1.3. CRITIQUES 3
s’apprête à abandonner le corps à la mort. Dans Éthique
à Eudème, il fait remonter le succès dans la divination
à une source irrationnelle « supérieure à l'esprit et à la
délibération »; il associe la capacité de l'esprit à faire des
rêves véridiques au tempérament mélancolique (124a38).
Dans sa Poétique (145b5) il tient la divination pour un don
des dieux. Dans son dernier essai sur le paranormal, De
la divination par les songes (464a), Aristote avance une
théorie non atomiste, celle de stimuli externes transmis
par des ondes, théorie fondée sur une analogie avec les
perturbations qui se propagent dans l'eau ou dans l'air.
Les stoïciens défendent le panpsychisme. Le monde est
un mélange total (krâsis di'holôn) d'un principe pas-
sif et d'un principe actif, tous deux corporels. Le prin-
cipe actif est souffle, esprit (pneûma), cause, dieu, rai-
son (logos), destin. Les stoïciens développent la théorie
des sympathies et du destin. Poseidonios mêle les théo-
ries : innéisme, animisme, providentialisme. « Posidonius
est d'avis que les hommes rêvent sous l'action des dieux
de trois manières. D'une part, l'âme prophétise d'elle-
même du fait de ses affinités avec les dieux. De plus, l'air
est plein d'âmes immortelles, sur lesquelles apparaissent
comme de claires empreintes de la vérité. Enfin, les dieux
s’entretiennent eux-mêmes avec le mortel endormi. » (Ci-
céron, De la divination, I, 59). Plutarque, examinant le
« démon » de Socrate[6], émet l'hypothèse que les êtres
spirituels, quand ils pensent, provoquent des vibrations
dans l'air qui permettent à d'autres êtres spirituels, ain-
si qu'à certains êtres doués d'une sensibilité hors du com-
mun, d'appréhender leurs pensées. Plotin reprend la théo-
rie des sympathies, sans le matérialisme stoïcien[7]. Du-
rant le Moyen Âge chrétien, le paranormal est lié aux dé-
mons, au diable. Dès 150, saint Justin attribue la magie
et la divination aux démons (Apologies, I, 5). Paracelse
avance des hypothèses multiples et embrouillées, dont
celle de « lumière astrale ». Franz-Anton Mesmer, en
1779, développe la théorie du magnétisme animal. Il exis-
terait « une influence mutuelle entre les corps célestes, la
terre et les corps animés ».
Une fameuse querelle, en 1884, oppose deux méde-
cins, Jean Martin Charcot, professeur à la Salpêtrière
de Paris, à Hippolyte Bernheim, de Nancy. Charcot ad-
met l'hypnotisme. Bernheim tient l'hypnotisme pour une
simple suggestion acceptée par le cerveau. Un grand
théoricien paraît avec Frédéric W. H. Myers, auteur de
La Personnalité humaine (1903, trad. abrégée 1905). Il
émet l'opinion qu'un courant de conscience roule au-
dedans de nous, au-dessous du seuil de la vie ordinaire,
et que cette conscience embrasse des pouvoirs inconnus,
dont les phénomènes hypnotiques nous offrent un pre-
mier exemple. Avec Allan Kardec, le spiritisme propose
sa propre conception du paranormal, centrée sur les es-
prits des défunts. Le livre des esprits date de 1857. La
métapsychique commence avec William Crookes, prix
Nobel de chimie 1907. On lui doit Experimental inves-
tigations on psychic force (1871), trad. : Recherches sur
les phénomènes du spiritualisme (1878). Le 20 février
1882 est fondée la Society for Psychical Research, avec F.
Myers, C. C. Massey, le philosophe Henry Sidgwick. La
parapsychologie naît en 1934 avec Joseph Banks Rhine,
et une méthode expérimentale plus rigoureuse. Rhine
crée l'expression « perception extra-sensorielle ».
Plusieurs savants, dont Olivier Costa de Beauregard lors
du fameux colloque Science et conscience à Cordoue en
1979, cherchent du côté de la physique quantique. Ils re-
tiennent du quantisme son indéterminisme, l'interaction
entre observateur et observé (relations d'incertitude de
Heisenberg), le paradoxe EPR (Einstein, Podolski, Ro-
sen, 1935). Selon Rupert Sheldrake, l’esprit ne s’identifie
pas avec le cerveau, mais s’étend au-delà de l’organe phy-
sique sous la forme d’un champ de perception produit par
l’activité cérébrale. L’esprit est enraciné dans le cerveau
mais n’y reste pas confiné et constitue un champ sensible
qui interagit avec l’environnement. S’il en est ainsi, l’ob-
jet vu ne peut manquer d’être influencé par cette obser-
vation, ce qui est effectivement vérifié par l’expérience.
Or, il s’agit là, d’une forme de communication, habituel-
lement qualifiée par Joseph Rhine d’« extrasensorielle »
(1934). Les expériences présentées par R. Sheldrake dans
son dernier livre Le Septième Sens (2006) confirmeraient
que l’homme est capable de percevoir le « poids » d’un
regard dirigé sur lui, même à travers une vitre, dans le re-
flet d’un miroir ou par l’intermédiaire d’un circuit vidéo.
Il rapproche le concept de télépathie des mouvements de
groupes d’animaux (bancs de poissons ou vols d’oiseaux).
Sheldrake pense que ces groupes baignent dans un même
champ de conscience, selon le modèle morphogénétique,
qui les unit par ce même type de sensibilité qui nous fait
percevoir le regard d’autrui pose sur nous.
Pour les Témoins de Jéhovah, les phénomènes paranor-
maux sont liés à Satan et ses démons[réf. souhaitée].
1.3 Critiques
Selon d'autres, le paranormal ne serait qu'une affaire
de charlatans et les études confirmant l'existence de ces
phénomènes relèveraient de la pseudo-science. Ainsi, le
scepticisme, et sa version francophone la zététique, est un
mouvement qui étudie les phénomènes réputés paranor-
maux par une approche scientifique dans le but de « faire
avancer la science ou reculer le charlatanisme ». Aucun
prétendu détenteur de pouvoirs paranormaux n'a pu rem-
porter le défi zététique international. En effet à ce jour, il
n'a jamais pu être démontré qu'il existait une autre réali-
té. Faute de preuve décisive et scientifique, la croyance en
l'existence de phénomènes paranormaux, c'est-à-dire ou-
trepassant les lois de la physique et de la nature, demeure
toujours irrationnelle.