Une économie en quête de solidarité – ALC – 1er juin 2012
Beaucoup d’économistes et de responsables politiques se retrouvent alors pour estimer que
cette crise n’en est pas une mais traduit une formidable mutation vers un monde nouveau dont
aucun ne peut raisonnablement dessiner les contours. Certains évoquent même un temps
comparable à celui de la Renaissance en Europe.
2-Les nouveaux contours la société française
Pendant que l’Europe et les Etats- Unis s’enfoncent dans la crise, la société Française évolue.
Elle sort des cadres établis du temps des 30 glorieuses et éloigne les perspectives d’une
société apaisée. Les inégalités de toute nature s’accroissent, les écarts de conditions de vie
s’amplifient entre les protégés et les exposés, ceux qui ont un emploi ou un logement et ceux
qui n’en ont pas, les hauts salaires et les bas revenus. Les travailleurs sociaux doivent faire
face à de nouveaux défis.
1-Les modes de vie transforment la société
Pour le sociologue Jean Viard
, c’est la durée des vies qui a le plus changé notre société, avec
une augmentation de 25 ans de l’espérance de vie en un siècle alors que la durée du travail
diminuait des 2/3 pendant ce même temps. Le temps libre, hors travail et hors sommeil a ainsi
été multiplié par 4. Aujourd’hui, 12% du temps vécu est consacré au travail. De ce fait, le
temps libre est devenu, comme le seul travail autrefois au bureau ou à l’usine, producteur de
liens sociaux, de richesse, de mobilités et d’organisation du territoire. Le lien social se
développe dans la sphère privée et se perd dans celle de la production. Une nouvelle culture
de la mobilité se traduit par l’accroissement des déplacements domicile- travail. Les actifs
recherchent un emploi en fonction de leur lieu de vie, et non l’inverse. Les retraités
choisissent d’habiter en province et transforment leur résidence secondaire en résidence
principale. Les régions du sud sont les plus attractives, même si ce ne sont pas les plus
dynamiques économiquement. Une économie résidentielle se construit sur les services à la
population où la qualité de la vie l’emporte sur l’insertion professionnelle. Mais cette société
du bonheur privé ne doit masquer que le quart de la population n’y accède pas. Les personnes
âgées à faibles revenus, les ménages composés d’une seule personne, la population immigrée,
les demandeurs d’emploi de longue durée, les titulaires d’emplois précaires, les victimes des
délocalisations, les familles monoparentales n‘ont pas capacité à choisir leur mode de vie.
2-Les classes sociales sont de retour
Sans doute a-t-on pu croire que la disparition des classes sociales était la conséquence logique
d’un enrichissement général vers une moyenne élevée, les inégalités de statut et de talents
compensées par des mesures actives de redistribution, la classe ouvrière disparaissant peu à
peu et la bourgeoisie condamnée par l’histoire. La lutte des classes serait terminée avec
l’essor des couches moyennes. Cette hypothèse n’est pas confirmée par les faits
. La
fragmentation du tissu social et le brouillage des frontières affectent toutes les catégories qui
regroupent des situations très contrastées. Les ouvriers n’ont pas disparu ; ils sont de moins en
moins à l’usine mais nombreux dans le bâtiment, les services, l’artisanat, la maintenance ou la
manutention. Les employés, devenus première catégorie socio- professionnelle, occupent un
grand nombre d’emplois dans tous les secteurs :agents de bureau, bien sûr, mais aussi agents
Jean Viard « Nouveau portrait de la France » L’aube- 2012
Sciences Humaines N° 237- Qui sont les Français ? Mai 2012