LE PETROLE A PRIX CASSE – SAISON 2 10 février 2016 En 2016, contrairement à 2015, la chute des prix du pétrole aura un impact globalement négatif sur l’économie. Deux conséquences majeures : déséquilibres dans les émergents, notamment au Brésil (dette publique à 86% du PIB en 2017) et hausse des défauts sur le High Yield US (à 7,8%). Impact négatif sur le secteur du pétrole, des banques, des matériaux de construction et des support services. Impact positif sur BTP/concessions, les compagnies aériennes, l’agroalimentaire, le tourisme et l’automobile. www.research.natixis.com BANQUE DE GRANDE CLIENTELE / ÉPARGNE & ASSURANCE/ SERVICES FINANCIERS SPÉCIALISÉS CROSS EXPERTISE RESEARCH Sommaire Résumé – conclusion 4 1. La baisse des prix du pétrole n’est plus une bonne nouvelle pour l’économie mondiale 6 Comment expliquer un prix du baril sous les 30 $ ? 6 La baisse du baril est-elle tirée par la demande ou par l’offre ? Une réponse par l’économétrie 12 Pourquoi la nouvelle baisse du prix du pétrole réduit désormais la demande mondiale et déstabilise les marchés financiers ? 15 2. Quels impacts sur l’économie américaine et les taux de défaut du HY ? 23 Quelles conséquences d’un pétrole bas pour l’économie américaine ? Consommation, investissement, ventes autos… 23 28 3. Quels impacts sur le risque émergent ? Vers une crise de la dette ? Si oui, de quel type ? 28 Le niveau des spreads souverains des pays émergents tient-il suffisamment compte de la déroute des matières premières ? 33 Taux de change : un impact négatif sur la plupart des devises à l’exception du dollar 36 38 4. Un marché de la dette sous forte pression En fondamental, est-ce grave docteur ? 39 Quel risque de défaut dans le HY Oil & Gas US en 2016 ? 45 Quelle valorisation des crédits Oil & Gas ? 47 Quels impacts sur le marché High Yield ? 49 5. La baisse du pétrole sera-t-elle un jour un soutien pour les actions ? 52 6. Quels secteurs seront les gagnants ? 55 BTP / Concessions : un impact globalement positif 55 Aéronautique : un pétrole à 30 $, une aubaine pour l’aérien 57 Automobile: globalement positif 59 Food-HPC : un double tailwind surtout pour Unilever 63 Tourisme : impact positif 66 Médias : peu d’impact à part pour Ubisoft 67 Biens d’équipement électriques : l’exposition industrielle pèse 69 Utilities : peu ou pas d’impact en 2016 70 72 7. Les secteurs les plus touchés Pétrolières intégrées : des ajustements toujours plus difficiles 72 Tubistes : les yeux sur le cash-flow 75 Services pétroliers : s’il ne devait en rester qu’un 78 Banques : plus de peur que de mal ? 79 Matériaux de Construction : pas d’euphorie 82 Support Services : prudence sur les Bases-vie 86 10 février 2016 3 CROSS EXPERTISE RESEARCH Résumé – conclusion Sylvain Broyer +49 699 7153 357 [email protected] Thibaut Cuillière +33 1 58 55 80 56 [email protected] Stéphane Houri +33 1 58 55 03 65 [email protected] En 2016, contrairement à 2015, la baisse des cours du baril va devenir défavorable à l’économie mondiale et cela pour trois raisons essentiellement : 1/ les pays exportateurs de pétrole réduisent leurs investissements en actifs financiers et se remettent à épargner, ce qui déstabilise les marchés et réduit les exportations des pays de l’OCDE, 2/ les pays importateurs de pétrole, principalement le G7 et l’Asie émergente, consomment moins qu’avant le revenu supplémentaire qu’ils tirent de la baisse des cours et 3/ la chute du baril a été si violente qu’elle devrait entraîner une forte remontée du taux de défaut des sociétés dans le secteur de l’énergie, fortement représenté sur le marché du crédit aux US. Quels sont les impacts sectoriels de ce scénario sur le pétrole à prix cassé ? - Les secteurs les plus pénalisés sont évidemment le secteur pétrolier (services et intégrés), les bancaires, les matériaux de construction et les support services. Dans ce contexte, sont impactés négativement : Eurotunnel, Salini Impregilo, Compass ou Sodexo. - L’impact est globalement neutre pour les utilities, bien que la lecture en soit négative notamment pour E.ON, EdF, Engie, Fortum ou Vattenfall. Il est aussi neutre pour le secteur des biens d’équipements électriques (avec une nette préférence pour Legrand vs Schneider) et celui des médias (avec l’impact positif des devises comme le CAD pour Ubisoft). - A contrario, certains secteurs bénéficient globalement de cette situation, notamment les BTP/concessions, les compagnies aériennes, l’agroalimentaire, le tourisme et l’automobile. Renault, Faurecia, Plastic Omnium, Carnival, MTU, Elior font partie des principales valeurs que nous recommandons à Acheter dans ce contexte (cf. tableau ci-dessous pour plus de détail)… Tableau 1 : Impacts sectoriels Crédit BTP / Concessions Equity Impact secteur x Positif Recommandations Eiffage, Vinci, ADP (+) Eurotunnel, Salini (-) Commentaires Positif pour Autoroutes et aéroports (effet trafic), neutre Contracting dans l'ensemble Compagnies Aériennes x Positif MTU, Airbus, Thalès, Dassault (+) Impact favorable sur la rentabilité, hausse du trafic Neutre pour la défense Automobile x Positif Faurecia, Plastic Omnium, Renault (+) Impact favorable sur le mix, dans une moindre mesure sur la demande Food-HPC x Positif Unilever (+) Impact positif sur la consommation dans les pays matures + marges, qui fait plus que compenser l'effet négatif sur le prix Tourisme x Positif Carnival, TUI, Thomas Cook (+) Fortement positif pour les croisiéristes, dans une moindre mesure pour les tour-opérateurs Médias x Neutre Ubisoft, Publicis, Mediaset (+) Effet devise positif pour la production au Canada dans le cas d'Ubisoft x Neutre E.ON, EdF, Engie, Fortum, Vattenfall (-) Négatif électriciens à moyen terme, plus mitigé pour les gaziers Neutre Legrand (+) Schneider (-) Effet négatif sur l'investissement des entreprises, mais positif sur la consommation des ménages dans les pays matures Utilities x Biens d'équipement électriques x Pétrolières intégrées x Négatif Total, Schoeller Bleckmann (+) Sous-performance des tubistes Services Pétroliers x Négatif Technip, GTT (+) Tecnicas Reunidas (=) Préférer l'onshore à l'offshore x Négatif DNB (-) Revenus en baisse, coût du risque en hausse, augmentation risque pays Matériaux de Construction x Négatif Saint-Gobain, CRH (+) Préférence aux valeurs exposées aux pays matures Répercussions négatives sur les émergents plus fortes que l’impact positif de la baisse de la facture énergétique Support Services x Négatif Elior (+) Compass (-) Exposition au segment des bases-vie Banques x Source : Natixis 10 février 2016 4 CROSS EXPERTISE RESEARCH Nous voyons 2 conséquences majeures à cette situation inédite : D’une part, nous estimons que la probabilité d’une crise de la dette chez les émergents exportateurs de matières premières (14,7% du PIB mondial) n’est plus nulle, soit par insuffisance des réserves de changes (Argentine, Venezuela, Turquie), soit par difficultés de paiement sur les dettes corporate en devise étrangère (dollar notamment), soit parce que la dette publique se voit jetée sur une trajectoire insoutenable (Brésil). D’autre part, nous anticipons une hausse du taux de défaut sur le segment HY Oil & Gas aux Etats-Unis à fin 2016 à 22,7%, ce qui se traduirait par une forte augmentation du taux de défaut HY US tous secteurs confondus à 7,8%. Cette évolution n’est, selon nous, pas encore pleinement valorisée dans les spreads de crédit HY $. En revanche, les spreads de crédit HY € valorisent mieux cette poussée de fièvre attendue sur les taux de défaut et nous semblent plus attractifs que le segment du HY en $ d’un point de vue rendement / risque. Pour autant, tout n’est pas noir. La bonne nouvelle est que les cours du pétrole semblent avoir atteint un plancher et nous nous attendons à une remontée vers les 38 $ pour le WTI en fin d’année. En effet, 60% de la baisse des cours s’explique par l’offre pléthorique entretenue par l’OPEP. L’année dernière, les Capex des producteurs hors OPEP ont baissé de 200 Md$, ce qui se traduira par une baisse de leur production de 660 000 b/j en 2016. Le surplus mondial se réduira ainsi à 1,4 Mb/j. Aussi, effet collatéral de la nouvelle baisse des cours, la Fed sera dans l’impossibilité de remonter plus de deux fois les taux cette année. Ceci freinera les dépréciations du change dans les pays émergents. La dégradation des spreads EMBI enfin n’est pas en retard sur celle des fondamentaux, même s’il est évident que leur ouverture va s’accentuer avec la hausse prévisible des ratios de dette. 10 février 2016 5 CROSS EXPERTISE RESEARCH 1. La baisse des prix du pétrole n’est plus une bonne nouvelle pour l’économie mondiale Abhishek Deshpande +44 20 32 16 92 23 Comment expliquer un prix du baril sous les 30 $ ? [email protected] Le baril de Brent a atteint moins de 30 $ courant janvier et certains pétroles de plus faible qualité ont même baissé à des cours proches 1,5 $ le baril. Jamais depuis 2003, les cours n’étaient tombés aussi bas. Comment en est-on arrivé là ? Nous regardons les différents points de la demande et de l’offre mondiale de pétrole en 2015 et leur évolution pour 2016. Le constat s’impose : les prix vont rester bas encore longtemps. La demande mondiale a ralenti en 2015… La croissance de la demande a été exceptionnelle pendant la majeure partie de 2015, à +1,7 Mb/j en glissement annuel (GA), mais le rythme a ralenti au cours des derniers mois, faisant écho à l’affaiblissement de la demande mondiale. Ce ralentissement de la demande de pétrole sur les derniers mois de 2015 s’observe dans les principales régions du monde : - En Chine, la demande était de -1,4% sur un an en décembre, après avoir culminé a +9,7% en mai. Sur l’ensemble de l’année 2015, la progression de la demande chinoise aura été de 3,2% par an. - Aux Etats-Unis, la demande stagnait en décembre (-0,1% en GA), alors qu’elle progressait encore de +7,2% par an en juin. Sur l’ensemble de l’année, la hausse n’est ainsi que de 3,4% sur un an. Même la demande d’essence a commencé à donner des signes de faiblesse (+3,4% en 2015) malgré les prix bas. - Dans l’UE, après avoir culminé à 3,4% en GA au premier trimestre, la demande de pétrole n’augmentait plus que 0,6% en octobre, soit 2% en moyenne sur l’année 2015. - Même le Moyen-Orient a enregistré un ralentissement : +2,3% au T2 15 avant de revenir à 1,9% au T3, et selon les estimations initiales 2,3% au T4. Il n’y aura eu finalement qu’en Inde que la demande de produits pétrolier est restée robuste en 2015 : +7,4% en novembre pour les principaux produits déréglementés. Mais elle continuera à progresser en 2016 En 2016, nous estimons que la demande globale augmentera, mais de seulement 1,1 Mb/j contre 2,8 Mb en moyenne depuis 2011, avec : - +200 000 b/j de demande chinoise, principalement tirée par l'essence, le kérosène et les autres fractions légères. - +200 000 b/j pour les Etats-Unis, selon les prévisions, en 2016, mais elle pourrait s'avérer sensiblement plus faible en raison des gains d'efficacité croissants et éventuellement d'un ralentissement de la croissance. - +50 000 b/j pour l'UE, en ralentissement vs 2015. - +180 000 b/j pour l’Inde. Outre la consommation domestique de produits pétroliers, la Chine devrait accroître la capacité de ses stocks stratégiques de 69,2 Mb en 2016 et l'Inde de 29,2 Mb étant donné les retards de construction de pipelines. 10 février 2016 6 CROSS EXPERTISE RESEARCH La corrélation entre la demande et les prix du pétrole s’est dégradée depuis fin 2014. Elle est meilleure avec l’offre, comme nous allons le voir dans la partie suivante. Graphique 1 : Correlation: Brent market excess 3 mo lag vs oil price 0,8 Correlation: Brent demand 3 mo lag vs oil price 1 0,6 0,8 0,4 0,6 0,2 0,4 0,2 0 0 -0,2 -0,2 -0,4 -0,4 -0,6 -0,6 -0,8 -0,8 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2010 2011 2012 2013 2014 2015 -1 -1 Source :Natixis L’offre non OPEP, à la peine en 2015, devrait diminuer en 2016, entrainée par les EtatsUnis… Du côté de l'offre non OPEP, les Etats-Unis, qui avaient volé la vedette en 2014, ont commencé à être à la peine. Le nombre d’appareils de forage (rig count pétrolier) a chuté de façon spectaculaire à 498 fin janvier (-59% sur un an), son plus bas niveau depuis avril 2010. Les volumes de production ont bien résisté, avec une moyenne de 9,18 Mb/j en décembre 2015. En moyenne, la production en Amérique du Nord a augmenté de 770 000 b/j en 2015. Pour 2016, nous prévoyons une contraction de l'offre nord-américaine de plus 500 000 b/j. Nous pensons qu'environ 1 Mb/j produits par des sociétés non investment grade aux Etats-Unis pourrait être menacés si l'on commençait à assister à des faillites d'entreprises. Si les sept principaux bassins de schiste perdaient chacun un forage par mois, la production pourrait diminuer jusqu'à 1 Mb/j en six mois. L'Amérique du Sud est en bonne voie pour augmenter sa production (+100 000 b/j selon nous), avec de nouveaux projets au Brésil à partir des structures ante-salifères, et une plus grande stabilité en Colombie permettant de maintenir la production. La production européenne a également continué à s'améliorer, en particulier en mer du Nord, où, pour la première fois depuis 2000, celle du plateau continental britannique a augmenté. Sur 2015, dans son ensemble, la production de BFOE (Brent, Forties, Oseberg et Ekofisk) a progressé de 4%, malgré l'entretien de plusieurs plates-formes importantes, dont celle de Buzzard, sur le plateau continental britannique. Les chargements de BFOE sont prévus en hausse de 14% en GA en janvier 2016. Compte tenu des investissements réalisés, la production de pétrole des pays européens de l'OCDE augmentera légèrement, de 40 000 b/j, selon nous. L’offre russe a également crû en glissement annuel, et le calendrier des chargements pour décembre 2015 montrait une augmentation de 26% en GA. Pour l'ensemble de l'année 2015, les chargements de l'Est et de l'Ouest ont en moyenne augmenté de 7,1% par rapport à la même période en 2014. Aidées par la réduction des coûts due à la dévaluation du rouble, les compagnies pétrolières russes ont poursuivi la plupart de leurs plans de production et d'investissement en 2015. En 2016, nous prévoyons que la production russe diminuera de 50 000 b/j, les condensats ne compensant pas la baisse de la production des projets « brownfield ». Nous attendons également de légers replis au Kazakhstan et en Azerbaïdjan en 2016. 10 février 2016 7 CROSS EXPERTISE RESEARCH Tout cela signifie que la production des pays ne faisant pas partie de l'OPEP devrait diminuer de plus de 660 000 b/j en 2016. Tableau 1 : Variation de l’offre non-OPEP en 2016 En kb/j Amérique du Nord OCDE Europe Amérique du Sud (hors Chili) Afrique FSU Variation nette Variation de la demande en 2016 OPEC IEA Natixis -450 -60 +40 -20 -180 -660 -450 -140 +110 -10 -70 -580 -500 +40 +100 -50 -100 -660 En kb/j OPEC IEA Natixis OCDE Chine Amérique du Sud (hors Chili) Autres Asie (yc Inde) Moyen-Orient Variation nette +170 +290 +120 +320 +180 +1 260 +30 +350 +10 +500 +140 +1 210 +170 +200 +50 +410 +150 +1 100 Sources : Natixis, IEA, OPEC … et les réductions de Capex et d’Opex des compagnies Pour les producteurs hors OPEP, les réductions de Capex annoncées en 2015 ont été mises en place et, ressortent actuellement à plus de 176 Md$ pour les sociétés que nous suivons, soit une baisse moyenne de 37% par rapport aux budgets 2014 (-38% pour les producteurs US). Selon Wood Mackenzie, qui couvre un nombre beaucoup plus important de sociétés, les réductions de Capex représentent plus de 200 Md$. Nous avons également examiné les réductions d'Opex pour les 14 majors pétrolières. En moyenne, la baisse d'Opex (-12%) est inférieure à celle du Capex (-27%, sauf chez Petronas, dont le Capex baisse de 15% et l'Opex de 30%). Dans la plupart des cas, les réductions de Capex affecteront la production de brut hors d'Amérique du Nord après 2017. En Amérique du Nord, et plus particulièrement aux EtatsUnis, l'impact des baisses de Capex sur la production de pétrole brut est déjà perceptible en 2015, et devrait s’intensifier en 2016. Les réductions de Capex se poursuivront en 2016, certains grands groupes tels que Shell, ConocoPhillips et Chevron ayant déjà annoncé de nouvelles coupes. Nous tablons également en 2016 sur une réduction croissante des Opex. Mais la production de l'OPEP, qui a fortement augmenté, va continuer de croitre Les objectifs de production ont disparu et la compétition fait rage En 2015, la production de l’OPEP a augmenté de 1 Mb/j et atteint un pic égal à celui du e troisième trimestre 2012. Le 4 décembre 2015, lors de sa 168 réunion, l'OPEP a décidé de maintenir ces niveaux de production record sans parvenir à trouver un consensus sur les objectifs de production. L'organisation a déclaré qu'elle continuerait à surveiller le marché et convoquerait une nouvelle réunion si nécessaire. En l’absence de plafond, certains pays, comme l'Arabie Saoudite et l'Irak, pourraient continuer à produire des volumes élevés, ce qui maintiendra la situation d'excédent sur le marché au cours des prochains mois (voir le rapport e sur la 168 réunion de l'OPEP). La production de brut en Arabie Saoudite était proche de 10,1 Mb/j en décembre 2015. L'Arabie Saoudite, l'Irak, l'Iran, les EAU et l'Angola ont tous augmenté leur production en 2015, et l'Irak de plus de 28% en novembre 2015. Ces hausses ont été progressives et ininterrompues (sauf en Angola, où la production a été confrontée à des problèmes sur le terrain), les pays ayant commencé à entrer en concurrence les uns avec les autres depuis le changement de cap de l'OPEP. Cette concurrence se manifeste non seulement dans les augmentations des volumes de production mais également dans une tarification agressive. La guerre des parts de marché entre l'OPEP et la Russie s'est également intensifiée, l'Arabie Saoudite ayant réduit son prix de vente officiel à l'Europe. Selon Reuters, le raffineur suédois Preem a importé du brut d'Arabie Saoudite pour la première fois depuis deux décennies en décembre. L'Arabie Saoudite est également en train de prendre des mesures pour lutter contre l'effondrement de ses revenus en réduisant les subventions sur les carburants et d'autres biens de première nécessité, comme 10 février 2016 8 CROSS EXPERTISE RESEARCH annoncé le 28 décembre 2015. Dans le cadre d'un programme d'austérité sur 5 ans, le prix de l'essence a été augmenté de 50% et celui du diesel de 2/3 du jour au lendemain. Les pays méditerranéens et asiatiques seront les principaux terrains de la guerre des prix pétroliers entre l'Arabie Saoudite, l'Iran et la Russie. La levée des sanctions permet le retour de l’Iran Suite à la levée des sanctions contre l’Iran le 16 janvier 2016, le pays pourra, pour la première fois depuis plus de 4 ans, commencer à produire et à exporter son pétrole sans limite. Il a également retrouvé accès aux marchés de capitaux internationaux. La production iranienne a atteint 2,88 Mb/j en décembre 2015, inférieur de 1 Mb/j à son niveau d’avant les sanctions. Le gouvernement a affirmé plusieurs fois son intention d’augmenter la production de 500 000 b/j dans l’immédiat, puis de nouveau de 500 000 b/j au cours des douze mois qui suivront la levée des sanctions. Ayant de nouveau accès aux assurances internationales, l'Iran sera également en mesure de réduire son stockage flottant de 46 Mb. Cependant, la rapidité avec laquelle ce pétrole et ce condensat reviendront sur le marché n’est pas encore connue. Nous continuons de tabler sur une augmentation progressive de 200 000 b/j à 800 000 b/j entre le T1 16 et le T4 16. Une stabilisation politique en Libye favoriserait la reconstruction du secteur pétrolier Par ailleurs, la création d'un gouvernement d'unité nationale (suite à la nomination d’un cabinet de 32 membres le 16 janvier 2016) permettrait à la Libye de bénéficier d'une législature internationalement reconnue et autoriserait ensuite l'aide internationale, l'accès aux actifs bloqués et d'autres aides. La Libye pourrait alors commencer à reconstruire son secteur pétrolier et à lutter contre l'influence croissance de l'Etat islamique. En décembre 2015, la Libye a produit 394 000 b/j, soit un niveau très inférieur au 1,5 Mb/j produits avant la mort du colonel Kadhafi. Selon nous, à court terme, la Libye a peu de chance de pouvoir revenir à ces volumes historiques, étant donné les dégâts subis par les infrastructures ; toutefois, elle pourrait accroître sa production de quelque 500 000 b/j si le pays retrouvait une certaine stabilité. La nouvelle devrait accentuer les pressions baissières s’exerçant sur les prix du pétrole. Encore un marché excédentaire jusqu’en 2017 Sur la base des fondamentaux actuels, nous prévoyons que les marchés resteront en situation de surplus jusqu'en 2017, avec une moyenne très supérieure à 1,39 Mb/j en 2016. Alors que l'Arabie Saoudite réduira, selon nous, sa production de 200 000 b/j d'ici la fin du T2 16 en raison de la baisse saisonnière de la demande, l'Iran l’augmentera de 500 000 b/j d'ici la fin du T2 16. En rythme annuel, l'Arabie Saoudite augmentera sa production au T1 d'au moins 200 000 b/j et l'Iran de 500 000 b/j par rapport au T1 15. Nous n’intégrons pas la Libye et ses 500 000 b/j dans nos hypothèses de base pour 2016. Dans ce scénario, nous tablons sur une augmentation des stocks mondiaux de brut bien supérieure à 1 Mb d'ici fin 2016. Graphique 2 : Equilibre physique sur le marché mondial du pétrole en 2016 (en Mb/j) 2.5 2.0 1 925 1 755 1.5 1.0 0.865 0.955 T3 16 T4 16 0.5 0.0 -0.5 -1.0 T1 16 T2 16 Production de l’OPEP-Recours à l’OPEP Croissance de la demande en GA Croissance de l’offre non-OPEP Croissance de l’offre OPEP Sources : IEA, Natixis 10 février 2016 9 CROSS EXPERTISE RESEARCH Et nos prévisions de prix pétroliers sont une nouvelle fois revues à la baisse Au regard de la levée des sanctions contre l'Iran, les révisions de l'AIE observées dans son dernier rapport mensuel suggèrent une augmentation de l’offre excédentaire de brut au cours des derniers mois (cf. graphique 2). L’offre devrait rester excédentaire au moins jusqu’en 2017 et, compte tenu de la formation d’un gouvernement d'union nationale en Libye qui permettrait le retour de sa production, nous révisons une nouvelle fois nos prévisions à la baisse sur le prix moyen du Brent de 4 $/b à 35,5 $/b pour 2016 et de 9 $/b à 46 $/b pour 2017. Le prix du Brent devrait, selon nous, rester sous pression dans les prochains mois. Les capacités de stockage de pétrole onshore devraient en effet être testées à l’échelle de la planète, l’offre excédentaire, en se maintenant au même niveau, pourrait obliger un déplacement du brut des supertankers (stockage pétrolier en mer) et augmenter les pressions sur l'extrémité courte de la courbe des prix futurs du Brent. Dans cette hypothèse, le Brent pourrait revenir à 20 $/b. En revanche, le prix moyen du WTI devrait s’établir à 34,3 $/b (prévision revue en baisse de 3 $/b) en 2016, puis à 44 $/b (prévision revue en baisse de 9 $/b) en 2017. Si le WTI se traite actuellement avec une prime en raison de la pression exercée sur le Brent par le retour de l’Iran, du ralentissement de la production américaine et de la levée de l'interdiction des exportations, nous estimons que l'ouverture des arbitrages de la côte Atlantique et que l’excédent brut revenant des capacités de stockage de Cushing feront de nouveau passer le WTI sous le Brent pour tenir compte des coûts de transport du brut de Cushing à la côte du golfe du Mexique. Toutefois, en raison de la rapidité des changements de tendance, le spread Brent-WTI sera extrêmement volatil en 2016. Au premier semestre 2016, il devrait rester faible. La fermeté du dollar devrait également peser sur les cours pétroliers, bien que les corrélations entre le pétrole et le billet vert semblent instables. Les tensions actuelles entre l'Arabie Saoudite et l'Iran pourraient ajouter une prime de risque géopolitique importante, mais seulement si les tensions entre les deux rivaux pétroliers s'intensifiaient au point de perturber l'offre dans la région. L'Iran et l'Arabie Saoudite produisent à eux deux 14 Mb/j. Selon nous les deux pays seront très attentifs à ne pas perturber ces flux, car ils sont très dépendants des revenus du brut. Tableau 2 : Scénario central 2016 En $/b 2014 2015 WTI (moyenne) t/t-1 (%) Brent (moyenne) t/t-1 (%) 93,6 -5,2 99,8 -7,2 48,8 -47,9 53,5 -46,4 En $/b 2015 2016e WTI (moyenne) t/t-1 (%) Brent (moyenne) t/t-1 (%) 48,8 -47,9 53,5 -46,4 34,3 -29,8 35,5 -33,6 2016e T1 29,0 -31,1 30,0 -32,9 T2 33,0 13,8 34,0 13,3 T3 37,0 12,1 38,0 11,8 T4 38,0 2,7 40,0 5,3 Annuel 34,3 -29,8 35,5 -33,6 T4 48,0 4,3 50,0 4,2 Annuel 44,0 28,5 46,0 29,6 Source : Natixis Tableau 3 : Scénario central 2017 2017e T1 40,0 5,3 42,0 5,0 T2 42,0 5,0 44,0 4,8 T3 46,0 9,5 48,0 9,1 Source : Natixis Outre notre scénario central, nous avons également préparé un scénario optimiste et un scénario pessimiste. Dans l’optimiste, le cours du Brent ressort en moyenne à 42 $/b en 2016 si les producteurs non membres de l'OPEP (et plus particulièrement les Etats-Unis) réduisent agressivement leur production. L'intensification des tensions entre l'Arabie Saoudite et l'Iran devrait entraîner une augmentation des prix du pétrole au-delà de notre scénario de base 10 février 2016 10 CROSS EXPERTISE RESEARCH optimiste mais il est difficile d'intégrer une telle éventualité. Dans notre scénario pessimiste, nous prévoyons en moyenne le Brent à 29 $/b en 2016 si l'OPEP produit plus que prévu ou accroît ses capacités de production et que les productions de schistes américaines restent résilientes. Dans ce cas, le prix du pétrole pourrait rester plus bas jusqu'en 2017. La Libye sera l'inconnue de 2016, avec la formation d'un gouvernement d'unité nationale et une réunion imprévue de dernière minute de l'OPEP si la production des Etats-Unis chutait dramatiquement. Tableau 4: Prévisions des prix du pétrole En $/b Scénario pessimiste WTI Brent 31 mars 2016e 24 26 30 juin 2016e 24 26 30 septembre 2016e 28 30 31 décembre 2016e 32 34 Scénario central WTI Brent 29 30 33 34 37 38 38 40 Scénario optimiste WTI Brent 35 36 39 40 43 44 46 48 Source : Natixis 10 février 2016 11 CROSS EXPERTISE RESEARCH La baisse du baril est-elle tirée par la demande ou par l’offre ? Une réponse par l’économétrie Johannes Gareis +49 (0) 69 97153-354 [email protected] On a vu que l’offre et la demande de pétrole ont pu contribuer toutes les deux à la baisse des cours en 2015. Mais quelle est vraiment la part de l’une et de l’autre ? Le déterminer est important, car de la cause principale découlent des conséquences économiques différentes. Les conséquences économiques d’une baisse des cours provoquée par une faiblesse de la demande de pétrole seront assez limitées. En revanche, une baisse du prix du pétrole qui s’expliquerait par une augmentation de l’offre de pétrole constituerait un choc exogène sur l'activité économique a priori favorable à la croissance mondiale. Deux techniques différentes de modélisation économétrique La première approche consiste à modéliser le prix du pétrole sur des variables liées principalement à la demande mondiale, en faisant abstraction des facteurs propres au marché du pétrole. Nous pouvons ainsi facilement isoler l’influence des facteurs liés à la demande dans la baisse récente du prix du pétrole, les écarts résiduels traduisant alors l’influence des facteurs d’offre. Plus précisément, nous avons effectué une régression des variations quotidiennes en pourcentage du prix du Brent en fonction de la variation du rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans, de celle des prix du cuivre, et du taux de change du dollar américain du 3 janvier 2005 au 30 juin 2014. En général, ces variables explicatives sont déterminées par la croissance mondiale et sont indépendantes des facteurs propres à l'offre de pétrole. Nous avons ensuite extrapolé les résultats de cette modélisation aux observations du prix du pétrole entre le 1er juillet 2014 et le 8 janvier 2016, en tenant 1 compte de l’évolution des mêmes paramètres (graphiques 1 et 2) . La deuxième approche consiste à démêler les effets des facteurs liés à l'offre de l’influence de la demande, en partant des similitudes que présentent les évolutions du 2 cours du baril avec les marchés actions . Intuitivement, nous pouvons penser qu’une contraction de la demande (après un ralentissement de la croissance mondiale par exemple) pèse à la fois sur les prix du pétrole et sur les cours boursiers. Parallèlement, nous pouvons anticiper une progression de l’offre de pétrole entraîne un repli de son prix, mais soutient les cours des actions par une réduction des coûts de l'énergie et par augmentation de la croissance mondiale. Un rapide coup d'œil à l’évolution des prix du pétrole et à celle des indices actions suggère que les facteurs liés à la demande ont été déterminants pour expliquer le comportement du prix du pétrole entre 2005 et 2008 puis fin 2008, lorsque les prix du pétrole et les actions se sont effondrés. Fin 2014, les prix du pétrole ont toutefois chuté alors que les marchés actions étaient généralement haussiers, suggérant que des facteurs liés à l’offre ont influé. La baisse récente des prix du pétrole et des actions, entamée fin 2015, semble de nouveau s’expliquer par un ralentissement de la demande (graphique 3). Pour mesurer séparément les effets des facteurs liés à l'offre et l’influence de la demande dans l’explication de la chute récente du prix du pétrole, nous avons utilisé un modèle vectoriel autorégressif structurel avec restrictions de signe. Nous avons estimé ce modèle à partir de l’observation quotidienne des variations en pourcentage du prix du pétrole et de l’indice S&P 500 Composite du 3 janvier 2015 au 8 janvier 2016. À partir de cette estimation, nous expliquons l’évolution récente du prix du pétrole en fonction de chocs sur la demande et sur l’offre sur le marché du pétrole sous restrictions du signe de la variation des prix du pétrole et des actions qui ont suivies (graphique 4). Les restrictions de signe permettant d'identifier les chocs dans le modèle sont simples. Elles se définissent de la manière suivante : un choc de demande sur le pétrole entraîne une variation des prix du pétrole et des actions de même signe, alors qu'un choc d'offre sur le pétrole conduit à une corrélation négative entre les prix du pétrole et les cours des actions. Cette approche a également été retenue par Hamilton (2015), « Demand factors in the collapse of oil prices », Econbrowser, janvier 2015. Voir aussi Banque mondiale (2015), « The great plunge in oil prices: Causes, consequences and policy responses », mars 2015 et FMI (2015), « Global Implications of lower oil prices », juillet 2015. 1 2 10 février 2016 12 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 1 : Prix observé du Brent et prévisions du modèle1 (en $/b) Graphique 2 : Variations journalières cumulées des prix du pétrole (log, en %)1 120 120 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 07/14 0 0 0 01/14 04/14 07/14 10/14 01/15 04/15 07/15 10/15 01/16 Prévisions du modèle 10/14 01/15 04/15 07/15 10/15 01/16 0 -25 -25 -50 -50 -75 -75 -100 -100 -125 -125 -150 -150 Prix du pétrole Demande Offre Observées Les résultats sont basés sur une régression à partir des prix du cuivre, du rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans et du taux de change du dollar américain. 1 Sources : Datastream, Natixis Graphique 3 : Prix du pétrole et marchés actions Graphique 4 : Variations journalières cumulées des prix du pétrole (log, en %)2 160 2250 140 2000 120 1750 -25 -25 100 1500 -50 -50 80 1250 -75 -75 60 1000 -100 -100 40 750 -125 -125 20 500 -150 -150 05 06 07 08 09 10 Prix du pétrole brut Brent (G) 11 12 13 14 15 07/14 0 16 Indice S&P Composite (D) 10/14 01/15 04/15 07/15 10/15 01/16 0 Demande Offre Observées Régression à partir d’un modèle vectoriel autorégressif structurel à 2 variables avec restrictions de signe. 2 Source : Datastream Sources : Datastream, Natixis Quelle est l’influence des facteurs de demande et d’offre dans l’explication de la baisse récente du prix du pétrole ? Les résultats sont immédiats. Les deux modèles indiquent que l’essentiel de la baisse du prix du pétrole observée jusqu'à récemment s’explique par les facteurs d'offre. Plus précisément, les résultats du modèle suggèrent que dans l’explication du recul du prix du pétrole depuis juillet 2014, l’évolution de l’offre de pétrole est pratiquement deux fois plus déterminante que le comportement de la demande (40% pour les facteurs de demande, 60% pour les facteurs d'offre). Autrement dit, sur la baisse du prix du pétrole de 80 $ observée depuis juillet 2014, environ 50 $ découlent de facteurs liés à l’offre de pétrole. 10 février 2016 13 CROSS EXPERTISE RESEARCH S’agissant de la baisse la plus récente du prix du pétrole, depuis fin 2015, les modèles suggèrent qu’elle s’explique à la fois par des facteurs d'offre et de demande. Les estimations du modèle n’indiquent toutefois pas que les contributions relatives aux variations du prix de pétrole ont évolué. La baisse actuelle des prix du pétrole s’explique donc toujours de façon prépondérante par les facteurs d’offre. Globalement, les résultats indiquent que l’évolution de l’offre de pétrole a expliqué 60% de la baisse du prix du pétrole observée depuis mi-2014, contre 40% pour les facteurs plus généralement liés à la demande. 10 février 2016 14 CROSS EXPERTISE RESEARCH Pourquoi la nouvelle baisse du prix du pétrole réduit désormais la demande mondiale et déstabilise les marchés financiers ? Patrick Artus +33 1 58 55 15 00 [email protected] Une baisse du prix du pétrole réduit aujourd’hui la croissance mondiale Nous venons de montrer que la baisse du prix du pétrole depuis 2014 (graphique 1) est due avant tout à l’apparition d’un excès de production mondiale du pétrole. Celui-ci est lié à la nouvelle stratégie des pays de l’OPEP qui consiste à gagner des parts de marché en produisant davantage et en rendant ainsi, avec les prix plus faibles du pétrole, non profitable la production de pétrole cher en dehors de l’OPEP (Arctique, sables bitumeux, pétrole de schiste, deep offshore) ; cette baisse a probablement été renforcée par un motif géopolitique en Arabie Saoudite. Graphique 1 : Prix du pétrole (Brent, $/baril) 160 140 120 100 80 60 40 20 0 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16 Sources : Datastream, Natixis Regardons le comportement des pays exportateurs et des pays importateurs de pétrole. Pays exportateurs de pétrole Lorsque le prix du pétrole est élevé, une baisse du prix du pétrole conduit surtout à une réduction de l’épargne (donc de l’excédent extérieur, des placements à l’étranger) des pays exportateurs de pétrole ; mais plus le prix du pétrole devient bas, plus ces pays sont obligés de réduire leurs dépenses (donc leur importations). Les graphiques 2 et 3 montrent qu’en 2008/09 et depuis 2014, il y a un fort recul des importations des pays exportateurs de pétrole. Cette baisse de la demande dans les pays exportateurs de pétrole va être renforcée à partir de 2016 par la nécessité de réduire leurs déficits publics (graphique 4). La baisse du prix du pétrole a fait chuter les recettes fiscales de ces pays (graphique 5) où l’énergie représente une partie très importante des revenus (graphique 6). La plupart ont d’ailleurs annoncé des baisses de dépenses publiques en 2016 (salaires des fonctionnaires et retraites en Russie, subventions diverses et investissements au Moyen-Orient), voire des hausses d’impôts (TVA et taxe sur l’essence en Arabie Saoudite) qui ponctionneront la demande privée. 10 février 2016 15 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 2 : Balance commerciale de l’OPEP + Russie et prix du pétrole Graphique 3 : Russie + OPEP : croissance et importations en valeur 1 400 160 1 600 12 1 200 140 1 400 10 1 000 120 1 200 8 800 100 1 000 6 600 80 400 60 800 4 200 40 600 2 0 20 400 0 200 -2 -200 0 70 74 78 82 86 90 94 98 02 06 10 14 0 -4 70 Balance commerciale de la Russie+OPEP (Md$, annualisé, Ech. G) 74 78 82 86 90 94 98 02 06 10 14 Imoprtations valeur (Md$, annualisée, Ech. G) Prix pétrole (brent, $/baril, Ech. D) PIB volumes (GA en %, Ech. D) Sources: Datastream, Natixis Sources : Datastream, Natixis Graphique 4 : OPEP + Russie : déficit public (en % du PIB valeur) Graphique 5 : OPEP+Russie : dépenses publiques et recettes fiscales (en % du PIB valeur) 8 38 38 6 36 36 34 34 32 32 30 30 28 28 4 2 0 -2 -4 -6 26 -8 26 02 03 04 -10 06 07 08 09 Dépenses publiques 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Sources : Datastream, Natixis 05 10 11 12 13 14 15 Pression fiscale Sources : FMI, Natixis Graphique 6 : Exportations d'énergie (pétrole et gaz, en % du PIB valeur) 70 70 60 60 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 02 03 04 Russie 05 Iran 06 07 Irak 08 09 Algérie 10 11 Nigéria 12 13 14 Arabie saoudite Sources : Datastream, OMC, Natixis 10 février 2016 16 CROSS EXPERTISE RESEARCH Pays importateurs de pétrole Lorsque le prix du pétrole est élevé, une baisse du prix du pétrole, qui accroît le revenu réel des pays de l’OCDE, conduit à un supplément de demande. Mais si le prix du pétrole est bas, une nouvelle baisse, puisque le revenu réel est déjà élevé, ne stimule plus autant la demande et conduit à une hausse de l’épargne des pays de l’OCDE. Les graphiques 7 et 8 montrent que la baisse récente du prix du pétrole a bien redressé la consommation des ménages dans les pays de l’OCDE, mais pas redressé l’investissement des entreprises malgré la hausse induite de la profitabilité. Il y a donc eu une épargne importante des revenus, venant non pas des ménages mais des entreprises. Graphique 7 : OCDE : importations d'énergie et consommation des ménages Graphique 8 : OCDE : importations, investissement et profits 6 6 5 5 4 4 3 3 2 2 1 1 0 0 -1 -1 -2 -2 -3 20 16 12 8 4 0 -4 -8 -12 -16 -3 80 84 88 92 96 00 04 08 12 20 16 12 8 4 0 -4 -8 -12 -16 70 73 76 79 82 85 88 91 94 97 00 03 06 09 12 15 16 Importations d'énergie (en % du PIB valeur) Investissement productif (volume, GA en %) Profits après taxes, intérêts et avant dividendes (en % du PIB valeur) Importations d'énergie (en % du PIB valeur) Consommation des ménages (volume, GA en %) Sources : Datastream, BEA, BCE, ONS, CAO, Natixis Sources : Datastream, BEA, ONS, Eurostat, CAO, Natixis De ce fait, une nouvelle baisse du prix du pétrole en 2016 réduirait la croissance mondiale, la baisse de la demande (Etat, ménages, entreprises) dans les pays exportateurs de pétrole l’emportant sur le soutien de la demande (ménages) dans les pays importateurs de pétrole. La baisse du prix du pétrole reste néanmoins favorable aux pays de l’OCDE : l’exemple de la zone Euro. Baisse du prix de l’énergie, baisse de l’inflation Le graphique 9 montre l’évolution des importations d’énergie de la zone Euro. Graphique 9 : Zone Euro : importations d'énergie (en valeur) 6 600 5 500 4 400 3 300 2 200 1 0 100 02 03 04 05 06 07 08 09 En % du PIB valeur (G) 10 11 12 13 14 15 16 En Mds € par an (D) Sources : Datastream, Eurostat, Natixis 10 février 2016 17 CROSS EXPERTISE RESEARCH La baisse du prix du pétrole depuis 2014 a réduit les importations d’énergie de 1,8 point de PIB : ce gain a été limité par la dépréciation de l’euro vis-à-vis du dollar sur la même période. Ceci constitue un supplément de revenu réel associé à la baisse de l’inflation pour les ménages de la zone Euro (graphique 10). Graphique 10 : Zone Euro : salaire et revenu disponible réel (déflaté par le prix consommation, GA en %) 4 4 3 3 2 2 1 1 0 0 -1 -1 -2 -2 02 03 04 05 06 07 08 09 10 Salaire réel par tête 11 12 13 14 15 16 Revenu disponible réel Sources : Datastream, BCE, Natixis Ceci implique aussi, avec la baisse du coût de l’énergie, une hausse des profits des entreprises de l’ordre de 0,5 point de PIB (graphique 11). Graphique 11 : Zone Euro : profits après taxes, intérêts et dividendes (en % du PIB valeur) 12.5 12.0 11.5 11.0 10.5 10.0 9.5 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Sources : Datastream, Eurostat, Natixis La baisse de l’inflation est renforcée par le recul de l’inflation sous-jacente qui vient du freinage des coûts salariaux (graphique 12), et a permis à la BCE de déclencher le Quantitative Easing, d’où la baisse des taux d’intérêt (graphique 13). L’effet direct positif de la baisse du prix du pétrole est donc la hausse de revenu réel, et la baisse du taux d’intérêt avec la politique monétaire expansionniste. 10 février 2016 18 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 12 : Zone Euro : salaire nominal par tête et coût salarial unitaire (GA en %) 7 7 6 6 5 5 4 4 3 3 2 2 1 1 0 0 -1 -1 -2 -2 Graphique 13 : Zone Euro : taux d'intérêt sur les crédits à taux fixe aux ménages et aux entreprises (en %) 6 6 5 5 4 4 3 3 2 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Salaire nominal par tête 2 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Ménages Coût salarial unitaire Sources : Datastream, Eurostat, Natixis Entreprises Sources : Datastream, BCE, Natixis Dépréciation de l’euro Une baisse du prix du pétrole est associée à une dépréciation de l’euro vis-à-vis du dollar (graphique 14), probablement parce que les pays exportateurs de pétrole, si le prix du pétrole baisse, ont moins de revenus pétroliers en dollars, alors qu’ils placent en euros une partie de leurs excédents. La dépréciation de l’euro est aussi renforcée par la politique monétaire plus expansionniste menée par la BCE en raison de la baisse de l’inflation. Graphique 14 : Taux de change du dollar par rapport à l'euro et prix du pétrole 1.6 160 1.5 140 1.4 120 1.3 100 1.2 80 1.1 60 1.0 40 0.9 20 0.8 0 02 03 04 05 06 07 08 Taux de change (1€ = … $, G) 09 10 11 12 13 14 15 16 Prix du pétrole (Brent, $ / baril, D) Sources : Datastream, Natixis La dépréciation de l’euro soutient la compétitivité et les exportations de la zone Euro, mais cet effet s’est révélé être faible (graphique 15), les entreprises de la zone Euro ayant préféré redresser leurs marges bénéficiaires qui sont basses (graphique 16), plutôt que d’accroître leurs exportations en volume. 10 février 2016 19 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 15 : Exportations et commerce mondial (volume, GA en %) Graphique 16 : Zone Euro : taux de marges bénéficiaires de l'ensemble des entreprises non financières (en %) 20 20 15 15 10 10 5 5 42.0 0 0 41.5 -5 -5 -10 -10 -15 -15 -20 -20 -25 -25 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Zone euro : exportations hors intra Commerce mondial 43.0 42.5 41.0 40.5 40.0 39.5 39.0 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Sources : Datastream, Eurostat, Natixis Sources : Eurostat, Natixis La dépréciation de l’euro n’a donc pas eu au total un effet très positif sur l’activité réelle de la zone Euro. Baisse des exportations vers les pays exportateurs de pétrole La baisse du prix du pétrole dégrade bien sûr les économies des pays exportateurs de pétrole (graphique 17), d’où un recul des exportations de la zone Euro vers ces pays (graphique 18) de 0,6 point de PIB, qui consomme un tiers de la baisse de la valeur des importations d’énergie de la zone Euro. Graphique 17 : OPEP + Russie : PIB en volume (GA en %) 10 Graphique 18 : Zone Euro : exportations vers Russie et OPEP (valeur) 250 2.5 8 200 2.0 6 150 4 1.5 2 100 0 50 1.0 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 -2 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Sources : Datastream, Natixis En mds d'euros (annualisées, G) En % du PIB valeur (D) Sources : Datastream, BCE, Natixis 10 février 2016 20 CROSS EXPERTISE RESEARCH Dégradation des marchés financiers La baisse du prix du pétrole a fortement dégradé la situation du secteur de l’énergie, en particulier aux Etats-Unis : chute de l’investissement (graphique 19), hausse du risque de défaut donc des spreads de crédit (graphique 20). Graphique 19 : Etats-Unis : investissement du secteur de l'énergie (GA en %, valeur) Graphique 20 : Etats-Unis : spread de crédit du secteur de l'énergie (en pb, asset swap) 60 600 40 500 20 400 0 300 -20 200 -40 100 -60 0 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Sources : Datastream, BEA, Natixis Sources : Datastream, Natixis Ceci fait apparaître une hausse forte de l’ensemble des spreads de crédit aux Etats-Unis et, par contagion, dans la zone Euro (graphique 21). Graphique 21 : Zone Euro : spreads de crédit (asset swaps, en pb) 1 750 1 750 1 500 1 500 1 250 1 250 1 000 1 000 750 750 500 500 250 250 0 0 02 03 04 05 06 07 08 09 BBB 10 11 12 13 14 15 16 High Yield Sources : Datastream, Natixis La dégradation de la situation des entreprises pétrolières, des services pétroliers, des industries liées (métallurgie) explique aussi une partie du recul des cours boursiers de la zone Euro (graphique 22) depuis le printemps 2015. 10 février 2016 21 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 22 : Indice EuroStoxx (100 en 2002) 160 160 140 140 120 120 100 100 80 80 60 60 40 40 02 03 04 05 06 07 08 09 Total 10 11 12 13 14 15 16 Compagnies pétrolières Sources : Datastream, Natixis La dégradation des marchés financiers de la zone Euro liée ainsi à la baisse du prix du pétrole génère une hausse du coût du capital pour les entreprises et un effet de richesse négatif. Au total, nous observons que la forte baisse du prix du pétrole : - Accroit les revenus réels des ménages et les profits des entreprises de la zone Euro, lesquels sont surtout thésaurisés et pas investis. - Conduit à une dépréciation de l’euro et à une baisse des taux d’intérêt. - Mais fait apparaitre un recul des exportations de la zone Euro vers les pays exportateurs de pétrole. L’effet net total de la baisse du pétrole est positif, mais seulement faiblement. De là on comprend que les marchés financiers appréhendent la nouvelle baisse du prix du pétrole. La baisse du prix du pétrole, d’après nous : - Dégrade la situation de l’économie mondiale. - Améliore (assez faiblement) la situation des pays de l’OCDE. - Dégrade bien sûr la situation du secteur pétrolier, ce qui contribue à l’élargissement des spreads de crédit et au recul des marchés boursiers. Ainsi, même si la croissance des pays de l’OCDE est accrue, ce bilan complexe explique l’incertitude de la réaction et la volatilité des marchés financiers des pays de l’OCDE. Nous détaillons maintenant notre analyse des effets de la baisse du pétrole sur l’économie et les marchés des Etats-Unis. 10 février 2016 22 CROSS EXPERTISE RESEARCH 2. Quels impacts sur l’économie américaine et les taux de défaut du HY ? Thomas Julien +1 212 8916219 [email protected] Quelles conséquences d’un pétrole bas pour l’économie américaine ? Consommation, investissement, ventes autos… Suite à la révision de nos attentes sur les prix du pétrole, nous analysons ses conséquences sur l’économie américaine, qui sont de trois ordres : - Un impact positif sur la consommation des ménages. - Des effets négatifs sur le secteur minier et les secteurs qui lui sont liés (transports, fabrication de métaux) avec potentiellement des risques de défaut. - L’impact sur la dynamique d’inflation et donc sur la conduite de la politique monétaire. Les effets positifs En guise de point de départ, nous retenons les estimations fournies par le modèle économétrique de la Fed (le modèle FRB/US) qui indique qu’une baisse permanente de 12 dollars le baril devrait générer un impact positif sur la croissance de près 0,2 point de PIB américain à horizon d’un an. Cet impact prend uniquement en compte l’effet positif sur la demande finale et n’inclut pas les effets sur le secteur minier (côté offre). Cependant, il se pourrait que l’impact d’une baisse des prix du pétrole ne se répercute pas entièrement sur la consommation (le principal canal de transmission). Dit autrement, la propension à épargner les gains additionnels en pouvoir d’achat pourrait être plus forte. C’est ce que l’on observe sur la période récente avec une légère hausse du taux d’épargne. Plusieurs explications pourraient entrer en ligne de compte : hystérésis des habitudes de consommation, épargne de précaution dans un contexte de hausse des incertitudes... Même une fois pris en compte ce facteur, l’impact sur la consommation devrait se situer entre +0,1/0,2 point de PIB sur l’année 2016. Graphique 1 : Etats-Unis : Modèle FRB/US: impact cumulé d’une baisse permanente des prix du pétrole de 10 $/baril sur le PIB (trimestres). Etats-Unis: consommation, revenu disponible brut réel et taux d'épargne 0.20 10 10 0.18 8 8 0.15 6 6 4 4 2 2 0 0 -2 -2 0.13 0.10 0.08 0.05 -4 -4 06 0.03 0.00 1 2 3 Sources : FRB/US, Natixis 4 5 6 7 8 08 10 Taux d'épargne 12 14 16 Consommation réelle Revenu réel Sources : BEA, Natixis D’un point de vue sectoriel, la demande d’automobiles pourrait de nouveau bénéficier de la baisse des prix de l’essence, puisque les ventes de voitures sont en général inversement corrélées à l’évolution des cours du pétrole. A noter également, que, quand le prix de l’essence est bas, les ménages américains ont tendance à acheter des voitures plus énergivores (SUV, voitures de luxe). Toutefois, même si les conditions de financement restent avantageuses 10 février 2016 23 CROSS EXPERTISE RESEARCH (conditions d’octroi de crédit très souples), l’effet de rattrapage observé ces dernières années pourrait s’essouffler courant 2016 comme le suggère la stabilisation récente de l’âge moyen des véhicules détenus par les ménages. Graphique 2 : Etats-Unis: prix du pétrole et ventes de voitures Etats-Unis: prix du pétrole et ratio entre ventes de véhicules sur SUV 600 25 500 30 120 130 110 110 400 100 35 300 90 90 40 200 70 100 45 0 50 80 50 70 30 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 60 11 Brent (Jan 2000 = 100), G Part des ventes d'automobiles dans le total des ventes au détail(en %), D inv. 12 13 14 Brent (Jan 2011 = 100) 15 Auto/light truck (Jan 2011=100) Source : Datastream Dans une moindre mesure, la baisse des prix du pétrole devrait également soutenir les marges des entreprises qui utilisent le pétrole comme input dans leur processus de production. Le secteur de l’aviation pourrait à nouveau bénéficier de la baisse de ses coûts variables qu’il ne semble pas avoir totalement répercutée sur le consommateur final. Toutefois, comme nous l’avons souligné précédemment, cette fois-ci une part non négligeable de la baisse des cours du pétrole s’explique aussi par une dégradation des perspectives de demande mondiale. Ce constat ne devrait pas inciter les entreprises à augmenter les dépenses en investissement productif. Graphique 3 : Etats-Unis: part du pétrole et du gaz naturel dans le total des input par industrie (en %) 5 10 15 20 Etats-Unis: prix du carburant et tarifs des billets d'avions 100 25 20 Produits pétroliers 75 Transport aérien Transport maritime 50 10 Transport routier 77% 25 0 0 Transport ferroviaire Utilities -25 -10 -50 Produits chimiques Transports de passagers Collectivités locales Minier hors pétrole et gaz naturel Sources : BEA, Natixis -20 -75 08 09 10 11 12 13 Prix des billets d'avions (CPI), G 14 15 16 Jet fuel (PPI), D Source : Datastream Au total, l’impact positif sur la croissance devrait approcher 0,2 point PIB sur l’année 2016. 10 février 2016 24 CROSS EXPERTISE RESEARCH Les effets négatifs : Houston on a un problème ! Les effets positifs mentionnés ci-dessus devraient se trouver presque entièrement compensés par une nouvelle dégradation de l’activité dans le secteur minier et les secteurs liés. Concernant les effets directs, la baisse du prix des matières premières devrait à nouveau impacter les dépenses en investissement du secteur minier. L’investissement en infrastructures minières évolue en ligne avec le nombre de puits de forages, en chute libre depuis la fin 2014. Cette chute devrait soustraire 0,5 point de PIB sur l’année 2015 et, en se basant sur nos prévisions de prix du pétrole, encore 0,1 point de PIB en première partie d’année 2016. L’impact d’une nouvelle baisse des cours du brut devrait être marginalement moins forte puisque la part de l’investissement minier dans l’investissement total en structure est déjà retombée sur son niveau d’avant boom de l’exploitation du pétrole de schiste en 2009. L’impact sur le marché de l’emploi devrait être également faible puisque ce secteur occupe une place limitée dans l’emploi total (0,5% des emplois hors agriculture). Graphique 4 Etats-Unis: investissement en structures minières et appareils de forage (GA, en %) Etats-Unis: part de l'investissement minier dans le total de l'investissement en structure (en %) 80 80 33 60 60 30 40 40 20 20 0 28 0 25 -20 -20 23 -40 -40 -60 -60 -80 -80 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Investissement dans le secteur minier 20 18 15 13 Appareils de forage 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Sources : BEA, Baker Hugues Source : BLS Certains secteurs pourraient également souffrir du ralentissement de l’activité dans le secteur minier. Parmi la liste des industries dont l’activité est exposée, se retrouvent en première ligne les secteurs spécialisés dans le transport de pétrole et de gaz (pipeline et transport par train). Toutefois, il faut noter que la production de brut reste robuste et que, pour le moment, la demande pour le transport de pétrole devrait rester forte. Ensuite, la baisse du nombre de puits de forage devrait à nouveau impacter la demande de métaux (primaires et transformés) et la demande de machines qui dépendent également en partie de l’activité dans le secteur minier. Graphique 5 : Etats-Unis: transport de pétrole par train (miliers baril/jour) 1200 Etats-Unis: puits de forage et production de pétrole domestique 10000 2500 9000 1000 2000 8000 800 600 7000 1500 6000 1000 5000 500 4000 400 3000 0 05 200 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Production de pétrole domestique (1000 B/D), G 0 10 Source : EIA 11 12 13 14 15 Puits de forage, D Source : Datastream 10 février 2016 25 CROSS EXPERTISE RESEARCH L’impact négatif sur la croissance devrait également approcher 0,2 point de PIB et viendrait donc compenser les effets positifs mentionnés précédemment. En net, l’impact sur la croissance devrait être neutre. Risque de défaut massif ? Le recul des prix du pétrole pourrait également impacter l’économie américaine via un canal indirect de dégradation des conditions de financement. Les acteurs du secteur minier onshore américain sont nombreux, il est donc difficile de dresser un panorama agrégé exhaustif. L’EIA offre tout de même un éclairage sur l’évolution récente des conditions financières dans le secteur : malgré la forte baisse des coûts opérationnels de production, la chute des cours du pétrole a réduit les revenus commerciaux. En conséquence, les producteurs de brut onshore ont réduit leurs dépenses d’investissement (comme illustré cidessus) et augmenté leur dette. Cette accumulation de dette se traduit aujourd’hui par une hausse marquée de la charge de la dette pour ces producteurs. Avec l’ouverture des spreads de crédit sur le segment High Yield, il devient de plus en plus coûteux pour ces producteurs de refinancer leur dette. Les producteurs qui utilisent du financement de type crédit bancaire font également face au risque de réévaluation (deux fois par an) de leurs réserves qui servent de collatéral aux prêts. Il existe donc un risque de hausse des défauts (et de restructuration) dans ce secteur qui pourrait avoir des répercussions sur les autres secteurs (effets de contagion) ainsi que sur les acteurs financiers exposés. Le montant des dettes agrégé (autour de 350 Md$ selon les différentes estimations) ne paraît toutefois pas poser de risque systémique majeur. Graphique 6 : Etats-Unis: cashflow des producteurs de pétrole onshore (Md$, ra) 60 0.9 40 0.6 20 0.3 0 0 -20 -0.3 -40 -0.6 -60 -0.9 12 13 14 15 Emissions nettes d'actions Produit de la dette Remboursement de la dette Variation nette de la dette Ratio rembrousement de dette sur cashflow Sources : EIA, Evaluate Energy Etats-Unis: Bloomberg high yield corporate bond index (spread, pts) 20 20 15 15 10 10 5 5 0 août-14 0 nov.-14 févr.-15 mai-15 août-15 nov.-15 Composite Energy Industrial Consumer discretionary Source : Bloomberg Quelles conséquences pour la politique monétaire : la Fed veut-elle voir pour croire ? La dynamique récente des créations d’emplois (sur une tendance solide) devrait permettre à la Fed de légitimer une nouvelle hausse des taux lors de la réunion de mars après une pause en janvier. Cette attente reste toutefois conditionnelle à ce que l’environnement externe ne se dégrade pas trop (dépréciation du Yuan et sortie de capitaux) et qu’il n’impacte pas trop fortement les conditions domestiques de financement (baisse des cours boursiers). On l’a bien vu en septembre, la Fed est adverse à ce type de risque et préfèrera jouer la carte de la prudence. 10 février 2016 26 CROSS EXPERTISE RESEARCH Lors de son dernier discours, J. Yellen a de nouveau rappelé sa croyance en la courbe de Philips : une amélioration du marché du travail renforce les attentes de retour de l’inflation vers la cible. Toutefois, les minutes de la réunion de décembre suggèrent que certains membres pourraient bien ne pas souscrire à cette vue et attendent de voir des signes concrets (« hard evidence ») de remontée de l’inflation, malgré un large consensus en faveur de cette hausse. Pas surprenant donc que l’inflation occupe aujourd’hui une place importante dans les discussions des membres du Comité. Le nombre d’apparition du mot « inflation » dans les minutes, confirme cette intuition : si avant crise la fréquence des discussions relatives à l’inflation était positivement corrélée au niveau de l’inflation, c’est aujourd’hui l’inverse. L’inflation devrait donc jouer un rôle important dans la détermination de l’amplitude du cycle de resserrement monétaire. La révision à la baisse de nos attentes sur les prix du pétrole implique mécaniquement une révision à la baisse du profil de l’inflation sur l’année 2016 (graphique). Nous attendons donc une inflation moyenne de 1,3% en 2016 contre 1,9% auparavant. Combiné à des perspectives de croissance plus modestes du fait des déceptions sur le PIB du T3 15 (qui nous pousse à réviser nos prévisions de croissance de 2,3% à 2,0% sur l’année 2016) et probablement davantage de pressions à la hausse sur le dollar, le cycle de resserrement monétaire devrait être plus graduel que ce que nous anticipions auparavant : nous ne prévoyons désormais plus que deux hausses de taux sur l’année contre quatre auparavant. Graphique 7 : Etats-Unis: dynamique de l'inflation et discussion du sujet dans les Minutes 10 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 -10 Rupture 8 6 4 2 0 -2 95 97 99 01 03 Inflation, G. 05 07 09 11 13 15 "Inflation" nombre d'apparitions dans les Minutes, D. Source : Natixis Etats-Unis: prix à la consommation (% GA) 6 6 Prévisions 5 5 4 4 3 3 2 2 1 1 0 0 -1 -1 -2 -2 -3 -3 99 01 03 05 07 09 11 13 15 17 Inflation totale Inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) Sources : BLS, Natixis 10 février 2016 27 CROSS EXPERTISE RESEARCH 3. Quels impacts sur le risque émergent ? Sylvain Broyer +49 699 7153 357 [email protected] Vers une crise de la dette ? Si oui, de quel type ? Evidemment, l’effondrement des cours du pétrole profite aux pays émergents qui en sont importateurs nets. Il s’agit principalement de l’Asie émergente et Israël, qui représentent 27% du PIB mondial. Cette région du monde reste d’ailleurs la plus dynamique, même à considérer que le PIB chinois est surestimé de 2 à 3 points dans sa définition officielle. A l’inverse, la chute des cours affecte les pays émergents exportateurs nets de pétrole et de matières premières dont les cours lui sont liés : principalement l’Arabie Saoudite, la Russie, le Brésil, l’Indonésie, l’Afrique du Sud et la Colombie, qui représentent 14,7% du PIB mondial en ajoutant les autres membres de l’OPEP. Le groupe d’émergents qui bénéficie de la baisse des cours est donc presque deux fois plus important que celui qui en pâtit. Tirés par le Brésil et la Russie, les émergents exportateurs nets de matières premières ont sombré dans la récession. Elle exprime une crise profonde de leurs économies : en point de départ, la baisse des revenus tirés de l’exportation de matières premières dégrade les balances courante et budgétaire ; les spreads EMBI s’écartent avec la moindre solvabilité ; les capitaux étrangers refluent ; les devises se déprécient (-20% en termes effectifs !) ; l’inflation importée se met à galoper ; les banques centrales remontent les taux, ce qui dégrade davantage les perspectives d’activité ; les déficits courants continuent de se creuser, malgré la récession, à cause de l’incapacité des entreprises domestiques à se substituer aux importations devenues plus chères pourtant. C’est le retour à la case départ : un cercle vicieux est enclenché. La nature de la crise actuelle est par ailleurs unique. Les exportations peinent à repartir malgré la forte dépréciation des changes, en raison de la faiblesse du commerce mondial, et de nombreux pays subissent des goulots d'étranglement structurels (infrastructures, qualité de la main d'œuvre, ...). Graphique 1 : Taux de croissance du PIB (GA en %) Balance courante (en % du PIB valeur) 10 10 8 8 6 6 4 4 2 2 0 0 -2 -2 -4 -6 -4 -6 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Economies avancées exportatrices de matières premières Economies avancées importatrices de matières premières Economies émergentes exportatrices de matières premières Economies émergentes importatrices de matières premières Monde 8 8 6 6 4 4 2 2 0 0 -2 -2 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Economies avancées exportatrices de matières premières Economies avancées importatrices de matières premières Economies émergentes exportatrices de matières premières Economies émergentes importatrices de matières premières Sources: Datastream, Natixis 10 février 2016 28 CROSS EXPERTISE RESEARCH Si les cours du pétrole et des matières premières ne se reprennent pas, le prochain danger qui guette les pays émergents exportateurs de matières premières pourrait être une crise de la dette. Elle s’exprimerait de trois façons : - Une crise de liquidité: elle peut être révélée par l'insuffisance des réserves de changes visà-vis de la dette extérieure de court terme ; ce qui fut le point de départ de la crise asiatique de 1997. L’Argentine, le Venezuela, l’Ukraine et la Turquie (tableau 4) sont concernés aujourd’hui. On est certes encore assez éloigné des référents de la crise asiatique (la dette extérieure de court terme atteignait deux fois les réserves de changes de l’Indonésie avant que la crise éclate). Néanmoins, le Venezuela, faiblement imbriqué à la finance mondiale aujourd’hui et pays non systémique, pourrait faire défaut en raison de la faible liquidité de ses réserves de changes. Ces dernières sont majoritairement constituées d'or détenu dans les coffres de la banque centrale à Caracas. Les coffres sont également vides en Argentine. Le nouveau gouvernement s’est acheté du temps en renégociant la dette avec les holdouts et en réformant son économie. La Turquie ne semble pas être aussi risquée, car son statut d’importateur net de matières premières constitue une force de rappel. L’Ukraine pour sa part bénéficie d’une ligne de crédit du FMI jusqu’en 2019. Malgré de fortes turbulences sur ces pays, nous n’attendons pas de répétition de la crise de 1997. - Des défauts sur la dette en devise des corporates : le fort différentiel des taux avec les pays développés, notamment les États-Unis, a stimulé l'endettement en devises étrangères, qui est une cause classique des crises émergentes (le «péché originel»). Dans notre échantillon de pays (l’Indice Global Emergents), 82% des obligations émises par des entreprises non financières sont libellées en dollar US. La forte dépréciation des changes contre dollar pose donc un problème. Si l’on regarde les pays où la part de l’endettement des corporates en dollar est élevée et où les devises ont perdu au moins 15% de leur valeur contre dollar depuis un an, on peut s’inquiéter des situations dans de nombreux pays (Mexique, Argentine, Brésil, Colombie, Russie, Ukraine, Turquie, Malaisie et Angola : tableau 1). Les entreprises de ces pays qui sont les plus exposées dans l’Indice Global Emergents (encours d’obligations et part émise en USD importantes) sont indiquées en rouge dans le tableau 2. Elles figurent parmi les secteurs minier, pétrole & gaz, chimie, télécommunications. Nombreuses d’entre elles sont sous la main publique. Les entreprises ayant les bilans les plus fragiles pourraient faire défaut. Ces difficultés pourraient donc se répercuter sur le souverain sous-jacent. Ce que nous ne pouvons pas savoir toutefois, est la part de contrats de change hedgés par ces entreprises, qui viendrait diminuer le risque de défaut. 10 février 2016 29 CROSS EXPERTISE RESEARCH Tableau 1 : Encours de dettes des entreprises non financières des principales économies émergentes Pays Nombres d'entreprises émettrices Total encours de dettes (moy., MdUS$) Part de la dette en US$ (moy., en %) Part de la dette en devise locale (moy., en %) Taux de change contre US$ (GA en %)1 NEER2 (GA en %) 1 4 4 13 13 18 3 18 3 6 5 2 6 14 2 5 2 1 4 16 4 5 2 2 0,9 1,3 0,4 6,9 3,1 3,4 5,4 13,9 1,3 3,3 1,6 0,4 4,1 8,9 0,3 2,2 2,3 0,6 2,4 4,3 1,9 1,6 1,0 18,1 100 100 98 78 74 85 72 39 69 71 93 100 84 76 100 92 89 0 100 88 66 90 100 100 0 0 2 14 14 14 28 55 8 20 6 0 16 16 0 3 4 0 0 4 34 1 0 0 -24 0 -35 -33 -14 -4 -25 -6 -10 -5 -10 4 -19 -15 -8 -13 -5 -10 0 -18 -9 -20 -34 -11 11 2 -33 -6 11 -28 3 -2 2 -4 4 -16 -13 -9 -2 3 -1 11 -32 -1 -13 -27 11 Angola Arabie Saoudite Argentine Brésil Chili Chine Colombie Corée Hongrie Inde Indonésie Koweït Malaisie Mexique Nigéria Pérou Philippines Pologne Qatar Russie Thaïlande Turquie Ukraine Venezuela 1 Glissement annuel sur des séries trimestrielles; 2 Glissement annuel du taux de change effectif nominal sur des séries trimestrielles Sources : Reuters, Datastream, Natixis Tableau 2: Entreprises non financières possédant le plus grand encours de dettes dans l’indice global émergents Pays Entreprises non financières Angola Arabie Saoudite Argentine Brésil Chili Chine Colombie Corée Hongrie Inde Indonésie Koweit Malaisie Mexique Nigéria Pérou Philippines Pologne Qatar Russie Thailande Turquie Ukraine Vénézuela NORTHERN LIGHTS III BV SAUDI ELECTRICITY GLOBAL SUKUK COMPANY 2 MASTELLONE HERMANOS SA PETROBRAS GLOBAL FINANCE BV CORPORACION NACIONAL DEL COBRE DE CHILE ALIBABA GROUP HOLDING LTD ECOPETROL SA KOREA MIDLAND POWER CO LTD MFB MAGYAR FEJLESZTESI BANK ZRT BHARTI AIRTEL LTD MAJAPAHIT HOLDING BV GIC FUNDING LTD PETROLIAM NASIONAL BHD PETROLEOS MEXICANOS SEVEN ENERGY FINANCE LTD SOUTHERN COPPER CORP POWER SECTOR ASSETS & LIABILITIES MANAGEMENT CORP EILEME 2 PUBL AB SOQ SUKUK A QSC GAZ CAPITAL SA PTT EXPLORATION AND PRODUCTION PCL HAZINE MUSTESARLIGI VARLIK KIRALAMA AS METINVEST BV PETROLEOS DE VENEZUELA SA Total encours de dettes (MdUS$) Part de la dette en US$ (en %) Part de la dette en devise locale (en %) Part de l'Etat dans le capital de l'entreprise (en %) 0,9 2,0 0,5 51,9 11,3 8,0 9,7 323,4 2,0 5,7 3,6 0,5 11,1 78,2 0,3 6,0 4,0 0,6 4,0 22,4 3,6 3,8 1,0 35,6 100 100 100 80 92 100 95 24 38 61 100 100 86 63 100 100 79 0 100 57 75 100 100 100 0 0 0 0 2 0 5 76 25 0 0 0 14 19 0 0 9 0 0 0 25 0 0 0 100 89 Sources : Reuters, Bloomberg, Natixis 10 février 2016 30 CROSS EXPERTISE RESEARCH - Une crise des dettes souveraines : entre 2003 et 2012, la dette publique des pays émergents exportateurs a eu tendance à refluer. Leurs recettes fiscales et la croissance du PIB bénéficiaient du « supercycle » des matières premières et des politiques budgétaires prudentes étaient mises en place, tirant les leçons des crises asiatique, mexicaine et argentine. Cette dynamique est cassée désormais. La constellation actuelle de taux d’intérêt et de déficits publics élevés pourrait même jeter les dettes souveraines de certains pays sur des trajectoires insoutenables. Une arithmétique sobre (hypothèses à taux de croissance nominale, taux d’intérêt et balances primaires inchangés), réalisée à partir des multiples présentés dans le tableau 3, suggère en effet que les dettes publiques du Brésil, de l’Ukraine, de l’Arabie Saoudite, de l’Algérie et du Koweït vont considérablement augmenter à horizon deux ans. Plusieurs dépasseraient même le seuil jugé raisonnable par Reihnart et 3 Rogoff de 60% de PIB pour les pays émergents (Brésil, Hongrie, Ukraine, Inde). Avec 86% de PIB vraisemblablement atteint en 2017, la dette du Brésil nous semble être particulièrement vacillante ; il n’est pas évident que le marché soit capable d’absorber une telle hausse de la dette. D’autres aspects relâchent néanmoins la contrainte: les quatre cinquièmes de la dette publique brésilienne sont libellés en devise locale et un tiers seulement doit être roulé dans les deux ans à venir. Sur ces deux derniers éléments, la situation de la Lybie est par exemple bien plus précaire que celle du Brésil. Graphique 2 : Dette publique (en % du PIB valeur) Dette publique (en % du PIB valeur) 140 140 120 120 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Mexique Chili Venezuela Argentine Colombie 0 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Bulgarie Hongrie Pologne Roumanie République Tchèque Russie Ukraine Turquie Brésil Pérou Dette publique (en % du PIB valeur) 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 China Korea Indonesia Philippines Thailand India 12 13 14 15 16 Malaysia Sources : FMI, Natixis Au regard de l’ensemble des facteurs pesant aujourd’hui sur les émergents (exposition à la Chine et aux matières premières, adéquation de la dette extérieure de court terme aux réserves de changes, part des dettes corpo en devises, trajectoire de la dette publique, solde extérieur et stabilité du change), les fondamentaux d’Asie émergente et de quelques pays d’Europe émergente nous semblent les plus solides. Carmen M. Reinhart & Kenneth S. Rogoff, 2010. "Growth in a Time of Debt," American Economic Review, American Economic Association, vol. 100(2), pages 573-78. 3 10 février 2016 31 Tableau 3 : Grille d'analyse des principaux risques des pays émergents Région Pays (% PIB mondial) Dette des entrepr. en $ Dette publique Dette souv . en devise locale Part dette souv. <2A Déficit public Déficit primaire Oblig. 10 ans Prév. dette publique Balance courante NEER T2 15 2014 2014 T3 15 T2 15 T3 15 2015 T4 15 T4 15 Annuel 2016 T4 15 2017 T3 15 T4 15 Moy. 5 ans Moy. 2015 Moy. 5 ans Moy. 2015 en % des export. totales en % du PIB en % des export. totales en % des réserves ext. en % de la dette totale en % de la dette totale en % du PIB en % de la dette totale en % de la dette totale en % du PIB en % du PIB Rend en % en % du PIB en % du PIB GA en % (%) (%) (%) (%) Mexique (2,0) 0,3 0,0 65,1 40,4 74,5 46,9 52,0 58,1 25,9 -4,0 -0,5 3,1 49,8 -0,8 -12,8 2,9 2,5 3,6 2,7 Argentine (--) 7,5 1,4 15,9 125,0 - - 52,1 21,7 38,0 -2,5 -2,5 9,1 44,0 2,1 3,3 2,1 - 16,1 Brésil (3,1) 13,9 1,3 15,8 16,5 54,8 71,6 69,9 86,2 32,4 -10,3 -0,9 16,5 86,2 -2,1 -5,9 -33,3 1,6 -3,2 6,7 9,0 Chili (0,4) 22,3 4,1 3,9 32,9 60,2 58,1 18,1 26,4 12,8 -1,6 -1,6 4,5 20,0 -1,1 -5,5 4,2 2,2 3,4 4,3 6,7 4,8 3,6 27,1 91,2 85,1 50,9 96,8 24,1 -2,4 0,0 8,3 51,9 -6,6 -28,0 4,7 3,0 3,3 5,0 Pérou (0,4) 15,5 2,4 1,8 11,7 73,6 - 22,4 72,2 2,3 -2,1 -1,2 7,9 25,3 -1,9 4,9 2,5 3,3 3,5 Venezuela (0,5) 13,1 10,2 0,3 137,9 - - 53,0 46,0 14,3 -11,5 -22,9 10,3 -6,7 -4,9 -3,8 10,6 0,8 -4,5 43,9 92,6 2,6 Taux de croissance Bilan Dette int. des entrep. Inflation Bulgarie (0,1) 1,8 0,2 23,5 43,9 - - 28,6 27,2 23,6 -5,8 10,0 0,0 1,4 2,7 1,3 -0,1 Hongrie (0,2) 1,3 -3,2 61,4 46,3 92,4 22,8 75,3 66,8 28,2 -2,6 0,8 3,3 73,1 6,1 -1,7 1,6 2,6 2,2 -0,1 Pologne (0,9) 0,8 -1,2 46,6 44,1 - - 51,1 72,0 31,1 -3,2 -0,8 2,9 52,3 -2,3 -0,8 3,0 3,6 1,7 -0,9 Roumanie (0,4) 0,8 -0,8 48,1 39,2 1,0 0,0 40,9 54,8 32,8 -2,0 -1,2 3,8 43,5 -1,8 -1,9 2,1 3,7 -0,1 -0,1 Rép. Tch. (--) 1,2 -3,7 62,8 71,8 - - 40,6 75,5 36,9 -2,0 -0,2 0,7 37,9 -2,6 0,3 1,3 4,5 1,5 0,3 Russie (3,5) 6,8 8,7 4,5 17,0 60,0 33,9 20,4 71,2 19,5 -0,5 -3,0 9,7 24,4 2,2 -31,6 1,7 -3,2 8,7 15,5 Ukraine (--) 5,3 2,2 15,0 174,3 - - 94,4 45,6 16,0 -4,6 1,4 15,5 116,0 0,3 -26,9 -2,2 -12,6 0,5 1,3 Turquie (1,4) 1,2 -3,9 31,0 121,2 64,0 79,3 32,1 70,9 21,4 -1,3 1,4 10,5 29,4 -1,6 -13,0 4,6 3,4 7,9 7,7 Chine (17,0) - -1,7 55,7 29,1 11,6 7,3 43,2 95,3 34,7 -2,1 -1,7 2,9 41,8 2,3 11,3 8,1 7,0 2,8 1,5 22,2 -8,1 62,0 46,2 11,4 5,1 38,2 89,9 43,7 -1,8 0,0 1,7 35,9 8,4 2,6 3,1 2,4 1,9 0,7 Indonésie (2,5) 8,1 0,9 14,7 45,5 77,5 75,5 26,5 65,4 20,8 -2,6 -0,9 8,9 27,1 -1,8 -3,6 5,5 4,7 5,7 6,4 Malaisie (0,7) 11,5 1,9 44,2 88,3 21,4 9,0 55,6 91,3 23,6 -3,5 -1,5 4,3 54,0 1,8 -15,9 5,3 5,1 2,4 2,1 Philippines (0,7) 8,5 -2,0 62,7 20,2 95,4 0,0 35,9 73,9 13,4 -0,6 1,6 4,0 29,9 0,9 2,7 5,9 5,6 3,3 1,4 Thaïlande (1,0) 8,8 -4,1 46,7 29,3 15,8 11,8 43,5 96,9 48,1 -2,5 -0,7 2,7 44,3 7,2 -1,1 3,0 2,9 2,0 -0,9 Inde (7,0) 2,6 -1,7 16,7 24,2 - - 65,3 95,3 22,0 -4,5 -2,4 8,1 64,4 -1,6 2,2 6,4 6,9 8,0 4,9 Arabie Saoudite (1,5) Autres pays membres de l'OPEC Croissance économique Dette inter. de court terme Corée du sud (1,6) Asie Devise Export. Produits manuf. Colombie (0,6) Europe Dette Export. nettes de MP -- <0,1 Amérique Latine Commerce Export. Vers la Chine 13,1 16,5 0,4 - - - 15,6 54,4 13,9 -2,3 -19,7 5,0 53,0 -6,7 11,3 5,1 3,3 3,5 2,2 Algérie (0,5) 0,7 8,1 0,0 - - - 20,9 100,0 25,7 -2,1 -11,7 0,5 37,3 -3,7 -5,2 3,2 4,0 4,9 4,8 Nigéria (1,0) 2,0 7,3 2,9 - - - 16,7 96,7 52,7 0,1 -2,0 11,1 20,0 -4,0 -9,1 5,0 3,1 9,7 9,0 Koweit (0,3) 13,2 31,1 1,7 - - - 9,8 100,0 93,6 26,3 -12,5 12,2 31,0 3,5 5,1 -1,6 3,3 3,3 Qatar (0,3) 1,9 35,4 1,2 - - - 28,3 49,6 29,1 13,2 -0,7 3,2 29,0 9,8 11,4 6,3 3,5 2,3 1,6 Angola (--) 44,8 33,4 0,1 - - 0,0 61,4 68,3 46,4 -2,2 0,6 7,8 51,5 2,7 - 4,8 3,6 10,0 10,2 3,1 7,2 1,6 - - 0,0 39,3 0,0 41,7 -4,0 -1,6 - - -1,8 11,7 4,9 1,1 4,0 4,0 10,8 14,6 0,3 - - - 47,5 7,4 55,9 -49,1 -63,4 - - -23,3 - 0,2 -21,8 7,2 8,4 Equateur (0,2) Libye (0,1) Vert : risque faible – Orange : risque moyen – Rouge : Risque fort Sources: Banque Mondiale, Banque des règlements internationaux, Reuters, FMI, The International Trade Center, Trade Economics, Datastream, Natixis CROSS EXPERTISE RESEARCH Le niveau des spreads souverains des pays émergents tient-il suffisamment compte de la déroute des matières premières ? Lysu Paez Cortez La volatilité des spreads souverains et les matières premières atteint des niveaux sans précédent. Depuis juin 2014, les prix des matières premières ont baissé de 70%, entraînant un écartement des spreads. Si l'effet net n’est pas le même pour les pays importateurs de matières premières et les exportateurs, comme on peut le comprendre après lecture des pages Juan Carlos Rodado +1 212 8725060 précédentes, la déroute des matières premières suggère également que la conjoncture [email protected] mondiale se dégrade. +33 1 58 55 80 97 [email protected] Emilie Tetard +33 1 58 19 98 15 [email protected] Lee Su Young +1 212 8915799 [email protected] Autrement dit, pour déterminer si le niveau des spreads souverains des pays émergents tient suffisamment compte de la chute des matières premières, nous faisons une régression des spreads EMBI en fonction des notations, des variations des prix du Brent et des matières premières et de l’aversion au risque. Notre objectif n’est pas seulement d’illustrer le comportement des déterminants habituels des spreads souverains, mais aussi d’identifier les pays à éviter si les prix des matières premières devaient rester volatils. Graphique 1 : Spreads souverain EMBI (en pb) Amérique latine Asie 600 1400 500 400 400 300 300 200 200 100 100 1200 400 1000 300 800 200 600 100 400 0 janv.-14 juil.-14 Brésil Mexique Equateur (D) janv.-15 juil.-15 Chili Pérou 200 janv.-16 Colombie Argentine (D) 0 janv.-14 juil.-14 Chine Indonésie Europe 4000 600 3000 400 2000 200 1000 juil.-14 Russie Turquie janv.-15 Kazahkstan Ukraine (D) juil.-15 Phillipines 0 janv.-16 Malaisie Afrique 800 0 janv.-14 janv.-15 juil.-15 0 janv.-16 Pologne 1000 1000 800 800 600 600 400 400 200 200 0 févr.-14 0 août-14 févr.-15 Afrique du Sud Angola Marroc Nigeria août-15 Ghana Source : Natixis 10 février 2016 33 CROSS EXPERTISE RESEARCH Notre modèle s’écrit : 𝐥𝐧(𝑺𝒑𝒓𝒆𝒂𝒅 𝒔𝒐𝒖𝒗𝒆𝒓𝒂𝒊𝒏 𝑬𝑴𝑩𝑰) = 𝑪 + 𝜷𝟏 ∗ 𝐥𝐧(𝒏𝒐𝒕𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒅𝒖 𝒄𝒓é𝒅𝒊𝒕 𝒔𝒐𝒖𝒗𝒆𝒓𝒂𝒊𝒏) + 𝜷𝟐 ∗ 𝐥𝐧(𝒊𝒏𝒅𝒊𝒄𝒆 𝑽𝑰𝑿) + 𝜷𝟑 ∗ 𝐥𝐧(𝑩𝒓𝒆𝒏𝒕/𝒊𝒏𝒅𝒊𝒄𝒆 𝑪𝑹𝒀) La notation souveraine d'un pays reflète la qualité de sa dette perçue en fonction de critères quantitatifs et qualitatifs, à la fois politiques, économiques et financiers. Plusieurs études ont montré que les notations de crédit avaient tendance à résumer les fondamentaux, et donc le risque pays, au niveau des spreads souverains. De 1 pour SD à 22 pour AAA, nous convertissons numériquement les notations émises par S&P. Nous intégrons le risque externe par le biais de l'indice VIX, le baromètre bien connu des craintes des investisseurs à l’échelle mondiale. Naturellement, un regain de volatilité conduit à un écartement des spreads. Alors que l'effondrement du prix du pétrole (Brent) a occupé le devant de l’actualité, nous partons d’un indice élargi des prix des matières premières (CRI) pour renforcer le pouvoir explicatif de notre modèle. En matière d’exportations, de nombreux pays émergents ne dépendent pas seulement du pétrole, mais aussi des produits agricoles, des métaux de base et des métaux précieux. Notre échantillon comprend 20 pays émergents avec des observations allant de janvier 2000 à janvier 2016. Le tableau ci-dessous montre le pouvoir explicatif du modèle sans impact des matières premières, avec celui de l’indice CRY, et avec le prix du Brent. Sauf pour le Venezuela et le Nigeria, notre modèle explique 70% des spreads souverains. Il confirme que la récente dégradation de la qualité de la dette des pays d’Amérique latine, d’Afrique et, dans une moindre mesure, d’Asie et d’Europe de l'est résulte de la déroute actuelle des matières premières. Tableau 2 : Résultats de la régression: comparaison des R-carrés Sans impact des commodities Avec l'impact de l'indice CRY Avec le prix du Brent intervalle des données 0,562 0,773 0,585 0,434 0,546 0,447 0,629 0,681 0,236 0,699 0,612 0,614 0,340 0,638 0,769 0,352 0,714 0,236 0,268 0,601 0,552 0,752 0,719 0,564 0,876 0,735 0,507 0,814 0,533 0,816 0,826 0,570 0,815 0,791 0,618 0,363 0,717 0,884 0,627 0,762 0,678 0,350 0,702 0,621 0,810 0,720 0,584 0,849 0,645 0,442 0,857 0,494 0,706 0,825 0,751 0,734 0,743 0,711 0,393 0,713 0,864 0,598 0,807 0,514 0,270 0,601 0,553 0,788 0,762 00m01-16m01 00m01-16m01 00m01-16m01 00m01-16m01 00m01-16m01 04m06-16m01 00m01-16m01 00m01-16m01 00m01-16m01 00m01-16m01 00m07-16m01 00m01-16m01 00m01-16m01 07m01-16m01 10m06-16m01 07m11-16m01 00m01-16m01 00m01-16m01 06m03-16m01 00m01-16m01 00m01-16m01 00m01-16m01 01m12-16m01 Argentine Brésil Chili Chine Colombie Indonésie1 Mexique Pérou Philippines Russie Equateur1 Afrique du sud Venezuela1 Kazakhstan Angola1 Ghana Jordanie Maroc Nigéria1 Malaisie Pologne Turquie Ukraine Les cellules surlignées représentent le modèle avec le R-carré le plus élevé des spreads de chaque pays 1 Pays membre de l'OPEP Source : Natixis 10 février 2016 34 CROSS EXPERTISE RESEARCH Les résultats du modèle suggèrent que : - La valeur actuelle des spreads est proche de celle ajustée pour le Chili, la Colombie, le Mexique, le Pérou, la Jordanie et le Nigéria. - Les spreads devraient être plus élevés pour l’Argentine, la Chine, les Philippines, le Kazakhstan, le Maroc et la Pologne. L'anomalie argentine s'explique par le manque de réactivité de la notation souveraine, alors que le pays est en situation de défaut de paiement depuis juillet 2014, et ce malgré les négociations en cours avec les holdouts. - Les spreads devraient être plus resserrés pour le Venezuela, l’Equateur, le Brésil, l’Afrique du Sud, le Ghana, la Malaisie et l’Ukraine. La crise politique pèse probablement sur le niveau des spreads sur la dette souveraine vénézuélienne. De même pour le Brésil, l'Afrique du Sud et l’Équateur. Graphique 2 : Spreads EMBI - valeur actuelle et ajustée (en pb) Actuelle Ukraine Turquie Malaisie Pologne Maroc Nigéria* Ghana Jordanie Angola* Kazakhstan Venezuela* Afrique du sud Russie Equateur* Pérou Philipines Mexique Indonésie* Chine Colombie Chili Brésil Argentine 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 Ajustée * Pays membre de l’OPEP Source : Natixis Conclusion : les spreads souverains EMBI tiennent compte à la fois des risques internes et externes. Nous avons montré que globalement, et au-delà des effets de la chute sans précédent des prix des matières premières, la qualité de la dette et les conditions financières se sont fortement dégradées pour les pays émergents. Le constat vaut notamment pour l’Amérique latine et l’Afrique, les finances publiques et les comptes extérieurs des pays de ces régions étant très dépendants des matières premières. Notre modèle montre que la déroute de ces dernières affecte la plupart des pays, avec des effets plus ou moins graves selon la sévérité et la persistance du choc. Pour certains pays émergents, les facteurs idiosyncrasiques et domestiques continuent en outre de peser sur les conditions de crédit. 10 février 2016 35 CROSS EXPERTISE RESEARCH Taux de change : un impact négatif sur la plupart des devises à l’exception du dollar Depuis plus de 5 ans, les devises des pays émergents exportateurs de matières premières ont enregistré un ajustement conséquent. Le maintien durable des cours du pétrole et des autres matières premières à un niveau bas risque de peser encore sur la plupart d’entre elles. Dans ce contexte, le dollar continuera de s’apprécier par défaut contre ces devises. Parmi l’ensemble des taux de changes, les évolutions ne seront pas toutes de la même ampleur suivant leur situation économique, leur politique monétaire, leur exposition au ralentissement de la croissance chinoise (voir le tableau 3 précédent à ce sujet) et les avancées en termes d’investissement dans les infrastructures afin d’améliorer la croissance potentielle du pays. On distingue ainsi plusieurs types de devises face au risque d’un prix du pétrole durablement bas. Graphique 1 : Devises émergentes et indice matières premières CRB 120 110 Dollar DXY & pétrole (Brent) 500 100 25 450 95 45 90 65 300 85 85 250 80 105 400 100 350 90 80 200 70 75 125 150 60 70 100 03 04 05 07 08 10 11 Emerging currencies index 12 14 11 15 12 13 Dollar DXY CRB index (Ech. D) 15 Brent (Ech. D, inversée) Source : Bloomberg Les devises dont le pays est très dépendant du cours des matières premières et dont l’économie s’est peu diversifiée tel que le RUB et le COP. Ces devises demeureront durablement faibles, voire pourraient s’ajuster davantage à l’avenir si le cours du pétrole demeure longtemps autour de 30 $/b. De leur côté, les devises des pays du Golfe seront aussi sous forte pression, le marché spéculant de plus en plus sur un éventuel abandon de leur peg comme pour le SAR, scénario auquel nous ne souscrivons pas. Graphique 2 : Corrélation entre les taux de changes contre $ et le cours du Brent depuis 2010 0.2 0.1 0 -0.1 -0.2 -0.3 -0.4 -0.5 JPY CHF CZK EUR IDR HUF BRL NZD TRY PHP PLN CLP SEK KRW INR GBP ZAR SGD AUD MYR NOK MXN RUB -0.6 COP +33 1 58 55 14 95 [email protected] CAD Nordine Naam Source : Bloomberg 10 février 2016 36 CROSS EXPERTISE RESEARCH Il y a ensuite les devises des pays très dépendants de matières premières et dont l’activité économique profite peu de l’amélioration de la compétitivité changes du fait de l’absence d’investissements dans les infrastructures dans les transports, l’électricité, l’éducation … ce qui entretient une inflation élevée et au final rend ces devises peu attractives. C’est le cas du BRL, le ZAR et dans une moindre mesure l’IDR qui resteront mal orientées dans les prochains mois. On trouve un autre groupe de devises émergentes, sensibles au pétrole mais ayant un secteur manufacturier développé tels que le MXN, la MYR, et le CLP. Ces devises devraient finir par se stabiliser et profiter à terme d’une amélioration de leur compétitivité changes. Il y a aussi les devises de pays émergents principalement importateurs de pétrole avec une base manufacturière importante qui devraient finir par se redresser du fait de l’amélioration de leur compte courant une fois que l’appétit pour le risque sera revenu. On retrouve parmi ces devises l’INR, la PHP, la THB, le PLN, le HUF, la KRW, et la TRY, toutes choses égales par ailleurs sachant qu’il y a des risques propres à chaque pays (géopolitique en Turquie, politique en Pologne, exposition à la Chine pour la Corée du Sud, etc..). Parmi les devises du G10, le CAD, la NOK, l’AUD et le NZD resteront toujours sous forte pression baissière si les cours du pétrole restent durablement bas du fait de la poursuite de l’ajustement des dépenses d’investissement énergétiques d’autant que certaines d’entre elles restent surévaluées comme le NZD et l’AUD. Enfin, l’impact du pétrole sur l’EUR/USD restera limité à celui sur le dollar attendu en légère hausse. Seul le JPY a une tendance à s’apprécier lorsque le cours du pétrole diminue dans la mesure où cela entraine une nette amélioration de son excédent courant. De plus, la baisse du prix du pétrole étant souvent accompagnée d’un regain d’aversion au risque, le JPY joue dans cet environnement le rôle de valeur refuge. Mais l’appréciation du JPY restera limitée par l’action de la BOJ. 10 février 2016 37 CROSS EXPERTISE RESEARCH 4. Un marché de la dette sous forte pression Thibaut Cuillière +33 1 58 55 80 56 [email protected] Hong My Nguyen +33 1 58 55 85 27 [email protected] Depuis la chute des prix du pétrole, initiée durant l’été 2014, les marchés du crédit ont connu deux régimes nettement distincts : 1/ une faible sensibilité à l’évolution des prix du pétrole, tant que le Brent évoluait au-dessus des 60 $ le baril (cf. graphique 1 à gauche) puis 2/ une forte sensibilité des spreads de crédit, en $ surtout, depuis que le prix du baril est descendu sous les 60 $ (c’est-à-dire depuis le début de l’année 2015). Il est clair que le développement de l’industrie des hydrocarbures de schiste aux Etats-Unis depuis 2010 est le premier facteur responsable de cette divergence entre l’évolution des +33 1 58 55 86 07 [email protected] spreads de crédit en $ vs €. En effet, 15% environ de l’encours de l’indice de dette HY $ provient du secteur de l’énergie (avec, en outre, peu de compagnies intégrées, contrairement au marché de la dette en €), tandis que ce même secteur contribue pour à peine 8% aux encours de l’indice HY en € (cf. graphique ci-dessous à droite). Dans une moindre mesure, les indices de crédit en $ sont également plus exposés aux secteurs minier et acier que leurs cousins européens (cf graphique 1 droite). Thomas Zlowodzki Graphique 1 : Spreads HY et exposition des indices aux matières premières Exposition des indices crédit € et $ aux matières premières Evolution des spreads HY € et $ et du prix du pétrole HY € HY $ Oil price (rhs inv.) 2500 0 30% 20 25% 40 20% 60 15% 80 10% 2000 1500 1000 100 0% 140 Oct-15 Oct-14 Oct-13 Oct-12 Oct-11 Oct-10 Oct-09 Oct-08 Oct-07 Oct-06 Oct-05 Oct-04 160 Oct-03 0 14.6% 7.9% 9.5% 5% 120 500 20.2% 3.9% $IG 3.1% € IG Mining & Steel 5.7% 4.2% $HY €HY Energy Sources : Bloomberg, BofA Merril Lynch, Natixis Au-delà du poids dans les indices, la nature des émetteurs « Oil & Gas » n’est pas la même des deux côtés de l’Atlantique. Alors que ceux présents dans les indices de crédit en euro sont pour la grande majorité des groupes pétroliers intégrés (Total, Statoil, BP, Shell pour l’indice IG €, Petrobras et Gazprom pour l’indice HY €), les émetteurs de dette en dollar sont davantage spécialisés dans les différents segments de la chaîne de l’industrie pétrolière : Exploration & Production, Equipement & Services, Distribution (cf. graphiques 2). Ce sont autant de divergences dans les catégories de notation (A- pour les émetteurs IG en € contre BBB pour ceux en $), dans les risques au regard du contexte des prix actuels ainsi que dans la dynamique des spreads. 10 février 2016 38 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 2 : Comparaison des marchés de la dette € et $ du secteur Oil & Gas –(en Md€ et en Md$ respectivement) Composition des indices Oil & Gas Investment Grade 700 600 500 400 300 200 100 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 Kinder Morgan, William Partners, Enterprise Prod. Schlumberger, Halliburton Conoco Phillips, Apache Total, Statoil, Total, Statoil, ENI, BP, Shell BP, Shell, Pemex 0 EUR IG Composition des indices Oil & Gas High Yield US IG Sabine Pass, Energy Transf, Targa Res Partners Transocean Petrobras Gazprom Chesapeak, Antero Resourses, Whiting Petro, Newfield EUR HY US HY Integrated Oil & Gas Exploration & Production Integrated Oil & Gas Oil Equipment & Services Pipelines Oil Equipment & Services Exploration & Production Pipelines Sources : Markit, BofA Merril Lynch, Natixis En fondamental, est-ce grave docteur ? NB : la complexité et le poids des émetteurs « Oil &Gas » au sein des indices américains nous conduisent à présenter dans cette première partie un « check-up » de la gravité de la situation pour ces derniers. L’analyse fondamentale des sociétés européennes est traitée de manière plus granulaire en p. 72 (pétrolières intégrées), 78 (services pétroliers) et 75 (tubistes) de cette étude. Une nette dégradation des fondamentaux du secteur En termes de revenus, l’année 2015 a été rude pour les sociétés américaines du secteur Oil & Gas ; en moyenne, ceux-ci ont diminué de près de 15% en 2015 (cf. graphique 3 gauche), avec des chutes de presque 20% pour les sociétés intégrées du secteur E&P (Exploration et Production). Les perspectives 2016 s’annoncent sombres, le rétablissement des revenus prévu par S&P ayant été établi en décembre dernier sur une remontée des cours du pétrole vers les 50 $, ce qui n’est plus à l’ordre du jour. Les revenus devraient donc diminuer à nouveau en 2016. En termes de cash-flows opérationnels (cf graphique 3), la chute a été également spectaculaire en 2015 (-25%). Si les Capex (-20%) ont suivi la tendance, les dividendes (et rachats d’actions) n’ont pas encore été réduits notablement, ce qui offre ainsi une (mince) marge de manœuvre pour 2016. Toutefois, nos analystes actions prévoient que les pétrolières intégrées devraient continuer de maintenir coûte que coûte le retour à leurs actionnaires, quitte à couper encore plus violemment dans leurs Capex (cf. p. 72 Pétrolières intégrées). Toutefois, pour servir leurs actionnaires, elles pourraient continuer de recourir au paiement des dividendes en actions, ce qui atténuerait l’impact de cette politique sur les niveaux de cash. Selon nos analystes, les dépenses d’E&P pourraient encore baisser de 30 à 50% par rapport aux niveaux actuels. Les programmes de cessions d’actifs devraient également se poursuivre. 10 février 2016 39 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 3 : Evolution des revenus et des cash-flows Croissance des revenus (ajustée) Croissance et utilisations des cash-flows (en Md$) 30% 1400 20% 1200 1000 10% 800 0% 600 -10% 400 200 -20% 0 -30% -200 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2005 2007 2009 2011 2013 2015 Drilling Eqpt, Svcs Integrated, E&P Capex Dividends Midstream Refining & Mkting Net Acquisitions Share Buybacks Global Oil & Gas Operating CF Sources : S&P, Natixis Au sein du secteur (cf graphique 4), les sociétés de « Drilling Equipment » (-28%) et les « intégrées E&P » (-15%) ont nettement réduit leurs Capex, alors que celles du « Refining & Marketing » et « Midstream » les ont au contraire augmentés (respectivement +12% et +10%). Ceci n’a pas suffi à éviter une nette dégradation des ratios de Dette / EBITDA en 2015 (cf. graphique ci-dessous à droite) : sur l’ensemble du secteur, il est passé de 2,8x à 3,7x. Graphique 4 : Capex et ratio de levier Croissance des Capex (ajustés) Dette / EBITDA (médian, ajusté, x) 5.0 50% 40% 30% 20% 10% 0% -10% -20% -30% -40% 4.0 3.0 2.0 1.0 0.0 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Drilling Eqpt, Svcs Integrated, E&P Drilling Eqpt, Svcs Integrated, E&P Midstream Refining & Mkting Midstream Refining & Mkting Global Oil & Gas Global Oil & Gas Sources : S&P, Natixis Le maintien d’un baril à un prix extrêmement bas devrait ainsi continuer de dégrader la rentabilité des opérateurs du secteur. La rentabilité des capitaux employés (cf graphique 5), devrait ainsi en 2016 tendre vers… 0 ! Toutefois, la situation de la liquidité, devrait en moyenne demeurer soutenable, quoique difficilement : les dettes exigibles à moins d’un an étant de l’ordre de 10% de l’endettement total, et de 20% pour les dettes exigibles à horizon 2 ans. Bien entendu, la disparité des situations de liquidité cache sans nul doute des besoins de refinancement particulièrement urgents pour certains émetteurs. 10 février 2016 40 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 5 : Retour sur capitaux employés et structure de dette Retour sur capitaux employés Structure de dette par horizon d’exigibilité 2 000 18% 16% 1 500 14% 1 000 12% 10% 500 8% 6% 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 4% 2% 0% 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 LT Debt Due 1 Yr LT Debt Due 3 Yr LT Debt Due 5 Yr Nominal Due In 1 Yr LT Debt Due 2 Yr LT Debt Due 4 Yr LT Debt Due 5+ Yr Sources : S&P, Natixis Les opportunités et les risques sont différents selon les segments du secteur Oil & Gas aux Etats-Unis (cf tableau 1). Pour les sociétés européennes, les analyses de nos experts sectoriels sur les pétrolières intégrées, les services pétroliers et les tubistes sont détaillées pages 72 à 78. Tableau 1 : Opportunités et risques par segment du secteur Oil & Gas aux Etats-Unis Sous-secteur Exploration et Production (E&P) Opportunités M&A : la consolidation pourrait enfin prendre forme en raison ; i/du stress des compagnies qui les feront passer outre le caractère prohibitif des clauses de CoC sur les dettes, ii/ des niveaux de valorisation qui pourraient avoir, avec le prix du brent, atteint un point bas, iii/ le besoin de sécuriser leurs futurs approvisionnements en remplacement d'investissements d'exploration par nature hasardeux Services pétroliers (Oilfield services) Raffinage Situation de liquidité très tendue (hausse des spreads sur la dette sur le HY, en particulier pour les émetteurs de notation B ou inférieure) Même si le nombre de puits de forage a déjà sensiblement diminué, la production ne fait que commencer à s'infléchir aux Etats-Unis, en raison d'un effet retard; la tendance à la baisse de la production devrait donc s'accentuer Levée des restrictions à l'export du crude Oil Contract Drilling Transport ("Midstream") Risques Poursuite de la baisse des prix du brent (retour de l'Iran avec un volume > la baisse attendue de la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis) Situation de liquidité très tendue (hausse des spreads sur la dette sur le HY, diminution des assiettes de borrowing bases) Surcapacités persistantes (au US, en Chine) ou à venir (Diesel : Moyen-Orient, LatAm, Asie) et pression sur les marges Récession chinoise ? (impact négatif sur la demande de produits raffinés) Offshore drilling particulièrement vulnérable si les prix du pétrole restent pas Prix garantis ou couverts Les projets continuent dans certaines zones (Marcellus Shale and Permian basin) Effet volume négatif Augmentation du coût de financement des nouveaux projets Sources : S&P, Natixis 10 février 2016 41 CROSS EXPERTISE RESEARCH Une détérioration des notations dans l’industrie Les notations des sociétés du secteur Oil & Gas se sont significativement dégradées en 2015. 4 En novembre dernier (dernier rapport trimestriel de Moody’s), alors que le prix du Brent était encore de 50 $ le baril, l’agence Moody’s avait procédé en 2015 à 109 dégradations contre une trentaine en moyenne de 2009 à 2014 (cf. tableau ci-dessous à gauche). Entre janvier et septembre 2015, le total de « Negative Outlook changes » a été de 37 contre 14 de « Positive Outlook changes ». Ce sont les sociétés du segment « Oilfield services and Drillers » qui ont été les plus dégradées - 49% du nombre total d’entreprises notées – puis le segment « Exploration et Production » avec 38% de dégradations (cf. graphique 6 droite). Graphique 6 : Evolution des notations du secteur Oil & Gas en 2015 chez Moody’s Dégradation en pourcentage des compagnies notées par secteur, Jan-09 – Sept-151 Résumé des ratings actions, Jan-09 – Sept-15 120 2.0 100 1.5 60% 50% 80 40% 60 1.0 30% 40 0.5 20 0 0.0 2009 Upgrade 1 2010 2011 2012 Downgrade 2013 2014 YTD 2015 49% 20% 38% 10% 14% 10% 0% Upgrade to Downgrade Ratio (rhs) E&P Oilfield Services and Drillers Midstream Refining Agencé en ordre décroissant du nombre de compagnies notées par secteur Sources : Moody’s, Natixis Et ce n’est malheureusement pas terminé. Jeudi 21 janvier dernier, alors que Moody’s abaissait de près de 40% ses prévisions sur le Brent (de 53 $/b en 2016, 60 $ en 2017 et 68 $ en 2018 à respectivement 33 $, 38 $ et 43 $), l’agence a mis sous surveillance négative (« review for downgrade ») les notations de 69 sociétés américaines des segments Exploration & Production et Oilfield services. Le 22 janvier, elle faisait de même avec 120 sociétés du segment Oil & Gas et 55 sociétés du secteur minier. Et du côté de S&P ? Dans son étude sur 5 les grandes tendances de l’industrie pétrolière, publiée début décembre , l’agence indiquait que les notations demeureraient sous pression, bien qu’une majorité d’entre elles fussent alors munies de perspectives stables… parce qu’elles avaient déjà été dégradées. Début décembre, un quart des sociétés du secteur Oil & Gas était toutefois sous perspective négative. Etant donné la chute du Brent depuis début décembre (33 $/b aujourd’hui contre 40 $/b le 9 décembre), le même mouvement de dégradation des notations devrait être bientôt observé, prolongeant ainsi la tendance sur le « biais négatif associé à la notation » (cf graphique 7 gauche). Comme illustré sur le graphique de droite, ce sont les sociétés du segment « Drilling Equipement » qui ont suivi jusqu’à présent la tendance la plus négative. 4 Oil & Gas Quarterly (Americas), 3 novembre 2015 5 Industry Top Trends 2016 : Oil & Gas. S&P 10 février 2016 42 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 7 : Biais négatif associé à la notation S&P dans le secteur Oil& Gas Biais négatif par sous-secteur 0% -5% -10% -15% -20% Oil and Gas Dec-15 Mar-15 Jun-14 Sep-13 Dec-12 -25% 10% 5% 0% -5% -10% -15% -20% -25% -30% -35% -40% -45% 2013 2014 Global Corporate 2015 Drilling Eqpt, Svcs Integrated, E&P Midstream Refining & Mkting Sources : S&P, Natixis Une montée des taux de défaut aux Etats-Unis et en Europe Les taux de défaut se sont envolés pour le secteur Oil & Gas, et encore davantage pour le secteur Mining & Steel, avec un effet plus accentué aux Etats-Unis qu’en Europe (cf graphique 8) . Sur les derniers chiffres publiés en décembre 2015 par Moody’s, le taux de défaut s’élève à 5,73% aux Etats-Unis et à 3,93% en Europe en ce qui concerne l’Oil & Gas, et grimpe à 10,38% pour le Mining & Steel US contre seulement 2,73% en Europe. Ces chiffres sont à comparer à ceux observés pour l’ensemble des corporates, pour lesquels le taux de défaut a grimpé à 1,78% aux Etats-Unis et à 1,88% en Europe (retraitement par nos soins pour ce dernier chiffre européen) ; les taux de défaut des émetteurs HY sont respectivement de 3,17% aux Etats-Unis et 3,36% en Europe à fin décembre 2015. Graphique 8 : Taux de défaut Moody’s Corp et Oil and gas US / Europe Taux de défaut Moody’s Corp, Oil and gas, Mining & Metals US / Europe 16% 16% 14% US : Energy: Oil & Gas Europe : Energy: Oil & Gas Corp US SG Corp Europe SG US : Energy: Oil & Gas Corp US SG Mining & Steel US 2016 2015 2014 2013 2012 2011 2010 2009 2016 2015 2014 0% 2013 2% 0% 2012 4% 2% 2011 6% 4% 2010 8% 6% 2009 10% 8% 2008 12% 10% 2008 14% 12% Europe : Energy: Oil & Gas Corp Europe SG Mining & Steel Europe Sources : Natixis, Moody’s Ces deux secteurs (Oil & Gas et Mining & Steel) sont les deux dans lesquels la hausse des taux de défaut est la plus spectaculaire. Les graphiques 9 ci-dessous (représentant l’évolution des taux de défaut depuis novembre 2014 pour les secteurs ayant aujourd’hui un taux de défaut supérieur à 3%) montrent que la dynamique est moins alarmante pour les autres secteurs d’activité. Le troisième secteur qui pourrait être à risque est l’Aerospace & Defense, mais cette 10 février 2016 43 CROSS EXPERTISE RESEARCH tendance n’est visible qu’aux Etats-Unis et non en Europe, et pas liée à l’évolution du prix du pétrole. En effet, le secteur aérien bénéficie d’un pétrole bas : le poste carburant ne représente plus que 18% des coûts des compagnies aériennes, contre 35 à 40% il y a encore quelques mois, ce qui libère des marges de manœuvre pour commander des appareils. Quant à l’impact sur le secteur de la défense, il est difficile à mesurer : les pays exportateurs de pétrole (en particulier dans le Golfe) ont évidemment moins de marges de manœuvre au vu de la tension sur leurs budgets nationaux, mais la situation est inverse pour les pays importateurs nets de pétrole (Inde notamment) ; cf. p.58 de cette étude « Un pétrole à 30 $, une aubaine pour l’aérien ». Graphique 9 : Taux de défaut par industrie aux Etats-Unis Taux de défaut par industrie en Europe Consumer goods: durable* Hotel, Gaming, & Leisure Retail Consumer goods: durable* Automotive Retail Wholesale* Automotive Wholesale* Environmental Industries* Environmental Industries* Media: Advertising, Printing &… Media: Advertising, Printing &… Services: Business Services: Business Services: Consumer* Services: Consumer* Aerospace & Defense Aerospace & Defense Energy: Oil & Gas Energy: Oil & Gas Metals & Mining Metals & Mining 0% US 1/11/14 2% US 1/05/15 4% 6% US - 1/11/15 8% 10% US - 1/12/15 12% 0% Eur. 1/11/14 2% Eur. 1/05/15 4% 6% Eur. - 1/11/15 8% 10% 12% Eur. - 1/12/15 Sources : Natixis, Moody’s Les corporates Oil & Gas n’ont que peu de marge de manœuvre, ce qui conduira à des restructurations et à une hausse des défauts en 2016 Moody’s s’inquiète de la question des borrowing bases. En effet, la chute des prix de l’or noir (et du gaz) va diminuer mécaniquement les borrowing bases des acteurs du secteur, en particulier ceux de l’E&P, qui vont ainsi avoir moins de flexibilité pour leur refinancement. Ces borrowing bases ayant été hedgées, l’effet ne s’est pour l’instant pas fait sentir, mais Moody’s le craint pour 2016, sans toutefois le chiffrer. De manière plus générale, l’agence de notation, dans sa note du 4 janvier dernier (« Persistent Weak prices in 2016 Rein in Capital Spending, Heigthen Financing Risk »), dresse un tableau sombre pour l’accès au marché des acteurs Oil & Gas. Moins de « surface d’emprunt » via les borrowing bases comme vu précédemment, accès au marché actions pénalisé par le plongeon des valorisations, accès au marché du crédit à des taux prohibitifs pour les émetteurs (le spread moyen de l’indice iBoxx Oil & Gas IG a ainsi progressé de 130 pb depuis mai 2015, avec un impact plus important sur le HY), voire impossible, un certain nombre d’investisseurs ayant allégé leurs positions dans le secteur et n’étant pas enclins à s’y renforcer, sans perspectives de remontée des cours du Brent. Les cessions d’actifs sont également problématiques, la valeur de ces derniers ayant également fondu depuis la chute des cours de l’or noir. Autre mauvaise nouvelle pour les investisseurs en dette obligataire dans ce secteur, ces dernières ont davantage tiré sur leurs RCF (Revolving Credit Facilities), lesquels disposent très er fréquemment de garanties de 1 rang sur les actifs des compagnies. L’agence prévoit en 2016 une nette augmentation des restructurations de dettes en 2016 (« Distressed Exchanges »)… et des défauts. 10 février 2016 44 CROSS EXPERTISE RESEARCH Le pire est-il à venir ? Les raisons d’être inquiets étaient déjà nombreuses en fin d’année dernière. Les perspectives ne peuvent donc être que très sombres, si l’on considère que les rapports d’agence, déjà alarmistes, se basaient sur des prix du baril supérieurs aux prévisions actuelles, qui ont toutes été drastiquement revues à la baisse. Quel risque de défaut dans le HY Oil & Gas US en 2016 ? Quelles hypothèses sur les fondamentaux des sociétés ? L’accroissement des taux de défaut dans l’industrie de l’énergie aux Etats-Unis observée en 2015 (cf. partie précédente) est loin d’être derrière nous, compte tenu de la baisse des prix du pétrole de 50 $ à 35 $ le baril en moyenne sur 2015 et 2016 et des hypothèses suivantes sur les fondamentaux des sociétés du secteur (et nous l’appliquons par extension à celui des miniers / acier) : - Un recul d’environ 30% des CA des entreprises du secteur. - En raison des restructurations en cours (baisse des Opex), une moindre baisse des EBITDA en 2016 vs 2015 (-25%) que des CA. - Une nouvelle diminution de 25% des Capex en 2016. - La coupe des dividendes a également commencé en 2015, elle devrait se poursuivre en 2016 (-30% estimés par rapport à ceux versés en 2015). Nous supposons ensuite une version simplifiée de l’évolution de la dette nette en 2016, à l’aide de la formule suivante : Dette nette 2016 = Dette nette 2015 – EBITDA 2016 + Intérêts nets 2015 + Capex 2016 + Dividendes 2016 Quelles conséquences sur les ratios de levier et le risque de défaut des sociétés du secteur ? Une fois ces hypothèses émises, nous avons récupéré les données d’EBITDA (12 mois glissants), de dette nette, de Capex et de dividende au T3-15 sur un échantillon d’entreprises faisant partie : - Des secteurs visés : Oil & Gas, Métaux, Miniers et Acier (OGMMA). - Des indices crédit IG et HY en $. Notre échantillon correspond à 62% de la dette des secteurs OGMMA de l’indice IG $ et à 71% de la dette des secteurs OGMMA de l’indice HY $. Afin d’en déduire i/ un ratio moyen de dette nette / EBITDA par catégorie de notation au T3 15 et ii/ une projection de ratio dette nette / EBITDA au T3 16, sur la base de la formule explicitée ci-dessus. Le graphique 10 à gauche illustre le résultat obtenu : en moyenne, le levier (pondéré par les encours obligataires dans les indices de crédit en $) devrait augmenter de 2,3 points selon nos estimations entre le T3 15 et le T3 16. Une telle détérioration des ratios de crédit devrait engendrer un accroissement supplémentaire des taux de défaut: en calibrant une fonction fournissant l’évolution du taux de défaut selon le ratio de dette nette / EBITDA ajusté S&P, nous estimons à 74,2 Md$ le volume d’encours de dette qui tombera en défaut additionnel entre le T3 15 et le T3 16; ces 74,2 Md$ représentent 10,7% de l’encours de notre échantillon. Le graphique ci-dessous à droite montre le résultat obtenu pour chaque catégorie de notation sur notre échantillon. En somme, en supposant que 10 février 2016 45 CROSS EXPERTISE RESEARCH notre échantillon est représentatif de l’ensemble du secteur OGMMA, le taux de défaut du secteur passerait de 5,7% à fin 2015, à 10,7% à fin 2016. Sur la part HY OGMMA seule, le taux de défaut passerait à 22,7%. Graphique 10 : Evolution du ratio dette nette / EBITDA et risque de défauts additionnels des industries Oil & Gas Evolution du ratio de dette nette / EBITDA des secteurs concernées aux US par catégorie de notation Volume de défauts additionnels dans les industries Oil & Gas, Métaux, miniers et acier à fin 2016 10 20 000 9 18 000 8 16 000 7 14 000 6 12 000 5 10 000 4 8 000 3 6 000 2 4 000 1 2 000 0 AA A BBB Net debt / Ebitda 2015 BB B CCC 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0 0% AA Net debt / Ebitda 2016 A BBB in $mn BB B CCC As a %, rhs inv. Sources : Bloomberg, Natixis Quel taux de défaut anticiper sur le HY US à fin 2016 ? Pour déterminer un taux de défaut global sur le segment HY américain, il convient de séparer le segment Oil & Gas, Mining & Steel du reste des corporates non-financières. En ce qui concerne le premier, nous tablons (cf. ci-avant) sur un taux de défaut de 10,7% sur l’ensemble de l’industrie, dont 22,7% sur le segment HY spécifiquement. Pour les autres industries, nous avons modélisé le taux de défaut HY US provenant de Moody’s en fonction du VIX, de la croissance du PIB (1/3 Etats-Unis, 2/3 Monde), du resserrement des conditions de crédit appliquées aux entreprises américaines selon la Senior Loan Survey (SLS) et d’un ratio de FCF / Dette nette estimé sur les entreprises non-financières américaines (les données brutes provenant des Flow of Funds de la Fed), en calibrant le modèle sur la période de février 1997 à janvier 2015 (afin d’exclure le stress provenant des défauts dans les industries pétrolières et de matières premières depuis cette dernière date). Le modèle calibre bien l’évolution du taux de défaut sur la période considérée (cf. graphique cidessous à gauche) et permet également d’expliquer la remontée du taux de défaut HY depuis le début de l’année 2015. Compte tenu de l’effet retard observé entre une dégradation de la SLS d’une part et de la hausse du VIX d’autre part sur l’évolution des taux de défaut HY, nous anticipons dans notre scénario central (VIX moyen de 20%, SLS inchangée par rapport au niveau du T3 15) une remontée structurelle du taux de défaut global HY en 2016 de 3,2% à fin décembre 2015 vers 4,3% à fin décembre 2016 (cf. graphique 11 droite), ceci en excluant le stress à prévoir sur les industries du pétrole et des matières premières. Dans un scénario pessimiste (VIX à 25%, SLS se dégradant de 7,5% à 15% de resserrement net), le taux de défaut HY US structurel pourrait même remonter à 5,3% (cf. graphique cidessous à droite), auquel il faudrait rajouter le poids des défauts provenant du segment HY des industries du pétrole et des matières premières (22,7% attendu, cf. ci-avant). Au total, le taux de défaut HY US pourrait donc grimper à 7,8% (en pondérant les défauts par les encours de dette sur les deux segments considérés) dans notre scénario central, et même 8,6% dans notre scénario pessimiste ! 10 février 2016 46 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 11 : Taux de défaut HY US Modèle Natixis sur le taux de défaut HY US Scénarios de taux de défaut HY US à fin 2016 16% 14% 12% 10% 8% 6% 4% 2% 1997 1998 1999 2000 2001 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2011 2012 2013 2014 2015 2016 0% 10% 9% 8% 7% 6% 5% 4% 3% 2% 1% 0% 42034 42398 Dec 2016 Central Oil & Gas, Metal, Mining & Steel Observed default rate Modeled default rate Dec 2016 Pessimistic Excluding Oil & Gas, Metals, Mining & Steel Sources : Bloomberg, Moody’s, Natixis Quelle valorisation des crédits Oil & Gas ? Dans ce contexte dégradé, nous nous posons la question de la valorisation des spreads de crédits du secteur Oil & Gas tout d’abord i/ en tenant compte des fondamentaux actuels (en particulier de la dynamique de défaut dans le secteur), puis ii/ en nous appuyant sur les prévisions de défaut établies dans la section précédente. Les spreads Oil & Gas actuels intègrent-ils les risques liés au défaut ? Au regard de l’évolution du taux de défauts du secteur Oil & Gas (cf. graphique de gauche cidessous), la remontée de ce dernier vers 5,7%, soit des niveaux comparables à ceux de fin 2008, n’a pas entrainé un mouvement d’écartement de spreads aussi massif que celui observé en 2008. Mais rappelons que le contexte de marché a été nettement plus tendu fin 2008, en termes de volatilité de marché, mais également du côté des prix du pétrole. Pour intégrer l’ensemble de ces facteurs, nous avons construit un modèle économétrique long terme des spreads iBoxx IG Oil & Gas US sur la base des variables explicatives suivantes : i/ prix du contrat Brent, ii/ taux de défaut (12 mois glissants) Moody’s du secteur Oil & Gas US et iii/ indice VIX de volatilité implicite actions aux US. Avec un R² de 78% et une significativité satisfaisante des coefficients, le modèle présente les sensibilités suivantes aux variables : - Hausse de +1 point du taux de défaut +18 pb. - Hausse de +1 point de VIX +3,3 pb. - Baisse de 1 $/baril de Brent +0,7 pb. L’écartement de 118 pb des spreads depuis juillet 2015 est expliqué pour plus de 50% par la hausse du taux de défaut (passant de 1,3% à 5,7%), pour 30% par l’augmentation de la volatilité implicite actions et 20% par la chute des cours du brut. Actuellement, le spread théorique s’établit à 359 pb, soit 19 pb au-dessus du spread actuel (340 pb). En d’autres termes, le spread actuel n’intègre pas encore pleinement les risques associés à la dégradation du contexte de marché (hausse de la volatilité, chute des prix du pétrole), ni à la croissance du taux de défaut sectoriel (cf. graphique de droite ci-dessous). 10 février 2016 47 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 12 : Modèle de spreads de crédit Oil & Gas en $ Spreads iBoxx $ Oil & Gas vs. taux de défaut Moody’s 6% Modèle Natixis des spreads $ Oil & Gas 550 550 500 5% 4% 3% 2% 1% 0% 2008 450 450 400 400 350 350 300 300 250 250 200 200 150 150 100 2009 2010 2011 2012 2014 150 500 100 50 0 -50 -100 100 -150 2008 2008 2009 2010 2011 2011 2012 2013 2014 2014 2015 2015 Oil & Gas Moody's default rate (lhs, in %) Difference (rhs) iBoxx Oil & Gas US (rhs, in bp) iBoxx $ Oil & Gas Natixis model Sources : Bloomberg, Natixis Quelle prévision de spreads de crédit Oil & Gas ? En nous appuyant sur notre modèle, nous avons établi dans le tableau ci-dessous des simulations de spreads pour différents scénarios de prix du Brent et de taux de défaut. Selon notre scénario principal qui implique une remontée du baril de brut vers 40 $/b à fin 2016, d’une dégradation du taux de défaut du secteur à 10,7% et d’un indice de volatilité VIX à 25%, les spreads de crédit IG Oil & Gas sont donc susceptibles de s’écarter de 79 pb pour atteindre 419 pb. L’écartement peut s’avérer plus violent si les prix du pétrole continuent de se dégrader et si le taux de défaut grimpe plus rapidement que notre prévision. A 20 $/b et un taux de défaut sectoriel à 15%, le spread pourrait ainsi atteindre 511 pb, même avec une hypothèse optimiste d’une volatilité actions à 25%. Or, si cette volatilité explose et dépasse 30%, on peut s’attendre à un niveau de spread avoisinant 530 pb. Graphique 13 : Simulation des spreads Oil & Gas US selon des scénarios de taux de défaut et de prix du pétrole à fin 2016 Current default rate : 5,7% Current Oil & Gas spread : asw + 340bp Degradation of default rate Decreasing oil prices ($/bl) 80 60 50 40 30 20 Scale (as % of current level) 2% 234 247 254 261 268 275 > 130% 5% 288 302 309 316 322 329 110% < x < 130% 8% 343 356 363 370 377 384 90% < x < 110% 10% 379 393 399 406 413 420 70% < x < 90% 10.7% 392 405 412 419 426 433 < 70% 12% 415 429 436 443 449 456 470 483 490 497 504 511 15% * assumption of VIX = 25% baseline scenario : +79 bp vs current spread Sources : Bloomberg, Natixis 10 février 2016 48 CROSS EXPERTISE RESEARCH Quels impacts sur le marché High Yield ? Marché HY $ : des spreads larges par rapport à la fair-value de notre modèle « classique »… L’écartement des spreads HY $ observé depuis le S2 15 ne reflète pas la seule évolution des taux de défaut HY (cf graphique 14 gauche). En modélisant les spreads HY $ en fonction du VIX, du taux de défaut Moody’s, de la SLS, de la croissance mondiale et de l’évolution de la dette nette des corporates US, nous parvenons à expliquer 93% des variations de spread sur les 10 dernières années. Cependant, l’amplitude de l’écartement des spreads observé depuis la fin de l’année 2015 n’est pas complètement expliquée (cf. graphique 14 droite) : d’après notre modèle « classique », la fair-value des spreads HY $ s’établit à OAS+675 pb, contre OAS+785 pb observé le 26/01/16, soit 110 pb de potentiel de resserrement « théorique ». Graphique 14 : Modèle de spreads de crédit HY $ Spread HY $ vs taux de défaut HY Modèle Natixis sur les spreads HY $ 2 100 16% 1 900 14% 1 700 1000 US HY spread 900 Natixis Model 12% Jan-16 Aug-15 Oct-14 Mar-15 300 May-14 Moody's HY default rate (rhs) Jul-13 US HY Oas spreads 400 Dec-13 0% Feb-13 100 500 Apr-12 2% 2016 2015 2014 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 300 600 Sep-12 4% 500 Jun-11 700 700 Nov-11 6% Jan-11 8% 900 Aug-10 1 100 800 Oct-09 10% Mar-10 1 300 May-09 1 500 Sources : Moody’s, Bloomberg, Natixis Cette prime de 110 pb du marché du HY $ par rapport à notre modèle « classique » s’explique cependant presque pour moitié par la part des secteurs Oil & Gas, Mining & Steel (OGMS) dans les indices de crédit en $. En effet, les graphiques 15 à gauche pour l’IG et à droite pour le segment HY témoignent d’une prime de risque significative de ces secteurs. En intégrant l’impact de cette prime par catégorie de notation et au prorata des encours de dette dans les indices, nous estimons l’impact de la prime OGMS sur l’ensemble de l’indice IG à 40 pb pour l’indice IG et à 50 pb pour l’indice HY. 10 février 2016 49 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 15 : Prime de risque Oil & Gas sur le marché du crédit IG $ et HY $ Prime de risque par secteur sur le marché du crédit IG $ 700 Spread par notation et par secteur, HY $ 1800 Metals/Mining 1600 600 Steel 500 1400 1200 Construction 400 1000 Basic 800 Energy 600 300 200 Techno Cap Goods 100 A A- Chemicals Forestry/Paper Real Estate BuildingMat Transport Leisure ServicesMedia Auto Retail Telecom Consumer Healthcare BBB+ BBB 400 200 BB+ BBB- BB Energy BB- B+ Mining / Steel B B- CCC+ Other Sources : Bloomberg, Natixis Si l’on retraite le spread observé de l’indice HY $ (785 pb) de l’impact du secteur OGMS (50pb), nous obtenons alors un spread « hors prime OGMS » d’OAS+735 pb. Celui-ci reste 60 pb plus large que la fair-value estimée (OAS+675 pb) par notre modèle économétrique « classique ». Faut-il alors être acheteur de HY $ sur les niveaux actuels ? … mais encore trop bas relativement au risque de défaut à fin 2016 Nous ne le croyons pas : en effet, si l’on suppose que le taux de défaut HY $ hors pétrole et matière première devrait poursuivre son ascension pour atteindre 4,3% à fin 2016 (cf. scénario central décrit ci-dessus), le spread fair-value à fin 2016 ressort à OAS+700 pb, en supposant que les autres paramètres de notre modèle sont stables d’ici à la fin de l’année (VIX, SLS, croissance mondiale notamment). Soit un potentiel de resserrement de 35 pb (vs le spread hors prime OGMS de 735pb). A supposer que la SLS se dégrade vers 15% en fin d’année et que le VIX remonte à 25%, avec 5,3% de taux de défaut hors Oil & Gas, Metals & Mining (scénario pessimiste), le spread fairvalue monte à 790 pb, soit un potentiel d’écartement de 55pb (vs le spread hors prime OGMS de 735pb). Il y a ainsi plus à perdre dans la seconde hypothèse qu’à gagner dans la première : le couple rendement / risque ne nous semble donc pas encore suffisant pour être acheteur de HY $ (hors Oil & Gas), d’autant que nous avons ici exclu toute contagion des secteurs Oil & Gas, Metals & Mining vers les autres industries. Quels risques pour le marché HY € ? Il est difficilement concevable qu’un écartement des spreads HY $ ne soit pas accompagné d’un effet de contagion sur les spreads HY en €. Historiquement, l’élasticité du HY € au HY $ est de l’ordre de 57%. Cependant, la dépendance accrue de l’indice HY $ au secteur pétrolier par rapport à l’indice HY € a eu pour effet de diminuer cette élasticité, à « seulement » 37% depuis 2013. Notre modèle économétrique des spreads HY € basé sur le V2X, les spreads souverains périphériques, le taux de défaut Moody’s, le taux de swap 10 ans et la BLS, indique que le spread actuel est 68 pb au-dessus de sa fair-value (à asw+518 pb vs asw + 450 pb), dont 45 pb de prime liée aux secteurs Oil & Gas et Mining & Steel. 10 février 2016 50 CROSS EXPERTISE RESEARCH Seulement, si on tient compte de la croissance du taux de défaut HY global à 6,2% à fin 2016 contre 3,4% actuellement, sous l’effet de la dégradation du taux de défaut US (à 7,8%), les spreads HY en euro présentent un potentiel d’écartement de 20 pb pour atteindre asw + 540 pb (cf. graphique ci-dessous à gauche). Contrairement au marché HY $, il est difficile ici de définir un scénario beaucoup plus pessimiste sur le marché du HY €, compte tenu du fait qu’une dégradation de la SLS aux EtatsUnis n’a aucune raison objective d’entraîner une détérioration de la BLS en Europe. Le seul motif d’inquiétude proviendrait d’un risque de contagion des spreads HY $ vs le marché du HY en € : dans notre scénario pessimiste, le risque d’écartement des spreads HY $ est de 120 pb environ, ce qui se traduirait par 44 pb d’écartement supplémentaire des spreads HY €. Au total, dans ce scénario pessimiste, l’excess return à horizon 1 an généré par le segment HY € s’élèverait à 3,6%, contre 3,4% pour le HY $, ce qui constitue une performance remarquable compte tenu d’une plus faible volatilité et d’un portage inférieur de 2,7% pour le HY € vs $ (cf. graphique 16 droite). Surpondérer le HY € vs $ Le graphique ci-dessous à droite montre, en effet, que, d’un point de vue rendement / risque, le marché du HY € doit encore être privilégié par rapport au HY $, en dépit de la sousperformance de ce dernier depuis 2 mois. Ainsi, le rapport spread / volatilité (calculée sur 1 an) est plus élevé sur le marché du HY € (1 point de plus environ que le HY $) et surtout l’excess return en cas de scénario pessimiste rapporté à la volatilité des spreads est nettement plus élevé en € qu’en $. Graphique 16: Valorisation du marché HY € et comparaison avec le marché du HY $ Modèle Natixis sur l’évolution du spread HY € 850 6 HY euro spreads Model 750 Ratio de Sharpe du HY € vs $ à 1 an 5 4 650 FV = 540 bp 550 3 2 450 1 350 0 Carry vs Vol Oct-15 Mar-16 May-15 Jul-14 Dec-14 Feb-14 Apr-13 Sep-13 Jun-12 Nov-12 Jan-12 Mar-11 Aug-11 Oct-10 250 Excess return / Vol $ € Sources : Bloomberg, Natixis 10 février 2016 51 CROSS EXPERTISE RESEARCH 5. La baisse du pétrole sera-t-elle un jour un soutien pour les actions ? Sylvain Goyon +33 1 58 55 04 62 [email protected] Emilie Tetard +33 1 58 19 98 15 [email protected] L’année commence par un nouvel épisode dans le scénario chinois, avec des PMI décevants qui ont entraîné dans leur sillage le Brent et le WTI qui subissaient déjà des pressions baissières. L’impact sur les marchés actions est encore une fois négatif, avec des performances YTD assez mal engagées (-7% pour l’EuroStoxx et pas loin de -5% pour le S&P500 au 27 janvier 2016). Peut-on encore penser que, à travers les prix du pétrole, le ralentissement chinois pourrait être favorable aux économies développées et être un facteur de soutien pour les actions ? Graphique 1 : Corrélation Brent - S&P 500 1.0 1.0 Corrélation positive - prédominance des facteurs demande 0.8 0.8 0.5 0.5 0.3 0.3 0.0 0.0 -0.3 -0.3 -0.5 -0.8 -1.0 -0.5 -0.8 -1.0 Corrélation négative - prédominance des facteurs d'offre 84 86 88 90 92 94 96 98 00 Corrélation sur 6 mois glissants, perf. hebdomadaires 02 04 06 08 10 12 14 16 Corrélation sur 1 an glissant, perf. hebdomadaires Sources : Natixis, Datastream L’analyse de la corrélation pétrole / actions montre que, dans l’histoire, il y a peu d’épisodes où la corrélation pétrole/actions est restée durablement négative : - Pas vraiment de régime clair jusqu’à la crise de 2008. - Crise de 2008/09 : corrélation positive, les deux actifs (pétrole / actions) partageant des drivers communs (demande mondiale, aversion pour le risque). - Depuis 2014, cette corrélation s’est affaiblie, avec l’apparition de facteurs idiosyncratiques (excès d’offre, stratégie de l’OPEP) impactant négativement le prix du pétrole. - Plus récemment (depuis mi 2015), le ralentissement chinois, est venu impacter simultanément le pétrole et les actions, à la baisse, renforçant ainsi la corrélation entre les deux. Ainsi, lorsque que la corrélation actions/pétrole est positive, on l’explique par des facteurs communs (demande mondiale, aversion pour le risque). Lorsque ces actifs sont impactés par des facteurs idiosyncratiques (facteurs d’offre de pétrole, croissance des bénéfices par action), la corrélation est au mieux nulle. A-t-on vu dans l’histoire des épisodes où la baisse du prix du pétrole, a eu un impact significativement positif sur les actions ? Sur le graphique ci-contre, chaque point correspond à une date (un point par semaine) depuis 1986, l’abscisse à la performance sur 6 mois du brent, et l’ordonnée à celle du S&P 500 (le résultat serait similaire avec l’EuroStoxx). 10 février 2016 52 CROSS EXPERTISE RESEARCH Les épisodes de forte baisse du pétrole sont les suivants : - 1986, qui présente de nombreux points communs avec la situation actuelle (cf Record du 15 juin 2015 : Dollar et pétrole : The field of honor is never a pretty sight) est le seul épisode qui a vu une hausse durable des marchés actions coïncider avec un pétrole en baisse, mais difficile d’associer les deux (en 1987 alors que le pétrole remontait, les actions continuaient de performer, comme décrit plus haut, corrélation peu significative). - 2008/09, baisse très nette des deux actifs (expliquée par des facteurs communs). - Depuis septembre 2014, la tendance n’est pas très claire, ceci tenant probablement à la nature de la baisse des prix du pétrole que l’on a pu observer. Graphique 1 : S&P500 - performance sur 6mois 60% 40% 20% 0% -20% -40% -60% -100% -50% 0% 50% 1986 - today Brent jan- 86 - mai 87 sursep 08 - avr 09 performance 6 mois 100% 150% sep 14 - today Source : Natixis D’une part, celle-ci n’est pas purement idiosyncratique, et s’explique pour 40% par des facteurs de demande, comme il a été montré en amont de l’étude. Ces facteurs impactent négativement le pétrole, mais également les actions. Mais lorsque la baisse du pétrole est expliquée par des facteurs d’offre (ou par des facteurs idiosyncratiques, climat notamment), ce qui est majoritairement le cas aujourd’hui, les entreprises devraient profiter de la baisse des coûts et du regain de consommation des ménages. Pourquoi ne voit-on au mieux qu’une corrélation nulle ? Nous voyons deux explications possibles : - Sectorielle : si certains secteurs, essentiellement domestiques bénéficient de la baisse, ceux liés à la production d’énergie en souffrent. - Difficultés des pays exportateurs de pétrole, et donc baisse de la demande en provenance de ces pays. Pour les entreprises des pays développés, l’impact compense donc pour partie le surcroît de demande domestique lié à la baisse des prix du pétrole. A l’échelle des indices, l’impact semble donc globalement faible, il faudra avoir une analyse plus fine par secteur et par zone d’exposition (émergente versus développée) pour trouver des vrais gagnants à la baisse des cours du pétrole. Quelques pistes pour détecter les gagnants. Si l’année 2015 s’est révélée convenable en Europe avec une progression de l’ordre de 4% du Stoxx 600 (hors dividende), le début de l’année 2016 a largement effacé ces gains. Force est de constater que l’accroissement du revenu réel de la zone Euro ne s’est pas retrouvé entièrement dans les chiffres de croissance du PIB (voir la contribution de Patrick Artus à cette étude). 10 février 2016 53 CROSS EXPERTISE RESEARCH Les explications de ce décalage apporte un éclairage intéressant sur les secteurs / groupes potentiellement gagnants de cette situation. La baisse du prix du pétrole a bénéficié à la consommation : en conséquence il convient d’être acheteurs des thématiques liées (consommation discrétionnaire dont luxe et automobile, la consommation de base avec une prédilection pour les spiritueux et la distribution alimentaire pour bénéficier de l’inflation alimentaire positive ) sur les marchés importateurs nets d’énergie (Europe, Japon, Chine, Asie Emergente et Etats-Unis). Concomitamment, des thématiques connexes liées au pouvoir d’achat bénéficient également de cette nouvelle donne avec en premier lieu les loisirs (media, jeux video et hors aléas terroriste le tourisme/ hôtellerie). En ce qui concerne les entreprises, la baisse des importations d’énergie a réduit de 1,0% de PIB la valeur de la consommation d’énergie, et donc augmenté d’autant leur résultat d’exploitation. Certes cette répartition n’est pas du tout homogène avec, comme grands gagnants, les secteurs fortement consommateurs d’énergie (compagnies aériennes, cimentiers, transport routier) et, à l’autre extrémité du spectre, un impact nul pour les activités de services. Mais ce supplément de cash-flow opérationnel n’a pas été utilisé pour investir ce qui est d’ailleurs perceptible au regard de la faiblesse du cycle d’investissement productif (0,5% de contribution au PIB) comparé aux reprises précédentes (1,0% de PIB en 1995-1998-2006) en zone Euro. Dans ce cadre, il convient de se montrer prudent sur les secteurs des biens d’équipements et, bien que cela sonne comme une évidence, sur ceux liés à l’investissement dans le secteur pétrolier (services pétroliers, tubistes). Enfin le « déficit » de croissance de la zone Euro s’explique en dernier lieu par la perte de débouchés auprès des pays exportateurs de pétrole. Le phénomène est moins marqué à destination des pays non membres de l’OPEP (Brésil, Canada, Colombie, Norvège, Mexique…) qui n’ont reculé que de 0,1% de PIB. Ceci nous conforte dans notre prudence envers les secteurs fortement exposés à ces marchés (agroalimentaire, brasseurs pour les pays non OPEP). 10 février 2016 54 CROSS EXPERTISE RESEARCH 6. Quels secteurs seront les gagnants ? BTP / Concessions : un impact globalement positif Gregoire Thibault +33 1 58 55 35 45 [email protected] Pour le secteur BTP/Concessions, l’impact est globalement positif. Les gagnants « naturels » de cet environnement sont les autoroutes et les aéroports, qui bénéficieront d’un trafic soutenu par le pétrole bas. Les groupes actifs à la fois dans la gestion autoroutière et aéroportuaire, comme Vinci et Atlantia, en profiteront donc à double titre. En revanche, cette situation sera, selon nous, défavorable à Groupe Eurotunnel, inversement corrélée au prix du baril. Côté Contracting (BTP), impact neutre dans l’ensemble, mis à part pour certaines zones géographiques telles que l’Afrique, où la capacité financière des clients est dépendante des cours du pétrole. Concessions : quel trafic ! Autoroutes : ça roule Après une excellente année 2015 (hausse de près de 3% sur le réseau français), le trafic 2016 devrait rester bien orienté: pétrole bas, certes, mais aussi léger rebond économique, effet rattrapage des poids lourds (toujours < niveaux d’avant crise), effet tourisme (vu le contexte géopolitique, les gens auront tendance à rester sur la côte nord-méditerranéenne) et développement du co-voiturage et du transport en autobus (Loi Macron). Sur ce secteur, nous privilégions Eiffage (top pick sectoriel, Acheter, objectif de cours 74 €) et Vinci (Acheter, objectif de cours 70 €), devant Atlantia (Neutre, objectif de cours 24 €) et Abertis (Alléger, objectif de cours 13,7 €), essentiellement sur des critères de valorisation. Pour 2016, nous tablons à ce stade sur une croissance du trafic de 1,5%e en France et en Italie, et de +2,5%e en Espagne (rebond économique et effet de rattrapage plus forts). Toutes choses égales par ailleurs dans nos valorisations, 1 point de croissance trafic en plus en 2016 a l’impact positif suivant sur nos objectifs de cours : +1%e pour Eiffage, Vinci et Abertis, +2%e pour Atlantia. Aéroports : Paris gagnant Un pétrole bas profite aux compagnies aériennes, allégeant leurs coûts et, in fine, drainant plus de trafic… ce dont profitent les aéroports. Un pétrole plus bas, une essence moins chère, c’est aussi plus de revenus disponibles pour les passagers, donc un pouvoir d’achat plus fort dans les boutiques des aéroports. Sur ce segment, nous privilégions ADP (Acheter, objectif de cours 125 €) et jouons le pair trade Long ADP / Short Fraport (Neutre, objectif de cours 61 €). Cet arbitrage s’explique par une meilleure visibilité réglementaire (contrat de régulation économique pour 5 ans signé l’été dernier), un levier plus important sur les activités commerciales (positionnement spécifique de Paris et du luxe « à la française ») et plus de triggers (spéculation ?) pour ADP. Au contraire, Fraport devrait continuer de pâtir à nos yeux d’une politique commerciale décevante et d’un risque réglementaire (pas de visibilité sur les redevances, happy end fin S1 16 ?, alors que les Capex vont augmenter à partir de 2016 avec les travaux du Terminal 3 à Francfort). Au niveau du trafic, l’année 2015 aura été bien orientée : +3,0% à ADP malgré la baisse de fin d’année post attaques terroristes, +2,5% à Francfort (impact négatif de la grève Lufthansa en novembre). Pour 2016, nous tablons sur un trafic en hausse de 2,5%e à Paris (en espérant que le retour à la normale post terrorisme se matérialise rapidement) et 2,5%e à Francfort. Toutes choses égales par ailleurs dans nos SOP, 1 point de croissance trafic en plus en 2016 (+3,5%e vs +2,5%e dans notre cas de base) a un impact positif sur l’objectif de cours d’ADP de +3%e, et sur celui de Fraport de +4%e. 10 février 2016 55 CROSS EXPERTISE RESEARCH Groupe Eurotunnel, un « short » pétrole bas Le poste énergie des compagnies de ferries, concurrentes de GET, représente ~25%e de leurs Opex. Le pétrole bas leur donne donc de la marge de manœuvre pour être plus agressives sur les prix. GET pourrait donc avoir plus de mal à faire passer des hausses de prix sur ses navettes aussi importantes que ces dernières années (le yield, focus du groupe). Au final, malgré des perspectives opérationnelles moyen terme solides, nous restons prudents sur GET (Neutre, objectif de cours 12 €). Le court terme est incertain, la guidance EBITDA 15 et 16 ambitieuse, et le consensus trop élevé. Contracting : attention aux émergents La situation de pétrole bas est, dans l’ensemble, neutre pour le contracting. La baisse du prix du bitume, positive à court terme pour les groupes, finit par être « redonnée » aux clients. Toutefois, en termes d’activité, comme en 2015, certaines zones émergentes (productrices de matières premières) devraient continuer de souffrir. Nous pensons en premier lieu à l’Afrique, dont la capacité financière de certains clients, publics et privés, est dépendante des cours du pétrole. La faiblesse du baril et des matières premières entraîne donc une réduction des volumes et des marges. Ce constat est vrai également sur des zones telles que l’Amérique du Sud ou la Russie. La société de notre univers de couverture la plus exposée aux émergents est, de très loin, Salini Impregilo (Neutre, objectif de cours 4,4 €) : l’Afrique et l’Amérique latine ont représenté respectivement 33% et 14% de l’activité 2014. Dans une moindre mesure, Vinci et Bouygues Construction / Colas seront encore impactés en 2016: rappelons que l’Afrique a représenté en 2014 environ 5%e de leur activité. 10 février 2016 56 CROSS EXPERTISE RESEARCH Aéronautique : un pétrole à 30 $, une aubaine pour l’aérien Antoine Boivin Champeaux Le pétrole n’est plus le premier poste de coûts +33 1 58 55 33 67 [email protected] Les compagnies aériennes n’ont jamais été aussi rentables Au niveau actuel du baril, le poste carburant ne représente plus que 18% des coûts opérationnels des compagnies aériennes contre 35/40% il y a encore 18 mois. Dans ces conditions, les compagnies aériennes sont déjà extrêmement rentables, à commencer par 2015, et ceci va se poursuivre. Tableau 1 : Résultats net cumulés des compagnies aériennes adhérentes à IATA vs variation trafic mondial En Md$ 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016e Résultat net Trafic mondial (var. %) -26,1 1,9 -4,6 -1,1 17,3 8,0 8,3 6,3 9,2 5,3 10,7 5,7 17,3 6,0 33,0 6,7 36,3 6,9 Souce : IATA Et la forte hausse du trafic permet de déclencher les nouvelles commandes même si les avions sont gardés plus longtemps Historiquement, les compagnies aériennes dépensent plus en nouvelles commandes et maintenance quand elles génèrent plus de profits et que le trafic est soutenu, hypothèse très probable en raison de la baisse programmée du prix des billets. Ceci devrait largement compenser le fait que le marché du renouvellement de flotte (40% du marché) sera probablement moins porteur, l’incitation à changer d’avion pour des modèles récents plus économes étant moins forte. Pour ce qui est de la maintenance, les motoristes et les sociétés pondérées en après-vente (Safran, MTU Aeroengines, Zodiac Aerospace et dans une moindre mesure Rolls-Royce) vont profiter à plein de la meilleure santé des compagnies et du fait qu’elles garderont les avions en service un peu plus longtemps. La baisse du pétrole est globalement neutre pour la défense Les émergents producteurs et importateurs dans des situations opposées En matière de défense, le pétrole bon marché n’est sans doute pas aussi favorable, notamment pour ce qui est des clients producteurs de pétrole (Arabie Saoudite, Brésil,..). Ainsi, le budget de défense saoudien 2016 évolue comme le PIB, en baisse sensible de l’ordre de 25% par rapport aux plus hauts de 2014. Il nous semble toutefois que les réductions affectent plus les opérations que les achats d’armement en tant que tels. Cela étant, d’autres pays émergents tels l’Inde ou la Chine devraient profiter pleinement de la baisse du prix du pétrole via des importations moins chères. Ainsi, le déficit courant de l’Inde est tombé à 1% du PIB. Le solde net de la baisse des prix du pétrole dans les pays émergents (environ 30% de la dépense mondiale d’armement) est probablement relativement neutre, ceux-ci devant continuer de progresser à 5/10% par an selon nous. Les pays occidentaux ont sensiblement revu leurs budgets de défense à la hausse Par ailleurs, les tensions actuelles ne présagent pas d’un ralentissement, mais plutôt d’une légère accélération des dépenses mondiales d’équipement puisque les pays occidentaux ont stoppé la baisse de leurs budgets. 10 février 2016 57 CROSS EXPERTISE RESEARCH Par exemple, aux Etats-Unis, qui restent le premier acheteur d’équipement de défense au monde (35% du marché global), le Congrès a voté une hausse pour l’exercice en cours et les prochaines années, ce qui n’était pas arrivé depuis 2010. Nos recommandations restent différenciées Des convictions fortes sur quatre valeurs Au sein de notre secteur, nous privilégions MTU Aeroengines (Acheter, objectif de cours 105 €), Airbus Group (Acheter, objectif de cours 80 € ), Thales (Acheter, objectif de cours 80 €) et Dassault Aviation (Acheter, objectif de cours 1 260 €). Mais une prudence sur les sept autres de notre échantillon Nous restons plus prudents sur Zodiac Aerospace (Neutre, objectif de cours 22,5 € ;), Safran (Neutre, objectif de cours 66 €), Rolls-Royce (Neutre, objectif de cours 600 p), LISI (Neutre, objectif de cours 25 €), BAE Systems (Alléger, objectif de cours 450 p), Finmeccanica (Neutre, objectif de cours 12,5 €), Cobham (Neutre, objectif de cours 300 p) en raison de problèmes d’exécution, de stratégie ou de niveaux de valorisation. 10 février 2016 58 CROSS EXPERTISE RESEARCH Automobile: globalement positif Georges Dieng La faiblesse prolongée des prix du pétrole a un impact globalement positif sur le secteur automobile qu’il faut toutefois relativiser en raison de certains effets contraires (en particulier la pression accrue sur les économies émergentes très dépendantes des hydrocarbures). Dans un Michael Foundoukidis contexte de coûts de financement toujours attractifs post QE 2, ceci devrait contribuer à la +33 1 58 55 04 92 poursuite de la reprise de la demande automobile en Europe (+3%e), avec un effet de levier [email protected] plus sensible dans le mass market (Peugeot, Renault, FCA) que dans le premium (BMW, Mercedes, Audi). Grâce à son cycle produits particulièrement dynamique en 2016, Renault (Acheter, objectif de cours 120 €) devrait en être le principal bénéficiaire et reste notre top pick parmi les constructeurs européens. +33 1 58 55 05 34 [email protected] L’Europe sera également le moteur de la croissance bénéficiaire des équipementiers première monte qui devraient, en outre, tirer profit, de la baisse attendue des coûts matières liées aux dérivés pétrochimiques, après renégociation avec leurs clients constructeurs. Faurecia (Acheter, objectif de cours 52 €) et Plastic Omnium (Acheter, objectif de cours 38 €) pourraient ici être les principaux gagnants compte tenu du poids plus important du plastique dans leurs achats matières. Enfin, les pneumaticiens pourraient bénéficier d’une dynamique plus favorable sur le marché remplacement grâce à un enrichissement tendanciel du mix et à une hausse des distances parcourues. Pour autant, rappelons également que ce contexte a des effets pervers sur l’environnement prix qui resterait favorable aux acteurs low cost (essentiellement chinois) au détriment des acteurs premium. Au global, il est donc difficile d’identifier de vrais gagnants à court terme sur ce segment. Si Nokian Tyres (Neutre, objectif de cours 34 €) a beaucoup souffert ces deux dernières années de son exposition à la Russie, celle-ci est aujourd’hui beaucoup plus limitée (<20%e) et il est probable que le point bas ait été touché en 2015. Plus d’impact sur le mix que sur la demande S’il est communément admis que les ventes de voitures sont inversement corrélées au prix du pétrole, il est important de nuancer ce postulat car cette relation est variable selon les pays et de nombreux autres facteurs plus décisifs, (taux d’intérêt, perspectives d’emploi…) entrent en ligne de compte dans l’acte d’achat automobile. D’une manière générale, la baisse des prix du pétrole a permis de réduire le budget carburant des consommateurs, accroissant ainsi leur pouvoir d’achat et leur propension à consommer, ce supplément étant soit réalloué à l’achat d’autres biens soit au financement de l’achat d’un nouveau véhicule. Ce gain de solvabilité est plus sensible pour les consommateurs à revenus faibles ou moyens, incités à conduire davantage et à renouveler plus volontiers leur véhicule, généralement d’un âge avancé. Avec des conditions de financement toujours attractives grâce au maintien de la politique ultra-accommodante de la BCE, ceci devrait soutenir la demande en 2016, notamment dans les segments du mass market en Europe. Ce facteur de soutien est moins évident pour le segment premium dont les clients disposent déjà de moyens financiers élevés et dont la décision d’achat n’est que marginalement influencée par l’économie induite par la baisse des prix des carburants (estimée entre 50 et 100 €/mois selon le type de véhicule et le kilométrage moyen parcouru). Cette sensibilité de la demande au prix du pétrole est variable selon l’importance de la fiscalité qui pèse sur les carburants (ces taxes ne dépendant pas des fluctuations du prix du baril) et s’avère plus tangible en Amérique du Nord où la part des taxes ne représente qu’environ 15% du prix final à la pompe contre 50% à 70% en Europe. Le consommateur américain est de ce fait plus réactif face à la baisse des prix du pétrole et du coût d’usage qui en découle. 10 février 2016 59 CROSS EXPERTISE RESEARCH Avec près de 95% des achats d’automobiles financés à crédit, la forte dynamique récente du marché US est principalement imputable à des conditions de financement particulièrement attractives (taux d’intérêt historiquement bas, rallongement des durées de leasing, conditions d’octroi de crédit plus faciles…). En revanche, la faiblesse des prix de l’essence a eu une influence directe sur la montée en puissance des achats de véhicules plus grands et plus énergivores tels que les SUVs, pick-up trucks, très recherchés car offrant plus de place et un sentiment accru de sécurité. Les ventes de light trucks ont ainsi représenté 56,6% de la demande de véhicules légers en 2015 alors que le prix de l’essence s’établissait à 2,4 $/gallon, contre un point bas à 42% du marché en juin/juillet 2008 avec un prix de l’essence à 4 $/gallon. Graphique 2 : Evolution comparée du prix du gallon et du poids des light trucks dans lesventes totales (Base 100 janvier 2008) 150 65% 60% 55% 50% 45% 40% 35% 30% 25% 20% 125 100 75 Prix essence ($/gl) déc.-15 juil.-15 févr.-15 sept.-14 avr.-14 nov.-13 juin-13 janv.-13 août-12 mars-12 oct.-11 mai-11 déc.-10 juil.-10 févr.-10 sept.-09 avr.-09 nov.-08 juin-08 janv.-08 50 Poids light trucks Sources : Automotive News, Datastream, Natixis Cet enrichissement du mix a largement contribué à l’amélioration de la rentabilité des constructeurs américains (Ford, GM) qui dégagent désormais des marges à deux chiffres en Amérique du Nord. Cette situation a conduit FCA dont la rentabilité dans la zone Nafta reste à la traîne (~6% en 2015) à transformer son outil industriel afin de mettre ses capacités de production en phase avec une tendance de fond jugée désormais permanente. En ce qui concerne la demande proprement dite, même si les conditions de financement restent avantageuses (le relèvement des taux d’intérêt de la Fed pouvant s’avérer plus graduel qu’initialement prévu) et le prix de l’essence bas, le cycle haussier du marché américain entamé en 2010, arrive à son terme, le record historique de 2000 ayant été dépassé en 2015. Nous anticipons une hausse limitée de 1,5% en 2016 avant un retournement cyclique en 2017/18. Côté équipementiers première monte, ces derniers pourraient, sans surprise, bénéficier d’un momentum de production plus élevé, mais il est difficile d’identifier un gagnant particulier. Parmi les pneumaticiens, et au-delà de l’impact – limité – sur la première monte, il existe effectivement, dans un environnement macroéconomique porteur, une corrélation forte entre les distances parcourues et l’évolution des prix de l’essence à la pompe, comme l’ont montré les derniers mois aux Etats-Unis. Cette hausse des distances parcourues favorise la croissance du segment pneumatiques remplacement (près de 80% des volumes des pneumaticiens dans les économies matures et une part encore supérieure de leurs profits). Pour autant, si l’impact peut être notable aux EtatsUnis, il l’est moins en Europe où le poids des taxes a tendance à effacer une part significative de la baisse des carburants (le recul vs 2012 s’établit à environ 30% contre plus de 50% aux Etats-Unis) et donc gommer l’effet induit sur la demande de remplacement. Dans ce contexte, il semble donc, qu’au-delà d’une baisse des coûts de carburant, l’environnement macroéconomique reste prépondérant (la hausse des distances parcourues a d’ailleurs démarré en 2014… avant l’amorce de la baisse des prix des carburants). Enfin, à plus long 10 février 2016 60 CROSS EXPERTISE RESEARCH terme, les manufacturiers devraient profiter d’une amélioration du mix au profit des SUVs dont les dimensions des pneumatiques sont plus grandes. Graphique 3 : Evolution des distances parcourues aux US (échelle de droite) vs le prix de l’essence (échelle de gauche) 4,5 4 3,1 3,5 3 3 2,5 2 Prix de l'Essence (USD/Gallon) oct.-15 juil.-15 avr.-15 janv.-15 oct.-14 juil.-14 avr.-14 janv.-14 oct.-13 juil.-13 avr.-13 janv.-13 oct.-12 juil.-12 avr.-12 janv.-12 oct.-11 juil.-11 avr.-11 2,9 janv.-11 1,5 Distances parcourues (en millions de miles) Sources : FactSet, EIA, USDT Un effet bénéfique sur les coûts opérationnels L’ensemble de l’industrie devrait tirer parti de l’impact de la baisse des prix du pétrole sur ses coûts d’achats (notamment via les clauses d’indexation auprès des fournisseurs) ainsi que sur ses dépenses énergétiques et logistiques. A ce stade, les constructeurs n’ont pas encore communiqué sur leurs guidances 2016, mais ne semblent pas avoir intégré d’hypothèses particulièrement favorables à ce titre, sans doute en raison d’un environnement toujours très compétitif. Nous n’identifions pas de forte discrimination entre constructeurs sur cette thématique, qui devrait toutefois bénéficier davantage aux généralistes (Peugeot, Renault, FCA, VW) compte tenu de la relative faiblesse de leur rentabilité automobile. Parmi les équipementiers, les acteurs les plus exposés au plastique, comme Plastic Omnium et Faurecia, devraient ressortir gagnants d’un tel environnement puisque ces derniers estiment pouvoir conserver entre 20 et 30% des gains après leurs négociations avec les constructeurs. Rappelons qu’il s’agit toutefois pour une grande majorité de plastiques complexes et que, par conséquent, la corrélation des prix n’est pas parfaite avec le sous-jacent pétrole. Enfin, chez les pneumaticiens, nous continuons de penser qu’un tel environnement est défavorable car ce contexte de matières premières peu chères favorise les acteurs low cost au détriment des acteurs premium comme Michelin et pourrait accentuer la pression sur les prix, obérant les gains obtenus sur les coûts matières. Des effets négatifs à prendre en compte La forte chute des prix du pétrole n’a pas que des effets positifs sur l’industrie automobile. En termes de demande, il faut en effet tenir compte de son impact négatif sur les économies émergentes fortement dépendantes des matières premières et des hydrocarbures en particulier. La Russie est en première ligne, avec une économie rendue exsangue par les sanctions internationales et l’effondrement du rouble : la demande automobile s’est effondrée de 35,6% en 2015, portant à 45% la chute cumulée du marché depuis fin 2012. Cette chute devrait se poursuivre en 2016 (-5% à -10% attendus selon les constructeurs), sombre perspective qui conduit le gouvernement russe à envisager un vaste plan de soutien de 50 Md de roubles (611 M€) au secteur automobile, dont les contours restent à préciser. On notera toutefois que le poids de la Russie dans les ventes des principaux constructeurs s’est fortement atténué, ne représentant que 2 à 3% du CA des constructeurs en 2015. La poursuite 10 février 2016 61 CROSS EXPERTISE RESEARCH d’une demande vigoureuse en Europe en 2016 fera plus que compenser le manque à gagner résultant de la déprime du marché automobile russe. Par ailleurs, en tirant le mix des ventes vers des véhicules plus énergivores, la baisse continue des prix du pétrole, pourrait, à terme, poser un véritable problème aux constructeurs automobiles, face au durcissement des normes environnementales (CO2 en particulier). La demande accrue de crossovers et SUV (reflet d’une évolution sociétale autant que d’un effet d’offre) tend en effet, à accroître le poids moyen des flottes en dépit des efforts d’allégement visibles sur les nouvelles générations de véhicule. En outre, la faiblesse des prix des carburants réduit l’intérêt (déjà limité) que portent les consommateurs aux motorisations alternatives (électriques, hybrides, hybrides rechargeables, fuel cell…) qui restent sensiblement plus onéreuses que les motorisations thermiques, malgré les incitations fiscales octroyées dans certains pays. Ceci pourrait retarder le développement de masse de ces technologies, rendant plus difficile la rentabilisation des lourds investissements consentis par l’industrie automobile mondiale. Au total, les constructeurs devront surmonter le défi lié à la divergence accrue entre la demande des consommateurs et une offre partiellement dictée par les régulateurs qui ne comptent pas relâcher leur pression, surtout depuis le scandale Volkswagen. Rappelons que les objectifs CAFE (Corporate Average Fuel Economy) imposés à l’industrie aux Etats-Unis visent une performance de 35,5 miles per gallon (~154g CO 2/km) pour l’année modèle 2016 et de 54,5 mpg (~98g CO 2/km) à l’horizon 2025 tandis qu’en Europe, la limite d’émission de CO2 passe de 130g CO2 en 2015 à 95g CO2 en 2020/21 et sans doute 68/78g en 2025. 10 février 2016 62 CROSS EXPERTISE RESEARCH Food-HPC : un double tailwind surtout pour Unilever Pierre Tegnér +33 1 58 55 24 34 [email protected] La baisse des prix du pétrole est favorable au secteur Food HPC tant boursièrement qu’opérationnellement. Certes, la baisse des coûts matières peut comprimer l’effet prix et donc les taux de croissance organique mais entre l’impact positif sur la consommation et le bénéfice sur les marges, un pétrole bas reste positif. Il enclenche un cycle favorable de « modest growth, soft inflation » qui rééquilibre fortement le rapport entre croissance et rentabilité et serait un support aux niveaux de valorisation actuels. Ce rééquilibrage est visible sur 2015 et 2016 où tous les groupes de notre secteur devraient générer une croissance organique moyenne et assez homogène (4,2%e) mais aussi une progression moyenne de leur MOP courante de 30 pb. Il serait naïf de penser que la baisse du prix du pétrole est la seule raison mais c’est une aide indiscutable malgré le ralentissement macroéconomique qu’elle reflète. Unilever (Neutre, objectif de cours 41 €) est, selon nous, la valeur pétrole du secteur. Surperformance du secteur quand le pétrole baisse : ça marche encore ! Comme mis en avant à plusieurs reprises, la corrélation boursière entre la performance relative des valeurs du Food HPC et l’évolution des prix du pétrole est fortement négative depuis au moins 2007. tant pour des raisons boursières que fondamentales. Boursièrement, en période de baisse des prix du pétrole, les investisseurs se reportent sur les défensives au détriment des cycliques. Les raisons fondamentales tiennent au fait qu’une grande partie des coûts matières sont eux-mêmes corrélés à l’évolution du prix du pétrole. Le risque de déflation est présent dans l’esprit de la majorité des investisseurs. Mais il ne faut pas négliger l’impact positif des baisses de coûts sur les marges, même si une partie sera redonnée au consommateur, ainsi que l’effet indirect sur le pouvoir d’achat et donc sur la croissance, a fortiori dans les pays matures. Au total, si un prix bas du pétrole comprime les perspectives de croissance organique à travers l’effet prix, nous pensons qu’en « net », l’impact est positif sur les résultats. Nous pensons qu’en net, l’effet restera bénéfique sur 2016 puisqu’à ce stade la baisse moyenne de leur panier de devises (effet devises de -2% à -4% sur le CA total des groupes européens de Food HPC), est de loin moins forte que la division par 2 des prix du pétrole. Unilever est le groupe le plus sensible au pétrole en raison de son mix-produits. Le titre est certes identifié comme une valeur pays émergents mais boursièrement sa corrélation avec l’évolution du prix du pétrole est fortement négative, en raison de la sensibilité de ses coûts aux matières premières directement et indirectement liées au pétrole. « Food for fuel » : matières agricoles ? ou pétrole ? L’impact opérationnel le plus important et le plus visible d’un prix du pétrole bas concerne les coûts matières. Mais l’impact peut aussi être positif sur l’inflation sous-jacente des coûts fixes. Les pays émergents et notamment ceux d’Amérique latine subissent un phénomène d’inflation importée qui pénalise la consommation. Mais dans des pays comme le Brésil, le Mexique ou l’Indonésie, on observe depuis quelques mois un ralentissement de la hausse des salaires nominaux aussi. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les groupes de notre univers transforment essentiellement des matières premières corrélées au pétrole soit directement (notamment les oléagineux (soja, maïs et huiles de palme dont les cours sont de plus en plus dépendants de l’évolution des prix du pétrole depuis l’émergence des biocarburants) soit indirectement (le packaging et les pétrochimiques). 10 février 2016 63 CROSS EXPERTISE RESEARCH Les achats matières représentent 20% à 40% du CA des groupes européens du Food HPC et ceux dont les prix sont corrélés directement et indirectement au pétrole représentent en moyenne 30% des achats matières des larges caps européennes du Food HPC. Unilever est le plus exposé au pétrole avec près de 45% de ses achats corrélés directement et indirectement au pétrole. Son mix-produits (lessives, aides culinaires, sauces, margarines, cosmétiques) combiné à son positionnement mass market expliquent le poids important des plastiques, pétrochimiques et huiles végétales dans ses achats matières. Le CFO du groupe a plusieurs fois déclaré en 2015 que les achats directement corrélés au baril représentaient 20% à 25% des achats du groupe. Mais ces achats ne comprennent pas les huiles végétales qui représentent, selon nos estimations, près de 20% des achats du groupe. Nous y incluons les huiles végétales, les pétrochimiques, le PET et les autres plastiques. Aussi, une baisse de 10% des prix des achats corrélés au pétrole a un impact brut de +200 pb sur la MOP courante d’Unilever ; ce qui représente une hausse de 14% de son résultat opérationnel courant. Tableau 1 : Décomposition des achats matières en % du CA : Nestlé et L’Oréal sont les moins sensibles En % du CA Unilever Danone Nestlé Henkel Corrélé au pétrole brut Dont huiles végétales Dont autres produits corrélés au pétrole brut Matières premières agricoles Dont lait Dont spécialités (café, thé, fruits, cacao) Dont autres matières premières agricoles Autres Total achats 20 7 13 8 2 5 2 10 38,5 8 0 8 21 15 3 2 9 38,5 5 1 4 25 7 13 5 5 35,9 11 0 11 0 0 0 0 19 30 11 0 11 0 0 0 0 14 25 6 0 6 0 0 0 0 15 20 5 0 5 0 0 0 0 12 16 12 29 (1) Corrélé au pétrole brut (2) Matières premières agricoles (3) Emballage non corrélé directement au pétrole brut (4) Autres (1)+(2)+(3)+(4) = Total achats 20 8 5 6 38,5 8 21 5 4 38,5 5 25 4 0 34,9 11 0 2 18 30 11 0 3 12 25 6 0 5 10 20 5 0 4 8 16 29 13 8 5 11 7 5 9 4 4 10 8 2 11 8 3 10 5 5 8 4 4 Emballage avec achats Dont corrélé au pétrole brut Dont non corrélé au pétrole brut Reckitt Beiersdorf L'Oréal Moyenne 9 8 10 Sources : Sociétés, Natixis Net de l’effet déflationniste, l’impact est positif Un consensus a émergé depuis fin 2014 autour de l’idée que le risque déflationniste était le principal risque pour le secteur. Nous ne souscrivons pas à cette idée sans pour autant occulter ce risque. L’impact négatif de la déflation sur la croissance organique est indéniable et c’est ce qui explique que la croissance organique moyenne des groupes européens du Food HPC soit passée de 5,5% sur 2011/12 à 5% en 2013 puis à 4,2% sur 2015 et 2016e. Mais nous pensons que c’est en grande partie un « faux problème ». Nous restons en effet plus sensibles au BPA, à la rentabilité opérationnelle, au FCF opérationnel et au ROIC et la croissance organique n’est qu’un des moyens d’en apprécier la qualité et la pérennité. Pour une fois, la baisse des prix des commodités n’est pas répercutée sur les prix de vente, sauf en Europe. L’explication officielle est la nécessité de couvrir l’inflation locale qui est générée par la baisse des devises par rapport au dollar US. Mais cela ne peut expliquer les effets prix constatés sur les 9M, dans un contexte de redressement 10 février 2016 64 CROSS EXPERTISE RESEARCH des devises (elles n’ont baissé qu’à partir d’août !). En outre l’impact devises qui est actuellement négatif est inférieur à la baisse des coûts matières et surtout de celles corrélées au pétrole. L’appréciation du USD crée conjoncturellement un environnement concurrentiel peu favorable aux baisses de prix massives. Les groupes nord-américains (P&G, Mondelez, Colgate, PepsiCo, Coca-Cola, etc.) qui sont les principaux concurrents mondiaux des groupes européens font face à un dollar fort qui pénalise fortement leurs résultats. Lors de ses résultats du T2 fiscal, P&G a indiqué que le dollar allait réduire son BPA courant de 10% sur l’exercice fiscal et qu’il allait compenser une partie de cet effet par du « pricing » (essentiellement dans les émergents) et par des économies de coûts. Bien que ce soit une erreur selon nous (le consommateur n’a que faire de l’impact du dollar sur les BPA de P&G), cette politique est favorable à une baisse limitée des prix et permet aux groupes européens soit de conserver une plus grande part des gains matières soit de réinvestir en prix avec un effet de levier sur les volumes (gains de PdM) meilleur que prévu. 10 février 2016 65 CROSS EXPERTISE RESEARCH Tourisme : impact positif Geoffrey D’Halluin Pour le secteur du Tourisme, l’impact est globalement positif, notamment pour les croisiéristes, qui bénéficieront de la croissance de la demande et de la baisse des coûts liés à la faiblesse du pétrole, et dans une moindre mesure les Tour-opérateurs. En revanche, le pétrole bas devrait pénaliser les Support Services (à l’exception d’Elior) qui sont exposées au segment des basesJourdain Johanna +33 1 58 32 34 90 vie (pétrole, gaz et mines) et dépendent de l’activité de leurs clients dans ce secteur. Les [email protected] valeurs de notre univers qui devraient le plus profiter d’un pétrole bas sont Carnival, Royal Caribbean, TUI et Thomas Cook. +33 1 58 55 05 36 [email protected] Tourisme : le pétrole offre une belle éclaircie Croisiéristes : vent porteur Après une solide année 2015 en termes de croissance des yields (Carnival à +4,0% et Royal Caribbean à +3,5%e), la croissance et l’amélioration opérationnelle sur le secteur devraient rester bien orientées en 2016 : croissance structurelle de la demande pour le secteur avec un faible taux de pénétration offrant encore un fort potentiel, protection contre de nouveaux entrants avec un secteur fortement capitalistique et sans risque technologique (type Uber ou Airbnb), seul segment dans le tourisme permettant de contourner certaines zones géopolitiques à risque en modifiant les itinéraires des croisières, pétrole bas soutenant la baisse des coûts (<10% des coûts actuellement, vs. 10-15% historiquement) et ainsi l’amélioration des BPA et des ROCE. Sur ce secteur, nous privilégions Carnival (top pick sectoriel, Acheter, objectif de cours de 4 200 p), devant Royal Caribbean (Neutre, objectif de cours de 830 NOK), Carnival bénéficiant d’un meilleur potentiel d’amélioration des yields après avoir été pénalisé par des accidents en 2012 (Costa Concordia) et 2013 (Carnival Triumph). Pour 2016, nous attendons, à ce stade, une croissance des yields de 3,0% pour Carnival, en ligne avec la guidance du groupe, mais nous n’excluons pas que celle-ci soit relevée au cours de l’année compte tenu des bons niveaux de réservations et de la hausse des prix. Pour Royal Caribbean, nous tablons également sur une croissance des yields de 3,0%, ce qui est reste prudent à ce stade de l’année avant la période de réservations au T1 (Wave season). Toutes choses égales par ailleurs, pour Carnival, une baisse de 10% du prix du baril a un impact positif de 3% dans le BPA 16 (sensibilité donnée en décembre avec un baril à environ 38 $). Tour-Opérateurs : globalement positif Les tour-opérateurs devraient également profiter de la baisse du prix du pétrole, ces derniers bénéficiant d’une flotte d’avions importante. Cependant, nous estimons qu’une partie de ces gains devraient être répercutés à leurs clients. Sur ce segment, nous privilégions TUI (Acheter, objectif de cours 18,5 €), qui est hedgé à hauteur de 95% sur la saison hiver 2015/16 et à 83% sur la saison été, et Thomas Cook (Acheter, objectif de cours 150 p), exposé au pétrole essentiellement via sa division aérienne, sachant que le groupe possède un programme de hedging et est couvert à plus de 90%. 10 février 2016 66 CROSS EXPERTISE RESEARCH Médias : peu d’impact à part pour Ubisoft Jérôme Bodin +33 1 58 55 06 26 [email protected] Pavel Govciyan +33 1 58 55 56 02 [email protected] De façon générale, la baisse du cours du pétrole a peu d'impact sur le secteur médias : certes la consommation est stimulée dans les pays matures, mais cet effet est compensé par l'impact négatif sur les devises émergentes. De façon assez surprenante, seul Ubisoft (Acheter, objectif de cours 34 €) est impacté positivement par un cours du pétrole bas. En effet, le groupe a de longue date installé ses studios de développement au Canada (et notamment au Québec), ce qui lui est très favorable avec l'évolution actuelle des devises. En effet, le pétrole bas fragilise le dollar canadien, qui baisse face au dollar US. Or la moitié environ du CA d'Ubisoft est réalisée sur le marché américain. Et cet effet positif (13% de l'EBIT 15/16e et encore 10% de l'EBIT 16/17e) n'est pas contrebalancé par la fragilité des émergents, où les jeux vidéo sur consoles constituent un marché naissant, et donc encore en forte croissance. Pour les valeurs exposées à la publicité, peu d'impact La baisse durable du cours du pétrole doit théoriquement stimuler la consommation dans les pays matures, et donc la publicité. Or cet effet est négativement compensé par les troubles sur les devises émergentes. Dans ce contexte, nous privilégions 1/ parmi les agences de publicité : Publicis (Acheter, objectif de cours 75 €), qui affiche la plus forte exposition américaine (52% du CA 15e), zone la plus dynamique sur le plan publicitaire, mais aussi celle avec la moindre exposition à l’Amérique latine, à l’Afrique et au Moyen-Orient (6% du CA), zones émergentes qui souffrent le plus de la baisse des prix des matières premières ; 2/ parmi les diffuseurs, Mediaset (Acheter, objectif de cours 5,1 €) qui est uniquement exposée à l'Europe du Sud (Espagne et Italie) et devrait également bénéficier du rebond publicitaire après une baisse plus marquée que dans le reste de l'Europe. Ubisoft est le seul vrai grand gagnant de la baisse du prix du pétrole Ubisoft bénéficie d’un mix géographique idéal dans les marchés actuels : une très faible exposition aux marchés émergents et une forte exposition aux US (appréciation du $ vs €). En outre, Ubisoft produit une part significative au Canada (près de 50% de sa base de coûts selon nous), dans un contexte où la banque du Canada a choisi de laisser flotter le CAD par rapport au $. En d’autres termes, le €/$ baisse (donc le CA d’Ubisoft augmente) mais le taux €/CAD baisse beaucoup moins vite (donc les coûts d’Ubisoft n’augmentent pas dans les mêmes proportions que son CA). Le groupe a fourni les hypothèses de change à retenir pour l’exercice 2015/16, compte tenu des couvertures mises en place. Sur cette base, l’impact sur l’EBIT 15/16e, imputable uniquement aux effets devises, devrait être globalement de ~30 M€, après un impact déjà positif sur l’exercice 2014/15, grâce à l’appréciation du $ fin 2014 et début 2015 en particulier : Tableau 1 : Impact des devises (€/£, €/$, €/CAD) sur l’EBIT 2015/16e – guidance Ubisoft En M€ €/$ €/£ €/CAD$ 2014/15 2015/16 Variation (%) Impact théorique (1% sur l'EBIT 2014/15) Impact réel sur l’EBIT 2014/15 1,27 0,78 1,44 1,14 0,74 1,35 +11 +5 +7 +3,0 +1,1 -1,4 34,2 5,9 -9,3 Total 30,8 Sources : Ubisoft, Natixis 10 février 2016 67 CROSS EXPERTISE RESEARCH Nous comprenons que la société à couvert l’essentiel de ses devises pour l’exercice 2015/16, ce qui fixe donc l’impact réel autour de 30 M€ (soit 15% de l’EBIT ajusté selon le consensus). Mais, à date, les évolutions de devises sont bien plus favorables que celles données par la société : le €/$ a gagné 15% tandis que le dollar canadien est resté quasi stable. Ainsi l’impact positif théorique des devises est plus proche de ~55 M€ sur l’exercice actuel. Autrement dit, puisqu’Ubisoft n’a pas encore couvert les devises pour l’exercice suivant (2016/17), le groupe bénéficie d’un nouveau réservoir de gain d’EBIT de ~25 M€ (~55 M€ moins les ~30 M€ de l’exercice actuel). Tableau 2 : Impact théorique des devises (€/£, €/$, €/CAD) sur l’EBIT 2016/17e En M€ €/$ €/£ €/CAD$ 2014/15 2015/16 Variation (%) Impact théorique (1% sur l'EBIT 2014/15) Impact réel sur l’EBIT 2014/15 1,27 0,78 1,44 1,10 0,74 1,35 +15 +8 +1 +3,0 +1,1 -1,4 45,4 8,9 -1,0 Total 53,4 Sources : Ubisoft, Natixis Au final, la tendance de baisse de l’€ et de baisse du CAD par rapport au $ est très positive pour Ubisoft, et devrait continuer à soutenir la rentabilité à court et moyen-terme. Avec une réserve évidente sur l’évolution du cours du dollar canadien, très indexé à la situation actuelle sur le pétrole de nature à générer de la volatilité. 10 février 2016 68 CROSS EXPERTISE RESEARCH Biens d’équipement électriques : l’exposition industrielle pèse Si la baisse récente du prix du pétrole a contribué au redressement de la consommation des ménages dans les pays de l’OCDE, elle n’a, en revanche, pas permis celui de l’investissement des entreprises. Dans ce contexte, nous serions tentés de préférer les émetteurs davantage exposés à la consommation et à la construction plutôt qu’à l’industrie. Sur ces bases, Legrand présente le mix-métiers le plus défensif tandis que Schneider, exposé par ailleurs au secteur pétrole et gaz à hauteur de 7%, nous semble moins bien positionné. La faiblesse des prix du pétrole pèse sur les débouchés industriels des producteurs de biens d’équipement électriques En effet, exposé à hauteur de 7% de son chiffre d’affaires au secteur pétrole et gaz, Schneider a accusé un recul de son activité sur les neuf premiers mois de 2015 (-1,1% en organique). La division Industry affiche la plus faible performance avec un recul de 5% en organique, tout comme la zone Amérique du Nord. Au-delà de cette exposition directe, le groupe pâtit du ralentissement de l’activité industrielle dans certains pays émergents exportateurs de pétrole tels que la Russie ou le Brésil. Le distributeur d’équipements électriques Rexel est lui moins directement exposé au secteur pétrole et gaz, à hauteur de 4% environ de son chiffre d’affaires. A l’inverse, certains groupes semblent relativement immunes au déclin des prix des matières premières en raison de l’absence de corrélation mécanique en termes de débouchés et de la quote-part significative de produits de remplacement (de l’ordre de 50%) à l’image de Legrand. Davantage exposés au marché de la construction et au marché européen, nous préférons ainsi Legrand et Rexel (avec une surpondération de ce dernier pour des questions de valorisation). Graphique 1: Evolution des indices PMI par région et répartition du mix-métiers des producteurs de biens d’équipement de notre échantillon 60 55 50 45 zone de contraction Monde Régions émergentes Brésil juil.-15 oct.-15 avr.-15 janv.-15 juil.-14 oct.-14 avr.-14 janv.-14 juil.-13 oct.-13 avr.-13 janv.-13 juil.-12 oct.-12 40 avr.-12 +33 1 58 55 98 66 [email protected] janv.-12 Sandra Pereira Régions développées US Legrand Construction Rexel Industry Schneider o/w oil & gas Other Sources : Sociétés, Natixis Un mix prix coût stable. La baisse des prix du pétrole ne profite que marginalement à la baisse des coûts de production. En effet, le pétrole entrant dans la composition de plastiques (isolants, boîtiers) constitue une part mineure des coûts d’achats relativement aux métaux non ferreux (cuivre notamment). Sa contribution aux coûts énergétiques est relativement modeste. Par ailleurs, si le coût des matières premières tend à reculer, cette baisse est compensée par les pressions sur les prix de vente subies par les producteurs. 10 février 2016 69 CROSS EXPERTISE RESEARCH Utilities : peu ou pas d’impact en 2016 Philippe Ourpatian Pour le secteur des utilities pris dans son ensemble, les canaux de transmission de la nouvelle des prix du pétrole sont multiples, compte tenu de la diversité des activités parmi les quatre principaux segments d’activité (électriciens intégrés, gaziers intégrés, spécialistes environnementaux, réseaux régulés). Pour 2016, l’impact attendu du surcroit de pression baissière sur les prix du pétrole devrait être limité, mais des disparités sont à relever entre les activités voire au sein des quatre segments précités. Au total, dans notre univers de couverture, Engie (Neutre, objectif de cours 15,50 €) et, dans une moindre mesure Gas Natural Fenosa (Neutre, objectif de cours 18,20 €), ressortent comme les acteurs les plus pénalisés en 2016. +33 1 58 55 05 16 chute [email protected] Ivan Pavlovic +33 1 58 55 82 86 [email protected] Electriciens : un impact indirect négatif… mais pas pour tout de suite Pour les électriciens européens, la nouvelle chute des prix du pétrole constitue une source de pression supplémentaire sur les prix de gros de l’électron. Rappelons que sur la plupart des marchés de gros européens, compte tenu des diverses évolutions structurelles observées depuis 2010, la génération d’électricité à base de charbon est désormais la technologie « marginale », c’est-à-dire celle qui fixe le prix d’équilibre pour l’électron. Ceci explique le caractère homothétique des évolutions du prix de l’électricité sur le marché de gros allemand et du prix mondial du charbon observées depuis 2011. Mondial, le prix du charbon est pour une part influencé par celui du pétrole. En effet, le prix du charbon intègre une composante coûts de production et de transport influencée par les prix du pétrole. Les deux derniers mois ont donc vu une accélération de la pression baissière des prix de l’électron. Sur le marché de gros allemand, l’EEX, le prix forward « base » à un an est ainsi passé de 30 €/MWh au 30/11/2015 à 23 €/MWh au 26/01/2016. Compte tenu, de la part des ventes à terme réalisées par la majeure partie des électriciens en Europe (la production 2016 a été pré-vendue pour l’essentiel entre 2013 et 2015 dans notre univers de couverture), cette baisse n’affectera pas les marges de génération cette année. En revanche, elle commencera à pénaliser les marges des électriciens à partir de 2017. L’ampleur de cet impact dépendra de la structure des coûts des électriciens. Comme déjà relevé dans notre document de perspectives sectorielles pour 2016 (cf. 2016 : les uns et les autres…), plus la structure de coûts des électriciens est rigide (cas des acteurs exploitant des centrales à dominante nucléairehydraulique-lignite, E.ON, Fortum, RWE et Vattenfall dans notre univers de couverture), plus l’impact d’une baisse des prix est élevé au niveau de l’EBITDA. Avec la disparition d’une partie er des tarifs règlementés en France au 1 janvier 2016 (25% de la consommation domestique), EDF rentre désormais dans cette catégorie. A contrario, plus la structure des coûts de génération est variable (cas des acteurs exploitant des centrales à dominante charbon-gaz, Enel, EDP, Gas Natural Fenosa et Iberdrola dans notre univers de couverture), plus l’incidence sur l’EBITDA d’une baisse des prix de gros est faible. Gaziers : des impacts mitigés Dans notre univers de couverture, les activités « gazières » sont principalement le fait d’E.ON, Engie, Gas Natural Fenosa et RWE. Elles regroupent trois grands types de métiers : 1/ L’exploration-production (E&P) de gaz et de pétrole, lesquels concernent E.ON (actifs en cours de scission dans le cadre de la formation d’Uniper) et Engie. Ce segment est évidemment le plus impacté par le mouvement récent sur les prix du pétrole ; 2/ L’achat-revente de gaz en Europe sur le marché de gros et/ou sur le marché de détail, qui concernent les quatre acteurs précités. Dans ce segment, l’impact de la nouvelle chute des prix du pétrole est neutre voire légèrement positif. En effet, les niveaux des prix de gros du gaz en Europe relèvent de facteurs mondiaux (persistance de mécanismes d’indexation des prix du gaz importé sur ceux du pétrole) mais également régionaux (état de la demande, structure de 10 février 2016 70 CROSS EXPERTISE RESEARCH l’offre). Pour cette raison, leur corrélation avec les prix du Brent n’est pas intégrale. En résulte en proportion une moindre baisse des premiers que des seconds sur les 2 derniers mois (baisse de 22% des prix du TTF aux Pays-Bas vs. -30% pour le Brent entre le 30/11/2015 et le 27/01/2016). Au total, sur ce segment d’activité, l’impact de la chute des prix du pétrole devrait être globalement neutre (cas d’Engie, en raison de l’importance des ventes de gaz aux tarifs règlementés en France), voire légèrement positif pour E.ON et RWE. Notons toutefois chez E.ON que les activités de négoce « de gros » ont vocation à être affectées à Uniper, l’entité issue de la scission en cours de finalisation ; 3/ Le négoce de gaz hors d’Europe, qui concerne essentiellement Engie et Gas Natural Fenosa à travers les ventes de gaz naturel liquéfié (GNL) en Asie. Dans cette zone, le prix de vente du GNL est généralement indexé sur celui du Brent, ce qui explique la pression baissière sur les marges unitaires qu’ont subie Engie et Gas Natural Fenosa en 2015, partiellement compensée par la dépréciation de l’euro par rapport au dollar (devise de transaction sur ce marché). La nouvelle chute des prix des pétroles laisse donc augurer un surcroit de pression baissière sur les marges unitaires d’Engie et de Gas Natural Fenosa. Pour répondre à cet environnement dégradé, ce dernier envisageait, dès novembre 2015, une politique de « volume » visant à compenser cette pression persistante sur les marges unitaires et stabiliser la génération d’EBITDA. Reste à savoir dans quelle mesure cette stratégie n’aboutirait pas à l’effet inverse. Spécialistes environnementaux : quasiment pas d’impact Pour Suez et Veolia Environnement, l’exposition directe au pétrole est limitée aux coûts dans les activités de propreté et de services énergétiques (Veolia Environnement ; via Dalkia International). Or, dans ces activités, les coûts énergétiques sont traités selon des mécanismes de « pass-through ». Leur évolution à la hausse ou à la baisse est quasi-automatiquement répercutée dans le niveau du prix facturé au client final. Elle n’affecte donc pas la marge dégagée par l’opérateur. Réseaux régulés : pas d’impact Pour les réseaux régulés de notre univers de couverture (Elia, National Grid, REE, RTE, SNAM, Terna), les coûts énergétiques font, comme les activités de propreté et de services à l’énergie précités. l’objet de mécanismes de pass-through. Leur évolution à la hausse ou à la baisse est automatiquement répercutée dans le niveau du prix au client final, via des ajustements du niveau des charges à couvrir par les tarifs. Tableau 3 : Synoptique des impacts d’un pétrole durablement baissier Sociétés CEZ E ON EDF EDP Enel ENGIE Fortum Gas Natural Fenosa Iberdrola RWE Suez Vattenfall Veolia Environnement Electricité Exploration & Production Achat-revente de gaz Négoce de gaz hors d'Europe Propreté (collecte) réseaux de chaud et froid urbains total = = = = = = na na na na na na na na na na na na + = na = na = na + na na na na na na na na na na na na na na na na na na na na na na na na = na = na na na na na = na na na na na na na = = = = = = = = Source : Natixis 10 février 2016 71 CROSS EXPERTISE RESEARCH 7. Les secteurs les plus touchés Pétrolières intégrées : des ajustements toujours plus difficiles Baptiste Lebacq +33 1 58 55 29 28 [email protected] Dans un environnement de prix du pétrole durablement bas, les compagnies pétrolières vont poursuivre et même accélérer les ajustements. Leur objectif final devrait rester le maintien des retours aux actionnaires. Elles ont déjà commencé à réduire la voilure du côté des Capex et travaillent à la réduction les coûts opératoires. Les bilans pourraient rester sous pression et les programmes de cessions être plus difficiles. Enfin, les groupes qui ont initié des opérations de rapprochement « trop tôt », pourraient également être affectés par des dépréciations d’actifs. Au final, nous conservons une opinion Performance en ligne sur le secteur en évitant les acteurs dont les bilans pourraient être sous une pression très forte avec la baisse du baril. Total (Neutre, objectif de cours 46 €) est, dans ce cadre, notre valeur favorite dans le secteur. De nombreuses variables d’ajustements actionnables Afin d’être en mesure de maintenir le retour à l’actionnaire, les groupes pétroliers peuvent 1/ réduire de nouveaux les enveloppes de Capex et d’Opex, 2/ poursuivre les cessions d’actifs et 3/ maintenir la politique de scrip dividende (économisant ainsi les sorties de cash liées au versement du dividende). 1/ Vers une nouvelle coupe de Capex : l’ensemble des groupes se sont lancés dans des baisses de Capex. Une partie de cette baisse de l’enveloppe d’investissements émane de la déflation dans les services pétroliers (selon l’indicateur IHS CERA, les prix en exploration/production sont en baisse de 16% sur 2015). Tableau 1 : Guidances de Capex en 2015 et 2016 Royal Dutch Shell Total BP ENI Repsol OMV 2015 2016 et au-delà 33 30 Md$ (maintenu au T3) 23/24 Md$ confirmés < 20 Md$ vs ~20 Md$ de 14% à change constant Capex amont stables à 4,5 Md$ 2,7 Md€, -30% 40 33 Md$ yc BG Group avec une option pour la baisser 20/21 Md$ sur 2016 puis 17/19 Md$ sur 2017/2019 > 16 Md$ nd Capex amont stables à 4,5 Md$ yc Talisman 2,5/3,0 Md€ pour 2015/2017 Sources : Natixis, sociétés Les pétrolières pourraient, dans ce scénario de prix bas, poursuivre leurs réductions de Capex; mais cela pourrait mettre en risque leur profil de croissance future en organique. Il est aisé pour elles de diminuer leurs investissements en décalant les prises de décisions sur de nouveaux projets ou en prônant davantage la simplification de ces derniers. Les dépenses d’exploration et de production pourraient alors, dans un tel contexte, encore baisser de 30/50% par rapport aux niveaux actuels. 2/ Des programmes de cessions d’actifs : ces derniers concernent aussi bien les groupes qui ont procédé à des opérations de croissance externe que ceux qui poursuivent leur développement en organique. BP suite à l’accident de Macondo a été le premier à se lancer dans un programme de cession d’actifs (forcé) avec comme devise « shrink to grow ». Au final, il a cédé, depuis 2011, près de 30 Md$ d’actifs. Total, de son côté, a lancé un programme de cessions d’actifs sur 2015/2017 de 10 Md$ ; à ce stade il a déjà cédé pour environ 5 Md$ (cessions de FUKA, Geosel, Laggan notamment), soit. à mi-chemin de son objectif. 10 février 2016 72 CROSS EXPERTISE RESEARCH Repsol vise sur 2016/2020 une enveloppe de cessions de 6,2 Md€ (3,1 Md€ sur 2016/17 dont 1 Md€ déjà réalisé avec les cessions de CLH, et de pipe GPL et 3,1 Md€ sur 2018/2020). Shell, suite à l’acquisition de BG Group, va également se lancer dans une cure d’amaigrissement avec notamment comme objectif la réduction du gearing du groupe (qui atteindra près de 30% post fusion). Le programme de cession est calibré à hauteur de 30 Md$ sur 2016/2018. Cependant en cas de maintien de conditions défavorable, le groupe a annoncé qu’il pourrait doubler l’enveloppe de cessions. ENI a un programme de cessions d’actifs de 8 Md€ (8,7 Md$) sur les 4 prochains exercices avec un désengagement partiel de Versalis (activité de chimie). La conjonction de l’ensemble de ces programmes de cessions pourrait cependant créer des pressions sur les multiples de transactions. Les fonds d’infrastructures devraient continuer de marquer leur intérêt pour des actifs « régulés » à l’image des réseaux de pipelines. Cependant, du côté des actifs en amont, les intérêts pourraient être limités ou les multiples de transactions être moins généreux que par le passé (de nombreux actifs à céder dans des conditions de marchés peu propices). 3/ Maintenir le retour à l’actionnaire sous la forme d’un scrip : le script dividende permet de limiter les sorties de cash via le dividende et il devrait être privilégié en l’absence de remontée du baril. L’ensemble des groupes ont généralisé le choix du versement du dividende soit sous la forme cash ou en titres (script). Cette deuxième alternative limite les sorties de cash pour les pétroliers en ces temps difficiles. Par exemple, Total pourrait le prolonger au-delà de 2017 (date à partir de laquelle sur la base d’un baril à 60 $ le free cash-flow devait couvrir le dividende en organique). Les situations financières sous pression Les groupes pétroliers sont en mesure d’assurer leurs retours aux actionnaires dans un environnement adverse limité. Notre scénario de reprise graduelle du cours du brut soutient ce scénario. En cas de maintien des cours du brut sous les 30 $, aucun groupe n’est, selon nous, capable de générer suffisamment de cash pour assurer le paiement de son dividende. Dans un tel scénario et en l’absence de dépréciations d’actifs, les gearings devraient alors croître significativement. Nous avons tenté de le modéliser pour les valeurs de notre secteur en retenant comme hypothèses 1/ une nouvelle baisse des investissements de 20% par an sur 2016 et 2017 et 2/ une stabilité des dividendes des groupes pétroliers (versement en scrip maintenu). Graphique 1 : Des gearings sous forte pression 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 2015 2016 ENI BP Repsol 2017 Shell Total Source : Estimations Natixis 10 février 2016 73 CROSS EXPERTISE RESEARCH Au final, tous les groupes voient leur gearing se tendre, passant en moyenne de 28% en 2015 à 44% en 2017e. Pour certains à l’image de Total et de BP, la hausse du gearing est « maîtrisée » ; par contre pour les groupes ayant récemment procédé à des opérations de croissance externe (Shell et Repsol) la tension sur le gearing est très vive. Des risques de dépréciations d’actifs En raison de cours du baril sur des niveaux toujours bas, les groupes pétroliers pourraient être amenés à déprécier des actifs. Ce risque est beaucoup plus important pour les groupes qui se sont lancés dans des opérations de croissance externe alors que le baril était élevé. C’est le cas notamment de Repsol (acquisition de Talisman) et de Shell (acquisition de BG Group). Le risque sur Repsol nous semble plus important, le rachat de Talisman s’étant réalisé lorsque le baril était à 60 $) et intégralement payé en cash. Vers un mouvement de consolidation ? Les grands mouvements de consolidation historiquement se sont déroulés lorsque le baril avait commencé à se stabiliser, voire à remonter. A ce stade, nous n’anticipons pas de tels mouvements de consolidation majeurs en raison notamment des projets de plus en plus complexes qui se traduisent par des hausses des points morts des différents groupes. Les principales opérations de croissance externe initiées par des majors devraient davantage concerner l’acquisition de ressources, ce qui pourrait ainsi limiter les effets négatifs de la réduction des dépenses d’exploration sur les ressources des groupes. Graphique 2 : Historique des grands mouvements de consolidation dans le secteur 300 250 200 150 100 50 0 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Opérations en Md$ Brent Source : Natixis Les principales cibles pourraient être des pétrolières indépendantes nord-américaines dont la situation bilancielle est tendue, à l’image de sociétés américaines qui se sont placées en chapter 7 ou 11 (41 groupes en 2015 pour un volume de faillites de l’ordre de 15 Md$). Un tel repositionnement, favorisé par la multitude de petits acteurs, permettrait ainsi de « mettre la main » sur des ressources dont les volumes de production et les Capex sont beaucoup plus faciles à ajuster en fonction des conditions du marché. En conclusion, les groupes pétroliers peuvent continuer à ajuster leurs coûts et à réduire les investissements ainsi que maintenir les paiements du dividende sous forme de scrip. Au final, nous privilégions les groupes dont les bilans sont les moins à risque, Total est dans ce cadre-là notre valeur favorite dans le secteur. 10 février 2016 74 CROSS EXPERTISE RESEARCH Tubistes : les yeux sur le cash-flow Nous maintenons notre recommandation Sous-performance sur le secteur des tubistes. L’année 2016 devrait à nouveau être marquée par des faibles volumes et des effets prix fortement négatifs. Dans le cadre du maintien du baril sur des niveaux bas, nous estimons que la reprise en Amérique du Nord pourrait être très limitée. Dans ce cadre-là, nous continuons de privilégier les groupes les plus réactifs. Schoeller Bleckmann (Neutre, objectif de cours 48,6 €) est notre valeur favorite, En effet outre sa capacité d’ajustement (réduction des effectifs de 36 % sur un an), le groupe bénéficie d’une situation de leader incontesté dans un secteur de niche, d’une structure bilancielle solide et d’un caractère de cible pour un acteur comme General Electric. Un déséquilibre du marché qui s’accroit Sur la première moitié de l’exercice 2015, l’activité des tubistes était restée relativement résiliente. Cependant, la baisse du nombre d’appareils de forage initiée en Amérique du Nord (première zone en matière de consommation de tubes) à partir du point haut d’octobre 2014 a commencé à avoir des répercussions sur les activités des groupes à partir du second semestre. Le niveau des stocks chez les distributeurs atteint actuellement 7/8 mois ne laissant pas présager de rebond de la demande de la part de ces derniers avant le second semestre. Graphique 3 : Evolution du nombre d’appareils de forage aux Etats-Unis 1 800 1 600 1 400 1 200 1 000 800 600 400 200 0 2006 160 140 120 100 80 60 40 20 2007 2008 2009 2010 USRRUSI (Ech. G) 2011 2012 2013 2014 2015 0 2016 CRUDOIL (Ech. D) Source : Datastream Le maintien du baril sur des niveaux inférieurs au point mort des indépendantes américaines devrait les amener à ajuster une nouvelle fois à la baisse leurs dépenses en forage et donc la consommation de tubes. Cette baisse des investissements interviendrait alors que dans le même temps, Tenaris lance de nouvelles capacités ce qui déstabiliserait encore un peu plus le marché américain. Au final, dans un scenario où les tubistes laisseraient leurs capacités inchangées aux US et où la consommation de tubes s’inscrirait en repli de 10% par an d’ici fin 2017, la surcapacité pourrait y atteindre près de 3 Mt ! 10 février 2016 75 CROSS EXPERTISE RESEARCH Graphique 4 : Vers un déséquilibre persistant du marché américain (en Mt) 4 3 2 1 T1 10 T2 10 T3 10 T4 10 T1 11 T2 11 T3 11 T4 11 T1 12 T2 12 T3 12 T4 12 T1 13 T2 13 T3 13 T4 13 T1 14 T2 14 T3 14 T4 14 T1 15 T2 15 T3 15 T4 15 T1 16 T2 16 T3 16 T4 16 T1 17 T2 17 T3 17 T4 17 0 US Steel Tenaris Vallourec TMK-Ipsco TPCO Benteler demand Sources : Sociétés, estimations Natixis La fragilité des cash-flows pèsent sur la situation financière Au final, les groupes ont tous été en mesure de générer des free cash-flow positifs via notamment des réductions des enveloppes de Capex, mais pour certains, cette génération de FCF positif serait fortement dans le rouge en l’absence de soutien lié aux effets de variation du besoin en fonds de roulement. Dans le cadre de ce scenario, les groupes les plus fragiles et les moins « adaptables » devraient voir leurs situations financières fortement se dégrader, et ceci malgré la poursuite des efforts sur les investissements. Tableau 2 : Evolution des free cash-flow En M€ Schoeller Bleckmann Tenaris (M$) Vallourec 2014 2015e 2016e 2017e 24 258 274 76 1 397 8 18 77 -415 22 370 -255 Source : Natixis Le groupe le plus à risque est Vallourec. En l’absence de reprise, le groupe pourrait alors dès 2017 casser son unique covenant (gearing < 75%) le poussant ainsi à le renégocier avec les banques ou renforcer ses fonds propres. Graphique 5 : Evolution des gearings des équipementiers 100% 80% 60% 40% 20% 0% -20% -40% 2007 2008 2009 2010 2011 Schoeller Bleckmann 2012 2013 Tenaris 2014 2015e 2016e 2017e Vallourec Source : Natixis 10 février 2016 76 CROSS EXPERTISE RESEARCH Des risques de nouveaux impairments Dans ce scénario 2016, de nouvelles dépréciations d’actifs ne sont pas à exclure notamment en Amérique du Nord où jusqu’alors elles ont été peu nombreuses. Vallourec avait déprécié, au titre de l’exercice 2014, 1,1 Md€ d’actifs (sur les Unités Génératrices de Trésorerie européennes et du Brésil) et ce montant n’intégrait rien pour le marché d’Amérique du Nord. En l’absence de rebond du marché américain et dans un contexte de prix sous pression, des ajustements comptables ne sont pas à exclure. En outre, l’ajout de nouvelles capacités de la part de Tenaris à Houston (capacités additionnelles de 650 Kt) pourrait déséquilibrer de manière plus structurelle l’équilibre du marché. Poursuite des ajustements des effectifs En l’absence de rebond, de nouveaux ajustements des effectifs pourraient avoir lieu afin de réduire les coûts. Des fermetures définitives de capacités sont, selon nous, difficilement envisageables, mais nous pensons plus que des arrêts d’usines pourraient être plus fréquents en l’absence de prises de commandes. 10 février 2016 77 CROSS EXPERTISE RESEARCH Services pétroliers : s’il ne devait en rester qu’un Baptiste Lebacq +33 1 58 55 29 28 [email protected] Le scénario d’un baril durablement bas conforte notre arbitrage en faveur de l’onshore au détriment de l’offshore, et en faveur des bilans les plus solides. Cet arbitrage sera d’autant plus valable dans l’hypothèse d’un retour des compagnies pétrolières en Iran. La perspective d’un rebond des Capex E&P s’éloigne davantage, même s’ils devraient toutefois bénéficier de la baisse des prix des services et des équipements. Une reprise des volumes devrait ainsi s’amorcer, à l’horizon 2017. Pas d’embellie en exploration : nous pensons que le renouvellement des réserves des principales compagnies pétrolières se fera par le biais d’acquisitions d’actifs, pour bénéficier de valorisations avantageuses, plutôt que de se lancer dans des programmes d’exploration par définition incertains. Ceci nous fait craindre un nouveau décalage de la reprise des secteurs de la sismique et du forage. Toujours plus prudent sur l’offshore : les initiatives des principaux groupes de services, basées sur une combinaison des offres (SURF, SPS, réservoir), pour réduire les coûts de développement, se heurtent à l’extrême faiblesse du prix du brut. De nouvelles coupes budgétaires seraient également probables chez Petrobras, ce qui aurait un impact sur les groupes les plus exposés à la compagnie nationale au sein de notre échantillon : Subsea 7, Technip, Bourbon, SBM Offshore. L’onshore plus préservé : la remise à niveau des infrastructures iraniennes, rendue nécessaire par des années de sous-investissement, devrait agir en soutien. Mais nous restons prudents sur le timing, dans la mesure où toutes les sanctions ne sont pas encore levées. En revanche, de nouveaux investissements en GNL nous semblent compromis, compte tenu de la surcapacité à court terme, qui contraint les opérateurs à consentir des baisses de prix sur leurs contrats long terme. Refinancer & restructurer…encore : de nouveaux retraits d’actifs seront nécessaires. Des augmentations de capital sont probables (Bourbon, pour lequel nous attendons un ratio DN/EBITDA de 7x fin 2017e, ou Subsea 7, dont l’OC de 700 M$ expire en 2017), et celles annoncées récemment pourraient ne pas suffire (CGG, PGS, Saipem). S’allier pour résister : si les Etats-Unis ont été le théâtre de quelques rapprochements ces derniers mois (Baker Hughes et Halliburton fin 2014, Schlumberger et Cameron en 2015), l’Europe n’a pas encore connu de fusions significatives. Un allongement du creux de cycle devrait déclencher une vague de consolidation. Un rapprochement entre Technip et FMC Technologies, partenaires de la JV Forsys Subsea, pourrait bien se concrétiser à moyen terme. S’il n’en devait en rester qu’un : ce serait Technip (Alléger, objectif de cours 40 €), pour sa diversification et son faible endettement, même si le groupe n’est pas immune à ce creux de cycle, et l’exécution du projet Yamal LNG en Russie constitue, à nos yeux, un challenge important. Tecnicas Reunidas (Neutre, objectif de cours 40 €) devrait également bénéficier de la visibilité de son backlog historique (13 Md€), de son exposition à l’onshore E&C, et de son profil peu capitalistique (trésorerie nette). Nous restons à l’écart du secteur de la sismique (PGS, CGG). Même si nous apprécions le profil « asset light » de GTT (Acheter, objectif de cours 56 €) et la visibilité sur son dividende en 2016 et 2017, il devrait souffrir du manque d’investissements en GNL, qui pèsera sur la prise de commandes, et donc sur le volume d’activité à partir de 2018. 10 février 2016 78 CROSS EXPERTISE RESEARCH Banques : plus de peur que de mal ? Alex Koagne +33 1 58 55 04 39 [email protected] Le risque pour les banques d’un pétrole bas est, selon nous, abordable sous 3 angles : - Un impact négatif sur les revenus lié aux conséquences de la baisse du prix du baril sur les projets d’investissements des compagnies pétrolières (gel, baisse en valeur des financements octroyés). - Un impact négatif limité en termes de coût du risque associé au fait que les difficultés de certains acteurs du secteur pétrolier peuvent entrainer des pertes sur les portefeuilles de crédit des banques exposées. - Enfin, un impact négatif sur les perspectives de l’économie globale et en particulier pour les banques significativement exposées à des pays fortement dépendant du pétrole (Russie…). Steven Gould +33 1 58 55 72 32 [email protected] Robert Sage +44 20 3216 9170 [email protected] Elie Darwish +33 1 58 55 84 32 [email protected] Nelson Ribeirinho +33 1 58 55 85 29 [email protected] Au global, les banques qui pourraient être le plus affectées sont principalement les banques françaises, ING, DNB et StanChart. Des effets notables pourraient être observés sur les revenus pour les banques les plus actives dans les métiers de financement de projets pétroliers. A titre indicatif, l’un des plus grands acteurs dans le négoce de matières premières Glencore a d’ores-et-déjà annoncé un plan de réduction de sa dette de 10 Md$ et pourrait logiquement servir d’amorce à d’autres mouvements similaires à court/moyen terme. Nous considérons en revanche que l’exposition des banques au secteur pétrolier ne constitue pas un trigger suffisant pour dérouter le coût du risque de sa tendance générale baissière. Certaines banques devraient certes être amenées à constater de nouvelles provisions au cours ème du 4 trimestre ainsi que potentiellement en 2016 afin de faire face à leur exposition au secteur pétrolier compte tenu des niveaux très bas atteints par le baril. Toutefois, eu égard à la nature et à la structure du risque liées à cette exposition, nous ne pensons pas que le taux de perte sera très important, même si ce dernier sera in fine déterminé par le niveau du prix du pétrole sur long terme. Graphique 4 : Exposition des banques européennes au secteur pétrolier (en Md€ à fin septembre 2015) Sources : Natixis, données sociétés Si certains montants d’exposition peuvent paraitre non négligeables en absolu, plusieurs éléments permettent toutefois d’en relativiser le degré réel de risque associé. En effet, l’exposition crédit est très largement ‘investment grade’ avec généralement un collatéral pour garantir une partie du prêt accordé, ce qui au final ne devrait pas amener à un impact significatif sur le coût du risque. A titre d’exemple, on notera ainsi que : 10 février 2016 79 CROSS EXPERTISE RESEARCH - Pour BNP Paribas, 75% du portefeuille de crédits au secteur pétrolier est noté Investment Grade et 40% est d’une maturité inférieure à 1 an. - Pour Crédit Agricole SA, 90% du portefeuille est d’une maturité inférieure à 1 an et seulement 5 Md€ de celui-ci (soit ~15% de l’exposition totale) est véritablement à risque dans le cas d’un prix du pétrole durablement inférieur à 50 $ le baril. - Pour Société Générale 24% du portefeuille est d’une maturité inférieure à 1 an et que 67% de celui-ci est Investment Grade. - Pour ING, 90% du portefeuille est Investment Grade et 50% d’une maturité inférieure à 1 an, avec in fine une exposition véritablement à risque en cas de prix de pétrole durablement sous la barre des 20 $ le baril limitée à 6 Md€ (soit ~22% de l’exposition totale). Graphique 2 : Exposition au secteur Energie (en % des fonds propres tangibles 2015e) Sources : Natixis, données sociétés Un risque toutefois pris de plus en plus au sérieux outre-Atlantique ! Outre Atlantique, les craintes de faillites au sein du secteur pétrolier sont de plus en plus élevées et il s’agit d’un vrai sujet de préoccupation pour les banques même si celles-ci se sont attachées à communiquer sur le niveau a priori limité de leurs expositions (~3% en moyenne des crédits totaux) : - Selon certains experts, 1 compagnie pétrolière US sur 3 risque la faillite d’ici 2017 alors que celles-ci perdraient en cas de poursuite de la baisse du prix du baril (~20 $) près de 2 Md$ de revenus par semaine ; plus de 40 compagnies pétrolières nord-américaines auraient annoncé leur faillite en 2015 (représentant un endettement total de 13Md$). Par ailleurs les producteurs énergétiques pourraient être contraints de réduire leurs budgets de près de 90 Md$ (soit une baisse de moitié par rapport à 2014). - Selon les calculs de la Fed et des régulateurs bancaires américains (FDIC/OCC ), l’exposition à risque des banques US associée au secteur pétroler s’élevait à environ 34 Md$ à fin 2015. Selon Standard & Poor’s, la moitié des obligations à haut rendement (high yield) liées au secteur pétrolier seraient actuellement ‘en difficulté’. 6 ème JP Morgan a d’ores-et-déjà affiché sa prudence lors de la publication des résultats du 4 trimestre 2015 : bien que rappelant que le secteur pétrolier ne représente que 2% de ses crédits (exposition totale de 13 Md$) et que les crédits concernés sont souvent adossés à des actifs (plate-formes pétrolières, puits...), le groupe a indiqué que l’effondrement du prix du pétrole devrait ‘peser sur les résultats 2016’ principalement en raison de l’augmentation du coût du risque. Le groupe a ainsi provisionné 124 M$ au T4 à ce titre et prévoit de porter cette 6 FDIC : Federal Deposit Insurance Corporation, OCC : Office of the Comptroller of the Currency 10 février 2016 80 CROSS EXPERTISE RESEARCH enveloppe de provisionnement à 750 M$ si le prix du baril devait se maintenir durablement autour de 30 $. Bank of America, dont l’exposition à l’énergie ressortait à ~21 Md$ à fin 2015, a indiqué que le montant des défauts de paiement de ses clients corporates pétroliers s’est accru de 100 M$ sur le seul T4. Citigroup (exposition de 20 Md$) a, de son côté, provisionné 300 M$ et prévoit er 600 M$ de pertes sur crédit associées au secteur de l’énergie au cours du 1 semestre, tandis que Well Fargo (exposition de 17 Md$) a fait de même à hauteur de 1,2 Md$ pour une exposition « sub-investment grade » comprise entre 17 Md$ et 20 Md$. Si 17 Md$ semble un montant élevé, il est à rapprocher des fonds propres comptables de la banque qui ont atteint fin 2015 : 194 Md$ ! Le cas particulier des banques nordiques De par l’activité d’extraction en mer du Nord, et la forte importance des activités de shipping des banques nordiques, ces dernières font partie des « usual suspects » dès lors qu’il s’agit d’identifier les banques les plus à risques, en ce qui concerne les expositions au pétrole. Nous présentons ci-dessous les informations que nous avons pu rassembler sur ces dernières dans leur communication financière. Si l’exposition des banques suédoises (en relatif à leurs fonds propres tangibles) semble à peu près contenue, celle de DNB est, elle, beaucoup plus importante. Le cas de DNB est intéressant, la banque n’ayant que très peu provisionné jusqu’ici, et, le superviseur norvégien, dans une lettre du 21 décembre rendue publique début janvier, a prévenu les banques qu’elles ne pourraient pas « continuer d’ignorer la baisse des cours du pétrole ». Dans cette même lettre, le superviseur s’étonnait du fait que le coût du risque des dites banques, 25 pb sur les 9 premiers mois 2015, soit équivalent à celui de 2014. Ceci dit, puisque DNB est détenu à 34% par l’Etat norvégien, le risque est assez limité de voir la solvabilité se dégrader substantiellement selon nous. Tableau 1 : Exposition au secteur pétrolier des banques nordiques Danske bank Curr. Exposure (bn curr.) € equiv. (bn) Type Tangible equity % DKK 17 2 Group exposure 142 12% Curr. Exposure (bn curr.) € equiv. (bn) Type Tangible equity % NOK 176 19 Exposure at Default 152 115% Curr Exposure (bn curr.) € equiv. (bn) Type Tangible equity % EUR 6 6 NA 27 22% Curr SEB (loc.) € equiv. Type Tangible equity SEK 52 6 Gross Loan portfolio & Mining, oil & gas extraction 117 According to Q3-15 results presentation: "Oil-related exposures amounts to DKK 17,4bn; o/w 11.9bn offshore, 1,7 oil majors and 3,8 oil service providers. 78% of oil related exposure in USD ." DNB According to Q3-15 results transcripts "NOK120m energy sector, and that's related to petrochemical sector. When it comes to the offshore being in the oil supply side, we are talking about total NOK300m. " Nordea According to Q3-15 results transcripts: "So that, our direct exposures to these segments which are impacted directly by oil price, i.e., oil and gas companies, oil services companies, offshore segment is relatively, first of all, limited. All in all, we are talking about €6bn total exposure ." SEB NA 44% Sources : Natixis, données sociétés 10 février 2016 81 CROSS EXPERTISE RESEARCH Matériaux de Construction : pas d’euphorie Sven Edelfelt +33 1 58 55 29 03 [email protected] Pour le secteur des Matériaux de Construction, impact plutôt négatif. L’environnement de pétrole bas est une thématique positive pour les producteurs de matériaux de construction mais les répercussions au monde émergent pourraient être sévères sur la demande (pays producteurs de pétrole et dans leur sillage, pays dépendant des matières premières). Dans ce cadre, nous continuons de favoriser les groupes exposés aux pays matures notamment SaintGobain et CRH. Privilégier les valeurs exposées aux pays matures Saint-Gobain (Acheter, objectif de cours 45 €) 1/ Un risque de déception limité sur les estimations 2015/016 du consensus, après le warning du T3 15. La douceur de l’hiver pourrait même entrainer une bonne surprise sur le T4, selon nous, 2/ Le retournement attendu de l’activité en France en 2016, premier marché du groupe à 25% du CA, 3/ Un levier opérationnel fort, soit pour 1 € de CA supplémentaire une marge opérationnelle dans les Activités Manufacturières de 35/55% et de 20/30% dans la Distribution, 4/ L’épilogue de l’opération Sika avec la décision attendue du tribunal de Zug courant S1. Un impact positif quelle qu’en soit l’issue : Saint-Gobain encaisserait, dans le pire des cas (pas de transaction), environ 300 M€ sur la couverture de change. CRH (Acheter, objectif de cours 32 €) Le titre CRH nous semble un bon pari pour jouer 2016 compte tenu : 1/ du redémarrage du business model, basé sur la croissance externe, 2/ d’une forte exposition à la reprise européenne (39%e de l’EBITDA 16e), 3/ d’un potentiel de rebond aux Etats Unis (51%e de l’EBITDA 16e) après la signature d’un accord bipartisan aux infrastructures dans le pays (+0,835t de ciment par an supplémentaires en moyenne sur la période selon le PCA, soit entre +0,5% et +1,2%) et, 4/ d’un effet de levier opérationnel puissant de 15% à 25%, selon nous. Le positif : la baisse de la facture énergétique Les producteurs de matériaux de construction bénéficieront du recul des prix de l’énergie mais pas dans les mêmes proportions que la chute violente observée sur les marchés internationaux (le pétrole, le charbon ou encore le petcoke). Nous tablons sur une baisse de la facture énergétique de l’ordre de 1% à 2% par rapport à 2015 selon le mix géographique. La plupart des combustibles utilisés dans la production de ciment/clinker, tels que le charbon ou encore le petcoke, ont amorcé un reflux. Le petcoke est un résidu des raffineries de pétrole produit par la distillation sous vide destiné à extraire les hydrocarbures du pétrole brut. Les prix du gaz présentent une corrélation plus limitée avec ceux du pétrole. 10 février 2016 82 CROSS EXPERTISE RESEARCH Tableau 1 : Poids des coûts de l’énergie pour les cimentiers de notre échantillon de valeurs En % Coûts d’énergie / total coûts cash Coûts d’énergie en % du CA LafargeHolcim Italcementi Vicat CRH HeidelbergCement Saint-Gobain Imerys 13,8 11,0 23,0 18,9 15,4 13,1 12,0 8,9 13,6 11,1 6,3 4,8 11,7 10,2 Sources : Sociétés, estimations Natixis Le poids de l’énergie varie selon les cimentiers en fonction de leurs mix d’activité (granulats, béton prêt à l’emploi ou encore de l’asphalte). La production de ciment en particulier présente la plus grande sensibilité aux coûts de l’énergie à l’inverse des autres métiers. Ceux-ci s’échelonnent d’environ 4,8% du chiffre d’affaires pour Saint-Gobain (compte tenu de son exposition aux métiers de la distribution bâtiment) jusqu’à 18,9% pour Italcementi. Tableau 2 : Répartition par type d’énergie utilisée En % Charbon Petcoke Combustible Alternative Fuel Gaz Fuel Electricité Asphalte Divers Total LafargeHolcim Italcementi Vicat CRH HeidelbergCement Saint-Gobain Imerys 27,0 15,5 9,8 7,6 2,8 36,7 21,4 19,9 5,7 9,5 4,0 39,5 24,8 15,4 12,2 7,7 3,0 3,0 2,0 2,0 9,0 17,0 49,0 33,3 6,0 13,5 5,5 1,1 37,9 45,0 10,0 45,0 4,0 45,0 21,0 30,0 0,6 , 100,0 100,0 100,0 85,0 100,0 100,0 100,0 40,0 2,9 Sources : Sociétés, estimations Natixis Depuis le choc pétrolier des années 70, les sociétés ont mené des stratégies visant à réduire leur dépendance à l’égard des produits pétroliers et à accroître leur flexibilité en termes de sources d’énergie utilisées. Les cimentiers disposent aujourd’hui d’usines où ils peuvent modifier leur mix de combustibles, en fonction des contraintes locales d’approvisionnement. Ainsi, les cimentiers implantés aux États-Unis utilisent dans cette région plus de charbon qu’en Europe compte tenu de la production domestique importante. Depuis l’essor du pétrole de schistes, la disponibilité de grandes quantités de gaz a provoqué l’effondrement des prix. Les filiales américaines des cimentiers en ont largement profité. En 2016, les cimentiers essaieront encore d’augmenter la part de l’énergie de substitution en équipant quelques usines supplémentaires notamment dans les pays émergents où la part de ces combustibles s’avère relativement faible par rapport à celle dans les pays matures. L’utilisation de combustibles de substitution (brûlage de déchets : farines animales, pneus usagés, etc.) constitue un levier important de réduction des coûts. Les sociétés, rémunérées il y a encore quelques années pour ce type de services doivent désormais faire face à une plus grande concurrence notamment de la part des incinérateurs. Le niveau d’utilisation des combustibles de substitution varie beaucoup d’un pays à l’autre. Si la chute du baril de brent semble constituer une excellente nouvelle pour les séquences bénéficiaires des sociétés de notre échantillon, il convient, selon nous, de tempérer cet effet compte tenu des éléments suivants : Des couvertures souscrites par les cimentiers. D’une manière générale, la politique de couverture dépend de la société et des pays dans lesquels ils sont implantés et porte sur des périodes pouvant aller de 6 à 9 mois. Des approvisionnements locaux. Le prix des combustibles locaux sont généralement fixés par le gouvernement et décorrélés des marchés internationaux. Ils constituent une part non négligeable de la facture énergétique rarement inférieure à 50% de la facture par pays selon 10 février 2016 83 CROSS EXPERTISE RESEARCH nous. Dans les pays émergents, le gaz est acheté localement via des contrats long terme (Nigeria, Algérie ou Egypte) ou encore le charbon (Inde). Les groupes ont déjà bénéficié de la baisse des prix du gaz américain. Aussi, ces derniers ne devraient pas accuser un nouveau recul de la même ampleur. Les taxes sur le diesel représentent un montant incompressible. Les cimentiers ne bénéficieront pas dans les mêmes proportions de la baisse observée sur le baril de Brent. Les effets de changes récents devraient aussi avoir un impact sur la facture énergétique. En particulier, les cimentiers s’approvisionnent sur les marchés internationaux notamment en dollar alors que le ciment reste vendu en monnaie locale. Le négatif: une demande morne dans les émergents dans un contexte de surcapacité Le niveau bas du baril de pétrole devrait entrainer des problématiques structurelles diverses et pénaliser la demande dans les pays émergents. Au Moyen-Orient, un prix du baril bas aura pour conséquence une baisse des dépenses publiques et des subventions aux ménages. En Asie, la baisse du prix de combustibles sur les marchés internationaux s’est déjà largement répercutée aux matières premières, sans parler des effets du ralentissement économique chinois. La baisse des dépenses publiques et les subventions de la consommation d’électricité et de carburants sont aussi au menu. La principale conséquence directe du manque à gagner de la rente pétrolière en 2016 va se traduire par une diminution des dépenses publiques et la fin de l’état providence. L’exemple de l’Algérie et de la Malaisie reste, selon nous, sans appel : En Algérie, la loi de finances 2016 prévoit une baisse des dépenses budgétaires de 9% conséquence du recul attendu des recettes budgétaires à 41 Md€ (-4% par rapport à 2015). Les hydrocarbures constituent ~50% des ressources de l'Algérie. Ce budget table sur une croissance de 4,6% et une inflation contenue à 4%. Dans ce cadre, le gouvernement a annoncé 18 Md€ d’économies en abaissant sensiblement les subventions aux produits de première nécessité ainsi que du gaz, de l’électricité, d’eau et des carburants. En Malaisie, le budget 2016 est annoncé en hausse mais de nombreuses mesures d’austérité pourraient intervenir d’autant que le gouvernement malaisien s’attend à des recettes en baisse. Elles proviennent principalement du pétrole (Petronas contribue aux alentours de 50% aux recettes budgétaires) mais aussi du prix des matières premières (caoutchouc, huile de palme et étain). Rappelons que les subventions des carburants ont été supprimées en décembre 2014 mais que le pays continue de subventionner certains produits de base notamment le riz ou les engrais. Graphique 1 : Consommation de ciment par type d’ouvrage dans les pays émergents Non résidentiel 10% Travaux Publics 20% Résidentiel 70% Source : Estimations Natixis 10 février 2016 84 CROSS EXPERTISE RESEARCH Autant d’éléments à même de se répercuter sur la consommation de ciment dans les pays émergents, non seulement les programmes infrastructures (demande publique) mais aussi le pouvoir d’achat des ménages souffrant de la fin de l’état providence (demande privée). Vendu majoritairement en sac, le ciment est généralement acheté par les familles soucieuses d’améliorer leur habitation souvent inachevée. A l’inverse, les pays importateurs de pétrole devraient tirer leur épingle du jeu. D’une part, les cimentiers bénéficieront d’une baisse de leur facture énergétique et d’autre part ces pays devraient profiter d’une plus grande latitude budgétaire. Conséquence de la demande moribonde, la surcapacité devrait, selon nous, continuer d’alimenter la chronique. Notre modèle offre-demande de ciment montre un déséquilibre toujours plus important, non seulement dans le bassin méditerranéen mais aussi en Asie. Ces surcapacités ne sont pas nouvelles mais le contexte du coût du fret bas pose la question de l’avenir du négoce du ciment au niveau mondial. Nous estimons à 270 Mt la surcapacité cimentière dans les pays du bassin méditerranéen dont moins d’un tiers (70 Mt) près des côtes émanant de pays comme la Turquie, l’Espagne, le Maroc, la Grèce, l’Egypte, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. Graphique 2 : Capacité de production et surcapacité ciment dans les principaux pays du bassin méditerranéen 120 100 39 80 22 40 Total surplus: 212 mt 33 60 74 67 49 20 3 37 30 14 20 16 8 16 2 21 Spain Italy UAE Morocco Algeria Production Surplus 57 0 Turkey Iran Egypt Saudi Arabia 25 13 9 Iraq Sources : ICR, sociétés, estimations Natixis Dans les pays du sud-est Asiatique, la surcapacité cimentière devrait atteindre 220 Mt, hors surcapacités chinoises à 680 Mt. Ces montants n’incluent pas le surplus de l’ordre de 60 Mt émanant des pays du Moyen-Orient disposant d’un accès direct à l’Asie (l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et l’Iran). Les capacités près des côtes émanent non seulement de la Chine mais aussi de la Thaïlande, de l’Indonésie ou encore de la Malaisie. Graphique 3 : Capacité de production et surcapacité ciment en Asie hors Chine (en Mt) 3 8 18 8 9 2 4 1 3 Sri Lanka 22 4 24 Myanmar 36 12 Australia 34 Production Total surplus: 216 mt 10 Bangladesh 57 Pakistan 56 Saudi Arabia 59 South Korea 58 Thailand 22 Philippines 6 Malaysia 10 Japan 73 19 Indonesia 6 Vietnam 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 surplus Sources : ICR, sociétés, estimations Natixis 10 février 2016 85 CROSS EXPERTISE RESEARCH Support Services : prudence sur les Bases-vie Geoffrey d’Halluin Les grands groupes de Support Services, Compass (Neutre, objectif de cours 1 200 p) et Sodexo (top pick sectoriel, Acheter, objectif de cours 103 €), sont exposés au segment des Bases-vie, qui regroupe les services sur sites offerts aux clients des secteurs pétroliers, du gaz et des mines. La situation d’un pétrole bas devrait négativement impacter ces clients, qui seront Johanna Jourdain +33 1 58 32 34 90 amenés à réduire leurs dépenses, accentuer la maîtrise des coûts, décaler le lancement de [email protected] projets d’exploration et réduire ceux dans la production. Par ricochet, les fournisseurs de prestations de services tels que Compass (restauration collective essentiellement) et Sodexo (restauration collective et services intégrés / facility management) seront impactés. +33 1 58 55 05 36 [email protected] Compass et Sodexo sont exposés dans les mêmes proportions aux Bases-Vie, à savoir environ 10% du CA et plus précisément ~5/6% du CA dans le segment Oil & Gas (le reste en mining). En revanche, Compass devrait être plus sévèrement touché que Sodexo, car le groupe est plus exposé sur le segment de l’exploration (50% de ses clients) alors que Sodexo est essentiellement présent dans la production. Compass a ainsi mis en place un plan de restructuration de sa division Bases-vie en 2015 et 2016 (environ 50 M£ de coûts de restructuration), entraînant des marges stables pour le groupe sur ces deux années (Natixis 7,4%e). A ce stade, les commentaires de Sodexo suggèrent une forte baisse de l’activité et une préservation des marges dans ce segment en 2016. Nous sommes plus prudents et anticipons une baisse de 30 pb des marges du segment Reste du Monde (incluant les Bases Vie) à 4,3%e. Notons qu’Elior (Acheter, objectif de cours 21 €) devrait, de son côté, bénéficier de la baisse des coûts du pétrole via la hausse du trafic que cela devrait engendrer. Pour rappel, Elior réalise environ 30% de son CA dans la restauration de Concessions dont ~35% sur les Autoroutes. 10 février 2016 86 CROSS EXPERTISE RESEARCH Auteurs Chef Economiste Patrick Artus +33 1 58 55 15 00 [email protected] Responsable de la Recherche Economique Sylvain Broyer +49 699 7153 357 [email protected] Recherche Economique Johannes Gareis +49 699 715 3354 [email protected] Thomas Julien +1 212 891 6219 [email protected] Juan Carlos Rodado +1 212 8725060 [email protected] Matières premières Abhishek Desphande +44 20 32 16 92 23 [email protected] Investment strategies - Marchés des taux d’intérêt et taux de change Lyzu Paez Cortez +33 1 58 55 80 97 [email protected] Emilie Tetard +33 1 58 19 98 15 [email protected] Lee Su Young +1 212 8915799 [email protected] Thomas Zlowodzki +33 1 58 55 86 07 [email protected] Hong My Nguyen +33 1 58 55 85 27 [email protected] Sandra Pereira +33 1 58 55 98 66 [email protected] Ivan Pavlovic +33 1 58 55 82 86 [email protected] Elie Darwish +33 1 58 55 84 32 [email protected] Nelson Ribeirinho +33 1 58 55 85 29 [email protected] Stephen Ausseur +33 1 58 55 05 35 [email protected] Benoît Peloille +33 1 58 55 03 07 [email protected] Nordine Naam +33 1 58 55 14 95 [email protected] Responsable de la recherche Crédit Thibault Cuillière +33 1 58 55 80 56 [email protected] Recherche Crédit Responsable de la Recherche Actions Stephane Houri +33 1 58 55 03 65 [email protected] Recherche Actions Strategie Sylvain Goyon +33 1 58 55 04 62 [email protected] 10 février 2016 87 CROSS EXPERTISE RESEARCH Aéronautique - défense Antoine Boivin Champeaux +33 1 58 55 33 67 [email protected] Banques Alex Koagne +33 1 58 55 04 39 [email protected] Steven Gould +33 1 58 55 72 32 [email protected] Robert Sage +44 20 3216 9170 [email protected] BTP Concessions-Matériaux de construction Grégoire Thibault +33 1 58 55 35 45 [email protected] Sven Edelfelt +33 1 58 55 29 03 [email protected] Constructeurs auto - équipementiers automobile Georges Dieng +33 1 58 55 05 34 [email protected] Michael Foundoukidis +33 1 58 55 04 92 [email protected] Food HPC Tegner Pierre +33 1 58 55 24 34 [email protected] Média Jérôme Bodin +33 1 58 55 06 26 [email protected] Pavel Govciyan +33 1 58 55 56 02 [email protected] Pétrole – Services pétroliers - Tubes Baptiste Lebacq +33 1 58 55 29 28 [email protected] Tourisme / Support Services Geoffrey D’Halluin +33 1 58 55 05 36 [email protected] Johanna Jourdain +33 1 58 32 34 90 [email protected] Utilities Philippe Ourpatian +33 1 58 55 05 16 [email protected] 10 février 2016 88 CROSS EXPERTISE RESEARCH Avertissement Les cours de référence sont basés sur les cours de clôture. Ce document (pièces jointes comprises) est strictement confidentiel et s’adresse exclusivement à une clientèle de professionnels ou d’investisseurs qualifiés. Il ne peut être divulgué à un tiers sans l’accord préalable et écrit de Natixis. Si vous receviez ce document et/ou toute pièce jointe par erreur, merci de le(s) détruire et de le signaler immédiatement à l’expéditeur. La distribution, possession ou la remise de ce document dans ou à partir de certaines juridictions peut être limitée ou interdite par la loi. Il est demandé aux personnes recevant ce document de s’informer sur l’existence de telles limitations ou interdictions et de s’y conformer. Ni Natixis, ni ses affiliés, directeurs, administrateurs, employés, agents ou conseils, ni toute autre personne ne doit accepter d’être responsable à l’encontre de toute personne du fait de la distribution, possession ou remise de ce document dans ou à partir de toute juridiction. 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Natixis est agréée par l’ACPR et réglementée par les « Financial Conduct Authority » et « Prudential Regulation Authority » pour ses activités au Royaume-Uni. Les détails concernant la régulation qu’exercent la Financial Conduct Authority et la Prudential Regulation Authority peuvent être obtenus sur simple demande à la Succursale de Londres. Natixis est agréée par l’ACPR et régulée par la BaFin (Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht) pour l’exercice en libre établissement de ses activités en Allemagne. Natixis est agréée par l’ACPR et régulée par la Banque d’Espagne (Bank of Spain) et la CNMV (Comisión Nacional de Mercado de Valores pour l’exercice en libre établissement de ses activités en Espagne. Natixis est agréée par l’ACPR et régulée par la Banque d’Italie et la CONSOB (Commissione Nazionale per le Società e la Borsa) pour l’exercice en libre établissement de ses activités en Italie. Natixis est agréée par l’ACPR et régulée par la « Dubai Financial Services Authority (DFSA) » pour l’exercice de ses activités au « Dubai International Financial Centre (DIFC) ». Ce document n’est diffusé qu’aux Clients Professionnels, définis comme tels selon les règles de la DFSA ; à défaut le destinataire doit retourner le document à Natixis. Le destinataire reconnait que le document ainsi que son contenu n’ont été approuvés par aucun régulateur ou autorité gouvernementale des pays du Conseil de Coopération du Golfe ou du Liban. Natixis, Négociateur pour compte de tiers et pour compte propre agréé à l’étranger, ne destine la diffusion aux Etats-Unis de cette publication qu’aux « major U.S. institutional investors », définis comme tels selon les règles de la SEC. Ce document ne peut être distribué à aucune autre personne aux Etats-Unis. 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