Document 1 : Le monde n’est plus le cadre passif où nous sommes, nous faisons partie du cosmos et nous
sommes faits de lui.
La science a non seulement montré l’aspect grandiose et bouleversant d’un univers
accessible à l’intelligence humaine, mais elle nous a appris qu’au sens le plus réel, le
plus concret, nous faisons partie du Cosmos ; que, nés de lui, nous ne pouvions séparer
notre sort du sien. Les événements humains essentiels, tout comme les plus anodins,
nous ramènent à l’Univers et à ses origines. L’ambition de cet ouvrage est d’explorer
cette perspective cosmique. Carl Sagan
Cosmos, préface
Document 2 : Si le vieil anthropocentrisme géocentrique est aujourd’hui dépassé, il s’est métamorphosé
dans la croyance anthropofinaliste du principe “anthropique fort”. Sous des différences de langage, c’est
pourtant la même mentalité qui s’exprime.
Le fait de vouloir à tout prix attribuer une finalité à l'Univers montre que certains
scientifiques contemporains n'ont pas été vaccinés par l'histoire du géocentrisme et
persécutions qu'il a engendrées. Ils remettent à leur manière l'homme au centre de
l'Univers. Dans le débat «entropie et anthropie», ils arguent de la complexité croissante
de l'étoile à la planète, puis de la planète à l'homme, pour suggérer que celui-ci soit bien
le but de l'Univers. Quelle ambition démesurée ! Quelle mégalomanie ! Et quelle
régression ! Ils ressemblent aux bébés qui se croient le centre du monde et se mettent à
hurler si on ne leur accorde pas l'attention exclusive qu'ils désirent. L’idée que l'Univers
aurait un but, que nous aurions été assez intelligents pour le découvrir, et que nous
serions nous-mêmes ce but, ne paraît pas plus raisonnable qu'imaginer la Terre immobile
au centre de l'Univers et le ciel tournant autour d'elle. Simplement, cette vision
nombriliste contemporaine se pare d'une terminologie scientifique qui la fait apparaître un
peu plus sérieuse.
Comment croire en effet que les hommes apparus depuis environ deux millions d'années
sur Terre feraient partie du Grand Dessein de l'Univers ? Si cela était vrai, on pourrait
remarquer avec le sourire que l'Univers est une machine décidément ni très efficace ni
très rapide. Contentons-nous en l'occurrence de citer Diderot «On ne sait jamais ce que
le ciel veut ou ne veut pas, et il n'en sait peut-être rien lui-même.» André Brahic
Les enfants du soleil, 1999
Document 3 : Le sentiment d’écroulement des anciens repères cosmologiques fut particulièrement sensible
entre le milieu du 19ème siècle et la fin de la deuxième guerre mondiale. Les réflexions de Saint-Exupéry
reposent en partie sur ce sentiment intermédiaire, transitoire par essence, à la fois de la montée des
données scientifiques et rationnelles sur le cosmos, et de l’autre la nostalgie de cette vision cohérente et
signifiante que portaient les vielles croyances. Aujourd’hui, nous pouvons comprendre que ce
désenchantement du monde a laissé place à un processus inverse, de ré-enchantement fondé sur une
meilleure compréhension de l’univers et de la nature humaine. Il a fallut simplement un peu de temps que ce
sens, cette fois-ci intrinsèque à l’univers, s’affirme et soit compris.
Mais le christianisme ne s'opposait à rien dans le monde romain. Aujourd'hui il entre en
conflit avec des chapitres de ma pensée auxquels j'ai le droit de tenir. J'ai le droit de tenir
aussi aux valeurs religieuses. Mais j'ai le droit de regretter qu'en ne conciliant plus le
monde elle ne présente plus cette évidente synthèse qu'elle offrait au monde romain. Je
n'ai plus de langage cohérent. Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944)
Carnets, I, 98, posthume, 1953
Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-125 : “Le cosmos et l’Être Humain“ - 18/10/1997 - page 5