qui, peu à peu, glissent-vers les profondeurs. Un étroit goulet long de 3 mètres à peine, penmettant tout juste à un homme de se, faufiler, mlarque la limite du, doma~ine de la lumière. Avec l'obscurité totale, le vrbj travail va commencer. Nous débouchons alors dans une première grotte qui dbit à l'imaginotion de notre chef d'avoir déjà été baptisée « Salle d'Ourson ». Escaladant une petite paroi ornée d'une vasque' aUlX caIOa'Ïr.es multicolores, nous pénétrons ensuite dans une seconde sa Ile aux vastes proportions ; sous le foisceou de' nos torches, eHe offre à nos regards érnerveillés les splendeurs moirées des orgues naturelles qui en tapissent les parois et qui évoquent celles de Qirandioses cathédrales. Nouvel O'rrêt pour permettre à l'équipe des transmissions qui ferme ta marche. de nous rejoindre et d'établir la première liaison aveè la surface. 1 Coupe velot/caLe du FRU1GHATO Salle d'oIlI:SOT/- Camp ole. nuit 'Planche. e.n bois· limite de la Liaison fil e.t: ,ood.o ~vec Echelle ; profondeur : Longuel}/O -:t tin : -j Cm 'Toza. 130",,-. = .300 ~. -Rui~se.lJ {Il"! d'! desuhte ,..,. - - -- - ~ --- -~ ~ --_::- - . -- -- -------_ - - ~ ~ - 162 Curieuse impression d'ailfeurG en ces pro· fondeurs obscures et sonores, de percevoir par le timbre métallique du combiné, la voix du P.e. qui s'inquiète. De là, les cordes aidant, nous tombons sans encombre vingt mètres plus bas dans une nouvelle grotte agrémentée de cirques calcaires. PU1is, avec la rencontre de l'elau, les difficultés comme'ncent. Une d)due~ bien qu'étroite et glissante, permet d'accéder à la zone dite des «Grands Lacs » pour laquelle le canot de fortune a été conçu. Un premier v0YtJge d'essai transborde son constructeur responsable et !s,eIS impédimenta; ensuite un va et vient s'établit. Mais au deuxième passage l'embarcation chavire, aussi chacun préfère-t-il le désagrément d'une traversée à gué aVec de l'eau jusqu'à la ceinture, aux aléas d'un bain complet. Notre canoé achE.'iminé jusqu'ici aux prix de tant d'efforts, aura- tout de même servi à transborder vivres et bl,:ldages. A l'extrémité d~s plans d'ecu, une étroite plate-forme semble' avoir été tout exprès placée par la nature' pour permettre uncdmpement. L'heure s'avancel, chacun se sent lesmembres rompuS'. C'est le moment. die monter' les tentes et de ronger ou repos indispensable à la poursuite des investi~ations. Déjà les cuistots s'affairent autour des deux réchauds à essenCe et très vite un solide repas, essentiellement composé de singtei et de sardines à l'huile der l'Intendance. permet (]U~ uns et aux autlres de récupérer bon nomibre de calories. Le temps de fumer une dernière pi pe', en dégustant le Caobe~ maison, puis chacun regagne son logis sur la toile duquel, gtoutte à goutte, un stolactite €I.Jrène la fuite du t~mps. Déjà huit heures i Personne ne s'en serait douté dans cette 'Jbscurité. Un jour plein s'est donc écoulé depuis qUie nOS spéléologues ont quitté la sUlrfàce. Le camp est laissé 'sur place et les hommes allégés d'autant, s'attaquent à la dernière étape qui va prob(.lblement offrir du vrai sport. Encore un boyau donnant accès à une nOUvelle grott,e coupée en deux par une crevasse, sorte de fjouffre de (, hons mètres d~ large. Une planche vermoulue. tient lieu de passerelle! RaI" quel miracle se trouve-t-elle là ? La doit-on à M. Casteret? En tous cos, SOn aspect peu engageant incitel à la prudence et s'est en cordée que ce pont de fortune est franchi. En dépit de se, éraquements inquiétants, il a tout de même tenu bon. D€,ux cents mètl'res encore dans un dédale de roches érodées, enduites d'iarldile glissante et au bout du compte une nouvelle cheminéeétro!te qui se présente d~ notre bord sous l'aspect d'une falai'se abrupte de 120 mètl"es. Un bruit sourd montant des profondeurs. obscures révèle le tor:rI€nt qui marqUera peut-être le terme de cette exploration. Peur descendre cet à pic coupé seu1lement, d'espace en espace, de trois petites corn iches, larges d'un mètr'e à peine, un regroupement des effectifs et des cordages s'impose. Depuisl le sommet. à ch\aque palier, 3 hommes seront laissés pour assurer la remontée. Dernière corniche:, dernier orrêt, les quatre équipiers de pointe soufflent. Repos de 5 minutes avant que notre chef, fe ser'gent Tousset, entreprenne seul la descente des 50 derniers mètries. Montagnard éprouvé d'origine savoyarde, fervent des explorations souterraines, animateur de l'expédition, il s'e,nfonce rapidement; bientôt la CO'r1de redevient lâche. Il est au but ! Dans l'eau jusqu'aux cuisses et cherchant l'issue du ruisse.au, il doit, hélas ! vite se convaincre que: ce dernier s'engc1de en siphon sous la roche et qu'il est maintenant labsolument impossible d'aller plus avant. Qu'importe, le terme est atteint, le Fruighato mystéri,eux lui a enfin livré son secret ! La. remontée commence, fertile en émotions inévitalbles qui restet'Ont à jamais g;ravées dans Iao mémoire de ceux qui les ont vécues. Enfin c'est la surnace. Vite, matériel et personnel s'entassent dans les Dodge. Les hommes ont l'aspect de blocs de boue rougeâtre. mois les yeux brillent et c'est un chœur unanime cette fois qui chante sa joie de r,evoir soleil et lumière et sa fierté di'avoir vaincu. Une descente est terminée:, elle a duré trente-trois heures. Sergent PRUD'HOMME du P.e. du 4° R.T.M. ..." ------.~ ~- -. ... - - - -'" li. Carnet ------- ~-;l lÇ)4S-1Ç)4Ç) Vl2(),"()TI()~ DU COURS DES AFFAIRES INDIGÈNES • 10) Ont été désignés pour suivre en 19481949 le Cours de Perfectionnement des Affaires Indigènes du Maroc (Note de service 1.401 DI/ IPO du 12 mai 1948) : Le Capitaine GRAFTI EAUX Pierre - du Secrétariat Général de Fès Le Lieutenant FOURN 1ER-FOCH Ferdinand - du Bureau de la Circonscriptiond'Ouaouizarte Le Lieutenant CARBONNEAUX LE PERDRIEL Alain - de l'Annexe d'Akka Le Lieutenant DUPONT Jean - du Bureau du Cercle de Rhafsai Le Capitaine VERHAEGHE Jean - du Bureau du Territoi re de Taza Le Lieutenant MAYMIL Jehan - de l'Annexe de Talsint Le Capitaine DUVERGER Henri - du 1"· Ta" bor Marocain Le lieutenant BALLONGUE Henri - de "Annexe de Mezguitem Le Capitaine VIRIOT Marcel -du 3 me Tabor Marocain Le Lieutenant LAVOIGNAT Gilbert - du Bureau du Cercle d'Erfoud Le Lieutenant GROSJEAN Maurice - du Se·crétariat Général d'Agadir Le Lieutenant LASSAIGNE Marie - du Bureau de la Circonscription de Zoumi Le Lieutenant GAILLARD Raymond " de l'Annexe de Tafrant Le Lieutenant DESCHARD Xavier - de l'Annexe de Rissani Le Lieutenant MIOT - du Bureau du Cercle ·de Tiznit Le Lieutenant BRONDEL Georges - de l'An" nexe d'Imilchil Le Lieutenant AUMONNIER Jean - du Bureau du Cercle de Rhafsai Le Lieutenant DUMAS René - du Bureau du Cercle d'Ouarzazate Le Lieutenant BŒUF Pierre - dù Secrétariat' Général de la Région de Casablanca Le Lieutenant de SIGAULT de CAZANOVE Amaury - de la Circonscription de Goulimine _ Poste d'El Aïoun du Draa Le Lieutenant NICLAUSSE Marcel - de l'Annexe de Tagounite Le Lieutenant SARTRE Robert ,- de l'Annexe d'Irherm (Poste des Ait Abdallah) Le Lieutenant FONT Joseph - du Bureau du Cercle d'Aknoul. Le lieutenant GUYOMAR Jacques - de l'Annexe d'Imilchil 2°) A été admis, à titre exceptionnel, à suivre cet enseignement en qualité d'auditeur libre (Décision du Secrétail'e d'Etat aux Forces Armées n° 13.756 du 26 octobre 1948) Le Lieutenant CHAMPION Ch ar 1es - du 1'" Tabor Marocain Le Chef de Bataillon CAVAIGNAC Gaude. froy, de l'Infanterie Coloniale. REVUE DE DÉFENSE NATIONALE ... Un an - 12 numéros - 700 francs Six mois - 6 numércs - 500 francs POLITIQUE ETRANGERE... ECONOMIE GENERALE... HISTOIRE DE LA GUERRE... CHRONIQUE MILITAIRE... ... D'OUTRE-MER ... DIPLOMATIQUE ,... ECONOMIQUE Cité Marignac - PARIS VI,o c.c.P. PARIS 51.637 Tout officier· doit la lire et l'étudier .... LA GRANDE REVUE MILITAIRE FRANÇAISE . ,--------c--- MARIAGES ~ ________..._.,__~ Le Lieutenant GOMBERT, de la Se Compagnie du 1er R.T.M.. fait port de Son mariage avec Mademoiselle Michelle THOUVENEL. Le Set'.Jent-Chef CASANOVA Hugues fait port de son mariage. avec Mademoiselle Meknès, le 11-9-48. FOURCADE Jeanne. i Le Liautenant DRISS HAMADI fait port de SOn mariage r.Jvec Mademoisel,le UNTERHALD Alice. le 26 juin 1948. . 1 Le. Sergent FRASSON fait port de Son mariage avec Mademoiselle' SEGUIN. Royon, le 18 décembre 1948. ---- Il -----------------_J NAISSANCES Le Serg.ent BUREL, de la 6 e Compagnie du 1el" R.T.M. fait port de la naissance de son fils Louis. Souk-el-Arba, le 22 novembre 1948. Le Lieutenant LAFONT, de la c.A. 1 du 8e R.T.M., fait port de la naissance de son fils Dominique. Meknès, le 26 octoblre 1948. Le Sous-Lieutenant FOURNIER, de la C.B.l du 8 e R.T.M. fait part de 10 naissanoe de son fils Michel. Alger, le 8 octobre 1948. ?u' Le Sergent-Mâjol'13AS<?UE~defé:JC.B.l' 8 e R.T.M. fait port de la n~issance de son fris Michel ' Mîdelt. I,e 23 octobre 1948. L.e Sail.Jient-Chef SOLER. du 1el"R.T.M. fait port dei la naissance de son fils Alain. Le Sergent-Chef DAI RE, du 1er R.T.M. fait port de la naissance de sa fille Marie-Fr,ance. Le' Lieutenant CHRETIEN, du 4Û" Goum fait port de la naissancel de son fils Jean. Agadir, le 26 septembre 1948. Le Sergent-Chef NEUFANG, du 40e Goum fait port die ~::J naissance de So fille Jocelyne. Agadir, le 4 octobre 1948. Le' Lieutenant DESCHARDS, du 6e R.T.M. fait port de la naissance de son fils Benoit. Kasba-Tadla. le 4 octobre 1948. Le Sergent-Chef LA PAHUN. de la C.A.l du 8 e R.T.M. fait port de la naissance die son fils Daniel. Meknès. le 7 septembre 1948. Le Sergent-Chef LAZAR.O, du 6 e R.T.M. fait port de la naissbnce de $0 fille Evelyne. Kasba-Tadla, le 27 octobre 1948. , ILe Sergent GLEYZE. dU! 6 e R.T.M. fait port de la naissance de sa fille Colette. Kasbo-Tadb. le 29 octobre 1948. Le Sergent T;1HIERIOT. de la C.A.l. du 8 e R.T.M., fuit port èfe la naissanc~ de son fris Ber- . nord. Midelt, le 27 octobre 1948. L'Adjudiant-Chèf GERMANODI, du 11 /4 R.T.M. ~ait po'rt de la naissance de 'sa fille MicheHne-Louise. Taza, le 28 septembre. 1948. Le Lieutenrélnt TI PH 1NE, du 1er R.T.M. fait Port de la naissan~.:.C!~'§QlJi fils... Le Sergent-Chef CANIONI, du 11/4e R.T.M. fait part de la naissance de sa. fille Anne-Marie. Toulon, le 18 octobre 1948. Q L'Adjudant BOURDEAU, du 1/4e R.T.M. fO'it part de la naissance de sa fille Jacqueline-Claudine. Taza, le 26 octobre 1948. Le Sergent-Chef BONNARD, du 1/4e R.T.M. fait p:lrt de la naissance de son fils Claude. Taza, le 13 octobre 1948. Le Sergent-Chef COUTIRE, du 4 e R.T.M. fait part de la naissance de-sa fille Danielle-Aline. Taza, le 3 novembne 1948. Le Sel~ent-Major BARRAU, du 48 e Goum fait port de la nai~ance' de son fils Denis-Charles. Agadir, le 9 octobre 1948. L'Adjudant et Madame PIVERT de l'Etablissement Général du Matériel dei Meknès sont heureux de foi re pa rt de la naissance de leur fi Ile Martine. Meknès, le 11 janvier 1949. L'Adjudant et Macbme GARCIA, de l'Etablissement Général du Matériel de Meknès, sont heurEux de faire part de la naissance de leur fils Jean-Gabriel. Meknès, le 21 janvier 1949. 168 Le Capitaine FAGOT fait part de la naissance de sa fille Christiane. Meknès, le 1" décembre 1948. L~ Capitaine LEVRAT fait part de la naissance de sa fille Martine. Meknès, le' 9 septembre 1948. Le Sergent GEROME [pit 'part de la naissance de sa fille Chantal. Meknès, le 3 janvier 1949. Le Se.rgent-Chef CHARPIOT fait part de la naissance de sa fille Geneviève. Meknès, le 10 avril 1948. L'Adjudant-Chef GOUTH fait part de la naissance de' son fils Yves. Agadir, le 26 avril' 1948. Le Sergent WISNEWSKI fait part de la naissance de sa fi Ile Geneviève. Meknès, le 27 'septembre 1948. .,, ji )' DÉCÈS L'Adjudant Bitgnon, du 2 e Bureau de l'E.M.T.M., a la douleur de flaire part du décès de ISO fillel Evelyne, survenue accidentellement te 25 novembre 1948, à RABAT. Le Lieutenant PICHON, du 11/4e R.T.M. a la douleur de faire pa!rt du décès de son père survenu à MEKNES le 6 octobre 1948. 1 ~ I'i f, ~ 1 " ,; .':'> ta . ...... ,.. ~ .. . -. , - --- _.~~~---- Bibliographie - . - ua - :sc~ __ .~ MESSAGE DES fORGES ARMÉES Au moment où l'Armée traverse une crise sans précédent, « Message » cherche à lui apporter le réconfort intellectuel et m01"01 dOnt elle a besoin. Se proposant d'être un lien des esprits, un facteur d'unité et de cohésion. « Message» offre à ses lecteurs des thèmes de réflexion qu'il a confrontés avec les réalités du moment. Organe libre, indéperndant de toute' attache, « Message» ouvre ses colonnes à tous sers lecteurs qui, par SOn intermédiaire, veulent diffuser le,urs idées personnelles sUlr les grandS' 'sujets mifitaires à l'ordre du JOUir. * *" Le numéro d'octobre 1948 inaugure une nouvelle série qui, tout en tenant compte très /l3rgement du climat actuel de l'Armée et marquant un nouveau prCl.Jrès vers la' qualité et l'intérêt, n'hésite 'pas à aborder les proiblèmeis les plus brûlants tels que celui de« La suppression, des Tr~u­ pes Coloniales» auquel la compagne d Indochine donne, un reJlief accusé. Dons ce même numéro, l'on peut citer encore l'artide « Au pied du mur» dans leq~el Robys traitant d'une façon pénétrante de la Defense de l'Armée, touche. à la question syndic~le ddnt l'idée semble avoir fait d'évidents progres. Dans « Armée et Communisme », J. Tournier donne une analyse très détaillée de cette question. Citons enfin « La Défense Nationale chez les grandes puissances étrallgè~eS' et e~ Fr;nce », étude trè.; objective d'un probleme plem cl actualité. Les rubriques habituelle=.. complèt~nt ce riche sommaire p/locé SlQUS le Signe de 1 Information, de la CUilture et de! l'Action. MESSAGE, 20, rue: Delambre. Paris (XIV") Abonnements : 6 m,>is 350 franc.; c.c.P. Paris 5.170-10 BULLETIN DE LIAISON DES ANCIENS MILITAIRES D'E CARRIERE DES ARMEES DE TERRE, DE 'MER :ET DE L'AIR. Paraissant régulièrement depuis plus de deux ans, le Bulletin de Liaison des Anciens Militaires de Carrière n'a cessé: - de resserrer l,es liens qui doivent unir ceux qui n'ont quitté l'Armée à leurs camarades continuant à servir sous l'uniforme; - d'apporter aux uns et aUx autres : - des renseignements indispensables sur les soldes, indemnités, mesures de dégalJement, pensions, emplois réservés avancement décoration'-'::J permissions, soins médicaux,entr'aide sociale, etc., etc... • • 1 l J - des exposés exactS' sur les différents secteurs de l'économie nationale, les professions' et les métiers. lespoissibil ités qu,'i Is sont susceptibes d'offrir aux anci·ens militaires, etc ... - des informations précises sur la législation du travail, le code de la famille, la. sécurité sociale, les loyers, les dommages de guerre, etc. - des renseignements précieux concernant l'orientation scolaire et la formation professionnell.e de leursenflants. Le Bulletin de Liaison est un organe indispensdble à tous CEUX qui, à tous les échelons détiennent un Commandement OUI assument un~ r,esponsabilité administrative. Il devrait figurer dans toutes les unités' tous les Etat~-Majors, tous. les Services, dans ;outes les cantines et salles de lecture, dans tous' les Mess et Cercles de l'Armée. BULLETIN DE LIAISON, 20, rue, Délambre ~ris (XIV") Abonnement : un an 12 numéros 350 franc.s c.c.P. Paris 1421-37 -!MM t-- he LA REVUE D'ETUDES MILITAIRES AERIENNES ET NAVALES. Etant donné le nombre des domaines auxquels emplrunte désormais l'art de la guerre, étant donnée la diversité des questions que leG chets de tous grades dbivent suivre pas. à pas, la R.E.M .. dans Sa forme nouvelle, p jU'Jé inutile de produire quelques articles· mensuels, gouttes d'eau dans l'Océan des connaissances indispensables. Elle a entrevu une tôche plus vaste et plus moderne : elle devient un « or;gane de documentation » et se propose de guider les officiers dans la recherche et l'exploitation des a,rtides intéressants parus dans les grands journaux et les grandes revues. La présentati,on matérielle, de la Revue permet de classer, donc de conserver, ces articles; chacun d'eux en effet -Rait l'objet d'une ana'lyse succinte inscrite sur une fiche qui porte un indicatif servant à son classement. Ainsi sont classés sans efforts les articles qu'il est ensuite aisé de retrouver. Cette revue intéresse au plus. haut point les officiers candidats à l'Ecole Supérieure de Guerre, à l'Ecole d'Etat-Major, à l'Ecole Supérieure de l' 1nte:ndance. Son prix est fixé à 32:0 frtancs l'an. REVUE D'ETUDES MILITAIRES AERIENNES ET NAVALES, 5, boulevard Beau~archais, Paris Place Bel-Air, Casablanca • LE MON'DE 'MILITAIRE , ,\ 1 l\ ft 444'. Hebdomadaire spéciolement destiné aux militaires d'active et de réserve, le Monde Militaire tient largement les promesses de ses premiers numéros. Ses informations administratives intéressent à plus d'Un titre toutes les catégories de militaires, ses articles sur toute l'lOctivité militaire en France et dans le monde, ses reportages, ses pages sportives, littéraires, de jeux et de distractions sont très heureusement rédigés et présentés; ils sont particulièrement appréciés. Le Monde Militair,e doit, sous l'impulsion du Général Chevance-Bertin, Directeur de « Climats », occuper une place de premier plan parmi les organes de la Presse Milita'irequi se sont dOnnés pour tâche la sauvegarde du Capital Spirituel de l'Armée. , Le Monde Militaire, 12, rue Sedillot, Paris (Vile). Le numéro : 15 fr.; six mois : 375 fr.; un an : 700 fr. f « F ._" .. R 172 REVUE DE LA DEFENtSE NATIONALE Cette grande revue militaire tl'1aite de toutes les questions de politique étran'Jère et d'économie générale ainsi que de tous les problèmes présentant des aspects militaires. Elle comporte également des Revues Historiques concernant en particul ier la deuxième guerre mondiale, des étudels et enquêtes diverses, ainsi que des documents ou articles extraits de revues étrangères. Cli.aque numéro contient de plus une chronique militaire, une chronique aéronautique. une chronique d'outre-mer, une chronique diplomatique et une chronique économique. Le Comité de Direction de la Revue de la Défense Nationale est composé de hautes autorités civiles et militaires'. Les abonnements sont reçus : à la Librairie Bel'ger-Levrault, 5, rue Auguste-Comte, Paris (Vie), c.c.P. Paris 409 ou ,au siège de la Revue, Cité Marignac, Paris (Vile). Un an, 12 numéros : 700 frans. Six mois, 6 numéros : 500 francs. • TROPIQUES C'est la Revue des Troupes Coloniales et celle de tous les officiers qui s'intéressent aux que'stions de la France d'Outre-Mer. Au sommaire du numéro de novembre 1948: Colonialisme ou Colonisation. Les Nomades du 'Sahora Méridional (Commandant Chapelle) . Le Général Mangin (Général d'Armée - CR Niessel) . Gens et choses d'Outre-Me r (Pierre Roudot ) L'Or dans l'Union Française (Commandant Bonnet) . Filles de Chiens, Filles de Chats (J. de Brussey- Halvi Ile) . Nouvelles de l'Union Française (Rig). S~age d'information sur l'Indochine (Colonel Marchand). Le cinquantenaire de l'Automobile (L.F.). Crépuscule Laotien (F. Courtial). Les abonnements sont souscrits chez, Pouzet et Cie, 10, rue Saint - Roch, Paris (1 er), c.c.P. Paris 4755-46. Tarif des abonnements: Un an,12 numéros. 1.200 fr.; 'six mois,6 numéros, 700 fr. Ta'rif spécial pour les.militaires en (activité : Un on, 950 fr.; six mois', 525 Fr. ~~=o=..="""""""""..:l"",._......o;,-""'iIIIIIIIIi~IÎIIIIIIIiI"" illi--IIIT,J - LECLERC, par Edmond Delage. Editions de l'Empire, 3. rue Bhaise-Desgoffe, Paris (Ve). (Collection des Grands Coloniaux), 1 volume 150 francs. L'écrivain militaire bien connu Edmond DeICIJe vient de consacrer, dans la collection des Grands Coloniaux, un livre à la mémoire du. Générai Leclerc. Cet ouvrage, basé sur une documentation iabondante et sûre a sa place dans la bibliothèque de tous les Français admirateurs de cette figure si noble et si pure ! • HISTOIRE D'ES GRANDES PUISSANCES, par /. Maxime Mourin, Editions Payot, 106, boulevard Saint-Germain, Paris. En dehors de tou.te opinion politique préconçue l'auteur retrace l'évolution de' la politique int~rieure économique et financière des principales nations depuis les armistices de 1918 jusqu'au début de 1947. C'est en fait à la fois une histoire du Monde Contempora.in, incluant cell.e de la deuxième guerre mondiale, et un véritable manuel de politique générale. • MEMOIRES DE WI NSTON CHU RCH 1LL Tome 1 : L'Oragel ppproche. Editions Plon, 8, rue Garancière. Paris (Ville). Deux volumes: 490 et 395 francs. Ce premier tome des mémoire~,du Grand Homme d'Etat britannique sur la Deuxleme ~ue~­ re Mondiale est un véritable monument histOrique. Il comprend deüx voluna~s intitulés « D'une Guerre à l'autre» et « La drole de Guerre» ~ premier volume relate les péripéties de la politique internationale entre 1919 et .1 ~39 et montre comment le monde s'est ,achemine ve:s le nouveau conf! it. Il contien,t de ~~mb~euses revélations qui n'ont jamais éte publiees, a la lueur desquelles se dessinent les aspects nouveaux ~t SOUIV,ent inattendus des principaux hommes politiques. • LES COMPLOifSCON:TRE, H I~LER" par Ma- xime Mourin , Collection de MemOires, etudes et 173- documents pour servir à l'histoire de la guerre Editions Payot, 106, Bd Saint-Germain, Paris (Vie) , 360 francs. • LES CLASSIQUES DE L'ART MILITAIRI : Ardant du Picq, présenté et annoté par L. Nachin. Librairie Berg,er-Levrault, Paris 1948, 194 pages. Faisant un bond de vingt-quatre siècles à travers l'Histoire, la collection « Les Classiques de l'Art Militaire» qui nous avait offert pour commencer « Sun-Tsé et les anciens chinois » nous présente aujourd'hui les palJes choisies d'u~ des écrivains militaires français les plusoriginaux : le Colonel Ardant du Picq qui, après avoir combattu en Crimée, puis. dans l'ennui des garnisons successives, couché Sur le papier plusieurs études remarquables à la fois par leur intelligence hardie et par leur style percutant, eut les deux: jambes fracassées par un obus prussien le 16 août 1870 alors qu'il dirigeait, sur le champ de bataille de' Gravelotte, le régiment qu'il c'Jmmandait. • LE COMMAND~MENT MILliAIRE, par le Mpréchal Montgomery, Office de Publicité. Bruxelles 1947, 65 pages. . • PSYCHOLOGIE MilITA'RE, par Paul Maucorps. Presses Universitaires de t- -once. Collection « Que sais-je? », Paris 1948, 128 pages. D~ns ce petit ?uvral]e l'auteur nous expose successivement le orole de la, psychologie militaire dans la 'Sélection et dlons l'orientation du personnel, dans la réalisation du matériel et dans le maintien du Moral aux Armées. • HIS"J10IR'E DE L'ARMEE MOTOR.ISEE, par le Golonel A. Duvignac. Préface de M. le Général d'Armée Doumenc, Imprimerie Nationale, Paris 1948. Un volume in-8°. Composée par un spécialiste d'après les sources officielles, mais de façon aussi attrayante <:Jue substantielle', cette' histoire rappelle toutes les e~u~es et toutes les réalisations qui se sont succe~ees d~p.u~s I.e fb.rdi~r de Cugnot (1769) jusqu aux diVISions blrndees de 10' dernière guerre. u HISTOIRE DE L'ARMEMENiT, par le colonel Ailleret. Presses Universitaires de France, Pari's 1948, 128 pag.es. C'est l'histoire de l'Armemenet Terrestre et Aérien de 1875 à nos jours : le' matériel de l'infanterie et de l'artillerie, les blindés, la D.C.A., les auto-propulsés, l'aviation tactique, les transmissions, les techniques de communication, la guerre chimique et la bombe atomique y sont étudiés successivement dans un style clai r et fort agréable. • LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES DE LA GUERRE 1939-1946, par Jean Chardonnet, Hachette 1947, 327 pages. C'est d'abord l'étude de la transformation que la deuxième l.Juerre mondiale a fait subir à l'économie des Etats-Unis, de l'U.R.S.S,, de la Grande-Bretagne et du Commonwealth. de l'Allemagne et de l'Amérique du Sud. L'ouvrage contient ensuite l'étude des tentotives actuelles de reconversion dans le monde et notamment : en Amérique où se' pOSe le dilemme du niveau de production minimum et de la surproduction; en Angleterre où s'opposent la doctrine du « plein emploi » et la nécessité vitale de l'exportation'; en Russie. L'auteur conclut en constatant le déclin économique de l'Europe placée entre deux blocs puissants et compacts, et en se demandant si la deuxième gue,rre mondiale ne comporte pas les germes économiques d'une nouvelle guerre. • L'ESSOR DE L'ALGERIE, édité par le Gou- vernement Général de l'Algérie. Alger 1947, 125 pages, grélvures. 1 il Ii' .$_+ Q€.. - 174LE COMBAT SOUS LES, PALMES, par Pierre Vaussais. Editions Ariane. C'est l'histoire passionnante d'un de ces chleuhs que nos troupes eurent tant de peine à réduire, que nous rapporte M. Pierre Vaussais dans cet ouvrage vra,iment remarquable. Tous. ceux qui eurent l'honneur de combattre les farouches guerriers à un moment quelconque de la période comprise entre 1907 et 1925, revivront,en lisant ces pages, des heures souvent tragiques mais combien passionnantes qui furent celles de leur jeunesse. Car cet ouvrag.e, écrit de main de maître est l'œuvre d'un écrivain qui connlaît l'ôme berbère, qui a su voir et comprendre, et qui sait décrire et raconter. • BARGA, MAITRE D'E LA BROUSSE, par M. Je'on Sermaye. Papeteries Chérifiennes, Rabat. 137 francs. Ce livre a obtenu, cette \année, le Grand Prix de Littérature Coloniale. L'auteur y dépeind la vie des Noirs, oUi milieu dei la forêt, au « cœur mystérieux de l'Afrique »; ancien colonial, il a pu saisir Sur le vif !'es scènes de la vie quotidienne du monde noir dont il a eu la f.aveur de décauvrir certains aspects ignorés des blancs. Ce « film» de la vie africaine est écrit dans un style remarquoble par sa richesse d'expression, par sa précision, par 510 sobriété e't 'son élégance . « Barga, Maître de la Brousse» est un très beau livre, l'un des meilleurs. sinon le meilleur de l'année. Sa lecture passionnera tous ceux qui s'intéressent au monde colonial. '.' IMPRIMERIES _ R A N ç AIS E S & MAROCAINES 1R A B A T ,~ 'c_,,~..J\e' ;:>'; ;' .;,o'y~",pil .>&-;' ;·' '·:';"- ': _~"'> ;'tWTi .I ï\ftil5i i'-iI mi lr.ml ·IÎFtiJI7i 1gi'·i li7 1i-Ï1" dÎ ·Î-.".'•••••.IIII1111.III..... • • • •. . . . . . . . . .