CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE “Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.” Voltaire LE RÉENCHANTEMENT DU MONDE Introduction au réenchantement naturaliste et matérialiste du Cosmos CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN Comete Hall-Bopp, 1997. Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél : 05.61.42.14.40 Email : [email protected] Site : www.alderan-philo.org conférence N°1600-126 LE RÉENCHANTEMENT DU MONDE Introduction au réenchantement naturaliste et matérialiste du Cosmos Conférence d’Éric Lowen donnée le 06/05/2011 à la Maison de la philosophie à Toulouse Le changement de paradigme dans la compréhension de l’Univers intervenu depuis le début du 20ème siècle avec la révolution cosmologique est tel que nous pouvons dire que nous vivons dans un “autre” univers que celui de nos grands-parents. Ce changement a souvent été interprété comme un désenchantement. Or, loin d’être absurde et “désenchanté”, l’univers se révèle infiniment plus enchanteur qu’on ne le pensait mais de manière totalement inverse aux enchantements traditionnels des religions : désormais, c’est le visible et la matière, la rationalité et la connaissance, la nature et l’évolution autocréatrice du monde qui sont porteurs de la beauté, de l'émerveillement, de la symphonie du monde et de l’extraordinaire aventure de la vie. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 2 LE RÉENCHANTEMENT DU MONDE Introduction au réenchantement naturaliste et matérialiste du Cosmos PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN Assez de gens ont toujours dans la tête un faux merveilleux enveloppé d’une obscurité qu’ils respectent. Ils n’admirent la nature, que parce qu’ils la croient une espèce de magie où l’on n’entend rien ; et il est sûr qu’une chose est déshonorée auprès d’eux, dès qu’elle peut être conçue. Fontenelle (1657-1757) Entretiens sur la pluralité des mondes I LA PROBLÉMATIQUE DU DÉSENCHANTEMENT 1 - On parle souvent du désenchantement et de l’absurdité du monde 2 - Si beaucoup d’auteurs parlent du “désenchantement” du monde, peu le comprennent 3 - C’est même devenu un poncif de la critique de notre ”modernité” 4 - Mais pourquoi de telles notions “négatives” ? Sont-elles réalités ou interprétations ? 5 - Une problématique qui est liée à des questions humaines plus qu’à des faits cosmologiques 6 - L’importance du besoin anthropologique d’une relation porteuse de sens avec le monde 7 - Une situation en partie liée aux attachements aux visions traditionnelles 8 - Le problème posé par le désenchantement du monde est donc le désenchantement du monde II PRÉCISIONS SUR LES “ENCHANTEMENTS” TRADITIONNELS 1 - Retour sur ces conceptions que certains qualifient à rebours “d’enchanteur” 2 - Ces conceptions traditionnelles sur le monde étaient données par les religions 3 - Elles n’avaient pas de corrélation intrinsèque avec la nature réelle du Cosmos 4 - Elles étaient fondées sur les rapports primaires de l’homme avec ce qu’il percevait du Cosmos 5 - Dans ces conceptions, l’homme est en général le pivot central du monde 6 - Mais est-on sûr que ces conceptions étaient “enchanteresses” pour les gens qui y adhéraient ? III PRÉCISIONS SUR LE PROCESSUS DE “DÉSENCHANTEMENT” 1 - Qu’est-ce que le “désenchantement du monde” au-delà de cette expression ? 2 - Dernière cette expression, le progrès de notre connaissance du réel 3 - Donc un extraordinaire mouvement spirituel de sortie de l’ignorance et d’éveil au monde 4 - Un processus qui est aussi une émancipation de l’homme à l’égard des croyances et des superstitions religieuses 5 - Un processus bien plus ancien qu’il n’y parait, qui commence dès l’antiquité 6 - Le résultat progressif du développement scientifique, qui explose au 17ème siècle 7 - Le rôle stratégique des révolutions scientifiques comme autant de révolutions philosophiques IV LES CONSÉQUENCES IMMÉDIATES DE CES PROGRÈS 1 - L'écroulement radical et total de la crédibilité des croyances anciennes sur le monde 2 - Un changement complet dans la représentation du monde : nous vivons dans un autre monde ! 3 - Le début d’une crise “spirituelle” pour les religions fondées sur ces anciennes conceptions 4 - Comment vont-elles gérer cette immense dissonance cognitive ? 5 - Cela provoqua des réactions d’opposition à la science et un repli traditionaliste négascientiste 6 - Cela entraîna aussi des réactions déceptives : nihilisme, absurdisme, existentialisme sartrien, théories du désenchantement du monde... Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 3 V LE RÉENCHANTEMENT MATÉRIALISTE ET RATIONNEL DU MONDE 1 - La méconnaissance ou l’occultation de la véritable conséquence : le réenchantement du monde 2 - Cette exploration dessillante du réel a entraîné un réenchantement novateur du monde 3 - La découverte de la nature émerveillante et extraordinaire de la complexification naturelle, matérielle, contingente, rationnelle et sans déité du monde ! 4 - Loin d’être absurde, le cosmos se révèle porteur de sens et de beauté 5 - Un double processus positif de désillusionnement et d’éveil cosmique 6 - Une crise de croissance difficile mais nécessaire pour sortir d’une vision cosmique infantile 7 - Le désenchantement du monde est une interprétation défensive des opposants à ce processus 8 - Le désenchantement n’existe que pour ceux qui n’acceptent pas l’éveil à la réalité du monde 9 - Les tentatives obscurantistes de revenir à des enchantements religieux (Jean Staune de l’UIP) VI LA NATURE RADICALEMENT NOVATRICE DE CE “RÉENCHANTEMENT” 1 - Un réenchantement radicalement novateur, d’une nature supérieure aux anciens enchantements 2 - Il n’est plus fondé sur la croyance religieuse mais sur la connaissance objective et rationnelle du réel 3 - Une conscience plus grande de la nature réelle du cosmos 4 - La prise de conscience de l’aventure extraordinaire du monde, du vivant et de la conscience 5 - Le monde et la vie sont bien sensés, mais de manière interne et non-anthropocentrique 6 - La découverte de la magnificence et de la symphonie du monde 7 - Une transcendance présente dans le monde et surtout produite par le monde, donc horizontale et non plus verticale VII CONCLUSION 1 - Le désenchantement du monde, la nostalgie d’une utopie qui n’a jamais existé, une rétro-utopie 2 - La seule réponse au désenchantement est le réenchantement matérialiste 3 - Le réenchantement moderne du monde, fondation de toutes les sagesses modernes ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 4 Document 1 : Au 19ème siècle, la voix la plus connue signalant le désenchantement du monde classique judéochrétien est Nietzsche (1844-1900), avec principalement “Ainsi parlait Zarathoustra”. Si nous ne faisons pas de la mort de Dieu un grandiose renoncement et une perpétuelle victoire sur nous-mêmes, nous aurons à en supporter la peine. Friedrich Nietzsche (1844-1900) Fragments de l’automne Document 2 : L’œuvre philosophique de Saint-Exupéry est fortement marquée par la conscience du désenchantement du monde (Terre des hommes, Pilote de guerre, les Carnets, Citadelle) et par la prise de conscience de la nécessité de redonner un sens à la vie et au monde. Il avait entrevu le réenchantement du monde mais sans pouvoir le formuler. Père Sertillanges comment prétendez-vous nous séduire en nous injuriant ? Comment prétendez-vous nous convaincre en nous traitant d'emblée comme des enfants que l'on morigène? Du haut de votre orgueil vous taxez d'orgueil ce qui établit notre dignité, d'orgueil et de désir de «stupre». Ignorez-vous donc que les conditions de nos connaissances depuis le Moyen-Âge ont bien changé ? Ignorez-vous donc que nous considérons comme un lâche dans la démarche scientifique quiconque pour sauver une théorie qui lui est chère refuse de la soumettre à une critique serrée des faits et de l'histoire ? Nous savons être probes même s'il en coûte à notre paix. Nous avons accepté pour discipline de toujours distinguer le légendaire de l'authentique et le document de l'hypothèse. Les adversaires de Pasteur, vous les avez reniés avec nous. Et brusquement dans l'ordre des choses qui touche non seulement les commodités de notre vie mais son sens même, qui engagera tous nos actes et presque nos mouvements les plus intimes, vous tonnez contre nous lorsque nous hésitons, gênés au seuil de votre Église, désireux à la fois de servir encore la vérité et de rester enchantés par les fables. (...) Il eût fallu, puisque vous accordez à la révélation tant d'importance, nous dire pourquoi vous n'en accordez plus aucune aux témoignages qui seuls nous l'ont transmise. Pourquoi il faut croire à la résurrection sur des documents dont les auteurs sont inconnus et dont pas un n'a vécu du vivant du Christ. Pourquoi, quand votre Église insiste tant sur l'histoire sans importance de Jacob, elle insiste si peu sur la genèse des Évangiles, le choix qui a présidé à leur sélection, les mobiles de certains refus. Puisque cette authenticité même est la clef de voûte de votre Église. Il eût fallu nous dire pourquoi la «pétition de principe» que partout ailleurs nous considérons comme indigne d'un homme qui respecte la pensée et qui vous indigne autant que nous quand vous la démasquez chez vos adversaires, devient dans votre Église, si brusquement une qualité faite d'humilité et d'obéissance ? Le choix des évangiles est certain, parce que les conciles qui y présidèrent étaient infaillibles. Ils étaient infaillibles parce que parlant au nom du dieu des évangiles. Mais ce dieu-là n'est démontré qu'autant que ce choix fut certain. Et que faites-vous des contradictions ? (visitation, résurrection, etc.) qui tout au moins entachent de faiblesses humaines un document d'ordre divin. Et que faites-vous des citations de mauvaise foi et destinées à Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 5 faire cadrer après coup le Christ avec celui qu'annonçaient les prophètes ? Et que faitesvous des positions de repli et des changements de ton successifs de l'Église ? Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) Carnets, 2, 20, posthume, 1953 Document 3 : Voici un exemple très proche de nous d’un auteur (fort intéressant par ailleurs) pris dans la sensation négative du désenchantement du monde. Il a intégré les progrès des connaissances scientifiques et leurs impacts sur les anciennes croyances, mais en restant en fin de compte attaché affectivement aux croyances des sagesses anciennes. Ses propos sont donc faux mais il atteste de la déchirure intérieure pour les personnes qui n’ont pas réussi à dépasser ce désenchantement et à percevoir les perspectives du réenchantement du monde (c’est peut-être une question de génération ?). Pourtant il y a quelque chose dont Newton doit être tenu responsable ou, pour mieux dire, pas seulement Newton, mais la science moderne en général, c'est la division de notre monde en deux. J'ai dit que la science moderne avait renversé les barrières qui séparaient les Cieux et la Terre, qu'elle unit et unifia l'Univers. Cela est vrai. Mais, je l'ai dit aussi, elle le fit en substituant à notre monde de qualités et de perceptions sensibles, monde dans lequel nous vivons, aimons et mourons, un autre monde : le monde de la quantité, de la géométrie déifiée, monde dans lequel, bien qu'il y ait place pour toute chose, il n'y en a pas pour l'homme. Ainsi le monde de la science - le monde réel s'éloigna et se sépara entièrement du monde de la vie, que la science a été incapable d'expliquer - même par une explication dissolvante qui en ferait une apparence “subjective”. En vérité ces deux mondes sont tous les jours et de plus en plus unis par la praxis. Mais pour la théorie ils sont séparés par un abîme. C'est en cela que consiste la tragédie de l'esprit moderne qui résolut l'énigme de l'Univers mais seulement pour la remplacer par une autre : l'énigme de lui-même. Alexandre Koyré (1892-1964) Études newtoniennes, 1968 Document 4 : Au lieu de prendre négativement les origines animales (interprétation classique du désenchantement), il s’agit de le prendre positivement en le replaçant dans la marche en avant de la vie et de ses processus de complexification - dés lors, le désenchantement fait place à un réenchantement, donc à une véritable philosophie issue du progrès de la connaissance du monde. Tous les organismes vivants qui ont jamais vécu sur cette terre descendent probablement d’une même forme première dans laquelle fut insufflée la vie (...) Il y a de la grandeur dans cette conception d'une vie riche de tant de pouvoirs, modelée à l'origine par le Créateur en quelques formes, ou en une seule ; et dans le fait que, tandis que cette planète ne cessait de tourner selon les lois immuables de la gravité, d'innombrables créatures, chaque fois plus belles et plus admirables, se sont formées et continuent de se former à partir d'un commencement aussi simple. Charles Darwin (1809-1882) L'origine des espèces, 1859 Document 5 : Le réenchantement du monde se trouve aussi bien dans l’extraordinaire développement du vivant, qui a demandé des milliards d’années pour produire sur notre planète l’organisation des êtres vivants actuels. J’ai passé ma vie à tenter de pénétrer les structures du rein et j’y ai trouvé des merveilles. Je voudrais dire la beauté du glomérule, formation microscopique dont chacun de nous possède deux millions d’exemplaires au sein de son tissu rénal. Imaginez d’abord une forêt de milliers de fines et grêles tiges creuses, qui semblent s’élancer vers la périphérie du rein en s’arborisant et se contournant. En réalité, c’est à la périphérie, sous l’écorce du rein, qu’elles naissent, avec une sorte de bouquet à cette extrémité : le glomérule. Au centre du bouquet, un support élégant, fait d’une matrice amorphe pleine d’innombrables cellules vivantes et, sur chacune de ces cellules, de minuscules éminences dont chacune renferme un fin faisceau de fibres qui ressemble à une gerbe de blé. Autour de cet axe central, s’enroule un foisonnement de capillaires sanguins, jaillissant en anses gracieuses à partir de quatre ou cinq branches Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 6 d’une très petite artère qui amène le sang au glomérule. Vue à de plus forts grossissements, chacune de ces anses capillaires révèle d’autres détails d’une beauté plus grande encore. La paroi du vaisseau apparaît alors comme un lavis surréaliste, dessinant un interminable ruban flanqué sur son bord extérieur de protubérances aux formes déliées et inégales, qui ne sont autres que les pieds bizarrement entrecroisés de cellules, elles-mêmes entourées d’un enduit original qu’on peut colorer vivement par le bleu alcian ou le rouge de ruthénium. Ces images fantasmagoriques n’ont d’abstrait que l’apparence : plus on avance dans la connaissance du filtre ingénieux que constitue le glomérule, et mieux on aperçoit que son assemblage ne forme pas seulement un bel objet, mais qu’aucun de ses innombrables détails n’est placé au hasard : chacun participe à l’intelligence du tout. Le design est étonnamment fonctionnel. Et le sentiment de beauté et de perfection s’accroît encore si on se souvient qu’une formation si riche de formes diverses mesure deux dix-millièmes de millimètre. Jean Hamburger (1909-1992) Le Miel et la Ciguë Document 6 : Parmi les astronomes qui avaient le mieux compris le réenchantement du Cosmos, il faut citer le regretté Carl Sagan (1934-1996). Ce qui explique la haute dimension philosophique de son œuvre et de sa conscience de l’Humanité dans l’Univers. La superstition n'est que lâcheté devant le Divin, écrivait Théophraste, qui vivait au temps de la fondation de la bibliothèque d'Alexandrie. Nous habitons un Univers où les atomes sont fabriqués au cœur des étoiles ; où chaque seconde naît un millier de soleils ; où la lumière solaire et les éclairs font jaillir l'étincelle de la vie dans les airs et les eaux de jeunes planètes ; où la matière première de l'évolution biologique provient parfois de l'explosion d'une étoile au milieu de la Voie lactée ; où une chose aussi belle que la formation d'une galaxie s'est produite cent milliards de fois un Cosmos de quasars et de quarks, de flocons de neige et de lucioles, et, peut-être, de trous noirs et d'autres univers, et de civilisations extra-terrestres dont les messages radio gagnent à cet instant la Terre. Combien sont mièvres, en comparaison, les prétentions de la superstition et de la pseudo-science ; combien est important pour nous de persévérer dans cet effort qui caractérise l'homme : la poursuite et la compréhension de la science. Chaque aspect de la Nature révèle un profond mystère et éveille en nous un sentiment de respect émerveillé. Théophraste avait raison. Ceux qui ont peur de l'Univers tel qu'il est réellement, ceux qui refusent de croire à la connaissance et se contentent d'imaginer un Cosmos dont les êtres humains seraient le centre, préfèrent le confort éphémère des superstitions. Ils évitent le monde au lieu de se confronter à lui. Mais ceux qui ont le courage d'explorer la structure et la texture du Cosmos, en acceptant qu'il diffère profondément de nos souhaits et de nos préjugés, pénétreront ses mystères les plus cachés. Jusqu'à présent, aucune autre espèce sur la Terre n'a accédé à la science. Elle reste une invention humaine, produit d'une sorte de sélection naturelle qui s'est opérée dans le cortex cérébral, et ce pour une simple raison : les bons résultats obtenus. La science n'est pas parfaite. Elle peut être mal utilisée. Elle demeure cependant de loin notre meilleur outil, capable de se corriger lui-même, d'aller sans cesse de l'avant, de s'attaquer à tout. Deux règles s'imposent. La première : reconnaître qu'il n'existe pas de vérités sacrées ; examiner toutes les assertions avec un esprit critique ; déclarer sans valeur les arguments qui tirent leur force de l'autorité. La seconde : écarter ou réviser tout ce qui contredit les faits. Nous devons essayer de comprendre le Cosmos tel qu'il est, et non tel que nous souhaiterions qu'il soit. Ce qui parait le plus évident se révèle souvent faux, l'insolite souvent vrai. Carl Sagan (1934-1996) Cosmos Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 7 Document 7 : Le réenchantement du monde oblige à repenser le sens de la mort. La mort ne rend pas la vie absurde, elle participe des mécanismes et du sens de la vie. La fin naturelle d’une chose, ou même accidentelle, n’entraîne aucune dévalorisation de ce qu’elle a été, de ce qu’elle est, et de ce qu’elle est devenue. La vie n’en est pas moins belle parce qu’elle est limitée. C’est un processus indispensable pour permettre la naissance de nouveaux êtres et le développement de nouveaux champs du réel. La beauté d’une pièce de Shakespeare n’est pas diminuée par le fait qu’elle ne dure pas éternellement. La fin apoptotique d’une chose ne lui enlève rien, bien au contraire puisque elle participe de sa nature constructive et de son cadre relationnel avec le restant de son environnement. La mort de l’être aimé n’est pas la négation ou l’annulation de l’amour qui a uni deux êtres. Le principe est universel, de la condition humaine à la vie du Cosmos lui-même. La fin naturelle de notre soleil détruira le système solaire mais elle n’annulera pas l’histoire de ce système solaire, ni l’aventure prodigieuse qu’il a permis d’exister sur sa troisième planète, la Terre. Cette fin stellaire écrira seulement le dernier acte de la pièce. Le fait que la vie soit mortelle n’est pas une raison de renoncer à la vie. La fin apoptotique ne rend pas vains les efforts humains et les activités humaines. Elle leur donne au contraire une dignité et une noblesse supérieure. Il faut les vivre, agir et œuvrer pour ce qu’ils sont en soi et nous apportent, ici et maintenant ; d’autant plus parce que la mort existe. La vie et les grands idéaux de l’existence humaine sont toujours valables même après la prise de conscience de la nature apoptotique des choses et des êtres. De plus, la fin des illusions métaphysiques permet de comprendre l’intérêt et la validité des grand idéaux humanistes de liberté, de fraternité, d’amour, de bonheur, de quête de savoir ou de beauté. William Ruthenford Le destin de l’Humanité, du désenchantement au réenchantement du monde Revue ALDÉRAN N°28 Document 8 : Ce réenchantement du monde est loin d’être achevé, nous n’en sommes qu’au début. Plus la science avance, plus nous sommes étonnés. Nous sommes passés d'une image géocentrique à la conception héliocentrique, puis sont venues les galaxies, enfin l'idée d'univers multiples. Tout le monde a entendu parler du «big bang». Pour la science, il n'y a pas d'événement unique. D'où l'idée de l'existence d'univers multiples. D'un autre côté, l'homme reste jusqu'ici le seul vivant qui prend conscience de cet étonnant univers, dont il est sorti et qu'il modifie à son tour. La condition humaine est d'assumer cet étonnement et cette ambiguïté. Nos chimistes produisent chaque année des milliers de molécules, dont un grand nombre se trouve dans les produits naturels. C'est un exemple de la créativité de l'homme au sein de la créativité de la nature. Cet étonnement nous conduit au respect de l'autre. Nul ne possède la vérité absolue - pour autant que cette expression ait un sens. Je crois que Richard Tarnas a raison : «La passion la plus profonde de l'esprit occidental est de retrouver son unité avec les racines de son être.» Cette passion a mené à l'affirmation prométhéenne du pouvoir de la raison, mais cette raison peut aussi conduire à une aliénation, une négation de ce qui fait la signification et la valeur de la vie. C'est aux générations futures de construire une nouvelle cohérence, incorporant valeurs et science. Que se taisent les prophéties de la «fin de la science», de la «fin de l'histoire» ou encore de l'avènement d'une «posthumanité». Nous ne sommes qu'au début de la science, loin du temps où on croyait qu'avec quelques lois fondamentales on pouvait décrire l'univers. À la fois dans le microscopique (tel qu'associé aux particules élémentaires) et le macroscopique autour de nous, l'astrophysique, nous rencontrons le complexe, l'irréversible. C'est aux générations futures de construire une nouvelle science incorporant ces notions. Elle en est encore à ses balbutiements. Ilya Prigogine (1917-2003) Les jeux ne sont pas faits, Lettres aux générations futures Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 8 DÉCOUVREZ NOTRE AUDIOTHÈQUE pour télécharger cette conférence, celles de la bibliographie et des centaines d’autres Tous nos cours et conférences sont enregistrés et disponibles dans notre AUDIOTHÈQUE en CD et DVD. Des milliers d’enregistrements à disposition, notre catalogue est sur notre site : www.alderan-philo.org. Plusieurs formules sont à votre disposition pour les obtenir : 1 - PHILO UPLOAD : un abonnement annuel pour un libre accès à la totalité des enregistrements disponibles. 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Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 9 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS - Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen - Revue de philosophie “ALDÉRAN” N°27 : Le plus vaste horizon du monde, par William Ruthenford N°28 : Le réenchantement du monde, par William Ruthenford N°29 : La seconde mort de dieu, par William Ruthenford Conférences sur la fabrication du réel - La fabrication du monde, voyage au cœur de l’évolution créatrice - Le Big bang et les premiers instants de l’univers - La création du système solaire, notre archipel cosmique - La naissance de la terre, notre oasis spatial dans l’immensité infini de l’espace - L’apparition de la vie sur la Terre - L’histoire de la vie sur notre planète, de la biogenèse à aujourd’hui - Les origines préhistoriques de l’Être Humain, l’anthropogenèse évolutionniste de l’homme 1600-302 1000-032 1000-055 1000-275 1000-077 1000-276 1000-031 Conférences sur l’histoire des révolutions scientifiques - Les grandes révolutions scientifiques - La révolution scientifique, l’invention de la Science et des sciences - La révolution euclidienne, la découverte de la nature mathématique du monde - La révolution hérodotienne, l’invention de l’Histoire - La révolution astronomique, la découverte de la nature ordonnée du cosmos - Les grandes découvertes maritimes, révolutions géographiques et humaines - La révolution copernicienne, le début du décentrage du monde - La révolution galiléenne, l’explosion des limites du cosmos - La révolution newtonienne, la découverte des forces naturelles - La révolution naturaliste : Linné, Buffon, Cuvier et les autres - La révolution chimique, la découverte de la puissance interne de la matière - La révolution biologique, le début de l’exploration des mécanismes de la vie - La révolution de la thermodynamique, le début de la physique de l’énergie - La révolution électromagnétique, la découverte des pouvoirs de l’électricité et du magnétisme - La révolution géologique, la découverte de l’extraordinaire ancienneté de la terre - La révolution préhistorique, la découverte d'une humanité avant l'humanité - La révolution darwinienne, la découverte des origines animales de l'humanité - La révolution archéologique, la découverte de l’immensité du passé culturel de l’humanité - La révolution sociologique, l’invention des sciences sociales - La révolution psychologique, la découverte du psychisme humain et de son origine immanente - La révolution freudienne, la découverte de l’inconscient et de l’origine contingente du sujet - La révolution atomiste, la découverte de la puissance intérieure de la matière - La révolution einsteinienne, la naissance de la cosmologie moderne - La révolution quantique, les surprises de la physique quantique - La révolution ethnologique - La révolution cosmologique, la découverte du big bang et des premiers instants de l’univers - La révolution génétique, l’accès aux mécanismes intimes de la vie - La révolution des neurosciences, l’exploration de la matière pensante, le cerveau humain 1600-287 1000-071 1000-219 1000-233 1000-119 1000-151 1000-052 1000-038 1000-148 1000-163 1000-082 1000-118 1000-190 1000-205 1000-206 1000-192 1000-041 1000-213 1000-264 1000-265 1000-042 1000-200 1000-072 1000-193 1000-266 1000-209 1000-073 1000-083 Conférences sur le Cosmos - La nouvelle réalité du cosmos - Éloge du cosmos, introduction à une ontologie positive - La réalité du cosmos, la réalité de la réalité - la défaite de Platon - La naturalité du cosmos, pour en finir avec les illusions du surnaturel - La matière triomphante, la victoire de Démocrite - L’unité du cosmos, l’unité derrière la pluralité des apparences du réel - Les lois de la nature existent-elles ? - La rationalité du monde, de la nature rationnelle du cosmos 1600-290 1600-289 1600-004 1600-108 1600-178 1600-073 1600-106 1600-291 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 10 - La connaissabilité du monde, l'étonnante connaissabilité du cosmos - L’éloge de l’impermanence, la fin du mythe de la permanence - La temporalisation du réel, la revanche de chronos - De la nécessité et du hasard, le jeu créateur du hasard et de la nécessité dans le cosmos - Le déterminisme innovationniste, la prévisible imprévisibilité du déterminisme - Ordre et chaos dans le cosmos - L’évolution créatrice, l’autocréation constante du monde - Principe de complexité et propriétés émergentes dans le cosmos - La nécessité du hasard, le chaos créateur - L’effet papillon, la prévisibilité de l’imprévisibilité - Cosmodiversité et biodiversité, l’expansion de la diversification du réel - L’infinité des champs du réel, les possibilités infinies du devenir ouvert du monde - L’être humain et le cosmos, vers une nouvelle alliance - L’illusion du principe anthropique, le retour déguisé d’un finalisme anthropologique - Le réenchantement du monde, introduction au réenchantement naturaliste et matérialiste - La magnificence du cosmos - La symphonie du monde - La transcendance horizontale du cosmos - Le miracle du monde 1600-156 1600-090 1600-183 1600-040 1600-185 1600-061 1600-124 1600-182 1600-091 1600-081 1600-086 1600-135 1600-125 1600-181 1600-126 1600-094 1600-122 1600-113 1600-116 Conférences en relation avec des notions présentées dans cette conférence - Pourquoi la religion aujourd’hui ? - L’invention de dieu, création des hommes - L’obsolescence de dieu - Sagesses d’hier, sagesses d’aujourd’hui - L’athéisme religieux - La place de l’Être Humain dans le Cosmos - Le sens de la vie, de l’universel au particulier - Le besoin de sens dans la condition humaine - Subjectivité et objectivité, la voie de l’objectivisation - Éloge de la raison - Les voies de la connaissance - Le sens spirituel des origines animales de l’Humanité - Il n’est d’aventure que spirituelle - Pour en finir avec la métaphysique - L’aventure humaine - Le devenir de l’Humanité - La libération de l’Humanité 1600-186 1600-127 1600-015 1600-045 1600-117 1600-043 1600-038 1600-109 1600-084 1600-152 1600-066 1600-057 1600-231 1600-107 1600-096 1600-097 1600-080 Quelques livres sur le réenchantement matérialiste du monde - Le chaos, la complexité et l'émergence de la vie, John Gribbin, Flammarion, 2010 - Du vrai, du beau, du bien, Jean-Pierre Changeux, Odile jacob, 2010 - Arpenter l’infini, Ian Stewart, Éditions Dunod, 2010 - Aux origines du monde : une histoire de la cosmogonie, Jean-Pierre Verdet, Seuil, 2010 - Forme et origine de l'univers, Regards philosophiques sur la cosmologie, Aurélien Barrau, Daniel Parrochia, Dunod, 2010 - Anaximandre de Milet, ou la naissance de la pensée scientifique, Carlo Rovelli, Dunod, 2009 - La magie du cosmos, Brian Greene, Folio Essais, 2007 - Les enfants du soleil, histoire de nos origines, André Brahic, Nil, 2000 - Oiseaux, merveilleux oiseaux - Les dialogues du ciel et de la vie, Hubert Reeves, Seuil, 1998 - Infini des philosophes, infini des astronomes, Collectif, Belin 1995 - Terre-patrie, Edgar Morin, Seuil, 1993 - La nouvelle alliance (1979), Ilya Prigogine, Isabelle Stengers, Gallimard, 1986 - Cosmic connection, ou l’appel des étoiles, Carl Sagan, Seuil, 1975 - L’origine des espèces, Charles Darwin (1859), La découverte, 1989 - The complete poems, Walt Whitman (1855), Penguin books 1977 - Walden ou la vie dans les bois, Henry David Thoreau (1854), Gallimard, 1990 - Entretiens sur la pluralité des mondes, Fontenelle (1687), Flammarion, 1998 Quelques livres sur la question sociologique du désenchantement du monde - La revanche de Dieu. Chrétiens, juifs et musulmans à la reconquête du monde, Gilles Kepel, Seuil, 1991 - Le Désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Marcel Gauchet, Gallimard, 1985 - Max Weber et l'histoire, Catherine Colliot-Thélène, PUF, 1990 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 11 - Le réenchantement du monde, Peter Ludwig Berger, Bayard, 2001 Livres de partisans du retour à des enchantements religieux - Notre existence a-t-elle un sens ?, Jean Staune, Presses de la Renaissance, 2007 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-126 : “Le réenchantement du monde“ - 21/11/2001 - page 12