Une Bvolution
en cinq actes.
(6)
J.P.
I
Bassoullet
et
al.,
Mém. BRGM,
no
115, 180,
1980
;
I.
Reuber
et
al
Geod. Acta,
1,
283, 1987.
(7)
J.
P.
Bassoullet.
et
al.,
C.R. Acad.
Sci.
Paris,
287,
675, 1978.
chaîne intracontinentale. Cette situation
est le résultat, récent
à
l’tchelle géolo-
gique, d’une histoire complexe, qui a dé-
buté il
y
a près de 260 MA. Reconstituer
cette histoire nécessite d’analyser fine-
ment les couches de terrains qui consti-
tuent la chaîne elle-même, d’en retrouver
les conditions de genèse (profondeur et
latitude des dépôts pour le matériel sédi-
mentaire
;
température, pression et ori-
gine pour le matériel magmatique), ainsi
que celles de leur déformation et de leur
transformation. Ce travail nécessite l’em-
ploi de méthodes analytiques diverses
ayant toutes en commun l’observation des
roches
à
différentes échelles.
Acte
1
:
separation
du
bloc du sud Tibet,
naissance de
la
Nbt6thys.
L‘histoire de la future chaîne débute un
peu avant
260
MA (fig.
3).
A cette
époque en effet, le super-continent de
Pangée commence
à
se briser. Ce super-
continent s’était formé vers la fin des
temps primaires
(330-300
MA) lorsque
trois blocs continentaux, constitués d’un
ensemble
1
(Amérique du Sud-Afrique-
Arabie-Inde-Australie-Antarctique),
d’un
ensemble
2
(Amérique du Nord-Europe)
et d’un ensemble
3
(Sibérie), s’étaient
soudés formant la grande chaîne hercy-
nienne euraméricaine d‘une part, celle de
l’Oural de l’autre. A ce super-continent
correspondait
un
super-océan Panthalas-
sa (largeur du Pacifique
+
largeur de
l’Atlantique actuel), qui présentait un
très large golfe engagé dans la Pangée,
équivalent de l’océan Indien actuel. Ce
très large golfe océanique est nommé Pa-
léotéthys. Au travers du continent,
s’ou-
vrait, *il y a 260 MA, une craquelure
délimitant une lanière, le bloc du sud
Tibet. Cette lanière, relativement étroite
à
l’échelle du continent, mesurait près de
quatre-cents kilomètres dans sa plus
grande largeur. Elle rappelait
un
peu la
e
lanière
>>
d’Afrique orientale (Erythrée-
Somalie-Tanzanie-Mozambique) qui se
sé-
pare actuellement du reste de l’Afrique
au niveau des fossés est-africains. Cepen-
dant, longue de quatre mille kilomètres,
et avec une largeur maximale dépassant
mille kilomètres, cette lanière africaine
est plus vaste que ne l’était la lanière
sud-tibétaine.
La reconstitution du scénario de rup-
ture que
nous
avons proposée
à
la suite
des recherches effectuées au Ladakh et au
Tibet se fonde sur deux groupes d’argu-
ments principaux(6).
I1
faut d’abord certi-
fier
que le bloc du sud Tibet s’est détaché
du reste du continent. Cela repose sur
l’observation, dans les deux domaines, de
structures identiques antérieures
à
la rup-
ture
et
assez particulières pour être carac-
téristiques. I1 s’agit en l’occurrence
de séries sédimentaires montrant des in-
fluences glaciaires dénommées tillites.
Elles datent du Paléozoïque supérieur
(Carbonifère-Permien, entre
320
et 270
MA) et sont connues
sous
le nom d’cc
Ag-
glomeratic slates
>>.
Ces formations in-
,
34
VOLUME21
diquent qu’un domaine émergé environ-
nant était en partie occupé par des
glaciers
ou
au moins qu’existaient des
calottes de glace sur des sommets assez
élevés. De telles formations sont pré-
sentes dans le Carbonifère-Permien, en
Inde et au sud Tibet.
I1 faut ensuite déceler les traces de la
rupture. Celles-ci sont de deux ordres.
I1
y a d’abord une intense activité volca-
nique caractérisée par des séries mag-
matiques (anciennes laves) pour lesquel-
les les analyses géochimiques réalisées
depuis
1980
montrent qu’elles appar-
tiennent
à
la lignée alcaline, c’est-à-dire
où
le pourcentage de soude et potasse
représente
5
à
6
%
du total de l’analyse.
Elles se mettent en place au cours du
Permien (entre
270
et
250
MA) consti-
tuant les
<<
Panjal traps
>>
du Cachemire et
au cours du Trias. Or, actuellement, les
zones
où
se fragmente la lithosphère (fos-
sés
africains),
ou
celles
où
elle s’est frag-
mentée récemment (Limagne, Alsace),
présentent des séries volcaniques
à
carac-
tère alcalin. Ainsi le volcanisme alcalin
est un argument en faveur de la frag-
mentation du continent du Gondwana (la
partie sud de l’ancienne Pangée). Un
deuxième argument provient de l’obser-
vation d’un changement très important de
la profondeur de dépôt des sédiments
à
la
limite Permien-Trias (245 MA). Nous
avons en effet eu la chance de trouver des
affleurements
où
ce passage est obser-
vable. Les sédiments permiens sont re-
présentés par des calcaires déposés
à
fleur
d’eau,
un
peu comme sur les bords de la
mer Rouge actuelle. En témoignent en
particulier des fossiles d‘algues et de poly-
piers, organismes qui ne vivent que dans
la zone
où
pénètre la lumière. Cette situa-
tion dure jusqu’à la fin du Permien (245
MA). Puis, brutalement, apparaissent, au
tout début du Trias (peu après
245
MA),
des faciès très différents, beaucoup plus
profonds(7), constitués de calcaires
rouges
à
fossiles d’animaux vivants en
haute mer (ammonites, conodontes) ana-
logues aux dépôts actuels de la Méditerra-
née profonde. ,Ainsi cette succession
témoigne-t-ellé d’un mouvement brutal
d’enfoncement survenu aux environs de
-245
MA, mouvement que les géologues
dénomment subsidence. Une telle sub-
sidence brutale, dite encore subsidence
initiale,
est
la signature classique d‘un
important étirement de la lithosphère,
donc d’un déchirement intéressant la
croûte continentale.
LA
RECHERCHE
No
217 JANWER 1990