LE SOLDAT VENTRE CREUX
, UNE COMEDIE GRINÇANTE ENTRE
REVE ET REALITE
Notes de mise en scène
La pièce commence par un récit, celui d'un
soldat. Il nous raconte son retour à la maison
après cinq années de guerre. Puis soudain, on
est dans l'histoire. Le soldat est devant la porte
de sa maison et ne peut pas entrer car un
autre y est déjà. Un autre lui-même. Il porte
son nom : Sosie. Il a pris sa place dans la
maison qu'il dit être sa maison. Le combat
entre les deux s'installe. Puis un troisième
soldat arrive. Il revient aussi de guerre et il
s'appelle aussi Sosie, il veut aussi entrer dans
cette maison qui est sa maison. Et la raison s'embrouille. Si le premier soldat a usurpé la place
du deuxième soldat alors qu'il était à la guerre, qui est le troisième soldat?
Plus l'histoire avance et plus elle devient à la fois étrangement limpide et obscure. Une
comédie grinçante entre rêve et réalité.
Ils sont maintenant trois qui disent avoir la même maison, la même femme et le même fils.
Mais ils ne peuvent pas tous les trois rêver, se tromper ou mentir. Ils s'appellent tous Sosie et
pourtant personne ne semble se reconnaître... Lui est le même, le même est l'autre, et
personne ne se ressemble. A moins qu'ils ne soient tous qu'un seul et même soldat ?
Retour de guerre d'un soldat qui fouille sa mémoire et le souvenir s'embrouille, devient confus,
absurdement tragique. L'héritage de la mémoire ressemble à une histoire piégée.
Les trois soldats, sans hésiter, entament le combat pour la place occupée. Dans cette guerre,
la seule règle est la loi du plus fort. Et ils n'ont qu'une seule chanson en tête : celle du petit
moucheron à la vie très brève. Car tous les soldats de ce coin du monde ont la vie brève
depuis la nuit des temps. C'est la chanson tragique d'un territoire en guerre qui envoie avec
détermination ses soldats à la mort. Un lieu où les hommes sont partagés en deux
communautés qui s'affrontent : les Israéliens et les Palestiniens, réunis par une histoire
commune qui les rend à la fois ennemis et frères, au point qu'ici les identités glissent les unes
sur les autres.
Volontairement, l'histoire ne donnera jamais aucune piste sûre au sujet des origines juives ou
arabes de ces trois soldats. Car la guerre prend tout : les biens, la famille, la mémoire, jusqu'à
l'identité. D'ailleurs il ne sera jamais dit qui est le soldat de la maison, ni même s'il existe. Ces
trois soldats Sosie sont peut être juste la trace d'une unité perdue, d'une vie d'avant la guerre
où tous vivaient sur le même territoire, dans la même "maison".
Cette histoire est aussi celle de toutes les guerres, depuis la nuit des temps.
Retour d'un soldat dont personne ne dit se souvenir, ni les voisins, ni le fils, ni même la femme
qui hurle que les trois soldats se ressemblent tous, et qu'il est impossible de les reconnaître.
Le Soldat ventre-creux soulève l'histoire de la vie abîmée par la guerre. Une guerre aveugle
aux petits, orchestrée depuis si longtemps qu'elle semble inévitable et irréversible.
Hanokh Levin dénonce ici, une fois de plus, le cercle vicieux de la haine qui sacrifie des vies
sans l'ombre d'un doute, l'utilisation du religieux à des profits purement matériels et politiques.