DM séquence 4 – Humanisme et Renaissance.
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QUESTION SUR LE CORPUS (4 points)
Après avoir dégagé le sujet de réflexion commun aux auteurs du corpus, vous
montrerez que les deux sonnets de Du Bellay montrent les limites de ce que
Castiglione et Rabelais considéraient quelques années plus tôt comme un idéal.
ECRITURE (16 POINTS):
SUJET 1 – Commentaire littéraire :
Vous ferez le commentaire du poème de Du Bellay, « Tu t’abuses, Belleau, si pour
être savant »
SUJET 2 – Dissertation :
Dans quelle mesure le mouvement humaniste propose-t-il un idéal ?
Vous étayerez votre réflexion grâce aux textes étudiés dans l’année, aux textes du
corpus et à votre culture personnelle.
SUJET 3 – Invention :
Ecrivez un pastiche de la lettre de Gargantua, dans lequel vous vous adresserez à un
adolescent de notre époque pour lui faire part de ce à quoi il doit employer son
temps pour devenir un homme ou une femme accomplis.
Texte 1 - Balthazar Castiglione, Le courtisan (1528)
En 1528 parut en Italie un livre, L'Homme de Cour , qui eut immédiatement un immense
succès dans tous les milieux cultivés de l'Europe. Son auteur était Balthasar Castiglione,
homme de guerre, diplomate et humaniste (portrait par Raphaël). L'ouvrage raconte les
conversations au cours desquelles, quatre soirs durant, quelques hommes et femmes d'élite,
réunis au château d'Urbin, auraient discuté des qualités que devrait posséder le parfait homme
de cour.
Qu'il1 soit, comme on dit, homme de bien : cela comprend la prudence, la bonté, le
courage, la maîtrise de soi... J'estime que sa principale, sa véritable profession, doit être
celle des armes. Qu'il soit passé maître dans tous les exercices qui conviennent à un
homme de guerre... Je veux qu'il sache non seulement le latin, mais le grec... Qu'il
sache écrire en vers et en prose, particulièrement notre langue... Je le louerai aussi de
savoir plusieurs langues étrangères, particulièrement l'espagnol et le français, parce
que l'usage de l'un et l'autre est très répandu en Italie... Sa culture me semblerait
insuffisante s'il n'était musicien, et il ne suffit pas qu'il sache lire sa partie sur un livre,
il doit encore pouvoir jouer de divers instruments... Je veux encore mentionner une
autre chose que, vu l'importance que je lui accorde, je ne voudrais pas le voir négliger :
c'est la science du dessin et l'art de peindre. (D'ap. la trad. Chapuys, 1585.)
1 Il : l’homme de cour
DM séquence 4 – Humanisme et Renaissance.
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Raphael, Balthazar Castiglione (1478-1529)
Portrait, commandé par Balthazar Castiglione,
ami de Raphaël. Le portrait sera très
certainement peint à Rome en 1514/1515, à
l'occasion de l'ambassade dont le duc d'Urbin
avait chargé Castiglione auprès du pape.
Texte 2 – François Rabelais, Pantagruel, 1532.
Bien que publié deux ans avant Gargantua, Pantagruel est le deuxième épisode des romans
narrant les aventures des géants, le personnage éponyme étant le fils de Gargantua). Dans la
lettre suivante, Gargantua écrit à son fils pour lui recommander les matières à privilégier
pour devenir un homme accompli.
C’est pourquoi, mon fils, je t’engage à employer ta jeunesse à bien
progresser en savoir et en vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistémon:
l’un par un enseignement vivant et oral, l’autre par de louables exemples
peuvent te former. J’entends et je veux que tu apprennes parfaitement les
langues : premièrement le grec, comme le veut Quintilien2; deuxièmement le
latin; puis l’hébreu pour l’Écriture sainte, le chaldéen3 et l’arabe pour la même
raison; et que tu formes ton style sur celui de Platon pour le grec, sur celui de
Cicéron pour le latin.
Qu’il n’y ait pas d’étude scientifique que tu ne gardes présente en ta
mémoire et pour cela tu t’aideras de l’Encyclopédie universelle des auteurs
qui s’en sont occupés.
Des arts libéraux : géométrie, arithmétique et musique, je t’en ai donné le
goût quand tu étais encore jeune, à cinq ou six ans; continue.
De l’astronomie, apprends toutes les règles, mais laisse-moi l’astrologie et l’art
de Lullius4 comme autant d’abus et de futilités.
Du droit civil, je veux que tu saches par cœur les beaux textes, et que tu
me les mettes en parallèle avec la philosophie. Et quant à la connaissance de la
nature, je veux que tu t’y donnes avec soin : quil n’y ait mer, rivière, ni source
dont tu ignores les poissons; tous les oiseaux du ciel, tous les arbres, arbustes,
2 auteur, rhéteur et professeur latin (Ier siècle après J.C)
3 langue ancienne parlée dans la région du Tigre et de l’Euphrate.
4 Art de Lullius : alchimie
DM séquence 4 – Humanisme et Renaissance.
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et les buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés
au ventre des abîmes, les pierreries de tous les pays de l’Orient et du midi, que
rien ne te soit inconnu.
Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins,
sans mépriser les Talmudistes et les Cabalistes, et, par de fréquentes
dissections, acquiers une connaissance parfaite de l’autre monde qu’est
l’homme.
Et quelques heures par jour commence à lire l’Écriture sainte : d’abord le
Nouveau Testament et les Épîtres des apôtres, écrits en grec, puis l’Ancien
Testament, écrit en hébreu.
En somme, que je voie en toi un abîme de science car, maintenant que tu
deviens homme et te fais grand, il te faudra quitter la tranquillité et le repos de
l’étude pour apprendre la chevalerie et les armes afin de défendre ma maison,
et de secourir nos amis dans toutes leurs difficultés causées par les assauts des
malfaiteurs. Et je veux que, bientôt, tu mesures tes progrès; cela, tu ne pourras
pas mieux le faire qu’en soutenant des discussions publiques, sur tous les
sujets, envers et contre tous, et qu’en fréquentant les gens lettrés tant à Paris
qu’ailleurs.
Mais parce que, selon le sage Salomon, Sagesse n’entre pas en âme
malveillante et que
Science sans Conscience n’est que ruine de l’âme
tu dois servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en lui toutes tes pensées et tout
ton espoir; et par une foi nourrie de charité, tu dois être uni à lui, en sorte que
tu n’en sois jamais séparé par le péché.
Méfie-toi des abus du monde; ne prends pas à cour les futilités, car cette
vie est transitoire, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Sois
serviable pour tes prochains, et aime-les comme toi-même. Révère tes
précepteurs. Fuis la compagnie de ceux à qui tu ne veux pas ressembler, et ne
reçois pas en vain les grâces que Dieu t’a données. Et, quand tu t’apercevras
que tu as acquis tout le savoir humain, reviens vers moi, afin que je te voie et
que je te donne ma bénédiction avant de mourir.
Mon fils, que la paix et la grâce de Notre Seigneur soient avec toi. Amen.
D’ Utopie5, ce dix-sept mars, Ton père, Gargantua.
Texte 3 – Joachim Du Bellay, « Je me ferai savant en la philosophie », Les
Regrets, sonnet XXXII, 1558.
Les Regrets est un recueil écrit par Du Bellay, à Rome. Parti enthousiaste là-bas
avec son oncle cardinal Jean du Bellay, ravi d’y pouvoir parfaire sa culture
humaniste, il y est extrêmement déçu et s’y ennuie, au point de languir de son Anjou
natal comme le manifeste le célèbre poème « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un
beau voyage… »
5 Rabelais emprunte à More ce lieu imaginaire. Badebec, femme de Gargantua et mère de
Pantagruel morte peu après avoir mis au monde celui-ci, était originaire d’Utopie.
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Je me ferai savant en la philosophie,
En la mathématique, et médecine aussi,
Je me ferai légiste, et d’un plus haut souci
Apprendrai les secrets de la théologie :
Du luth et du pinceau j’ébatterai ma vie,
De l’escrime et du bal. Je discourais ainsi,
Et me vantais en moi d’apprendre tout ceci,
Quand je changeai la France au séjour d’Italie.
O beaux discours humains ! je suis venu si loin,
Pour m’enrichir d’ennui, de vieillesse, et de soin,
Et perdre en voyageant le meilleur de mon âge.
Ainsi le marinier souvent pour tout trésor
Rapporte des harengs en lieu de lingots d’or,
Ayant fait, comme moi, un malheureux voyage.
Texte 4 – Joachim du Bellay, « Tu t’abuses Belleau, si pour être savant », Les
Regrets, sonnet 145, 1558.
Tu t'abuses, Belleau6, si pour être savant,
Savant7 et vertueux, tu penses qu'on te prise8 :
Il faut (comme l'on dit) être homme d'entreprise,
Si tu veux qu'à la cour on te pousse en avant.
Ces beaux noms de vertu, ce n'est rien que du vent.
Donques9, si tu es sage, embrasse la feintise,
L'ignorance, l'envie, avec la convoitise :
Par ces arts jusqu'au ciel on monte bien souvent.
La science à la table est des seigneurs prisée,
Mais en chambre10, Belleau, elle sert de risée :
Garde, si tu m'en crois, d'en acquérir le bruit11.
L'homme trop vertueux déplaît au populaire :
Et n'est-il pas bien fol12, qui, s'efforçant de plaire,
Se mêle d'un métier que tour le monde fuit13 ?
6 Rémi Belleau est un poète de la Pléiade et ami de du Bellay.
7 Ce mot entame le vers alors qu’il terminait le vers précédent : cette figure de style est une
anadiplose.
8 Qu’on te prise : qu’on t’estime
9 doncques : forme ancienne et ici nécessaire pour l’alexandrin
10 à la table : en public. En chambre : en privé
11 le bruit : la réputation
12 fol : fou
13 le métier d’être savant
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