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2. L’agriculture et la forêt face au défi de l’atténuation du changement
climatique : la problématique mondiale
2-1. Le dérèglement du climat s’aggrave et les secteurs responsables de l’aggravation sont
principalement l’énergie, l’industrie et les transports
La gravité du réchauffement climatique est amplement confirmée (5
ème
rapport du GIEC, 2013/2014). La
température planétaire s’est accrue de 0,85°C au cours de la période 1880-2012, tandis que la dernière
décennie s'avère la plus chaude depuis au moins 1.400 ans et que la concentration dans l’atmosphère des
trois principaux gaz à effet de serre (GES), [le dioxyde de carbone (CO
2
), le méthane (CH
4
) et le
protoxyde d’azote (N
2
O)], est sans précédent depuis 800.000 ans.
La responsabilité des activités humaines dans la dérive climatique est désormais clairement établie et les
émissions de GES augmentent encore, passant d’un rythme de +1,3%/an sur la période 1970-2000 à
+2,2%/an sur la dernière décennie. Le secteur principalement responsable de cette aggravation des
émissions est celui de l’énergie (47% de l’augmentation, du fait notamment d’un recours fortement accru
au charbon au plan mondial), avec celui de l’industrie (30%) et des transports (11%).
Les émissions anthropiques mondiales de GES s’élèvent à un total de 49 GtCO
2
eq/an (giga tonnes de
« CO
2
équivalent » par an). La part respective des différents gaz à effet de serre est la suivante : dioxyde de
carbone CO
2
(38 GtCO
2
/an, soit 78% du total), méthane CH
4
(16%), protoxyde d’azote N
2
O (6,2%), gaz
fluorés (2%) (GIEC 2014).
Le « secteur des terres » est concerné à la fois par le CO
2
, et par le CH
4
et le N
2
O. Avant de rendre compte
de sa responsabilité dans le changement climatique mondial et d’explorer les progrès possibles en termes
d’atténuation en France, il convient, dans un premier temps, de faire ressortir sa spécificité par rapport au
cycle du carbone. L’agriculture, la sylviculture et l’aquaculture sont en effet les seules activités humaines
capables de jouer, grâce à la photosynthèse, un rôle d’amortisseur climatique.
2.2. Les émissions de CO
2
sont fortement compensées par le stockage du carbone dans les
sols et la biomasse ; grâce à la photosynthèse, les filières « des bois et des champs » jouent un
rôle d’amortisseur climatique
Le dioxyde de carbone (CO
2
) est donc le principal gaz à effet de serre et ses émissions sont d’abord le fait
de la consommation de combustibles fossiles, toujours en très forte croissance (32 GtCO
2
/an en 2010).
A ces émissions doivent être soustraits ou ajoutés les flux de carbone liés au « secteur des terres » et aux
océans. Le monde du vivant capture en effet du carbone atmosphérique, tant dans les océans (à travers le
plancton, les algues, les coraux, les coquillages et la conchyliculture) que dans les écosystèmes terrestres,
carbone qu’il vient stocker dans les sols et la biomasse et, par la suite, dans les produits « bio-sourcés » qui
sont mis à la disposition de la société par les biofilières. Cette capacité à séquestrer du carbone vient de la
photosynthèse qui fonctionne comme une véritable « pompe à carbone ». Les prairies, les zones humides et
les forêts sont notamment capables de stocker du carbone en très grande quantité et souvent sur une longue
durée. La capacité des sols agricoles à stocker du carbone est moindre mais non négligeable lorsque les
pratiques sont favorables (ex : semis direct, agroforesterie…).
Toutefois, les stocks de carbone ainsi créés ne sont ni illimités ni permanents. Au bout d’un certain temps
une forêt ou une prairie ne peuvent plus stocker. Les stocks peuvent aussi être en partie perdus ou détruits à
terme, par exemple, en cas de changement d’usage des terres (artificialisation des terres agricoles,
déforestation, retournement de prairies, drainage d’une zone humide…), lorsque des forêts ou des
tourbières brûlent, en cas de pratiques conduisant à une dégradation de la végétation ou des sols, ou encore
en cas de destruction ultime de bio-produits des filières aval. Ces stocks de carbone végétal sont également
vulnérables à des aléas biophysiques (tempêtes, incendies, canicules, sécheresses, ravageurs…) qui peuvent
les réduire, en conduisant alors au retour rapide du CO
2
vers l’atmosphère.