Conclusion
: de
l'information
aux
sciences
de la
communication
années
1950-1960
- les techniques, et la communication, au service de quel projet politique, social
ou culturel - sont devenues progressivement des questions centrées sur l'adaptation. Non pas
comment adapter les techniques à un projet, mais quel projet
social,
culturel, élaborer à partir de ces
techniques. La modernisation comme horizon. Au point que,
depuis
une génération, il est préférable
de ne pas mettre en cause le bien-fondé de ces techniques,
surtout
depuis
qu'elles sont individualisées.
Celui
qui interroge, ou critique, doit se justifier de n'être pas conservateur ou technophobe.
L'usage
est
devenu
le
projet. L'adaptabilité la valeur. D'ailleurs, en France, jusque vers
2005
le discours
dominant était « comment rattraper le retard ? ». Toute l'histoire technique, liée hier à une problé-
matique du service public, est devenue
celle
d'un horizon commercial, avec la condamnation d'un
peuple « frileux » à l'égard des nouvelles technologies. Le Français était supposé incapable de
s'adapter
à l'ordinateur et à Internet, même si le succès du minitel montrait le contraire. Aujourd'hui,
où la France est
dans
le peloton de tête des équipements et des usages, on a oublié cette obsession à
vouloir rattraper un
prétendu
« retard », brandi comme la preuve de l'anti-modernité française. En
réalité,
comme toutes les vieilles cultures, il y avait un temps de latence. Aujourd'hui,
plus
que jamais
la
question n'est
plus
l'équipement et l'usage, mais
celle
du projet. Tout
cela
pour
quel projet de
société
?
En
dehors des chercheurs liés aux NTIC et aux sciences sociales, les autres disciplines ont
continué des débats liés à la linguistique et aux sciences cognitives. L'entrée à partir des années 1970
des sciences de l'information et de la communication
dans
l'université, avec la création de la
71e
section, a accentué une sorte de séparation entre ceux qui s'intéressaient à la problématique des
médias et des nouvelles technologies, et ceux qui poursuivaient des problématiques
plus
tradition-
nelles.
Les deux mondes ne se sont guère rapprochés jusqu'au début des années
2000.
Dans une approche
plus
classique, du langage, de la
sémiologie,
de la littérature, de la philosophie,
puis
des sciences cognitives, on
peut
distinguer, en simplifiant,
quatre
étapes
qui finalement seront un
atout théorique
pour
les sciences de la communication de demain. Car là est sans
doute
l'apport
de ces
sciences
naissantes
:
rapprocher et féconder des regards différents sur l'information et la communication.
Au fond, l'émergence des sciences de la communication, auxquelles
Kermès
contribue, ainsi que
l'Université et toutes les politiques du CNRS
depuis
trente ans, jusqu'à la création de l'Institut des
sciences
de la communication du
CNRS,
illustre ce mouvement de rapprochement et de coopération
entre des approches différentes, finalement complémentaires, de la question de l'information et de la
communication.
On constate ainsi la légitimité croissante
d'une
problématique autour du mot « communication »,
entendu comme le lien entre relation, incommunication et cohabitation, même si,
pendant
un demi-
siècle,
ce mot fut largement sous-évalué,
pour
ne pas dire dévalorisé. Le mot « information » avait une
certaine valeur, de la presse aux
NTIC,
alors que le mot « communication » était symbole de toutes
les
dérives marchandes et manipulatrices.
C'est la découverte qu'il ne suffit pas qu'il y ait beaucoup d'informations
pour
créer davantage de
communication qui a facilité la prise de conscience de la complexité théorique de la communication.
HERMÈS
48,
2007
193