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Favorable dans un premier temps à un tour unique, le Général se ralliera finalement au
principe d’un deuxième tour limité aux deux candidats arrivés en tête pour assurer le
sérieux de l’élection, éviter les marchandages et empêcher les partis politiques de
contrôler l’élection.
Une réflexion : ce dernier item fonctionne-t-il encore vraiment aujourd’hui ?
Le 20 septembre 1962, dans une allocution radiotélévisée, le Général de GAULLE
annonce « je crois devoir faire au pays la proposition que voici : quand sera achevé mon
propre septennat, ou si la mort ou la maladie l’interrompait avant le terme, le Président de
la République sera dorénavant élu au suffrage universel. »
Cette annonce suscite un tollé dans les partis traditionnels. À l’exception du parti
gaulliste, l’UNR, et d’une minorité des Indépendants emmenée par
Valéry GISCARD d’ESTAING, c’est un refus. Outre l’hostilité même à la réforme, la classe
politique reproche au Général de GAULLE l’utilisation de l’article 11 de la Constitution pour
le processus référendaire et non de l’article 89 destiné spécifiquement à la révision de la
Constitution, mais qui suppose un vote du Parlement.
François MITTERRAND s’indigne en faisant observer que modifier les conditions
d’élection du Président de la République, et ne modifier que cela, serait aboutir à la
suppression du régime représentatif, régime qu’ont voulu les Républicains, fidèles à la
grande tradition française. Mais l’auteur du Coup d’État permanent comprendra très vite
quelques années plus tard les fruits qu’il pourra tirer de ce bouleversement.
Gaston MONNERVILLE déclare au Sénat, le 9 octobre 1962 : « l’élection du Président
de la République au suffrage universel, sans que soit organisé au préalable le mécanisme
de cet équilibre indispensable, ne fera que créer la confusion des pouvoirs, et au profit d’un
seul. Elle donnera naissance à un pouvoir personnel, omnipotent, incontrôlable, et en
même temps irresponsable : car, aux termes de la présente Constitution qui resterait
inchangée sur ce point, le chef de l’État n’est pas responsable devant le Parlement. »
Le référendum a lieu, le 28 octobre 1962, le oui l’emporte avec 62 % des voix. Dès
lors, l’élection présidentielle au suffrage universel demeurera l’élément structurant de notre
vie politique.
Le 4 novembre 1965, le Général annonce qu’il sera candidat et proclame : « En élisant
le Président de la République, il vous sera donné de fixer en conscience, par-dessus
toutes les sollicitations des tendances partisanes, des influences étrangères et des intérêts
particuliers, la route que va suivre la France. Ainsi, devant tous les peuples, le scrutin
historique du 5 décembre 1965 marquera le succès ou le renoncement de la France vis-à-
vis d’elle-même. »
Lors de la campagne présidentielle, au Palais des Sports, MALRAUX
déclare : « Puisque la résurrection de la France exigeait une autorité véritable, il fallait que
cette autorité fût fondée sur le peuple, et que le Président de la République fût élu au
suffrage universel. »
Ce 5 décembre 1965 marquera, malgré une mise en ballotage par
François MITTERRAND, le succès de la France vis-à-vis d’elle-même. Je n’entrerai pas
dans les détails de cette campagne, les intervenants vont le faire dans quelques instants,
mais je me contenterai de ne citer qu’un chiffre, celui de la participation de cette première
élection : 84,7 % des inscrits au premier tour, 84,3 % au second, c’est la marque absolue
que, dès le début, les Français se sont appropriés cette élection et ils en ont fait, depuis
cinquante ans, la pierre angulaire de nos institutions. Quand les autres élections voyaient
leur taux de participation baisser, l’élection municipale mise à part, l’engouement pour
l’élection présidentielle n’a jamais varié au fil du temps et j’ai le sentiment que les Français
ne sont pas prêts à renoncer à ce droit que leur donne la Constitution.
Ce 5 décembre 1965, la prééminence du chef de l’État fut définitivement établie sur le
Premier ministre et sur le Parlement.