SÉQUENCE 3 ET LA MONNAIE DANS TOUT CELA ? Mathilde AUBRY « Il y a davantage d’hommes qui sont devenus fous en étudiant les problèmes monétaires qu’il y en a qui sont devenus fous par amour. » William Gladstone (1809-1898) « Il n'est pas, dans l’économie, quelque chose de plus insignifiant que la monnaie. » John Stuart Mill, Les principes d’économie politique, 1848 La monnaie est au cœur du fonctionnement de nos sociétés. Elle y occupe une place : Centrale Particulière Toute transaction se règle en monnaie Ni un bien de consommation Ni un bien d’investissement Cependant ce n’est : Ni un bien de consommation (car elle n’est pas directement source de satisfaction pour le consommateur), ni un bien d’investissement (car elle ne rapporte rien) ■■La monnaie peut se définir comme un bien d’échange, massivement accepté immédiatement et sans coût. Elle est donc porteuse de choix: qui possède de la monnaie détient un pouvoir d’achat dont il peut disposer à sa convenance sans coût ni délai (mais symétriquement, celui qui n’en dispose pas est exclu de fait de l’économie de marché). Son principal intérêt est d’être acceptée de tous, de servir de relation entre les individus, ce qui suppose donc une confiance réciproque mais aussi envers l’institution qui émet la monnaie. La monnaie constitue donc également un des mécanismes essentiels du lien social ■■Son coût de production est totalement négligeable au regard de sa valeur. Aujourd’hui la plus grande partie de la masse monétaire est ainsi constituée par de simples jeux d’écriture au sein des banques et entre banques. Le mécanisme de production de ce bien particulier qu’est la monnaie n’a donc que peu de points communs avec les ressorts qui gouvernent la production des biens et services. En effet, en accordant un crédit la banque met à disposition de son client un certain montant monétaire qui n’existait pas avant. 2 Durant cette séance, nous ferons un rappel, dans un premier temps, sur les différentes fonctions de la monnaie et sur les différentes formes qu’elle peut prendre. Cela sera l’occasion de s’accorder sur un vocabulaire commun. Dans un second temps, nous nous intéresserons à l’offre de monnaie (déterminée par les décisions des banques privées et de la banque centrale) et au contrôle de la quantité de monnaie en circulation. 1. La monnaie : Nature et fonctions. À quoi elle sert ? Qu’est-ce ? 1.1. Les fonctions de la monnaie La monnaie remplit trois fonctions dans l’économie : 1.1.1. C’est un instrument de transaction C’est donc un actif que les individus ne consomment pas mais utilisent pour échanger des biens et des services. Par contre, il est nécessaire ici qu’il y ait une confiance totale dans la valeur de cet actif. Le responsable d’un magasin n’acceptera votre monnaie en échange des articles qu’il vend que s’il sait qu’il pourra la réutiliser aussi pour se procurer un bien ou un service. La monnaie est une solution alternative au troc. Pour chaque échange, le troc nécessite : ■■une coexistence duale des désirs, ■■une possibilité de comparaison, ■■une divisibilité des biens échangeables. La monnaie brise le troc, et augmente le champ des échanges possibles tout en limitant les coûts de transaction. Comme l’échange est vu comme quelque chose de positif (puisqu’il rend possible l’accroissement de la richesse globale), la monnaie est donc positive elle aussi. 1.1.2. C’est une réserve de valeur C’est la fonction la plus importante. La monnaie est un élément que les individus utilisent pour transférer leur pouvoir d’achat du présent vers le futur. Lorsqu’un vendeur accepte de la monnaie aujourd'hui en échange d’un bien ou d’un service, il peut conserver la 3 monnaie et devenir acheteur à un autre moment. Il peut choisir de consommer maintenant ou après, il peut choisir de différer dans le temps sa consommation. Il peut même choisir de consommer maintenant de l’argent qu’il gagnera plus tard. Bien sûr, la monnaie n’est pas la seule réserve de valeur qui existe dans l’économie. Un individu peut aussi transférer son pouvoir d’achat du présent vers le futur avec d’autres actifs. Le terme richesse est utilisé en référence au montant total de toutes les réserves de valeur incluant les actifs monétaires et non monétaires. Dans la richesse de tous les individus, la monnaie est l’actif le plus liquide. Le terme liquidité désigne la facilité avec laquelle un actif peut être transformé en instrument d’échange de l’économie. Comme la monnaie est l’instrument d’échange de l’économie, c’est l’actif disponible le plus liquide. D’autres actifs varient largement en termes de liquidités. La plupart des actions et des obligations peuvent être vendues facilement à faible coût, ce sont donc des actifs relativement liquides. En revanche une voiture ou un tableau de Rembrandt demande plus de temps et d’efforts et donc ces actifs sont moins liquides. Lorsqu’un individu décide sous quelle forme il va détenir sa richesse, il doit mettre dans la balance la liquidité de chaque actif avec son utilité en tant que réserve de valeur parfaite. Le rendement de la monnaie est nul (posséder de la monnaie ne rapporte rien). Cependant, posséder de la monnaie a un coût : un coût d’opportunité (ou le coût du renoncement, renoncer à la consommation pour garder de la monnaie). On peut être très riche, mais si on ne possède pas de la monnaie, on ne peut rien acheter. 1.1.3. C’est une unité de compte Une unité de compte est un référentiel que les individus utilisent pour afficher les prix ou enregistrer une dette. Lorsque vous allez faire des courses, vous n’exprimez pas les objets en fonction d’autres, cela ferait un trop grand nombre de prix relatifs. Vous exprimez tous les prix des biens et des services en fonction d’un seul bien, ce qui permet de réduire le nombre de prix relatifs (Ex : on décide que A est une unité de compte, et on fixe ensuite tous les autres prix en fonction de A). S’il n’y avait pas de monnaie, il faudrait mettre en place des prix relatifs (en fonction d’un autre bien, ce qui impliquerait d’établir de nombreux prix). 4 1.2. Les formes de la monnaie ■■Elle fut une marchandise ayant une valeur intrinsèque Monnaie-marchandise (ex. : Coquillages, sel, bétail, cigrattes... or.) ■■Elle est désormais un signe, basé sur la confiance Monnaie = un signe Matériel Immatériel Monnaie fiduciaire ou fiat monnaie Monnaie scripturale (ex. : les dépots à vues, à termes...) (ex. : Argent liquide -> billets, pièces...) 8,3% de la masse monétaire 91,7% de la masse monétaire C’est cette création de monnaie qui compte ! Lorsque la monnaie prend la forme d’une marchandise ayant une valeur intrinsèque, elle est appelée monnaie marchandise. Le terme valeur intrinsèque signifie que cet élément aurait une valeur quand bien même il ne serait pas utilisé comme monnaie. L’or est un exemple de monnaie marchandise. Il est utilisé dans l’industrie et pour la fabrication de bijoux. L’or a longtemps été une forme courante de monnaie car il est facile à transporter, à mesurer et sa pureté est aisément vérifiable. Il existe aussi d’autres monnaies-marchandises utilisées de manière plus épisodique. Par exemple, au moment où l’Union Soviétique a explosé à la fin des années 80 et que les Russes ont commencé à perdre foi dans le rouble, de nombreux moscovites ont commencé à échanger des biens et des services en utilisant des cigarettes comme unité de compte et instrument d’échange. La monnaie qui n’a pas de valeur intrinsèque s’appelle fiat monnaie (que la monnaie soit) ou monnaie fiduciaire. Cela signifie que la monnaie est instituée par le gouvernement par le biais d’un décret. Par exemple, les billets de banque en euros ont cours dans 19 pays d’Europe car les gouvernements de ces pays ont décrété que l’€uro est une monnaie acceptée dans leurs économies respectives. Pour fabriquer des billets de banque, il faut 5 une papeterie et une imprimerie. La Banque de France est la seule banque centrale de la zone euro à avoir une papeterie. Elle est située à Vic-le-Comte (Puy-de-Dôme) sur les bords de l’Allier. La monnaie qui nous intéresse dans ce cours est la monnaie scripturale : l’argent présent sur nos comptes en banque, les dépôts. Cette monnaie représente donc 92% de la masse monétaire. Aller au distributeur c’est transformer de la monnaie scripturale en monnaie fiduciaire. 1.3. La mesure de l’offre de monnaie Dans une économie complexe, il est en général assez difficile de tracer une ligne de séparation entre les actifs que l’on peut qualifier de monnaie et ceux que l’on ne peut pas. Les pièces dans votre poche sont de la monnaie, un tableau non, mais il existe un grand nombre d'actifs entre les deux. Avec tout cela, que prend-t-on en compte pour déterminer la quantité de monnaie dans une économie ? Que peut-on inclure dans cette mesure? La masse monétaire, c’est l’ensemble des moyens de paiement utilisables dans un pays donné et qui circulent entre les agents non financiers. Il existe donc différentes mesures de la masse monétaire pour les économies avancées. Dans la zone euro, pour mesurer l’offre de monnaie, on distingue trois agrégats monétaires (M1, M2, M3) : ■■M1 : mesure étroite, est composée uniquement des billets en circulation (argent liquide) et de dépôts à vue (compte courant). Cela rassemble tout ce que vous pouvez utiliser tout de suite pour acheter quelque chose. En effet, la richesse contenue sur votre compte courant est presque aussi pratique pour faire des achats que celle que vous avez dans le porte-monnaie (vous pouvez y accéder à la demande seulement en utilisant une carte de paiement ou avec un chèque) ■■M2 : mesure intermédiaire, offre de monnaie moins liquide. Rassemble M1, plus des dépôts de monnaie à plus long terme. Les épargnants ne peuvent pas mobiliser cette épargne avec un chèque ou une carte mais ils peuvent facilement transférer les fonds vers leur compte courant. ■■M3 : mesure plus large, rassemble M1 et M2, plus des dépôts de monnaie à plus long terme encore que le second agrégat (M2). 6 La base monétaire rassemble ce que l’on appelle la monnaie centrale : les billets et les pièces que vous avez dans vos poches mais aussi les réserves bancaires (les dépôts des banques à la banque centrale puisque la banque centrale est la banque des banques). C’est un peu la matière première permettant de créer de la monnaie. Masse monétaire M3 9686 Mds EUR Pensions 120 Mds EUR Dépôts à trois mois auprès des IFM 2041 Mds EUR M2 8870 Mds EUR M1 5025 Mds EUR Dépôts à vue auprès des IFM 4158 Mds EUR Titres d’OPCVM monétaires 482 Mds EUR Dépôts à deux ans auprès des IFM 1803 Mds EUR Base monétaire 1675 Mds EUR Billets & pièces en circulation 893 Mds EUR Réserves des IFM auprès de la Banque centrale 515 Mds EUR Facilités de dépôt 261 Mds EUR Titres de créance à deux ans 213 Mds EUR Figure 1 : Masse monétaire et base monétaire (septembre 2012) Source : NATIXIS Pour une mise à jour régulière de ces données : http://www.ecb.europa.eu/press/pr/stats/md/html/index.en.html La stratégie de la BCE (Banque Centrale Européenne) notamment consiste à surveiller l'évolution de l'agrégat monétaire M3. Elle doit contrôler la masse monétaire. En effet, l’inflation est un accroissement de la masse monétaire, qui a pour conséquence, à terme, l’augmentation des prix. 7 2. La création monétaire : l’offre de monnaie 2.1. La création de monnaie par les banques commerciales 2.1.1. Étape 1 Une banque crée de la monnaie lorsque des entreprises ou des ménages demandent un crédit. Si la banque accorde le crédit, elle crédite le compte du bénéficiaire, il y a création de monnaie scripturale (on dit qu'elle crée ex-nihilo, c'est-à-dire "en partant de rien"). Cette monnaie sera détruite lorsque l’entreprise ou le ménage remboursera son crédit. La banque accorde un prêt et crédite le compte du bénéficiaire Création de monnaie ex nihilo Remboursement du crédit Destruction de monnaie On aura donc un accroissement de la masse monétaire lorsque la population fait des emprunts, et destruction quand les gens remboursent les crédits. Si l’on généralise au niveau d’une économie, la masse monétaire s’accroît lorsque les crédits distribués aux agents non financiers sont supérieurs à leurs remboursements. Les banques privées sont tout de même limitées dans leur action. La quantité de crédits qu’elles peuvent accorder dépend des fonds que les déposants leur ont confiés (leurs dépôts à vue). Elles doivent, en effet, constituer des réserves. Les banques centrales fixent le ratio de réserves minimum pour les banques privées. Si, par exemple, le ratio de réserves minimum dans un pays est de 10 % alors la banque ne pourra accorder des crédits que pour un montant inférieur à 90 % de ce qu’elle détient dans ses coffres. Si la 8 banque avait 100 € en dépôt, elle ne pourra accorder que 90 € de crédit. Les banques peuvent cependant aussi choisir de constituer des réserves au-delà du minimum et dans ce cas, on parle de réserves excédentaires. La fraction des dépôts qu’une banque détient en réserves est son ratio de couverture. En acceptant des dépôts et en accordant des crédits, les banques contribuent au fait que l’offre de monnaie puisse croître. Pour comprendre ce qui détermine la quantité de monnaie qu’elles créent, il vous faut comprendre le multiplicateur monétaire. Le multiplicateur monétaire Supposons que Monsieur A. qui conservait jusque-là son argent liquide sous son lit (1000€) décide un beau matin de le déposer à la banque. Dans un premier temps, cela ne change rien. Les billets de banque tout comme les dépôts bancaires font partie de l’offre de monnaie. On assiste juste à une transformation de la monnaie fiduciaire en monnaie scripturale. Cependant, les choses ne vont pas en rester là. La banque qui vient de recevoir 1000€ va pouvoir accorder des crédits. Nous supposerons ici que le taux de réserves obligatoires est de 10 %. Cela veut dire qu’elle peut prêter 900€ en liquide à Mme B., par exemple, mais doit garder 100 € pour ses réserves obligatoires. L’offre de monnaie s’accroit alors de 900 € (M. A a toujours 1000 € sur son compte, il n’a pas conscience que son dépôt a permis à sa voisine de s’acheter une télévision à crédit). Mme B. a emprunté de l’argent dans le but de le dépenser. Le propriétaire du magasin de télévision reçoit donc 900 € qu’il va déposer dans une autre banque. Cette autre banque gardera une partie de ce dépôt mais prêtera le reste. Elle créera alors encore plus de monnaie. 9 Billets en circulation Comptes bancaires à vue Offre de monnaie 1000 € 0€ 1000 € Première étape 2/2 : M. A décide de déposer son argent à la banque 0€ 1000 € 1000 € Deuxième étape : La banque prête 900 € à Mme B qui fait des achats dans un magasin 900 € 1 000 € 1 900 € Troisième étape : Le propriétaire du magasin dépose 900 € dans une autre banque, qui prête 810 € à un autre emprunteur 810 € 1 900 € 2 710 € Première étape 1/2 : M. A conserve son argent liquide sous son lit Pour résumer En premier lieu, l’offre de monnaie était composée uniquement des 1000 € de Monsieur A. Après qu’il ait déposé son liquide sur un compte en banque et que la banque ait accordé un crédit, l’offre de monnaie augmente de 900€. Après le second dépôt et le second crédit, l’offre de monnaie augmente encore de 810€. Et le processus se poursuivra évidemment. Ce processus de création monétaire est donc un processus du multiplicateur. Cet exemple nous permet de remarquer que la force du multiplicateur dépend notamment du niveau du ratio de réserves des banques (c’est la part des dépôts qu’une banque conserve au titre des réserves). Il dépend aussi de la part de monnaie que les individus choisissent de conserver sous forme de billets ou de pièces. Ainsi, le multiplicateur dépend de la base monétaire. Formellement, le multiplicateur correspond au ratio entre l’offre de monnaie et la base monétaire. Multiplicateur monétaire = Offre de monnaie Base monétaire 10 2.1.2. Étape 2 Une banque peut emprunter sur le marché interbancaire : un marché financier qui permet aux banques en manque de réserves d’en emprunter –généralement du jour au lendemain- à des banques qui ont des réserves excédentaires. Le taux au jour le jour (taux d’intérêt déterminé sur le marché interbancaire) est largement influencé par les décisions des banques centrales. Le taux au jour le jour est influencé par le taux directeur de la banque centrale. Par ailleurs les banques peuvent aussi emprunter auprès de la banque centrale : elles le font au taux de refinancement en Europe et au taux d’escompte aux USA (ce qui leur coûte plus cher dans les faits, le but étant de les décourager). Les banques centrales doivent contrôler la base monétaire : les réserves bancaires et les billets en circulation. La banque centrale dans la zone euro est appelée la BCE (Banque centrale européenne), la banque centrale américaine est appelée la FED (Federal Reserve), au Royaume Uni on parle de BoE (Bank of England). 2.2. Le contrôle de l’offre de monnaie par les banques centrales Les banques centrales contrôlent et supervisent le système bancaire. Elles ont à leur disposition des opérations conventionnelles. Outils de contrôle monétaire de la banque centrale Opérations d’open-market Achat ou vente de dette de l’État (obligations) la banque centrale Taux de refinancement (taux d’escompte aux États-Unis) La banque centrale d’une économie fixe le taux d’intérêt auquel elle est prête à faire des prêts aux banques Réserves obligatoires Réglementations relatives au montant minimum de réserves qu’une banque doit détenir relativement aux dépôts Figure 2 : Les opérations conventionnelles 11 Trois outils de contrôle monétaire : 2.2.1. Les Réserves obligatoires : réglementation d’un montant minimum de réserves détenues par les banques Si la banque centrale réduit les réserves obligatoires alors les banques prêtent un pourcentage plus important de leur dépôt, générant davantage de crédits et donc une augmentation de l’offre de crédit par l’intermédiaire du multiplicateur monétaire. Ainsi, la masse monétaire aura tendance à croître. A l’inverse si elle augmente les réserves obligatoires, le banques sont obligées de réduire leur prêt entrainant une diminution de l’offre de monnaie par l’intermédiaire du multiplicateur monétaire. Ainsi, la masse monétaire aura tendance à décroître. 2.2.2. Les opérations d’open-market : la vente ou l’achat d’obligations d’Etat par la banque centrale. Une opération d’open-market est tout simplement le fait que la banque centrale décide d’acheter ou de vendre des obligations d’Etat. Si la banque centrale décide d’augmenter la quantité de monnaie en circulation, elle va acheter des obligations d’Etat détenues par le public. Elle va créditer les comptes en banque de ménages, institutions ou entreprises vendeuses. Les banques détenant plus de monnaie en réserve, peuvent donc accorder plus de crédit. Ainsi, il y a bien accroissement de la masse monétaire ou création monétaire. L’achat d’obligations d’Etat par une banque centrale accroit l’offre de monnaie. Alternativement, si la banque centrale veut réduire l’offre de monnaie, elle va vendre les obligations de son portefeuille au public. Ainsi, la monnaie qu’elle reçoit, en contrepartie des titres, n’est plus dans le public. Les ménages, institutions ou entreprises acheteuses vont voir leur compte en banque se réduire. Les banques détenant moins de monnaie en réserve, peuvent accorder moins de crédit. Ainsi, une vente d’obligations d’Etat par une banque centrale réduit l’offre de monnaie. 2.2.3. La fixation du taux de refinancement : taux d’intérêt auquel la banque centrale prête aux banques commerciales. La banque centrale n’est autre que la banque des banques. Si les banques commerciales manquent de réserves, elles peuvent emprunter directement à la banque centrale ainsi que je le disais plus haut. Les banques centrales fixent des taux d’intérêt auxquels elles sont prêtes à faire des prêts à court terme aux banques commerciales. 12 Si la banque centrale réduit ses taux, le coût pour les banques en manque de réserves diminue ; les banques réagissent en répercutant cette baisse sur leur propre taux et donc en augmentant leurs prêts. Ainsi, l’offre de monnaie augmente par le biais du multiplicateur monétaire. Si la banque centrale augmente ses taux, le coût pour les banques en manque de réserves augmente ; les banques réagissent en répercutant cette hausse sur leur propre taux et donc en baissant leurs prêts. Ainsi, l’offre de monnaie baisse par le biais du multiplicateur monétaire. Exemple Réponses passives ou proactives à la crise financière de 2007-2008 ? La BCE, la Fed et la banque centrale du Royaume-Uni (BoE) sont des exemples de banques centrales indépendantes. Chacune décide, au sein d'un comité de direction, de la politique monétaire à mener. Nous allons voir comment ces établissements ont agi avant et après la crise économique de 2007-2008. Aux États-Unis, le Fédéral Open Market Committee (FOMC) se réunit huit fois par an pour déterminer la politique à mener afin d’assurer la croissance du pays. La BCE, elle, prend sa décision concernant les taux d'intérêt au début de chaque mois, tout comme la banque centrale du Royaume-Uni. Les objectifs de la Fed sont plus larges que ceux des banques centrales européennes : cela a-t-il un impact sur les politiques pratiquées ? L’inflation est, en général, supérieure aux Etats-Unis, de début 2005 à l’automne 2006. Durant cette période, la FED a augmenté son taux d’intérêt : il est passé de 2,25 % à 5,25 % ainsi que vous pouvez le voir sur les graphiques ci-dessous. La Fed a conservé ses taux élevés jusqu’à la crise de liquidité durant l’été 2007. Sa réponse, en termes de taux d’intérêt, était beaucoup plus forte que celles des banques centrales européennes, lesquelles étaient contraintes par leur objectif d’inflation. La BCE semblait, en effet, particulièrement obsédée par l'inflation. Elle maintint un taux d’intérêt élevé jusqu’en en juillet 2008 où elle décida de l’augmenter (au cours de la même période, les taux américains chutèrent de 5,25 % à 2 %). Les réponses des banques centrales indépendantes sont assez différentes les unes des autres. La Fed était très proactive, la BCE et la BoE du Royaume-Uni étaient plus passives. Ces différences d'action posent nettement la question de savoir quelle est la bonne ou la mauvaise politique. Vaut-il mieux, comme la BCE, rester attaché à un objectif d'inflation ou faut-il, comme la Fed, prendre plus d'indicateurs en compte et agir avec plus de latitude ? Dans le but de stimuler la croissance économique, la BCE a, elle aussi, décidé de réduire ses taux directeurs, passant de 4,25 % en juillet 2008 à 0,15 % en juin 2014, tout en conservant un taux d'inflation mesuré. 13 i i i Évolution des taux directeurs BCe et FED depuis janvier 1999 7% Monnaie centrale plus chère Taux BCE Taux FED 6% Monnaie centrale moins chère 5% 4% 3% La banque répercute cette hausse sur ses propres taux 1% 0% 1999 La demande de crédit diminue et la création monétaire est freinée La banque répercute cette baisse sur ses propres taux 2% 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Dernier changement de taux directeur de la BCE : 2014-09-10 taux 0.05% Dernier changement de taux directeur de la FED : 2008-12-16 taux 0.25% 2010 2011 2012 2013 2014 2015 La demande de crédit est en hausse et la création monétaire est accélérée Figure 3 : Les taux de refinancement depuis 1999 de la BCE et de la FED Zoom sur la Banque Centrale Européenne La Banque Centrale Européenne (BCE) basée à Francfort, est chargée de mener les opérations de politique monétaire pour l’ensemble des pays de l'Union Européenne qui ont adopté la monnaie unique. Cependant, les banques centrales nationales, comme la Banque de France ou la Bundesbank en Allemagne, n’ont pas été abolies. Elles sont chargées de distribuer la devise européenne et de relayer la politique monétaire de la BCE dans chaque pays en respectant les institutions locales. Le pouvoir de la BCE, qui est indépendante des gouvernements nationaux et qui gère la politique monétaire de l’économie européenne, est immense. En effet, la BCE est une des banques les plus indépendantes du monde. Elle n’a que très peu de lien avec les gouvernements nationaux. Le président de la BCE doit seulement s’expliquer devant le parlement européen, mais ce dernier n’a aucun pouvoir sur elle. La BCE a deux organes de décision principaux : le conseil des gouverneurs (Governing Council) et le directoire (Executive Board). S'y ajoute un troisième organe de décision, le conseil général, qui regroupe des États membres qui n’ont pas encore adopté l’euro. L'objectif principal de la BCE est la stabilité des prix (absence d'inflation). Initialement, elle visait un taux d'inflation annuel proche, et de préférence en deçà, de 2 % à moyen terme. Il s’agit d'un taux moyen pour l’ensemble de la zone euro, pas du taux qui doit être atteint dans chaque pays membre. Le taux d’intérêt est décidé par le conseil des gouverneurs par vote majoritaire. En cas d'égalité des votes, le président de la BCE a le pouvoir de trancher. 14 3. Conclusion Nous avons vu dans la section précédente comment la politique budgétaire pouvait être utilisée pour relancer une économie. Faisons le point désormais sur le rôle de la politique monétaire. Nous l’avons dit, la banque centrale peut décider de mettre en place une politique monétaire de manière à accroître l’offre de monnaie ou de manière à baisser l’offre de monnaie dans une économie. Dans le premier cas, on parlera de politique monétaire expansive (puisqu’elle fait augmenter la demande de biens et de services) et dans le second de politique monétaire restrictive (puisqu’elle fait diminuer la demande de biens et de services). En effet, quand l’offre de monnaie augmente, les investissements sont encouragés (car les taux d’intérêt sont faibles), les revenus s’accroissent (moins de chômage) et la consommation augmente aussi. À l’inverse, quand l’offre de monnaie baisse, les investissements sont découragés (car les taux d’intérêt sont élevés), les revenus ont tendance à décroître et la consommation diminue à son tour. 15 © Copyright École de Management de Normandie Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, faite sans le consentement de l’auteur ou de l’éditeur est illicite (article L.1224 du Code de propriété intellectuelle). 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