Capital investissement

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Le capital investissement dans les transports : signe des temps ?
L’irruption dans l’actualité de « fonds de placement » et autres sociétés de « capital
investissement » entrant au capital de sociétés de transport ou de logistique peut
surprendre nombre d’observateurs.
Le secteur des transports devient ainsi, comme d’autres, la « proie » de firmes pariant
sur la valorisation à plus ou moins long terme des firmes rachetées.
En quelques mois ce sont des firmes comme Platinum Equity – acquérant ACR puis la
cédant moins de 2 ans après à Kuehne + Nagel – Butler Capital (Giraud, Sncm, et peutêtre Sernam), 3i – avec ABX, Apollo avec TNT-Logistics, qui ont fait leur apparition de
manière significative sur le marché des transports.
Pour autant, toutes ces opérations n’ont pas la même nature, ni la même économie.
De toute évidence, le portage d’ACR – à la suite du recentrage du groupe Hays en 2004 –
et dans une certaine mesure la cession de TNT Logistics à Apollo répondent à une logique
dans laquelle le risque capitalistique est faible. La cession de TNT Logistics répond avant
tout à une volonté de recentrage, et très accessoirement à la faible rentabilité apparente
du secteur logistique chez TNT. La cession opérée a de toute évidence pour objectif de
rendre possible le renforcement de la maison mère sur le marché de l’express et du
courrier. Le portage par une société d’investissement permet généralement en
contrepartie de prendre le temps de choisir et d’optimiser l’adossement de l’entité cédée
à un groupe du secteur. Branche d’un groupe plus vaste, l’entreprise vendue conquiert
alors ou reconquiert une autonomie lui permettant d’obtenir une valorisation
« autonome » et un bilan lisible par tout financier.
L’objectif du capital investissement est ici de porter des actifs rentables, et, de les
valoriser au mieux sur le marché. Les groupes de capital investissement concernés se
concentrent sur des valeurs sûres et à bon rendement. Ainsi Appolo possède-t-il les tours
Pascal que le Ministère français des transports occupe à la Défense.
Une seconde catégorie est cependant rencontrée. Quand Butler rentre au capital de la
Sncm, de Giraud ou souhaite le faire au Sernam, lorsque 3i investit dans ABX, il ne s’agit
pas à première vue du même schéma. Il s’agit d’apporter à la fois des capitaux… et des
« solutions » à une situation considérée comme peu profitable. En un mot sortir une
entreprise d’une situation de crise. L’évaluation comptable traditionnelle de l’entreprise
ne sert guère alors de référence. Il s’agit au contraire de parier sur des plus-values
latentes, et des opportunités de développement nouvelles, tout en mettant en œuvre une
restructuration souvent drastique. D’autant que les entreprises concernées sont souvent
très déficitaires, vivent des situations de crise et supportent le plus souvent des
déséquilibres bilanciels structurels.
De telles opérations s’accompagnent souvent de mesures par lesquelles les entités
venderesses pourvoient à des recapitalisations ou des abandons de créances et parfois
des restructurations.
Ainsi la SNCB a-t-elle recapitalisé ABX à hauteur de 176 millions d’Euros1 (ABX figurait
pour une valeur d’acquisition de 726,9 millions € au bilan de SNCB holdings), et l’activité
partiellement recentrée.
C’est le même type de logique qui a été mis en place pour la cession partielle de la
SNCM.
Ainsi la cession de capital par l’Etat français, à été précédée du financement d’une
augmentation de capital à hauteur de 142,5 millions d’euros et de celui du plan social
envisagé par les repreneurs privés à hauteur de 38,5 millions d’Euros.
En ce qui concerne le Sernam, l’entreprise avait déjà fait l’objet d’une cession « en bloc »
par la SNCF, correspondant, selon la« Commission des participations et des transferts
relatif au transfert au secteur privé des actifs de Sernam SA par la SNCF », à un prix
négatif de 57 millions d’Euros. Ici, comme pour la Sncm, le repreneur intervient pour un
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Par ailleurs, SNCB holdings a converti en capital son prêt à ABX France de 155 mios €.
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prix faible voire négatif, dans une firme structurellement déficitaire partiellement
restructurée. Le pari du repreneur est donc de réduire le passif grâce à d’énergiques
mesures de restructuration. Dans de nombreux cas, l’autre pari est de pouvoir valoriser
un actif immobilisé significatif. Les bateaux de la Sncm ou l’immobilier du Sernam.
Ainsi on rencontre dans notre secteur deux modèles radicalement opposés. Pour
schématiser l’un permet d’assurer une meilleure fluidité du capital dans le cadre du
processus de concentration accompagnant la mondialisation, l’autre ressemble plus à des
tentatives de sauvegarde d’entreprises en péril, et « capitalistiquement » à une
spéculation sur des actifs grevés d’un passif excessif.
Dans un cas, le capital investissement peut être patient et profiter du rendement courant
actuel de la firme achetée, dans l’autre il parie essentiellement sur sa capacité de
restructuration le plus souvent accompagnée de cessions d’actifs.
Le premier devra faire fructifier de bonnes affaires en attendant le « bon » acheteur, et
l’autre devra gérer et réduire un passif excessif provisoirement stabilisé. Or, dans les cas
qui nous intéressent, il s’agit souvent d’un passif laissé par le secteur public.
Nous en arrivons donc à un paradoxe. Celui d’un capital risque chargé – en partie - pour
ainsi dire de rendre vie à des entreprises que l’Etat ou des entreprises publiques n’ont
pas su gérer de manière rentable. Un service public comme un autre nous diront les
uns… une aubaine nous diront les autres. Un marché, sans doute…
Le signe, tout simplement que certaines pratiques de gestion ont une fin… et un coût
économique et social.
La marque d’une transition…
Les portes du temple de Janus demeurent toujours ouvertes en temps de guerre. Elles ne
fermeront qu’en temps de paix.
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Novembre 2006
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Depuis sa création en 2000, le Sernam n’avait jamais dégagé de bénéfices, mais des
déficits importants (79,1 millions € en 2002, 85,1 en 2003, 42,9 en 2004..)
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