DISCOURS
de
M. HENRI NAVEL
Président de l'Académie
prononcé à la séance publique annuelle de 1954
« PLANTES, MERVEILLES DE LA NATURE »
Mesdames, Messieurs,
Il me faudrait de nombreuses causeries pour vous entretenir
des nombreuses merveilles du monde végétal concernant les grai-
nes,
les racines, les tiges, les fleurs et les fruits des plantes. Je
crois à l'intelligence des plantes qu'il s'agisse de plantes indigènes
de notre pays ou de celles des régions tropicales ou subtropicales.
Je vous parlerai surtout des plantes des pays équatoriaux car
peu d'entre vous les ont vues. Elles constituent une flore admira-
ble,
souvent extraordinaire, ainsi que j'ai pu m'en rendre compte
lors de mes séjours au Brésil, en Afrique, aux Indes, en Amérique
Centrale. J'y ai admiré de véritables phénomènes de la végétation
et de nombreuses plantes dont les produits servent à notre alimen-
tation ou sont utilisées industriellement ou en pharmacopée. Je
tâcherai de vous donner la description des quelques-unes qui
croissent dans les forêts équatoriales à l'état sauvage et dont
d'autres sont cultivées.
Tout d'abord, si l'on compare la végétation de nos forêts à
celle des forêts équatoriales, cette dernière est moins vide, moins
nue.
Elle forme une masse de verdure imposante, compacte, où
l'on chemine des jours, des semaines, sans voir ni le ciel, ni le
VIII DISCOURS DE MONSIEUR HENRI NAVEL (1954)
soleil. Elle comprend un très grand nombre de plantes et d'arbres
d'espèces très variées. Ces végétaux ne fleurissent pas tous en
même temps, comme c'est le cas pour nos régions.
Dans ces forêts on a l'impression qu'on est dans un autre
monde; le manque de lumière, l'humidité excessive, les bruits des
animaux, celui des insectes, la diversité de la taille, de la forme
et de la couleur des végétaux, vous impressionnent, vous placent
dans un état d'angoisse indéfinissable, mais c'est si merveilleux,
pour ceux qui aiment la nature, que la joie, le plaisir des mer-
veilles, au milieu desquelles on se trouve, vous remonte vite le
moral.
Il y a, en ces forêts, profusion de plantes grimpantes qui vont
fleurir au sommet des arbres, en pleine lumière. Les plantes épi-
phytes abondent ainsi que les orchidées, les broméliacées, les
fougères, les lianes, etc.. qui recouvrent les branches en masses
compactes et mélangées les unes aux autres. Chaque arbre est une
sorte de petite forêt. Ils sont reliés par différentes lianes. On se
trouve sous une voûte de verdure des plus compacte.
En dehors des arbres, de taille et de circonférence gigantes-
ques,
il y a les groupes de palmiers variés à cachet particulier et
saillant, puis les fougères en arbres, dont la hauteur atteint plus
de 15 mètres.
Les bambous, de toute taille, à tiges plus grosses que le bras
et qui, en terrain frais constituent de véritables forêts.
Le sol est recouvert de plantes à feuillage vert ou coloré, et
de nombreuses feuilles ont des formes bizarres et sont découpées,
dentelées. Puis des tapis d'herbes de toute sorte où l'on trouve des
plantes médicinales telles que l'Ipéca.
Les marais et rivières sont recouverts d'une végétation, bi-
zarre, exubérante, merveilleuse, indéfinissable. Sur de larges feuil-
les se posent des oiseaux de toutes tailles et aux plumages variés.
On y voit aussi des animaux tels que gros crapauds, lézards et
même de petits crocodiles, notamment sur les feuilles, en forme
de plateau, de Victoria Regia.
Certains arbres donnent des fruits, étranges, curieux, d'un
volume souvent supérieur à celui d'une citrouille, et se trouvant
à des 10 et même 20 mètres de hauteur et sont dangereux lors-
qu'ils tombent sur un être humain ou sur un animal. La fable de
La Fontaine « Le gland et la citrouille » n'est pas véridique en ces
forêts.
Parmi les gros fruits il y a « la noix de coco » du palmier,
la noix du Brésil (Bertholletia excelsa), le fruit à pain, etc..
DISCOURS DE MONSIEUR HENRI NAVEL (1954) IX
Le sol est souvent tapissé par la sensitive qui, au moindre
toucher, replie ses tiges et feuilles.
Si la richesse et la variété de la végétation de ces forêts est de
toute splendeur, à la longue elle devient oppressive et, quelquefois,
monotone. Il y manque les teintes automnales de nos forêts qui
sont si riches et si variées. Il y manque aussi le sommeil de la-
gétation suivi du si agréable réveil au printemps, ce qui constitue
le charme de nos forêts.
Pendant la période sèche, il y a un arrêt de la végétation, qui
réduit un peu le charme de la forêt équatoriale.
Dans les régions désertiques, la forêt a un tout autre aspect,
et les végétaux qui la composent sont bien différents, et organisés
pour lutter contre la sécheresse.
On y trouve de nombreuses plantes grasses, des cactées, des
cereus, imposants par leurs formes et d'une taille aussi grande
que celle des chênes de nos forêts, des arbres curieux, des aloës,
des opuntia, des dracoena, des agaves, etc.. Ces plantes ont des
formes curieuses, extraordinaires, variées et se confondent sou-
vent avec les roches ou avec le sol.
Je ne pourrai vous parler que de quelques plantes apparte-
nant, ou originaires de cette forêt tropicale et équatoriale et me
limiterai, soit à des plantes curieuses, soit à des plantes ayant
un intérêt alimentaire économique ou industriel et dont vous
connaissez les produits.
Parmi ces plantes utiles des pays chauds, je vous cite le
groupe de celles qui produisent la fécule. Ce produit est retiré des
tiges,
des racines ou des fruits et est utilisé pour l'alimentation
des indigènes et souvent en notre pays comme complément de nos
produits alimentaires, tel que le tapioca.
La fécule des tiges est fournie par une série de cycadées (cy-
€as) et de palmiers (metroxylon). Cette fraine s'appelle « sagou ».
s qu'il a fleuri, ce palmier sagou meurt, mais comme pour le
hananier, il repousse des rejets à la base. Les graines, tombées sur
le sol, donnent aussi de nouveaux palmiers. La hauteur de ces
palmiers est d'environ 12 mètres, leur circonférence de 1 m. 50
à 2 mètres. En Malaisie le sagou remplace le riz. Le tronc est-
duit en copeaux que l'on place sur des tamis sur lesquels on fait
couler de l'eau, qui est recueillie dans des grands bassins, la-
cule se dépose au fond et on décante l'eau pour la recueillir. On
obtient le sagou perlé que l'on trouve dans le commerce. Les-
sidus servent à l'alimentation du bétail. Un tronc de palmier pro-
duit de 100 à 125 kgs de sagou.
X DISCOURS DE MONSIEUR HENRI NAVEL (1954)
Le manioc (manihot utilissima) est cultivé dans tous les pays
tropicaux. Ses racines fournissent une fécule qui sert à fabriquer
le tapioca. Les résidus servent en industrie pour des apprêts, de
la colle, etc.. C'est un arbre de la famille des Euphorbiacées, il at-
teint 3 mètres de haut; les racines rappellent celles du dahlia, et
ont de 10 à 50 centimètres de diamètre et de 0 m. 50 à 1 m. 50 de
long.
Les tubercules sont réduits en une farine rappelant la sciure
de bois; on la presse pour enlever le liquide laiteux et on la fait
sécher. Elle est consommée fraiche, séchée, ou réduite en galettes
qui se conservent bien. La farine et les galettes sont utilisées, en
pays tropicaux, surtout en Amérique équatoriale, en Amazonie et
dans les pampas d'Amérique du Sud.
Après 18 mois de culture un hectare produit de 30 à 42.000
kgs de tubercules. L'hectare est planté avec 6 à 7.000 pieds.
L'arrow root est produit par une petite plante, maranda arun-
dinacea, c'est une excellente fécule utilisée en pâtisserie et pour
les sauces.
Le bananier à fécule donne une grosse et longue banane, 4 ou
5 fois plus grosse que la banane que nous consommons. On ne
peut la consommer que cuite. Elle remplace la pomme de terre
dont elle a le goût. On en extrait une fécule qui est utilisée pour
fabriquer le Banania. La plante s'appelle ((musa paradisiaca ».
Les bananes comestibles ne portent pas de graines et se re-
produisent par rejets à la base du tronc.
L'arbre à pain, haut de 7 à 8 mètres, fournit des fruits en
grande quantité, gros comme des melons. On fait cuire ces fruits
au four, on les coupe aussi en petites tranches ou carrés que l'on
fait frire et qui ont le goût et la saveur de nos pommes de terre
frites.
C'est un arbre de grande productivité. Son nom est Jac-
quier (artocarpus incisa). Chaque fruit représente la valeur de
plusieurs toquées de pommes de terre.
Parmi les légumes il y a des crotons, dont une seule feuille
fournit un grand plat d'épinards délicieux. Comme bons fruits
il y a les bananes si utilisées dans tous les pays.
Il en existe des variétés dont les fruits ne sont pas comesti-
bles et sont remplis de graines; ce sont ceux que l'on cultive, en
été,
dans nos jardins d'agrément. Ils se reproduisent par graines.
Tous les bananiers appartiennent au genre Musa.
Il y a de nombreuses variétés de bananes qui ne sont utili-
sées que dans leurs pays. C'est un aliment de première impor-
tance qui est consommé cru quand il est mûr, ou cuit avant
M. Navel présentant le ((Coco des Seychelles»
Séance publique annuelle de 1954
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