Qui aurait pensé que les performers débridés François Chaignaud et Cecilia
Bengolea créeraient une chorégraphie sur pointes et avec orchestre, pour les
danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon ? Qui aurait pensé que l’espagnolissime
Carmen retrouverait toute sa sensualité dans le corps d’une danseuse sud-
africaine phénoménale, Dada Masilo ? Qui aurait pensé que 5 performances
féministes des années 70 dont celles de Yoko Ono et Marina Abramovi se
transformeraient en spectacle de magie ? Qui aurait pensé que le jeune
chorégraphe Benjamin Millepied, qui court du cinéma à la scène, féru de
musique contemporaine et de danse hip-hop, deviendrait directeur du Ballet
de l’Opéra de Paris ?
Voilà le monde de la création qui nous passionne ! Nous traversons une très
joyeuse période d’ouverture tous azimuts où le monde de l’art paraît exten-
sible à l’inni dans ses croisements, le mélange des références et des styles…
La Biennale de la danse 2014 nous permettra de suivre toutes ces audaces et
de comprendre comment se modie aujourd’hui en profondeur le rapport de
l’individu avec la création et avec le monde.
L’énergie et le rythme de la Biennale seront ceux des créateurs présents pen-
dant 3 semaines à Lyon, dans le Grand Lyon et en région. Ils vous oriront 25
créations ou premières françaises, dont 15 créations « made in Lyon », et 14
autres spectacles qui viennent du Tchad, de Grèce, de Los Angeles ou d’Italie…
Après des mois d’élaboration, les spectacles naîtront sous vos yeux et c’est ce
grand moment qui donne sens à tout.
Pendant 20 jours, l’ambiance sera festivalière !
Cette nouvelle édition sera comme celle de 2012, populaire et expérimentale.
Elle gardera toute son ouverture, parce qu’élaborer une « esthétique de la
diversité » reste mon crédo pour faire découvrir et aimer la danse, parce que je
souhaite construire une programmation avec des œuvres populaires de grande
qualité, avec les perles du hip-hop (création de Kader Attou), avec la gure
montante du flamenco (création de Rocío Molina), avec une pièce sophistiquée
et très rare de Ji í Kylián…
La compagnie de William Forsythe sera invitée pour la première fois à Lyon avec
Study#3, une « étude » de mouvement qui se concentre sur l’extraordinaire
langage chorégraphique forsythien, sur les qualités inouïes d’improvisateurs
de ses danseurs.
Avec cette 16e édition, la Biennale propose une vision de la danse encore élar-
gie, pas seulement dans les esthétiques, mais cette fois dans le temps, avec
une prise en compte de l’histoire, en redonnant la chance au public de voir des
œuvres cultes du XXe siècle (Picabia - 1924, Cunningham - 1975, Jan Fabre - 1982).
Ce rapport à l’histoire nous permettra de poser une question — l rouge de la
Biennale : quelle influence a exercé et continue d’exercer la performance
sur les « arts canoniques » (le théâtre et la danse) ?
Mon idée est de juxtaposer des pièces historiques et des créations pour
soumettre le contemporain à l’épreuve d’œuvres emblématiques du XXe
siècle et réciproquement. Avec 5 œuvres de référence et 5 créations (François
Chaignaud et Cecilia Bengolea pour le Ballet de l’Opéra de Lyon, Noé Soulier
pour le Ballet de Lorraine, Alessandro Sciarroni…) nous relancerons la réflexion
sur l’intérêt actuel pour la « danse performative » dans toutes ses dimensions.
Aujourd’hui, de nombreux créateurs jouent sans innocence entre culture
performative et spectacle et passent d’une pratique à l’autre, sans que
cela ne leur pose le moindre problème. Nous serons les premiers
témoins de cette viviante liberté créatrice, loin des oppositions
esthétiques binaires. Nous évoquerons aussi l’important
mouvement performatif lyonnais des années 70, Frigo, auquel
ont participé beaucoup de chorégraphes (Régine Chopinot,
Dominique Bagouet…) ainsi que Charles Picq, vidéaste attitré
de la Maison de la Danse pendant 30 ans et qui nous a quittés
en 2012. Nous organiserons une projection commentée avec les
fondateurs de Frigo, Alain Garlan et Gérard Couty, pour découvrir des
archives vidéo exceptionnelles datant des années 80.