catégories de sexe. Les rapports sociaux de sexe ou le genre ne constituent pas un secteur du
social, mais au contraire, « une logique d’organisation du social qui forme un système à travers
l’ensemble de l’espace social, sans qu’il y ait a priori prépondérance d’une sphère » (Daune-
Richard et Devreux 1992 : 10). Les rapports sociaux de sexe sont donc transversaux à l’ensemble
des autres systèmes et espaces sociaux.
Malgré l’apparente universalité de la différenciation des sexes, force est pourtant de constater
que les catégories se modifient à travers les époques et les espaces (Duby et Perrot 1992). Les
frontières des catégories de sexe sont en transformation constante, même dans les domaines
qui paraissent les plus naturels comme la reproduction ou les plus neutres du point de vue du
genre comme les sciences (Russet 1989, Jordanova 1989, Wijngaard 1997, Löwy et Gardey
2000). Le rapport social de sexe se caractérise donc par sa « reproduction dynamique et
l’historicité qui font que, simultanément, il est partie prenante du développement historique
global des sociétés et il connaît son propre développement » (Daune-Richard et Devreux 1992 :
12).
L’historicité des rapports sociaux de sexe n’est pas évidente, car les différences entre les sexes
ont été à travers les époques l’objet d’un travail incessant de déshistoricisation (Bourdieu 1998 :
116), ou, en d’autres termes, de naturalisation. Ce travail prend la forme d’une négation du
caractère sociologiquement déterminé des inégalités de sexes, en les faisant notamment
résulter des différences biologiques ou d'instances extérieures à l’action humaine. Une des
dimensions essentielles de la définition sociologique des catégories de sexe est donc la critique
de l’usage à des fins scientifiques des conceptions de sens commun naturalistes des sexes.
Pour Kergoat (2005) et Molinier (2003), l’enjeu principal des rapports sociaux de sexe dans les
sociétés occidentales contemporaines demeure le travail, ou plus précisément, le partage du
travail entre les sexes qui se caractérise par l’assignation prioritaire des hommes à la sphère
publique et des femmes à la sphère privée ainsi que par l’attribution aux hommes des fonctions
les mieux pourvues en capital symbolique. Selon Kergoat, la division sexuelle du travail a deux
principes organisateurs : la séparation et la hiérarchisation. Les modalités concrètes de la
division du travail entre les sexes « varient fortement dans le temps et dans l’espace comme
l’ont abondamment démontré ethnologues et historien(ne)s. Ce qui est stable, ce ne sont pas
les situations (elles évoluent constamment), mais l’écart entre les groupes de sexe » (Kergoat
2005 : 98). Le défi est de parvenir à articuler les pratiques individuelles avec les conditions
structurelles et ce que Haicault (2000) nomme « la doxa de sexe » (ou les systèmes de
représentations et de croyances qui constituent les évidences sociales partagées), en les
historicisant, pour comprendre comment les changements sociaux sont possibles.
Le genre ou les rapports sociaux de sexe n’ont de sens que bien circonscrits dans l’espace et dans
le temps, parce qu’au-delà du maintien des systèmes sociaux inégalitaires, le changement social
est constant, aussi bien lors de transformations importantes dans les conditions « objectives »
d’existence des rapports sociaux de sexe (révolution politique, crise démographique, accession
des femmes aux diplômes universitaires, etc.) que dans les pratiques individuelles par lesquelles
sont sans cesse modifiées, à une échelle souvent infinitésimale, les divisions et les catégories
sociales qui fondent le genre.
L’unité ontologique et politique de la catégorie « femmes » a été mise à mal depuis les années
1980 tant par les critiques des féminismes subalternes, noirs, postcoloniaux, postmodernes et
queer. L’hétérogénéité des positions sociales occupées par les femmes dans les sociétés
occidentales et dans les pays du sud, ainsi que les relations inégalitaires entre diverses
catégories de femmes ont d’une part mené à des réflexions épistémologiques sur la validité des