La comptabilité, un outil d`évaluation

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Les comptes des entreprises
La
comptabilité,
un outil
d’évaluation
Le manager d’une entreprise
a des objectifs à atteindre et
est évalué sur la performance
de la stratégie et l’efficacité
des plans d’actions mis
en œuvre. Il est donc en principe
« jugé » sur les résultats obtenus
à partir de la comptabilité.
Celle-ci apparaît alors comme
le point de départ de
ce processus d’évaluation.
Auteur
Gilles Théraud
Professeur agrégé en DCG et DSCG, lycée Vial de Nantes
sont établis selon un référentiel : le
plan comptable général (PCG) dont
les règles, aujourd’hui sous l’autorité
de l’Autorité des normes comptables
(ANC)1, convergent vers les normes
comptables internationales (International Financial Reporting Standards
[IFRS]) qui s’appliquent aux groupes
de sociétés cotés. Le respect de ce
cadre comptable donne normalement à l’investisseur l’assurance d’une
information claire et fiable. Pourtant,
de nombreux exemples nous montrent
que malgré ce dispositif juridique
composé de règles et de contrôles
légaux, des dérapages existent. Enron,
Parmalat, Lehman Brothers sont des
exemples de sociétés qui donnaient
l’impression d’une réussite exemplaire
alors même qu’elles étaient en faillite.
Depuis la crise des crédits immobiliers subprimes, qui a démarré aux
États-Unis à l’été 2007, et la faillite
de Lehman Brothers le 15 septembre
2008, est apparue au grand public une
notion jusqu’ici méconnue, la note :
triple A pour les États, collec­tivités
locales ou entreprises en bonne santé
financière et C ou D pour les plus risqués. Ce sont des agences de notation
financière de renommée internationale (Moody’s, Standard & Poor’s ou
Fitch Ratings) qui attribuent cette
note aussi bien aux entreprises qui en
font la demande qu’aux États. Une
société cotée sur les marchés financiers
peut se financer par émission d’obligations ou par emprunts auprès des
établissements de crédit, et bénéficier,
avec une bonne note, d’un taux d’intérêt faible2. À l’inverse, une mauvaise
note pénalise la société dont le coût du
crédit augmente. La différence entre
1 > L’Autorité des normes comptables, créée
par l’ordonnance du 22 janvier 2009, s’est
substituée aux deux organismes chargés de
la réglementation comptable, le Comité de
la réglementation comptable et le Conseil
national de la comptabilité.
2 > Une société cotée offre au public des
titres financiers. L’ordonnance 2009-80 du
28 janvier 2009 a remplacé la notion « d’appel
public à l’épargne » par la notion « d’offre au
public de titres financiers ».
n° 146 > janvier 2013 >
1
L’évaluation
les taux d’intérêt constitue la prime de
risque. Sur quoi se fonde cette note et
quel crédit lui accorder ? Elle repose,
pour partie, sur le diagnostic financier
de l’entité réalisé à partir des comptes
annuels ou consolidés. La crise financière actuelle a déclenché des critiques
à l’encontre des agences de notation
qui communiquent une information
simple, lisible et synthétique sur le
risque de défaillance de l’entité.
Quelle importance doit-on donner aux comptes annuels ou consolidés des sociétés ? Il est ici nécessaire
de comprendre les modalités d’établissement et d’évaluation de ces derniers, ainsi que leur mode de contrôle.
Comment sont
établis et évalués
les comptes annuels ?
L’évaluation des comptes
annuels dans un cadre
comptable
Art. L123-12 du Code de commerce : « Toute personne physique ou
morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l’enregistrement
comptable des mouvements affectant
le patrimoine de son entreprise […]. Elle
doit établir des comptes annuels à la
clôture de l’exercice […]. Ces comptes
annuels comprennent un bilan, un
compte de résultat et une annexe… »
L’objectif de la comptabilité financière est d’établir des états financiers à
la clôture d’un exercice, dans le respect
d’un cadre comptable comprenant des
principes et des objectifs.
Notions de coût et de valeur
Le principe du nominalisme (ou des
coûts historiques) consiste à respecter la valeur nominale de la monnaie
sans tenir compte des variations de son
pouvoir d’achat. Le Code de commerce
(art. L123-18) et le PCG (art. 321-1)
prévoient qu’« à leur date d’entrée
dans le patrimoine, les biens acquis à
titre onéreux sont enregistrés à leur
coût d’acquisition ». Un terrain acquis
100 000 € en 1980 figure au bilan trente
ans plus tard pour la même valeur, alors
qu’il est désormais estimé à 1 000 000 €.
Des titres de participation acquis 10 €
l’unité il y a dix ans valant dix fois plus
aujourd’hui restent comptabilisés pour
leur coût d’entrée. Ce principe est toujours celui du droit français et est le plus
controversé. Sont ici opposés les partisans de la juste valeur, pour qui le bilan
doit refléter le vrai prix des actifs, et les
partisans du coût historique, qui considèrent plus prudent d’avoir des plusvalues latentes sur ces mêmes actifs.
La procédure de réévaluation libre
constitue une exception à ce principe.
Elle permet la comptabilisation des
plus-values latentes sur l’ensemble
des immobilisations corporelles et
financières. L’écart de réévaluation
étant imposable, cette procédure
est rarement mise en œuvre. Mais
si l’entreprise a des déficits fiscaux
reportables, elle peut réévaluer ses
immobilisations en franchise d’impôt.
Sur le plan européen, afin d’être
compatible avec les normes IFRS, la
quatrième directive européenne permet
l’application de la juste valeur. Cette
notion est particulièrement développée
dans les comptes consolidés.
Le principe de prudence est défini
par l’article 120-3 du PCG : « La
comptabilité est établie sur la base
d’appréciations prudentes, pour éviter
le risque de transfert, sur des périodes
à venir, d’incertitudes présentes susceptibles de grever le patrimoine et
le résultat de l’entité. » Ce principe
est l’un des piliers de l’évaluation
comptable. C’est par l’application
de celui-ci que les amortissements,
dépréciations et provisions sont
évalués. Il en résulte un traitement
comptable différent des produits
et des charges. Un produit ne doit
être comptabilisé que s’il est réalisé,
alors qu’une charge doit être prise
en compte dès que sa réalisation est
probable.
Une immobilisation amortissable
est obligatoirement amortie sur sa
durée d’utilisation. La réalisation d’un
test de dépréciation (art. 322-5 du
PCG) est également exigée. Cette
démarche consiste à apprécier s’il
existe des indices de perte de valeur
(par exemple, la valeur de marché
d’un actif a fortement diminué).
En présence d’un tel indice, il est
constaté, en plus de l’amortissement,
une dépréciation pour ramener la
valeur de l’immobilisation à sa valeur
actuelle3.
3 > Valeur actuelle (PCG art. 322-18) : valeur
la plus élevée de la valeur vénale ou de la
valeur d’usage ; valeur vénale (PCG art. 3221.10) : valeur correspondant au prix du marché net des coûts de sortie ; valeur d’usage
(PCG art. 322-1.11) : valeur d’estimation des
avantages économiques futurs attendus de
l’utilisation de l’actif et de sa sortie. Elle est
en général déterminée en fonction des flux
nets de trésorerie attendus.
> économie & management
Cadre comptable
2
Indépendance
des exercices
Prudence
Nominalisme
Permanence
des méthodes
Noncompensation
Régularité
Continuité
d’exploitation
Sincérité
Image fidèle
Bonne
information
Importance
relative
> La comptabilité, un outil d’évaluation
Méthodes d’évaluation
Le principe de permanence des
méthodes est défini par l’article
L123-17 du Code de commerce : « À
moins qu’un changement exceptionnel n’intervienne dans la situation du
commerçant, personne physique ou
morale, la présentation des comptes
annuels comme les méthodes d’évaluation retenues ne peuvent être
modifiées d’un exercice à l’autre. Si des
modifications interviennent, elles sont
décrites et justifiées dans l’annexe. »
On ne peut comparer les informations dans le temps que si elles ont été
élaborées avec les mêmes méthodes
d’évaluation. Ces changements de
méthodes ont donc un caractère
exceptionnel et correspondent à des
cas prévus par les textes : changement
de méthodes comptables, d’estimations
et de modalités d’application, d’options
fiscales et corrections d’erreurs. Par
exemple, afin d’être homogène avec
les méthodes d’évaluation du groupe
auquel elle appartient, une société
peut décider d’appliquer une nouvelle
méthode d’évaluation de ses stocks en
passant de la méthode du coût moyen
pondéré (CMP) à la méthode du premier
entré/premier sorti (PEPS).
Face à un certain nombre de situations particulières, les entreprises ont
le choix entre plusieurs méthodes ou
options comptables, notamment celles
préférentielles qui conduisent, en principe, à une meilleure information (PCG
art. 120-4). Par exemple, une entreprise
peut décider de valoriser ses contrats à
long terme selon la méthode à l’avancement (méthode préférentielle), alors
qu’elle utilisait jusqu’ici la méthode
à l’achèvement. Ces changements de
méthodes d’évaluation sont signalés
dans l’annexe, le rapport de gestion et
le rapport général du commissaire aux
comptes dans un but de transparence
et d’image fidèle de l’entreprise.
L’image fidèle
Selon l’article L123.14 du Code
de commerce, les comptes annuels
doivent être réguliers et sincères et
donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et
du résultat de l’entreprise.
Désormais la notion d’image
fidèle, issue de la quatrième directive européenne, est complètement
intégrée aux objectifs de la comptabilité, et reste étroitement liée aux
obligations de régularité et de sincérité. Elle sert de référence à ceux qui
établissent ou contrôlent les comptes.
Après avoir appliqué de bonne foi
(sincérité) les règles et principes
comptables en vigueur (régularité),
il leur conviendra de se demander si
la solution adoptée est bien celle qui
permet aux lecteurs d’avoir la vue
la plus objective de la situation de
l’entreprise (image fidèle). Le concept
d’image fidèle leur servira de test
même si celui-ci a ses limites.
L’information financière est établie
selon des principes et des conventions
comptables pouvant différer entre les
comptes, d’un secteur d’activité à un
autre, d’un pays à un autre (existence
de plusieurs référentiels, établissement
de comptes consolidés et de comptes
individuels selon des règles différentes,
interprétations possibles au sein d’un
même référentiel). Il est donc nécessaire de contrôler ces comptes.
Le contrôle
des comptes annuels
Face aux risques d’erreurs et de
manipulations dans les comptes, deux
contrôles s’imposent : le contrôle
interne et le contrôle externe.
Le contrôle interne
Le Committee Of Sponsoring
Organisations of the Treadway Commission (COSO) définit le contrôle
interne comme un processus mis en
œuvre par le conseil d’administration, les dirigeants et le personnel
d’une organisation destiné à fournir
une assurance raisonnable quant à
l’atteinte des objectifs suivants :
> la réalisation et l’optimisation des
opérations ;
> la fiabilité des informations financières ;
> la conformité aux lois et aux réglementations en vigueur.
Ce dispositif comprend un
ensemble de procédures et de moyens
qui doivent contribuer à la maîtrise
des activités de l’entreprise et au bon
fonctionnement de celle-ci. Il doit
favoriser la limitation des risques
financiers, humains, industriels, environnementaux… Il
ne se restreint pas
Les comptes
à la seule foncannuels doivent
tion comptable et
financière, mais
être réguliers
concerne aussi le
et sincères
système d’information et de
gestion. Il s’appuie sur une organisation appropriée, des responsabilités
et pouvoirs clairement définis, une
politique de gestion des ressources
humaines, un système d’information
adapté…
Dans le domaine financier, des
risques de fraude peuvent se produire.
Par exemple, comment dissuader le
comptable de détourner de l’argent ?
En respectant le principe de séparation des fonctions (comptable et
caissier ou comptable et ordonnateur
en comptabilité publique).
La continuité de l’exploitation
peut être remise en cause en cas de
sinistre. Comment protéger le patrimoine de l’entreprise ? En installant
des systèmes de sécurité, en souscrivant un contrat d’assurance ou en
conservant une copie des données
comptables dans un lieu sûr…
Le contrôle interne comptable et
financier est une composante essentielle du contrôle interne. Tous les
processus (ventes, achats, trésorerie…) de production de l’information
comptable et financière doivent être
évalués pour obtenir une information
fiable. Le commissaire aux comptes
doit, dans sa mission, évaluer les forces
et les faiblesses du contrôle interne
n° 146 > janvier 2013 >
3
L’évaluation
pour orienter ses travaux (approche
par les risques). Il présente dans un
rapport ses observations sur celui
établi par le conseil d’administration
ou le conseil de surveillance des SA
ou des SCA, dont les titres financiers
sont admis aux négociations sur un
marché réglementé concernant les
procédures de contrôle interne et de
gestion des risques relatives à l’élaboration et au traitement de l’information comptable et financière.
> économie & management
Le contrôle externe
4
Le contrôle externe relève de
l’audit réalisé par des personnes extérieures à l’entité : le commissaire aux
comptes – qui dépend du ministère
de la Justice et dont la mission est
légale –, l’expert-comptable – qui lui
dépend du ministère de l’Économie et
dont la mission est contractuelle –,
l’administration fiscale ou sociale,
la Cour des comptes, l’Autorité des
marchés financiers. La mission du
contrôleur externe est de vérifier
et d’exprimer une opinion sur les
comptes des entreprises.
Le commissaire aux comptes
prend connaissance de l’entité, apprécie le contrôle interne et applique
des procédures d’audit en réponse à
l’évaluation des risques d’anomalies
significatives résultant de fraudes
ou du non-respect de textes légaux
et réglementaires. Dans son rapport
général communiqué à l’assemblée
générale annuelle de la société, il certifie, ou pas, que les comptes annuels
sont, au regard des règles et principes comptables français, réguliers
et sincères, et donnent une image
fidèle du résultat des opérations
de l’exercice écoulé ainsi que de la
situation financière et du patrimoine
de la société à la fin de cet exercice
(Norme d’exercice professionnel [NEP]
700 « Rapport du commissaire aux
comptes sur les comptes annuels et
consolidés »). Cette certification est
un gage de garantie pour l’utilisateur
des comptes.
Le commissaire aux comptes se
transforme parfois en commissaire
aux apports, afin de contrôler la
valeur des biens apportés lors d’une
augmentation de capital ou en
commissaire à la fusion, pour vérifier la parité d’échange des titres des
sociétés absorbante et absorbée.
La comptabilité est également
un moyen de calcul de l’assiette de
différents impôts. Le résultat et le
chiffre d’affaires constituent la base
des principaux impôts. Pour calculer
le résultat fiscal, le résultat comptable
subit des retraitements (réintégrations/déductions) issus des dispositions fiscales du Code général des
impôts (CGI). L’administration fiscale dispose d’un droit de contrôle :
droit de communication et droit
de contrôle proprement dit (droits
prévus dans le livre des procédures
fiscales [LPF]). Suite à une vérification de comptabilité, elle adresse
au contribuable une proposition de
rectification. Les organismes sociaux
dont l’Urssaf (Union de recouvrement
des cotisations de sécurité sociale et
d’allocations familiales) opèrent également des contrôles des déclarations
sociales.
La Cour des comptes contrôle
les comptes de l’État, des collectivités territoriales et des entreprises
publiques.
L’Autorité des marchés financiers
surveille les informations délivrées
par les sociétés dont les titres sont
inscrits aux négociations sur les marchés financiers et qui doivent présenter des comptes consolidés.
(Total, Carrefour…) qui font partie du
CAC 404 doivent établir des comptes
consolidés à la clôture d’un exercice en
normes IFRS. Il existe un cadre légal et
réglementaire adopté en application
de la septième directive européenne.
Consolider
les comptes annuels
pour évaluer
un groupe de sociétés
Les comptes individuels des sociétés sont établis avec les règles du PCG.
Les comptes consolidés sont préparés
selon les règles françaises (RMCC)
ou les normes IFRS. Aux États-Unis,
les sociétés cotées appliquent les
US GAAP (United States Generally
Un groupe est un ensemble de
sociétés parmi lesquelles l’une d’entre
elles – la société mère – exerce un
contrôle ou une influence notable
sur les autres – les filiales. Les sociétés
Le cadre légal
et réglementaire
La loi du 3 janvier 1985, complétée par le décret du 17 février 1986,
oblige les sociétés commerciales qui
sont à la tête d’un groupe à établir et
à publier des comptes consolidés (art.
L233-16 à 28 du Code de commerce).
Le règlement CRC 99-02, homologué par l’arrêté du 22 juin 1999,
expose les règles et méthodes des
comptes consolidés (RMCC) qui
doivent être appliquées par les sociétés non cotées soumises à l’obligation
d’établir des comptes consolidés.
Le règlement CE n° 1006/2002 du
19 juillet 2002 a imposé aux sociétés
cotées européennes de préparer des
comptes consolidés conformes aux
IFRS à compter des exercices ouverts
à partir du 1er janvier 2005. L’application des IFRS sur option est possible
pour les sociétés non cotées.
Les groupes qui ne dépassent pas
à la clôture de deux exercices successifs deux des trois critères suivants :
250 salariés, 30 millions d’euros de
chiffre d’affaires, 15 millions de total
bilan sont exemptés d’établir des
comptes consolidés.
Un imbroglio de règles
et de normes réservées
aux spécialistes
4 > CAC 40 : cotation assistée continue des
quarante sociétés les plus importantes à la
bourse de Paris.
> La comptabilité, un outil d’évaluation
Accepted Accounting Principles),
référentiel admis par la SEC (Securities and Exchange Commission).
À l’intérieur de chaque référentiel,
les actifs ou les passifs ne sont pas
valorisés de la même manière (coût
historique/juste valeur). Plusieurs
options de comptabilisation sont proposées pour un même actif ou passif.
Les modes de présentation des états
financiers diffèrent.
Trois méthodes de consolidation
s’appliquent en fonction du contrôle
exercé par la société mère sur ses
filiales : l’intégration globale (contrôle
exclusif), l’intégration proportionnelle
(contrôle conjoint) et la mise en équivalence (influence notable).
L’évaluation
à la juste valeur
Les normes d’information financière internationales accordent une
place plus importante à la primauté
de la réalité économique sur l’apparence juridique (substance over
form), à l’actualisation et à l’évaluation à la juste valeur.
Les IFRS se sont dotées depuis
mai 2011 d’une nouvelle norme, IFRS
13 : « Mesure de la juste valeur ». Elle
ne modifie pas le champ d’application
actuel de la juste valeur, mais sert de
référence pour toutes les normes où
il est question de juste valeur. Elle est
applicable depuis le 1er janvier 2013.
La juste valeur (traduit de l’anglais
« fair value ») se définit comme le
prix auquel un actif pourrait être
vendu ou un passif transféré dans une
transaction conclue à des conditions
normales entre des intervenants de
marché à la date de l’évaluation (prix
de sortie).
L’ancienne définition faisait référence à une transaction entre parties
bien informées, consentantes et indépendantes. La nouvelle définition met
l’accent sur un prix de sortie entre
intervenants du marché à la date de
la mesure. Il faut ici recourir à des
données du marché observables (actif,
localisation géographique, prix) pour
déterminer la juste valeur tout en
respectant une démarche générale :
définir l’actif ou le passif à mesurer,
déterminer son usage optimal, identifier le marché où une transaction
régulière aurait lieu et choisir la technique d’évaluation la plus appropriée.
Certains actifs (immeubles de placement par exemple) mais aussi les
actifs ou les passifs financiers font
l’objet d’une valorisation à la juste
valeur dans le référentiel IFRS.
La juste valeur traduit une certaine volatilité. Cette dernière mesure
l’importance des fluctuations du prix
d’un actif et donc son risque. Si la
contrepartie de cette fluctuation
de valeur est comptabilisée dans le
compte de résultat, celui-ci devient
lui-même volatil. Le cours de bourse
d’un titre coté sur un marché financier à la date de clôture d’un exercice
est en principe sa juste valeur. Cette
valeur à un instant t est-elle la juste
information ? Tous les agents économiques n’ont pas connaissance de la
même information au même moment.
Ainsi, les dirigeants d’une société
peuvent disposer de renseignements
que n’ont pas les investisseurs. Selon
Pierre Vernimmen, l’asymétrie de
l’information est une règle générale.
La prudence s’impose.
L’intérêt des comptes
consolidés
Les comptes consolidés ont pour
but de présenter le patrimoine, la
situation financière et le résultat des
entreprises faisant partie du périmètre de consolidation comme s’il
s’agissait d’une seule entité.
C’est un outil d’information
externe (actionnaires, personnel,
banques…) et d’information interne,
car les comptes consolidés permettent
de mesurer la performance du groupe,
facilitant ainsi la prise de décision des
dirigeants.
Toutes les parties intéressées
pourront analyser cette performance
en termes de résultat et de rentabilité.
L’analyse financière devient incontournable.
Évaluer
la performance
financière d’une entité
Le diagnostic financier, souvent
précédé d’un diagnostic général, a
pour objectif d’apprécier la croissance
du chiffre d’affaires, la profitabilité,
la rentabilité, la
solvabilité et les
La juste valeur
grands équilibres
traduit
financiers d’une
entité. Il doit
une certaine
mettre en évidence
volatilité
les risques potentiels et donner au
dirigeant ou au banquier les informations avant la prise de décisions. Par
exemple, avant d’accorder un prêt, la
banque observe avec soin la solvabilité de l’entreprise, la nature du projet,
les hypothèses retenues et l’environnement général de l’opération.
Le diagnostic général recense les
variables-clés de l’environnement de
l’entreprise : le marché, la concurrence, les produits ou les services, l’organisation commerciale, le potentiel
technique (matériels, R&D, savoirfaire), les caractéristiques juridiques
et sociales de l’entité…
Une analyse classique
L’analyse classique repose sur
l’analyse du compte de résultat et
du bilan.
Le tableau des soldes intermédiaires de gestion précise la formation du résultat net. Les produits et
charges sont classés respectivement
en trois rubriques : exploitation,
financier et exceptionnel.
Le bilan fonctionnel, où les éléments actif et passif sont évalués à
la valeur d’origine, permet de vérifier
les fondamentaux en matière financière : un fonds de roulement net
n° 146 > janvier 2013 >
5
> économie & management
L’évaluation
6
global positif supérieur au besoin en
fonds de roulement et une trésorerie
positive.
Le bilan financier confronte la
liquidité des actifs avec l’exigibilité
du passif. Le classement se fait entre
les éléments à plus d’un an et à moins
d’un an et sont évalués à la valeur
nette comptable. Les actifs sont
classés par ordre de liquidité croissante et les passifs par ordre d’exigibilité croissante.
Le calcul de ratios (autonomie
financière, rentabilité économique
ou financière, capacité d’autofinancement…) est utile pour juger de la
performance de l’entreprise dans le
temps et dans l’espace.
Le tableau des flux de trésorerie
représente l’aptitude de l’entreprise à
générer de la trésorerie à partir de son
activité et les flux observés en termes
d’investissements et de financements.
De nombreuses entreprises sont
aujourd’hui fragilisées. Les causes
peuvent être multiples : conjoncture
défavorable, trésorerie insuffisante,
sous-capitalisation
ou erreurs faites
L’information
dans le choix des
investissements,
constitue
des financements
la matière
ou des stratégies.
première
Cette analyse
financière réalide la gestion
sée à partir des
de l’entreprise
comptes annuels
de l’entité donne
des informations aux dirigeants sur
la santé financière de l’entreprise, sa
capacité d’emprunt et d’investissement, sur les actions à engager pour
l’avenir. Elle doit lui éviter de commettre des erreurs de gestion dont les
conséquences pourraient être fatales.
D’autres entreprises sont au
contraire très prospères et leurs
comptes annuels laissent apparaître
d’excellents résultats. L’analyse financière montre alors une trésorerie pléthorique. Certaines sociétés cotées
telle EADS, qui dispose de réserves
de cash évaluées en milliards d’euros,
souhaitent même créer leur propre
banque. Le directeur financier du
groupe aéronautique étudie la faisabilité du projet dans l’optique d’aider
les clients à boucler leur projet de
financement, mais surtout pour éviter
d’être piégé par les possibles faillites
de banques européennes.
Une analyse plus délicate
dans les groupes
L’analyse financière des comptes
consolidés présente des spécificités.
Des comptes particuliers (intérêts
minoritaires, écart d’acquisition…) et
une présentation des états financiers
conforme au référentiel comptable
imposent une méthodologie d’analyse
financière adaptée. Celle-ci comporte
en plus de l’analyse des états financiers, celle de l’environnement, de la
stratégie du groupe et de l’influence
des marchés financiers.
La rentabilité, la solvabilité ou la
profitabilité du groupe sont évaluées
par des indicateurs spécifiques, dont
le mode de calcul peut varier selon les
groupes (EBITDA, ROE, ROIC, ROCE5). Il
est alors nécessaire d’indiquer dans le
rapport annuel le mode de calcul de
ces indicateurs.
Les dirigeants déterminent la
politique financière du groupe en
fonction des objectifs recherchés :
garantir la pérennité du groupe,
maximiser la rentabilité des capitaux
propres, etc.
La comptabilité
de gestion :
un outil d’évaluation
des coûts
L’apport des théoriciens
Avant 1999, la branche de la
comptabilité qui a pour fonction
5 > EBITDA : earning before interest, taxes,
depreciation and amortization ; ROE : return
on equity ; ROA : return on assets ; ROCE :
return on capital employed.
de calculer les coûts était appelée
« comptabilité analytique ». Elle s’appelle aujourd’hui « comptabilité de
gestion » et est rattachée au concept
« contrôle de gestion ». R. N. Anthony
définit le contrôle de gestion ainsi :
« Processus par lequel les dirigeants
influencent les membres de l’organisation pour mettre en œuvre les
stratégies de manière efficace et
efficiente. »
De nombreuses théories ont
contribué à l’évolution du management et du contrôle de gestion. La
nécessité du contrôle a été reconnue
par les premiers théoriciens (Taylor,
Fayol). C’est d’ailleurs Taylor qui a
créé l’un des principaux outils du
contrôle de gestion : la comptabilité
industrielle, devenue comptabilité de
gestion.
Après l’école classique, l’école
des relations humaines a précisé les
facteurs de motivation des individus.
Sont apparues ensuite les théories
nouvelles, parmi lesquelles la théorie des coûts de transaction (Coase,
Williamson) et la théorie de l’agence
(Jensen, Meckling). Elles cherchent à
comprendre l’utilité et le fonctionnement de l’entreprise.
Le calcul des coûts
L’information constitue la matière
première de la gestion de l’entreprise.
Elle est partagée entre tous les centres
de responsabilité en même temps
grâce aux progiciels de gestion intégrée (PGI). Un centre de responsabilité
est une entité de l’entreprise dans
laquelle un responsable dispose d’une
certaine autonomie et de moyens
pour atteindre les objectifs déterminés par la hiérarchie.
Les charges comptabilisées en
comptabilité financière sont à l’origine du calcul des coûts. On distingue
les charges directes, celles affectées
sans calcul intermédiaire (matières
premières…) et les charges indirectes,
celles concernant simultanément plusieurs objets de coûts (assurance…).
> La comptabilité, un outil d’évaluation
Une entreprise fabricant plusieurs
produits a besoin de connaître le
coût de revient de chaque produit.
La difficulté réside dans l’affectation
des charges indirectes aux coûts des
produits.
La méthode des centres d’analyse est la méthode de base pour le
calcul des principaux types de coût.
Elle repose sur un découpage de
l’entité en « centres d’analyse ». La
répartition des charges indirectes
se fait en deux temps : une répartition primaire entre tous les centres
d’analyse puis une répartition secondaire des centres auxiliaires vers
les centres principaux. Une unité
d’œuvre (unité de temps : heuremachine ; unité physique : kilogramme…) est ensuite déterminée,
capable de mesurer l’activité d’un
centre d’analyse principal. Il existe
une part plus ou moins grande d’arbitraire dans ce mode de répartition
qui conduit souvent à faire subventionner des produits dont le coût est
sous-estimé par des produits dont
le coût est surestimé. Par exemple,
des produits fabriqués en petites
séries sont subventionnés par des
produits fabriqués en grandes séries.
P. Mevellec parle de phénomènes de
« subventionnements croisés ».
La méthode de calcul des coûts
à base d’activité (ABC ou activity based costing) peut être une
réponse à ces insuffisances. Il s’agit
d’une méthode de calcul des coûts
complets développée aux États-Unis
dans les années 1980. Elle s’appuie
sur le concept de chaîne de valeur
développé par Porter.
Cette méthode repose sur le
découpage de l’entité en activités.
Une activité est définie comme un
ensemble de tâches homogènes
caractéristiques d’un processus de
réalisation de la chaîne de valeur et
consommateur de ressources (Bescos
et Mendosa, Le Management de la
performance, 1994).
Elle introduit une étape supplémentaire dans le calcul des coûts :
les produits consomment les activités et les activités consomment les
ressources (charges). L’unité d’œuvre
est remplacée par l’inducteur d’activité (ou de coût). Ainsi, les charges
indirectes à l’égard des produits sont
directes à l’égard des activités. Les
activités ayant un inducteur commun
sont regroupées dans des centres de
regroupement (par exemple : regroupement des activités dont l’inducteur
est le lancement d’un lot).
La méthode ABM (activity based
management) est le prolongement
de la méthode ABC. Elle consiste à
déterminer les causes des coûts calculés avec la méthode ABC. L’entreprise est vue comme un ensemble de
processus. P. Lorino définit le processus comme « un ensemble d’activités
reliées entre elles par des flux d’information ou de matière significatifs et
qui se combinent pour fournir un produit matériel ou immatériel important
et bien défini ». Il faut alors chercher
à optimiser le couple « valeur/coût »
par l’amélioration de la valeur (prix
que les clients sont disposés à payer
pour acquérir les biens et services
produits) et la réduction des coûts.
Le re-engineering (reconfiguration
des processus) fait la chasse aux dysfonctionnements et le benchmarking
(évaluation comparative) compare et
évalue les processus de l’entreprise
avec les « meilleures méthodes »
d’entreprises de référence.
Le b e n c h m a r k i n g est une
méthode développée au début des
années 1980 par la société Xerox.
C’est une technique qui consiste
à étudier et analyser les modes de
gestion et d’organisation des autres
entreprises, afin d’améliorer la
performance des processus dans une
entité.
Le re-engineering est une
démarche visant à réorganiser
l’entreprise, afin de réaliser des gains
importants en termes de coûts, de
qualité, de délais et de services au
client. M. Hammer et J. Champy
désignent par « business process
re-engineering » la remise en question par les managers de leur façon
de travailler.
H. Savall a mis au point une
méthode de détection des dysfonctionnements qu’il classe en « coûts
visibles » (pannes) et « coûts virtuels »
(sous-efficacité due au manque de
formation du personnel). Ces coûts
cachés doivent être évalués avant
d’être résorbés pour améliorer le
fonctionnement de l’entreprise.
L’absentéisme, les accidents du travail, les défauts de qualité, la détérioration de l’image, le coût des attentes
sont des dysfonctionnements qui
doivent être repérés et éliminés,
afin d’améliorer la compétitivité de
l’entreprise.
L’analyse des coûts
et des performances
Le contrôle budgétaire s’inscrit
dans une démarche générale de suivi
des performances des centres de responsabilité. Il permet de vérifier si
les prévisions ont été respectées. Des
écarts favorables ou défavorables
sont calculés et analysés entre les éléments réels (coût réel) et les éléments
préétablis (coût standard). Ils sont
décomposés en écarts sur charges
directes (quantité et coût) et écarts
sur charges indirectes (budget, activité et rendement).
L’utilisation de standards est obligatoire pour le décideur et d’autres
aspects que la production doivent
être pris en compte : la qualité des
produits, le niveau de satisfaction des
clients…
Le tableau de bord est également
un outil d’évaluation de la performance de la stratégie et de l’efficacité des plans d’actions mis en œuvre
à tous les niveaux de l’entreprise.
H. Bouquin, le définit ainsi : « Outil
d’aide à la décision et à la prévision,
le tableau de bord est un ensemble
d’indicateurs peu nombreux, conçus
pour permettre aux gestionnaires
de prendre connaissance de l’état
n° 146 > janvier 2013 >
7
L’évaluation
et de l’évolution des systèmes qu’ils
pilotent et d’identifier les tendances
qui les influenceront sur un horizon
cohérent avec la nature de leurs
fonctions. »
Le tableau de bord prospectif (ou
équilibré) – ou balanced scorecard –
de Kaplan et Norton recherche un
équilibre entre les indicateurs financiers et non financiers pour évaluer
la performance sur le court et le long
terme. Plusieurs axes sont retenus
dans son articulation : l’axe financier (croissance du chiffre d’affaires,
réduction des coûts, amélioration
des marges…), l’axe clients (satisfaction des clients, nombre de clients
nouveaux…), l’axe processus internes
(innovation, qualité du service aprèsvente, qualité des produits…) et l’axe
apprentissage organisationnel (productivité du travail, motivation des
salariés, système d’information…).
Pour chacun des quatre axes, il est
indiqué des objectifs et des indicateurs avec leur valeur cible. Les écarts
constatés entre les réalisations et les
prévisions sont alors corrigés.
Conclusion
> économie & management
La comptabilité est un moyen
d’information des dirigeants, des
associés, des épargnants, des salariés
8
et des tiers en général. Cette information est fiable si l’entreprise a
utilisé les conventions comptables
préalablement définies et acceptées
par tous. Elle l’est encore plus si le
commissaire aux comptes a certifié les états financiers. Dès lors, elle
pourra servir de point de départ à
l’évaluation de la performance de
l’entreprise.
La comptabilité permet aussi de
répondre à la question « combien
vaut l’entreprise ? » L’observation du
cours des actions cotées montre que,
parfois, la comptabilité est complè-
tement déconnectée des cours de
bourse. Les sociétés dont les titres
sont admis aux négociations sur les
marchés financiers subissent la loi de
l’offre et de la demande : la société
Facebook est entrée en bourse courant mai 2012 au prix de 38 $ et a
subi une baisse de 20 % après trois
jours de cotation ; l’action Peugeot
cote moins de 7 € en août 2012 après
avoir atteint un pic de plus de 60 €
en 2007.
La comptabilité est donc un outil
incontournable de l’évaluation des
activités d’une entreprise.
•
> bibliographie
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