Camarade Bourgeois
C’est vrai qu’on l’a gonflé avec cette question. Qu’est-ce
que c’est que ce mec qui chante la zone, les anars, la ban-
lieue et le baston alors que c’est qu’un sale petit bour-
geois poil au doigt ? Sans déc’ !
Il naît le 11 mai 1952 à Paris dans une famille d’une belle
mixité prolo-bourgeoise. Papa, Olivier Séchan, est prof
d’allemand, écrivain, traducteur. Grand-père, Louis
Séchan, est prof de grec à la Sorbonne et sa propre mère
(l’arrière grand-mère de Renaud donc, essaie de suivre)
était une poétesse appréciée par Arthur Rimbaud. Tonton
Edmond Séchan bricole dans le cinéma comme chef opé-
rateur pour Albert Lamorisse, Jacques Becker, Mocky, de
Broca, Verneuil, etc (Renaud fait sa première figuration
à 3 ou 4 ans dans “Le Ballon Rouge” de Lamorisse)...
Maman Solange - elle lui avait déjà donné deux sœurs et
un frère aîné (Thierry) en plus du jumeau David avec qui
il partage la poche marsupiale - vient du nord où son père
Oscar était mineur et gauchiste. Si papa lui fait découvrir
le piano, les classiques et Brassens, Renaud retient de
maman l’accordéon et les chansons réalistes de Damia,
Fréhel ou Maurice Chevalier. Il restituera plus tard ce
cocktail d’influences en de nombreuses chansons (dont
Oscar) voire en des albums entiers (Le P’tit Bal Du
Samedi Soir en 1981, Chante Brassens en 1995).
Etudes primaires sans problème, mais de la 6ème à la 3ème
(qu’il redouble) sa scolarité est médiocre. Après s’être
fait viré du lycée, il entame une seconde à Claude Ber-
nard qu’il ne poursuit pas, les études courant manifeste-
ment plus vite que lui. En fait les événements parisiens
sont une habile diversion : le jour de ses 16 ans, c’est la
fête au Boul’Mich’, feu d’artifice, bagnoles sur le toit,
lacrymo à discrétion, lancer de pavés à volonté, barri-
cades à prix discount, surboum à Paname ! happy birth-
day Renaud ! Bloquées par les grèves, les antennes dif-
fusent en boucle une bande-son à l’hyper-réalisme sai-
sissant : un Julien frisé chevrote “J’abolirai l’ennui”, un
Gérard maussade annonce “Animal on est mal” et un
play-boy sur le retour se réjouit que “Paris s’éveille” !
Renaud ne retiendra pas grand chose de ces artistes, et
pas plus de Ferré auquel le côté anar devait pourtant le
raprocher. Non, ses idoles de toujours sont Brassens,
Dylan et Hugues Aufray ! En vérité, il découvre le
second grâce aux adaptations du troisième....
Moins par opportunisme que par réelle conviction (quoi-
qu’en ait dit la presse dans les années 80), Renaud suit
ses copains à La Sorbonne qu’il occupe durant plusieurs
semaines. Il y rencontre le chanteur Evariste qui l’on
doit l’innénarrable Connais-tu l’animal qui inventa le
Calcul Intégral ?), et décide d’écrire sa première chan-
son, Crève Salope (la “salope” n’étant autre que la
société), qui fait rapidement le tour des amphis en révol-
te. Ecrire des chansons ne lui paraît pas si difficile, il en
fera donc d’autres, même s’il n’imagine pas un instant
l’enregistrement d’un disque (seulement 7 ans plus tard)
où l’on trouvera notamment Société Tu M’Auras Pas....
Renaud-Gavroche, Renaud-loubard, Renaud-provoc, Renaud-démago, Renaud-
socialo, Renaud-marin-d’eau-douce, Renaud-pochtron, Renaud-has-been, Renaud-
phénix, bref, Renaud-le-râleur - déclinaison logique du verbe “renauder” - donc bien
français, avec toutes les sautes d’humeur, les contradictions, l’épicurisme, l’auto-déri-
sion et les calembours à trois balles qui sont la force des gens de l’Hexagone...
Victime de ce malentendu organisé, Renaud subira les foudres des plumitifs refoulés
de tout bord durant une dizaine d’années. De quoi faire un article rien que sur le sujet !
Mais à plus de trente ans de carrière, l’auteur Renaud, chanteur énervant, mérite bien
aujourd’hui ce retour à l’essentiel. “Laisse béton, j’démystifie”...
Détournant le slogan de son homonyme “créateur d’automobiles” (ils font quoi les
concurrents, des mobylettes ?), nous déclarons solennellement que le répertoire de
Renaud reste l’un des rares à ne proposer que...
VINYL
n°51 • Mars - Avril 2006
20
des chansons à vivre
RENAUD
David, Renaud, Thierry, Nelly, Christine et maman Solange vers 1955.
Sophie n’est pas sur la photo car pas encore conçue ! (ph. Olivier Séchan)
(première partie POLYDOR 1975
-
1983)
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