Biloque Infections nosocomiales à RSV J Int Santé Trav 2011;1:11-17
Infections nosocomiales à RSV en pédiatrie
Nosocomial RSV infections in pediatric departments
Véronique Biloque
Master en Santé Publique à finalité Gestion des Établissements et Services de Soins (École de Santé
publique, Université libre de Bruxelles)
Résumé
L’infection nosocomiale à RSV est un problème préoccupant lors de l’épidémie hivernale. Cette infection
entraîne des conséquences dramatiques pour les nourrissons et va jusqu’à engager le pronostic vital. Elle a
également des conséquences en termes d’organisation des soins. Ce travail vise à établir, sur base de la
littérature, un bilan en matière d’épidémiologie et de prévention de cette infection. Les incidences
retrouvées dans les articles vont de 2,8 à 13% et diffèrent selon certains paramètres d’étude. La durée de
séjour en cas d’infection nosocomiale à RSV se voit augmentée par rapport à la durée de séjour en cas
d’infection communautaire. Les mesures de prévention sont nombreuses mais discutées et il ressort que
les principales sont le lavage des mains, la décontamination des surfaces et des objets, le diagnostic rapide
et le regroupement des enfants infectés. L’immunisation passive par Palivizumab est également
recommandée pour les groupes à risque.
Abstract
The nosocomial RSV infection is a serious problem in the winter epidemic. This infection leads to
dramatic consequences for infants and can be life-threatening. It also has consequences in terms of care
organization. This work aims to establish an inventory on epidemiology and prevention of this infection,
based on a review. The incidences found in papers go from 2.8% to 13% and differ depending of some
study parameters. The lenght of stay in cases of nosocomial RSV will be longer than length of stay in
cases of community infections. Preventive measures are numerous but discussed. It appears that the main
ones are hand washing, decontamination of surfaces and objects, rapid diagnosis and reunification of
infected children. Passive immunization by Palivizumab is also recommended for groups at risk.
Mots-clés : infections nosocomiales, virus respiratoire syncytial, bronchiolite, services de pédiatrie,
traitement.
Keywords : nosocomial infections, respiratory syncytial virus, bronchiolitis, pediatric departments,
treatment.
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Introduction
Environ 30% des infections nosocomiales en pédiatrie ont une étiologie virale et les agents pathogènes
transmissibles les plus fréquents dans les établissements de soins (et dans la collectivité) sont les virus
touchant les voies respiratoires et digestives.
Dans 2/3 des cas, les infections respiratoires nosocomiales sont d’origine virale et le principal agent
pathogène responsable de ces infections est le Virus Respiratoire Syncytial (RSV) [1].
Histoire naturelle de la maladie : la bronchiolite à RSV
Le RSV est la cause la plus importante d’affections des voies respiratoires basses chez les enfants de
moins de deux ans et conduit à des hospitalisations fréquentes surtout dans certains groupes à risque.
Chaque hiver, environ 50% des nourrissons sont infectés par le RSV et à 2 ans, quasiment la totalité des
enfants ont été infectés par le RSV même si celui-ci n’a pas entraîné de pathologie grave [2]. Il n’y a
quasiment pas d’immunité efficace induite par la primo-infection, ce qui induit des réinfections fréquentes
mais de moindre gravité (sauf terrain particulier) lors d’épidémies ultérieures [3]. Il existe 2 souches de
RSV (A et B) mais elles ne seront pas différenciées dans ce travail du fait de leurs similitudes en termes de
conséquences et d’approche. De plus, elles ne sont pas abordées spécifiquement dans les articles
consultés.
L’épidémie de RSV commence généralement à la mi-octobre, marque un pic en décembre-janvier et se
termine vers le mois d’avril. Le RSV peut être la cause d’infections des voies respiratoires supérieures et
inférieures. Les pathologies graves causées par le RSV sont des bronchiolites et des pneumonies. [4] Le
RSV est responsable de 60 à 90% des cas de bronchiolite aiguë, les autres agents pathogènes étant le virus
parainfluenzae (5 à 20 % des cas), virus influenzae, adénovirus, rhinovirus. [5]
Contrairement aux autres pathologies épidémiques hivernales virales du nourrisson (gastro-entérite,
grippe) qui ont tendance à la stabilité, la bronchiolite à RSV connaît une augmentation des pics
épidémiques, croît en gravité et atteint des enfants de plus en plus petits [2]. La bronchiolite à RSV touche
essentiellement les enfants entre 1 mois et 2 ans avec un pic entre 2 et 6 à 8 mois de vie selon les études
[6-7], son évolution est habituellement favorable en une dizaine de jours mais peut, dans ses formes
graves, mener jusqu’à l’hospitalisation de l’enfant (0,5 à 2 % des cas) en cas d’insuffisance respiratoire
grave. [6]
Le traitement est essentiellement symptomatique et associe la kirespiratoire et d’autres mesures telles
que la désobstruction nasale, l’hydratation, l’oxygénothérapie et la position proclive. L’antibiothérapie
n’est pas systématique et n’est conseillée qu’en cas de surinfection bactérienne [8]. La Ribavirine®
(traitement antiviral) n’est que très peu utilisée car son efficacité n’a pas été prouvée et son rapport
coût/bénéfice n’est pas favorable [9].
Matériel et méthode
Cet article constitue une revue de la littérature et a été rédigé sur base d’articles issus du web. Une
recherche par mots-clés a été effectuée sur des moteurs de recherche généraux tels que Google Scholar,
PubMed, ScienceDirect. Par la suite, une recherche plus ciblée au niveau des périodiques spécialisés tels
que Pediatrics, Archives de Pédiatrie, etc ainsi qu’une recherche sur les sites de l’Organisation Mondiale
de la Santé (OMS) et de la Haute Autorité de Santé (HAS) a permis d’approfondir le sujet.
Les mots-clés utilisés étaient les suivants :
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- infection nosocomiale
- bronchiolite
- virus respiratoire syncytial
- pédiatrie
- épidémiologie – incidence
- synagis – palivizumab®
L’essentiel des articles a une date de parution récente (inférieure à 10 ans). Seuls trois articles sont
antérieurs à 2000 et datent de 1998 et 1999.
Résultats
En période épidémique, l’infection nosocomiale à RSV représente un problème important dans les
services de pédiatrie et engendre des conséquences médicales et économiques non négligeables, se
traduisant notamment par des séquelles pulmonaires et une augmentation de la durée moyenne de séjour
[1]. En effet, cette durée moyenne de séjour passe de 11 jours en cas d’infection communautaire à 16 jours
en moyenne en cas d’infection nosocomiale [10]. De plus, selon une étude menée lors de 6 hivers
consécutifs dans 14 hôpitaux pédiatriques allemands, il ressort que les infections nosocomiales à RSV
soient plus graves que les infections communautaires à RSV, entraînant l’admission en unité de soins
intensifs dans 52% des cas contre 9% en cas d’infection communautaire [11]. Les conséquences en termes
de santé publique entraînées par cet accroissement de la morbidité et de ces hospitalisations prolongées
sont donc inévitablement un engorgement des services hospitaliers et une augmentation des coûts [12]. De
même, l’organisation des soins se trouve bouleversée et les risques de transmission croisée chez les
enfants hospitalisés se trouvent augmentés également [13]
L’incidence des infections nosocomiales à RSV va, selon les études, de 2,8 à 13% et augmente avec la
durée d’hospitalisation [1-3-13-14]. Cette incidence peut varier selon la période considérée, la tranche
d’âge étudiée, le type de structure et les programmes de prévention qui y sont appliqués [15]. Toutes les
études ne considèrent en effet pas les mêmes tranches d’âge dans les résultats et les tests diagnostics
peuvent varier également (ELISA, immunofluorescence et PCR qui est beaucoup plus sensible) [16]
De plus, l’infection nosocomiale à RSV n’est pas liée à l’écologie hospitalière mais à la circulation
communautaire du virus et elle échappe à la définition conventionnelle de l’infection nosocomiale à cause
de sa durée d’incubation qui est de 5 à 8 jours.
(Une infection nosocomiale est une infection acquise à l'hôpital ou tout autre établissement de soin par un
patient qui a été admis pour une autre raison que cette infection et chez qui cette infection n’était ni
présente ni en incubation au moment de l’admission. Celle-ci peut apparaître soit en cours
d’hospitalisation, soit lorsque le malade a quitté l’hôpital. Un délai de 48 à 72 heures est retenu entre
l'admission et le début de l'infection pour différencier une infection nosocomiale d’une infection
communautaire.)
Cette durée d’incubation dépasse très souvent les durées moyennes de séjour des enfants hospitalisés dans
les services de pédiatrie et ne permet de ce fait pas de comptabiliser toutes les infections nosocomiales à
RSV, qui passent alors inaperçues excepté lors d’enquêtes spécifiques. Il en est de même pour les porteurs
asymptomatiques qui ne sont pas dépistés systématiquement [15].
Les différentes études consultées mettent également en évidence une différence entre l’âge des enfants
touchés par une infection communautaire et l’âge des enfants touchés par une infection nosocomiale, l’âge
serait plus élevé en cas d’infection nosocomiale [1-14]
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Facteurs de risque
L’éviction des atmosphères chargées de fumées de tabac sont bien sûr recommandées et différentes études
épidémiologiques ont démontré que l’absence d’allaitement maternel était un facteur de risque d’infection
symptomatique à RSV.
Il existe des groupes d’enfants pour lesquels les conséquences d’une infection à RSV sont plus
importantes, entraînant une plus grande probabilité d’admission en unité de soins intensifs et de
ventilation artificielle qui, elle-même, induira par la suite de plus nombreuses complications respiratoires.
Ces groupes à risque sont les prématurés (< 35SG), les enfants de moins de 6 semaines de vie, les enfants
porteurs de malformations cardiaques congénitales cyanogènes, les enfants présentant une pathologie
néonatale pulmonaire chronique et les enfants immunodéprimés [17].
Mécanismes de transmission
Le réservoir du RSV est humain et l’excrétion virale commence 3 à 6 jours après la contamination pour
durer 6 à 7 jours (durée majorée en cas d’immunosuppression ou de traitement par corticoïdes). Un sujet
asymptomatique peut donc véhiculer le virus pendant les quelques jours qui précèdent l’apparition des
symptômes ou qui suivent leur disparition. On considère qu’en période d’épidémie et en l’absence de
précautions, 30 à 60% du personnel soignant peut être infecté par le RSV et ce de manière
asymptomatique ou se traduisant par une affection bénigne [3]. Le RSV peut se transmettre par voie
directe ou indirecte par les sécrétions infectées du sujet malade ; les voies d’inoculation sont les
muqueuses nasales et conjonctivales. La transmission du virus se fait par des grosses particules, un contact
étroit avec le patient infecté est donc nécessaire pour avoir une contamination aérienne. La voie indirecte
via les mains et les objets du personnel et de la famille est un mode de transmission répandu du fait de la
longue durée de survie du virus sur diverses surfaces inertes souillées (blouses, jouets,…). Une étude
canadienne a en effet démontré que le RSV était capable de survivre 6 heures sur le diaphragme d’un
stéthoscope, faisant de cet objet d’usage fréquent en cas de maladie respiratoire un important vecteur de
transmission [12].
Prévention de la transmission
Les mesures de prévention générales sont l’hygiène des mains et la limitation des contacts avec des
personnes présentant des infections respiratoires [7]. Il en va de même pour lieux potentiellement
contaminés tels que les consultations et autres services de santé et c’est pour cette raison qu’on tentera de
postposer une hospitalisation prévue et, dans le cas d’une hospitalisation inévitable, de diminuer au
maximum la durée de séjour afin de réduire le risque d’exposition au virus.
Les mesures préventives de transmission hospitalières ont été assez peu étudiées jusqu’à aujourd’hui et les
différentes études y faisant référence sont discutables dans le sens les comparaisons ont été faites avec
une référence antérieure ou sur plusieurs années consécutives d’épidémies à intensité différente [15]. La
prévention s’axe sur les différents vecteurs potentiels du virus qui sont le malade, le personnel et les
visiteurs. Les mesures de prévention sont multiples mais aucune d’elles n’est efficace si elle est prise
isolément excepté l’hygiène des mains.
Les hôpitaux traitant des enfants devraient suivre un plan de prévention axé sur 3 orientations stratégiques,
lesquelles viseraient la pratique des soins, l’organisation des soins et les mesures d’accompagnement
(information, éducation, formation).
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Les auteurs s’accordent à dire que le lavage des mains à l’eau et au savon est la mesure primordiale à
respecter, à noter que la friction avec une solution hydro-alcoolique est une alternative valable pour un
lavage rapide des mains entre deux patients ; une non-compliance étant en effet fréquemment observée du
fait d’une intolérance aux savons antiseptique et d’une surcharge de travail. La décontamination des
surfaces et des objets est également une mesure importante étant donné la durée de survie du virus sur ce
qui a été en contact avec un patient infecté [4-5-15]. Deux autres mesures ayant été validées par les études
sont le diagnostic rapide de l’infection à RSV et le regroupement des malades. Le diagnostic de l’infection
à RSV peut en effet être obtenu rapidement (en moins de 24 heures) et avec fiabilité grâce aux techniques
ELISA et d’immunofluorescence et ce, sur base d’un simple frottis ou lavage nasal. Ce diagnostic rapide
permet ensuite à tous les enfants dépistés positifs d’être regroupés pour éviter une contamination des
autres enfants hospitalisés. Idéalement, les enfants infectés devraient être traités dans une unité
spécialement réservée en période épidémique mais c’est rarement le cas dans la pratique. Les auteurs
recommandent donc que les équipes soignantes prenant en charge ces enfants ne s’occupent pas des
enfants non-infectés et cette recommandation semble couramment observée [18]
Le port de gants est également recommandé, notamment pour pallier la faible compliance au lavage des
mains mais peut, comme c’est le cas pour le port de la blouse, donner une impression de fausse sécurité et
faire négliger le lavage des mains qui doit cependant être réalisé de manière rigoureuse avant et après
chaque soin. Les résultats des différentes études concernant le port de blouse sont en effet contradictoires,
celle-ci étant considérée comme efficace ou inefficace selon les auteurs. De même, il semblerait que
l’isolement en chambre seule ne soit pas justifié car l’infection ne se transmet pas par fines gouttelettes.
En ce qui concerne le port du masque, les auteurs s’accordent à dire que le port du masque combinant la
protection du nez et des yeux, si il était associé avec un lavage strict des mains et le regroupement des
enfants infectés, faisait drastiquement baisser les taux de contamination des enfants et du personnel mais
ce type de masque n’a jamais été utilisé en pratique [10]. Selon certains, la blouse et le masque ne
devraient être utilisés qu’en cas de contact direct avec le patient infecté [19]
Une étude rapporte la comparaison de 4 types de mesures de précaution différentes et met en évidence le
port de blouse, gants et le regroupement des enfants pour éviter la transmission de l’infection [20]. Selon
Thornburn et al, sont recommandés une hygiène stricte des mains, une surveillance quotidienne des
résultats et un isolement pour prévenir les infections croisées [21].
La place du Palivizumab Synagis ®
Le Palivizumab® est un anticorps monoclonal spécifique dirigé contre le RSV et qui réduit l’activité
virale et la transmission du virus d’une cellule à l’autre et qui bloque la fusion des cellules infectées. Il est
utilisé afin de réduire la mortalité et la morbidité cardio-respiratoires liées à cette infection et est efficace
contre les deux souches de RSV (A et B). De plus, il s’agit d’une molécule synthétique dans laquelle
n’interviennent pas de produits issus du sang humain, ce qui évite donc les risques liés à ces produits.
De par son coût élevé et ses contraintes d’utilisation, le Palivizumab® n’est recommandé que pour une
population limitée de nourrissons à risque (prématurés de moins de 35SG, enfants de moins de 6 semaines
de vie, enfants porteurs de malformations cardiaques congénitales cyanogènes, enfants présentant une
pathologie néonatale pulmonaire chronique) [7-17].
Les études «Impact-RSV» [22] et «cardiopathie congénitale» [23] portant sur les effets de cet antiviral sur
les enfants à risque montrent des sultats très favorables. En effet, une réduction du risque d’infection
allant jusque 80% est observée chez les prématurés d’âge gestationnel entre 32 et 35 semaines.
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