Éléments constitutifs de la Nation Française

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Éléments constitutifs de la Nation Française
Ancêtres mythiques des Français, les « Gaulois » sont encore mal connus avant
la conquête romaine. Ils font partie d’une histoire légendaire, que l’archéologie rend
peu à peu plus précise et plus concrète. Même au temps des Romains, les Gaulois
n’ont guère été décrits que du point de vue des conquérants.
Il est clair, cependant, que les Gaulois ont habité la région limitée par l’océan, le
Rhin, les Alpes, la Méditerranée et les Pyrénées dès la période du première âge du
fer, c’est-à-dire, depuis le début du premier millénaire avant notre ère, il y a trois
mille ans.
De 900 à 500 avant JC est arrivée la grande vague des cavaliers celtiques,
porteurs des secrets de la fabrication du fer, qu’ils tenaient de la civilisation de
Hallstatt, en Basse-Autriche. Ces « hommes de fer », qui sont incontestablement
les Celtes, se sont répandus dans l’Ouest jusqu’au Portugal. Au 5ème siècle, toute
la Gaule est devenue celtique. Le peuplement celtique n’a pas eu lieu d’une seule
poussée. Elle a été lente, progressive, souvent liée au parcours des troupeaux. On
peut imaginer, en Bretagne par exemple, un contact pacifique de population entre
les agriculteurs et les marins de la civilisation des dolmens, et les hommes venus
de l’Est avec le fer et le char à quatre roues. Autour de 500 avant JC, une deuxième
« civilisation du fer », dite « civilisation de la Tène », se développe en Gaule, où les
premières mines sont exploitées.
Par son unité, le monde celte est comparable au monde romain : les langues
parlées en Gaule sont de même racine. Les arts et les techniques tendent à
s’harmoniser. Il en est probablement de même les mœurs et des structures
sociales. Dès le 6ème siècle, des relations existent avec la Grèce1.
Si l’on admet qu’une certaine unité du monde celtique a jadis existé, il faut bien
reconnaître que la centaine de peuples qui habitaient la Gaule étaient très
différenciés, très individualistes ; et qu’ils étaient souvent en conflit les uns avec les
autres. Il n’y avait pas seulement une dominante de civilisation.
Les estimations à l’égard du nombre d’habitants que la Gaule comptait au temps
de la conquête varient de cinq à trente millions ! Au temps de Caesar les Helvètes
étaient environ 360.000. On estime aussi que l’occupation de sol par les Gaulois ne
dépassait pas dix à douze habitants au kilomètre carré. Ils semblaient s’être fixés
de préférence le long des fleuves, dans les régions riches ou des mines, sur les
côtes, dans les plaines particulièrement fertiles.
La population des tribus gauloises était, sans doute, essentiellement rurale. Les
villages (vici) formaient la base de peuplement et de l’organisation sociale. Les
capitales, les gros marchés, les lieux importants pour le commerce étaient
généralement fixés sur de collines entourées de murailles et de défenses : les
oppida.
Pas de véritables villes, pas de bourgeoisie. La Gaule était aux mains des
guerriers, des nobles. Ceux-ci prélevaient un impôt très lourd sur toutes les
catégories de population. Ils régnaient sur un peuple de paysans libres, et sur un
petit nombre d’esclaves.
À côté des chefs, mais non moindres en dignité et en puissance, étaient les
prêtes druides. À la fois sorciers, juges, éducateurs et poètes, les druides,
exemptés d’impôts, grands sacrificateurs, font figure de gardiens des valeurs
spirituelles d’une société qui croit à l’immortalité de l’âme.
Les Gaules avaient envahi les Romains au 5 ème siècle, mais Rome avait pris sa
revanche : de 125 à 120 avant JC, elle avait réalisé la conquête de la « Gaule
Transalpine ».
Il se trouvait alors que Jules Caesar, proconsul de la Gaule cisalpine, avait
l’ambition d’acquérir la gloire en conquérant la gaule chevelue. Le monde celtique
était en pleine décadence. Au prix de grandes difficultés, et grâce ‘a l’extrême
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Par ailleurs, Marseille est fondée vers 600 avant JC par les Grecs.
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mobilité de ses légions, Caesar pouvait considérer en 53 avant JC la gaule comme
pacifiée. Il avait dominé certains tribus par la force, et s’était gagné les autres par
de traités d’amitié. La conquête avait été rapide, mais rude, et Caesar, dans ses
Commentaires, rendait souvent hommage à la pugnacité des Gaulois.
C’est alors que, subitement, un sentiment unitaire de résistance s’est manifesté
chez les Gaulois. En 52 avant JC, la révolte éclate partout contre les occupants
romains. Un noble arverne, Vercingétorix, en prends la tête. Mais, à la fin, il n’aura
que se rendre à Alésia. Il ornera le triomphe de Caesar à Rome, avant de mourir
étranglé dans sa geôle. C’en est fini de la gaule celtique.
Une longue période de « pax romaine » commence alors pour la Gaule, ponctuée
de rares révoltes. L’ « Assimilation » des vaincus se fait sans heurts, pacifiquement,
progressivement. La Gaule Romaine est au sommet de sa prospérité sous les
empereurs Antonins. Elle ne connaîtra de difficultés qu’à partir du 3 ème siècle après
JC. Ces trois cent ans de paix vont profondément – inégalement d’ailleurs –
marquer le pays.
Rome impose adroitement son autorité. La Gaule a beaucoup souffert de la
guerre et de toutes parts on souhaite l’ordre et la paix. Rome garde les cadres
administratifs de la Gaule, dont les nobles élites s’intégrant à l’organisation
municipale romaine. Sans trop de problèmes, les Romains lèvent l’impôt sur les
provinces et enrôlaient les Gaulois dans l’armée, les volontiers pour les légions
étaient nombreux. Ils devenaient, en s’engageaient, citoyens romains. En quittant
l’armée, ils rentraient dans leur village où ils avaient le rang de notables. Ils
savaient le latin, disposaient de terres, de pensions, et jouissaient de la
considération générale.
Il faut dire que cette procédure d’assimilation ne s’exerçait qu’en profit de l’élite.
La route et le mortier romains devaient révolutionner les Gaules bien plus que les
lois de l’occupant. Le réseau serré des voies romaines est encore reconnaissable
dans l’actuel tracé des routes de France. Elles rayonnaient en Gaule autour de
Lyon, carrefour stratégique, lieu d’échéances entre les routes terrestres et les voies
fluviaux, plus que jamais utilisées par les Romains.
L’organisation des transports permettait le développement du commerce, qui
augmentait le niveau de vie des Gaulois, surtout des habitants des villes.
Le mortier romain allait permettre la construction de véritables villes, aux
monuments indestructibles. Grâce à la réussite matérielle, la Gaule avait de belles
villes à la romaine, avec de rues rectilignes, régulières, disposées autour du centre
de la cité, ou forum ; sur lui, vaste place rectangulaire, on construisait la basilique,
temple de la justice et des affaires, la curie, le temple à Rome et Auguste. Le forum
était bordé sur deux côtés par boutiques. C’était un lieu de rencontres et de
commerce. La ville avait une enceinte percée de portes monumentales. On a aussi
les aqueducs, les thermes, les amphithéâtres, les cirques…
Au 3ème siècle les Gaulois avaient oublié la guerre. Les Germains les remplaçaient
dans les légions. Et cependant deux dangers menaçaient le monde gaulois comme
l’Empire entier : le christianisme et les barbares.
Le monde romain avait trois adversaires : sa propre corruption et décadence ;
les barbares ; et finalement, il était menacé, de l’intérieur, par les chrétiens, qui
niaient toute divinité à l’empereur et prêchaient la révolte contre les « idoles ».
La doctrine nouvelle, venue d’Orient, avait gagné, assez lentement, la Gaule.
Pourtant, dès 177, une première communauté chrétienne existait à Lyon. Du même
que la civilisation romaine, le christianisme allait d’abord s’installer en gaule par les
villes.
Pour longtemps les empereurs ont martyrisé et persécuté les chrétiens.
Brusquement, Constantin s’est converti au christianisme. Les persécutions cessent
aussitôt. Le christianisme, devenu religion official, (« Sous ce signe tu vaincrais »)
était l’auxiliaire du pouvoir politique, les évêques sortaient de l’ombre et
s’installaient au cœur des cités. Mais restaient les campagnes. En vain les
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évangélisateurs comme Martin essayaient-ils de convertir les paysans des pagi.
Ceux-ci considéraient le christianisme comme une nouvelle religion de Rome, et ils
restaient fidèles à leurs dieux des sources et des champs : ils restaient « païens ».
En cinq cent ans, de 300 à 800, le nouveau roué de Barbares aboutit à la
création d’un empire franc, celui de Charlemagne, qui a fait apprendre le latin aux
écoliers et a tint à se faire couronner par le pape à Rome.
La paix de Constantin ne devait pas régner très longtemps sur la Gaule. Après sa
mort, ses fils Constantin II et Constant ont pu maintenir l’ordre jusqu'en 350.
Pendant cinquante ans encore, les frontières ont tenu tant bien que mal. Puis, en
406, une invasion massive a eu raison de toutes les défenses. La nuit du 31
décembre une concentration de Barbares jamais vue jusque-là s’est présentée sous
les remparts du Ximes : tous les peuples germaniques ont passé le Rhin, avec
femmes, enfants, troupeaux… C’était une véritable migration qui ne venait pas pour
piller : derrière eux, les cavaliers huns prenaient les récoltes et brûlaient les
villages : la Romania était envahie. Les seuls soldats dont disposait la Gaule étaient
tous des Barbares, qui n’ont opposé aucune résistance au passage des Germains.
En 451 Attila en personne a passait le Rhin à la tête d’une armée nombreuse. Il a
été vaincu par la coalition des Barbares de Gaule. Mais ceux-ci qui avaient repoussé
les Hunes n’avaient pas manqué de tirer eux-mêmes les bénéfices de leur action :
nulle autorité n’existait plus en Gaule. Les tribus de Francs avaient peu à peu
occupé le Nord de la Gaule, s’étaient emparé des terres et des villes. Il leur
manquait, pour être redoutables, de constituer un groupe uni, une sorte d’État.
Cette tâche est revenue à un jeune chef franc nommé Clovis, qui n’est guère connu
que par sa légende, rapporté par Grégoire de Tours plus de soixante-dix ans après
les événements.
La conversion de Clovis n’est pas douteuse, mais le mérite en revient peut-être
davantage à l’adresse du clergé gallo-romain et à son influence dans les cités, qu’à
l’inspiration divine sur le champ de bataille. On comprend que Grégoire de Tours et
les évêques aient voulu faire passer Clovis pour le nouveau Constantin. Sa
conversion était une œuvre politique préparée de longue main. Les autres rois
barbares qui occupaient le territoire étaient chrétiens, mais adeptes de la hérésie
appelé « arianisme ». il fallait aux évêques de Gaule un Barbare qui avait la vraie
fois. Remi, évêque de Reims, lui a donné le baptême le jour de Noël (496, 498,
506 ?). À sa mort, en 511, il avait recollé les trois morceaux de l’ancienne Gaule
chevelue : le franc, le burgonde et le gothique.
Mais Clovis avait bâti un royaume, pas un État. Le problème des descendants du
mythique Mérovée était la succession royale. Ses quatre fils se sont partagé ses
conquêtes, comme un butin.
Le roi « des Francs » a le sentiment d’appartenir à une famille royale d’origine
mythique, celle de Mérovée. Mais les fils de Mérovée sont de plus en plus
décadents. Le seul personnage qui prend de l’importance est le « majordome » ou
premier serviteur du roi. On l’appelle bientôt le « maire du Palais ».
Parmi eux, il faut souligner l’importance de Charles Martel, connu dans l’Histoire
pour avoir repoussé à Poitiers en 732 une armée berbère, et défendu ainsi
l’Occident chrétien contre l’Islam.
Son fils Pépin, dit le Bref, s’est fait sacrer comme roi par le pape lui-même.
Désormais le roi était protégé par le dieu des chrétiens : le sacre en faisait un
personnage inviolable. Sur des bases nouvelles, la dynastie des Carolingiens était
véritablement fondée.
Plus important est Charlemagne, fils de Pépin et grand-fils de Charles Martel.
Charlemagne, lui-même teuton, c’est-à-dire germanique, avait une foi profonde et
vivante : le Christianisme était pour lui le ciment de l’Europe nouvelle. Ancêtre des
Croisés, il mena sur toutes les frontières le combat de la catholicité. Alors, il se
trouve maître de toute l’Europe continentale, de l’Elbe à l’Èbre et de la mer du Nord
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à la Méditerranée. Il a établi dès 789 sa capitale à Aix-la-Chapelle, et il a paru, au
sacre de 800, comme le nouvel empereur de l’Occident.
Il faut remarquer que c’est hors de son règne que la légende du comte de la
Marche de Bretagne, le paladin Roland, est entrée dans l’Histoire. Roland a périt
dans une embuscade dressée par les Basques contre l’arrière-garde de
Charlemagne, qui rentrait en France provenant de l’Espagne, où il était allé pour
aider le gouverneur de Barcelone contre les Sarrazins.
Mais c’est lors des luttes entre les grand-fils de Charlemagne pour le territoire et
pour le prestige, qu’il est arrivé deux événements qui marquent la naissance de la
Nation Française.
En 842, le Serment de Strasbourg reconnaît la division du royaume franc en des
zones de langue romane et des zones de langue teutonique. En 843, par le Traité
de Verdun, les deux pays, la France et l’Allemagne, ont été séparés. Et entre eux, il
a été crée un territoire par le frère l’aîné Lothaire, Lotharingie (dont la Lorraine).
Ainsi, « la France », l’Allemagne et l’Italie allaient constituer des royaumes
définitivement distincts. Mais les rois étaient incapables de faire régner l’ordre dans
leurs royaumes. La défense du territoire s’organisait région par région.
Autour de l’an mil, la France était dominée par de puissants seigneurs, dont le
petit roi de l’Île-de-France n’égalait ni l’influence, ni le prestige, ni la richesse, ni la
force. Limité à son domaine amoindri, il disposait cependant d’un atout majeur,
dont il faisait bon usage : il était le seul qui détenait la puissance spirituelle que
conférait la cérémonie du sacre. Il n’était pas seulement l’héritier diminué de
Charlemagne : par le sacre, il descendait en droite ligne des Rois d’Israël. On peut
dire qu’à l’entreprise démesurée des Carolingiens, qui avaient par un moment
reconstitué l’Empire, se substituait la timide monarchie Capétienne, fondée par
Hugues Capet, un abbé laïc sacré roi à Reims en 987 (987-996), et réduite au bon
vouloir des ducs et comtes. Ainsi est né vraiment « l’Histoire de France ».
Pendant des règnes des premiers Capétiens, il faudrait remarquer la présence du
« Système Féodal » : le pouvoir appartenait aux seigneurs dominant les régions,
qui n’avaient avec le roi, le plus haut seigneur du royaume, que des liens assez
lâches. Les seigneurs devaient au roi service armé et fidélité dans des circonstances
exceptionnelles. Pour le reste du temps, ils étaient maîtres chez eux : ils pouvaient
battre monnaie, rendre la justice, lever impôts et hommes de guerre. Ils
défendaient la population rurale et lui offraient en cas de guerre le refuge du
château. Mais, en échange, la famille qui dominait la forteresse levait sur les
paysans les droits féodal et seigneurial. En marge de ces groupes, les gens d’Église,
du clergé séculier ou régulier, avaient droit à la protection des « chevaliers » sans
n’aucunement devoir leur verser l’impôt. La féodalité se trouvait ainsi reconstituée
en une sorte de pyramide, à la tête de laquelle se situait nominalement le roi de
France.
En 1066, un événement décisif dans l’Histoire de l’Europe eut lieu : la conquête
Normande de l’Angleterre. Les « hommes du Nord », les Vikings, s’étaient établis
sur la basse Seine un siècle auparavant et, étaient devenus chrétiens et des
seigneurs bien dotés en terres.
Guillaume, Duc de Normandie, vassal du roi de France, allait ainsi devenir son
rival : il serait bientôt, par la force des choses, d’abord roi d’Angleterre, puis duc de
Normandie.
Par exemple, un siècle plus tard, en 1180, la moitié du territoire français était
absorbé par un nouvel Empire, celui d’Henri Plantagenêt. Il avait hérité de l’Anjou
et de la Touraine, du Maine et de la Normandie. Il disposait des biens de sa femme,
Aliénor d’Aquitaine. Il avait été reconnu en Angleterre comme héritier du trône et
couronné roi Régnant jusqu’en 1189, Henri II dominait toute la moitié ouest de la
France.
L’existence, face au règne des Capétiens de cette puissance dix ou quinze fois
plus forte en extension et en ressources, a annoncé un conflit. Mais Philippe II, roi
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de France, a réussi à s’en sortir. Il s’est été d’abord servi, dans sa tâche, de la
rivalité entre Henri II Plantagenêt et son fils Richard, dit « Cœur-de-Lion », et
après, quand Richard était déjà le roi, le Capétien s’est entendu avec son frère,
Jean, pendant que Richard était en captivité par l’empereur d’Allemagne, après
l’échec de la Troisième Croisade.
Après beaucoup de batailles, en 1206, Jean sans Terre, roi d’Angleterre, signait
une trêve dont le résultat était qu’il ne gardait en France que la Guyenne. Le duel
entre Philippe Auguste et Jean devait trouver son dénouement définitif quelques
années plus tard, en 1214. La bataille entre les alliés de Jean et Philippe à Bouvines
a été une victoire pour le Capétien ; et il a même songé à se faire couronner roi
d’Angleterre ; mais le roi serait Henri III, fils de Jean, grâce à l’intervention du Pape
Innocent III.
Dans le domaine économique, la monarchie a multiplié les privilèges en faveur
des marchands et des bourgeois. Le développement du commerce international
encourageait le mouvement d’urbanisation le long des grands axes : la route de
paris vers les Flandres d’une part, les routes du Midi convergeant vers paris, d’autre
part. Le territoire français permettait ainsi la liaison des Flandres à l’Italie, et
devenait une succession de lieux d’échanges.
À la campagne, l’abondance des signes monétaires venus d’orient et du monde
musulman provoquaient un renchérissement de tous les prix, notamment des prix
agricoles, et une dépréciation des rentes en argent payées par les paysans à leurs
seigneurs. Dès lors que ceux-ci avaient besoin de l’argent pour subvenir à leurs
nécessités, ils avaient plus que jamais tendance à convertir en nouvelles rentes en
argent les anciennes redevances en nature. Ainsi, certains d’entre les paysans
parvenaient déjà à « mettre de l’argent de côté ». Le roi encourageait dans leur
effort comme il encourageait les bourgeois des villes désireux de s’affranchir de la
tutelle des seigneurs : ainsi la monarchie s’affirmait-elle en face du monde féodal
qui l’avait longtemps étouffée.
On peut dire que dans le Moyen Âge français, le XIIIème siècle est une époque
de grande et générale prospérité. Prospérité des campagnes, avec la diffusion plus
profonde de la rotation triennale, l’amélioration progressive des races d’animaux
domestiques et, surtout, poursuite de la croissance démographique, qui est le
facteur le plus actif de la tendance favorable. Mais le trait nouveau, qui s’accuse à
partir de 1180, c’est le progrès ininterrompu de la circulation, des échanges, et de
l’épanouissement des villes.
Depuis le milieu du XIIème siècle, les pays français profitent pleinement de
l’essor du commerce européen, préparé cent ans plus tôt par les offensives contre
l’Islam (ouverture du détroit de Messine par la reconquête de la Sicile,
développement de l’activité navale dans le cités maritimes italiennes, construction
de ces grandes flottilles qui, destinés à transporter les croisés en Terre Sainte, ont
reçu de cargaisons de marchandises), favorisé ensuite par l’intégration progressive
dans l’économie d’échange des pays du Nord, Angleterre émergeant peu à peu de
la sauvagerie rustique, rivages de la Baltique colonisés par les paysans et les
négociants d’Allemagne. La France est ainsi devenue le carrefour central d’un vaste
réseau de circulation marchande, dont les nœuds sont à Bruges, centre do
commerce nordique ; à Gênes, à Pise, à Venise, dans les cités de la plaine du Pô,
relais du trafic de denrées orientales, et dont les postes avancés sont Novgorod,
Alexandrie, les cités caravanières de la Syrie et du fond de la mer Noire. Cette
prospérité s’explique par l’acarne constante de produits de luxe, de ces objets qui
ne sont pas fabriqués à la maison et dont l’usage est entré dans les habitudes.
À l’intérieur du pays, les successeurs de Philippe allaient continuer ses succès.
Philippe mort, Louis VIII aborde un autre monde, les pays de Toulouse et de
Carcassonne (le pays de « Languedoc »), y reprend en main la lutte que des barons
d’Île-de-France menaient depuis quelques années contre une noblesse contaminée
par l’hérésie cathare. Il meure en ces confins méditerranéens à cause des fièvres.
Le nouveau roi, après une régente, sera un saint, Louis IX, dont la manière de
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gouverner est encore singulièrement primitive. Son règne c’est surtout le règlement
de la vieille querelle avec le roi d’Angleterre. Mais Saint Louis, premier souverain
d’Occident, arbitre de toutes discordes, martyr du Christ en croisade et tenu pour
un saint bien avant sa mort, fait pénétrer d’un seul coup, jusqu’au plus épais des
consciences paysannes, la vénération de la dignité royale.
Jusqu’à lui-même, l’autorité est exclusivement personnelle et le roi est tout. Le
ressort de l’expansion se détend dès qu’il est en voyage, ou trop vieux ou malade.
À la fin du XIIIème siècle, la féodalité politique est morte, et on arrive à la
formation d’un nouveau groupe social, celui des auxiliaires du pouvoir.
Au service du roi et des grands seigneurs, ils sont déjà nombreux à la fin du
siècle. Ils sont recrutés dans tous les milieux, parmi les clercs, parmi eux, encore
rares, qui sont allés en Italie, recrutés ainsi dans la haute classe bourgeoise et dans
la petite chevalerie. Mais ils sont tous rapprochés par des manières de penser et un
comportement communs : ils doivent tout au prince, leur fortune est étroitement à
la sienne. Ainsi, ce sont les officiers du roi de France, beaucoup plus que le roi luimême, par leurs initiatives, par leur astuce, leurs empiètements, ont étendu si
rapidement le domaine. C’est par eux que l’idée de la supériorité royale se propage
lentement dans les consciences les plus ouvertes.
Économiques ou politiques, les lignes de force du XIIIème siècle convergent vers
le centre du Bassin Parisien. Paris est la seule grande ville au nord des Alpes, sa
prédominance vient de l’effacement de la France méridionale, qui avait été le
berceau de la civilisation romane. Elle, Paris, a une triple fonction : capitale (la
première capitale où se soit en Europe fixé le centre d’un État) ; foyer économique
(développement de la circulation sur la Seine, en liaison avec l’essor des foires de
Champagne) ; et carrefour intellectuel (le succès des maîtres dont l’enseignement
attire des foules d’auditeurs).
Il faut parler un peu de l’Université de Paris. Dès la fin du XIIème siècle, les
étudiants y venus depuis partout son tellement nombreux qu’ils ont crée de graves
problèmes d’adaptation. En plus, pour leur service, et en étroite communauté
d’intérêts avec eux, s’est rassemblée autour d’eux toute une population laïque de
logeurs, de fabricants d’encre et de livres, de parcheminiers, etc. Des
établissements de secours ont été crées sur le modèle des hospices offerts aux
pèlerins sur les routes. Des collèges ont été fondés, dont celui d’un ami de Saint
Louis, Robert de Sorbon. Tout devient en « associations » de maîtres et étudiants,
très semblables à ces de paix ou professionnelles des villes, qui déboucle sur une
conjonction que l’n appelle après 1208, Université. Elle va gagner progressivement
sa reconnaissance officielle et, à la fin, l’immunité judiciaire. Quatre groupements
particuliers d’entraide se sont formés : les « nations » de France, de Picardie, de
Normandie et d’Angleterre. En même temps se sont séparées les quatre branches
d’enseignement qui, depuis 1219, sont appelées « facultés » : celle des « arts »
(préparatoire), ces du droit et de la médecine (fort peu développées), et celle de la
théologie, reine des études.
Jusqu’ici, une première époque du Moyen Âge, dont les racines plongent dans les
temps carolingiens. Dans la seconde époque, va se produire un changement
d’attitude à l’égard de la connaissance ; une nouvelle conception du pouvoir
politique ; et un complet renversement des conditions économiques.
En ce qui concerne au premier aspect, la transformation n’affect qu’un milieu
très restreint, celui des intellectuels. Mais ce sont eux qui disposent les façons de
raisonner et de sentir des générations ultérieures, et pour cela, ce changement
d’abord limité à l’École, engage tout l’avenir. On étudie l’œuvre d’Aristote, surtout à
travers son commentateur musulman le plus hardi, Averroès. Mais les averroïstes
seront condamnés en 1270, ainsi que la doctrine de Thomas d’Aquin. La raison c’est
la conclusion à laquelle ils étaient parvenus : ce n’est pas par l’intelligence que l’on
peut parvenir à Dieu, mais par la volonté animée par l’amour. Elle sépare
définitivement l’attitude religieuse et la démarche rationnelle. C’est une époque
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ainsi où s’affirme vraiment l’influence des Franciscains et des Dominicains sur le
comportement religieux des masses urbaines, ce qui contribue à accentuer
l’opposition croissante entre la civilisation citadine et celle des champs.
D’autre part, l’Administration royale s’est tellement étendue, qu’en temps de
Philippe Le Bel, petit-fils de Saint Louis, on ne sait plus avec certitude si le roi est
responsable de tous les actes de son règne, et dont l’action personnelle a
commencé à être éclipsée par celle de ses principaux conseillers. En plus, les
dépenses militaires vont augmenter considérablement, dès que les rois, depuis le
XII siècle, employaient des mercenaires, spécialistes des armes modernes et
travailleurs consciencieux : l’adaptation de l’armée à la guerre nouvelle nécessite le
brusque élargissement des finances royales.
Finalement, dans les décennies qui encadrent l’an 1300 se produit un
renversement complet de la conjoncture économique. L’ample mouvement
d’expansion qui avait répandu depuis trois siècles la prospérité dans les pays
français et qui avait soutenu un progrès sans rupture, ralentie vers 1270, puis
s’arrête. Trois calamités surgissent : la famine, la peste, la guerre.
La France au début du XIV siècle était un pays surpeuplé, environ quinze millions
d’habitants. La population s’était accrue plus que la production agricole. Mais cet
élément a été entretenu et aggravé par un second facteur : la guerre. Les
campagnes que a menés Philippe Le Bel en Guyenne et en Flandre n’étaient que le
prélude à la guerre contre le roi d’Angleterre, officiellement ouverte en 1337 en
prolongée jusqu’en 1453, la Guerre de Cent Ans.
Avec la mort du dernier fils de Philippe Le Bel s’éteint en 1328 la dynastie des
Capétiens. La couronne revient à Philippe de Valois (Philippe VI), mais le roi
d’Angleterre, Édouard III (fils de la fille de Philippe Le Bel), se pose en prétendant
au trône de France, d’où va naître la guerre.
La lutte à commencé en 1337, mais l’armée française, montée à cheval et
alourdie par le poids d’antiques armures, comme à l’époque des combats singuliers,
n’a pas sue s’adapter aux nouvelles méthodes des Anglais. Ceux-ci, habitués à
combattre à pied contre les Gallois et les Écossais, sont passés maîtres dans le
maniement de l’arc et l’utilisent les premières bombardes dont le bruie effraie les
cheveux. Les Français sont vaincus à Crécy. Les Anglais mettent le siège devant
Calais, qui capitule après onze mois de siège. Poitiers (1356) a été une nouvelle
défaite, où le roi Jean Le Bon a été fait prisonnier. Le traité de Brétigny (1360) a
apporté une trêve : toute la France de l’Ouest était aux mains des Anglais.
À la guerre contre les Anglais s’est ajoutée la menace d’une guerre civile, avec la
tentative d’Etienne Marcel. D’autre part, une foudroyante épidémie de peste a
décimé, de 1347 à 1349, le tiers de la population. Il en est résulté une manque de
main d’œuvre, un appauvrissement des terres, la multiplication des pillards, des
bandits, des hors-la-loi : les paysans (appelés les Jacques par les nobles) se sont
révoltés, en pillant les châteaux, en massacrant les habitants.les mercenaires,
libérés depuis la bataille de Poitiers, se sont groupés en Grandes Compagnies, qui
se sont livrées au brigandage. L’insécurité régnait dans les campagnes, comme
dans les villes.
Il faudra à Charles V l’aide d’un simple gentilhomme breton, vaillant homme de
guerre, Bertrand Du Guesclin, pour éliminer les Grandes Compagnies et pour
reprendre aux Anglais les terres qu’ils avaient conquises.
Telle est la première phase de la Guerre de Cent Ans. La France en sortait
victorieuse mais épuisée.
Profitant de l’appauvrissement du royaume, de la folie du roi Charles VI, et des
rivalités entre Armagnacs et Bourguignons, les Anglais allaient envahir la France
une autre fois et conquérir tous les pays au nord de la Loire. La bataille d’Azincourt
(1415) et le traité de Troyes (1420) sont un désastre pour la France : la reine
Isabeau de Bavière reconnaissait le roi d’Angleterre comme l’héritier du trône de
France. À la mort de Charles VI, son fils a pris pourtant le nom de Charles VII
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(1422), mais son autorité était faible. Il a fallu l’énergie d’une bergère Lorraine de
seize ans, Jeanne d’Arc, pour regrouper les courages. Persuadée qu’elle était
« envoyée par Dieu », pour « bouter les Anglais hors de France », elle est entrée
dans Orléans, dont les Anglais avaient abandonné le siège, puis a mené sacrer
Charles VII à Reims (17 juillet 1429).
Jeanne d’Arc comptait reprendre le combat le lendemain, mais le roi a fait battre
l’armée en retraite. Quelques mois plus tard, en mai 1430, Jeanne est tombée aux
mains des Bourguignons, qui l’ont livrée aux Anglais. Ceux-ci l’ont faite juger par
un tribunal ecclésiastique, qui l’a déclarée hérétique, et « envoyée du Diable ».
Jeanne d’Arc a été brûlée vive, comme sorcière, à Rouen en 1431. Pourtant,
l’opinion populaire n’a pas attendu son procès de réhabilitation (1456) pour lui
vouer son admiration : elle est restée, jusqu’à nos jours, la plus célèbre des
héroïnes françaises.
Le mouvement d’enthousiasme qu’avait su créer cette jeune bergère est allé en
grandissant et, en 1453, les Anglais étaient chassés de la France (ils ne gardaient
que Calais), la Guerre de Cent Ans prenait fin, faute de combattants. Mais, après
cette longue lutte, la France offrait l’image de la dévastation.
En outre, il appartenait à Louis XI (1461 – 1483) de triompher du duché de
Bourgogne, seul grand fief féodal qui pouvait encore porter ombrage au pouvoir
royal. Ce roi était implacable avec ceux qui s’opposaient à son pouvoir. Mais il était
aussi habile et calculateur, politique avisé et, à la guerre, il a préféré les intrigues
diplomatiques.
À la mort de Louis XI, la féodalité était vaincue, au profit du roi. L’unité de la
France était faite.
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colegio NUESTRA SRA. DEL PILAR – MADRID
Javier Plasencia
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