2. Les quatre principes de la finance durable
1/ La finance durable est basée sur des approches financières nouvelles et des comportements individuels
nouveaux.
En plantant le décor dans lequel s’inscrit la problématique de la finance durable, Michel Henry Bouchet montre
que l’hyperfinance constitue un véritable défi à la régulation globale. L’auteur suggère que puisque derrière les
transactions sur les marchés il y a des instincts grégaires souvent irrationnels, il faut une nouvelle surveillance et
une nouvelle régulation des marchés pour prévenir des comportements spéculatifs, sources de volatilité
déstabilisatrice, d’aléa moral et de crise. La priorité doit alors être donnée à une coordination internationale des
institutions de surveillance et de régulation et à des normes le plus largement acceptées afin de minimiser
l’arbitrage réglementaire et les distorsions de concurrence. Mais, aujourd’hui, le caractère « vif-argent » des
marchés financiers globalisés et leur propension à muter sont tels que le régulateur est condamné à être en retard
d’une crise. La crise financière globale a ainsi mis en lumière l’inertie des institutions de surveillance, qui ne
prennent la mesure de l’imminence d’une crise que lorsque la contagion des risques de liquidité se transforme en
risque d’insolvabilité. Le transfert des risques de crédit sous-jacent allège les bilans bancaires et augmente la
liquidité des instruments financiers tout en fragmentant les risques. Il importe donc d’envisager des mesures
nouvelles visant à réformer en profondeur la gouvernance financière et à redonner aux banques leur rôle de
soutien de l’économie réelle, de l’emploi et de l’innovation technologique.
En rapprochant l’éthique et la finance Frédéric Lobez cherche les fondements d’une séparation entre la façon
dont a été pensée la finance, tant dans ses concepts théoriques que dans sa capacité descriptive, et l’éthique.
Cette séparation appauvrissante naît d’une conception étroite de la rationalité en finance se traduisant par la
diffusion d’un modèle utilitariste, qui certes a été fécond dans ses conclusions théoriques et sa capacité
explicative, mais qui se révèle aujourd’hui inadapté à la représentation de problématiques émergentes sous-
tendues par des comportements individuels nouveaux. Au-delà de cette approche critique, il s’agit aussi de
suggérer que de nouvelles perspectives théoriques sont pertinentes pour compléter l’analyse scientifique des
pratiques et de la sphère financière. En particulier, les questions de régulation ne peuvent être uniquement
pensées en référence à la posture utilitariste. Il convient entre autres de mobiliser la perspective des capabilités
développée par Sen dans le cadre des théories de la justice.
Michel Félix et Christophe Sempels envisagent une nouvelle relation entre les banques et leurs clients à propos
des valeurs d’usage qu’elles proposent. Ils cherchent à définir dans quel contexte stratégique et avec quels effets
sur les attitudes des clients, ces valeurs d’usage issues des modèles économiques classiques ont pris place sur le
marché bancaire. Elles désignent classiquement la façon dont un client convertit un bien (prêt ou emprunt par
exemple) en utilité dont il cherche la maximisation. Il développe en cela un comportement de rationalité
économique essentiellement préoccupé par son intérêt personnel, par sa propre fonction d’utilité selon son
aversion au risque. Il s’agit concrètement, par exemple, des offres financières sur une tarification ou une
intermédiation particulièrement avantageuses. Presque toutes sont d’inspiration utilitariste et sont loin, à ce titre,
d’épuiser toutes les valeurs d’usage que, la crise aidant, les particuliers recherchent. Les auteurs montrent
comment la perception des valeurs d’usage par les clients a évolué et invite, dans un contexte de crise financière,
à repenser les pratiques bancaires et l’usage même qu’elles font de l’argent. Ils proposent un nouveau cadre de
réflexion permettant de repenser la relation commerciale bancaire sur une alternative consistante et durable. Ils
montrent, au plan conceptuel et pratique, la richesse d’une réinvention possible et durable des relations entre les
banques et leurs clients particuliers ou professionnels quand on les fonde sur la notion de co-création de valeurs
d’usage.
2/ La finance durable sert à financer la croissance soutenable au moyen d’intermédiaires financiers durables
qui sont des entreprises solides, avec des services stables, conscientes de leurs responsabilités à l’égard de la
société et qui inscrivent leur action dans le temps par des financements de long terme.
Selon Michel Aglietta lorsqu’on évoque la finance durable, on pense spontanément à une autre finance, aux
marges de la finance globalisée qui donne l’impulsion au capitalisme. Il propose une manière différente de voir
les choses et en particulier concernant le financement de la croissance soutenable. Sa vision procède d’une
approche macroéconomique. Le régime de croissance fondée sur la surconsommation occidentale, financée par
la fuite dans l’endettement débridé et combinée à la dépendance excessive de la croissance émergente vis-à-vis