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Revue Marocaine de Rhumatologie
pulmonaire a été retenu. Le patient a bénéficié d’une arthrotomie
et d’un drainage chirurgical avec issue de liquide jaune citrin et
de fausses membranes. La culture du liquide articulaire dont la
formule cellulaire était inflammatoire ainsi que les hémocultures
n’ont pas mis en évidence de germe. La recherche de microcristaux
dans le liquide articulaire était négative. Deux jours après son
admission, le patient a développé de façon brutale des lésions
cutanées à type de plaques érythématopapuleuses à bords nets
et infiltrés douloureuses siégeant au niveau de la face supérieure
des deux épaules, des deux coudes, des faces palmaires des
deux mains, associées à des lésions indurées au niveau de la
face antérieure des deux jambes (fig. 1). Une biopsie cutanée
a été réalisée au niveau du coude gauche et a conclut à un
infiltrat dermique majoritairement neutrophilique en faveur d’une
dermatose neutrophilique. Il s’agissait en fait, d’une atteinte
articulaire dans le cadre d’un syndrome de Sweet. Le patient a
bénéficié d’un traitement par la colchicine à la dose de 2mg/j.
L’évolution était marquée par une amélioration clinique avec
une apyrexie stable avec régression de la douleur articulaire
et récupération d’une mobilité normale ; régression jusqu’à
disparition des lésions cutanées et une correction des anomalies
biologiques. Le patient n’a pas reçu d’antibiothérapie. Un bilan
étiologique à la recherche d’une pathologie inflammatoire, auto-
immune infectieuse ou néoplasique associée s’est révélé négatif.
COMMENTAIRES :
Le syndrome de Sweet a été décrit en 1964. Ce diagnostic
repose sur deux critères majeurs, indispensables et au moins
deux critères mineurs (tableau 1).
Il peut survenir à tout âge, avec un maximum de fréquence dans
la cinquantaine chez l’homme et la quarantaine chez la femme.
Les femmes sont deux à trois fois plus souvent atteintes que
les hommes, hormis chez l’enfant où le rapport des sexes
est équilibré [3]. Les données concernant la fréquence et la
prévalence du Syndrome de Sweet sont rares. Son incidence
annuelle a été évaluée en 1990 à 2,7 cas/1.000.000, d’après
une étude portant sur le Sud de l’Ecosse [4]. Le syndrome de
Sweet est le plus souvent idiopathique mais il peut accompagner
ou révéler diverses pathologies de type inflammatoire ou
néoplasique. De rares cas semblent correspondre à des réactions
allergiques médicamenteuses. Les manifestations cliniques ne se
limitent pas aux lésions cutanées. Plusieurs atteintes systémiques
peuvent se voir toutes dues à l’infiltration par les neutrophiles.
L’atteinte pulmonaire a été la première à être décrite. Les signes
fonctionnels sont toujours présents : toux, douleur thoracique,
dyspnée. La radiographie n’est jamais normale. Elle montre
des infiltrats interstitiels uni- ou bilatéraux, une opacité unique
ou multiple parfois excavée. Les biopsies ont montré différents
aspects : infiltrat massif intra alvéolaire de polynucléaires
neutrophiles, fibrose interstitielle ou bronchiolite oblitérante.
L’atteinte ostéo-articulaire est présente dans 33 à 62 % des cas.
Il s’agit d’arthralgies simples ou de polyarthrites asymétriques
non destructrices. Quelques observations d’ostéomyélite ont été
rapportées. L’atteinte oculaire : dans un tiers des cas, il existe
une atteinte bilatérale à type de conjonctivite et d’épisclérite. Des
observations anecdotiques d’uvéites, de nodules limbiques et de
glaucome inflammatoire ont été rapportées. Les autres atteintes
systémiques : des atteintes très rares ont été signalées : rénale
(protéinurie, hématurie), hépatique (cytolyse ou cholestase),
digestive, pancréatique, splénique, ganglionnaire, cardiaque ou
neurologique (méningite aseptique). Dans 50% des cas, aucune
étiologie n’est retrouvée. Mais le syndrome de Sweet peut être
secondaire à plusieurs pathologies qui peuvent être subdivisées
en cinq catégories : une forme para infectieuse faisant suite à
une infection, comme chez notre patiente; il s’agit d’infections
broncho-pulmonaires ou gastro-intestinales, même mineures ;
para inflammatoire (15%) accompagnant les entérocolopathies
inflammatoires [2], la maladie de Behcet [5], le syndrome de
Gougerot Sjögren, la sarcoïdose, la polyarthrite rhumatoïde
ou le lupus érythémateux disséminé et d’autres maladies auto-
immunes ; une forme paranéoplasique (10 à 20%) révélant ou
précédant une hémopathie maligne (leucémies aiguës, leucémies
myéloïdes chroniques) ou une tumeur solide (essentiellement
des adénocarcinomes) [6] ; une forme médicamenteuse (5%)
de description plus récente et enfin une forme gravidique (2%)
[3,6]. Concernant les formes médicamenteuses, les facteurs de
croissance des polynucléaires (G-CSF) sont les plus fréquemment
incriminés. D’autres médicaments ont aussi été rapportés: la
minocycline, les sulfamides, les oestroprogestatifs, l’acide
Critères majeurs :
- apparition brutale de plaques infiltrées érythémateuses, sensibles
ou douloureuses, éventuellement vésiculeuses, pustuleuses ou
bulleuses.
- En histologie : infiltration dermique majoritairement neutrophilique
sans vascularite leucocytoclasique.
Critères mineurs :
- altération de l’état général et température supérieure à 38°C.
- syndrome inflammatoire comprenant au moins trois des critères suivants
: vitesse de sédimentation > 20 mm à 1h, CRP > 12 mg/dl, leucocytose
> 8000 cellules/mm3, neutrophiles circulants > 70%.
- réponse immédiate aux corticoïdes systémiques
- prodromes non spécifiques infectieux respiratoires ou gastro-
intestinaux, ou association à une maladie inflammatoire, un
syndrome myéloprolifératif, une tumeur maligne solide, ou à une
vaccination, ou à une grossesse.
Tableau 1 : Critères diagnostiques de Su et Liu, modifiés par von den Driesch [3]
CAS CLINIQUE R. Akrout et al.
Fig 1: lésions érythémato-papuleuses à bords nets et infiltrés en faveur du
syndrome de Sweet