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n° 32 - AVRIL 2013
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lecture en liberté n° 32 avril 2013
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Christian ESTROSI
Député des Alpes-Maritimes
Maire de Nice
Président de la Métropole Nice Côte d'Azur
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C’est la cinquième édition de
"Lecture pour tous", mais la pre-
mière sans Raoul Mille. Cette
opération de lutte contre l’illet-
trisme profondément originale et
novatrice était pour lui la plus
belle des missions.
En invitant des écrivains à venir
échanger dans les établissements scolaires avec
les enfants et les adolescents pour les sensibiliser
à la lecture et à la littérature, Raoul Mille a offert à
notre jeunesse un cadeau inestimable. L’imagina-
tion et la connaissance sont des atouts indispensa-
bles pour affronter la vie, pour comprendre ses
semblables, pour trouver sa place dans la société.
L’opération s’est d’ailleurs étendue aux hôpitaux et
au milieu carcéral. Les livres ouvrent une fenêtre
sur le monde et sont une aide précieuse dans les
moments de détresse.
Raoul Mille fut l’initiateur et l’artisan de la réussite
de cette opération. "Lecture pour tous" est donc à la
fois une initiative unique en France et un héritage.
Je remercie Jacques Vidal, Conseiller Municipal dé-
légà la littérature, à la lutte contre l’illettrisme,
aux Bibliothèques et au Cinéma, qui s’investit au-
jourd’hui pour poursuivre et développer cette action.
L’attachement aux mots, l’attachement à la langue
constituent le ciment d’une identité commune. A la
veille d’accueillir les 7es Jeux de la Francophonie,
cette nouvelle édition de "Lecture pour tous" trouve
un écho particulier. Malika Mokeddem, Gaston
Kelman, Eric Fottorino, Olivier Weber, Franz-Olivier
Giesbert, Aurélie de Gubernatis, Alexandre Moix,
Olympia Alberti et Michel Piquemal, les invités de
cette année, seront les premiers ambassadeurs du
rayonnement culturel de Nice avant l’inauguration
de cette grande manifestation qui placera notre cité
sous les projecteurs du monde entier.
2
Photo de couverture : Ville de Nice - Luc Josia-Albertini.
C’est une déclinaison de "merci" qui remplit
cette page.
Que dire de plus ? Merci à Raoul Mille qui a
inventé ces rencontres, et qui continue à les
planifier sur son nuage. Merci à Jacques
Vidal qui maintient cet esprit avec tant d’en-
thousiasme et de vigilance, et à Elisabeth
Adamandiatis sans qui rien ne serait possi-
ble, au jour le jour. Et merci à Christian
Estrosi qui sait que livre = vivre.
A tous ces élèves qui nous accueillent comme
des lutins jaillis du papier que nous noircis-
sons, merci. Nous nous montrons devant vous
tels que nous croyons être, mais vous nous
rappelez qui nous sommes. A bientôt donc.
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J'écris ce mot au sortir d’une école primaire
(dite de quartier difficile !) la qualité
d’écoute et d’interrogation des enfants nous
a tous bluffé ! Quel plaisir de les voir se pas-
sionner pour le pourquoi de l’écriture de tel
ou tel livre, poser mille questions perti-
nentes... preuve que la rencontre avait é
magistralement préparée en amont pour
qu’elle corresponde à une attente enthou-
siaste ! Félicitations aux maîtres et maî-
tresses pour leur implication, félicitations
aux enfants... Et merci à la ville de Nice pour
cette superbe initiative à laquelle je participe
pour la deuxième fois avec toujours autant
de bonheur. Une mention spéciale pour Eli-
sabeth qui coordonne tout cela avec autant
de sérieux, d’implication et de gentillesse.
Grâce à elle, on se sent épaulé et en
confiance !
lecture en liberté n° 32 avril 2013
C'était en 1994. Depuis il n'a plus
cessé d'écrire, tous les jours dès
cinq heures du matin. "J’adore
me lever avant le soleil et inven-
ter un autre monde avant l’aube.
Je n’écoute pas les infos, je ne
regarde rien, je commence à
écrire vierge de toute implication
dans la réalité."
A peine paru, son dernier roman,
La femme de nos vies, connaît
déjà le succès. Les critiques en-
censent sa plume. On loue son
talent à mêler réalité et fiction et il
s’en explique : "Je connaissais
Einstein, moins Hitler et le IIIe
Reich. En faisant des recherches,
je suis tombé par hasard sur
l’Opération Sartorius. Il ne me
restait plus qu’à faire de David le
cinquième personnage du sous-
marin. Dans le travail d’écriture,
l’aventure reste constante. Mes
personnages sont, pour la plu-
part, des inventions mais j’y mêle
des sentiments que j’ai ressentis,
des passions d’adolescent. Le
grand privilège de la littérature,
c’est qu’elle devient une session
de rattrapage. Alors oui, pour La
femme de nos vies, j’ai convoqué
des souvenirs. J’ai
ressenti ce besoin
émotionnel de traiter
ce sujet précis. Je vou-
lais montrer les folies
d’Hitler ainsi que l’inté-
rieur de cette Alle-
magne nazie, il y avait
eu des poches de résis-
tance." Au passage, il
donne un conseil à tous
ces jeunes venus
l’écouter : "Si vous
avez un rêve, que
vous y mettez toute
votre énergie et
que vous emmer-
dez tout le monde
avec, vous fini-
rez toujours
par intéresser
quelqu’un !" Didier
van Cauwelaert en est une
preuve bien vivante.
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Est-ce parce qu’il a côto au
plus près de jeunes enfants pen-
dant près de quinze ans qu’il sait
aussi bien raconter des his-
toires ? Michel Piquemal avoue
sans détour que pour certains de
ses ouvrages, il s'est parfois ins-
piré de ces petits élèves de CP
auxquels il a appris à lire. Il cu-
mulait alors l’enseignement et
l’écriture. Et lorsqu’un garçonnet
ose lui demander en s’excusant
presque, s’il est "Un écrivain du
dimanche", il répond avec un
sourire : "Plus aujourd’hui. Avant
oui, je travaillais toute la semaine
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Le jobard
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Il est à Nice, et chaque fois
qu’il revient dans "sa" ville, son
enfance lui saute au visage.
Amusé de son audace, il raconte,
comment, enfant, il envoie un
manuscrit aux éditions Gallimard
en mentionnant : "J’ai l’honneur
d’avoir neuf ans…" laissant
entendre à l’éditeur que ne pas
le publier serait une erreur. De-
puis, l’eau a
cou sous
les ponts,
Didier van
Cauwelaert
a été édité
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un ans la
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3
Petite exposition organisée par les
élèves du lycée Estienne d'Orves pour
accueillir Didier van Cauwelaert
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lecture en liberté n° 32 avril 2013
école
4
Ecole Les Magnolias
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Directrice :
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Premier pèlerinage au Magnolias : "Lorsque
j’étais élève dans votre école, les garçons et
les filles étaient séparés... Vous avez de la
chance !"
Les souvenirs surgissent : "Tous les matins,
à notre tour, nous devions raconter une bonne
action que nous avions faite. Alors, j’inventais. Je me souviens qu’un
jour, j’ai raconté qu’un bébé, dans son berceau, était tombé à la mer,
je me suis précipité, j’ai plongé et j’ai sauvé le bébé..." Il était fier de
lui, mais la maîtresse lui a dit que c’était un gros mensonge.
"C’est que j’ai compris que lorsqu’on invente des histoires, il
faut être crédible. C’est comme ça que je suis devenu écrivain...
ici, dans votre école. Ce jour là, j'ai compris que la réalité, il faut la
rendre vraie."
"Comment avez-vous écrit Un aller simple ?" La question, posée à
brûle pourpoint, amuse l’écrivain.
"On revient encore à votre école, c’est ici, à huit ans que j’ai eu l’idée
de ce livre... Il m’a fallut quarante ans pour l’écrire."
"Etes-vous fier de votre Prix Goncourt ?"
"Ce n’est pas de la fierté, mais une satisfaction que l’on a pour soi
et pour ceux qui vous lisent. Lorsque j’ai eu le prix, j’étais connu et
j’avais la chance d’avoir de nombreux lecteurs, c’est venu comme
un cadeau. Mais, vous savez, c’est comme le titre de Miss France,
on sait que l’année suivante il y en aura un autre... Ce qu’il faut sur-
tout, c’est continuer à écrire."
"Quel est votre salaire trimestriel ?" demande un élève. Gros éclat
de rire de Didier van Cauwelaert suivi par celui de la classe entière.
"Tu m’autorise à m’en servir dans un prochain roman ?... Je n’ai pas
de salaire trimestriel, ni mensuel, ni annuel d’ailleurs. Lorsque je
signe avec un éditeur, il me donne une avance sur ce que rappor-
tera la vente, pour me permettre de l’écrire."
et j’écrivais le dimanche et pendant les va-
cances. Maintenant, j’écris tout le temps, je ne
prends plus de vacances !" S’il regarde en ar-
rière, il compte environ 200 livres. Et parmi eux,
il garde une tendresse particulière pour Le Jo-
bard ; "Mais en réalité, je les aime tous, parce
que ce sont tous mes bébés !" Il figure bien sûr
dans les programmes scolaires, notamment
grâce à ses Philo-fables. Et encore, il explique
que l’idée lui est venue parce qu’il a été institu-
teur. Il insiste : on peut, on devrait même parler
de philosophie à de jeunes élèves. "Penser, cela
s’apprend et il n’est jamais trop t pour com-
mencer. Les petits se posent des questions sur
la mort, la vie, la justice. Ce sont des sujets de
philosophie que l’on peut traiter de différentes
manières."
Ces Philofables, qui s’adressaient en priorité aux
enfants ont été éditées en livres de poche pour
adultes.
Paradoxe amusant, Michel Piquemal raconte
qu’il n’était pas un excellent élève et qu’il n’a pas
de quoi être fier de sa note de philo au bac.
"Ce n’est que bien plus tard que je me suis inté-
ressé à la philosophie et maintenant, c’est l’une
de mes passions, au même titre que l’archéolo-
gie ou la paléontologie." De la passion au rêve,
il n’y a qu’un pas, qu’un enfant franchira allègre-
ment : "Quel est votre plus grand rêve ?" Michel
Piquemal n’hésite pas longtemps : "Ecrire un
livre aussi beau que Le Petit Prince. Je ne suis
pas sûr d’y arriver. Mais c’est le but vers lequel
je tends."
Réalisation d'Art Brut par les élèves de l'école Saint Pierre
d'Arène.
lycée
classe :
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Proviseur :
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Professeurs documentalistes :
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!).!$"))/!.
Second pèlerinage pour Didier van Cauwelaert au Lycée
Estienne d’Orves. "C’est ici que j’ai créé une troupe de
théâtre amateur, c’est ici qu’est née ma passion pour le
théâtre."
On passe vite au vif du sujet : l’imagination et la réalité.
"Qu’est-ce qui est vrai dans La femme de nos vies ?"
"C’est bien Einstein qui a inventé la bombe atomique !"
"Faux. Einstein n’est pour rien dans la création de la
bombe, il a toujours été tenu à l’écart... Vous vous rendez
compte, le plus grand savant du monde a été cantonné à
dessiner des torpilles." Quant à Hitler : "Je le présente
comme il était, un imbécile qui voulait être le meilleur spé-
cialiste dans tous les domaines."
Tous les éléments de son roman sont vrais : les chiens,
les enfants surdoués... l’écrivain dévoile son processus de
création : "J’ai une démarche de romancier, pas de jour-
naliste. Pour faire accepter une histoire effroyable, il vaut
mieux la modifier, la rendre crédible, en organisant diffé-
remment les diverses actions, en ajoutant des person-
nages..." Certains personnages se rebellent parfois : "S’il
ne veut pas faire ce que je veux, il dit non !... Il faut que je
trouve autre chose, que je négocie avec mon partenaire
jusqu’à un accord..."
Fabienne Diana, Delphine Delansay sont ravies :
"Didier van Cauwelaert a été formidable, drôle, accessible,
d’un naturel et d’une simplicité qui ont touchés
nos élèves. Nous avons été heureuses de partager ce
moment avec lui."
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lecture en liberté n° 32 avril 2013
5
Lycée Estienne d'Orves
Le mot de collégiens…
Collège
classes :
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Principal :
$!--!!''!"-$)*
Principal adjoint :
'$)-$*
Professeur documentaliste :
6'7)!*0-)$!-
-$!''!$)"#!''$
/-$$(
!).!$"))/!.
L’étonnement se lit sur les vi-
sages lorsque, d’emblée, Didier
van Cauwelaert assure à son auditoire qu’à l’âge de
huit ans, il avait décidé de son destin d’écrivain. "Un an
plus tard, j’ai envoyé mon premier manuscrit aux édi-
tions Gallimard et j’ai été très déçu de ne pas être pu-
blié ! En fait, je voulais absolument être édité pour
sauver mon père. Il avait des difficultés pour marcher et
je l’avais entendu dire à ma mère que s’il devenait in-
valide, il se tirerait une balle dans la tête. Ce qui aurait
pu n’être qu’un drame est devenu ma raison de vivre.
Il fallait que mon projet aboutisse pour que mon père ait
une bonne raison de continuer à vivre. Cela a mar-
ché… grâce à la pose d’une hanche artificielle. Mais
moi, j’avais attrapé le virus et il ne m’a plus lâché. J’ai
continué à écrire. Et mon premier roman est paru
quand j’avais vingt et un ans."
Gabrielle Minghelli et Patricia Fama, toutes deux pro-
fesseurs de français, n’ont pas besoin d’inciter leurs
élèves à poser des questions. Elles seront nombreuses
tout au long de cette rencontre et selon l’avis de l’écri-
vain, "Intelligentes et judicieuses."
Collège Jean-Henri Fabre...
-4#-'*//! : "Je ne le
connaissais pas et je n’avais
jamais rencontré d’écrivain. Par
contre, je suis en train de lire
l’un de ses romans, La fin du
monde tombe un jeudi et j’ai pu
lui poser certaines questions."
-$0. : "J’ai trouvé cette rencontre très enrichissante et pleine
d’échanges positifs. Je voudrais devenir professeur de mathé-
matiques mais je lis aussi beaucoup, un peu de tout, des BD, des
romans…"
(!' : "Je l’ai déjà rencontré ! Moi aussi j’écris, sur ma passion,
la danse classique. C’est toujours bien d’entendre un écrivain par-
ler de son expérience, de la manière dont il travaille. Plus tard, je
serai journaliste."
$(*) : "Je vais régulièrement au Salon du Livre de Nice et j’ai
l’habitude de rencontrer des auteurs. Moi-même, j’écris et je lui ai
demandé des conseils. Côté lecture, je privilégie les romans po-
liciers. Pour mon avenir, j’hésite entre journaliste, avocat ou scé-
nariste..."
'$$ : J’ai beaucoup apprécié cette rencontre. En s’exprimant, en ra-
contant son vécu, il arrive à nous transporter dans son univers. Moi qui
ne suis pas une grande lectrice, il m’a donné envie de lire quelques-
uns de ses romans. C’était vraiment un moment agréable et très inté-
ressant. Ce que j’ai le plus apprécié, c’est le fait qu’il ne parle pas de
lui seulement en tant qu’écrivain et nous livre aussi quelques anec-
dotes personnelles, des informations sur lui… Sa simplicité m’a beau-
coup plu.
-$!($'$!!/6 : C’est un personnage étonnant qui met à
l’aise. Il a une façon de s’exprimer particulière et drôle. Il a eu des ex-
pressions vraiment bien trouvées : "Penser à la mort, c’est se gâcher
la vie". Et en effet, il transmet de la joie.
Le mot de lycéens…
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