Christian Walter
Sciences Po
27, rue Saint-Guillaume
75337 Paris Cedex 07
Éric Brian
EHESS-ENS
Campus Jourdan
48, boulevard Jourdan
75014 Paris
ISBN 13: 978-2-287-73069-6 Springer Paris Berlin Heidelberg New York
© Springer-Verlag France 2008
Imprimé en France
Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media
Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduc-
tion, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistre-
ment sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques
données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction
intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant les paiements des droits. Toute représentation,
reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanction-
née par la loi pénale sur le copyright.
L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc., même sans
spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection
des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun.
La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emplois.
Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante.
Maquette de couverture : Jean-François MONTMARCHÉ
Pour plus de livres rejoignez nous sur
Heights-book.blogspot.com
Préface
La théorie moderne de la finance a presque un demi-siècle. Autant dire
qu’elle n’est plus vraiment moderne. Les contributions des grands auteurs, Mil-
ler, Modigliani, Tobin, Samuelson, Merton, Sharpe, Markowitz, Black, Scholes,
Roll, Fama, Jensen et encore bien d’autres, forment l’ossature de cette théo-
rie de la finance. En schématisant, on peut résumer l’évolution de la théorie
financière au cours des cinquante dernières années en quatre vagues :
les années 1950 et 1960 sont celles de la théorie des choix de portefeuille.
C’est à cette époque qu’émergent la formalisation de la relation rentabi-
lité/risque, le concept de diversification et les premiers modèles d’équilibre
des marchés financiers comme le MEDAF (modèle d’évaluation des actifs
financiers) ;
dans les années 1960 à 1970, les notions d’efficience et d’arbitrage émergent
et demeurent la clé de voûte du modèle d’évaluation d’options et d’ana-
lyse de la structure financière des entreprises ;
les années 1980 voient converger la théorie financière et la théorie des
organisations. L’entreprise n’est plus considérée comme une boîte noire
et l’on s’interroge sur les effets des asymétries d’information, avec l’émer-
gence de la théorie de l’agence et de la théorie des signaux ;
avec l’essor de l’informatique, la très forte diminution de son coût d’utili-
sation, et la multiplication des bases de données financières et de marché,
se développent à la fois l’étude de la microstructure des marchés financiers
dans les années 1990, et la finance comportementale, dont le champ d’in-
vestigation n’a cessé de progresser, notamment à la suite de l’éclatement
de la bulle internet.
Depuis bientôt vingt ans les chercheurs en finance ont mis en lumière ce qu’il
est convenu d’appeler des anomalies boursières. Loin d’être taillées à l’équerre,
les courbes de la Bourse offrent depuis toujours des profils en dents de scie
souvent irréguliers. Ces évolutions torturées ont donné l’intuition à de nom-
breux chercheurs que le comportement des marchés intégrait en permanence
une part de psychologie, qui provoquait ces anomalies. Celles-ci sont étrangères
à l’univers pur et parfait décrit par les théoriciens de l’efficience des marchés
financiers, au sein duquel la courbe de l’évolution des cours boursiers devrait
avoir l’aspect de marches d’escalier, chaque marche d’escalier (ascendante ou
viii Critique de la valeur fondamentale
descendante) correspondant à l’arrivée d’une nouvelle information (positive ou
négative) dans les cours.
La finance est entrée en quelque sorte dans une phase de déconstruction. Au
moins la moitié des articles qui paraissent dans les grandes revues scientifiques
d’économie financière portent sur les divers aspects de la finance comportemen-
tale. Mais ni les anomalies boursières ni les biais des opérateurs en bourse qui
sont à l’origine de celle-ci n’ont pu à ce jour être mis concrètement à profit
par les professionnels de la gestion de portefeuille. Et pour cause. Au-delà des
bizarreries constatées à la fois dans les évolutions boursières et dans les compor-
tements de certains investisseurs, nous ne disposons en effet d’aucune théorie
satisfaisante de l’évaluation des actifs financiers qui puisse se substituer à celle
énoncée dans le premier quart du siècle dernier et formalisée dans la seconde
moitié de celui-ci. D’ailleurs les partisans de « l’ancienne » théorie moderne
de la finance n’abaissent pas leur garde, et Fama (1998) puis Fama et French
(2006) ont bien mis en lumière toutes les contradictions internes des « modèles »
proposés pour expliquer les anomalies boursières empiriques constatées, qui ne
sont que des explications ad hoc, et donc sans aucune portée générale.
C’est le grand mérite de l’ouvrage dirigé par Christian Walter et Éric Brian
d’entamer avec leur critique de la valeur fondamentale le nécessaire travail de
reconstruction. Ils le font avec méthode, pédagogie, clarté, conviction et parfaite
connaissance de la littérature.
Après avoir exposé le concept de valeur fondamentale, pierre angulaire de
l’évaluation d’une entreprise par actualisation de ses flux (dividendes, béné-
fices, flux de trésorerie disponibles), les auteurs soulignent à juste titre que
même cette valeur fondamentale, que l’on pourrait croire objective, est entachée
d’une certaine subjectivité, dans la mesure où elle n’est pas indépendante du
taux d’actualisation utilisé, qui lui-même procède soit de régularités empiriques
du passé, non forcément reproduites dans l’avenir, soit d’anticipations des opé-
rateurs pour le futur. Ils formalisent ensuite le concept de bulle rationnelle qui
peut s’ajouter à la valeur fondamentale si la condition de transversalité n’est
pas respectée, c’est-à-dire si la limite des flux ne tend pas vers zéro lorsque leur
occurrence s’éloigne dans le temps. Ils illustrent ce concept de bulle rationnelle
avec la description de quelques bulles réelles, tulipomanie, bulles du Mississippi
et des Mers du Sud.
On sait que la condition théorique ultime de l’efficience des marchés finan-
ciers est la condition d’arbitrage, et qu’en pratique l’existence des arbitragistes
suffirait à éliminer toute déviation du prix des actifs financiers de leur va-
leur fondamentale. Mais l’arbitrage a ses limites, du fait que les arbitragistes
qui prennent des positions d’arbitrage s’exposent au risque de faillite comme
Keynes en avait eu l’intuition, et comme l’ont modélisé De Long, Shleifer, Sum-
mers et Waldmann, à cause d’une volatilité artificielle (autre que fondamentale)
introduite par les bruiteurs ou trouble-fête, contrairement à la démonstration
de Friedman. Mais qui sont ces bruiteurs, ces spéculateurs ? Les auteurs s’en
tiennent à la définition de la spéculation proposée par Kaldor en 1939 : « Un
ordre d’achat ou de vente d’une action est dit spéculatif lorsque la seule motiva-
Préface ix
tion de l’achat ou de la vente est l’espérance d’une variation du cours de bourse.
La position spéculative est intrinsèquement une position de court terme : il
s’agit de pouvoir tirer parti d’une évolution rapide des cours de bourse, à la
hausse ou à la baisse ». À ce compte-là tout le monde est spéculateur, même les
fondamentalistes, les « bons » de l’ouvrage, pour qui la valeur d’une entreprise
est la valeur actualisée de ses flux. Si leurs anticipations de flux sont supérieures
à celles du marché et que celui-ci se rallie aux leurs, il ne sera pas besoin d’at-
tendre l’occurrence de la chaîne des flux, les cours s’ajusteront instantanément.
Toute anticipation d’un fondamentaliste qui est à la fois différente de celle du
marché et qui lui est supérieure se traduira par une variation immédiate des
cours, lorsque le marché aura fini par lui donner raison.
Sont véritablement spéculateurs au sens de Walter et de Brian les trouble-
fête que les auteurs caractérisent par ailleurs avec précision, c’est-à-dire ceux
qui jouent un jeu stratégique et qui investissent en fonction de leur opinion
des actions que prendront les autres opérateurs (le concours de beauté à la
Keynes) d’une part, et les conventionnalistes d’autre part qui observent les
« taches solaires », dont la convention est qu’une opinion collective (et qui peut
changer au cours du temps), quelle qu’elle soit, est reflétée dans les cours de
bourse.
On appréciera particulièrement les développements des auteurs à ce sujet
qui sont résumés dans deux tableaux au chapitre 6 et qui présentent une taxino-
mie des spéculateurs, de leurs croyances, des « modèles d’évaluation » respectifs
qu’ils utilisent et des types d’informations sur lesquelles ils s’appuient.
L’ouvrage s’achève avec une tentative de réconciliation de la bourse et de
l’économie en utilisant les lois de Pareto au lieu de la condition classique de
transversalité de l’évaluation. Cette tentative est inachevée et constitue en-
core un chantier de recherche pour les auteurs. Bon vent à eux, car cette quête
du Graal, si elle parvenait à ses fins, constituerait un véritable « tour de force ».
Bertrand Jacquillat
Professeur des universités à Sciences Po, Paris
Président fondateur d’Associés en Finance
1 / 204 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !