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THéâTre des cHalands saIsOn 2012-2013
Le Théâtre de la Ville
Assumer, assurer l’existence d’un théâtre dans une ville
de 16 000 habitants, eut-elle été, naguère, nouvelle et,
toujours aujourd’hui, la plus jeune de France, n’est pas,
alors que la crise sévit, un geste anodin. C’est un risque.
C’est une attitude. C’est une conviction.
La décision de préférer une salle et une scène à un
terrain de «futsal», est évidemment politique. Malraux,
par ses maisons-cathédrales dédiées à la culture, comme
d’autres avec les constitutions, a jeté des masses de granit
sur le sol français. Ce sont églises que l’on désaffecte
aujourd’hui, faute de crédits, faute d’envies, mais que
jamais l’esprit ne déserte. Pour les faire revivre, il suffit
de souffler sur les braises. Dans leurs murs, on entend
encore le désespoir de Lorenzaccio. Derrière le rideau,
c’est le destin des spectateurs que Caliban et Prospero
projettent d’emporter. Le chariot de Thespis roule
encore que d’autres religions attirent moins de fidèles.
Jean Vilar, le TNP et, en Avignon, un festival ont, cet été,
reçu l’hommage mérité du Président de la République.
N’en déplaise à Jean Reno et à Christian Clavier, c’est un
signe que son prédécesseur n’a jamais su donner. Faire
confiance à l’intelligence, au sens critique, à l’écoute,
c’est le propre des hommes de bonne volonté. Les
Tréteaux de France, le travail de Planchon à Lyon, celui
de Chéreau aux Amandiers, dans les années soixante-
dix, ont permis à la comédie et au drame de couvrir
le fracas des âneries télévisées, d’oxygéner la société,
de donner à comprendre et à méditer avant qu’avec le
siècle nouveau ne triomphe –provisoirement ?- le fatras
de la téléréalité. Lang, dont parfois on sourit, sans que
cela soit entièrement juste, ni totalement infondé, avait
créé Nancy et Chaillot pour préparer 1981 et l’arrivée
d‘un Président ami des arts et des lettres. C’est notre
Histoire et la réalité.
De fait, entre la Gauche et la culture, entre la Gauche
et l’art, entre la Gauche et le théâtre, il y a une relation
que jamais un candidat à la présidence de l’UMP
ne comprendra. «C’est parce qu’ils sont comédiens,
ils disent un texte et n’en pensent pas un mot, ils
portent d’autres les frusques et les oripeaux». Riez bien
messieurs les ricaneurs, les petits-fils d’abonnés aux
matinées du Français, les descendants des admirateurs
d’Achard, les héritiers des amoureux d’Anouilh. Et
bien non. Cette relation, elle tient à des choses que
les conservateurs, les réactionnaires, j’allais écrire les
bourgeois, ne comprendront jamais. Au public populaire
massé sur les parvis, sous les clochers pour rire aux lazzis
d’Arlequin, aimer Colombine et pleurer avec Zerbine,
moquer Pantalon et craindre Matamore. Aux troupes
excommuniées serrées dans le froid de l’inquisition les
mains tournées vers le brasero. A l’espoir de Figaro, à
la bataille d’Hernani, au scandale des «bonnes» ou des
«paravents». A l’expérience insensée du Théâtre du
Soleil. A la force du texte, à l’intensité du jeu, à l’habileté
de la mise-en-scène, qui ne convoquent pas seulement
l’image et l’émotion, formant souvent le territoire trop
réduit de la danse, mais parlent à la raison, suscitent les
idées, invitent avec Brecht à la révolution, avec Sartre à
la subversion, avec Claudel à la rédemption. On rit, on
crie, mais on réfléchit. A soi, aux autres, à la vie.
Mais pour réussir ce pari, il ne faut pas que des bons
sentiments et des partis pris. Il faut de l’argent. Nous
nous efforçons d’en trouver. Sons et lumières s’en
sont allés avec le centre de comédie musicale qui s’en
estimait propriétaire. Ce n’est pas ce que nous avions
compris, mais, tant pis, c’est ainsi. Nous en retrouverons.
Il faut redonner de la transparence, mieux comprendre