cerveau de Michel Debré, l’année précedente à propos des affaires
algériennes. Ainsi soudain, en Guadeloupe comme en Martinique, il
fallait partir, au loin, sans délai et sans recours. Ce qui fut un exil n’aura
pas entamé l’homme et aura construit davantage sa fierté et son sens de
l’honneur. Son engagement se renforça par la conscience de l’injustice
et par la certitude que seule l’opposition lui permettrait d’obtenir ce qu’il
souhaitait : le retour au pays natal.
Il écrivait à Max Lancrerot, un de nos condisciples, depuis la Corse où il
avait trouvé pourtant un chaleureux et amical accueil, ceci que je vous
lis : « l’exil m’aura appris ces chemins hautains par où avancent l’orgueil
d’un peuple, sa force, son triomphe ». Sur nos cahiers d’écolier nous
avions inscrit cette phrase.
Après avoir quitté la Corse, en 1967, pour Cannes, il comprit que pour
retrouver les petits matins de son île, il faudrait autre chose qu’une
protestation, que des interventions, que des pétitions. Il faudrait quelque
chose qui dise la gravité de l’acte d’expulsion dont il avait été victime,
quelque chose qui le mettrait, lui, aux limites de ce qui est possible, là où
il est question de la mort et de sa nudité flagrante et décisive. Il n’y avait
rien d’autre à opposer que cela, dans l’extrême gravité de l’acte. Le 22
novembre 1971, à Cannes où il enseignait, il commença dans sa classe
de philosophie une grève de la faim qui dura 11 jours.
Alors et seulement alors, il put revenir ici, à la Guadeloupe, reprendre sa
tâche interrompue.
J’ai devant les yeux son allure et ses mains, sa moustache lissée
lentement du doigt et l’ironie de son sourire. Il parle.
Ce qui a lieu chaque fois c’est cette exigence de présenter une pensée
qui s’élabore et se risque devant ses élèves, à la fois dans la liberté et la
rigueur. On reconnait dans cette façon de tenir le langage, non une