Atelier H2
L'alternance, levier d'autonomie
Résumé Rendre la personne plus autonome dans son parcours professionnel, dynamiser l'organisation de
l'entreprise d'accueil, questionner les pratiques pédagogiques du centre de formation pour les
améliorer... Trois effets gagnants de l'alternance, qui en font un véritable vecteur de changement pour
l'alternant et son environnement, sans occulter les autres atouts, mieux connus, du dispositif : sa
capacité d’insertion professionnelle des jeunes et son caractère adéquationiste visant à rapprocher
offre et demande d’emploi.
Cet atelier a été l'occasion de mettre en évidence la plus-value pédagogique qu’apporte cette
conception de la formation sur le trio d'acteurs - apprenant, entreprise, centre de formation. Des
expériences concrètes en Aquitaine, dont certaines soutenues par l’Agefiph, ont été analysées au
cours de l'atelier et ont illustré la réflexion, enrichie par le témoignage d'une alternante.
Intervenants Daniel DIAS, Délégué régional Agefiph pour la région Aquitaine
Philippe RISTORD, Union Nationale des Maisons Familiales Rurales (UNMFREO) et Association
Nationale pour la Formation et la Recherche sur l'Alternance (ANFRA)
Béatrice SERRAJ, coordonnatrice Politique Régionale Concertée Formation des Personnes
Handicapées en région Aquitaine
Témoignage : Charlotte FLEURENT, BTS MUC 1ère année à la MFR de Pontonx sur Adour
Rapporteure : Clémence SORIA, chargée de mission DG Agefiph
Au fil Pour rappel, une personne handicapée peut accéder, sans limite d’âge, à l’apprentissage.
de l’atelier Un regard sur les approches/visions actuelles sur l’alternance, par Philippe RISTORD
Un constat, aujourd’hui, tous les cursus / dispositifs "font" de l’alternance. Cette modalité tend à se
développer pour tous les publics et pas uniquement pour les publics en difficulté ou pour certaines
filières.
Pour autant, on voit bien qu’il existe des freins. C'est un dispositif relativement complexe, pour lequel
les « conditions de vie » (hébergement, mobilité, etc.) de l’alternant n’ont pas été résolues, avec une
culture académique classique encore fortement présente qui ne pousse pas vers l’alternance.
L'alternance est un vecteur de valorisation de la diversité des talents. Mais ses impacts vont au-delà
de l’alternant lui-même et irradient tous les partenaires de l’alternance. Cette nouvelle vision de
« l’alternance partenariale » est fondée sur les apports croisés des différents acteurs « l’alter, c’est les
autres » (dixit Philippe RISTORD).
Lalternant : "sur la logique du faire", l’entreprise : "sur la logique de production", la famille qui est
dans une forme d’accompagnement et enfin l’organisme de formation.
On est donc dans une logique systémique où « 1 + 1 = 3 » : ces lieux sont tous des lieux
d’apprentissage qui profite donc à l’ensemble de ces partenaires chacun dans sa logique.
Il y a une fonction polémique de l’apprentissage : comment ces différentes logiques des acteurs se
rencontrent, y compris en provoquant du « bruit » ?
"Les compagnies aériennes les plus sûres dans le monde sont celles où l'on regarde l’erreur non pas
comme un échec mais comme une possibilité d’apprendre." Ainsi, être capable de jouer cette fonction
polémique (construction dialectique du rapport au savoir) est essentiel, et l’alternance le permet.
C’est une source d’apprentissage autonome, les alternants oscillent entre la singularité des
expériences et la conformité des référentiels. Il y a aussi, dans l’alternance, une logique éducative au
sens de conduire d’un point à un autre, l’alternance tend d'ailleurs à remettre en cohérence le monde
des adultes, à poser des repères.
Lalternance comme « temps plein de formation à rythme approprié » fonctionne si on retravaille sur
l’entreprise (tutorat, confier des responsabilités à l’alternant ce qui peut, moi dans ma pratique, me
réinterroger, etc.). Ceci passe notamment par une révision des modalités de fonctionnement des
organismes de formation et des formateurs : comment outiller le lien entreprise / OF, entreprise /
famille … dans ce domaine ? Il y a un vrai travail à conduire...
Une expérience, menée en Aquitaine, est présentée par Béatrice SERRAJ.
Celle-ci vise à mettre en place des contrats d’apprentissage pour des publics particulièrement en
manque d’autonomie, ce qui demande une capacité de changement de l’ensemble des acteurs en
présence (organisme de formation, autres alternants, entreprise).
La situation : un apprenti, préparant un bac pro de mécanicien, ayant des troubles cognitifs
(dyslexie) à un niveau important, si bien qu'il a des difficultés de lecture, de compréhension, d'écoute
et de prise de note simultanée, etc.
Un aménagement est proposé : Il s'agit de la mise à disposition d’un lecteur-scripteur, prise de note
à la place de l’apprenti, avec des enregistrements, des appuis pédagogiques individualisés, un
renforcement de l’accompagnement en entreprise et également un apport à l’entreprise pour
comprendre les contraintes du jeune, etc.
Les résultats : parcours de 3 ans, réussite à l’examen, CDI dans l’entreprise dans laquelle la
personne handicapée a fait son apprentissage. Au-delà de la personne, une valorisation des
formateurs et de l’entreprise.
Laccompagnement comme modalité incontournable de la réussite d’un parcours en partant des
besoins des personnes en termes d’acquisition des compétences et en assurant le suivi. (parcours
sur mesure).
Systématiquement en début de parcours, il convient de réunir l’entreprise, le CFA, le référent de
parcours et, si la situation de handicap le nécessite, un « expert » handicap. Étant entendu que dans
ce modèle, on postule que chaque partie prenante a son expertise. Des temps sont dédiés à cette
coordination au cours du parcours de l’apprenant,
Les acquis d’une expérience partenariale de cette densité, sont porteurs d’une évolution de pratiques
qui va au-delà des personnes en situation de handicap puisque la densité partenariale mise en
œuvre à l’occasion de ce type de parcours essaime bien au-delà.
Ce projet a été primé lors de la remise des trophées de l’alternance en Aquitaine.
Cette situation n’est pas une exception, il existe aujourd’hui de multiples parcours de ce type avec
cette « confluence d’acteurs ».
Une 2ème expérience, portée par Charlotte FLEURENT, alternante qui revient sur son parcours
en alternance, vient ensuite illustrer la réflexion.
Charlotte FLEURENT a 23 ans, elle est apprentie en BTS MUC (BTS Management des unités
commerciales) via la MFR, en alternance dans une entreprise familiale.
Charlotte témoigne du souhait de ses parents de la voir poursuivre dans la filière générale, ce qu’elle
fait avant de s’engager dans la voie de l’apprentissage (« en sortant de 3ème je savais que je voulais
apprendre un métier, donc lalternance me convenait »). Elle s'engage en bac pro avec mention très
bien avant d’obtenir le prix du meilleur apprenti et entre en BTS MUC.
Dans ce cadre, elle doit présenter à l’entreprise ses projets, ses perspectives d’évolution, en
travaillant avec son tuteur. Elle constate un très bon encadrement au sein de la MFR, des apports
très importants également des autres apprentis. Elle est 2 semaines en entreprise / 2 semaines à
l’école.
Lapprentissage permet aussi, selon elle, d’avoir une rémunération (élément fort de motivation,
volonté d’indépendance vis-à-vis de la sphère familiale) et donc de créer les conditions d’une
autonomisation : achat d’une voiture, permis de conduire, appartement, etc. Pour réduire la fatigue
liée au temps de transport, la MFR a loué un appartement qu’elle met à disposition des apprentis
pour un loyer réduit.
Lentreprise est considérée en tant que modalité formative à part entière et pas uniquement comme
terrain de stage. La circulation de l’apprenant entre son domicile / l’OF et l’entreprise est formative en
soi. Certes, c’est contraignant pour l’alternant, mais cela permet de travailler sur les ruptures, de les
gérer, les accompagner, ce qui constitue un véritable levier en soi si ces ruptures sont
accompagnées.
D'après le témoignage de Charlotte FLEURENT, les ruptures (passage école / entreprise et
entreprise / école) sont parfois difficiles. Pour gérer ces ruptures, la MFR prévoit au moment du retour
des apprentis un temps dédié à l’accueil, qui fonctionne comme un « sas ».
Points Comment mobiliser l’entreprise ? Comment organiser la rencontre entre l'organisme de formation et
de débat l’entreprise ?
Malgré la mise en place de tuteurs / référents on constate parfois des oppositions entre ce qui est
enseigné en CFA et ce qui est appris en entreprise. Ce type d’écart peut "perdre" l’apprenti.
En outre, il peut y avoir des situations internes à l’entreprise qui viennent impacter la formation de
l’alternant. Dans ce cas-là, l’organisme de formation a une place centrale de régulateur afin que la
logique de production ne prenne pas le pas sur le parcours de l’apprenant.
Perspectives Des leviers de motivation sont identifiés :
Concernant la motivation des personnes pour s’orienter vers l’alternance, les leviers identifiés sont
les suivants :
- faire coexister l’idée du besoin à court terme souvent financier, avec le moyen terme (employabilité,
parcours de vie, emploi durable)
Concernant les entreprises, les leviers de la motivation identifiés sont les suivants :
- aides financières incitatives (ce qui pose question de la responsabilisation des pouvoirs publics) du
côté des OF : la structuration de services dédiés, mais il n’y a pas toujours de ressources sachant
faire et conseiller les entreprises.
Ressources « L’apprenance : vers un nouveau rapport au savoir », Editions Dunod, Ph.CARRE.
juridiques et « Une société sans école » - Y. ILLICH - Ed. du Seuil
documentaires « Education, milieu et alternance » - A. DUFFAURE - Edit. Universit. UNMFREO
« Motivation et alternance » - Daniel CHARTIER - Edit. Universit. UNMFREO
« Le nouveau formateur » - Isolde FEUILLETTE - Ed.Dunod
« Apprentissage et pratiques d’alternance » - P. BACHELARD
« La formation par production de savoirs » - D. CHARTIER et G. LERBET
« Partenariat et alternance en éducation : pratiques à construire » - J. CLENET, C. GERARD
« Une alternance réussie en lycée professionnel » - C. GUILLAMIN
« Socio-pédagogie de l’alternance » - Gilles BOURGEON
Aller plus loin Alternance : diversité et perspectives d’une filière de formation, dossier documentaire, Marie TUGAL,
juillet 2013, 204 p ; Site internet de Centre Inffo :
http://www.ressources-de-la-formation.fr/Alternance-diversite-et.html
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