La démence et la conduite automobile par Peter N. McCracken, M.D., FRCPC, Jean A. Caprio Triscott, M.D., CCFP, FAAFP (gériatrie), et Allen R. Dobbs, Ph. D. CAS HYPOTHÉTIQUE Vous êtes le médecin de famille de monsieur J. P. depuis 20 ans. Il a 86 ans et sa santé est plutôt bonne, puisque ses antécédents médicaux incluent seulement l'hypertension légère, l'arthrose des genoux et un ulcère gastroduodénal. Il y a 12 ans, vous l'avez adressé à un chirurgien général pour une cholécystectomie élective; le patient a très bien toléré cette intervention chirurgicale. Vous avez toujours pensé que cet homme était en bonne santé étant donné que ses visites à votre bureau avaient principalement pour but d'obtenir l'attestation nécessaire au renouvellement de son permis de conduire. En général, ses visites étaient brèves et ne révélaient rien de préoccupant au sujet de son état de santé. Le traitement actuel de monsieur J. P. inclut l'hydrochlorothiazide (HCTZ), un comprimé tous les matins, le rofécoxib, 25 mg par jour, pour soulager l'arthrose, et le lorazépam, 1 mg par jour, au coucher. Le patient prend ces trois médicaments depuis au moins sept ans, et vous n'avez jamais hésité à renouveler les ordonnances. M ême si ce cas est hypothétique, il ne peut que donner froid dans le dos aux médecins qui autorisent le renouvellement du permis de conduire d'un patient âgé. Aujourd'hui, la plupart des médecins sont un peu plus sensibilisés à la fréquence accrue des accidents d'automobile impliquant des conducteurs âgés. Pourtant, selon les statistiques individuelles, cette catégorie de conducteurs a relativement peu d'accidents, ce qui peut étonner. Toutefois, lorsqu'on tient compte du nombre de Le Dr McCracken est codirecteur du département de gériatrie et professeur de médecine à l'Université de l'Alberta, à Edmonton en Alberta. Un dimanche soir, vous recevez un appel du service d'urgence de votre hôpital vous annonçant que monsieur J. P. a été impliqué dans un grave accident d'automobile. Il a survécu, mais il est semi-comateux. Il a heurté une autre voiture en faisant un virage à gauche. Les deux véhicules sont gravement endommagés, presque une perte totale, et l'autre conducteur a subi un traumatisme crânien. Vous vous rendez rapidement à l'hôpital pour examiner le patient. À votre arrivée, vous rencontrez le fils de monsieur J. P. dans le corridor. Dans un excès de colère qui vous étonne, il affirme qu'il vous a téléphoné il y a neuf mois parce qu'il craignait que son père ne soit plus apte à conduire une automobile. Il ajoute que sa sœur a laissé un message à votre secrétaire il y a six mois pour signaler la détérioration de la mémoire et du jugement chez son père ainsi qu'une diminution de son autonomie. La famille de monsieur J. P. est bouleversée par cet accident, et son fils vous demande comment vous avez pu autoriser le renouvellement du permis de conduire de son père. kilomètres parcourus, le taux d'accident des conducteurs de plus de 70 ans est égal ou supérieur à celui des jeunes conducteurs de 16 à 24 ans – un groupe à risque élevé1,2. Ces accidents ont des conséquences graves, et la fréquence des traumatismes est en hausse chez les conducteurs âgés. Facteur de vieillissement Le vieillissement entraîne des changements nombreux et bien définis des aptitudes physiques et psychiques nécessaires à la conduite d'un véhicule automobile. Cependant, la plupart des experts reconnaissent qu'il est peu probable que les changements liés au vieillissement normal expliquent les accidents d'automobile 14 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Décembre 2001 impliquant des conducteurs âgés. Il est beaucoup plus vraisemblable que ce soit des conditions médicales liées au vieillissement ou les traitements médicaux qui diminuent la compétence d'une personne à conduire. En 1996, le ministère des Transports de l'Ontario avait montré que l'un des deux facteurs de risque les plus utiles pour prévoir l'implication d'un conducteur âgé dans un accident d'automobile au cours des cinq dernières années était la présence d'au moins une maladie3. En général, cependant, le fait d’être atteint d’une maladie n'empêche pas une personne âgée d'obtenir un permis de conduire. Diverses affections qui augmentent le risque d'un accident causé par la faute du conducteur sont énumérées au Tableau 1. Le risque le plus élevé est la présence d'un trouble cognitif. Les omnipraticiens doivent se rappeler que plusieurs maladies peuvent altérer les aptitudes psychiques essentielles à la conduite. Néanmoins, aucune affection particulière ne s'est révélée être un bon facteur de prédiction de conduite automobile sécuritaire. De fait, Johansson4 a comparé le taux d'accidents chez les conducteurs âgés en Finlande, un pays où la loi exige un examen médical pour obtenir le renouvellement du permis, avec le taux d'accidents chez les conducteurs âgés en Suède, où le renouvellement du permis n'est soumis à aucune restriction. L'étude a révélé que les taux étaient comparables dans les deux pays, ce qui laisse supposer que l'examen médical n'est pas tellement efficace pour diminuer le nombre d'accidents. En dépit de ces données, la présence d'une affection quelconque comme principal critère pour déterminer l'aptitude d'une personne âgée à conduire une voiture est encore utilisée. Il serait plus logique de considérer ces maladies ainsi que certains médicaments non pas comme des critères absolus, mais plutôt comme des signaux d'alarme devant retenir l'attention du médecin. Considérations démographiques Au Canada, le taux de blessures graves chez les conducteurs âgés de 65 ans ou plus a augmenté de 21 % entre 1989 et 19995. Les statistiques récentes sur les conducteurs âgés sont encore plus inquiétantes, car les blessures graves chez les jeunes conducteurs ont diminué pendant cette même période. En outre, les personnes âgées courent un risque plus grave que les personnes jeunes d'être blessées ou même tuées lors d'un accident d'automobile6,8; et lorsqu'elles sont blessées, elles courent un risque quatre fois plus grand d'être hospitalisées9. De même, leur convalescence est plus longue, et leur guérison, moins complète. Dans quelles mesures les médecins de famille doivent-ils s'inquiéter du risque lié aux conducteurs âgés? Quel est le rôle du médecin de famille pour ce qui touche la protection de l'autonomie et de l'indépendance du patient en regard des risques pour la santé et la sécurité publique? Quels sont les outils offerts aux médecins de famille pour évaluer l'aptitude à conduire? Au Canada, existe-t-il des lois pour obliger les médecins à signaler les conducteurs dont la capacité à conduire est diminuée? Le nombre de conducteurs âgés devrait plus que doubler d'ici 2020. On constate en effet que le nombre de conducteurs âgés de plus de 70 ans s'accroît plus rapidement par rapport à tous les autres groupes d'âge. Non seulement on compte un plus grand Tableau 1 Facteurs de risque d'accidents causés par les conducteurs âgés Facteur de risque Risque relatif Diabète 2,2 Maladie vasculaire 1,8 Maladie pulmonaire 2,1 Maladie psychiatrique 2,5 Maladie neurologique 5,1 Trouble cognitif 7,6 Adaptation de DILLER E. et coll. NHTSA Technical Report HS 809023, Washington, 199819. sur l'éthique pour examiner la délicate question de la démence et de la conduite automobile. Ce groupe était composé d'experts des domaines de la médecine, du droit, de la recherche, de l'éthique et de la prestation des soins. Un projet de lignes directrices En outre, les personnes âgées courent un risque plus grave que les personnes jeunes d'être blessées ou même tuées lors d'un accident d'automobile6,8; et lorsqu'elles sont blessées, elles courent un risque quatre fois plus grand d'être hospitalisées9. De même, leur convalescence est plus longue, et leur guérison, moins complète. nombre de conducteurs âgés sur les routes, mais ces personnes conduisent plus souvent et jusqu'à un âge plus avancé, où le risque d'accident est très élevé10. En supposant que les taux actuels de mortalité liés aux accidents demeurent les mêmes, on peut dire que le nombre de décès chez les conducteurs âgés en 2030 sera trois ou quatre fois plus grand qu'en 1995. Ce taux serait plus élevé que celui des décès causés par des conducteurs dont les facultés étaient affaiblies par l'alcool en 199511. Démence et conduite automobile En 1995, la Société Alzheimer du Canada a créé un groupe de travail sur les questions délicates a été élaboré et soumis sous forme de questionnaire à un vaste échantillonnage de personnes concernées. Cette enquête a permis de récolter plus de 500 réponses. La compétence à conduire une automobile a été la deuxième question pour laquelle le groupe d'experts a reçu le plus grand nombre de réponses, ne cédant le pas qu'à l'épineux problème de l'annonce du diagnostic de la maladie d'Alzheimer. Le problème de la conduite automobile était considéré comme une question délicate parce qu'il n'existait aucune méthode efficace pour évaluer la compétence d'un patient à conduire. La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Décembre 2001 • 15 Après avoir analysé les réponses, le groupe a élaboré la version finale des Lignes directrices sur l'éthique – Sujets délicats, document publié en 1997 par la Société Alzheimer du Canada. Ces lignes directrices soulignent l'importance de surveiller la compétence d'un patient à conduire et recommande que « s'il est clair que conduire est dangereux, il faut retirer tout accès au véhicule immédiatement. » On peut y lire aussi que le diagnostic de la maladie d'Alzheimer démence ou d'autres troubles cognitifs. L'instrument le plus souvent recommandé est le mini-examen de l'état mental (MMSE)13. Cette recommandation est déconcertante, compte tenu des résultats d'études rétrospectives ayant montré que le MMSE est très peu utile pour ce genre d’évaluation parce qu'il se révèle un piètre prédicteur du risque d'accident14-17. En effet, lorsqu'on a comparé les scores MMSE à la performance à l'examen de conduite, les corrélations ont la plupart du temps Beaucoup de médecins présument qu'il suffit d'orienter les patients atteints de troubles cognitifs et de démence vers les agences gouvernementales chargées de délivrer les permis de conduire pour savoir si le patient est apte ou non à conduire un véhicule automobile. Malheureusement, ces examens pratiques ne sont pas efficaces pour mettre en évidence l'inaptitude à conduire chez ces personnes. (ou de toute autre démence) ne signifie pas automatiquement que la personne est incapable de conduire. Même si les lignes directrices réitèrent l'importance de surveiller et d'évaluer l'aptitude des patients à conduire, l'absence d'instruments appropriés pour le faire est largement reconnue. Cette lacune place les médecins et les autres intervenants dans une position très difficile. Statu quo Dans certaines provinces, la loi oblige le médecin à surveiller et à signaler l'inaptitude de leurs patients à conduire une automobile12. Dans d'autres, les médecins doivent effectuer un examen médical pour vérifier l'aptitude à conduire en tenant compte de l'âge du patient ou d'autres critères. Il n'existe cependant aucun consensus sur l'instrument à utiliser avec les personnes atteintes de été dans la plage de 0,5 à 0,6. À ce degré de corrélation, le MMSE explique moins de 40 % de la variance, et c'est donc un instrument inadéquat pour aider à prendre une décision au sujet d'un patient donné. Beaucoup de médecins présument qu'il suffit d'orienter les patients atteints de troubles cognitifs et de démence vers les agences gouvernementales chargées de délivrer les permis de conduire pour savoir si le patient est apte ou non à conduire un véhicule automobile. Malheureusement, ces examens pratiques ne sont pas efficaces pour mettre en évidence l'inaptitude à conduire chez ces personnes. Cette lacune s'explique sans aucun doute par le fait que les examens pratiques sont conçus pour évaluer les aptitudes de base qui, chez un conducteur expérimenté, sont presque des réflexes. Ces aptitudes réflexes sont souvent préservées, 16 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Décembre 2001 même lorsque les facultés mentales diminuent. Il faut mentionner que, dans certains centres urbains, des méthodes spécialisées d'évaluation de l'aptitude à conduire ont été élaborées, mais il faut déplorer qu’elles sont surtout axées sur les handicaps physiques et sur les modifications à apporter aux véhicules pour faciliter la conduite, plutôt que sur l'évaluation de la compétence d'une personne souffrant d'un trouble cognitif. Méthodes efficaces pour évaluer l'aptitude à conduire Il y a plus de 10 ans, le Dr Allen Dobbs et ses collègues étaient déjà convaincus de l'importance primordiale d'évaluer l'aptitude d'un patient à conduire une automobile. De concert avec des médecins, des neuropsychologues et des thérapeutes en réadaptation du programme Northern Alberta Regional Geriatric (NARG), le Dr Dobbs a travaillé à élaborer une méthode d'évaluation efficace. Les étapes de cette recherche menée sur plusieurs années et fondée sur les examens pour évaluer des conducteurs âgés incluent : 1. L'élaboration d'une consultation clinique pour évaluer l'aptitude des patients à conduire une automobile. 2. Le recrutement de partenaires (NARG, Association canadienne des automobilistes [CAA-Alberta], adjoint du ministre de la Justice de l'Alberta, ministère de la Santé et du Bien-être social de l’Alberta, l'Alberta Transportation and Utilities et la Ville d'Edmonton) pour mettre sur pied un programme de recherche en collaboration. 3. L'élaboration d'une méthode d'évaluation autonome à double volet : i) test de dépistage de l'aptitude à conduire; ii) examen pratique pour rechercher les erreurs de conduite témoignant de la diminution de l'aptitude à conduire. 4. La validation du test de dépistage de l'aptitude à conduire et de l'exa- men pratique auprès d'un nouvel échantillon de conducteurs âgés. Peu après le début de cette étude, le groupe du Dr Dobbs a découvert que le principal obstacle à l'évaluation d'un conducteur était l'absence d'information sur les différents types d'erreurs de conduite. Il a donc modifié l'hypothèse de départ comme suit : toutes les erreurs de conduite ne témoignent pas nécessairement d'une diminution de l'aptitude à conduire. Toujours selon cette hypothèse, certaines erreurs reflètent parfois simplement de mauvaises habitudes chez des conducteurs par ailleurs compétents. Par conséquent, avant de passer à l'examen pratique, il importe de démontrer de façon empirique les erreurs qui témoignent d'une diminution de l'aptitude à conduire et celles qui témoignent simplement de mauvaises habitudes. Ces chercheurs ont donc élaboré des méthodes de comparaison pour étudier l'aptitude à conduire de centaines de conducteurs présentant des troubles de santé (par rapport à des conducteurs témoins en bonne santé). Il fallait comparer la performance de conducteurs potentiellement dangereux avec celle de conducteurs témoins, puisque les patients atteints de démence constituent un groupe de conducteurs dangereux. En effet, la documentation médicale cite de nombreuses études démontrant le nombre accru d’accidents d'automobile impliquant des conducteurs atteints de démence14,18. Il était donc évident que comparer les erreurs qui permettraient de distinguer un groupe de l'autre serait utile pour élaborer un examen pratique visant à évaluer l'aptitude à conduire d'une personne. Toutefois, les examens pratiques sont, en plus d'être coûteux, dangereux lorsque le conducteur est inapte à conduire, et ils sont inutiles si le conducteur est compétent. Pour ces raisons, le deuxième objectif de l'étude était de diminuer le coût et Tableau 2 Évaluation de l'aptitude à conduire : antécédents médicaux à surveiller • Prise de médicaments (narcotiques, anticholinergiques, benzodiazépines, psychotropes, antispasmodiques, antiparkinsoniens) • Prise de drogues sans prescription (alcool ou substances illicites) • Troubles de la vue (cataracte, glaucome, dégénérescence maculaire, rétinopathie diabétique) • Troubles de l'ouïe • Troubles cardiovasculaires (anévrisme de l'aorte, arythmies, syndrome de dysfonctionnement sinusal, stimulateur cardiaque, changements orthostatiques de la tension artérielle causant des étourdissements, infarctus du myocarde, angor instable) • Maladies vasculaires cérébrales (accident ischémique transitoire, accident vasculaire cérébral) • Maladies du système nerveux (convulsions, apnée centrale du sommeil, labyrinthite ou maladie de Ménière, maladie de Parkinson, démence, traumatisme crânien ou hémorragie sous-durale, sclérose en plaques) • Maladies respiratoires (maladie pulmonaire obstructive chronique, apnée obstructive du sommeil) • Troubles endocriniens et métaboliques (diabète, hyperparathyroïdie, hypothyroïdie, hyperthyroïdie, déséquilibre des électrolytes [p. ex. du sodium]) • Maladies psychiatriques (dépression, schizophrénie, trouble bipolaire, psychose) • Maladies musculosquelettiques (arthrose, ostéoporose, arthrite rhumatoïde, neuropathie périphérique) • Maladies infectieuses (des voies respiratoires, des voies urinaires, SIDA) • Antécédents de conduite (contraventions ou accidents de voiture) d'accroître la sécurité des examens de conduite. Le groupe de recherche a alors élaboré un test de dépistage des aptitudes permettant de prévoir avec exactitude la performance à l'examen pratique, du moins pour les conducteurs les plus compétents et les conducteurs les plus dangereux. Cette démarche avait pour but de concevoir un test de dépistage établissant deux points limites. Le point limite supérieur définissait le niveau de performance nécessaire pour prévoir avec exactitude la réussite de l'examen pratique. Le point limite inférieur définissait le niveau de performance sous lequel on pouvait prédire avec exactitude l'échec à l'examen pratique. Les erreurs de conduite ont été classées par la suite. On a ainsi établi 12 catégories d'erreurs précises (par exemple la position pour amorcer un virage, la signalisation, la vitesse) ainsi qu'une catégorie d'erreurs dangereuses ou potentiellement désastreuses. Ces dernières correspondaient à des situations où les autres conducteurs devaient s'ajuster à la manœuvre effectuée ou l'examinateur devait prendre le contrôle du véhicule pour éviter une collision ou une situation dangereuse. On a ensuite déterminé la fréquence et la gravité des erreurs dans chaque catégorie et on a analysé les résultats pour chacun des trois groupes : 1) Les résultats au-dessus du point limite supérieur. 2) Les résultats sous le point limite inférieur. 3) Les résultats intermédiaires. Ces comparaisons ont permis de définir trois groupes d'erreurs de conduite. Dans le premier, on a classé les erreurs non discriminantes parce qu'elles étaient faites à la fois par les conducteurs compétents et les conducteurs incompétents. Ces erreurs La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Décembre 2001 • 17 Tableau 3 Examen physique ciblé pour l'évaluation de l'aptitude à conduire Paramètre Vue Ouïe Appareil cardiovasculaire Tests Champ visuel, test de Snellen Test du chuchotement Examen courant, électrocardiogramme au besoin, tension artérielle posturale Appareil respiratoire Examen courant, oxymétrie au besoin (test et exercice) Appareil digestif Examen courant Appareil musculosquelettique Amplitude des mouvements de la colonne cervicale, résistance, tonus, mouvement en extension et en flexion (épaules, poignets, chevilles, hanches et genoux) Équilibre et démarche Test Get-up-and-go (le patient se lève de sa chaise, reste debout, puis marche sur une distance de trois mètres, revient et s'assoit) Système nerveux central Examen courant, réflexes cérébelleux (épreuve doigtnez, talon-tibia), réflexe moteur des membres supérieurs et inférieurs, proprioception, réflexe sensoriel Fonction cognitive Mini-examen de l'état mental, en particulier le test des pentagones et de l’horloge, praxie (capacité d'exécuter une série de mouvements en réponse à un ordre), gnosie (capacité d'identifier des objets), fonctions d'exécution (parcours A et B), jugement, compréhension Troubles psychiatriques Examen courant, échelle d'évaluation de la dépression chez la personne âgée au besoin Capacité fonctionnelle Évaluation de la diminution de la capacité à exécuter les activités de la vie quotidienne et les activités instrumentales (faire les courses, cuisiner, gérer l'argent) témoignent des mauvaises habitudes de conducteurs expérimentés, et non pas d'aptitude moindre à la conduite. Par conséquent, toute évaluation fondée sur ce type d'erreurs comme indicateurs de l'inaptitude à conduire serait inappropriée. Dans le second groupe d'erreurs (position dans les virages, erreurs d'observation), le score de gravité permettait de distinguer de façon fiable les conducteurs âgés souffrant de troubles cognitifs et les conducteurs témoins en bonne santé en plus de différencier les conducteurs âgés en bonne santé des conducteurs jeunes en bonne santé. Ces erreurs discriminantes sont définies comme « potentiellement dangereuses » et témoignent d'une diminution des aptitudes à la conduite automobile. Le troisième groupe d'erreurs (par exemple s'engager à contre-sens sur une autoroute, arrêter à un feu vert, brûler un feu rouge) était composé d'erreurs de critère. Ces erreurs étaient observées seulement chez les conducteurs présentant des troubles cognitifs. La définition de ces catégories d'erreurs et la découverte qu'elles étaient regroupées ont aidé à mieux comprendre la signification des différents types d'erreurs de conduite. Grâce à ces données, les chercheurs ont pu élaborer une échelle d'évaluation empirique valide et établir des critères pour concevoir des parcours qui mettraient en évidence les erreurs discriminantes importantes. Ces résultats de recherche constituaient également une base pour déterminer les critères de conduite dangereuse. Ces travaux ont permis de concevoir une épreuve de dépistage composée de tests à l'ordinateur. Pour réussir ces tests, il faut de la mémoire, du jugement, la capacité de 18 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Décembre 2001 décision, l'attention, des aptitudes motrices et de la rapidité, et il faut pouvoir intégrer ces aptitudes ou être en mesure de passer de l'une à l'autre. Pour sa part, l'examen pratique se fait sur un parcours spécial d'une durée de 40 minutes. On utilise un véhicule de classe intermédiaire, équipé d'une boîte de vitesses automatique et d'un double système de freinage. Les manœuvres à effectuer ont été conçues pour mettre en évidence les erreurs de conduite chez des conducteurs dont la santé est compromise. Pour valider l'utilité de ce test de dépistage, les résultats doivent satisfaire à deux critères : 1. Les scores au-dessus du point limite supérieur et sous le point limite inférieur doivent permettre de prévoir avec exactitude le passage et l'échec de l'examen pratique. 2. Les conducteurs qui obtiennent un score intermédiaire sont ceux qui doivent subir un examen pratique. Ce groupe qui nécessite un tel examen doit être significativement réduit par rapport au total de personnes initial. Cette démarche en deux étapes est maintenant appliquée dans quelques centres au pays, dont quatre sont situés en Alberta; ce sont les DriveAble Assessment Centres. L'évaluateur n'a pas besoin de recevoir une formation spéciale. D’autre part, le test est difficile : de nombreuses personnes atteintes d'un léger trouble cognitif présumé échouent l'examen. Par conséquent, cette évaluation enlève au médecin de famille le fardeau d'avoir à prendre seul une décision au sujet de l'aptitude à conduire de ses patients âgés. Cependant, le coût de cette évaluation, payé par le patient ou ses proches, est un sujet de controverse. On continue à espérer que le gouvernement provincial couvrira un jour les frais de cet examen. La plupart des données statistiques du programme de recherche NARG/Université de l'Alberta sur la conduite automobile chez des personnes atteintes de troubles cognitifs ou de démence ont été présentées à la Conférence canadienne de consensus de la démence en 1998. Après une période de discussion très animée, les experts ont proposé cinq recommandations sur cette question, à savoir : 1. Les médecins qui s'occupent du suivi de patients atteints d'un trouble cognitif doivent accorder une importance spéciale à ce trouble au moment de l'anamnèse et de l'examen (voir Tableaux 2 et 3). Il ne suffit pas de mesurer la tension artérielle et d'effectuer un bref examen physique. Il est recommandé d'adopter une approche mieux ciblée si on veut à l'avenir détecter des patients âgés qui ne sont plus aptes à conduire. Ainsi, le relevé des antécédents médicaux doit inclure des questions précises sur la conduite automobile dans le cas de patients âgés atteints de démence présumée. Il faut poser des questions sur les habitudes de conduite du patient (par exemple combien de kilomètres conduit-il par semaine et à quel moment de la journée conduit-il en général). Il faut aussi demander au patient s'il a déjà eu des accidents (ou s’il a déjà été à deux doigts d’en avoir un) ou des contraventions et s'il lui est arrivé de se perdre alors qu'il conduisait. De même, la recherche des facteurs qui aggravent le trouble cognitif doit faire partie de l'évaluation médicale (voir Tableau 4). Le médecin doit noter au dossier l'état des aptitudes du patient à conduire ainsi que les risques de diminution de celles-ci liés à des maladies ou à des traitements. 2. Les médecins doivent garder à l'esprit que les problèmes de conduite automobile peuvent être un signe d'autres troubles cognitifs et Tableau 4 Facteurs qui peuvent nuirent à la conduite automobile sécuritaire • Maladies cardiovasculaires (arythmie cardiaque, insuffisance cardiaque congestive, valvulopathie) • Maladie vasculaire cérébral (p. ex. accident vasculaire cérébral) • Neuropathies (traumatisme crânien, maladie de Parkinson, sclérose en plaques, tumeur, narcolepsie, apnée du sommeil) • Maladies respiratoires (p. ex. broncopneumopathie obtructive, insuffisance respiratoire) • Troubles métaboliques (hypothyroïdie, diabète) • Néphropathie (insuffisance rénale chronique) • Démence (maladie d'Alzheimer, démence vasculaire, démence fronto-temporale, maladie de Pick, maladie de Huntington, alcoolisme, intoxication) • Maladies psychiatriques (p. ex. schizophrénie) • Médicaments (surtout ceux qui influent sur le système nerveux central) fonctionnels qui doivent être traités. Même si ce sont souvent les troubles de mémoire et les signes d'un jugement altéré qui incitent les médecins à évaluer l'aptitude d'un patient à conduire, le contraire est également vrai. Ainsi chez un patient qui fait l'objet de problèmes au volant ou d'accidents de voiture, le médecin peuvent plus conduire. Il importe de discuter avec elles des autres options possibles pour le transport et les déplacements. Il faut reconnaître que c'est un facteur de stress et d'isolement qui peut être perçu par l'aidant, et il faut donc orienter le patient et les aidants vers les services offerts aux personnes âgées dans la collectivité. Les médecins devraient inciter les patients atteints de démence et leurs aidants à planifier le plus tôt possible l'arrêt éventuel de la conduite automobile. Cette question délicate doit être abordée très tôt au cours de la maladie, puisqu'elle reviendra certainement sur le tapis un jour ou l'autre. doit conclure à la nécessité d'une évaluation cognitive approfondie. 3. Par ailleurs, les médecins devraient inciter les patients atteints de démence et leurs aidants à planifier le plus tôt possible l'arrêt éventuel de la conduite automobile. Cette question délicate doit être abordée très tôt au cours de la maladie, puisqu'elle reviendra certainement sur le tapis un jour ou l'autre. Le médecin de famille doit témoigner de l'empathie aux personnes qui ne 4. Les médecins devraient informer les agences gouvernementales compétentes lorsqu'un patient n'est plus apte à conduire un véhicule, même dans les provinces où cette déclaration n'est pas obligatoire. 5. Les professionnels de la santé doivent militer activement en faveur de l'accessibilité des patients à des services d'évaluation de l'aptitude à conduire par des méthodes valides, fondées sur la performance et à coût abordable. La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Décembre 2001 • 19 À la lumière de ces recommandations, il est évident que le médecin doit évaluer de façon approfondie la fonction cognitive d'un patient qui présente une diminution de l'aptitude à la conduite automobile. Souvent, cet examen révélera la présence de démence, d'une maladie neurodégénérative ou d'un autre trouble cognitif. En outre, les personnes âgées sont plus sujettes au delirium à cause de la diminution de la réserve du système nerveux central et de l'altération de l'homéostasie reliée au vieillissement. Cette plus grande vulnérabilité chez les patients souffrant de démence est bien démontrée dans la documentation. Il va sans dire que le delirium compromet la sécurité au volant. Tous les patients qui en souffrent ne devraient pas conduire un véhicule automobile jusqu'à ce que leur état revienne complètement à la normale. En outre, tous les cliniciens savent qu'un patient âgé qui participe au processus décisionnel risque de refuser de cesser de conduire son automobile, principalement parce qu'il n'est pas conscient de ses propres déficits. Il est donc primordial que les médecins tiennent compte des répercussions psychologiques et des conséquences générales de la perte de la compétence à conduire tant pour le patient que pour sa famille. Toutefois, les médecins de premier recours doivent absolument aviser les autorités en matière de permis de conduire s'ils sont inquiets au sujet de l’aptitude d'un patient à conduire, même dans les provinces où aucune loi ni aucun règlement n'exige de signaler ces cas. Malgré que ce soit une responsabilité déplaisante, ils doivent comprendre qu'ils sont bien placés pour surveiller la compétence de leurs patients. En présence de démence, il importe de surveiller l'évolution de l'état du patient, puisque le diagnostic de démence ne suffit pas à lui seul pour tirer des conclusions sur les aptitudes du patient à conduire son véhicule. L'arrivée d'une méthode empirique pour évaluer les conducteurs (DriveAble Testing) apporte un nouvel espoir pour régler cette question fort délicate. Références 1. O’NEILL, D. « The doctor's dilemma: the aging driver and dementia », Int J Geriatr Psychiatry, vol. 7, 1992, p. 297-301. 2. U.S. DEPARTMENT OF TRANSPORTATION. The effects of age on the driving habits of the elderly, National Transportation Library. Disponible à l’adresse : http://www.bts.gov/smart/cat/t-95.html. 3. TASCA, L. « Self-reported exposure and crash involvement on a large sample of Ontario drivers aged 79 and over », rapport présenté à la 75e réunion annuelle du Transportation Research Board. 4. JOHANSSON, K. « Older automobile drivers: Medical aspects », thèse de doctorat, institut Karolinska. 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Avec l'adoption graduelle de méthodes empiriques d'évaluation comme le programme DriveAble Testing ou d’autres programmes semblables, cette question sera un jour moins difficile à résoudre.